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Table des matières



Décès d'un ancien sénateur

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

Accords France-Danemark et France-Grèce (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux

M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission des finances

M. Grégory Blanc

M. Éric Bocquet

M. Raphaël Daubet

Mme Samantha Cazebonne

Mme Florence Blatrix Contat

Mme Évelyne Renaud-Garabedian

Mme Marie-Claude Lermytte

Mme Nathalie Goulet

Négociations commerciales dans la grande distribution (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la commission des affaires économiques

Mme Marianne Margaté

M. Henri Cabanel

M. Frédéric Buval

M. Christian Redon-Sarrazy

M. Daniel Gremillet

Mme Corinne Bourcier

M. Franck Menonville

Mme Antoinette Guhl

M. Franck Montaugé

M. Bruno Belin

M. Yves Bleunven

Discussion des articles

ARTICLE 1er

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques

Mme Marianne Margaté

M. Laurent Duplomb

APRÈS L'ARTICLE 1er

Vote sur l'ensemble

Mme Sophie Primas

Mme Antoinette Guhl

Mme Corinne Bourcier

M. Henri Cabanel

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques

M. Franck Montaugé

Mises au point au sujet d'un vote

Ordre du jour du lundi 30 octobre 2023




SÉANCE

du jeudi 26 octobre 2023

13e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

Secrétaire : M. Mickaël Vallet.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Joseph Ostermann, qui fut sénateur du Bas-Rhin de 1991 à 2004.

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la Conférence des présidents a retenu la procédure d'examen simplifié.

Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama relatif à l'exercice d'activités professionnelles rémunérées par les membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre est adopté.

Le projet de loi autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord portant application de l'accord du 18 septembre 2007 concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, signé à Skopje le 5 juillet 2021, est adopté définitivement.

Accords France-Danemark et France-Grèce (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales et la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales.

Discussion générale

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Le 4 février 2022, la France et le Danemark ont signé une convention pour éviter la double imposition et l'évasion fiscale ; un accord équivalent a été conclu le 11 mai 2022 entre la France et la Grèce, remplaçant la convention précédente, qui datait de 1963.

La France et le Danemark étaient liés par une convention de 1957 qui a cessé de s'appliquer le 1er janvier 2009, à la suite de sa dénonciation par le Danemark, qui souhaitait se voir attribuer un droit d'imposition des revenus de source danoise perçus par les retraités danois résidant en France.

L'objectif majeur de la nouvelle convention est d'intégrer les derniers standards internationaux en matière fiscale. La clause dite du grand-père sécurise les pensionnaires actuellement imposés, sur lesquels la France gardera un droit exclusif.

En outre, cette convention clarifie la notion d'établissement stable, ainsi que la situation de nos volontaires internationaux en entreprise (VIE), qui subissaient une double imposition.

La solution novatrice du crédit d'impôt inversé satisfait les deux parties. Les entreprises danoises emploient 40 000 personnes en France, et 220 entreprises françaises sont implantées au Danemark. Cette convention établit un cadre juridique clair pour les particuliers et les entreprises.

Par ailleurs, la convention fiscale conclue le 21 août 1963 avec la Grèce devait être modernisée.

Pour les entreprises, la nouvelle convention prévoit notamment un traitement favorable pour les VIE, la suppression du crédit d'impôt forfaitaire et l'abaissement du seuil pour la taxation des dividendes et intérêts.

Pour les particuliers, elle remplace le partage d'impositions par une imposition exclusive à la source. Cette règle remédiera à la double imposition dont sont victimes notamment les enseignants du lycée français d'Athènes. La Grèce a accepté de l'appliquer rétroactivement jusqu'à 2015.

Les échanges économiques entre la France et la Grèce se montent à 4,295 milliards d'euros, et la France s'est hissée du dix-septième au quatrième rang des investisseurs dans le pays.

La retenue à la source pour les dividendes et intérêts préserve au mieux l'assiette fiscale française, car les investissements directs français en Grèce sont bien supérieurs aux investissements réciproques.

M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission des finances .  - Notre commission a adopté ce projet de loi autorisant l'approbation de deux conventions fiscales bilatérales. Les pouvoirs du Parlement sont limités en la matière, puisqu'il ne peut qu'approuver ou rejeter ces textes.

Les conventions visées ont été signées voilà plus d'un an, mais leur entrée en vigueur est subordonnée à notre approbation. Dans les deux cas, des problèmes pratiques ont justifié l'ouverture de nouvelles négociations.

La principale difficulté avec le Danemark portait sur la taxation des pensions. Depuis 2009, les deux pays ne sont plus liés par aucune convention : le Danemark a dénoncé la précédente de manière unilatérale, les 1 500 retraités danois vivant en France étant taxés par notre pays. Le Danemark a aussi dénoncé sa convention avec l'Espagne. Le règlement de ce différend était un préalable à l'adoption d'une nouvelle convention.

L'accord conclu en février 2022 repose sur un mécanisme atypique de crédit d'impôt inversé, qui préserve les intérêts du Trésor français tout en reconnaissant des droits au fisc danois. Les retraités danois seront imposés en France, puis au Danemark à titre résiduel, c'est-à-dire à la hauteur de la différence entre ce qu'ils devraient acquitter au fisc danois et ce qu'ils ont déjà acquitté en France. Cette solution est sans conséquence sur nos recettes fiscales. Elle est assortie d'une clause du grand-père, qui maintient les règles de 1957 pour les retraités installés en France avant 2007.

L'absence de convention fiscale entre nos deux pays n'est pas favorable au climat des affaires. La commission a donc adopté l'article 1er du projet de loi.

Quant à la convention franco-grecque, visée à l'article 2, elle remplace l'actuelle, qui date de 1963 ; complexe, celle-ci a suscité des difficultés, notamment en matière de double imposition.

En 2011, la Grèce a instauré une contribution exceptionnelle de solidarité sur les revenus, qui a donné lieu à une double imposition de nos ressortissants dans le pays. La nouvelle convention résout cette difficulté

D'autre part, elle clarifie la répartition de l'imposition des rémunérations publiques. Le principe d'imposition partagée n'était pas appliqué jusqu'en 2020, quand les autorités grecques ont demandé à des enseignants du lycée franco-hellénique Eugène Delacroix des arriérés d'impôts remontant jusqu'à 2014, soit plusieurs milliers d'euros.

La nouvelle convention prévoit l'imposition exclusive des revenus dans l'État source. La Grèce a accepté de renoncer à la perception de ses arriérés d'impôts.

La commission a adopté également cet article.

Compte tenu de ces diverses avancées, elle a adopté l'ensemble du projet de loi.

M. Grégory Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Les conventions fiscales contribuent à renforcer l'intégration européenne : c'est la raison fondamentale pour laquelle nous voterons ce texte.

Nous saluons les avancées pour les personnes concernées, notamment les pensionnés, mais regrettons le manque de clarté sur la non-rétroactivité, limitée à 2015.

J'insisterai sur le secteur du transport maritime, commun à nos trois pays. La Grèce a le plus important tonnage au monde, avec 16 % des capacités. Le Danemark compte Maersk, et la France a la troisième plus grande compagnie mondiale, la CMA CGM.

