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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage aux victimes de l'attaque terroriste du Hamas contre Israël

Hommage à Victoire Jasmin, ancienne sénatrice

Questions d'actualité

Israël (I)

M. Patrick Kanner

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie

M. Robert Wienie Xowie

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Israël (II)

M. Hervé Marseille

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Israël (III)

M. Guillaume Gontard

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Israël (IV)

M. Roger Karoutchi

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Israël (V)

M. François Patriat

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Israël (VI)

M. Claude Malhuret

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Israël (VII)

Mme Maryse Carrère

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Haut-Karabagh (I)

M. Bruno Retailleau

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Haut-Karabagh (II)

M. Gilbert-Luc Devinaz

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Crise du logement

M. Marc-Philippe Daubresse

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement

Haut-Karabagh (III)

M. Stéphane Demilly

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Revendications des greffiers

Mme Christine Bonfanti-Dossat

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Rentrée scolaire

Mme Colombe Brossel

M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Prélèvements Agirc-Arrco

Mme Vivette Lopez

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

Politique familiale

Mme Marie-Do Aeschlimann

Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles

Conséquences en France du conflit en Israël

M. Stéphane Ravier

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Avis sur une nomination

Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027- Ouverture, modernisation et responsabilité du corps judiciaire (Conclusions des CMP)

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat de la CMP

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Discussion du texte du projet de loi élaboré par la CMP

ARTICLE 3

ARTICLE 3 BIS AAE

ARTICLE 5

ARTICLE 6

ARTICLE 13

ARTICLE 26 BIS

ARTICLE 27

ARTICLE 29

Discussion du texte du projet de loi organique élaboré par la CMP

ARTICLE 1er

ARTICLE 5

ARTICLE 7

Vote sur l'ensemble

M. Guy Benarroche

Mme Cécile Cukierman

Mme Nathalie Delattre

Mme Patricia Schillinger

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

Mme Catherine Di Folco

M. Christopher Szczurek

M. Dany Wattebled

Mme Dominique Vérien

Industrie verte (Conclusions de la CMP)

Mme Dominique Estrosi Sassone, au nom de la CMP

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 14

ARTICLE 17

Vote sur l'ensemble

M. Fabien Gay

Mme Nathalie Delattre

M. Didier Rambaud

M. Franck Montaugé

M. Fabien Genet

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Patrick Chauvet

M. Daniel Salmon

Augmentation de la taxe foncière

M. Pascal Savoldelli, pour le groupe CRCE-Kanaky

M. Christian Bilhac

M. Didier Rambaud

M. Thierry Cozic

M. Stéphane Sautarel

M. Pierre Jean Rochette

M. Bernard Delcros

Mme Ghislaine Senée

M. Éric Bocquet

Mme Isabelle Briquet

M. Jean-Raymond Hugonet

Mme Sylvie Vermeillet

M. Marc Laménie

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics

Mme Cécile Cukierman, pour le groupe CRCE-Kanaky

Conseil européen des 26 et 27 octobre 2023

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe

M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

M. Georges Patient

Mme Florence Blatrix Contat

M. Pascal Allizard

M. Pierre Médevielle

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Jacques Fernique

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Ahmed Laouedj

Mme Karine Daniel

M. André Reichardt

Mme Brigitte Devésa

M. Cyril Pellevat

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

Ordre du jour du jeudi 12 octobre 2023




SÉANCE

du mercredi 11 octobre 2023

5e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Nicole Bonnefoy.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Hommage aux victimes de l'attaque terroriste du Hamas contre Israël

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent.) Le 7 octobre au matin, le Hamas a déclenché une opération terroriste de grande ampleur sur le sol israélien, semant la désolation et la mort et engendrant un climat de terreur qui n'a d'égal que la cruauté dont les terroristes islamistes ont fait preuve à l'égard des victimes.

Pour Israël et les démocraties, à n'en pas douter, il y aura un avant et un après 7 octobre 2023, comme il y eut un avant et un après 11 septembre 2001 et un avant et un après la terrible année 2015 dans notre pays.

Rappelons-nous : pour nous, Français, le massacre du Bataclan trouve un écho singulier dans le massacre de jeunes Israéliens que la musique avait réunis.

Rappelons-nous : les rues de Paris parcourues par les terroristes s'apparentent étrangement aux rues et routes des villes et de certains kibboutz, aujourd'hui plongés dans un deuil profond.

Rappelons-nous : partout des assassinats, des otages et l'odieux chantage qui pèse sur leur vie.

Mais, en Israël, c'est toute une armée terroriste qui a déferlé, puissante, organisée et soutenue par des pays étrangers, donnant à cette attaque une ampleur inédite. Les massacres commis dans les kibboutz de Beeri et Kfar Aza ont un nom : des crimes contre l'humanité.

Rappelons-nous : en 2015, l'État d'Israël était au premier rang des soutiens apportés à la France. Le président de la Knesset m'avait écrit : « La France blessée fait saigner le coeur d'Israël. » Puisse la France être, aujourd'hui, la plus fervente aux côtés des Israéliens.

En cet instant, il convient de penser aux victimes israéliennes et à celles d'autres nationalités, notamment à nos compatriotes, à leurs familles et à leurs proches, à ceux qui sont portés disparus ou qui, enlevés, ont été violentés et pris en otage. Nous exigeons la libération immédiate et sans condition de tous les otages. Ceux qui les détiennent seront tenus responsables de leur vie.

Mes chers collègues, j'ai exprimé en votre nom à tous - oui, à tous - la solidarité du Sénat, en écrivant au président de l'État d'Israël, M. Herzog, et au président de la Knesset, M. Ohana.

Je souhaite que, d'un seul mouvement, nous manifestions ensemble notre détermination à nous tenir auprès du peuple d'Israël, meurtri, traumatisé, affaibli peut-être, mais valeureux, portant haut des valeurs qui sont les nôtres, celles de la démocratie parlementaire et de la liberté - un peuple, en un mot, inébranlable.

Je vous invite à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Alors que des attaques terroristes effroyables ont touché l'État d'Israël, au nom du Gouvernement, je redis solennellement ma solidarité et mon soutien au peuple israélien. Chaque jour, nous découvrons de nouvelles horreurs commises par les terroristes du Hamas. Chaque jour, le bilan s'alourdit.

Rien, jamais, ne peut justifier le terrorisme. Je pense aux victimes et exprime la compassion de la France à leurs familles et à leurs proches. J'ai une pensée particulière pour nos dix ressortissants décédés et les dix-huit dont nous sommes sans nouvelles.

Dans ce moment tragique, je sais l'émotion et l'angoisse qui saisissent nos compatriotes vivant en Israël et les Franco-Israéliens. Nous sommes avec eux et nos services diplomatiques mettent tout en oeuvre pour les accompagner.

Le Président de la République l'a dit avec force : nous sommes aux côtés d'Israël, pays allié de la France, qui vit un drame terrible.

Hommage à Victoire Jasmin, ancienne sénatrice

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mmes et MMles membres du Gouvernement se lèvent.) L'émotion qui a suivi la disparition brutale de Victoire Jasmin montre l'estime dont elle bénéficiait, au sein de notre assemblée comme en Guadeloupe.

C'est en 2008 que sa carrière politique débute, avec son élection au conseil municipal de Morne-à-l'Eau, dont elle devient première adjointe au maire. Elle est réélue en 2014, puis en 2020.

En 2017, elle est élue sénatrice de la Guadeloupe. Au sein de notre Haute Assemblée, elle intègre le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et, tout naturellement, la commission des affaires sociales. La conviction, la générosité et l'engagement avec lesquels elle exerce son mandat sont à la hauteur de la conception exigeante qu'elle a de sa mission en faveur de son territoire et de ses compatriotes.

Femme de terrain, chaleureuse et enthousiaste, elle demeure constamment à l'écoute de ses concitoyens.

Femme de combat, résolument de gauche, elle inscrit son action autour des principes de la République : liberté, égalité, fraternité.

Femme de dossiers, elle est scrupuleuse et déterminée, animée par un idéal de justice.

Appréciée et reconnue par ses collègues, elle fit honneur à notre assemblée par ses travaux. Je pense en particulier aux rapports qu'elle a co-écrits sur les risques naturels majeurs et la parentalité dans les outre-mer.

Elle savait concilier vie familiale, vie associative, vie politique et vie professionnelle. Avec ces multiples « casquettes », elle lutta en faveur de la valorisation de la femme dans une société plus égalitaire.

Victoire Jasmin intervient également sur de nombreux textes législatifs, déposant nombre d'amendements, dont certains adoptés à l'unanimité par le Sénat, notamment sur la prise en charge des tests chlordécone sur les humains - sujet d'importance aux Antilles.

Lors des réunions de notre Bureau, j'ai mesuré l'énergie qu'elle déployait pour assumer ses responsabilités de secrétaire du Sénat, en particulier aux côtés de notre collègue Pascale Gruny dans le cadre de la réflexion menée pour renforcer le contrôle parlementaire.

Au moment où son corps va être transporté vers son île natale, au nom du Sénat tout entier, j'assure de notre profonde sympathie ses enfants et sa petite-fille, l'ensemble de sa famille et ses proches.

Je la vois encore siégeant ici, dans cet hémicycle. En sa mémoire, je vous propose de partager un moment de souvenir et de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent un moment de recueillement.)

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Israël (I)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Merci au président Larcher pour ses paroles de solidarité. Nous avons le coeur brisé, pour les victimes et leurs familles, et une pensée pour nos compatriotes tués ou pris en otage. Nous n'avons plus de mots, et pourtant tout est dit, dans l'article 15 de la charte du Hamas : « Face à l'usurpation de la Palestine par les Juifs, il faut brandir l'étendard du djihad. » Les scènes insoutenables dans les kibboutzim de Kfar Aza et Beeri résonneront à jamais dans la mémoire du peuple israélien, comme pour nous les morts de Charlie, de l'Hyper Cacher, du Bataclan, de la promenade des Anglais. Rafles, pogroms, Shoah par balles, décapitation au couteau de femmes et d'enfants relèvent clairement d'une volonté génocidaire.

Oui, comme Daech, le Hezbollah, le Djihad islamique, Boko Haram, le Hamas est une organisation terroriste, une filiale de la mort. (Applaudissements) Ne pas le reconnaître relève de l'indignité. (« Très bien ! » ; applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST, du RDPI, du groupe INDEP, du RDSE, des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRCE-Kanaky)

Comme n'importe quel autre État de droit, Israël a le droit de se défendre, dans le respect des conventions internationales.

Oui, le Hamas sème la terreur ; il a horreur de nos valeurs : démocratie, liberté d'expression, laïcité, droit des femmes. Ce prosélytisme de l'obscurantisme doit être dénoncé et combattu. L'Union européenne saura-t-elle relever le défi ? Le Hamas combat toute idée de paix, symbolisée par les accords d'Abraham.

Il faut aider le peuple palestinien de Gaza à se libérer des tyrans qui le poussent dans une impasse mortifère. Les progressistes des deux peuples doivent être encouragés, accompagnés et défendus, pour une paix durable à deux États. Il faut retrouver l'esprit des accords d'Oslo.

Madame la Première ministre, vous avez indiqué à l'Assemblée nationale que la France tiendrait toute sa place et rechercherait une solution politique. Quelles sont vos initiatives ? Soutenir le peuple israélien dans le drame indicible qu'il subit, c'est défendre une certaine idée de l'humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST, du RDPI, du groupe INDEP, du RDSE, des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRCE-Kanaky)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Je veux, à mon tour, rendre hommage à Victoire Jasmin. Par ses combats, elle fut une figure forte et respectée de notre monde politique.

Samedi dernier, l'horreur du terrorisme a frappé Israël. Chaque jour, de nouvelles atrocités sont découvertes. Aux tirs de roquettes et aux enlèvements, y compris de personnes âgées et d'enfants, se sont ajoutés les massacres dans un festival de musique et des kibboutz.

Ces drames font écho à d'autres que nous avons connus sur notre territoire. Ces attaques terroristes inspirent l'horreur. Notre soutien doit être total.

Au nom du Gouvernement, je redis toute ma solidarité au peuple israélien, aux victimes, à leurs proches, avec une pensée particulière pour nos compatriotes victimes ou disparus, dont des enfants. Nous sommes en lien constant avec les familles. J'adresse toutes mes pensées à la communauté française en Israël, qui vit dans l'angoisse.

Le centre de crise du Quai d'Orsay et notre ambassade sont pleinement mobilisés. Nous travaillons avec Air France pour que des solutions de retour soient proposées à tous nos ressortissants qui le souhaitent. Un vol spécial a déjà été confirmé demain.

Nous soutenons Israël dans cette épreuve. Je le dis sans ambiguïté : face au terrorisme, Israël a le droit de se défendre. Face à la barbarie, personne ne peut remettre en cause ce droit.

Aux Juifs de France, choqués par cette attaque et inquiets de ses répercussions sur le sol national, je dis que nous sommes à leurs côtés. L'antisémitisme n'a pas sa place en France et dans notre République. C'est un délit, nous ne laisserons rien passer. Le ministère de l'intérieur a donné des consignes de vigilance aux forces de l'ordre et aux préfets pour renforcer la protection des lieux les plus sensibles.

La France n'oublie pas son histoire et sa responsabilité pour la paix. Nous devons tout faire pour éviter l'embrasement de la région, encourager la désescalade, assurer la protection des civils et le respect du droit international. C'est le sens des entretiens constants menés par le Président de la République et la ministre des affaires étrangères avec leurs homologues.

Dans un tel moment, nous avons le devoir collectif de faire vivre les valeurs de la République et de défendre la cohésion nationale. Je me réjouis de voir que, dans cette assemblée, cette conviction est partagée par toutes et tous, sans exception. (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes INDEP, UC, Les Républicains, du RDSE, du GEST et du groupe SER)

Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie

M. Robert Wienie Xowie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-Kanaky) Je m'exprime ici pour la première fois, avec respect et humilité envers le peuple français que vous représentez. Le peuple kanak n'est pas son ennemi : il veut simplement mettre fin à une colonisation de 170 ans.

Le 6 septembre, le Gouvernement a remis un « projet d'accord » censé être le support d'une révision de la Constitution. Ce texte affirme d'emblée que le peuple calédonien a manifesté sa volonté que la Nouvelle-Calédonie reste dans la France. Or lors du troisième référendum, 56 % des Calédoniens se sont abstenus, dont plus de 90 % des Kanaks. « Le peuple calédonien sans le peuple kanak n'existe pas », disait l'historien calédonien José Barbançon. Ce résultat est contesté devant l'ONU.

Que dit ce document ? D'abord, il abandonne toute trajectoire de décolonisation. Le référendum envisagé vise à faire accepter un statut d'autonomie dans la France, prétexte à la désinscription de notre pays de la liste des territoires à décoloniser. Il vise ensuite à se substituer à l'accord de Nouméa en lui faisant perdre son caractère constitutionnel. Il veut enfin ouvrir le périmètre du peuple calédonien aux arrivants ayant dix ans de résidence. Un corps électoral glissant légitime la colonie de peuplement, ce qui est contraire aux résolutions de l'ONU et aux équilibres négociés en 1998.

Le manque d'impartialité conduit à un débat stérile.

Il est nécessaire que l'État comprenne que le temps des palabres est un temps de sagesse. Sans consensus, le Gouvernement compte-t-il, contre l'avis du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), passer en force, ou envisage-t-il de présenter un nouveau document dans la continuité historique de l'accord de Nouméa ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-Kanaky et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - À nouveau, la Nouvelle-Calédonie est à un moment important de son histoire : à l'issue du processus de l'accord de Nouméa, il s'agit de dessiner son avenir institutionnel. Au cours des derniers mois, le Président de la République et le Gouvernement se sont attachés à créer les conditions d'un dialogue serein avec les indépendantistes et les non-indépendantistes.

Fin juillet, le Président de la République a proposé à chacun le pacte de Nouméa autour de deux chemins : le pardon et l'avenir.

Début septembre, une semaine de discussions s'est tenue à Matignon, sous l'égide du ministre de l'intérieur et des outre-mer. Cela a permis de faire le bilan et de tracer les perspectives pour rechercher un accord. Au terme de ces débats, tous se sont engagés à poursuivre les discussions sur la base d'un projet que Gérald Darmanin vient de transmettre aux parties. Il s'agit d'une base de travail : aux parties de formuler leurs propositions concrètes. Le Gouvernement souhaite aboutir avant la fin de l'année. Cela suppose que tous participent aux discussions.

Gérald Darmanin se rendra fin octobre en Nouvelle-Calédonie. Le moment venu, le Gouvernement présentera un projet de révision constitutionnelle. Celle-ci devra notamment permettre le dégel du collège électoral pour les élections provinciales, exigence démocratique. Comme l'accord de Nouméa de 1998, cet accord sera soumis à l'approbation de la population calédonienne. Une fois leurs modalités entrées en vigueur, les élections provinciales seront organisées.

Il faut pouvoir avancer. Comme l'a dit le Président de la République, nous n'avons pas le droit d'attendre : c'est l'avenir que nous sommes en train de construire, celui de la jeunesse calédonienne, celui de la Nouvelle-Calédonie, dans la République. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Israël (II)

M. Hervé Marseille .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Je m'associe aux propos du président Larcher. Nous nous tenons aux côtés d'Israël dans cette épreuve.

Notre vieux continent a connu bien des guerres, des massacres, des pogroms, des charniers. Un pas supplémentaire a été franchi avec l'incursion des tueurs du Hamas. Des hommes, des femmes, des vieillards, des bébés décapités. C'est un avilissement de la civilisation, de l'humanité. C'est insupportable. Nous ne trouvons plus les mots.

Ces tueurs, que certains veulent faire passer pour des résistants - on n'a jamais vu des résistants tuer des jeunes dans une rave party ou décapiter des bébés !  (M. Rachid Temal acquiesce) - ne sortent pas de nulle part. Ils ont été accompagnés, aidés entraînés, financés, et nous savons par qui : le Qatar ! M. Haniyeh, leur chef, y est hébergé. Ceux-là mêmes qui financent le PSG et d'autres grandes entreprises... (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes SER, GEST et CRCE-Kanaky)

Et puis, il y a l'Iran, avec qui nous avons été conciliants, notamment dans le dossier nucléaire, estimant que c'était important pour la paix.

Quelles conséquences le Gouvernement en tire-t-il dans ses relations avec ces États, et quelles actions mènera-t-il pour mettre fin à leur implication dans ces meurtres barbares ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, du RDPI, du RDSE, du groupe SER et du GEST)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - L'attaque terroriste du Hamas contre Israël est odieuse et inqualifiable. Un groupe terroriste s'en est pris à des civils, des femmes, des enfants, même des bébés, dans une multiplication ignoble d'actes de barbarie. Comme toutes les démocraties, nous sommes aux côtés d'Israël. Avec toute la communauté internationale, nous appelons à condamner ces actes terroristes. Aucun gouvernement ne peut rester insensible.

Le Président de la République l'a dit hier, nous ne disposons pas de preuves formelles de l'implication de l'Iran. (On en doute à droite.) Mais les images de triomphalisme ou les propos tenus par les autorités iraniennes sont inacceptables. Il n'y a aucune ambiguïté.

Nous agissons en responsabilité. Nous soutenons le droit d'Israël à se défendre contre le terrorisme. Sous l'égide du Président de la République, la diplomatie est à l'oeuvre pour éviter l'embrasement et l'escalade. Nous sommes en contact étroit avec nos partenaires pour faire la lumière sur les implications des uns et des autres. Les civils doivent être protégés et le droit international doit prévaloir.

Nous soutenons toujours une solution politique au conflit israélo-palestinien : la position de la France n'a pas changé.

Nous agissons également avec nos partenaires de l'Union européenne. La coordination doit être complète. Hier s'est tenue une réunion informelle des 27 ministres des affaires étrangères.

Nous sommes aux côtés du peuple israélien et travaillons à identifier toutes les responsabilités. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du GEST ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Israël (III)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST, du CRCE et sur quelques travées du groupe SER) Depuis samedi, nos coeurs sont étreints par l'attaque terroriste injustifiable opérée par le Hamas sur le territoire d'Israël. Nous condamnons avec la plus grande fermeté cette barbarie qui s'est déchaînée contre les populations civiles.

Il n'y a pas de mots. Nous demandons la libération des otages à Gaza. À tous les Israéliens, nous témoignons notre profonde émotion et notre solidarité. Nous déplorons le nouveau cycle de violence aveugle qui sévit au Proche-Orient et qui a fait plusieurs milliers de victimes israéliennes et palestiniennes, du jamais-vu depuis la guerre de Kippour. Nous craignons un embrasement de toute la région.

Une nouvelle guerre contre la terreur, cependant, ne renforcera en rien la sécurité d'Israël, à laquelle nous sommes profondément attachés. Depuis 75 ans, la violence ne résout rien. Le blocus de Gaza, dont l'ONU a rappelé l'illégalité, doit être levé, l'aide humanitaire préservée. Les Palestiniens ne sauraient être déshumanisés, comme l'a fait le ministre israélien de la défense.

L'an dernier, lors d'un déplacement de la commission des affaires étrangères, nous déplorions déjà l'inaction de la France, de l'Union européenne et de la communauté internationale et formulions plusieurs propositions pour bâtir une paix durable entre les peuples, seule à même de préserver la sécurité d'Israël, qui passera nécessairement par le respect strict du droit international et l'abandon de la colonisation.

Pour trouver une solution diplomatique, la France doit garder comme boussole le respect du droit international. Quelle sera votre politique, Madame la Première ministre ? (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE-Kanaky, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Face à une telle horreur, Israël a le droit de se défendre, personne ne le conteste, c'est la conviction de toutes les démocraties et de la France.

La France veille à la désescalade et à éviter un embrasement, dans le respect du droit international, le Président de la République et la ministre des affaires étrangères l'ont redit à leurs partenaires de la région. Chacun doit mesurer les risques.

La France, historiquement, a toujours défendu la paix. Le Hamas, lui, ne veut pas la paix. C'est un groupe terroriste, antisémite et meurtrier, qui veut anéantir l'État d'Israël. Se détourner du processus de paix serait lui donner raison. La France cherchera toujours une paix durable et une solution politique. Le chemin sera long, mais rien ne doit nous détourner de cette ambition - la seule qui assurera la stabilité et la sécurité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Israël (IV)

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde », disait Albert Camus.

Nous sommes la France, héritière des Philosophes, de la Révolution française, de la Déclaration des droits de l'homme, du Conseil national de la résistance, de Léon Blum et du Général de Gaulle. Porteurs des valeurs de liberté, de tolérance et d'universalité, notre responsabilité est éminente. Nous ne pouvons pas nous contenter de déclarations type « Quai d'Orsay »... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

L'empathie n'est pas exclusive de l'action politique. La France comme l'Europe doivent utiliser le terme de « crime contre l'humanité ». Quand vous recevez des milliers de missiles, la légitime défense, c'est le minimum !

Madame la Première ministre, faites en sorte que celles et ceux qui, dans la République, trahissent les valeurs de la République et de la Nation en ne soutenant pas l'État d'Israël et en faisant l'apologie du terrorisme, soient sévèrement punis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur quelques travées des groupes INDEP et SER)

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Je n'imagine pas que vous ayez mal entendu le Président de la République, la Première ministre et moi-même... (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Max Brisson.  - Ce n'est pas au niveau !