Or les enjeux fiscaux dans ce secteur ne sont pas sérieusement pris en compte. La réforme menée en 2021 sous l'égide de l'OCDE exonère les armateurs du taux d'imposition minimal - au demeurant assez bas, puisqu'il est de 15 %. Par ailleurs, le maintien de l'exemption de taxe sur les carburants est injustifié.

Le récent rapport de l'Observatoire européen de la fiscalité épingle les failles de la réforme de 2021. Le transport maritime est un des trous dans la raquette, alors que 1 000 milliards de dollars de profits ont été logés dans les paradis fiscaux en 2022.

Notre groupe voit dans ces conventions un moyen d'améliorer la vie des particuliers, mais aussi un point d'appui pour lutter contre l'évasion fiscale. À cet égard, il convient de souligner les carences de certaines grandes entreprises françaises, et nous regrettons que l'étude d'impact soit muette sur ce point. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Éric Bocquet .  - En l'absence d'étude d'impact digne de ce nom, nous déplorons que l'information du Parlement soit autant négligée, s'agissant d'accords qui sont loin d'être des formalités administratives.

Le transport maritime est un enjeu crucial pour nos trois États ; CMA CGM et Maersk sont des géants. La Grèce maintient le principe de l'imposition dans l'État d'immatriculation, alors que le Danemark a adopté la notion de siège de direction effectif - d'application difficile, car on le sait bien, un siège peut en cacher un autre. Quelles sont les implications financières de ces deux options ?

Nous ne pouvons nous satisfaire de la maigre imposition des bénéfices des transporteurs maritimes. Les armateurs danois ne sont imposés qu'à 3 % : les pertes de recettes pour le pays s'élèvent à 8,4 milliards d'euros. Les conventions fiscales doivent contribuer à un alignement par le haut pour une meilleure répartition des richesses, au lieu de s'inscrire dans le moins-disant fiscal.

L'article 5 de la convention avec le Danemark autorise les dérogations pour la recherche de ressources naturelles. Pour le dire clairement, Total a racheté l'activité pétrolière de Maersk, sa plus grosse acquisition depuis Elf Aquitaine. Nous pensons que le Danemark ne cessera pas d'exploiter les hydrocarbures en Mer du Nord, contrairement aux engagements pris. En décembre dernier, Total a intégré deux projets de forage intercalaire. Les dommages causés à la biodiversité devraient être taxés dans le pays.

Pour paraphraser une formule célèbre, une convention fiscale ne devrait pas permettre cela... Nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mmes Florence Blatrix Contat et Nathalie Goulet applaudissent également.)

M. Raphaël Daubet .  - Ces conventions présentent assez peu d'enjeux politiques. J'espère que ce n'est pas la raison pour laquelle mon groupe m'a confié cette intervention pour mon premier discours à la tribune... (Sourires) En réalité, j'y tenais, comme sénateur du Lot : mon département accueille régulièrement une illustre danoise, la reine Margrethe, dans son château au milieu du magnifique vignoble de Cahors ! (Sensation et nouveaux sourires)

Le RDSE approuvera sans difficulté ces conventions, destinées à faciliter les échanges et les investissements en supprimant les obstacles fiscaux. Elles sécurisent les contribuables, préviennent la fraude et facilitent les coopérations administratives.

Nous nous félicitons des avancées en matière de clarté et de justice, mais nous étonnons qu'il ait fallu aussi longtemps pour les obtenir. La mise au point d'une convention-cadre par l'OCDE marque un progrès important. Le RDSE appelle de ses voeux des coopérations renforcées.

Les mouvements de décarbonation et de relocalisation, voire de démondialisation, ne conduiront pas à un recul des échanges internationaux. Continuons donc à tisser la toile de nos conventions internationales. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Samantha Cazebonne .  - Ces deux conventions bilatérales représentent une mise à jour essentielle pour nos compatriotes et les entreprises concernés.

Depuis 2009, l'ancienne convention avec le Danemark, pays avec lequel nos échanges économiques sont importants, ne s'applique plus. Nous mettons ainsi fin à treize ans d'absence d'accord bilatéral. Je salue le travail de notre ancien collègue Richard Yung, qui avait alerté sur les conséquences de la dénonciation danoise. Avec le nouvel accord, nous renforçons les liens économiques et financiers entre les deux pays et intégrons les nouveaux standards de l'OCDE.

Quant à la convention entre la France et la Grèce, elle est essentielle pour garantir la fiscalité la plus juste possible. Elle résout la situation kafkaïenne des professeurs du lycée franco-hellénique Eugène Delacroix, qui se sont vu réclamer des arriérés d'impôts représentant plusieurs mois de salaire. La suppression de la double imposition est donc bienvenue. L'accord offre aussi plus de visibilité aux particuliers et aux entreprises.

Le RDPI votera sans réserve en faveur de ces deux conventions.

Mme Florence Blatrix Contat .  - Ces deux conventions s'inscrivent dans le mouvement de renégociation de nos accords bilatéraux en matière fiscale et dans le cadre de la démarche Beps de l'OCDE (Base Erosion and Profit Shifting, érosion de la base d'imposition et transfert des bénéfices).

En la matière, le Parlement ne dispose pas du droit d'amendement. Le rôle des parlementaires est donc limité, et il s'agit plus d'une information des parlementaires que d'un réel examen.

Le groupe SER soutient la démarche du rapporteur, qui souhaite renforcer le contrôle de l'application de ces conventions - l'exemple du Luxembourg est parlant, car les enjeux sont importants.

Ces conventions intègrent les nouveaux standards Beps : définition de l'agent indépendant, clauses anti-abus... Elles permettent d'éviter l'érosion des bases d'imposition par les transferts de bénéfices.

L'objet de la convention avec le Danemark est de supprimer la double imposition, sans perte de recettes fiscales pour notre pays et sans créer de situation de non-imposition ou d'imposition réduite.

Notre groupe approuve ces principes, qui participent d'une coopération fiscale positive. Nous nous félicitions de la clarification des règles applicables aux résidents des deux États. Ces conventions sont aussi un outil économique utile pour les entreprises.

Les ressortissants français travaillant dans des pays non conventionnés font face à des difficultés ; or ces pays sont encore nombreux.

Nous voterons le projet de loi, mais déplorons ces démarches bilatérales au coup par coup. Ce sont les septième et huitième textes similaires en quelques années, mais la vision d'ensemble fait défaut pour moderniser nos conventions. Une approche globale et multilatérale doit être privilégiée.

Le Gouvernement peut-il nous éclairer sur le nombre de conventions signées selon les critères Beps et le nombre de pays avec lesquels nous n'avons aucune convention ?

Actualisons au plus vite notre réseau de conventions pour intégrer les nouveaux standards internationaux, renforcer les échanges, lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et améliorer la sécurité juridique de nos ressortissants. (M. Thierry Cozic applaudit.)

Mme Évelyne Renaud-Garabedian .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Avec 128 conventions fiscales, la France a le premier réseau conventionnel au monde. Ces accords simplifient les procédures fiscales, facilitent les échanges et luttent contre la fraude fiscale.

La convention fiscale entre la France et le Danemark est attendue depuis une quinzaine d'années. Le Danemark dénonçait un traitement défavorable à ses ressortissants et des pertes de recettes. La nouvelle convention prévient les doubles impositions : les retraités danois seront désormais imposés en France sur l'intégralité de leur pension, puis au Danemark sur la différence entre les impositions danoise et française. Les retraités français au Danemark bénéficieront de la réciproque.

Elle permet aussi d'imposer le bénéfice d'une activité commerciale et industrielle sur le lieu d'exploitation. Avec 7,4 milliards d'euros, les échanges entre la France et le Danemark sont très importants.

Avec la Grèce, la convention de 1963 a suscité des difficultés, liées notamment à l'application de l'imposition partagée. Les fonctionnaires français résidant en Grèce étaient doublement taxés. Les professeurs du lycée Eugène Delacroix d'Athènes en ont fait les frais. La nouvelle convention résout ces difficultés.

Ces conventions fiscales améliorent les relations économiques, favorisent la coopération et mettent en application les derniers standards de l'OCDE. Elles renforcent la sécurité juridique des Français résidant à l'étranger. Nous voterons donc le projet de loi.

En tant que sénateur représentant les Français résidant hors de France, je me réjouis de la multiplication des conventions bilatérales. Nous attendons celles avec le Cambodge, l'île Maurice, Djibouti et le Pérou.

Mais une convention fiscale ne fait pas toujours tout. Jusqu'en 2021, les Français résidant en Italie étaient exclusivement imposables en France. Subitement, à la suite d'un changement d'interprétation, l'administration fiscale italienne leur a réclamé des impôts supplémentaires, assortis de pénalités rétroactives depuis 2015. Des retraités ou des enseignants, souvent modestes, vont être contraints de vendre leur logement pour s'acquitter de sommes exorbitantes. Certains risquent de tout perdre. Pouvons-nous envisager des échanges avec l'administration italienne pour lever ces pénalités ?

L'expérience italienne nous incite à la vigilance : les conventions doivent être rédigées de manière claire, pour que les interprétations des administrations ne puissent pas diverger.

Par ailleurs, pour rééquilibrer nos relations commerciales et géopolitiques, des conventions doivent être revues. Je pense à celle conclue avec le Qatar en 2010, unilatéralement avantageuse. (Mme Nathalie Goulet renchérit avec vigueur.) Les ressortissants qataris en France sont exonérés d'imposition sur de multiples investissements. Les investissements du Qatar en France sont équivalents à ceux de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne, qui ne bénéficient pas des mêmes avantages.

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Ces conventions sont un outil de protection de nos ressortissants et de nos intérêts. Les conseillers des Français à l'étranger sont à votre disposition pour vous apporter les informations de terrain nécessaires à leur modernisation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Pour ma première intervention à la tribune, j'adresse un salut amical à notre ancien collègue Jean-Pierre Decool.

Cet exercice est frustrant pour les parlementaires : nous devons voter sans amender. C'est soit oui, soit non. Bien sûr, notre réponse sur ces deux conventions est oui.

Notre pays dispose du plus grand réseau d'accords bilatéraux, à égalité avec le Royaume-Uni. Des considérations d'ordre politique et géopolitique affectent parfois l'interprétation de ces accords.

Les deux présentes conventions sont peu polémiques. Elles s'adaptent aux nouvelles normes de l'OCDE.

Celle avec le Danemark concerne surtout les retraités danois en France. Il était important d'accéder aux demandes danoises, dans l'intérêt de notre relation diplomatique. La France et le Danemark sont les pays européens aux plus hauts niveaux d'imposition : ceux qui partagent leur vie entre les deux pays sont peu suspects d'évasion fiscale... Ils sont plutôt le signe d'une communauté d'esprit. Le départ du tour de France de Copenhague a rappelé l'amitié qui nous lie.

La situation en Grèce est différente : les montants réclamés à nos nombreux compatriotes vivant dans ce beau pays sont parfois insoutenables. La convention facilitera leur vie, notamment des professeurs. La convention datait de 1963, il était temps de la mettre à jour !

Nous voterons ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Nathalie Goulet .  - Notre groupe votera ces deux conventions, dans le cadre de l'habituel exercice imposé - tout est déjà plié. Mais j'ai plusieurs questions à vous poser.

L'absence d'étude d'impact est regrettable, cela a été dit. J'ai demandé, par oral et par écrit, combien nous coûtent nos conventions avec le Qatar et les autres pays du Golfe. La réponse était digne de l'épisode du fût du canon : un certain temps...

Par ailleurs, nous avons signé une convention avec le Luxembourg qui a été subitement suspendue. Pourquoi ?

La Cour des comptes a demandé plus de transparence et de lisibilité : demande restée sans effet.

En 2013, le groupe CRCE avait demandé un débat sur l'efficacité des conventions fiscales. Un jour ou l'autre, il serait utile que ce débat important ait lieu de nouveau...

L'OCDE a beaucoup avancé sur ce sujet : nous avons désormais des outils pour réviser les conventions. C'est la volonté qui manque : nous sommes un peu mous du genou... Bruno Le Maire évite soigneusement le sujet.

Nous n'avons ni vision ni perspectives. Combien de conventions en attente de ratification ? Nous avons entendu parler de la Moldavie, mais ce n'est sans doute pas la seule.

Il faut un débat plus global sur la position de la France en matière de relations fiscales bilatérales. M. Bocquet a mis en évidence la face cachée des conventions en matière de transport maritime : reconnaissez que sa lecture est intéressante. Les conventions règlent certains problèmes, mais en posent d'autres

Je conclurai en disant tout le mal que je pense de la méthode suivie et du peu d'intérêt porté aux rapports de la Cour des comptes comme aux travaux parlementaires. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et CRCE-K, ainsi que sur certaines travées du groupe SER)

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État.  - La France dispose de conventions fiscales avec 125 pays, soit l'un des réseaux les plus étendus du monde. La priorité est moins de l'élargir que de le moderniser.

Des projets de loi de ratification de conventions avec la Moldavie, la Finlande et le Rwanda et de modification de celles avec le Luxembourg, la Suisse et la Suède sont en préparation.

Madame Goulet, j'ai pris bonne note de votre demande de débat.

Les articles 1er et 2 sont adoptés.

Le projet de loi est adopté.

Négociations commerciales dans la grande distribution (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation.

Discussion générale

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - « Nombre de matières premières ont baissé : il est urgent que les Français en bénéficient. »

M. Bruno Belin.  - Nous sommes d'accord !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - C'était le 29 septembre. « Si les Parlementaires votent cette loi, nous pourrons faire baisser les prix. » C'était le 27 septembre... Autant d'appels répétés à une avancée des négociations commerciales - je pourrais dresser un inventaire à la Prévert.

L'Insee a confirmé la baisse de 7,4 % des prix des matières premières depuis un an. Il faut donc faire avancer les négociations pour baisser les prix à la consommation.

Des doutes persistent, alimentés par les médias. Mais nous sommes sérieux. Nous ne gaspillerions pas le temps précieux du Parlement si des indicateurs précis et irréfutables ne l'imposaient pas.

Entre octobre 2022 et octobre 2023, les cours des matières premières ont significativement baissé : de 33 % pour le blé tendre, de 16 % pour le blé dur, de 44 % pour le tournesol, de 40 % pour le maïs et de 32 % pour le colza.

Les études de la direction générale du Trésor ont montré une corrélation quasi automatique entre la baisse des prix agricoles à la production, la baisse des prix de production des industriels et la baisse des prix de la grande distribution, mais toujours avec un temps de battement de cinq à huit mois. Ce que nous voulons, c'est réduire ce délai.