Mme Catherine Colonna, ministre.  - La Première ministre vient de rappeler toute l'horreur que nous inspirent les actes barbares du Hamas. Elle a redit notre condamnation absolue de ces actes terroristes, commis par un groupe terroriste, le Hamas, soutenu par d'autres groupes terroristes. Les prises d'otages abjectes, les assassinats monstrueux, les massacres ne laissent aucun doute sur la nature terroriste du Hamas : notre condamnation est absolue et totale, depuis le premier jour.

Face à l'horreur, nous sommes solidaires d'Israël et du peuple israélien. Oui, Israël a le droit de se défendre. Nous le disons à tous nos interlocuteurs, dans la région et ailleurs.

Mais notre responsabilité diplomatique est aussi d'éviter l'embrasement. L'Autorité palestinienne a un rôle à jouer ; nous continuerons à la soutenir, comme l'a dit le Président de la République hier. Nous veillons aussi à ce que la situation ne s'aggrave pas aux frontières avec le Liban et la Syrie. Le Président de la République et moi-même avons multiplié les contacts avec nos homologues.

Lorsque le calme sera revenu, il faudra se demander comment mieux prendre en compte les aspirations du peuple palestinien et mieux répondre au droit absolu d'Israël à la sécurité. La paix doit rester notre impératif, même si ce moment n'est pas encore venu. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. Roger Karoutchi.  - Je préfère ne pas répondre...

Israël (V)

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) L'heure est à la gravité, au recueillement et à l'unité. D'heure en heure, depuis samedi, l'horreur monte à son comble. Nous sommes nombreux à avoir dit notre colère et notre émotion.

Tous les témoignages de l'attaque terroriste du Hamas contre des civils nous bouleversent et nous révoltent. Des sommets de l'horreur ont été atteints : femmes violées puis exécutées, hommes décapités, cadavres souillés, enfants victimes de cette folie barbare... Cette folie résonne durement pour nous, qui avons connu le terrorisme islamiste. Au peuple israélien, nous disons haut et fort notre solidarité sans faille.

Une fois encore, les civils paient le prix fort. J'ai une pensée pour nos compatriotes qui ont péri dans ce drame, pour les otages français dont nous espérons le retour, ainsi que pour nos concitoyens sur place. Remercions notre personnel diplomatique et consulaire.

Je pense également aux Palestiniens pris en otage par le Hamas et qui paieront le prix du sang à la place des lâches qui tirent sur des femmes, des enfants, des hommes sans défense. L'aveuglement idéologique de ceux qui soutiennent le Hamas en pensant soutenir les Palestiniens ne fait qu'ajouter à leur malheur.

Le monde s'embrase. Trente ans après les accords d'Oslo, le Hamas réveille les démons de la guerre.

Comment la France, pays ami et médiateur d'un dialogue pour la paix, peut-elle oeuvrer pour que l'espoir des accords d'Abraham vive et pour empêcher la radicalisation des peuples face aux menaces ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Patrick Kanner applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Après les attaques terroristes effroyables menées contre Israël par le Hamas et le Djihad islamique, la France a immédiatement exprimé sa compassion et sa solidarité et condamné ces actions. Face aux terroristes, face à une attaque aussi barbare, Israël a le droit de se défendre.

La France tient sa place et nous sommes actifs pour éviter que le conflit ne dégénère. Le Président de la République s'est entretenu avec de nombreux homologues palestiniens, israéliens, libanais, égyptiens, jordaniens, saoudiens, etc.

Nous travaillons à une réponse coordonnée avec nos alliés occidentaux. Une réunion avec les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie s'est tenue lundi. Une réunion informelle des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne a eu lieu hier. Notre diplomatie est mobilisée jour et nuit. Nous poursuivrons ces échanges pour éviter tout risque d'embrasement, protéger les civils et veiller au respect du droit international.

La France restera toujours attachée à la paix. La barbarie de ces terribles attaques ne doit pas nous faire renoncer à trouver une solution de paix durable et une issue politique dans le conflit israélo-palestinien.

Nous devons trouver une approche complète. Cela prendra du temps, mais c'est le seul chemin pour la sécurité et la stabilité de la région et l'apaisement dans nos démocraties. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Israël (VI)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Les images insoutenables de l'attaque terroriste imposent une condamnation absolue et une solidarité totale. Mais il faut aussi en comprendre les raisons. La guerre est revenue, mais nous ne voulons pas la voir. Je parle de toutes les guerres sur tous les continents : c'est la guerre des dictatures contre les démocraties, c'est une guerre mondiale.

Les mains qui ont tranché les gorges des enfants venaient de Gaza, mais le cerveau est à Téhéran. L'internationale des dictateurs s'est reformée, hydre monstrueuse, de la Russie à la Corée du Nord, en passant par l'Iran ou le Sahel. Ces dictateurs ne sont pas unis par une idéologie. Leur idée fixe : renverser les règles du jeu mondial.

Comme chaque fois, les démocraties sont aveugles. L'Union européenne a oublié qu'il ne peut y avoir de prospérité durable sans puissance ; or l'Europe puissante n'existe pas encore.

Nous devons aux victimes en Israël qu'elles ne soient pas mortes pour rien. Notre liberté chérie ne peut combattre qu'avec ses défenseurs. Il faut nous réarmer, militairement, mais surtout moralement.

Ce n'est qu'ainsi que nous résisterons à la barbarie. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC, Les Républicains, du RDSE, du RDPI et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Comme vous, j'ai été choquée par le relativisme et l'ambiguïté de responsables politiques et leur refus répété d'appeler terroriste une organisation pourtant reconnue comme telle.

Notre devoir est de veiller à la cohésion nationale. Nous ne pouvons tolérer aucune ambiguïté dans la dénonciation de la barbarie et du terrorisme. Nous ne tolérerons aucun débordement. Nos valeurs républicaines ne sont pas négociables. L'antisémitisme ne peut être toléré sous aucune forme : nous serons inflexibles face aux potentiels débordements.

La République est avec tous les Juifs de France. Dès samedi, le ministre de l'intérieur a renforcé la protection de tous les lieux sensibles. Nos services de renseignement sont à l'oeuvre.

Le Parlement a déjà adopté deux lois de programmation pour le ministère de l'intérieur et pour nos armées. J'espère qu'il en sera de même tout à l'heure pour le ministère de la justice ; nous devons assurer notre souveraineté sur tous les plans.

Dans ces heures graves, la seule solution, c'est la cohésion nationale et l'unité. C'est ainsi que nous serons à la hauteur. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Israël (VII)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le RDSE s'associe aux groupes du Sénat qui ont exprimé leur stupeur à l'annonce des attaques terroristes en Israël. Nous exprimons notre solidarité envers les familles des victimes innocentes sauvagement assassinées ou prises en otage. Il n'y a pas de place pour la nuance ou la polémique.

Ces derniers jours, les morts ont fait place à d'autres morts. Deux peuples souffrent.

Bien que cela soit prématuré, il faudra interroger les responsabilités dans l'arrêt du processus de paix. Le drame oblige à repartir d'une page blanche. Nous ne devons pas espérer que le temps fasse le travail à notre place.

Que fera la France pour aider les peuples israélien et palestinien à vivre en paix ? Comment lutter contre le mal récurrent qu'est le terrorisme ?

Dans Les Hirondelles de Kaboul, Yasmina Khadra écrit : « Son geste est la preuve que tout peut basculer, sans crier gare. » Ces mots montrent combien la paix est fragile face à la folie terroriste.

Nous rendons hommage à toutes les victimes de ces attentats. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI, des groupes INDEP, UC et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Le drame que vit Israël nous touche profondément. Le bilan de cette attaque terroriste est grave, choquant. Nous sommes aux côtés du peuple israélien. Israël a le droit de se défendre.

Le Président de la République et la ministre des affaires étrangères ne ménagent pas leurs efforts pour éviter un embrasement régional. Notre position n'a pas changé : nous croyons dans une paix durable et une solution politique au conflit. La France jouera pleinement son rôle.

Au moment où le droit international est contesté, où les désordres se multiplient, nous devons assurer notre sécurité collective. La France continuera à se battre pour ses valeurs, pour le respect du droit international des frontières, pour renforcer sa souveraineté en France comme en Europe. Nous continuerons aussi à défendre le multilatéralisme et l'aide au développement.

Face au terrorisme, la France agit. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Maryse Carrère applaudit également.)

Haut-Karabagh (I)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Rien de ce qui est inhumain ne doit nous être étranger. Nous nous sentons tous israéliens (se tournant vers M. l'Ambassadeur d'Israël, en tribune), mais aussi arméniens : ce sont deux peuples liés par deux génocides.

Les plans du satrape de Bakou ont réussi sans grande opposition -  si ce n'est quelques gesticulations : d'abord un blocus pour affamer une population pendant de longs mois, puis le coup de grâce pour achever le travail, avec l'exode sans retour de près de 110 000 Arméniens. Trois mille ans d'histoire et de présence arménienne effacés en trois jours !

Madame la Première ministre, cette opération de nettoyage est-elle une épuration ethnique ?

Désormais, l'Arménie est menacée dans sa souveraineté. Quelles mesures allez-vous prendre pour la protéger ? Allez-vous dénoncer l'accord scélérat de Bakou (marques d'approbation à droite)...

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau.  - ... signé par Ursula von der Leyen en dépit des sanctions - car nous savons que ce gaz vient en partie de Moscou ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC, SER et CRCE-Kanaky)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Le Sud-Caucase est touché par des événements très graves. En quelques jours, des familles ont dû quitter leurs terres ancestrales, avec l'exode de plus de 100 000 Arméniens du Haut-Karabagh.

Monsieur Retailleau, je connais votre attachement à l'Arménie et je partage votre émotion face à ce drame.

Dès le début, la France a été en première ligne. Nous avons fermement condamné l'attitude de l'Azerbaïdjan. Mme Colonna s'est rendue à Erevan le 3 octobre. Nous apportons notre plein soutien politique aux autorités arméniennes pour garantir la souveraineté de leurs frontières. Nous avons triplé notre aide humanitaire pour les aider à accueillir les réfugiés. Comme l'a dit le Président de la République à Grenade, nous voulons renforcer la coopération de l'Union européenne avec l'Arménie.

Le président azerbaïdjanais s'était engagé à ne pas utiliser la force dans le Haut-Karabagh, à Prague, en octobre 2022, lors de la première réunion de la Communauté politique européenne. Cet engagement n'a pas été tenu.

Une voix à gauche.  - Le gaz !

Mme Élisabeth Borne.  - Nous plaidons pour un dialogue entre les deux parties - une réunion se tiendra à Bruxelles sous l'égide de Charles Michel. Nous serons très attentifs à l'attitude du président Aliyev. Ces discussions devront déboucher sur un accord de paix respectueux du droit international.

Nous avons renforcé notre coopération de défense avec l'Arménie et autorisé la fourniture de matériels militaires.

Comme l'a dit le Président de la République hier, nous voulons échanger avec tous les acteurs pour protéger au mieux l'Arménie et appeler l'Azerbaïdjan à la responsabilité. (Applaudissements sur les travées du  RDPI)

M. Bruno Retailleau.  - Ne mettez pas sur le même plan le bourreau et la victime !

Le 21 février prochain, Missak Manouchian, orphelin du génocide arménien, entrera au Panthéon, accompagné de son terrible cortège : ses frères d'armes, des Français de préférence, comme le disait Aragon, mais aussi la clameur anonyme de ces vies broyées par le génocide, qui implorent la protection de la France pour le peuple d'aujourd'hui.

Dans son discours, le Président de la République célébrera le courage de Missak Manouchian. Peut-être songera-t-il avec regret à ce courage qui aujourd'hui fait tant défaut pour être à la hauteur de l'histoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur plusieurs travées des groupes UC et CRCE-Kanaky, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

Haut-Karabagh (II)

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis quatre ans, nous alertons sur les menaces des présidents Aliyev et Erdo?an. Ce dernier déclarait en 2020 vouloir « poursuivre la mission de nos grands-parents »... Il n'a fallu que 24 heures à l'Azerbaïdjan pour faire disparaître la démocratie d'Artsakh.

Je salue les actions de solidarité des diasporas, notamment française, de nos collectivités, des fondations et associations, la mobilisation des Arméniens, de la ville de Goris. Je salue la résolution du Parlement européen soulignant que les principes internationaux ont été bafoués par l'Azerbaïdjan. Enfin, je salue vos propos tenus à Erevan, madame la ministre. Oui, la France doit aider l'Arménie à assurer son intégrité en renforçant ses capacités de défense -  c'est le sens de la résolution votée au Sénat il y a un an.

Qu'envisagez-vous pour obtenir la libération des dirigeants de la République d'Artsakh, arrêtés pour terrorisme alors qu'ils incarnent nos valeurs démocratiques ? Qu'envisagez-vous pour stopper la fourniture de gaz russe transitant par l'Azerbaïdjan ? « Le temps n'est pas aux sanctions », a déclaré le Président de la République à Grenade. Quand mettrez-vous fin à cette hypocrisie insupportable ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, Les Républicains, UC, INDEP, CRCE-Kanaky et du RDSE)

Mme Valérie Boyer.  - Bravo !

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Nous sommes pleinement mobilisés aux côtés de l'Arménie et du peuple arménien. Mme la Première ministre a redit notre engagement, que nous portons au Conseil de sécurité et jusqu'à Erevan. Personne ne fait autant pour l'Arménie que la France. Tous nos engagements seront tenus. Les 12,5 millions d'euros d'aide humanitaire sont en cours de distribution ; nous avons évacué quatre blessés graves, hospitalisés en France. Des discussions sont en cours pour permettre à l'Arménie d'acquérir du matériel militaire à vocation défensive. Au niveau européen, nous avons proposé avec l'Allemagne un ambitieux plan de soutien à l'Arménie, qui sera au menu du Conseil du 23 octobre, avec notamment l'objectif de renforcer la mission d'observation européenne.

Au Conseil de sécurité de l'ONU, nous avons demandé la libération des personnes arrêtées et rappelé le droit des Arméniens à vivre dans le Haut-Karabagh. Nous rappelons le Conseil à ses responsabilités, en vue d'aboutir à un projet de résolution.

Nous ne permettrons pas que l'usage de la force détermine l'avenir des Arméniens.

M. Bruno Retailleau.  - On verra !

Crise du logement

M. Marc-Philippe Daubresse .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis trois ans, j'interpelle les ministres du logement sur la crise de la construction et réclame un plan d'urgence, en vain. J'ai mesuré, lors d'un entretien avec le Président de la République, combien il avait sous-estimé le problème.

Cette fois, nous y sommes. La construction neuve s'effondre, et vous regardez ailleurs : 250 000 constructions quand il en faudrait le double, 300 000 chômeurs de plus dans le BTP à la fin de l'année. Tous les secteurs sont en panne, de la promotion privée au logement social, tué par la funeste réforme des APL, de l'accession à la propriété au logement étudiant.

Cette crise touche le neuf et l'ancien, l'offre et la demande, à cause de la bureaucratie, des normes écologiques, du ZAN (marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains), de l'envol des taux. Bref, une catastrophe annoncée.

Après des mois de déni, M. Béchu appelle à un choc de décentralisation. La solution n'est pas de refiler la patate chaude aux collectivités territoriales ! Même l'ancien Premier ministre Édouard Philippe parle de bombe sociale. Monsieur le ministre, quand réagirez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement .  - La crise du logement était prévisible, vu l'augmentation des prix immobiliers - plus 200 % dans certaines grandes villes - entraînée par quinze ans de taux bas. Ces taux bas sont désormais intégrés dans le prix du foncier, ce qui provoque une crise du logement, avec la remontée des taux et le renchérissement des matériaux. (On le conteste vivement, tant à droite qu'à gauche.)

Le Gouvernement travaille sur tous les volets. Sur le logement social, nous avons trouvé un accord avec le mouvement HLM lors du congrès de Nantes pour relancer la production et tenir le calendrier des rénovations énergétiques. (Mme Sophie Primas s'exclame.) Le Gouvernement apportera 1,2 milliard d'euros sur trois ans ; la Caisse des dépôts, 6 milliards d'euros de prêts pour la rénovation énergétique, et 8 milliards à des taux bonifiés pour la production. Cet accord a été très bien reçu par le mouvement HLM. (Mme Sophie Primas manifeste son scepticisme.)

Nous travaillons sur le prêt à taux zéro (PTZ), l'accession à la propriété, notamment dans les zones tendues et le logement locatif intermédiaire - qui sera ouvert aux institutionnels -, mais aussi sur le foncier : nous souhaitons, avec Thomas Cazenave, créer un choc d'offre foncière. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Fabien Genet.  - Et le ZAN ?

Haut-Karabagh (III)

M. Stéphane Demilly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je sais qu'une actualité en chasse une autre ; que nos regards se tournent aujourd'hui vers le peuple israélien, victime d'une barbarie moyenâgeuse ; que le Monopoly mondial est complexe et que l'Europe avait besoin de diversifier ses importations de gaz.

Au Haut-Karabagh, comme en Ukraine, comme à Gaza, la force prévaut sur le droit. Faut-il qu'un peuple disparaisse pour savoir qu'il existe ? Du jour au lendemain, 80 % de la population arménienne a dû abandonner la terre qu'elle habite depuis 2 500 ans. La Russie a renoncé à protéger l'Arménie, et les Européens ont poussé le cynisme jusqu'à inviter le Premier ministre Pachinian à négocier avec ses agresseurs. Il est facile de négocier avec un couteau sous la gorge... (MM. Bruno Retailleau et Roger Karoutchi acquiescent.)

Charles Aznavour chantait : « Pour toi Arménie, Le monde s'est levé, Le monde est avec toi. » Au-delà des mots de compassion, la France se lève-t-elle pour l'Arménie ? Que compte-t-elle faire pour ce peuple qui a connu le premier génocide du XXe siècle et subit actuellement le premier nettoyage ethnique du XXIe siècle ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE-Kanaky ; M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Très bien !

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La gravité de la crise au Proche-Orient ne saurait nous faire détourner le regard du Sud-Caucase. Oui, l'Azerbaïdjan a organisé l'exode de 100 000 Arméniens du Haut-Karabagh. Ces crimes ne peuvent rester sans réaction.

Nous demandons au Conseil de sécurité d'envisager une résolution pour créer les conditions d'un possible retour de ces populations. Cela passe par la garantie du respect de leurs droits historiques et culturels et par une présence internationale permanente.

La France fait plus pour l'Arménie que n'importe quel autre pays.

Les questions en suspens ne trouveront de solution que par un processus négocié et une paix juste et durable : c'est pourquoi la France soutient les efforts de médiation de l'Union européenne, sans concession sur le respect du droit international, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Arménie. En parallèle, nous devons continuer de soutenir l'Arménie et de dissuader l'Azerbaïdjan de poursuivre dans la voie de la force. Il n'y a pas d'alternative pour assurer la paix. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Revendications des greffiers

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les agents du greffe, partout en France, estiment que leurs légitimes revendications ne sont pas prises en compte. Monsieur le garde des sceaux, après votre déplacement à Grenoble, des divergences demeurent entre leurs revendications et celles des syndicats.

Cette profession réclame une réforme indispensable de son statut, une revalorisation salariale et une meilleure reconnaissance de sa fonction au sein de l'institution judiciaire. Il s'agit simplement d'un rééquilibrage, d'une mesure d'équité.

La situation est le reflet des difficultés de recrutement dans la fonction publique, notamment régalienne. Ce n'est pas le recours croissant aux contractuels qui enrayera la démotivation des agents.

Vous le savez, le Sénat a bataillé pour le recrutement de 1 800 greffiers supplémentaires. Où en sont les négociations ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Marie-Pierre Monier applaudit également.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je vous adresse mes félicitations républicaines, ainsi qu'à tous les sénateurs élus ou réélus. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; quelques marques d'ironie à gauche)

Pas de justice sans greffiers. Depuis 2022, c'est 294 euros bruts mensuels d'augmentation pour un greffier en milieu de carrière, soit 13 %. Mais ce n'est pas suffisant. J'avais annoncé des mesures nouvelles, mais il demeure en effet des divergences entre les souhaits des greffiers et les syndicats.

Le protocole d'accord comporte trois volets : revalorisation statutaire des greffiers de catégories B+ fin 2023 ; création d'un corps de catégorie A, inédit, pour 25 % du corps ; plan de requalification des 700 agents de catégorie C faisant fonction de greffiers.

Je souhaite signer ce protocole avec les syndicats d'ici une quinzaine de jours. Je souhaite aussi ardemment que le Sénat adopte définitivement, dans quelques minutes, le projet de loi de d'orientation et de programmation du ministère de la justice, qui crée 1 800 greffiers supplémentaires.

M. Bruno Retailleau.  - Grâce à nous !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - À Agen, ville qui vous est particulièrement chère, j'ai demandé que le directeur des services judiciaires vienne rencontrer les greffiers pour leur faire part des évolutions en cours. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Olivia Richard applaudit également.)

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Merci pour ces paroles encourageantes. Je souhaite qu'il n'y ait plus d'injustice dans la justice ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Rentrée scolaire

Mme Colombe Brossel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Derrière votre plan de communication permanent, monsieur le ministre de l'éducation nationale, il y a des réalités cruelles -  pour vous, mais surtout pour les élèves et les personnels, qui en paient le prix. Votre rentrée scolaire, c'est celle de l'impréparation et des engagements non tenus.

Fin août, vous annonciez un professeur devant chaque classe : il n'en est rien. Des enseignants ont été réaffectés plusieurs jours après la rentrée, et des milliers de lycéens, souvent en voie professionnelle ou technologique, restent sans affectation. Alors que 288 000 enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire ont besoin d'accompagnement, la moitié n'en ont aucun -  il y a quelques jours, les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) étaient d'ailleurs en grève.

Les urgences s'accumulent. Que répondez-vous aux parents et aux élèves confrontés à une chaise d'enseignant vide, aux enseignants qui méritent plus que des primes conditionnées à de nouvelles missions, aux AESH qui veulent être enfin reconnus ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Antoinette Guhl, Céline Brulin et Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)

M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Puisque vous avez omis de le faire, je commencerai par saluer les enseignants, chefs d'établissement et agents des rectorats, qui ont organisé cette rentrée. (Protestations à gauche)

Plusieurs voix sur les travées du groupe SER.  - C'est minable !

M. Gabriel Attal, ministre.  - Évidemment, il y a des difficultés dans notre système scolaire. (Marques d'ironie à gauche) Permettez-moi simplement de rappeler quelques réalités.

Depuis 2017, il y a 300 000 élèves de moins : au lieu de supprimer 20 000 postes, ce qui aurait été conforme à la démographie, nous en avons créé 2 000. Quant au budget, il a crû de 30 % -  du jamais-vu.

Nous investissons comme jamais dans l'éducation nationale. La revalorisation des enseignants était due : elle n'est pas conditionnée à des missions supplémentaires, et tous les enseignants ont été revalorisés sans contrepartie -  de 125 à 250 euros nets entre la rentrée 2022 et la rentrée 2023.

S'agissant de l'école inclusive, nous avons doublé le nombre d'élèves en situation de handicap accueillis à l'école ; nous avons recruté 40 000 AESH, et ces agents sont revalorisés de 13 % supplémentaires en cette rentrée.