Entre août 2022 et août 2023, les prix de production industrielle ont baissé : moins 35 % pour la pâte à papier importée, moins 20 % pour le gazole. Toutes les énergies baissent, sauf le fioul, selon l'Insee. Certes, les salaires et les carburants, eux, ont augmenté.

Donnons-nous la possibilité aux industriels et distributeurs de négocier plus tôt ? Nous anticipions de 42 jours pour les grandes entreprises dans la version initiale du texte, de 30 jours dans la version débattue ce matin. Dans tous les cas, chaque jour compte.

Il faut trouver où placer le curseur. Souvent, le mois de janvier était qualifié de « mois pour rien ». Nous voulons en faire un mois utile. Cinquante grands fournisseurs ont fait savoir que leurs conditions générales de vente (CGV) et tarifs seront envoyés avant le 1er novembre, ce qui donnera du temps - habituellement, c'était en décembre.

Qui sera concerné et quand se termineront les négociations ?

Il ne faudrait pas, sous couvert de protéger des industriels, exclure des secteurs de ces négociations. L'exemple du lait est probant. (Mme Nathalie Goulet s'exclame.) Il faut des plans d'affaires pour écouler la production. Par ailleurs, le texte ne remet absolument pas en cause la loi Égalim 1, la loi Égalim 2 ni la protection des agriculteurs.

Faut-il fixer la date du 15 janvier pour tous ou laisser jusqu'au 31 janvier pour les plus grandes entreprises ? Les débats trancheront. Le Gouvernement souhaite que les prix baissent six semaines plus tôt pour le plus grand nombre d'entreprises.

Le cadre juridique français des négociations est particulier : il y faudrait sans doute plus de flexibilité. Ce texte n'est pas le bon véhicule, mais une réforme en profondeur s'impose. Une mission gouvernementale, comprenant des députés et des sénateurs, sera lancée dans les prochaines semaines pour revoir l'empilement des textes qui grippent les négociations commerciales.

Les Français nous attendent sur cette baisse des prix. Je ne défends pas le plus bas prix, mais le juste prix. Voilà notre objectif ce matin : gagner six semaines, pour des nouveaux tarifs au 15 janvier au lieu du 1er mars. La refonte devra être faite ultérieurement.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Un quatrième texte en cinq ans sur le sujet, et le Gouvernement évoque déjà une réforme à venir : entre inflation législative et insécurité juridique, nos inquiétudes et celles des entreprises sont légitimes.

L'inflation est très forte, elle dépasse les 20 % cumulés en 18 mois, et pèse sur les plus démunis. Vos mesures vont-elles y remédier ? Les indicateurs disent le contraire. Vous avez multiplié les annonces et les rétropédalages - je pense entre autres à la revente à perte des carburants ou à la limitation des marges de la grande distribution.

C'est le levier de l'avancement des négociations commerciales qui a été retenu. Mais tout se fait dans la précipitation. Utiliser ces négociations pour lutter contre l'inflation serait un renversement de la logique à l'oeuvre depuis 2018, à savoir la construction du prix « en avant », à partir des coûts de l'amont agricole.

Avancer les délais donnerait la main aux distributeurs pour faire baisser les prix. Nous ne voulons pas faire peser un risque sur nos PME agroalimentaires, qui doivent déjà faire face à la volatilité des prix des matières premières. Pourquoi modifier les dates des négociations à chaque variation des prix des matières premières ? Il existe déjà des clauses de renégociation ou de révision. L'instabilité législative est source d'insécurité pour nos entreprises, qui devront envoyer de manière anticipée leurs CGV, sans données fiables sur les prix ni le calendrier.

La commission des affaires sociales considère qu'il s'agit d'un texte d'affichage, voire dangereux pour nos entreprises. Toutes les matières premières ne baissent pas : nous nous attendons à des hausses pour l'huile d'olive, le lait, le cacao, le sucre. S'ajouteront sans doute des effets de rattrapage avec l'inflation, la hausse du Smic, la volatilité des intrants alimentée par les crises internationales - la crise au Proche-Orient a provoqué une hausse de 26 % du coût du gaz en quelques jours.

Si nous rejetions ce texte, nous donnerions carte blanche à l'Assemblée nationale. Pour protéger nos territoires, nos PME et ETI, nous avons donc décidé de l'amender.

Vous vouliez avancer la date pour les entreprises de plus de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires : cela revenait à laisser les PME négocier après les grands groupes. Les députés ont introduit un principe de différenciation dans la date des négociations en fonction de la taille de l'entreprise. Le Sénat a précisé ce principe. La date butoir du 31 décembre créait un goulet d'étranglement. Nous avons préféré le 15 janvier, plus réaliste pour les PME et ETI, et le 31 janvier pour les grands groupes. C'est la meilleure solution pour préserver les plans d'affaires et éviter un rapport de force déséquilibré. Le Gouvernement était défavorable à la différenciation et préférait une charte, qui aurait été soumise au bon vouloir des distributeurs.

Méfions-nous des lois de pulsion, pour reprendre les mots du président Larcher. Ce projet de loi en fait partie. Les centrales d'achat situées à l'étranger permettent de s'affranchir des lois Égalim. Arrêtons ces pratiques abusives.

Lors du débat de la loi Égalim 3 en mars dernier, nous voulions que tout produit commercialisé en France se fasse appliquer le cadre national. Il n'y a aucune amélioration.

De plus, les pratiques sont opaques : distributeurs et industriels se défaussent les uns sur les autres. Nous manquons de chiffres ; le législateur ne peut décider ainsi. Les industriels sont critiqués pour avoir rétabli leurs marges, et les distributeurs pour augmenter leurs marges sur les marques nationales pour réduire celles sur les marques de distributeur (MDD).

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) doit nous appuyer davantage.

L'article 2 de ce projet de loi prévoit un rapport du Gouvernement sur l'effet de l'avancée des négociations commerciales et sur le partage de la valeur, mais nous n'avons toujours pas reçu le rapport sur les effets du seuil de revente à perte + 10 % (SRP+10), qui devait être rendu le 1er octobre.

Je vous invite à soutenir les apports de la commission, pour protéger nos PME. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Marianne Margaté .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Depuis 2018, le Parlement s'acharne à réguler les négociations commerciales, sans succès. Le Gouvernement propose les mêmes solutions, simplistes et déconcertantes. Depuis le 7 avril, Bruno Le Maire demande, menace, mais n'obtient pas grand-chose.

Le droit actuel permet déjà des renégociations en cas de volatilité des cours des matières premières, mais les dispositions ne sont pas appliquées. Avez-vous honte, madame la ministre, de nous présenter un projet de loi au titre si ambitieux et au contenu si vide ? (Mme la ministre le conteste.) La honte est un sentiment infiniment humain auquel nous avons tous été confrontés...

M. François Bonhomme.  - Psychanalyse ?

Mme Marianne Margaté.  - C'est un jugement silencieux que nous portons sur nous-mêmes. Certains d'entre nous le ressentent quand ils ne le devraient pas, tandis que d'autres y échappent alors qu'ils devraient en être accablés.

La honte, c'est celle d'une famille qui doit choisir entre se nourrir ou se chauffer, c'est celle du vieil homme qui fait la queue aux Restos du coeur. Celle de ceux qui ne peuvent pas et n'en peuvent plus. Face à ces hontes, on nous présente une politique inefficace et nuisible.

Entre fin 2021 et le premier trimestre 2023, le taux de marge des industriels est passé de 28 à 48 %, alors que 10 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté, dont un enfant sur cinq.