M. Hussein Bourgi.  - Pourquoi donc font-ils grève ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Tout va bien !

M. Gabriel Attal, ministre.  - Nous devons maintenant améliorer qualitativement l'accueil des élèves ; c'est le travail engagé avec Fadila Khattabi et Aurore Bergé.

Oui, il y a des difficultés ; mais oui, nous investissons comme jamais pour en venir à bout avec les enseignants, les chefs d'établissement, les AESH et les familles, pour assurer la réussite de nos élèves ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Olivier Bitz et Daniel Chasseing applaudissent également.)

M. Xavier Iacovelli.  - Bravo !

Mme Colombe Brossel.  - J'ai trop de respect pour cette assemblée pour céder à la démagogie... (Exclamations sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Tom, Jasmine, Abderrahmane et Louise, enfants en situation de handicap, n'ont pas pu faire leur rentrée. Les lycéens Guillaume, Abdel et Fatoumata ne l'ont pas pu non plus, faute d'affectation. Le Gouvernement les considère comme des statistiques : nous, nous continuerons à porter leur parole ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe SER ; applaudissements sur les travées du GEST et sur de nombreuses travées du groupe CRCE-Kanaky)

Prélèvements Agirc-Arrco

Mme Vivette Lopez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe à cette question Alain Chatillon.

Je suis très surprise - ou plutôt scandalisée : en France, quand on est vertueux et économe, l'État, qui l'est beaucoup moins, n'hésite pas à en récupérer les fruits. C'est ce que vous vous apprêtez à faire avec les retraites complémentaires Agirc-Arrco. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Dominique Vérien applaudit également.)

Des réserves ont été constituées par un effort soutenu des salariés et une gestion raisonnable ; elles n'appartiennent pas à votre Gouvernement. Mais, à défaut de réformes courageuses pour ramener les finances publiques à l'équilibre, vous allez, pour la deuxième fois, piller les caisses de l'Agirc-Arrco.

Pouvez-vous nous garantir que ces réserves ne feront pas l'objet d'un prélèvement indu ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Je vous rejoins sur un point : cette caisse est bien gérée. (Marques d'ironie à droite et sur certaines travées à gauche) Elle dégage d'autant plus d'excédents que, depuis 2019, une décote temporaire de 10 %, votée par les partenaires sociaux, s'applique.

À toutes les étapes de la concertation préalable à la réforme des retraites, nous avons dit aux partenaires sociaux qu'il s'agissait de revenir à l'équilibre tous régimes confondus. Nous savons que l'Agirc-Arcco continuera à dégager des excédents. Parmi eux, à l'horizon 2026, 1,2 milliard d'euros seront dus à notre réforme des retraites. (Mme Émilienne Poumirol s'exclame.) Nous estimons légitime que cette part des excédents soit mobilisée pour participer au financement d'un régime de solidarité. (Protestations sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC et SER)

M. Bruno Retailleau. - Paritarisme !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Les partenaires sociaux ont engagé une discussion sur la gestion de l'Agirc-Arcco et ont fait un choix différent, qui se traduit à l'horizon 2026 par une augmentation des dépenses sociales de 1 milliard d'euros.

Nous devons donc faire face à deux défis : rééquilibrer les finances publiques pour faire face à ce milliard de dépenses publiques supplémentaires, qui ne nous paraît pas totalement responsable, et garantir que la réforme que vous avez votée assure le retour à l'équilibre du régime de retraites. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Mme Vivette Lopez.  - Ce prélèvement est perçu comme un racket. (M. Hussein Bourgi opine.) Ce n'est pas aux retraités du privé de payer le gaspillage de l'État ! Si d'aventure le Gouvernement passait par le PLFSS pour l'opérer, nous prendrions nos responsabilités pour garantir l'avenir des relations sociales et la pérennité des retraites complémentaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe UC)

Politique familiale

Mme Marie-Do Aeschlimann .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le dynamisme de la natalité française a longtemps été une exception et un modèle ; aujourd'hui, dans ce domaine comme dans tant d'autres, la France décline. Depuis 2011, la natalité est en chute libre - et vous regardez ailleurs. Avec 700 000 naissances seulement, 2023 pourrait être la pire année depuis 1945.

Les raisons sont connues : démantèlement de la politique familiale sous François Hollande, modulation des allocations en fonction des revenus (Mme Laurence Rossignol proteste), plafonnement des ressources, congé parental insuffisant.

Depuis 2017, rien n'a été fait pour redonner confiance aux familles. Les promesses de places en crèche ont été rendues vaines par l'étranglement financier des communes. Les prestations familiales sont gelées, les personnes qualifiées manquent.

Avec la fin de l'universalité, la politique familiale est devenue une politique essentiellement sociale. Mais accueillir en enfant engage et dépend de la capacité à se projeter : emploi, logement, anxiété climatique. Cette chute de la natalité devrait vous obséder, car il y va de la survie de la France. Relever le défi de la natalité, c'est préserver notre modèle social, faire perdurer notre culture et notre identité, rester maîtres de notre destin national.

Madame la ministre, je sais que vous partagez peu ou prou ces constats. Comment comptez-vous enrayer le déclin démographique de la France ? Allez-vous renouer avec une politique familiale ambitieuse au service de toutes les familles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Duffourg applaudit également.)

Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles .  - Madame la sénatrice, je vous félicite pour votre élection.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et nous ?

Mme Aurore Bergé, ministre.  - Je pourrais reprendre vos propos non pas peu ou prou, mais intégralement.

Oui, la baisse de la natalité devrait nous obséder. Le choc démographique lié au vieillissement fait partie des grandes transitions qui se profilent. Nous ne pouvons pas, dans le même temps, continuer à subir la baisse de la natalité constatée depuis 2011.

Nous devons réaffirmer ce que doit être la politique familiale : une politique universelle, au service de toutes les familles. Il nous faut renouer avec l'esprit de la politique familiale conçue dans l'après-guerre.

Pour cela, nous devons agir sur les prestations familiales, pour qu'elles soutiennent l'ensemble des familles. Nous devons aussi traiter les freins périphériques qui persistent. Nous devons nous pencher sur l'infertilité, qui ne doit plus être un tabou (Mme Laurence Rossignol abonde), mais aussi sur la garde d'enfants et le congé parental. Le chantier est majeur : j'espère pouvoir l'ouvrir avec vous. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Conséquences en France du conflit en Israël

M. Stéphane Ravier .  - Le Hamas est une organisation terroriste fondée par les Frères musulmans. En France aussi, ceux-ci massacrent sans pitié hommes, femmes et enfants. Si ces Frères musulmans vivent parmi nous, c'est à cause de la folle politique d'immigration que, tous, vous avez soutenue, par conviction ou par faiblesse ! (Pendant que l'orateur s'exprime, les membres du groupe CRCE-Kanaky et du GEST et de nombreux membres du groupe SER quittent l'hémicycle.)

La réplique doit être impitoyable, comme en Israël. J'ose le dire clairement : ma haine, ils l'ont !

Cette guerre nous a été déclarée par les islamistes depuis des années : il y a dix ans déjà, un de leurs soldats assassinait des enfants dans une école juive, ainsi que des militaires, à Toulouse et Montauban. Depuis, des jeunes, des caricaturistes, des prêtres, des femmes libres, des policiers, des professeurs sont massacrés sur notre sol. Ils assassinent méthodiquement tous ceux qui font la France : c'est bien d'une guerre de civilisation qu'il s'agit.

Depuis des années, je dénonce les conséquences de l'immigrationnisme. À Marseille, les islamistes prospèrent, des mosquées sont assujetties aux Frères musulmans et des collèges financés par l'Arabie saoudite. Monsieur le ministre de l'intérieur, que faites-vous ? Rien !

Vous êtes censé ne rien laisser passer pour protéger les Français. Allez-vous enfin dissoudre les Frères musulmans et toutes les associations qui se réclament de cette pensée ? Allez-vous inverser le cours de l'immigration, expulser les étrangers qui soutiennent le Hamas, dissoudre ses collabos, des Indigènes de la République au NPA en passant par la CGT-13, SUD et les Jeunes communistes des Bouches-du-Rhône, pourtant dirigés par notre collègue Bacchi ?

Cette cinquième colonne doit être mise hors d'état de nuire. La gangrène, on l'élimine ou on en crève !

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Peut-être pourrions-nous, dans ce moment terrible pour nos compatriotes qui souffrent dans leur chair des attaques terroristes du Hamas en Israël ou s'inquiètent pour leur famille, pour tous nos compatriotes de confession juive -  la France compte la première communauté juive d'Europe et la troisième au monde  - , nous abstenir de parallèles politiciens tendant à importer chez nous ce conflit désastreux et ignoble. Ce propos s'adresse à vous autant qu'à LFI.

Comme responsable politique, vous pourriez avoir la décence, quand des bébés et des vieillards sont massacrés, de cesser quelques instants vos tracts en faveur d'Éric Zemmour. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur certaines travées du groupe UC)

M. Stéphane Ravier. - C'est une non-réponse ! Les Français jugeront !

La séance est suspendue à 16 h 35.

Présidence de Mme Sophie Primas, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 45.

Avis sur une nomination

Mme la présidente.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l'aménagement du territoire a émis, lors de sa réunion du 5 octobre 2023, un avis favorable (39 voix pour) à la reconduction de Mme Virginie Schwarz aux fonctions de président-directeur général de Météo France.

Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027- Ouverture, modernisation et responsabilité du corps judiciaire (Conclusions des CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 et du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire.

La Conférence des présidents a décidé que ces textes feraient l'objet d'explications de vote communes.

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Dominique Vérien applaudit également.) Nous voilà au terme de la navette pour ces deux textes qui tendent à donner un nouveau souffle à l'institution judiciaire.

Les six réformes législatives de ces dernières années n'ont su endiguer le malaise mis en exergue par la « tribune des 3 000 ».

Le Sénat a mêlé exigence, réalisme et pragmatisme pour donner à la justice les moyens d'être la plus efficace possible. Ce texte de compromis reprend les avancées du Sénat.

Nous nous réjouissons que nos collègues députés nous aient rejoints sur le recrutement de 1 800 greffiers, chevilles ouvrières de la justice. Le ratio de 1,2 greffier pour un magistrat nous semblait devoir être maintenu. Nous espérons que les revalorisations salariales aboutiront rapidement.

Nous avons aussi été entendus sur la nécessité d'un danger imminent pour les perquisitions de nuit, à l'initiative de Guy Benarroche, le privilège légal pour les juristes d'entreprise, la participation des agriculteurs comme assesseurs aux tribunaux des activités économiques (TAE) et le maintien du rôle de conciliation des commissaires de justice dans les saisies sur rémunération.

Le projet de loi organique ouvre le recrutement des magistrats. Nous avons veillé à mieux définir leurs responsabilités et à la parité.

La ligne rouge de l'impartialité des magistrats ayant été franchie, le Sénat a modifié l'article 10 de l'ordonnance statutaire, dans le respect de la liberté syndicale.

Ce n'est pas un blanc-seing au Gouvernement. Monsieur le garde des sceaux, nous nous assurerons que les engagements programmatiques seront tenus, notamment les recrutements. En outre, la réforme du code de procédure pénale doit dépasser la simplification.

Soyez assuré, Monsieur le garde des sceaux, que le Sénat exercera un contrôle vigilant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Dominique Vérien et Patricia Schillinger applaudissent également.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je félicite les sénateurs élus ou réélus. Attaché au bicamérisme (sourires à droite), je me réjouis de poursuivre nos travaux.

Nous voilà presque au bout du chemin. Les historiens se demanderont un jour les raisons de l'abandon, durant tant d'années, de notre institution judiciaire, me disait dernièrement un magistrat. Il a raison. Alors que nous débattons d'une programmation à 11 milliards d'euros, comment avons-nous pu donner si peu en demandant toujours plus à une justice réceptacle de toutes les colères ?

Cette loi de programmation ne sort pas de nulle part. Le Président de la République et la Première ministre nous ont fixé un cap et donné les moyens de la mettre en oeuvre. Elle suit les États généraux de la justice, où tout le monde a eu voix au chapitre, notamment le président Buffet. Le président Larcher a également organisé les agoras de la justice ; nous avons examiné leurs conclusions avec attention.

Ces lois arrivent après des hausses massives décidées depuis 2017 et votées par le Sénat : 700 magistrats recrutés, 850 greffiers, 2 000 contractuels et une hausse du budget de 40 %. Le déstockage, historique, atteint 30 % en matière civile.

Bien évidemment, il fallait aller plus loin. C'est le constat des États généraux, et le mien après avoir sillonné les juridictions pendant 35 ans.

L'accord en CMP est décisif. Je salue en tout point le travail des deux rapporteures, Dominique Vérien et Agnès Canayer, qui a enrichi significativement ces textes. Ne sous-estimons pas le rôle du Parlement, c'est dangereux ! (Mme Catherine Di Folco renchérit en souriant.)

Je remercie aussi le président Buffet pour son attention particulière aux questions de justice. Je vous félicite de manière républicaine et sincère pour votre réélection, gage de réformes.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - N'en faites pas trop ! (Sourires)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Certains n'en font pas assez, madame la sénatrice !

Le nombre de greffiers à recruter est un point important. J'étais d'abord prudent, de peur de formuler un voeu pieux. Ces recrutements sont la preuve de l'attachement que nous portons à cette profession. Le dialogue social se poursuit avec la création d'une catégorie A pour 25 % du corps et des revalorisations.

Le budget 2024 respecte à la lettre cette loi de programmation. J'en ferai un combat de tous les instants.

Nous nous engageons sur le plan d'embauche : en 2024, 327 magistrats, 340 greffiers et 400 attachés de justice seront recrutés, en sus des départs à la retraite.

Ainsi, pour créer 1 500 postes de magistrats, il faut en fait 2 800 recrutements. La revalorisation de 1 000 euros de leur rémunération sera par ailleurs effective dès la fin du mois.

Je vous confirme également la revalorisation inédite des métiers pénitentiaires, qui passeront dès janvier en catégorie B, A pour les officiers. Il y va de l'attractivité des métiers de la justice.

Nous devons par ailleurs accélérer la transition numérique du ministère - je pense à la procédure pénale numérique, qui facilite grandement la vie des magistrats et des policiers. Chaque mois, 150 000 procédures pénales sont transmises de manière dématérialisée, 300 fois plus qu'en 2020.

Ensuite, il faut accroître le parc immobilier du ministère et le renouveler. J'ai annoncé dernièrement à Brest l'extension de la cité judiciaire. Quant à la création de 15 000 places de prison, j'étais, vendredi, à Ifs avec la Première ministre pour inaugurer les 550 places de la nouvelle prison. Plus de 1 000  places seront ouvertes sur le seul mois d'octobre.

Ces hausses doivent servir une réponse pénale ferme, sans démagogie, et améliorer tant les conditions de travail des agents que les conditions de détention, qui sont parfois indignes.

Je veux diviser par deux les délais de justice d'ici à 2027. Chacun doit prendre sa part à cet effort collectif. Les Français ne comprendraient pas que tant de moyens n'améliorent pas le service rendu. De tels moyens exigent des résultats !

Les acteurs du monde judiciaire ont pu compter sur moi pour prendre ces mesures et sur le Parlement pour les adopter. Je sais pouvoir compter sur eux.

Je rappelle les mots du président Sauvé : tout ne se résume pas à la question des moyens. D'où des mesures concrètes.

Je salue le chantier inédit de la refonte complète du code de procédure pénale. Si le Sénat confirme son vote, dès la promulgation de la loi de programmation, j'écrirai aux présidents des deux assemblées pour que chaque groupe désigne son représentant au comité de suivi parlementaire -  dont sont membres de droit les présidents des commissions des lois.

Par ailleurs, le décret portant réforme de l'amiable entrera en vigueur le 1er novembre. De même, la refonte de la procédure d'appel sera prochainement mise en oeuvre.

Je pense également aux enjeux de déconcentration, madame Canayer, afin de donner plus d'autonomie aux chefs de cour, qui ont reçu mandat pour répartir les moyens alloués, notamment les 1 500 nouveaux postes de magistrats.

Madame Vérien, le décret créant les pôles spécialisés dans la lutte contre les violences intrafamiliales est devant le Conseil d'État.

Je conclus sur le défi majeur de la justice : la gestion des ressources humaines. Outre le recrutement massif, nous pérenniserons ces emplois en les CDIsant et en créant la fonction d'attaché de justice.

La réforme du statut de la magistrature est particulièrement ambitieuse. Nous comptons en ouvrir l'accès et réformer la réception des plaintes des justiciables contre les magistrats devant le CSM, qui aujourd'hui n'aboutissent jamais à des sanctions.

Toutes ces améliorations rendent votre vote décisif. Tous les acteurs de la justice vous regardent. Ils ont besoin d'un message de reconnaissance et d'espérance. L'heure est à l'action, j'y mettrai toute mon énergie. Le meilleur est à venir ! (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, des groupes INDEP et UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Discussion du texte du projet de loi élaboré par la CMP

Mme la présidente.  - En application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

ARTICLE 3

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 102 à 104

Supprimer ces alinéas.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Ces amendements, rédactionnels et de coordination, ont été élaborés avec les rapporteurs.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis favorable à tous ces amendements.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je demande la parole pour explication de vote.

Mme la présidente.  - Ce n'est pas prévu par le Règlement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est surréaliste ! La commission n'a pas statué sur ces amendements, il s'agit d'un avis personnel de la rapporteure.

Mme la présidente.  - Nous en prenons acte.

ARTICLE 3 BIS AAE

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

II.  -  Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article 137-1-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « premier grade ou hors hiérarchie » sont remplacés par les mots : « deuxième ou du troisième grade » ;

b) À la seconde phrase, le mot : « second » est remplacé par le mot : « premier » ;

2° Au premier alinéa de l'article 695-8, les mots : « hors hiérarchie » sont remplacés par les mots : « du troisième grade ».

ARTICLE 5

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 25

Supprimer cet alinéa.

ARTICLE 6

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 21

remplacer les mots :

portant sur les

par les mots :

ouvertes à l'égard des personnes exerçant l'une des

II.  -  Alinéa 23

Remplacer les mots :

présent titre

par les mots :

titre IV du livre VI du code de commerce

III.  -  Alinéa 25

Remplacer les mots :

des procédures portant sur les professions mentionnées au second alinéa de l'article L. 722-6-1 du même code

par les mots :

de celles ouvertes à l'égard des personnes exerçant l'une des professions mentionnées au second alinéa de l'article L. 722-6-1 du code de commerce

IV.  -  Alinéa 26

Remplacer le mot :

affaires

par le mot :

activités

ARTICLE 13

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 8

Remplacer les mots :

Après la première phrase de l'avant-dernier alinéa du III de l'article 16, est insérée

par les mots :

L'avant-dernier alinéa du III de l'article 16 est complété par

ARTICLE 26 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par dix alinéas ainsi rédigés :

V. - À la fin de l'article L. 112-7 du code de justice militaire, les mots : « hors hiérarchie » sont remplacés par les mots : « du troisième grade » ;

VI. - Au 3° de l'article L. 831-1 du code de la sécurité intérieure, les mots : « hors hiérarchie de la Cour de cassation » sont remplacés par les mots : « du troisième grade de la Cour de cassation, à l'exclusion des auditeurs, conseillers référendaires et avocats généraux référendaires, »

VII. - La loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits est ainsi modifiée :

1° L'article 2 est ainsi modifié :

a) À la fin du 2° , les mots : « magistrats du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation élus par les magistrats du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation » sont remplacés par les mots : « conseillers ou présidents de chambre de la Cour de cassation élus par l'ensemble des magistrats du siège du troisième grade de la Cour à l'exclusion des auditeurs et conseillers référendaires » ;

b) À la fin du 3° , les mots : « de la Cour de cassation parmi les conseillers hors hiérarchie et référendaires » sont remplacés par les mots : « du troisième grade de la Cour de cassation, à l'exclusion des auditeurs, parmi l'ensemble des magistrats du siège du troisième grade de la Cour, à l'exclusion des auditeurs » ;

2° Au premier alinéa de l'article 4, les mots : « hors hiérarchie du parquet général » sont remplacés par les mots : « du parquet du troisième grade, à l'exclusion des avocats généraux référendaires, » ;

3° À la seconde phrase du premier alinéa de l'article 6, les mots : « magistrats du siège hors hiérarchie » sont remplacés par les mots : « conseillers ou présidents de chambre ».

VIII - À la fin du 2° du II de l'article 19 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les mots : « hors hiérarchie de la cour » sont remplacés par les mots : « du troisième grade de la Cour, à l'exclusion des auditeurs et conseillers référendaires » ;

IX. - À la première phrase du premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, les mots : « hors hiérarchie » sont remplacés par les mots : « du troisième grade ».

ARTICLE 27

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 3

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

1° bis L'article L. 532-2 est ainsi modifié :

a) Les mots : « , L. 211-12 et L. 217-6 » sont remplacés par les mots : « et L. 211-12 » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

L'article L. 217-6 est applicable à Wallis-et-Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° du d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

ARTICLE 29

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 18

1° Après la première occurrence de la référence :

I

insérer les mots :

, le 2° du I bis

2° Après la référence :

article 22

insérer les mots :

ainsi que le 1° du V de l'article 27

II.  -  Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le II de l'article 19 entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État, et au plus tard le 1er janvier 2025.

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

VIII.  -  Les V à IX de l'article 26 bis entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État, et au plus tard le 31 décembre 2025.

Discussion du texte du projet de loi organique élaboré par la CMP

ARTICLE 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 58

Supprimer les mots :

, dont la durée ne peut être inférieure à douze mois

II.  -  Alinéa 68

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

17° L'article 25-3 est ainsi rédigé :

« Art. 25-3.  -  La durée cumulée des formations probatoire et complémentaire dispensées aux stagiaires ne peut être inférieure à 12 mois. » ;

17° bis L'article 25-4 est abrogé ;

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Là aussi, ce sont des amendements de précision et de coordination.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - ... de la rapporteure, et non de la commission !

Mme la présidente.  - Madame de La Gontrie, vous pourrez vous exprimer lors des explications de vote.

ARTICLE 5

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Après l'alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article est applicable selon les cas au parquet financier, au parquet antiterroriste ou aux membres intéressés de ces parquets, dans la limite de leurs attributions.

II.  -  Après l'alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article est applicable selon les cas au parquet financier, au parquet antiterroriste ou aux membres intéressés de ces parquets, dans la limite de leurs attributions.

III.  -  Après l'alinéa 23

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article est applicable selon les cas au parquet financier, au parquet antiterroriste ou aux membres intéressés de ces parquets, dans la limite de leurs attributions. » ;

ARTICLE 7

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 37

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

7° L'article 41-27 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « non renouvelables » sont supprimés ;

b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ils peuvent être nommés pour un second mandat pour la même durée et dans les mêmes formes. »

Vote sur l'ensemble

M. Guy Benarroche .  - La CMP sur ce texte relève à la fois de la boîte noire et de la chambre d'enregistrement.

La vision qu'a le Gouvernement pour l'avenir de la justice ne nous satisfait pas pleinement et l'urgence à agir ne saurait nous contraindre à nous aligner sur l'ensemble du texte. Il fait l'impasse sur la régulation carcérale, alors que les états généraux de la justice plaidaient pour un seuil de suroccupation. Le ministre a affirmé que cette question était abordée au cas par cas, sans expérimentation. Construire de nouveaux établissements pénitentiaires ne peut être la seule réponse à la surpopulation carcérale !

La France est parmi les pays européens où la population carcérale progresse le plus, selon la Cour des comptes, selon laquelle un dispositif national de régulation carcérale « relève du débat démocratique et d'une orientation forte de la politique pénale ». Nous y avons appelé ; c'est un rendez-vous manqué.

Moins de personnes en prison, ce n'est pas le moins-disant. Le coût et l'efficacité des peines alternatives plaident en leur faveur. À l'inverse, remplir les prisons ne rend pas la société plus sûre.

Nous saluons la sortie de la précarité des assistants de justice et l'ouverture de l'accès à la magistrature.

Toutefois, nous regrettons la mise en cause de la liberté syndicale des magistrats ou les mesures qui éloignent les citoyens des lieux de justice. La géolocalisation des téléphones à distance ou l'extension des horaires de perquisition, entre autres, nous inquiètent.

L'effort budgétaire est certes à saluer mais ne saurait suffire. Il aurait fallu développer les services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip), mais ce n'est hélas pas le cas : dans ces conditions nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Cécile Cukierman .  - Sans revenir sur nos débats passés, nos désaccords démontrent le caractère démocratique de notre institution et notre exigence d'une justice efficace.

Je salue l'effort consenti en matière de recrutement de magistrats et de greffiers. Toutefois, monsieur le minsitre, en bas de votre bulletin scolaire - c'est l'ancienne enseignante qui parle -, je vous inviterai à ne pas relâcher vos efforts. (Sourires)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - « Peut mieux faire » !

Mme Cécile Cukierman.  - Nous serons vigilants, lors du projet de loi de finances à ce que les moyens suivent, dans toutes les juridictions.

Le développement à outrance de la solution technologique, certes facilitatrice, nous inquiète. Gare à ne pas menacer le droit à la présomption d'innocence et le droit à participer au débat politique, où l'on peut être minoritaire sans être antirépublicain.

Je rends hommage à Eliane Assassi, auteure d'une proposition de loi contre la surpopulation carcérale. S'il n'existe pas de formule magique, s'interroger sur les conditions de vie en prison revient à s'interroger sur l'humanité de notre République.

Enfin, je conclurai sur un sujet qui parfois nous oppose : la liberté syndicale, qui doit être garantie. Il ne s'agit pas du pouvoir de dire n'importe quoi (M. le garde des sceaux ironise), mais de la capacité à s'opposer, dans le respect.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Dans le respect, oui !

Mme Cécile Cukierman.  - Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-Kanaky)

Mme Nathalie Delattre .  - Nous nous réjouissons de l'accord en CMP sur un texte aussi essentiel. Comme le disaient Jean-Yves Roux et Maryse Carrère, nos juridictions survivent grâce au dévouement et à l'abnégation de nos magistrats et des agents qui les accompagnent, derniers maillons de notre État de droit.

Face au constat partagé du délabrement de la justice, nous saluons les efforts consentis depuis plusieurs années, et espérons rattraper nos voisins européens.

Saluons également la mise en avant de la peine de travail d'intérêt général (TIG), l'élargissement du champ des infractions recevables par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions ou encore la réécriture du code de procédure pénale. Certes, le RDSE défend le débat législatif, mais en l'espèce, reconnaissons que le recours à l'ordonnance est plus efficace.

La médiation en matière civile est intéressante. J'avais déposé une proposition de loi en septembre 2021 dans ce sens : je me réjouis que ce texte y donne suite dans le rapport annexé.

L'article 2 bis reprend le texte de la proposition de loi de Jean-Claude Requier adoptée par le Sénat en novembre dernier, qui corrigeait un oubli de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. Création du métier d'attaché de justice et maintien de la déjudiciarisation de la procédure de saisie de rémunérations sont d'autres progrès.

Cela dit, mon groupe, attaché à la liberté, a des réserves, notamment sur la télécommunication pour les interprètes et la téléconsultation médicale en garde à vue. En outre, nous sommes circonspects sur l'activation à distance des appareils des suspects. La position du Sénat nous semblait plus raisonnable.

Une partie du RDSE s'abstiendra, tandis qu'une autre votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. François Patriat et Dany Wattebled applaudissent également.)

Mme Patricia Schillinger .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous achevons un long processus entamé lors des états généraux de la justice. Ces deux textes sont historiques : 11 milliards d'euros d'ici à 2027, 10 000 emplois supplémentaires, revalorisations, équipe autour du magistrat, simplification de la procédure, renforcement de l'administration pénitentiaire. L'ampleur des mesures impressionne.

Je salue l'esprit constructif ayant présidé à l'élaboration de ces textes ainsi que votre travail, monsieur le garde des sceaux.

Je me réjouis du relèvement à 1 800 du nombre de greffiers supplémentaires. Les magistrats en seront mieux épaulés et la justice plus efficace.

Nous sommes heureux que la position de l'Assemblée nationale sur l'activation à distance des appareils connectés ait été retenue. Elle pourra être utilisée par exemple contre le trafic de stupéfiants.

Nous sommes en outre attachés à la compétence universelle et nous réjouissons de l'expérimentation des TAE, qui reprend une proposition de loi de Thani Mohamed Soilihi. L'amendement du RDPI prévoyant une participation des parlementaires à l'évaluation a été retenu.

Nous prenons acte de la construction de 3 000 places de prison sous condition d'autorisations d'urbanisme et saluons le compromis autour de la confidentialité des avis des juristes d'entreprise.

Le texte de la CMP du projet de loi organique est un excellent compromis. Nous nous réjouissons de la suppression de la limitation du droit syndical des magistrats, qui aurait été inconstitutionnelle.

Je forme le voeu que les mesures adoptées réduisent la défiance de nos concitoyens à l'égard de la justice. C'est avec ferveur et enthousiasme que les sénateurs RDPI voteront ces deux textes. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ces deux textes sont très importants, en effet, monsieur le garde des sceaux.

Les augmentations budgétaires sont considérables. Mais l'argent achète-t-il tout ? Ma réponse sera non pas négative, mais nuancée.

Vous avez pris le soin de revaloriser les métiers et d'augmenter les effectifs, notamment des greffiers : c'est très important. Nous saluons la pérennisation des attachés de justice, tout comme l'équipe autour du magistrat. Nous avons accepté le principe de la réécriture du code de procédure pénale, par pragmatisme : elle sera encadrée.

Nous avons supprimé la double incrimination. Je rends hommage à l'obstination convaincue et convaincante de Jean-Pierre Sueur.

Cela dit, ces textes sont lacunaires : rien sur la régulation carcérale, un éléphant au milieu de la pièce.

La CMP a conservé la saisie-rémunération, à laquelle nous sommes hostiles, car un juge protège davantage qu'un commis de justice - les personnes à faible revenu seront les premières victimes.

Nous ne sommes pas non plus favorables à l'activation à distance des appareils connectés. La limitation aux infractions punies de cinq ans de prison nous avait surpris - dans le bon sens, nous étions presque à front renversé - mais elle n'a pas perduré.

Monsieur le ministre, vous êtes obstiné : vous n'avez pas voulu créer de juridictions spécialisées dans les violences intrafamiliales. Espérons que le pôle spécialisé suffira.

Je n'ai pas compris pourquoi vous refusiez la catégorie A aux greffiers, dont le rôle est pourtant essentiel.

Dans le projet de loi organique, je salue la diversité des métiers et l'inscription de la parité - mais vous n'avez pu vous empêcher de limiter la liberté d'expression des magistrats. La CMP a renoncé à limiter le droit syndical - heureusement -, mais vous avez trouvé d'autres moyens, c'est assez grave.

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, nous nous abstiendrons sur ces deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Catherine Di Folco .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Notre groupe se réjouit de l'accord trouvé en CMP. Le Sénat appelait de ses voeux une loi de programmation en faveur de la justice - je rappelle le rapport de Philippe Bas de 2017. Nous nous réjouissons de la remise à niveau des moyens humains et matériels.

Le Sénat a bataillé pour les 1 800 greffiers supplémentaires. Lors de l'Agora de la justice, organisée au Sénat en septembre 2021, tous avaient pointé la nécessité de ces recrutements. Nous regrettons que le recrutement de 600 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation n'ait pas été retenu en CMP.

Monsieur le garde des sceaux, vous nous assurez qu'aucune modification de fond code de procédure pénale ne sera entérinée sans l'aval du Parlement : nous y veillerons. (M. le garde des sceaux le confirme.)

Nous nous réjouissons de la création des TAE.

L'accord trouvé en CMP conforte les apports du Sénat pour renforcer l'impartialité des magistrats, sans limiter leur liberté d'expression. Celle-ci ne justifie ni la suspension de l'évacuation du bidonville de Mamoudzou ni l'animation d'une table ronde à la Fête de l'Humanité !

Nous notons d'autres apports comme l'ouverture du recrutement dans le corps de la magistrature et la création de la charte de déontologie des magistrats, à l'initiative de Bruno Retailleau.

Le renforcement des exigences en matière de responsabilité renforcera la confiance envers la justice, particulièrement abîmée.

Nous serons très vigilants quant au déploiement effectif des crédits dans les années à venir, et voterons ces deux textes dans notre grande majorité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christopher Szczurek .  - Après les émeutes de juin dernier, cette loi, sous-dimensionnée face à l'insécurité, contient toutefois des progrès. Les 1 800 greffiers supplémentaires sont bienvenus, malgré l'absence de revalorisation.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'était dans la discussion !

M. Christopher Szczurek.  - Les 18 000 places de prison, loin des 85 000 que nous préconisons, sont un premier pas.

Les TIG, insuffisamment dissuasifs, sont pourtant le troisième type de peine prononcée.

Le sentiment d'insécurité n'est pas qu'un sentiment, mais une légitime appréhension. Les émeutes rappellent que des territoires entiers sont soustraits au droit commun et régis par la brutalité.

Les nouvelles techniques d'enquête rendront la lutte contre les trafics plus efficaces.

Enfin, il faut sortir de la politique du cataplasme et s'attaquer aux causes de la délinquance. Pour paraphraser Blaise Pascal, la force doit être juste, la justice doit être forte. Le système judiciaire doit punir, mais les peines doivent être suffisamment fortes pour être dissuasives. (M. Joshua Hochart applaudit.)

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La justice, qui assure pourtant une mission essentielle à notre démocratie, n'était pas suffisamment financée. L'augmentation du budget de la justice est donc une excellente nouvelle, pour les professionnels comme pour nos concitoyens. Le manque de moyens, notamment humains, a embolisé nos juridictions et dégradé les délais de jugement.

Le projet de loi ordinaire y remédiera, avec la création de postes de magistrats, de greffiers et d'attachés de justice. De nouvelles places de prison seront construites, besoin urgent. (M. le garde des sceaux opine.) Enfin, de nouvelles techniques, suffisamment encadrées au regard des libertés individuelles, rendront la justice plus efficace.

La justice pénale n'est pas la seule en souffrance. L'expérimentation des TAE est une bonne nouvelle. Nous soutenons le transfert aux commissaires de justice des procédures de saisie sur rémunération sous le contrôle du juge de l'exécution.

Le projet de loi organique ouvre le corps judiciaire et en simplifie le fonctionnement. Il renforce également la responsabilité et la protection des magistrats. L'État doit concentrer ses moyens sur ses missions régaliennes pour rendre la justice plus efficace et plus attractive.

L'inflation normative demeure un cancer pour nos réglementations. Il faut simplifier le code de procédure pénale, qui en est un des symboles. Nous devons réduire le nombre de normes et améliorer leur qualité. Le ministre et le Sénat y sont très attentifs, et j'espère des avancées concrètes dans les prochains mois.

Le groupe INDEP votera le texte de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le travail fut long, mais il était nécessaire pour répondre aux attentes des personnels de la justice et du grand public. Il fallait réparer notre justice, pour la rendre plus efficace et plus ouverte. Cette modernisation touchera la gestion des carrières, avec un dialogue social amélioré et une place des syndicats confortée.

La charte de déontologie, la notion d'impartialité, le rehaussement des sanctions contribueront à restaurer la confiance des citoyens dans la justice.

Je salue la création des 1 500 postes de magistrats et des 1 800 postes de greffiers, attente forte de notre chambre.

Les TAE sont le résultat d'un compromis entre nos deux chambres. Le Sénat avait supprimé l'échevinage ; la CMP a exclu les professions juridiques et les baux commerciaux, mais inclus les associations et prévu la participation des agriculteurs comme assesseurs. Les associations ne seront pas lésées et les juges sauront se montrer à la hauteur. Nous ne manquons pas de candidats et pourrons évaluer le dispositif.

Le commissaire pourra jouer le rôle de conciliateur dans la procédure de saisie des rémunérations, c'est bienvenu.

Je remercie nos collègues de l'Assemblée nationale pour le travail respectueux que nous avons réalisé ensemble. Les points les plus délicats ont été traités, et nous avons su maintenir ce qui nous tenait le plus à coeur : le champ de compétences du TAE, la contribution des plus petites entreprises, la création du legal privilege à la française, le niveau d'études requis pour être avocat, la notion de danger imminent lors des perquisitions de nuit, etc.

Monsieur le ministre, merci pour votre écoute et la qualité de nos échanges, que nous poursuivrons lors de notre contrôle parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Le projet de loi, modifié, est adopté définitivement.

Le projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°2 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 251
Pour l'adoption 233
Contre   18

Le projet de loi organique, modifié, est adopté définitivement.

La séance est suspendue quelques instants.

Industrie verte (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'industrie verte.

Mme Dominique Estrosi Sassone, au nom de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission mixte est parvenue à un accord. L'Assemblée nationale en a adopté les conclusions hier.

Ce texte vise à faciliter l'implantation d'industries vertes en France. Elles nous donneront les moyens de la transition écologique et d'une croissance durable et sont indispensables pour le climat et l'environnement, mais aussi notre souveraineté -  nous ne devons plus dépendre des panneaux solaires chinois ! C'est aussi un gigantesque gisement d'emplois et un relais de croissance.

Nous avons été nombreux à regretter le manque d'ambition de ce texte composite, mais le travail parlementaire l'a enrichi et les apports de la commission des affaires économiques ont été préservés. Je salue à ce titre Laurent Somon, qui en était le rapporteur.

C'est ainsi que l'ensemble de la chaîne de valeur de l'industrie pourra bénéficier de la procédure de déclaration de projet, essentielle pour les sous-traitants et notamment les PME. Nous avons aussi amélioré la requalification des friches industrielles et facilité la libération de foncier pour l'industrie. Pour les collectivités qui font face au mur du ZAN, le Gouvernement fournira un rapport sur les outils à leur disposition pour requalifier ces friches.

L'État ne doit pas traiter les collectivités comme des gisements de foncier, mais comme des acteurs à part entière de la réindustrialisation. L'article 1er confie aux régions de nouvelles compétences en matière de développement économique territorial, et les départements seront consultés sur ce nouveau volet du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet).

Pour les projets industriels d'intérêt national majeur, grâce au Sénat, l'avis conforme des collectivités locales sera requis, sur la base de toutes les données nécessaires. Nous avons aussi obtenu que les régions soient consultées et qu'elles puissent signaler au Gouvernement des projets à labelliser.

Les apports du Sénat sur le titre II relatif au verdissement de la commande publique ont été conservés.

Au titre III relatif au financement de l'industrie verte, le périmètre du plan d'épargne avenir climat (Peac) a été rééquilibré : tous les titres financiers contribuant à la transition écologique seront éligibles.

La transmission à la Banque de France des données sur les enjeux de durabilité des entreprises a été rendue facultative - merci à Christine Lavarde, de la commission des finances.

Je laisserai Fabien Genet présenter les apports de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Ce texte ne nous fait pas entrer dans l'ère de l'industrie verte : il n'est qu'un tout petit pas sur le long chemin de la réindustrialisation de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Madame la présidente Primas, je vous remercie pour le travail que nous avons mené ensemble, lorsque j'étais votre homologue. Merci aussi à Mme Estrosi Sassone qui a poursuivi le travail sur ce texte.

À Grenoble, en septembre dernier, j'ai inauguré la quatrième usine de Soitec, l'un de nos grands champions : plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires, 1 650 emplois, 90 % de production exportée.

Soitec, c'est l'exemple de ce que nous voulons faire dans ce projet de loi : une autorisation rapide - moins de 18 mois entre l'annonce du projet et l'inauguration - ; un projet respectueux de l'environnement - Soitec investit plus d'un milliard d'euros pour réduire sa consommation en eau de 50 % - ; un gisement d'emplois - 400 emplois industriels directs supplémentaires, 800 emplois indirects ; un territoire industriel où tous les élus travaillent ensemble.

Cette exception doit devenir la règle. Avec ce texte, nous allons enfin réduire les délais d'autorisation, de 17 à 7 mois en moyenne. Une industrie innovante, conquérante, inscrite dans un territoire, qui crée des emplois et respecte l'environnement : voilà ce que nous voulons.

Ce texte vise à libérer du foncier, à accélérer les procédures, à mobiliser l'épargne au profit de l'industrie et à protéger le fabriqué en France grâce à des achats publics responsables. Ses avancées sont pragmatiques et audacieuses. Une économie de plus de 40 millions de tonnes de CO2 est attendue d'ici à 2030.

Avec le crédit d'impôt pour l'industrie verte prévu dans le prochain projet de loi de finances, nous dégagerons 23 milliards d'euros d'investissement avec 40 000 emplois directs à la clef.

Je remercie les présidents de commission et les rapporteurs. Le travail a été apaisé dans les deux chambres. Le Parlement a amélioré le texte : nous avons sécurisé les acheteurs publics ; nous avons arrêté la définition d'une stratégie française industrielle verte ; nous avons précisé le Peac ; les collectivités ont vu leur rôle clarifié, notamment pour les grands projets industriels ; l'élaboration de l'article consacré à l'économie circulaire a elle aussi été circulaire - le travail a connu des hauts et des bas, certes -, mais cela sécurise les acteurs, pour faire des déchets des matières premières.

Le cahier des charges friches va être modifié pour accélérer les réhabilitations et les industries pourront postuler directement. Demain, j'annoncerai au congrès d'Intercommunalités de France les modalités d'identification des 50 sites les plus importants.

L'accord trouvé en CMP s'est matérialisé par un vote favorable de l'Assemblée nationale hier ; j'espère un vote similaire au Sénat.

Madame la présidente de la commission, nous faisons un important pas en avant sur la route de la réindustrialisation verte, même s'il reste beaucoup de travail, je le concède, notamment pour attirer des jeunes dans l'industrie. Plusieurs documentaires ont été diffusés, dont Les étincelants, projeté à Bercy, qui présente de jeunes chaudronniers qui se projettent vers l'avenir. Nous devons nous atteler à une véritable révolution culturelle. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC)

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 14

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Supprimer le b du 11° du I.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Il reste quelques scories. Cet amendement supprime un doublon.

Mme Dominique Estrosi Sassone, au nom de la CMP.  - Avis favorable.

ARTICLE 17

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 97

Remplacer les mots :

l'entreprise d'assurance

par les mots :

la mutuelle ou l'union

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Correction rédactionnelle.

Mme Dominique Estrosi Sassone, au nom de la CMP.  - Avis favorable.

Vote sur l'ensemble

M. Fabien Gay .  - Ce texte a une belle ambition. Mais penser qu'on pourra faire de l'industrie verte en passant par-dessus les élus locaux et en remettant en cause la protection de l'environnement relève au mieux d'un volontarisme incantatoire, au pire d'une méconnaissance de l'industrie.

La loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, dite Asap, n'a pas eu d'effet visible sur la réindustrialisation. Certes des emplois industriels sont créés, mais il y a aussi des sites qui ferment, avec des licenciements à la clef.

Monsieur le ministre, vous évoquez Nous les ouvriers, ce beau documentaire. Mais où sont vos investissements massifs pour l'éducation, la formation, l'aide à la reconversion ? Il n'y aura pas d'industrie sans ouvriers qualifiés. (M. le ministre le confirme.) Rien non plus sur l'implication des ouvriers et des sous-traitants.

On ne réindustrialisera avec la défiance envers les élus locaux, dont votre gouvernement - pas vous - fait preuve. Or les élus locaux sont les premiers interlocuteurs des porteurs de projets.

Pour réindustrialiser, il faut une stratégie de création et de renforcement des filières. Autrement, on risque de priver le pays de son appareil productif, car le capital étranger pourrait prendre les brevets et les compétences avant de délocaliser - nous en avons des exemples !

Sans financement pérenne, pas de réindustrialisation. Or les 7 milliards d'euros annoncés dans le cadre du programme de planification écologique pour 2023 sont bien loin des 25 milliards annuels attendus.

Que sont devenus les 160 milliards d'euros d'aides versées chaque année aux entreprises sans contrepartie ? Vous persistez à les arroser sans conditionnalité ni contrôle. Nous proposons que le Sénat crée une mission d'information sur cette question : votre politique fiscale sert-elle l'investissement productif ou les actionnaires ?

Vous n'évoquez jamais les causes réelles de la désindustrialisation, mais incriminez nos normes sociales ou environnementales. Vous ne dites rien sur la réforme du marché européen de l'électricité alors que la facture des industriels a bondi de 45 %. Nous ne savons toujours pas quel sera le prix de l'électricité en 2025, qui menace 6 % de l'emploi industriel.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-Kanaky)

Mme Nathalie Delattre .  - Ce texte a fait l'objet d'un accord lundi. La désindustrialisation a coûté à la France des milliers d'emplois et des savoir-faire. Nous ne pouvons pas dépendre de nos partenaires commerciaux, nous l'avons vu pendant la crise Covid : manque de masques, pénurie de vaccins...

Le réchauffement climatique nous impose de revoir notre mode de production pour réduire les émissions de CO2. C'est l'ambition de ce projet de loi : faciliter et financer les implantations industrielles, réhabiliter les friches, adapter la commande publique aux enjeux environnementaux et développer l'économie circulaire.

Nous avons besoin d'un nouvel élan, car les commandes publiques se tournent de nouveau vers l'Asie...

La taxe carbone aux frontières de l'Union mettra sur un pied d'égalité les industries européennes et leurs concurrentes étrangères dès 2026, après des tests lancés au début du mois. Espérons.

Nous devons aussi exiger de la réciprocité. De nombreux États comme la Chine ne laissent aucune chance à nos entreprises dans leurs appels d'offres. A contrario, des entreprises chinoises fortement subventionnées remportent des appels d'offres en France et en Europe. Le renforcement de notre souveraineté industrielle passera par une approche plus volontariste de la commande publique.

Nous réjouissons du maintien d'un amendement d'Éric Gold qui tend à faire bénéficier de la déclaration de projet les implantations de recherche et développement dans les technologies favorables au développement durable.

Les mesures de requalification des friches faciliteront leur reprise par des industries moins carbonées. Le Peac est une mesure de financement intéressante. Les autres mesures financières - le crédit d'impôt notamment - sont renvoyées au projet de loi de finances.