Si les industriels n'avaient pas augmenté leurs marges, la hausse aurait été deux fois moins importante. Les industriels devraient aussi avoir honte.

La honte, disait Victor Hugo, « est le crépuscule de l'âme, là où le jour et la nuit se confondent. » Or, du jour, de la nuit et de l'âme, peu importe, diraient-ils, les yeux rivés sur leurs marges et leurs profits ! Les dividendes de la grande distribution s'envolent : +8 % pour Carrefour,

Mme Sophie Primas.  - Pas en France !

Mme Marianne Margaté.  - ... 240 millions d'euros pour Casino...

Honte de la mère démunie, honte des industriels... La honte doit changer de camp. Ne pas agir est une faute politique et morale lourde de conséquences. Depuis juin 2021, on nous promet que l'inflation sera temporaire. Ce projet de loi perpétue cette illusion.

Indexer les salaires sur l'inflation, bloquer les prix, bloquer les marges... Autant de demandes urgentes. Avancer de six semaines ces négociations, c'est dérisoire. Nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Corinne Bourcier applaudit également.)

M. Henri Cabanel .  - Une stratégie des petits pas, pour cette quatrième version de la loi Égalim en cinq ans. Que de communication, sans garantie d'efficacité !

Dans notre monde libéral, vouloir fixer les prix est un leurre. Le contexte actuel est le même qu'avant-hier : producteurs et consommateurs paieront comme d'habitude le prix fort. Les agriculteurs subissent toutes les crises - sanitaires, climatiques, de l'énergie, des matières premières... Du côté des consommateurs, on fait miroiter des prix bas, alors que les marges augmentent à chaque échelon.

Devant les députés, les représentants de la grande distribution ont expliqué que les prix augmenteront encore, car le contexte est incertain. Chacun se renvoie la balle. Quand on affiche 48 % de marge, la décence impose de revenir à la raison. Mais nous ne sommes pas dans un monde de raison. Quand certains se paupérisent, d'autres ont l'idée géniale du « shringflation » - ou comment payer autant pour avoir moins.

On parle de partage de la valeur, mais elle ne profite jamais au producteur. Voyez le vin - certes ce n'est pas un produit de base, mais il est très parlant : le litre de vin est payé 0,75 euro au producteur à la coopérative ; avec les marges du négoce, du distributeur et du restaurant, il est vendu 5 euros le verre de 15 centilitres, soit plus de 33 euros le litre !

Les distributeurs ne cessent de s'adapter pour mieux contourner la loi française, avec des groupements d'achats européens. Allons-nous ne légiférer qu'en fonction de la conjoncture ? Au fil des lois et des débats, la chape de plomb est toujours plus lourde sur les producteurs et consommateurs. Le législateur est prolixe mais la réalité, plus simple : la guerre des prix, pour un prix toujours plus bas et des marges énormes. N'utilisons pas de fausses solutions, sur fond de détresse des Français ! (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Frédéric Buval .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Pour ma première intervention, je suis fier de débattre d'un sujet aussi concret, au coeur des préoccupations des citoyens dans l'Hexagone comme en outre-mer, et singulièrement chez moi à la Martinique.

L'inflation gangrène l'économie mondiale. La France ne fait pas exception, même si elle résiste mieux que nos voisins européens. Nous partageons le même objectif : protéger le pouvoir d'achat des Français.

Ce projet de loi, qui comprend une mesure simple et rapide, va dans le bon sens. L'inflation des produits alimentaires atteignait 8,23 % en 2022, son plus haut niveau depuis 1985. Des facteurs se sont accumulés : crise sanitaire, puis pénurie des matières premières. Les ménages les plus modestes sont les plus touchés.

Le Gouvernement a pris des mesures volontaristes, mais il faut continuer sans perdre de temps !

La mesure proposée par ce texte est temporaire : avancer les négociations pour que les baisses se répercutent rapidement sur les consommateurs. C'est d'autant plus urgent que le prix de certaines matières premières baisse sans que les consommateurs en profitent. Le modèle français avec butoir transforme souvent les négociations annuelles en un moment de tension, alors que les parties prenantes devraient être partenaires. Et cela ne favorise pas le déploiement des clauses de renégociation et de révision automatique des prix.

La mesure centrale de ce projet de loi est une réponse concrète aux attentes des Français. Les outre-mer, et singulièrement la Martinique, ont besoin de réformes systémiques sur les plans social, économique, politique et institutionnel. La vie chère pénalise le développement économique et social. Les biens et services sont 20 % plus chers en moyenne que dans l'Hexagone. Nous partons de bien plus haut et l'inflation est une priorité absolue.

Je salue le travail du député de la Martinique, Johnny Hajjar, qui pointait un écart record de 40 % sur les prix alimentaires entre l'Hexagone et l'outre-mer ! Les causes sont multiples et se cumulent : étroitesse des marchés, faible concurrence, filières locales insuffisamment organisées pour être concurrentielles.

La faible concurrence est un facteur important de la vie chère : la distribution est dominée par un petit nombre d'acteurs, malgré des efforts de transparence. Je vous proposerai un amendement pour l'améliorer.

Nous entendons les critiques, mais il est urgent que les Français puissent profiter au plus vite des baisses de prix, même si c'est pour quelques semaines. Nous proposons ainsi de revenir à une date butoir unique au 15 janvier. Cela protège les PME et ETI et fait gagner deux semaines aux Français.

Pour autant, le Sénat doit chercher des compromis, et chaque amélioration est bonne à prendre : ce sera le sens de notre vote. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Christian Redon-Sarrazy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Allons-nous examiner une énième loi Égalim - la quatrième en cinq ans ? Une telle fréquence montre qu'elles sont intrinsèquement inefficaces.

Le Gouvernement propose d'avancer la date butoir des négociations commerciales au 15 janvier, pour que les Français profitent plus vite des baisses de prix.

Ce texte stérile relève de la gesticulation. Il vise à donner l'impression que le Gouvernement est dans l'action, alors qu'il ne fait rien ! C'est vrai pour l'agriculture comme pour la transition énergétique. Le Président de la République ne propose rien de neuf.

Comment ce texte pourrait-il avoir une quelconque influence sur l'inflation ? Il est illusoire de croire que l'on reviendrait à la situation antérieure. La hausse des prix risque même de s'accentuer pour le beurre et le sucre, par exemple. Avancer la date butoir ne garantit en rien une baisse. Les deux bouts de la chaîne seront affectés : producteurs et consommateurs, qui devront payer le prix affiché.

Ce n'est pas sans raison que les syndicats agricoles ont très mal accueilli ce texte : les paysans sont confrontés à une hausse significative de toutes leurs charges.

Nous proposons un amendement pour une reprise anticipée des négociations si l'Observatoire des prix et des marges ou la DGCCRF constatent une déformation du partage de la valeur et une hausse des prix déraisonnables.

Nous proposons également des modalités d'évolution des prix en fonction d'indicateurs qui reflètent fidèlement l'évolution des prix des matières premières et des coûts de production ; dans ce cas, l'avancée de la date butoir ne serait pas nécessaire.

Ce texte ne permettra pas de réguler les négociations. Plutôt que cette mesurette, pourquoi le Gouvernement ne renforce-t-il pas les contraintes de la grande distribution et des industries agroalimentaires ? L'État se contente de compter les points.