Ce texte, essentiellement technique, ne contribuera qu'à un timide verdissement de l'industrie. Il nous manque encore une vision globale ainsi qu'une réflexion de fond sur l'attractivité des métiers de l'industrie. Il est cependant le reflet de la prise de conscience de l'État sur la question de la réindustrialisation. Le RDSE le votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Didier Rambaud .  - Pourquoi ce texte est-il important ? Parce qu'il accompagne la vague de réindustrialisation que nous connaissons et ambitionne de faire de la France la championne européenne de l'industrie verte.

La transition écologique est une impérieuse nécessité, mais nous avons également besoin de recréer des emplois industriels en France pour garantir notre souveraineté.

La réindustrialisation est une évidence économique : elle fait vivre toute une chaîne de valeurs et ses territoires d'implantation, tout en contribuant à résorber notre déficit commercial. C'est aussi une évidence écologique, car l'Europe et la France ont une des réglementations environnementales les plus avancées au monde. C'est enfin une évidence en termes de souveraineté, comme la crise sanitaire l'a rappelé.

Mais elle doit tenir compte des enjeux actuels : lutte et adaptation au dérèglement climatique. Dès 2017, le Gouvernement a investi dans l'innovation et, depuis quatre ans, la France est le pays européen qui accueille le plus d'investissements. Nous créons plus d'usines et plus d'emplois industriels que nous n'en perdons. À Dunkerque, à Grenoble, nous produisons des batteries. Mais il faut aller encore plus loin.

Le RDPI se réjouit de cette CMP conclusive, qui permettra de gagner du temps administratif pour atteindre nos objectifs écologiques, dont la réduction des émissions de 41 millions de tonnes de CO2 d'ici à 2030.

Le délai d'instruction d'une création d'usine passera de 17 à 9 mois.

À l'article 9 relatif aux projets d'intérêt national majeur, je me réjouis que notre amendement pour associer les maires ait finalement été retenu.

Ce texte de compromis facilite l'implantation de sites industriels, finance l'industrie verte et favorise les entreprises vertueuses. Le RDPI le votera donc avec enthousiasme et responsabilité. Nous accélérons vers une réindustrialisation durable et fulgurante !

M. Franck Montaugé .  - Il y a le texte et le contexte.

Sur le texte, les faiblesses soulignées en première lecture demeurent. L'industrie verte n'est pas définie et le texte reste centré sur l'accélération des procédures et la mise en chantier de quelques sites.

La CMP a conservé notre amendement demandant une stratégie nationale, mais il faudrait que la représentation nationale en débatte.

Nous nous réjouissons aussi que les communes concernées ne soient pas contraintes.

Grâce à notre ancienne collègue Angèle Préville, nous n'exporterons plus de vêtements usagés qui ne seraient que des déchets.

Il est regrettable que le programme Territoires d'industrie ait été retiré du texte de la CMP, de même que l'article sur l'économie circulaire.

L'article 11 bis A sur les ombrières est inapplicable : sur quel fondement juridique interdirez-vous l'importation de panneaux photovoltaïques en provenance de pays hors Union européenne ?

Sur le titre III, c'est le grand flou, encore aggravé en CMP. Que sont des « titres financiers concourant à la transition écologique » ? On nous renvoie à un décret... À l'article 15 bis, à l'art 18 bis, des dispositions ont été supprimées. Que reste-t-il d'efficace ? Pas grand-chose.

Après le texte, le contexte. Quel modèle économique avec la fin de la civilisation du thermofossile ? Nous avons besoin d'en débattre et d'élaborer de nouvelles politiques publiques, car le monde de demain sera hyperindustriel, centré sur les services à la personne et sur l'usage plutôt que sur la propriété.

C'est un enjeu de souveraineté nationale. Les États-Unis sont protecteurs depuis toujours, les Chinois de plus en plus. Quelle est la politique française ?

La présentation par le Président de la République de la planification écologique ne nous a pas rassurés : la France avait besoin d'un grand récit mobilisateur, pas d'un exposé craintif.

Le groupe SER s'abstiendra en attendant le débat parlementaire qu'il appelle de ses voeux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Fabien Genet .  - À mon tour de saluer le travail de notre Haute Assemblée sur ce texte. Merci à Laurent Somon, dont je salue les capacités d'écoute et de négociation, aux autres rapporteurs et au ministre.

En première lecture, les députés avaient conservé une partie de nos apports, mais un certain nombre de suppressions et d'ajouts nous posaient problème. La CMP a permis d'aplanir ces difficultés.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable avait souhaité renforcer la portée du texte et sa sécurité juridique.

Quelques améliorations : à l'article 4, les dispositions contraires au droit environnemental ont été supprimées ; l'article 9 bis AA qui faisait peser un risque juridique sur les porteurs de projet a été supprimé ; la rédaction de l'article 11 bis limite un effet d'aubaine et encourage la production de panneaux photovoltaïques sur le sol européen.

L'urgence à relocaliser et à décarboner ne doit pas nous amener à accroître les risques de contentieux en multipliant les dérogations.

Nous devons accélérer en coopération étroite avec les collectivités et les acteurs du territoire, dont l'appui est toujours un accélérateur.

Ce texte est bien loin de la révolution annoncée. De nombreux autres leviers devront être actionnés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - Notre réindustrialisation est un enjeu de souveraineté, d'indépendance et de sécurité. Il s'agit aussi de l'atteinte des objectifs de Lisbonne.

Nous n'avons d'autre option que de relever ce défi. Ce texte est une première réponse, mais pas la seule. Je salue le travail du Gouvernement et du Parlement ; cette CMP conclusive en est le fruit.

La désindustrialisation n'est pas une fatalité : voyez l'Aube, qui retrouve des couleurs grâce à son écosystème d'enseignement supérieur et de recherche et à ses entrepreneurs. Monsieur le ministre, vous l'avez constaté chez Petit Bateau. (M. le ministre le confirme.)

Derrière chaque entreprise, il y a des femmes, des hommes, des élus, tout un territoire. L'administration doit être plus flexible et plus proactive pour les accompagner.

Je me réjouis que nous ayons privilégié le pragmatisme en matière de ZAN. Après l'adoption de la proposition de loi, dont nous attendons les décrets d'application, nous sommes sur un chemin de crête.

Autre point à saluer : la place des collectivités locales. Ce sont les entrepreneurs et les élus locaux qui permettent l'installation pérenne d'industries et le développement de bassins d'emploi.

Ce texte va dans le bon sens, mais il reste beaucoup à faire.

Une réindustrialisation, on le voit dans le nucléaire, suppose un effort de formation. Or il y a des lacunes. C'est un sujet qui me tient à coeur et sur lequel je continuerai à travailler dans les prochains mois.

Ce texte comprend plusieurs avancées sur le financement de l'industrie verte. Je me réjouis que nous attirions de grands groupes, mais ils ne sauraient être l'alpha et l'oméga de notre politique industrielle. Il faut aussi aider nos start-up, nos PME et ETI. Une partie de mes amendements en ce sens ont été conservés, je m'en félicite.

Le Peac aura une vertu culturelle et éducative. Parmi les avancées, citons également la simplification des normes et l'accélération des procédures.

Notre travail législatif sur ce sujet n'est pas terminé, nous y reviendrons lors du projet de loi de finances.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte pour affermir la réindustrialisation de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI)

M. Patrick Chauvet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce projet de loi devait initier la relance de la réindustrialisation annoncée par le Président de la République, avec pour objectif de faire de notre pays un champion international des technologies décarbonées tout en réduisant nos émissions. La concurrence fait rage à l'échelle planétaire, nous devons relever le défi.

Attendu comme le carburant de notre dynamique industrielle, ce texte poursuit certes des objectifs louables, mais reste au milieu du gué.

Les mesures de simplification feront chuter le délai d'implantation des usines sur notre territoire de 17 à 9 mois, un bond considérable - en Allemagne, il faut entre 4 et 12 mois pour implanter une usine.

La CMP a préservé des acquis du Sénat : meilleure association des départements à la planification industrielle, à l'initiative de notre groupe ; accélération de la délivrance des permis de construire pour les sites industriels et modernisation des procédures d'enquête publique ; accélération de l'implantation de projets industriels d'intérêt général majeur prévue à l'article 9 ; réhabilitation des friches.

Hélas, la question des moyens financiers reste floue. Le titre III va dans le bon sens, avec le Peac, mais la loi de finances pour 2024 sera le vrai rendez-vous. Le crédit d'impôt en faveur des entreprises investissant dans l'industrie verte devra être précisé.

Si ce projet de loi est consensuel, c'est qu'il ne va pas assez loin. Au-delà de la simplification, nous avons besoin d'un choc industriel majeur pour rivaliser avec Pékin et Washington.

En responsabilité, et dans l'attente du projet de loi de finances, nous voterons les conclusions de cette CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte est une occasion manquée : le projet de loi industrie verte a accouché d'une souris grise. (Mle ministre se récrie.)

Nous attendions des mesures pour favoriser la relocalisation industrielle vertueuse, une industrie respectueuse de l'environnement et de la santé, décarbonée, sobre, privilégiant l'économie circulaire, ancrée dans le tissu local des TPE et PME.

Nous attendions une véritable planification, une orientation claire des financements publics, pour répondre aux défis climatiques et adosser la production sur une consommation sobre et soutenable.

Nous attendions une réflexion avec un volet humain : compétences, conditions de travail, association des salariés, reconversions.

Si l'industrie verte avait été pensée en ces termes, les écologistes auraient été heureux de soutenir cette ambition. Nous alertons depuis des années sur les enjeux de relocalisation, de résilience et de transition. À l'heure des pénuries de médicaments et de tension sur notre souveraineté énergétique, la réindustrialisation s'impose, à condition de s'inscrire dans une vraie transition écologique.

Rien de cela dans ce projet de loi, sinon quelques avancées sur les friches ou l'utilisation des coproduits. Sur la commande publique, c'est une régression démocratique et environnementale ; la CMP marque un recul sur l'article 2, qui limite le droit de recours des citoyens, et sur l'article 9, où le garde-fou que constituaient les élus locaux a été écorné.

La suppression de l'article 9 bis qui excluait du ZAN les implantations industrielles ne suffit pas à nous satisfaire. Le message est clair : déréguler, accélérer pour être attractif dans la concurrence mondiale. Accélérer, oui, mais vers où ?

Nous nous opposons à cette logique quand elle s'applique indifféremment à tout type d'industrie, sans conditionnalité. Nous avons besoin de certaines industries vertes, mais nous devons nous débarrasser de certaines autres. Je pense à l'usine Bridor, qui devait s'installer en Ille-et-Vilaine pour y produire des viennoiseries surgelées, destinées à l'exportation dans les hôtels 5 étoiles du monde entier... Rien dans ce texte pour sortir de cette vision industrielle d'une autre époque.

Nous regrettons que nos amendements n'aient pas été retenus en CMP, notamment celui de Jacques Fernique sur les projets territoriaux d'industrie circulaire.

Monsieur le ministre, nous avons échangé à Bercy, mais nous ne constatons pas d'avancées. Nous voterons donc à nouveau contre. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Je suis déçu, mais pas surpris !

À la demande du RDPI, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°3 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 260
Pour l'adoption 243
Contre   17

Le projet de loi, modifié, est adopté définitivement.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

La séance est suspendue quelques instants.

Augmentation de la taxe foncière

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat relatif à l'augmentation de la taxe foncière, à la demande du groupe CRCE-Kanaky.

M. Pascal Savoldelli, pour le groupe CRCE-Kanaky .  - Il y a un an, lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2023, les élus locaux ont interrogé le Gouvernement. Vu le coût des fluides, ils craignaient de devoir mettre la clé sous la porte, fermer les piscines, baisser le chauffage dans les écoles, augmenter la taxe foncière...

La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales a entraîné une baisse de ressources pour les communes. Le transfert de la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) n'assure pas une compensation égale. Des communes sont surcompensées et se voient appliquer un coefficient correcteur, qui n'apparaît pas sur la feuille d'impôt. À l'inverse, d'autres sont sous-compensées. Première question : comment gagner en clarté ?

Combien de Français ignorent les modalités de calcul de la taxe foncière ? Combien des 32 millions de propriétaires tiennent le maire pour responsable de l'augmentation de leur taxe foncière, alors que 84 % des communes n'ont pas augmenté les taux ? Ajoutons à cela la hausse de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom), conséquence des besoins croissants en matière de gestion des déchets.

À quelques exceptions près, les propriétaires ont subi une augmentation de 7,1 % par simple décision gouvernementale ! Et la hausse pèse plus lourd sur les propriétaires de petites surfaces, puisque les vingt premiers mètres carrés sont les plus chers.

Cette augmentation va pénaliser les bailleurs sociaux, publics ou privés, et, par ricochet, les locataires.

Le Gouvernement porte seul la responsabilité de cette hausse - un record depuis 1986. Imaginez ma stupeur en entendant la Première ministre affirmer que l'envolée de la taxe foncière était « une décision des collectivités locales » ! Un peu de sincérité ! Cessez de dire vouloir refonder un pacte avec les collectivités quand vous vous défaussez sur les élus locaux, qui sont en première ligne face à leur population.

Prévoyant une envolée des bases locatives cadastrales, les députés avaient voté une augmentation deux fois moindre, mais le Parlement a été bafoué par un énième 49.3.

En France, 72 % des impôts fonciers sont acquittés par les ménages, contre 40 % en Allemagne et 61 % au Royaume-Uni. Au point que l'Insee recense la taxe foncière sur les locaux d'habitation parmi les impôts de production... Et l'année dernière, le Gouvernement a encore repoussé la révision des bases locatives, qui datent pourtant de 1970.

Certaines communes ont augmenté leur taxe foncière au-delà de la majoration de 7,1 %, c'est vrai. Ces décisions sont prises en responsabilité. Quand un maire croise un administré, il n'y a pas de 49.3 possible. (Sourires) L'impuissance fiscale des collectivités se traduit par un dessaisissement du pouvoir de taux, qui ne concerne plus que 42 % des recettes fiscales, contre 90 % en 1986.

Suppression de la taxe d'habitation pour 17,6 milliards d'euros, qui profite surtout aux plus aisés ; suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour 14 milliards d'euros : France Urbaine et l'AMF fustigent une erreur politique majeure.

Dès lors, quelles perspectives ? Nous proposerons que la dotation globale de fonctionnement (DGF) soit indexée sur l'inflation. Comment restaurer cette autonomie fiscale et financière des collectivités ? Comment aller vers une nouvelle décentralisation, redéployer les services publics de proximité là où les territoires abandonnés exigent réparation ? Les élus locaux attendent des réponses concrètes et des solutions viables.

Les départements, premiers partenaires des municipalités, ont perdu tout pouvoir fiscal autonome et assistent à l'effondrement des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Notre groupe a donc lancé ce débat, ouvert et pluraliste. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-Kanaky, SER, du GEST et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics.  - Depuis la loi de finances rectificative pour 2022, le montant prélevé au titre du coefficient correcteur apparaît bien sur l'avis d'imposition de taxe foncière - c'était une initiative du rapporteur général Husson.

D'autre part, si les députés ont voulu maîtriser l'évolution de la base foncière, c'est contre l'avis de toutes les associations d'élus. Il était paradoxal de les priver de 2 milliards d'euros tout en appelant à limiter la taxe d'habitation...

Certes, l'autonomie fiscale a baissé, mais l'autonomie financière n'a jamais été aussi forte. Or c'est bien elle qui permet aux élus locaux de décider de la politique qu'ils veulent mettre en oeuvre.

M. Christian Bilhac .  - Dans quelques semaines, lors du Congrès des maires de France, on entendra force louanges sur les fantassins de la République que sont les maires. En attendant, ceux-ci sont voués aux gémonies au moment où il s'agit de payer la taxe foncière....

Les Français ont pris la mesure de la hausse : beaucoup réalisent que la suppression de la taxe d'habitation était un leurre. Le Gouvernement fait porter aux maires la responsabilité de l'augmentation des impôts locaux.

La taxe foncière est calculée sur des valeurs locatives obsolètes, qui datent de 1970 - il y a plus de cinquante ans !

Augmentation du coût des fluides, du chauffage, des cantines : les dépenses des collectivités territoriales explosent. Dès lors, l'augmentation de la taxe foncière était prévisible, car c'est la dernière ressource fiscale dont disposent les communes.

À une époque pas si lointaine, les maires connaissaient le niveau de leurs ressources pour l'année à venir lors de l'examen du projet de loi de finances : ils pouvaient ainsi construire leur budget, nécessairement à l'équilibre. Mais ce temps est révolu : certains maires ont dû augmenter la taxe foncière pour faire face aux coûts, sans oublier le - juste - relèvement du point d'indice des fonctionnaires et la prime de fin d'année promise aux fonctionnaires territoriaux.

Les situations sont disparates, et l'effet de la suppression de la taxe d'habitation varie selon la proportion de propriétaires et de locataires dans la commune. En ville, les locations sont plus élevées et les contribuables propriétaires moins nombreux, d'où des recettes fiscales moindres. Une partie des logements sociaux sont aussi exonérés de taxe foncière. Les communes abritant les populations modestes sont fiscalement pénalisées.

Il est temps de revenir aux bonnes pratiques : permettre aux élus locaux de construire des budgets dans le respect du principe de sincérité, ce qui suppose de ne pas donner tout au long de l'année de nouveaux éléments. Je pense à la prime de fin d'année, annoncée en juin... Les maires ne demandent qu'à l'accorder aux employés communaux de catégorie C, mais n'ont pas les moyens de faire face à cette dépense non prévue. (M. Thierrry Cozic applaudit.)

M. Didier Rambaud .  - La question de la taxe foncière a été largement abordée par les élus pendant la campagne sénatoriale. À cet égard, il convient de rétablir certaines vérités.

La taxe foncière est un impôt local, dont les recettes vont aux collectivités territoriales. Le taux est déterminé par l'organe délibérant de la collectivité territoriale. La base est revalorisée chaque année en fonction de l'inflation. C'est Valérie Rabault, alors rapporteure générale du budget à l'Assemblée nationale, qui est à l'origine de cette règle, soutenue par la plupart de ceux qui sont aujourd'hui dans l'opposition.

Toutes les communes n'ont pas augmenté le taux de la taxe foncière : seules 14 % ont fait ce choix.

M. Pascal Savoldelli.  - Il faut en avertir le Président de la République...

M. Didier Rambaud.  - Quelque 436 communes ont même décidé de baisser ce taux. À Grenoble, la taxe foncière a augmenté de 25 %. Pour quelle raison ? Il faut le demander au maire !

Ne laissons pas dire que les augmentations ont été décidées sous la contrainte : le prétendre, c'est méconnaître la fiscalité locale ou faire preuve de mauvaise foi et d'opportunisme électoral.

La suppression de la taxe d'habitation a été compensée par l'État à l'euro près, de façon dynamique. L'État abonde de 600 millions d'euros le mécanisme de correction. La suppression de la taxe d'habitation représente en moyenne un gain de pouvoir d'achat de 760 euros par foyer et par an.

Les élus locaux sont inquiets, il est vrai, non pas de la compensation elle-même, mais de son actualisation. Fidèle aux engagements pris pendant ma campagne, je demande au Gouvernement ce que nous pouvons faire pour actualiser la dotation de compensation en fonction de la situation de chaque commune.

Piliers de la République, les maires sont aussi des investisseurs essentiels. Ils réclament plus d'autonomie fiscale et de décentralisation, mais cela exige de la responsabilité.

La question se pose aussi du lien fiscal entre les habitants et leur commune. Pourquoi ne pas envisager un nouvel impôt local résidentiel, non nécessairement lié aux valeurs locatives, pour recréer un véritable lien ? Cette proposition est de nature à renverser la table, et nous pourrions neutraliser son impact pour les contribuables afin de ne pas augmenter les impôts - promesse que nous tenons depuis 2017.

Cette idée a été émise dans le cadre du groupe de travail sur la décentralisation présidé par Gérard Larcher ; travaillons-y collectivement dans les prochains mois.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Monsieur Rambaud, je tiens à vous rassurer sur la dynamique de la compensation. Nous avons compensé la suppression de la taxe d'habitation à l'euro près, et cette compensation est dynamique, car sa base est indexée sur l'inflation. Ce système est donc protecteur des communes.

M. Thierry Cozic .  - (Mme Isabelle Briquet applaudit.) « Quand la taxe foncière augmente, ce n'est pas le Gouvernement. Et c'est un scandale quand des élus osent dire que c'est la faute du Gouvernement. » Tels sont les propos tenus à la télévision le 24 septembre dernier par le Président de la République. Voilà qui n'est pas de nature à renouer les liens avec eux...

Deux visions s'affrontent : pour le Président de la République, l'incurie des élus locaux explique la hausse de la taxe foncière ; pour les élus locaux, les réformes hasardeuses de l'exécutif sont une des explications à cette hausse.

La direction générale des finances publiques a montré que 85 % des communes avaient décidé de ne pas augmenter la taxe foncière. Une donnée qui ne change pas le fond du problème : en quinze ans, le pouvoir de taux des élus a considérablement diminué.

« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes », disait Bossuet. En supprimant les autres leviers fiscaux à la main des élus locaux, le Président de la République a fait de la taxe foncière la variable d'ajustement des budgets communaux. Une certaine idée de la décentralisation ne tient plus qu'à un fil.

Cette question est politique, au sens noble du terme : elle touche à l'organisation de la cité. L'autonomie fiscale des collectivités territoriales est essentielle à la démocratie, au développement économique et à la justice sociale.

Les allégements fiscaux en tout genre traduisent votre inlassable politique de l'offre, inspirée de l'école du public choice ou de la pensée libertarienne, dont l'objectif est de substituer le marché à l'État en affamant la bête. Vos mesures ont totalement déstabilisé la fiscalité locale à la française. Or il est essentiel que le système fiscal soit globalement cohérent.

Il est trop facile pour le Président de la République de se dédouaner de ses responsabilités. Ne pensez-vous pas que s'interroger sur les conséquences de vos réformes fiscales, c'est déjà expliquer les hausses de taxe foncière ? (Mme Isabelle Briquet applaudit.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Il y a place pour un débat entre autonomie fiscale et autonomie financière. C'est cette dernière qui permet de mettre en place une véritable politique décentralisée.

Nous assumons notre politique de l'offre. Les baisses d'impôt se traduisent par plus de recettes : en 2017, l'impôt sur les sociétés rapportait 37 milliards d'euros, 72 milliards en 2022 ! (M. Didier Rambaud renchérit.)

M. Éric Bocquet.  - Et 285 milliards d'euros d'emprunts l'année prochaine !

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie le groupe CRCE-Kanaky d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour. Les critiques visant les collectivités territoriales sont pour le moins déplacées, alors que la plupart subissent une situation intenable : elles ne sont pas en mesure de choisir.

Nous devons sortir des postures pour rétablir un dialogue confiant entre l'État et les collectivités territoriales.

Une véritable réforme de la fiscalité locale est nécessaire. Depuis quarante ans, et encore plus depuis 2017, les évolutions n'ont cessé de réduire l'autonomie des collectivités territoriales, sans vision d'ensemble ni logique territoriale. L'assiette des impositions, elle, n'a jamais été reformée : elle est obsolète.

Heureusement, la dernière loi de finances a sauvegardé une partie de la liberté pour les communes de fixer le taux d'imposition. Il s'agit d'une liberté locale essentielle.