Sans réclamer une économie totalement sous contrôle, l'État devrait jouer son rôle de régulateur. Pour préserver le pouvoir d'achat des Français, on ne peut pas se contenter de laisser agir le marché : les intérêts particuliers n'aboutissent jamais à l'intérêt général.

Mais nous ne voterons pas contre ce texte, car nous ne voulons pas laisser croire que nous ne sommes pas préoccupés par cette question. Si nous ne prenons pas part au vote, la majorité sénatoriale déciderait seule du texte : n9ous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Daniel Gremillet .  - (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Ce texte est une fausse bonne idée. Le travail de l'Assemblée nationale nous met dans un piège terrible : nous devons corriger les dates retenues, en total décalage avec les capacités des entreprises, quelle que soit leur taille, pour mener les négociations.

C'est méconnaître la réalité de certains secteurs en décembre que de demander aux chefs d'entreprise d'aller négocier alors qu'ils sont en plein business.

Mme Sophie Primas.  - Exact !

M. Daniel Gremillet.  - Ce texte est en complet décalage avec la vraie vie. En 2023, Égalim a fonctionné, avec les clauses de renégociation des prix, dès que le prix des matières premières a baissé. (Mme la ministre le conteste.) Avec Anne-Catherine Loisier, nous présidons le groupe de suivi : nous en avons la preuve. (Mme Anne-Catherine Loisier le confirme.)

À ce jour, les indicateurs - base de la loi Égalim - ne sont pas connus.

Nous sommes tous sur le terrain. J'ai été interpellé par un chef d'entreprise qui avait subi une hausse du coût de l'énergie de 314 % en 2023 par rapport à 2021, et prévoyait encore 272 % en 2024. Voilà la réalité, dans tous nos territoires. (M. Bruno Belin le confirme.)

Le 16 octobre, le Gouvernement a lancé une conférence sociale sur les salaires, prenant acte du contexte d'inflation. Or dans le secteur agroalimentaire, le poids de la main-d'oeuvre dans le prix est énorme...

Autre point : ce texte ne concerne en réalité que 50 % du panier des Français, puisque les MDD ne sont pas incluses. (On le confirme à droite.) Les travaux de Laurent Duplomb ont souligné qu'au quotidien, l'assiette des Français se vide des produits de nos territoires. On ne peut pas continuer à fragiliser ainsi nos producteurs, alors que chacun dit vouloir relocaliser.

La non-négociabilité de la matière première agricole (MPA) prévue dans la loi Égalim a été globalement respectée pour les marques. En 2024, grâce au Sénat, l'intégralité des productions, y compris les MDD, seront concernées. Globalement, la hausse de la matière première industrielle (MPI) a été répercutée entre 30 et 50 % par les entreprises, quelle que soit leur taille.

Les chiffres illustrent la politique « à la française ». Égalim, c'est le temps d'après. En pleine envolée des prix, celui du lait en France a été payé 110 euros les mille litres de moins qu'en Allemagne et 160 euros de moins qu'en Irlande - preuve qu'Égalim n'a pas fonctionné pour adapter les prix. Conséquence positive : en 2022, quand l'inflation alimentaire en Allemagne dépassait les 20 %, la France limitait la hausse à 12 %. Hier dernière de la classe, la France est aujourd'hui le pays où le prix du lait est le plus cher en Europe : 40 euros de plus qu'il y a un an.

Ne mettons pas les marques en difficulté. Quelle que soit leur taille, les entreprises sont devant un mur d'investissement, pour décarboner, pour l'emballage, etc.

Ce texte est une fausse bonne idée qui risque de se traduire par des hausses tarifaires. La France n'est pas dans une bulle, notre souveraineté alimentaire est en jeu. Notre groupe, dans sa majorité, votera ce texte contraint et forcé. Il y avait bien d'autres choses à faire pour le législateur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Bruno Belin.  - Très bien !

Mme Corinne Bourcier .  - (Mme Laure Darcos applaudit.) L'hiver dernier, nous nous demandions si nous allions pouvoir nous chauffer. Les prix flambaient. Notre situation s'est améliorée mais demeure fragile. Le risque inflationniste des matières premières reste une épée de Damoclès. La décrue des prix à la production a commencé, mais se poursuivra-t-elle ?

Je salue les efforts du Gouvernement pour protéger les Français. Renforcer la lutte contre l'inflation est un objectif louable. Mais les dispositions que nous examinerons auront-elles un réel impact ? Sur le papier, avancer les négociations commerciales est séduisant, mais des négociations si rapides sont-elles faisables ? Je pense aux PME et aux ETI, nombreuses dans le Maine-et-Loire.

Le 30 mars dernier, nous avons déjà revu les règles relatives aux négociations commerciales, qui n'ont pas encore eu le temps de produire leurs effets.

Les débats en commission ont été animés. Je salue le travail de la rapporteure Loisier, même si les modifications apportées ne régleront pas tout. Avancement de quelques semaines seulement, différenciation entre fournisseurs en fonction du chiffre d'affaires : les répercussions ne sont pas claires. Nous risquons de créer des espoirs qui seront déçus.

Le secteur a besoin de stabilité. Nous devons apporter des réponses structurelles - amorcer un travail sur les MDD, relancer l'observatoire des marges. La grande distribution fait face à de nombreux défis : décarbonation, nouvelles formes de consommation.

Nous partageons l'objectif de ce projet de loi mais restons perplexes sur les effets attendus. Plus largement, il est temps, face aux crises, de repenser notre modèle économique.

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Sophie Primas applaudit également.) En septembre 2023, l'inflation était encore de 4,9 %. Les prix alimentaires ont augmenté de 20 % en dix-huit mois. Même si l'inflation ralentit, les perspectives sont incertaines, avec la hausse des coûts de l'énergie.

Dans ce contexte, ce texte discuté dans l'urgence s'apparente plus à une opération de communication du ministre de l'économie qu'à une véritable mesure anti-inflation. Il se borne à détricoter les lois Égalim, alors que nous manquons de recul sur leur application. Cette instabilité est préjudiciable pour nos TPE, PME et ETI.

Ces mesures dérogatoires et temporaires n'ont vocation à s'appliquer que pour 30 à 45 jours, mais risquent de déstabiliser les relations commerciales. L'avancée de la date butoir n'apporte aucune garantie en matière de pouvoir d'achat ; le champ du texte est trop restreint puisqu'il ne cible que les produits de marque et omet les MDD.

La date du 31 décembre était irréaliste et inadaptée au calendrier d'entreprises agroalimentaires qui font l'essentiel de leur chiffre d'affaires en fin d'année.

Je salue le travail de Mme Loisier. Le report aux 15 et 31 janvier est bienvenu, tout comme le maintien du principe de différenciation des périodes de négociation. La prise en compte du caractère consolidé du chiffre d'affaires, que j'ai portée, est également clé pour éviter toute distorsion. Il aurait été intéressant de sécuriser le cadre légal des clauses de renégociation afin de permettre aux acteurs de répercuter les variations de prix - mesure chère au Sénat.

L'inflation appelle des mesures concrètes et immédiates. Il faudra aussi apporter des réponses en loi de finances. Nous voterons néanmoins ce texte amendé avec exigence et responsabilité (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Antoinette Guhl .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Des mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation, quoi de plus important, quand les plus modestes n'arrivent plus à se nourrir et doivent choisir entre se chauffer, se soigner ou se déplacer ?

Pourtant, il n'y a rien dans ce texte sur la spirale prix-profits ; rien pour encadrer les superbénéfices des entreprises de l'agroalimentaire et de la grande distribution qui se goinfrent au détriment des consommateurs ; rien pour soutenir le bio. Nous avions proposé un amendement pour encadrer les marges - déclaré irrecevable.

Rien, sinon l'avancement de six semaines des négociations, avec l'espoir de faire baisser les prix début février. Une toute petite ambition, alors que 10 % des Français déclarent ne pas pouvoir se chauffer ; 25 %, ne pas pouvoir se payer de vacances ; 51 %, se priver occasionnellement ou régulièrement d'un repas.

Quand les files d'attente s'allongent devant les Restos du Coeur, proposer la charité des millionnaires plutôt qu'un encadrement des prix est indécent. Une rustine supplémentaire ne répondra pas à l'urgence sociale, or ce projet de loi sera sans effet sur les prix.

Il a toutefois été amélioré en commission : j'en remercie la rapporteure.

En l'état, la seule vertu du texte est de faire un petit peu plus de place aux PME dans la grande distribution. Son vice, c'est de faire l'impasse sur la perte de pouvoir d'achat des Français, qui devient perte de pouvoir de vivre. Nous, écologistes, voulons changer les règles du jeu. Nous voulons un soutien à une agriculture rémunératrice et écologique, à une demande locale pour des produits de qualité, rémunérés équitablement.

Mme Sophie Primas.  - Et pas chers !

Mme Antoinette Guhl.  - Nous voulons sortir de ce système à deux vitesses où les pauvres sont condamnés au « pas bon pas cher » - qui n'est même plus pas cher ! Manger des produits sains et en quantité suffisante devrait être un droit.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Oui, y compris à l'école. C'est précisément ce que nous faisons. Vous auriez pu l'évoquer...

Mme Antoinette Guhl.  - La sécurité sociale de l'alimentation que nous proposons est une réponse innovante, inclusive, égalitaire pour lutter contre la précarité. Elle va s'expérimenter à Lyon, Marseille, Toulouse, Grenoble et Bordeaux. C'est ambitieux, mais c'est ce que les Français attendent de nous !

Nous serons attentifs aux réponses apportées au cours du débat, mais à ce stade, notre groupe s'oriente vers un vote contre. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) De très nombreux Français connaissent les fins de mois difficiles. L'inflation n'est pas le fait du hasard : elle contribue à atténuer l'énorme dette de la France, c'est pourquoi le Gouvernement choisit sciemment de la laisser se développer. (Mme la ministre rit.)

Alors que le pouvoir de vivre normalement et dignement est entamé, il aurait fallu déposer un texte de protection des plus modestes. (Mme la ministre s'offusque.) Le rapporteur Renaissance de l'Assemblée nationale le dit lui-même, ce n'est qu'un texte d'urgence, qui ne réforme pas les relations commerciales. Vous faites un geste symbolique, dépourvu d'effet. Il inquiète plus qu'il ne rassure, car les agriculteurs pourraient faire les frais des modifications de dates. Fondamentalement, il ne répond à aucun problème structurel de la filière agroalimentaire.

En annonçant le lancement d'une mission transpartisane sur le cadre global des négociations commerciales, vous reconnaissez que votre politique a échoué. Il faut revenir sur des principes de la loi de modernisation de l'économie de 2008, poser la question de la valeur, dans un contexte de transition écologique.

La prochaine loi d'orientation agricole devra décliner dans le secteur agroalimentaire la planification écologique. Nous devrons revenir sur la gestion de l'eau, valoriser les externalités positives de l'agriculture, mieux gérer les risques, prendre en compte les zones défavorisées, la transmission du foncier, l'accompagnement des nouvelles générations.

Nous avons urgemment besoin d'un grand projet stratégique de valorisation et de transformation des produits, filière par filière.

Ce texte, même amendé, ne répondra pas aux besoins des Français. Le groupe SER s'abstiendra.

M. Bruno Belin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) Je salue l'action de la commission des affaires économiques dans le combat contre l'inflation.

Ce projet de loi soulève des interrogations. Affichage, vraie bonne volonté ou partie de poker menteur ? Nous savons au Sénat que la grande distribution se surveille comme le bon lait du Poitou ou de Bretagne sur le feu.

Mme Nathalie Goulet.  - De Normandie ! (Sourires)

M. Bruno Belin.  - Il y a eu beaucoup de maladresses. Maladresse de Matignon, d'abord, en lançant l'idée de la vente à perte. Comment imaginer que la grande distribution, en vendant à perte le carburant, ne se rattraperait pas sur les autres produits ? Quid des petits pompistes ?

Maladresse aussi de la grande distribution, qui annonçait la baguette à 29 centimes quand les boulangers, confrontés à l'explosion du coût de l'énergie, fermaient les uns après les autres.

Entre la grande distribution et les éleveurs et producteurs, le bras de fer est permanent, malgré Égalim. À cette tribune, dans la chambre des territoires, ayons une pensée pour les éleveurs et producteurs qui font vivre ce pays ! (M. Pierre Cuypers applaudit.) Ayons une pensée pour le commerce de proximité, indispensable durant la pandémie, et dont on parle trop peu. (Mme la ministre proteste.) La France qu'on aime n'est pas celle des ronds-points et des zones commerciales, c'est celle de nos provinces riches de leurs marchés, de leurs commerces.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Vous n'aimez pas la France des zones commerciales ? Dommage.

M. Bruno Belin.  - La France qu'on aime, c'est celle de l'aménagement du territoire... Cet équilibre est indispensable. N'oublions pas les populations qui vivent dans ces territoires, les services qui y survivent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Yves Bleunven .  - (Applaudissements au banc des commissions) Pour ma première intervention ici, un texte sur les négociations commerciales - joli clin d'oeil à ma carrière professionnelle -, au titre évocateur, à l'ambition louable, mais aux effets hypothétiques.

Dans l'agroalimentaire, la baisse des prix tarde, car le coût de revient des produits reste très élevé. Sans baisse équivalente des coûts, toute baisse des prix de vente se répercuterait sur les producteurs.

Pour nos PME, la compression de la période de négociations n'est en aucun cas synonyme de pouvoir de négociation renforcé. Elles vont même être prises au dépourvu et seront plus facilement mises sous pression par les distributeurs. Les entreprises avicoles dans le Morbihan soulignent qu'entre la période des fêtes et celle des négociations salariales, elles n'auront guère de temps pour négocier avec les distributeurs. La mesure risque donc d'être contre-productive.

Il est de notre devoir de le dénoncer. Nous devons agir sur les racines structurelles de l'inflation. Attaquons-nous aux facteurs de hausse du prix de revient des produits de grande consommation : l'énergie, mais aussi le coût des matières premières, du transport ou de la transformation. Desserrons l'étau !

En période d'inflation, les consommateurs privilégient les premiers prix et les marques distributeurs au détriment des produits labellisés et biologiques. Cela contribue à la dégradation de la marge brute du mix produit et favorise les importations.

Il est urgent d'agir pour renforcer notre souveraineté agricole et alimentaire. Cela passe par une réelle politique de lutte contre l'inflation et de soutien à la compétitivité de nos entreprises, non par des mesures d'affichage.