La fiscalité locale est composée de trois blocs : les impositions directes fondées sur la valeur locative cadastrale, environ un tiers du total, qui sont relativement stables ; la fiscalité économique locale, en fort recul - 13 % seulement du total en 2021 ; les impositions fondées sur les flux et opérations d'enregistrement, dont les DMTO, avec un produit aléatoire. Le premier bloc est obsolète, le deuxième devient marginal, le troisième est fluctuant.

Plutôt que de jeter des anathèmes, il faut envisager une réforme avec une double exigence d'efficacité et de maintien du lien entre les citoyens et leur territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Jean Rochette .  - Pour de nombreux propriétaires, l'avis de taxe foncière a été la mauvaise nouvelle de la rentrée : les mieux lotis ont constaté une augmentation de 7 % ; à Paris, c'est plus de 50 %...

Si ce sont avant tout les propriétaires qui subissent l'augmentation de la taxe foncière, il y a aussi des victimes collatérales : les locataires, qui risquent de subir une hausse de loyer, certes limitée par le blocage, et les aspirants propriétaires.

La majorité des communes ont décidé de ne pas augmenter la taxe foncière : 85 % des maires, dont je fais partie, ont fait ce choix, et je salue leur effort.

Le groupe INDEP est attaché à la libre administration des collectivités territoriales et au renforcement de la décentralisation. Opposer les strates entre elles n'a pas de sens, car l'État et les collectivités territoriales ont le même objectif : le développement équilibré du pays. Laisser la main aux maires, c'est leur donner les moyens de faire face à leurs responsabilités.

Ne perdons pas de vue que nous sommes l'un des pays les plus fiscalisés au monde. Nos maires sont bien conscients de la nécessité de limiter la pression subie par nos concitoyens.

Laissons les élus locaux gérer l'imposition communale comme ils l'entendent, en fonction des spécificités de leur territoire et des besoins des habitants, en ayant à l'esprit la volonté de faire mieux avec moins.

M. Bernard Delcros .  - Merci au groupe CRCE-Kanaky d'avoir suscité ce débat sur un sujet important.

En 2018, la suppression de la taxe d'habitation sur la résidence principale a entraîné de nombreuses inquiétudes. Les élus n'avaient pas oublié les nombreux allégements décidés, tous gouvernements confondus, en contrepartie de compensations gelées, voire réduites d'une année à l'autre : au bout du compte, les pertes de recettes se comptent en milliards d'euros.

Dès 2017, la commission des finances du Sénat s'est emparée du sujet pour proposer un modèle de compensation pérenne et dynamique : c'est l'option qui a été retenue, avec le transfert des taxes sur le foncier bâti aux communes et d'une part de TVA aux départements et intercommunalités.

L'État impose-t-il aux communes une hausse de taxe foncière ? Objectivement non. Certes, la revalorisation des bases est automatique depuis 2018, mais les conseils municipaux conservent la liberté de fixer le taux : ce sont donc bien les communes qui décident.

La suppression de la taxe d'habitation a-t-elle réduit l'autonomie fiscale ? Oui pour les départements et les intercommunalités, dont la compensation est fondée sur la TVA, mais non pour les communes, qui conservent la même autonomie fiscale qu'auparavant.

Je suis un défenseur acharné de l'autonomie financière des collectivités territoriales et de leur libre administration. L'autonomie fiscale n'est pas une garantie de justice, car elle crée des inégalités territoriales. Dans mon département, qui ne connaît pas de croissance économique ni démographique, cette autonomie consiste à taxer toujours davantage les ménages qui restent... L'affectation partielle d'une recette nationale dynamique est une mesure bien plus péréquatrice.

Il faut ouvrir le chantier de la valeur du foncier bâti : pourquoi ne pas retenir la valeur vénale, comme dans certains pays ? Ce travail considérable doit être mené. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Didier Rambaud applaudit également ; M. le ministre manifeste son approbation.)

Mme Ghislaine Senée .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Dès les premiers débats d'initiative sénatoriale de la session, nous voici au coeur de la mission de la chambre des territoires.

Le niveau de la taxe foncière est déterminé par les taux, décidés par les conseils municipaux, et les bases, qui augmentent de plus de 7 %. En théorie, les maires peuvent réduire le taux pour éviter une hausse de l'imposition. Mais à quel prix ?

Suppression de la taxe d'habitation sur la résidence principale, de la CVAE, baisse structurelle de la DGF, augmentation du point d'indice, inflation : autant d'évolutions qui affectent les budgets locaux, alors qu'il n'y a pas de services publics de qualité sans moyens.

L'État décide, les collectivités territoriales subissent. Or votre boussole, malgré les tempêtes climatiques et sociales, reste l'orthodoxie budgétaire. Nous sommes préoccupés par le discours populiste de tax bashing, qui alimente le non-consentement à l'impôt et aggrave l'hyper-concentration des richesses.

Certains membres de la majorité nient toute relation entre impôts et services publics locaux. Mais, sans moyens, les communes ne peuvent pas investir, ni engager la transition écologique.

Il faut repenser la fiscalité locale, afin qu'elle ne pèse pas essentiellement sur les ménages. À cet égard, le transfert de fiscalité des entreprises vers les ménages, particulièrement vers les classes moyennes, rend plus difficile la vie quotidienne des administrés, dans un contexte déjà inflationniste. Le remplacement de la taxe d'habitation par une fraction de la TVA, acquittée par tous, est un exemple de cette politique que nous désapprouvons.

Aux communes, seul échelon à même de répondre concrètement à la défiance, on demande toujours moins de dépenses et plus d'efforts de gestion. Mais au Président de la République, on permet une explosion des coûts de fonctionnement du Château, alors qu'il devrait être le premier à montrer l'exemple... Il pourrait aussi s'abstenir d'attaques tactiques contre les élus.

Pour conclure cette intervention, ma première dans cet hémicycle, je tiens à souligner combien le lien entre fiscalité et confiance dans l'action publique est essentiel. L'État place trop souvent les 520 000 élus de la République dans une situation d'impuissance : c'est ce qui explique la défiance des citoyens. Redonner du sens à la fiscalité est un vrai enjeu démocratique pour affronter les enjeux de demain ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Les communes ne pourraient pas baisser le taux de la taxe foncière ? Leur épargne brute atteint 15 % et augmente encore. La Cour des comptes l'a montré : les collectivités territoriales sont dans une situation bien plus favorable qu'avant la crise.

S'agissant de la DGF, nous l'avons augmentée, une première depuis douze ans ; 90 % des communes ont vu leur dotation croître.

La suppression de la taxe foncière a été compensée à l'euro près, de manière dynamique.

Quant au tax bashing, nous avons de la marge : nous sommes sur le podium des pays européens en matière de prélèvements obligatoires...

M. Éric Bocquet .  - Rénovation thermique des bâtiments, petite enfance, revitalisation, sécurité : les communes sont sur tous les fronts, sans toujours disposer de ressources suffisantes.

Environ 15 % des communes ont augmenté leur taux de taxe foncière - dans la moitié des cas, de moins d'un point. Le phénomène est marginal mais compréhensible, car l'autonomie fiscale des collectivités atteint sa cote d'alerte.

Depuis 2017, les communes doivent assumer 3,73 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, soit une hausse de 13 %, alors que la DGF a baissé de 180 millions d'euros. Les collectivités territoriales alertaient déjà sur cette situation intenable, quand le Gouvernement décidait de supprimer la taxe d'habitation. Le Gouvernement parle d'une compensation à l'euro près, mais les maires ont appris à se méfier...

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Très bien !

M. Éric Bocquet.  - Il a décidé unilatéralement l'actualisation des valeurs locatives, au lieu d'engager la révision générale qui s'impose. Dire qu'une ordonnance du 7 janvier 1959 prévoyait une révision générale tous les six ans... Solution de facilité, l'actualisation uniforme ignore les conditions de logements et les bouleversements géographiques, à commencer par la métropolisation. Finalement, les seules choses qui ne sont pas indexées, ce sont les salaires des travailleurs et la DGF des collectivités territoriales...

Les coûts de gestion de la taxe foncière atteignent 1,8 milliard d'euros, et la non-collecte représente un manque à gagner de 144 millions d'euros, du fait notamment de l'insolvabilité de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Cette taxe doit être refondée, d'autant qu'elle aggrave les inégalités territoriales. Les Mahoraises et Mahorais représentent 13 % de la population parisienne, mais Mayotte perçoit 1,3 % des recettes de taxe foncière de Paris...

Enfin, l'augmentation de la taxe foncière frappera les offices d'HLM et leurs locataires, car la taxe foncière représente l'une des principales charges des bailleurs sociaux. A minima, vous devez traiter la sous-compensation aux collectivités du régime fiscal actuel, qui prévoit une exonération de 15 à 30 ans pour les nouveaux logements sociaux. Le logement social se porte très mal, et les décisions prises depuis 2017 en sont la principale raison ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-Kanaky ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Je le répète, le Gouvernement n'a pas augmenté la taxe foncière. C'est le législateur qui a décidé que les bases seraient indexées.

Sur les locaux professionnels, nous avons avancé pour trouver des solutions. Nous en discuterons rapidement avec les élus locaux.

Quant aux bailleurs sociaux, je vous rappelle l'exonération de taxe foncière accordée à ceux qui construisent ou procèdent à des travaux de rénovation énergétique dans le cadre de l'opération « Seconde vie ».

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie le groupe CRCE-Kanaky pour l'organisation de ce débat.

La taxe foncière est le seul levier fiscal restant à la main des collectivités territoriales. Sa hausse a suscité des controverses, d'autant que les propos polémiques du Président de la République ont choqué les maires, qui, dans leur grande majorité, n'ont pas touché aux taux.

Le chef de l'État a choisi sa cible. Nous nous souvenons tous de ses critiques contre les élus locaux, trop nombreux et mauvais gestionnaires, mais aussi de ses appels aux maires lors de la crise des gilets jaunes, de la crise sanitaire ou de la guerre en Ukraine. Tour à tour conspués et encensés, les élus n'en peuvent plus de tant de mépris.

L'augmentation des bases - 7,1 % cette année, de l'ordre de 5 % l'an prochain - pèsera sur les propriétaires aux revenus modestes. La suppression de la taxe d'habitation a déséquilibré la fiscalité locale et fait naître un sentiment d'injustice. La marge de manoeuvre des collectivités territoriales se réduit alors qu'elles ont contribué au redressement des comptes publics et que leurs charges explosent - je pense notamment à la hausse du point d'indice et aux transferts de charge non compensés, comme la délivrance des cartes d'identité et les maisons France Services. De plus, la DGF n'a pas été indexée sur l'inflation.

Et le prochain projet de loi de finances n'incite guère à l'optimisme. Dans la crise démocratique actuelle, les communes sont un échelon essentiel. Mais sans ressources suffisantes, comment pourront-elles agir ? Il est urgent de poser un nouvel acte de décentralisation et de garantir la libre administration des communes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-Kanaky)

M. Jean-Raymond Hugonet   - Le Président de la République est coutumier des propos à l'emporte-pièce et des attaques en règle contre les élus locaux ; mais, le 24 septembre dernier, en les mettant en cause dans un entretien télévisé, il a dépassé les limites de l'admissible.

Passons sur le fait qu'il s'adresse aux Français le soir d'une élection aux résultats peu glorieux pour sa majorité - ce n'est pas d'une élégance rare. Mais oser prétendre que la taxe foncière ne dépend pas du Gouvernement, voilà qui est indigne et intellectuellement malhonnête ! Qui veut noyer son chien l'accuse d'avoir la rage...

Les taux communaux de taxe foncière s'appliquent à des bases qui sont de la responsabilité de l'État. Cette année, la hausse est de 7,1 %, contre 3,4 % l'année passée : un véritable festival !

Les taux de taxe foncière restent votés en conseil municipal, et c'est heureux. Il s'agit du dernier levier fiscal laissé aux communes, après le hold-up sur la taxe d'habitation, en violation totale de l'esprit de l'article 72 de la Constitution. (M. le ministre le conteste.)

Dans un contexte financier extrêmement difficile pour les communes, soumises à une prolifération normative et à des péréquations de tout poil, la hausse de la taxe foncière est le seul moyen pour maintenir les services publics, et donc la cohésion sociale nécessaire dans un pays fracturé. Au reste, les augmentations décidées par les communes sont souvent mesurées, pour que la charge pesant sur les ménages reste inférieure à ce qu'elle était avant la taxe d'habitation.

Le sujet central, ce sont les effets délétères de la recentralisation massive qui frappe les collectivités. Les élus n'ont plus qu'un seul levier à leur disposition : la taxe foncière.

Je remercie nos collègues du groupe CRCE-Kanaky d'avoir demandé ce débat. Lorsque le Président de la République sera en mesure d'équilibrer les finances du pays, alors seulement il pourra nous donner des leçons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Thierry Cozic applaudit également.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Vous confondez avec une certaine malice l'autonomie fiscale et l'autonomie financière... Quand le Gouvernement compense la suppression de la taxe d'habitation, il garantit les ressources, donc l'autonomie financière !

La suppression de la taxe d'habitation a été faite pour rendre du pouvoir d'achat aux Français. La hausse de la taxe foncière ne peut en aucun cas être justifiée par cette suppression, puisqu'elle a été compensée à l'euro près.

Le débat est purement local, et doit le rester. (Mme Cécile Cukierman proteste.)

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Vous êtes en décalage profond avec les réalités locales. Dans nos communes, nous ne vivons pas ce que vous exposez, certes brillamment. Mettez vos compétences au service des communes, sortez de votre ministère pour aller sur le terrain !

Mme Sylvie Vermeillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La valeur locative cadastrale augmente cette année de 7,1 %, sous l'effet de l'inflation. La Teom suit la même progression.

L'augmentation du taux de taxe foncière concerne 15 % des collectivités, mais les fortes hausses se limitent à un millier de communes sur 35 000. La réalité, pour 85 % des propriétaires, est une grande stabilité des taux.

La taxe foncière est le dernier levier fiscal dont disposent les communes. Mais, malgré les tensions sur leurs finances, la plupart misent sur un cercle plus vertueux que l'augmentation de la taxe foncière : l'accueil de nouvelles populations.

La tension foncière due aux résidences secondaires ne se limite plus aux zones touristiques. De nombreuses communes rurales s'inquiètent, et le problème devient parfois insurmontable. Avec le ZAN, le levier des taxes permet de lutter aussi contre les résidences secondaires au profit des résidences principales.

Le Gouvernement n'est pas favorable à la décorrélation des taux de taxe d'habitation sur les résidences secondaires et de taxe foncière au motif que la fiscalité ciblerait certaines catégories d'électeurs. Mais c'est la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales qui a introduit une différenciation.

La décorrélation est un enjeu croissant dans l'accueil des nouveaux habitants. Le ZAN change totalement la donne, en exacerbant les difficultés des communes sans réserve foncière. Ne pas avoir d'armes contre le développement des résidences secondaires est une double peine pour les maires. Nous devons y travailler dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie le groupe CRCE-Kanaky pour l'initiative de ce débat. Je participe souvent, chers collègues, aux débats que vous demandez pour soutenir le ferroviaire ; je le fais ce soir, avec la même sincérité, sur les finances locales.

La question est très complexe. Essayez donc de décortiquer vos feuilles d'impôt... Je parle de feuilles, parce que, tel le nostalgique de service, je reçois toujours mes avis par la Poste -  cela fait fonctionner le service public !

Mme Cécile Cukierman.  - Bravo !

M. Marc Laménie.  - La démocratie de proximité repose sur nos 35 000 communes. Il ne faut pas perdre de vue non plus la situation des départements, dont a parlé Pascal Savoldelli.

La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales a été compensée à l'euro près. Rappelons que la redevance TV aussi a été supprimée, car on tend à l'oublier - on sait que la reconnaissance n'existe pas beaucoup...

Enfin, il faut parler des moyens humains des directions départementales des finances publiques ; rendons hommage à ces personnels pour le travail difficile qu'ils accomplissent.

Je reste volontaire pour mener ces combats permanents. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE-Kanaky)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Président de la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée nationale, j'étais attaché à un dialogue sincère et constructif entre l'État et les collectivités territoriales ; je le reste comme ministre. Mais cela suppose d'éviter les approximations, voire les contrevérités.

L'actualisation des valeurs locatives dépend de l'indice des prix fixé par l'Insee. La taxe foncière est un impôt 100 % local : ce sont les maires qui décident de son taux. L'an dernier, l'application de la règle de revalorisation a été demandée par les associations d'élus. Les maires ont librement décidé de modifier ou non le taux - 85 % d'entre eux ne l'ont pas augmenté, et 423 l'ont même baissé.

Certains disent avoir été contraints par un manque de soutien de l'État. C'est faux ! (Mme Cécile Cukierman lève les bras au ciel.) L'État a fait sa part en augmentant la dotation globale de fonctionnement pour 90 % des communes, en doublant les dotations d'investissement et en mettant en place un bouclier, un amortisseur pour 2 milliards d'euros...

La suppression de la taxe d'habitation a été compensée intégralement et par des ressources dynamiques. Elle n'a pas eu de conséquence sur les collectivités territoriales : son seul effet, c'est d'avoir rendu 767 euros de pouvoir d'achat annuel aux ménages.

Les collectivités territoriales, dans leur majorité, sont dans une situation plus favorable qu'à la fin de l'année dernière, comme la Cour des comptes l'a montré. (Marques d'ironie sur de nombreuses travées) En particulier, la situation du bloc communal était meilleure au 30 septembre 2023 qu'au 30 septembre 2022.

Nous souhaitons un débat apaisé et constructif : c'est la seule méthode qui marche !

Mme Cécile Cukierman, pour le groupe CRCE-Kanaky .  - C'est dans un esprit apaisé et constructif que nous avons demandé ce débat. La seule polémique, c'est le Président de la République qui l'a provoquée au soir des élections sénatoriales.

Mme Pascale Gruny et M. Jean-Raymond Hugonet.  - Très bien !

Mme Cécile Cukierman.  - Les collectivités territoriales ont besoin d'autonomie fiscale et financière pour répondre aux besoins de leurs populations. C'est un impératif pour la réussite d'une France décentralisée, pour assurer la transition énergétique et répondre à la question sociale.

De quelle liberté parlons-nous lorsque les dotations baissent et que les capacités d'autofinancement se limitent à quelques milliers d'euros ? La suppression de la taxe d'habitation sera un frein croissant à l'action des collectivités territoriales dans les années à venir.

Vous avez énuméré les aides apportées aux collectivités territoriales en 2022. Mais vous avez refusé l'indexation de la DGF sur l'inflation, ainsi que la contemporanéité du FCTVA.

Nous devons redonner des moyens aux communes, premier échelon de la démocratie et, parfois, dernier endroit où l'on trouve la présence humaine chère à Marc Laménie. Ce ne sont pas les grandes intercommunalités ni les grandes régions qui remplaceront les communes, non plus que les départements.

Il y a urgence, car la double fracture sociale et territoriale s'aggrave - chacun d'entre nous l'a dit avec ses mots et sa sensibilité.

L'hiver sera dur pour nombre de ménages et de collectivités territoriales : les prix de l'énergie, de l'alimentation et de la mobilité restent des problèmes non résolus.

Nous appelons urgemment de nos voeux une réforme profonde des finances locales, qui réaffirme l'égalité du rural et de l'urbain dans le calcul de la DGF et pose les bases d'une véritable autonomie fiscale pour toutes nos collectivités. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-Kanaky, SER et Les Républicains)

La séance est suspendue à 20 h 30.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance est reprise à 22 heures.

Conseil européen des 26 et 27 octobre 2023

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 octobre 2023, à la demande de la commission des affaires européennes.

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe .  - C'est un plaisir de vous retrouver et d'accueillir de nouveaux sénateurs ; j'adresse à tous mes félicitations.

La France est pleinement solidaire d'Israël en ce moment tragique. J'adresse mes condoléances aux familles endeuillées. Lundi, le Président de la République a exprimé, avec ses homologues allemand, italien, britannique et américain, notre soutien ferme et uni à Israël et notre condamnation sans équivoque des actes de terrorisme du Hamas.

Les ministres des affaires étrangères, réunis hier en urgence, ont réaffirmé le droit d'Israël à l'autodéfense, dans le respect du droit international et humanitaire. Le sujet sera abordé lors du Conseil européen, trois semaines après le conseil informel de Grenade, qui s'est tenu le lendemain de la troisième réunion de la Communauté politique européenne.

Ces éléments sont susceptibles d'évoluer d'ici au Conseil, mais je reste à la disposition de votre commission des affaires européennes.

Les chefs d'État et de Gouvernement rappelleront leur engagement à aider l'Ukraine aussi longtemps que nécessaire, y compris en matière financière, dans un contexte d'incertitudes sur le soutien américain.

Ils évoqueront le soutien au plan de paix et les moyens pour convaincre les pays tiers et renforcer les corridors de sécurité en vue de permettre aux exportations agricoles ukrainiennes d'atteindre les marchés mondiaux sans entraves.

Il s'agira aussi d'ancrer notre soutien militaire sur le long terme, via la facilité européenne pour la paix. Nous entendons promouvoir les coopérations avec la base industrielle de défense ukrainienne à la suite de la visite du ministre Lecornu à Kiev le 28 septembre dernier.

Il s'agit également de lutter contre l'impunité des crimes internationaux commis en Ukraine, de renforcer la pression sur la machine de guerre russe et de réagir au contournement des sanctions.

Autre sujet récurrent : les migrations. Une majorité d'Européens veut désormais agir en tant que tels : on ne peut que s'en réjouir. Même Mme Meloni reconnaît que la solution passe par l'Union européenne. Malgré l'opposition de la Hongrie et de la Pologne, les échanges à Grenade ont confirmé que les Européens partagent des objectifs communs : prévenir les départs et lutter contre les passeurs. Nous changerons d'échelle dans notre coopération avec les pays d'origine et de transit, en déployant sur le terrain des experts de Frontex et d'Europol. Solidarité et humanité dans les demandes d'asile, accélération des retours pour les personnes n'ayant pas vocation à rester sont les maîtres mots.

Je salue plusieurs avancées. Premièrement, le pacte sur les migrations et l'asile a fait l'objet d'un accord global, notamment sur le mandat situation de crise -  condition indispensable pour que les négociations avec le Parlement aboutissent. Nous disposerons ainsi d'un accord interinstitutionnel avant les élections européennes.

Deuxièmement, les actions vis-à-vis des pays extérieurs rassemblent aussi l'ensemble des États membres -  le mémorandum signé en juillet avec la Tunisie en témoigne. Un pilotage robuste, s'appuyant sur des objectifs et des contreparties, s'impose désormais. Conclure de tels partenariats nous assurera la maîtrise des flux, en traitant les causes profondes des migrations, en prévenant les départs et en renforçant la coopération avec les pays tiers. Le vice-président de la Commission Schinas a déjà eu des entretiens en Guinée, au Sénégal, en Gambie et en Mauritanie notamment.

Les chefs d'État et de Gouvernement aborderont ensuite la révision du cadre financier pluriannuel. Le budget européen doit trouver le bon équilibre entre la soutenabilité des finances publiques et l'atteinte de nos priorités politiques.

Première priorité, le soutien à notre voisin ukrainien, aussi longtemps que nécessaire.

Deuxième priorité, la souveraineté industrielle. La plateforme Technologies stratégiques pour l'Europe, dite Step, encouragera les technologies critiques, les cleantech et les biotechnologies, et améliorera la visibilité des financements.

La Commission propose de renforcer les moyens existants sur l'immigration. Une partie de ces abondements doit accompagner la mise en oeuvre du pacte. La France est attachée à un cadre financier pluriannuel ambitieux et plaide pour un redéploiement des fonds pas ou peu consommés avant toute augmentation. Nous ne pouvons soutenir la proposition de la Commission d'augmenter les dépenses administratives.

En matière de compétitivité économique, le premier pilier est l'énergie. Les chefs d'État et de Gouvernement échangeront sur la réforme du marché de l'électricité. Le niveau et la volatilité des prix sont amenés à s'accroître. Certains de nos partenaires assument une forme de protectionnisme, l'Europe doit donc agir.

La réforme du marché de l'électricité devra décorréler le prix de l'électricité des énergies fossiles en encourageant les productions décarbonées.

Deuxième pilier : la politique industrielle, une idée française désormais reconnue par l'Europe. Nous attendons le résultat d'une première évaluation de la stratégie européenne pour l'affiner.

Nous avons des avancées concrètes : le dispositif de la loi sur les semi-conducteurs, le Chips Act, est une réalité. Le NZIA (Net Zero Industry Act) diversifiera l'approvisionnement en matières premières critiques. Ces deux textes sont actuellement en discussion.

Le troisième volet est la sécurité économique. La semaine dernière, la commission a listé des technologies critiques ; nous devons désormais nous coordonner pour mieux les protéger indépendamment de ce que font les États-Unis.

À l'occasion de la COP 28 - qui se tiendra du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï - il s'agira d'obtenir des engagements forts des gros émetteurs et d'établir une trajectoire de sortie des énergies fossiles.

Nous devrons aussi tirer tous les enseignements des différents coups d'État au Sahel. Adoptons une approche non pas punitive, mais réaliste : si ces États ne veulent plus travailler avec nous, pourquoi nous y maintenir ? Pourquoi dépenser autant de ressources pour des partenaires qui ne veulent pas de nous ? Les événements au Niger, au Mali et au Burkina Faso montrent toute la pertinence d'une action auprès d'autres partenaires demandeurs, tels que les pays du golfe de Guinée.

Tels sont les enjeux de ce Conseil européen. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Ahmed Laouedj et Mme Karine Daniel applaudissent également.)

M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Au nom des membres de la commission, je veux dire notre soutien au peuple israélien. Nous partageons la souffrance des familles, des victimes et des otages. Cette violence ignoble est sans issue : nul ne peut soutenir que les terroristes du Hamas défendent les intérêts des Palestiniens. Dans ces circonstances, le soutien de la France à Israël -  dont la sécurité n'est pas négociable  - doit être sans faille. Toute l'Union européenne doit s'exprimer d'une même voix.

Notre pays, où la blessure du terrorisme islamiste n'est pas refermée, sait la difficulté de réagir à un tel drame. Dans sa riposte, Israël doit s'assurer du respect du droit international et du droit humanitaire.

Nous prenons acte de la décision de maintenir l'aide de l'Union à la Palestine, mais nous voulons des garanties afin que le financement européen ne nourrisse pas indirectement le terrorisme, entretenu par certains acteurs régionaux.

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères.  - J'invite ceux que la frénésie de cogitation étourdit un peu à lire le communiqué final du sommet de Grenade, visant à « rendre l'Europe plus résiliente, prospère et géostratégique ».

Le bilan n'est guère rassurant et nos efforts de défense communs sont à la peine : en mars dernier, le président Cambon alertait déjà sur le risque d'une dépendance à l'industrie militaire américaine. Six mois plus tard, trois pays européens achetaient des chasseurs américains F 35...

Sur le plan énergétique, nous saluons l'ambition du plan REPowerEU. Mais après ce que viennent de subir les Arméniens du Haut-Karabagh, il faut reconnaître que l'accord de juillet 2022 avec l'Azerbaïdjan pose d'inconfortables questions.

Quant à la prospérité, reconnaissons que les indicateurs économiques sont plutôt mauvais.

Quid des perspectives d'élargissement ? Dans quelles conditions, à quel horizon ? Que pensez-vous du rapport de douze politologues - rédigé en anglais - plaidant pour une fédéralisation accrue ? L'adhésion des peuples est-elle seulement prise en compte ?

De sombres nuages s'accumulent sur notre monde ; nos concitoyens attendent que la France propose un cap clair pour défendre nos intérêts. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La révision du cadre financier pluriannuel s'impose au vu de la hausse des taux d'intérêt et des dépenses causées par la guerre en Ukraine. Facilité pour l'Ukraine, augmentation du budget pour faire face aux défis des migrations et nouvelle plateforme Step : ne craignez-vous pas que la révision proposée par la Commission européenne se fasse au détriment d'autres politiques communes ?

Dans le nouveau paquet de ressources propres, figurent une ressource sur les bénéfices d'entreprises, une révision du système d'échange des quotas d'émission et une modification du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Celle-ci vous semble-t-elle à la hauteur ? Quel est le calendrier prévu ?

La suspension du pacte de stabilité et de croissance prendra fin en 2024, que les États membres se mettent d'accord ou non sur un nouveau cadre. Ses règles sont trop complexes, car elles reposent sur des variables économiques non observables, trop uniformes, trop rigides.

En novembre dernier, la Commission proposait que les États s'engagent sur des trajectoires pluriannuelles de moyen terme ; et de tenir compte de la situation des finances publiques. En avril, à la demande d'États dits frugaux, dont l'Allemagne, elle ajoutait des mesures de sauvegarde, comme l'obligation pour les États dépassant les 3 % de réduire leur déficit de 0,5 % minimum. Pour la France, cela représenterait 1,1 point de PIB entre 2025 et 2028, soit 30 milliards d'euros d'économies annuelles !

Quelle est la crédibilité de notre pays pour renégocier ces règles ? Sa dette publique dépasse 3 000 milliards d'euros et son déficit ne devrait pas repasser en dessous de 3 % avant 2027. Mauvais élève de l'Europe, la France est menacée d'une procédure pour déficit public excessif au printemps. Comment peser dans ces conditions ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) L'ordre du jour du prochain Conseil européen est vague. Dès lors, comment assurer notre mission de contrôle ? Le nouveau bureau de la commission des affaires européennes se pose la question. Il faudra y revenir sans tarder. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MmeCatherine Morin-Desailly et Mathilde Ollivier applaudissent également.)

La Commission européenne a proposé une révision inédite du cadre financier pluriannuel à mi-parcours. Il est vrai que le covid, la guerre en Ukraine et la crise énergétique ont rebattu les cartes. Le budget européen a mué, avec l'emprunt commun NextGenerationEU et la mobilisation de toutes les flexibilités possibles. Avant d'envisager une rallonge, prêtons attention aux remarques de la Cour des comptes européenne : les erreurs augmentent, et atteignent 4,2 %. Il faut mieux contrôler l'usage des fonds européens.

Nous devons aussi en tenir compte dans la controverse sur l'aide de l'Union européenne aux Palestiniens - 120 millions d'euros. La moitié des opérations examinées par la Cour comportaient des erreurs. Ainsi, une aide pour l'utilisation durable des ressources naturelles a été versée pour un projet qui n'a jamais vu le jour.

Si nous devons continuer à soutenir les Palestiniens, qui ne peuvent être assimilés au Hamas, nous devons aussi mieux contrôler l'usage des fonds européens. De même, les 18 milliards d'euros de prêts consentis à l'Ukraine en décembre 2022 ne sont assortis d'aucun provisionnement en cas de défaut : les pertes seront à la charge du budget de l'Union.

La Commission a identifié quatre technologies stratégiques sensibles, mais pas la fusion nucléaire. La France entend-elle rappeler au Conseil l'importance stratégique du nucléaire et son caractère éminemment critique pour la sécurité économique de l'Union comme pour la transition verte ?

Face à la pression migratoire à ses frontières, l'Union doit traiter la dimension externe des migrations, et notamment la coopération avec les pays tiers. Depuis le début de l'année, le nombre d'arrivées par la mer en Italie est déjà le double de celui de 2022 et le triple de 2021. Nous devons solidairement mieux contrôler ces flux.

Dans ce contexte tendu, la Cour de justice de l'Union européenne a rendu un arrêt très préoccupant le mois dernier, qui prive d'effet utile tout refus d'entrée que la France déciderait à l'égard d'un migrant irrégulier. Que reste-t-il de notre politique migratoire après cet arrêt ? La France compte-t-elle mettre le sujet sur la table lors du Conseil ?

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes.  - Sur ces sujets régaliens, nous ne pouvons laisser ainsi dériver l'Europe, au risque d'alimenter l'euroscepticisme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Georges Patient .  - Nous ne connaissons pas l'ordre du jour du prochain Conseil, mais nous pouvons imaginer qu'il sera dominé par la dramatique actualité internationale. Guerre en Ukraine, drame humanitaire dans le Haut-Karabagh, tensions entre la Serbie et le Kosovo, attaque terroriste du Hamas en Israël, que le groupe RDPI condamne avec force : autant de foyers de déstabilisation autour de l'Union, dont les États membres connaissent la plus longue période de paix de leur histoire. Elle est une réussite pour elle-même, mais semble incapable d'entraîner ses voisins.

Voulons-nous peser dans la conduite du monde ou regarder les États-Unis et la Chine écrire l'histoire sans nous ?

Depuis 2022, un nouvel outil a été créé à l'initiative du Président de la République, la Communauté politique européenne (CPE), qui regroupe 47 États. La réunion du 5 octobre à Grenade a réaffirmé les engagements pour la paix, la prospérité et la sécurité en Europe et la volonté de coopérer. La CPE peut-elle être un moyen pour l'Union européenne d'accroître son influence ? Dans les faits, cet outil, certes balbutiant, n'a pas empêché l'Azerbaïdjan d'agir au Haut-Karabagh, et la réunion du 5 octobre a été marquée par l'absence du président azéri...

Autre question : les futures adhésions - jusqu'à neuf nouveaux membres, dont l'Ukraine, au cours de la prochaine décennie. L'enthousiasme des hauts responsables de l'Union n'est pas partagé par tous les États membres. Qu'en est-il de la France ?

Enfin, le Conseil européen traitera de la gestion sensible des migrations. Le drame qui se joue en Méditerranée doit nous faire réfléchir sur notre humanité. L'accord du 4 octobre sur la répartition de la prise en charge des migrants ouvre la voie à l'adoption du pacte sur la migration et l'asile, afin de soulager les pays d'entrée et de mieux répartir les demandeurs d'asile concentrés en Allemagne, en France et en Espagne.

La situation actuelle ne peut durer. L'Allemagne a suspendu l'accueil fin août et la France n'accueillera pas de migrants en provenance de Lampedusa, sauf réfugiés politiques. Or la pression migratoire devrait persister, car les passeurs baissent les prix de la traversée.

Il est donc urgent de mettre en oeuvre ce futur pacte, qui ouvre la voie à une plus grande coopération avec les pays de départ. Si nous voulons assécher les réseaux de passeurs, nous devrons accorder beaucoup plus de visas. Mieux vaut voir arriver légalement des personnes bénéficiant d'une vraie politique d'accueil - cours de langue, hébergement, contrat de travail, prise en charge du trajet - plutôt que de subir cet afflux incontrôlé qui jette les migrants dans les bras des réseaux mafieux - quand ils ne périssent pas noyés.

La guerre en Ukraine a montré que l'Europe pouvait accueillir un grand nombre de réfugiés. Les migrants, poussés par la misère, font preuve d'une détermination à toute épreuve : aucun mur ne les arrête.

Combien de temps laisserons-nous croire à nos concitoyens que nous pouvons réguler le flux en fermant nos frontières ? Cela fait le jeu des extrêmes et encourage un discours toujours plus radical.

Vu l'évolution démographique de l'Europe, l'immigration va devenir un apport indispensable à notre économie et à notre modèle social. C'est sur elle que les États-Unis ont construit leur prospérité. La France aussi en a bénéficié depuis le XIXe siècle. Quand le pacte sur les migrations entrera-t-il en application ?

Proportionnellement à leur population, ce sont la Guyane et Mayotte qui accueillent le plus d'étrangers : la moitié de leur population est étrangère. Quels seront les impacts du pacte sur ces deux territoires ? Ont-ils été pris en compte ? (M. Patrick Kanner et Mme Mathilde Ollivier applaudissent.)

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) J'adresse tout le soutien du groupe SER au peuple israélien touché par les attentats terroristes du Hamas.

Guerre en Ukraine, inflation, infrastructures : l'énergie est au coeur de tous les débats, pour les Français comme pour les entreprises. Nous devons vite prendre des décisions, à l'échelon européen.

Depuis la Communauté européenne du charbon et de l'acier (Ceca) en passant par Euratom, l'énergie est au centre de la construction européenne, mais le marché de l'énergie libéralisé se révèle incapable de réguler les crises et d'assurer une énergie bon marché. Ses défaillances plombent la compétitivité de nos entreprises et grèvent les budgets de nos services publics, de nos collectivités et de nos ménages.

La politique énergétique doit garantir notre souveraineté et assurer décarbonation et prix bas de l'électricité. Alors que l'Europe pourrait manquer de gaz en cas de grand froid, il est urgent que nous rapprochions le prix de l'électricité de son coût réel de production en découplant les prix de l'électricité et du gaz. La réforme présentée le 14 mars dernier par la Commission européenne relève plus de l'ajustement.

Ce projet révèle les fortes dissensions entre l'Allemagne et la France, car il y va de la compétitivité industrielle au sein de l'Union. Selon les dernières informations, la présidence espagnole envisagerait un mécanisme de soutien pour les centrales à charbon. Comment la France va-t-elle défendre sa position ? Une régulation franco-française avant la fin des discussions européennes, envisagée par le Président, est-elle envisageable ? Il nous faut des réponses !

La décarbonation de notre économie nécessitera des investissements massifs pour diversifier nos modes de production et mettre en oeuvre les accords de Paris. La Commission européenne les chiffre à 379 milliards d'euros par an sur la période 2020-2030, pour la seule transition énergétique. On est loin du compte, alors que s'ajoutent d'autres besoins : soutien à l'Ukraine, financement du plan de relance NextGenerationEU, réponse aux crises émergentes, transition numérique, plateforme Step...

Il faut un cadre budgétaire ambitieux pour relever ces défis. Nous ne pourrons remplir nos objectifs sans augmentation des ressources propres. À quand une taxe sur les transactions financières et un ISF vert ? Quelle position la France défendra-t-elle ?

Il faut enfin alléger les contraintes financières sur les États membres pour qu'ils puissent investir : c'est l'enjeu de la réforme du pacte de stabilité et de croissance, qui a bridé la croissance et les investissements européens et nous a fait prendre du retard. Personne ne peut imaginer revenir aux règles fondatrices. Les dépenses d'investissement liées à transition écologique doivent être exclues des règles de déficit. Alors que la clause de sauvegarde arrive à échéance, quelles sont les perspectives de révision du pacte ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. Pascal Allizard .  - L'agression russe contre l'Ukraine a marqué le retour de la guerre sur notre continent. Impuissants, nous assistons à une instabilité grandissante. Quelle Union européenne dans tout cela ? Malgré quelques mesures, nous subissons la convergence des autoritarismes qui cherchent à nous déstabiliser. Début octobre, Vladimir Poutine disait que la guerre en Ukraine n'était pas un conflit territorial, mais un fondement du nouvel ordre mondial.

La récente attaque de groupes terroristes liés à certaines puissances contre Israël est aussi un message adressé aux Occidentaux ; idem pour l'éviction de la France de l'Afrique au profit de la Russie, de la Chine ou de la Turquie. Les sanctions ne sont pas parvenues à faire fléchir les États visés, dont elles font même la fierté. Sont-elles symboliques ?

Faute de solutions européennes, nous sommes liés avec la Turquie sur les questions migratoires et avec l'Azerbaïdjan sur les questions énergétiques. Comment dialoguer avec ces États après les récents évènements ? Le groupe de Minsk n'a pas su trouver une solution. Quelles conséquences sur le partenariat oriental de la guerre éclair de l'Azerbaïdjan ? Quelles aides humanitaires ? Après le bannissement des productions gazières russes, allons-nous réduire notre dépendance à la Caspienne ?

L'intensification des flux migratoires vers l'Union européenne et le Royaume-Uni est porteuse de nombreux dangers : le sort des migrants, moins bien traités que des marchandises ; le renforcement des réseaux mafieux ; la saturation des dispositifs d'accueil des États ; la montée de l'inquiétude des Européens. La stratégie de fracturation de l'intérieur de l'Europe par certains États qui utilisent les migrations comme une arme commence à porter ses fruits. La percée de l'extrême droite observée en Allemagne risque de se reproduire aux élections européennes.

Va-t-on tarir ces flux ou se contenter de les gérer et de les répartir ? Les Européens attendent une réponse non pas technique, mais politique !

Quid de l'accord Union européenne-Tunisie ? Qu'attendre de la Turquie, qui dit ne plus rien attendre de l'Europe ? Comment coopérer en Afrique avec des pays d'origine dont les autorités résultent de coups d'États militaires ?

La prise de conscience européenne du non-respect de la propriété intellectuelle par la Chine, des différences de normes et de ses visées géopolitiques aura été tardive. L'Europe veut se défendre dans des domaines stratégiques - semi-conducteurs, intelligence artificielle, technologies quantiques, biotechnologies - mais comment lutter contre la concurrence déloyale et la coercition économique ? Je pense aux mesures chinoises contre la Lituanie, qui soutient Taïwan.

Quelles actions sont envisagées en matière de cybersécurité, de contre-espionnage ? La crise économique en Chine fait peser un risque pour l'économie mondiale et l'Europe ; il faut être vigilant.

La tâche est immense, madame la ministre, et je crains que vous n'ayez perdu beaucoup de temps. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Médevielle .  - Après l'invasion de l'Ukraine, les événements au Proche-Orient soulignent la nécessité d'une cohésion face au terrorisme et aux ennemis de la démocratie. Le déchaînement de haine et les exactions commises nous rappellent les pages les plus sombres de notre histoire. Il est regrettable que la classe politique française ne condamne pas de tels massacres d'une même voix. Toutes nos pensées vont aux familles et aux victimes.

Le fragile processus de paix est bien compromis, tout comme les espoirs de rapprochement avec l'Arabie Saoudite.

Quelles sont les prochaines étapes ? Quelle sera la position de l'Union européenne dans ce conflit et comment les États membres se coordonneront-ils ?

Sur un autre front, l'agression de la Russie contre l'Ukraine a été un ciment fort pour les Européens. Avançons-nous assez vite pour consolider notre politique extérieure ou constituer une armée européenne ?

Avez-vous prévu de nouvelles aides pour l'Ukraine ? Quid de l'embargo sur les céréales ? Nous avons tous en tête les conséquences migratoires d'une pénurie en Afrique.

La question migratoire était absente de la déclaration de Grenade, alors que le pacte sur la migration et l'asile a fait l'objet d'un accord. Où en est-on des blocages au moment où l'aide médicale d'État (AME) explose et où les drames humains continuent ? L'Europe ne pourra accueillir toute la misère du monde, et nos voisins nous observent en se frottant les mains. Un cap fort n'est-il pas nécessaire avant les élections européennes ?

Contrairement aux pronostics, nous sortons renforcés des crises du Covid et de l'Ukraine, qui ont cependant causé un choc inflationniste sans précédent. L'issue viendra d'une réponse solidaire.

À Grenade, les dirigeants ont rappelé les promesses de l'Union européenne : paix et stabilité. Or la crise inflationniste nous a rappelé les lacunes de notre politique énergétique. En relançant notre filière nucléaire, nous avons fait un choix très différent de l'Allemagne. Le charbon germanique n'est ni souhaitable ni durable, mais nous devons continuer à acheter ensemble sur les marchés mondiaux.

Je salue la relance du nucléaire. Un effort doit être fait sur l'ensemble du mix bas-carbone, pour une énergie durable, abordable et suffisante.

Autre enjeu, l'agriculture. La France a enfin décidé l'arrêt des surtranspositions qui l'ont tant pénalisée. Ne devrions-nous pas uniformiser plus rapidement nos politiques ? L'Europe pourrait alors parler d'une seule voix. Notre souveraineté est à ce prix.

Dans un tel contexte, le scrutin européen de 2024 revêt une importance primordiale. Tous les Européens convaincus devront s'unir pour ne pas laisser le champ libre aux eurosceptiques. La construction européenne mérite un engagement total.

Mme Catherine Morin-Desailly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Florence Blatrix Contat applaudit également.) Nous sommes tous encore sous le choc de l'attaque dont Israël a été victime ce week-end. Je réaffirme notre soutien à ce pays et à sa population et notre condamnation des actes inqualifiables du Hamas. Que faire pour venir en aide aux otages, dont des Français ? Comment éviter le pire pour les populations palestiniennes, dont le Hamas est le bourreau ?

Nous devons être intraitables vis-à-vis de cette organisation terroriste comme de ceux qui la financent insidieusement, dont le Qatar ou l'Iran, mais le siège total de Gaza est contraire au droit international. Madame la ministre, pouvez-vous préciser les propositions et la position de la France ?

Cette terrible réalité ne doit pas nous faire oublier le drame qui se déroule en Arménie, qui ne figure toujours pas à l'ordre du jour du Conseil européen, preuve d'un abandon malgré les efforts de politiques de tous bords. La Commission a cyniquement lâché les 120 000 Arméniens de l'Artsakh, comme si l'on pouvait faire confiance à Aliyev et à son funeste complice Erdogan. Ainsi, Aliyev prétend qu'Erevan est un territoire azerbaïdjanais. Qui ne dit mot consent : peut-être la Grèce, l'autre obsession ottomane, viendra-t-elle après l'Arménie...

Après avoir réagi lorsque la Russie a attaqué l'Ukraine, pourquoi ne pas avoir dénoncé la fermeture du corridor de Latchin ? Après le 19 septembre, en trois jours, on a laissé s'effacer 3 000 ans d'histoire, car on s'en prend aussi à l'inestimable patrimoine religieux, comme nous l'a rappelé notre ancienne collègue Bariza Khiari, présidente de l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (Aliph).

Pourquoi, dans les années 1990, le monde s'était-il engagé pour la Bosnie musulmane, alors qu'il abandonne l'Arménie aujourd'hui ? Poutine a besoin de l'Azerbaïdjan pour contourner les sanctions.

Madame la ministre, l'Europe doit se réveiller et apporter à Nikol Pachinian - que nous avons rencontré, avec Bruno Retailleau et Gilbert-Luc Devinaz - l'aide militaire qu'il mérite.

Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a lancé un appel aux dons de 97 millions d'euros pour les réfugiés du Haut-Karabagh, mais cela ne suffit pas. Il faut réévaluer les relations de l'Union européenne avec Bakou. Qu'attendons-nous pour décider de sanctions ?

Face aux démultiplications des crises et des guerres et aux volontés expansionnistes de dictateurs qui piétinent le droit international, nous devons agir. Nous comptons sur vous, madame la ministre. La France doit être à la hauteur ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jacques Fernique .  - On ne peut débattre de manière détachée du terrorisme massif du Hamas, qui brise toute possibilité d'apaisement. En face, un gouvernement d'extrême droite engage une punition collective pour 1,6 million de personnes. N'est-ce pas ce qu'escompte le Hamas ?

L'Union européenne ne peut entrer dans cette logique d'amalgame... C'est pourtant ce qui transpirait de l'annonce par le commissaire hongrois Olivér Várhelyi de la suspension de toute aide aux Palestiniens. Heureusement, la Commission a rétropédalé et ne parle plus que de réviser l'aide. C'est le résultat des réticences de l'Espagne, du Luxembourg, de l'Irlande ou encore du Danemark.

Quel rôle la France a-t-elle joué ? N'aurait-il pas fallu une réunion en urgence du Conseil européen ?

La complaisance gazière avec l'Azerbaïdjan doit cesser. Il ne saurait être question d'un « partenariat fiable » avec Bakou, selon l'expression de Mme von der Leyen. Total et Patrick Pouyanné ne peuvent plus afficher leur entente avec Aliyev.

Faire preuve de solidarité, c'est aussi ce que les Ukrainiens attendent, alors que le gouvernement polonais ne veut plus livrer d'armes à l'Ukraine et que le soutien américain est incertain. L'Union européenne doit tenir. La perspective de l'élargissement de l'Union aux Balkans occidentaux et à l'Ukraine, avec Grenade pour point de départ, est une nécessité géopolitique qui suppose une réforme du fonctionnement européen et des ressources propres.

À vingt-sept, on sait les difficultés du pacte Asile et immigration. Le besoin de le réformer n'a jamais été aussi urgent, mais ce texte de compromis inspire plus de malaise que de fierté. Certes, les yeux sont rivés sur la Pologne et la Hongrie, mais c'est son essence qui nous dérange. Pourquoi adopter en urgence un texte néfaste médiocre qui criminalise les ONG ? Ceux qui fuient la mort ne sont pas une menace.

Il faut être à contre-courant des réflexes de cavalier seul. Take back control, disait-on avant le Brexit : la France ne peut entonner ce refrain. Ainsi, Bruno Le Maire disait que sortir du marché de l'électricité, c'était sortir de l'Europe. Mais le Président de la République voudrait « reprendre le contrôle » des prix de l'électricité ? Est-ce à dire que l'Europe, cela commence à bien faire ? C'est le marché européen de l'électricité qui a compensé notre nucléaire défaillant cet hiver.

Autre sujet : le Green Deal. L'usage du glyphosate vient d'être de nouveau autorisé pour dix ans. La France doit défendre la santé des agriculteurs et agir pour l'interdire.

L'Europe doit tenir sur ses valeurs. Elle a besoin d'une France qui agisse en Européenne. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Dans le contexte particulier des attentats terroristes du Hamas, l'Union européenne a une responsabilité pour ouvrir la voie de la paix aux peuples israélien et palestinien.

Devant la représentation nationale, le renseignement militaire a alerté le prolongement de la guerre en Ukraine jusqu'à 2025. Après dix-huit mois, 500 000 morts et 165 milliards d'aide, quel est le résultat ? Certes, la responsabilité incombe au Kremlin, mais l'escalade est dangereuse.

Accepter la perspective d'une guerre d'usure, c'est accepter d'en faire peser les conséquences sur les citoyens européens, notamment la hausse des prix de l'énergie. Le contrat de l'Union européenne avec l'Azerbaïdjan garantit l'impunité du régime Aliyev. Alors que 120 000 Arméniens ont fui le Haut-Karabagh, il faut dénoncer et sanctionner l'Azerbaïdjan !

Les citoyens européens ont perdu 4 % de leur salaire réel. Des antivols sont apparus sur des steaks dans les supermarchés. Le vol à l'étalage a augmenté de 15 % en France et 95 millions d'Européens sont menacés de pauvreté, mais l'Union européenne poursuit l'austérité et ne propose que la révision du cadre financier pluriannuel (CFP).

Ainsi, le financement de la guerre en Ukraine concurrence la réindustrialisation, qui a du plomb dans l'aile... elle repose d'abord sur la révision des aides d'État. Or sur les 740 milliards d'euros accordés, 50 % ont bénéficié à l'Allemagne et 23,5 % à la France. Les autres pays se contentent de miettes, situation d'autant plus regrettable que ce sont les territoires de l'est qui ont les matériaux critiques pour l'industrie.

Le fonds souverain de l'Union européenne devait répondre à l'Inflation réduction act (IRA) américain de 300 milliards d'euros, mais il a été enterré avant de voir le jour. La France, pour se réindustrialiser, doit miser sur cette coquille vide qu'est la plateforme Step, recyclage de crédits en tout genre. Dix milliards d'euros pour toute l'Union européenne ? La montagne a accouché d'une souris...

Selon le chercheur Nicolas Laurent, sans budget européen, l'Union européenne arrive au bout de ce qu'elle peut fournir en biens publics.

La France et le Pas-de-Calais attendent toujours le ruissellement du plan de relance européen, mais il tarde. Or les fonds -  20 milliards d'euros  - seraient conditionnés à l'adoption de votre projet de loi de programmation des finances publiques. Nous y voyons un chantage.

Notre soumission aux marchés européens est liée aux 800 milliards d'euros que nous devons emprunter, soit 15 milliards d'euros de remboursements par an jusqu'en 2058. Mais l'austérité n'est jamais une fatalité. Ainsi, le Parlement européen enjoint la Commission de rechercher des ressources propres comme la taxe sur les cryptomonnaies.

La soumission aux marchés et aux États frugaux a assez duré. N'acceptez pas, madame la ministre, que la France accroisse sa contribution et exigez que le capital finance les transitions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Maryse Carrère et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. Ahmed Laouedj .  - L'agenda du Conseil européen est en partie bousculé par la situation au Proche-Orient. Cet après-midi, Maryse Carrère a condamné les attaques terroristes du Hamas. La violence aveugle complique l'espoir de réconciliation. Mais face à la douleur des civils israéliens et palestiniens, le processus de paix devra se remettre rapidement sur les rails.

Je salue les efforts européens de désescalade. Le haut représentant Josep Borrell a rappelé la nécessité de ne pas accroître les tensions. Mon groupe partage cette voie entre la solidarité avec le peuple israélien et la volonté de limiter les drames humains.

L'Ukraine a encore besoin de la mobilisation sans faille de l'Union. Le RDSE a toujours demandé le soutien militaire. La lassitude ne doit pas nous gagner, et je me réjouis qu'à chaque Conseil européen, les dirigeants appellent à soutenir Kiev. Toutefois, le contexte politique américain complique la situation, avec le risque de fermer les vannes à hauteur de 24 milliards de dollars. Après Grenade, il est clair que l'Europe ne compensera pas. Soutenez-vous la demande des eurodéputés de 50 milliards d'euros d'aide à l'Ukraine jusqu'en 2027 dans le cadre de la révision du CFP ?

N'oublions pas l'impact du drame au Haut-Karabagh.

J'en viens à cette révision du CFP. Il est important de trouver l'équilibre entre les politiques traditionnelles comme la politique agricole commune (PAC) et les enjeux climatiques, technologiques et de défense.

La question des ressources propres continue de se poser. Il reste peu de marges budgétaires pour absorber les crises et un remboursement de 450 milliards à partir de 2028. Dans ces conditions, le RDSE défend une diversification des ressources propres, sans quoi nous risquons une contraction de 15 milliards d'euros du budget européen ou une hausse des contributions.

La taxe plastique, fondamentale, ne suffira cependant pas, non plus que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF). Où en est l'Union européenne sur la redevance numérique et la taxe sur les transactions financières ? Au-delà des recettes, elles amélioreraient le partage des richesses.

Sur la politique migratoire, les tragédies en Méditerranée se répètent avec leurs cortèges de victimes. L'Union européenne est parvenue à un accord après trois ans de négociations avec, en filigrane, les blocages italien et hongrois.

Que penser de l'extension de la durée de détention aux frontières et aux autres concessions accordées à Mme Meloni ?

L'Europe doit conserver ses valeurs fondatrices : humanité et solidarité. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Karine Daniel .  - Le Green Deal est une réponse concrète et une feuille de route audacieuse pour l'Europe. Notre devoir de législateur est d'y contribuer. Cela demande un engagement de chaque État membre.

Nous saluons les propositions de la Commission européenne en matière, entre autres, de climat et de transport tendant à réduire d'ici à 2030 les émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1990.

Parmi celles qui traversent l'Union, la crise climatique doit rester en ligne de mire, comme les incendies, les tempêtes et les canicules nous le rappellent régulièrement. Le récent rapport du Giec souligne ces menaces et l'importance de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius. L'objectif européen de neutralité d'ici à 2050 nécessite un engagement de tous les États membres.

Notons que, en 2020, l'Union européenne avait déjà réduit ses émissions de CO2 de 32 % par rapport à 1990. L'Europe représente 9,8 % des émissions mondiales, contre 53 % pour l'Asie.

Nous devons renforcer nos partenariats et peser dans les négociations mondiales. Quelles initiatives seront-elles prises en ce sens ?

Au coeur de l'Europe, la France doit jouer un rôle de premier plan. Pour respecter les accords de Paris, la France doit investir dans une économie et une agriculture durables. Ces mesures, en plus d'être bonnes pour l'environnement, créent des emplois. Les financements devront être à la hauteur.

La sensibilisation du public est cruciale. Nous devons engager concrètement nos concitoyens et les territoires dans le Green Deal, en coordination étroite avec les autorités locales et régionales.

Soutenons les travailleurs et territoires les plus touchés en accompagnant la formation et les reconversions professionnelles et veillons à ce qu'aucun territoire ne soit laissé pour compte.

L'Union européenne doit conserver ses exigences environnementales.

Accélérons la transition environnementale et faisons en sorte qu'elle soit juste. Agissons avec détermination pour garantir un avenir durable pour tous. Nous serons attentifs à la position de la France sur la reconduction de l'autorisation du glyphosate pour dix ans.

Il est inopportun de demander une « pause réglementaire » sur les normes environnementales. Il nous faut rendre le futur plus vert. C'est notre devoir envers les générations futures. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Avec l'arrivée en quelques jours de 200 embarcations comportant 12 000 personnes, Lampedusa a encore été le symbole d'un chaos migratoire intenable, mais aussi celui de l'échec des institutions européennes à faire front.

Nous avons, une fois de plus, assisté aux mêmes déclarations martiales fallacieuses de l'extrême droite, aux mêmes injonctions irresponsables de l'extrême gauche et aux mêmes messages creux de la Commission. Mais nous ne pouvons plus recycler des actions envisagées maintes et maintes fois. La politique européenne doit être adaptée à la réalité du XXIe siècle.

Il y a toutefois quelques raisons d'espérer : les ministres des Vingt-Sept ont enfin validé le pacte asile et immigration. Sept ans après les propositions de Jean-Claude Juncker, il était plus que temps ! Pour autant, tous les obstacles ne sont pas levés. La Commission et le Conseil ne sont pas tout à fait d'accord. Pourtant, la Commission se dit confiante dans l'atteinte d'un accord avant le scrutin de l'année prochaine. Madame la ministre, en votre âme et conscience, partagez-vous cet optimisme ?

Plusieurs États membres, dont la Pologne et la Hongrie, sont hostiles à de telles mesures. Leur rhétorique fait planer le risque d'un défaut d'application de la législation communautaire. Cela ne serait pas la première fois ! Après avoir vu des migrants dans des centres de transit en Grèce se réjouir du massacre en Israël, ces pays ne risquent-ils pas d'être renforcés dans leur scepticisme ?

Les récents événements de Lampedusa nous invitent à nous interroger sur nos partenariats avec les pays du pourtour méditerranéen - Turquie, Tunisie, Égypte, Maroc. Ces accords peuvent être des outils efficaces, mais nous devons avant tout mettre en ordre notre propre cadre juridique. Sinon, nous nous mettrons dans la main de nos partenaires, qui pourraient profiter de notre faiblesse collective.

Comment ne pas voir dans le départ quasi simultané de centaines d'embarcations depuis la région de Sfax une sévère mise en garde ? Plus au sud, la situation se dégrade, avec les coups d'État au Sahel et le départ des forces françaises. Les attaques terroristes s'ajoutent à la misère. L'alliance des juntes n'apportera probablement pas des progrès tangibles à leurs concitoyens qui risquent de s'engager encore plus massivement sur les routes de l'exil.

Le Conseil européen devra aborder la question du Sahel, région stratégique, alors que nos partenaires nous ont si peu soutenus dans notre engagement contre le terrorisme. Interrogeons-nous a posteriori sur ce qu'a vraiment fait l'Europe dans cette région ! Et espérons que l'appel de Josep Borrell à ne pas abandonner le Sahel ne reste pas lettre morte.

Enfin, l'agression terroriste du Hamas sera sans nul doute abordée. Quelles actions la France proposera-t-elle pour tirer les leçons de ce drame et éviter qu'il se répète ? Quand contrôlera-t-on les aides directes aux Palestiniens et aux associations qui encouragent le terrorisme ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Brigitte Devésa .  - J'exprime tout mon soutien au peuple israélien et aux Européens victimes du terrorisme. Je fais confiance à la présidence espagnole pour soutenir Israël face à l'obscurantisme.

La question de l'aide au développement a été posée par le commissaire européen Várhelyi. Jusqu'où la France ira-t-elle pour empêcher une organisation terroriste, le Hamas, de sévir ?

Des associations frèristes se sont implantées à Bruxelles. Comment le Conseil de l'Europe peut-il lutter contre l'islamisme alors qu'il promeut des slogans tels que « mon voile, mon choix » ou « la liberté dans le hijab » ?

Après l'attaque du Haut-Karabagh, je renouvelle mon soutien à la cause arménienne et aux chrétiens d'Orient. J'appelle Mme von der Leyen à cesser toute hypocrisie au sujet de nos accords avec l'Azerbaïdjan, y compris dans le domaine de l'énergie.

Notons au passage la lâcheté de Vladimir Poutine dans le conflit arménien, lui qui fut si longtemps présenté comme un défenseur du cessez-le-feu.

Il faut gagner la guerre en Ukraine, non seulement pour ce pays, mais aussi pour les autres pays européens et pour nos valeurs. Le président Zelensky a révélé l'hypocrisie russe, mais aussi occidentale. Le peuple ukrainien a montré toutes ses qualités, et nous lui dirions que l'appartenance à l'Union se mérite ? Le peuple de Kiev répond au moins à nos valeurs morales et il le prouve. Un peuple capable de cheminer parmi les mines peut se frayer la route jusqu'à l'Union européenne. J'espère que le Conseil européen facilitera un rapprochement avec l'Ukraine.

Le Président de la République prône une nouvelle approche, fondée sur des politiques communes. Le Conseil suivra-t-il la position française d'une intégration projet par projet ?

Notre pays ne regarde pas assez à l'est, alors que la Pologne monte en puissance. Nous devons regarder au-delà de l'Allemagne, longtemps présentée comme un modèle, mais qui doit revenir sur ses choix énergétiques, militaires et diplomatiques.

Aux frontières méridionales de l'Europe, la pression migratoire inquiète, malgré l'appel humaniste du pape François. Nous devons adopter une doctrine commune. La différence entre politiques danoise et française montre le manque de vision unanime sur ce sujet.

Je conclus sur l'environnement : l'Union européenne est la plus avancée sur ces questions. C'est notre honneur, cela doit devenir notre force. Réjouissons-nous de la feuille de route proposée par la présidence espagnole. Intensifions notre travail pour la biodiversité et contre les lobbies. Mais quel bilan environnemental pour les traités de libre-échange ? Stop ou encore ?

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si l'on en croit l'ordre du jour du prochain Conseil européen, « l'Union européenne façonne une économie solide ». Permettez-moi d'en douter. Face aux géants de Pékin et Washington, l'Union européenne lance des études dont on connaît pourtant à l'avance le résultat : oui, les subventions sont massives en Chine et oui, l'impact de l'IRA sera significatif.

Une véritable politique de rupture stratégique doit s'imposer pour redonner de la compétitivité à notre économie. Quelques avancées ont été obtenues, mais ces petits pas ne sont pas à la hauteur des enjeux. À ce rythme, nous demeurerons l'Union de la régulation, plutôt qu'une véritable union économique.

Alors que l'Union européenne rattrapait les États-Unis jusqu'au début des années 2000, nous avons décroché. Cela traduit l'échec de la politique économique européenne, qui reste enfermée dans une doctrine économique datée.

Que la Commission se vante que l'économie européenne aime la concurrence n'y change rien. Elle doit rompre avec son orientation libre-échangiste, ultra-concurrentielle et libérale, peu encline à construire une politique industrielle.

Les aides aux entreprises sont extrêmement régulées alors qu'elles devraient être flexibles.

La plateforme technologique stratégique et le Net-Zero Industry Act en sont l'illustration : l'Union européenne se fixe des objectifs, mais sans véritable budget ; elle se concentre sur l'investissement en oubliant la production et la recherche et développement.

Au-delà de l'IRA, la hausse des prix de l'énergie en Europe crée un différentiel de compétitivité entre les deux continents à notre détriment et favorise les délocalisations.

La réforme du marché de l'électricité envisagée par la Commission est trop peu ambitieuse pour corriger ce différentiel.

De surcroît, la Commission interdit plus qu'elle n'incite et pénalise certains secteurs. C'est le cas du nucléaire pour lequel la France doit inlassablement batailler. Le Net-Zero Industry Act ne retient ainsi que le nucléaire de 4e génération et les petits réacteurs modulaires, des technologies non encore disponibles à la production... La première source d'énergie bas-carbone de l'Union européenne se trouve dès lors exclue.

C'est insensé ! Il faut sortir de cette logique absurde et bureaucratique.

Si je comprends l'absence de plainte concernant l'IRA devant l'OMC, pourquoi ne pas se pencher sur des règles de préférence européenne ?

Il faut une vraie politique industrielle incitative et non punitive, qui favorise des activités sur lesquelles nous avons des avantages comparatifs.

La France tiendra-t-elle une telle position au Conseil européen ? Comment convaincre les États plus frileux sur la politique industrielle, notamment ceux du nord de l'Europe ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe .  - Merci pour ces interventions très complètes et surtout pour vos mots très forts en soutien à Israël. Face à l'horreur, nous sommes unis aux côtés de ce pays.

Vous avez été nombreux à m'interroger sur la suspension de l'aide européenne à la Palestine. Il est vrai que la situation a été confuse : cette aide n'a pas été suspendue, mais la Commission a lancé une revue pour s'assurer qu'elle va dans de bonnes mains. Monsieur Fernique, une réunion d'urgence va bien se tenir.

Le troisième sommet de la CPE à Grenade a renouvelé notre solidarité en direction de l'Ukraine et organisé notre soutien à l'Arménie - intégrité territoriale et aide aux réfugiés. Nous avons également avancé sur l'agenda de la cybersécurité. Le Royaume-Uni s'est emparé du format CPE, notamment sur les questions migratoires.

Le Conseil européen a pu débattre de deux questions relatives à l'élargissement. La France a obtenu que nous encouragions les pays candidats à accélérer leurs réformes, mais aussi que l'Union accélère sa propre réforme, nécessaire pour une union plus large. Ces deux questions devront être travaillées simultanément. Nous en débattrons le 24 octobre. Le groupe d'experts mandaté est composé de douze experts indépendants. Je me rendrai le 2 novembre prochain à une conférence sur l'élargissement à Berlin.

La réunion sur les migrations organisée par le Royaume-Uni et l'Italie et qui associait la France et l'Albanie a permis une avancée dans la lutte contre les réseaux de passeurs : ceux-ci doivent être démantelés, les pays doivent les punir, pour éviter les drames.

L'objectif est de maîtriser les flux migratoires. Nous pouvons être fiers du pacte, compromis qui reflète notre devoir de solidarité et d'humanité envers les demandeurs d'asile, mais qui appelle à traiter vite la situation de ceux qui n'y ont pas droit. Il faut aussi aider les pays de première entrée et répartir les demandeurs d'asile sur le territoire européen. Vu les positions des uns et des autres, ce pacte est un bon équilibre.

Les visas de travail relèvent des lois nationales et non de l'Europe. La lutte contre les passeurs devrait cependant améliorer la situation en Guyane et à Mayotte. Le Parlement européen y travaille et j'espère que nous aboutirons avant la fin de la mandature.

Les conséquences de l'arrêt de la CJUE sur le contrôle aux frontières intérieures sont en cours d'analyse, mais une procédure est toujours en cours devant le Conseil d'État. Dans l'attente, les contrôles aux frontières restent en vigueur.

En ce qui concerne la révision du cadre financier pluriannuel, notre position est ferme : éviter une trop forte revalorisation du budget, tout en finançant nos priorités politiques. La taxe carbone aux frontières, les recettes issues du marché du carbone, l'impôt temporaire sur les bénéfices des entreprises constituent nos ressources propres, mais nous devrons aller plus loin pour développer les politiques budgétaires européennes.

En matière de gouvernance économique, nous ne voulons pas de règles procycliques, mais une différenciation en fonction des positions initiales et des spécificités de chaque pays. Comme notre position est de bon sens, je ne doute pas que les « frugaux » finiront par s'y rallier.

Pilier de la compétitivité, la réforme du marché de l'électricité est très clivante. Jamais nous ne transigerons sur le nucléaire. Le Président de la République l'a dit à Hambourg : nous commençons à voir les positions bouger pour un accord qui nous donne un prix reflétant notre mix électrique.

La France a toujours considéré qu'il fallait des aides d'État, mais aussi un fonds de souveraineté, notamment pour les petits pays.

Monsieur Pellevat, je vous ai trouvé bien dur sur la compétitivité. Le Président de la République avait alerté en décembre sur l'IRA et dès mars des textes étaient prêts. Plus aucun pays membre ne repousse la politique industrielle.

Nous nous battons sur le nucléaire dans le cadre du NZIA. Nous aurons besoin de revoir nos politiques et les budgets associés au cours de la prochaine mandature.

Le Haut-Karabagh est à l'ordre du jour du Conseil. Nous partageons votre émotion sur l'exode massif des habitants - il ne resterait plus que quinze personnes dans la région. C'est inqualifiable ! Une réunion se tiendra avec le président Aliyev à Bruxelles, en vue de conclure un accord de paix respectueux du droit international. Le Président de la République est très engagé.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - Merci à tous, et à Mme la ministre pour ses réponses.

Nous étions concentrés sur l'Ukraine, puis l'Arménie... Voilà désormais le conflit entre Israël et le Hamas. À quinze jours du Conseil, l'ordre du jour peut encore évoluer. J'ai demandé à Franck Riester de rapprocher notre débat de la date du Conseil européen. Merci de porter cette demande au sein du Gouvernement.

Vous participerez à une conférence sur l'élargissement le 2 novembre : nous vous entendrons sur ce sujet qui nous intéresse, à quelques mois des élections. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 12 octobre 2023, à 10 h 30.

La séance est levée à minuit quinze.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 12 octobre 2023

Séance publique

À 10 h 30

Présidence : Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

Secrétaires : M. Philippe Tabarot.  - Mme Véronique Guillotin

- 28 questions orales