Nous voterons néanmoins ce texte tel que modifié en commission, en attendant que le Gouvernement s'attaque aux racines de l'inflation. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Discussion des articles

ARTICLE 1er

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques .  - Ce projet de loi acte l'échec de votre politique erratique de soutien au pouvoir d'achat. C'est un texte modeste, aux effets incertains. La commission l'a amendé, plutôt que de le rejeter, afin de protéger nos PME et ETI qui allaient être fragilisées par des négociations écourtées. Nous avons reporté les dates butoirs pour éviter d'ouvrir des négociations difficiles en pleine période des fêtes.

Nous avons également introduit un principe de différenciation : une première phase pour les PME et ETI, jusqu'au 15 janvier ; une seconde pour les grands groupes, jusqu'au 31. Dans le contexte actuel, nous ne pouvons laisser nos PME et ETI seules face à la grande distribution et aux grands groupes ; seules des négociations anticipées permettent d'obtenir un bon référencement. Sinon, il ne leur reste que les miettes ! Comment une PME pourrait-elle imposer une négociation anticipée aux distributeurs si celle-ci est facultative ? Le rapport de force entre distributeurs et fournisseurs est structurellement déséquilibré. Notre responsabilité est d'y remédier en soutenant les PME et ETI qui font la richesse de nos territoires.

Mme Marianne Margaté .  - Ce projet de loi ne répond pas à l'urgence et risque d'être contre-productif en outre-mer, où la vie est autrement plus chère que dans l'Hexagone : plus 9 % à La Réunion, plus 16 % en Guadeloupe, plus 30 à 42 % pour l'alimentation. La grande distribution y est plus concentrée. Avancer la date de négociation sans étude d'impact remettrait en cause les équilibres. Les PME réunionnaises ne pourront absorber ces nouvelles contraintes.

Mieux vaudrait faire une évaluation fine du bouclier qualité-prix (BQP), qui propose un panier de 153 produits à prix gelé - mais dont le taux de rupture en rayon varie de 14 à 27 %... Il faut se pencher sur la qualité et la sélection, sur l'impact sur le pouvoir d'achat, sur l'évolution des habitudes de consommation. Ces réalités n'ont pas été envisagées par le Gouvernement. Urgence ne doit pas signifier précipitation.

M. Laurent Duplomb .  - Avec ce projet de loi, le ministre de l'économie cherche à rattraper son collègue de l'Intérieur qui est sur tous les plateaux. En politique, il n'y a rien de pire que de se laisser intoxiquer par sa propre propagande.

Les entreprises voient leurs charges exploser, or 67 % des hausses n'ont pas été compensées, sinon par des hausses de prix : 81 % sur les matières premières, 50 % sur l'énergie, 50 % sur le transport ou l'emballage...

La réalité, c'est que votre politique est un fiasco. Fiasco sur l'énergie, à l'image de la fermeture de Fessenheim (M. Thomas Dossus s'offusque), fiasco de la loi Agec, de la loi Climat et résilience, qui ont imposé de nouvelles charges aux entreprises. Vous avancez les dates butoirs sans respecter vos propres obligations en matière de notification amont et aval, ou sur les commissaires enquêteurs.

Bref, vous ramez ! Avec une inflation de 2 à 4 %, nous sommes loin de la déflation... Inutile de légiférer tant que vous ne mettrez pas fin à la domination de la grande distribution, que vous n'exigerez pas de M. Leclerc qu'il respecte les pénalités logistiques et les pénalités sur les dates butoirs !

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 1

1° Supprimer les mots :

de produits de grande consommation

2° Après le mot :

fournisseur

insérer les mots :

de produits de grande consommation

II.  -  Alinéa 2

1° Supprimer le mot :

également

2° Remplacer les mots :

entre un fournisseur et un distributeur portant sur des produits ou des services

par les mots :

relative à des produits de grande consommation

L'amendement n°17 rédactionnel, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les dispositions du présent article s'appliquent si l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes constatent, au sein d'une filière, une déformation du partage de la valeur justifiant l'application du II du présent article.

M. Franck Montaugé.  - Il faudrait pouvoir appliquer l'article 1er en cas de déformation du partage de la valeur au sein de la filière. Il y va de la juste rémunération des agriculteurs. À l'Assemblée nationale, vous avez annoncé la création d'une mission sur les relations commerciales : quel sera son périmètre ? Associerez-vous des parlementaires ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure.  - La question des marges est essentielle. Il faut en effet faire la lumière sur les pratiques des uns et des autres. Toutefois, votre amendement poserait un problème de faisabilité et d'instabilité juridique : les dates de négociation seraient en permanence remises en cause. Retrait ou avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Cet amendement vide le texte de son objet, avancer les négociations pour 2024. Votre proposition est inapplicable par les administrations et la notion de déformation du partage de la valeur n'est pas définie. Je précise que la mission gouvernementale inclura bien des parlementaires.

Retrait, sinon avis défavorable.

M. Franck Montaugé.  - Merci pour vos précisions. C'était un amendement d'appel.

L'amendement n°4 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

I.  -  Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

II. - Par dérogation au IV de l'article L. 441-3 et au B du V de l'article L. 443-8 du code de commerce, les conventions mentionnées au I des articles L. 441-4 et L. 443-8 du même code, lorsqu'elles sont signées avec un distributeur, sont, pour l'année 2024, conclues au plus tard le 15 janvier 2024 et prennent effet au plus tard le 16 janvier 2024.

II.  -  Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

III.  -  Alinéas 7, 8 et 9

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

Les conventions en cours d'exécution au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi qui ont été signées avant le 1er septembre 2023 et dont le terme est postérieur au 16 janvier 2024 prennent automatiquement fin le 15 janvier 2024.

IV.  -  Alinéa 10

Après les mots :

au distributeur au plus tard

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

deux mois avant le 15 janvier 2024.

V.  -  Alinéa 14

Après le mot :

respectivement,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

par les dates du 15 janvier 2024 et du 15 février 2024.

M. Frédéric Buval.  - Nous souhaitons rétablir une date butoir unique, celle du 15 janvier, telle prévue dans le texte initial. Nous craignons qu'avec des dates décalées, les grandes entreprises n'aient le dernier mot. C'est dangereux pour nos PME et ETI.

Les mesures d'urgence doivent être simples.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Buval.

Alinéa 4

1° Après les mots :

du même code

insérer les mots :

et l'accord mentionné à l'article L. 410-5 dudit code

2° Remplacer le mot :

signées

par le mot :

signés

et le mot :

conclues

par le mot :

conclus

M. Frédéric Buval.  - Je propose de réintroduire une disposition adoptée à l'Assemblée nationale à l'initiative du député de la Martinique M. Hajjar. L'avancement de la date butoir des négociations commerciales doit s'appliquer également aux territoires d'outre-mer concernés par le BQP. Les ultramarins subissent déjà un effet de vie chère - plus 20 % par rapport à la métropole, plus 40 % dans l'alimentaire. Ce serait une mesure de justice sociale pour des territoires dont plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Duplomb.

I.  -  Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

, ou le 31 janvier 2024 avec effet au 1er février, au seul choix du fournisseur. Ce choix est stipulé dans les conditions générales de vente

II.  -  Alinéa 8

Après le mot :

euros

insérer les mots :

, ou si le fournisseur dont le chiffre d'affaires est inférieur a opté dans ses conditions générales de vente pour la date du 31 janvier,

III. - Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

, sauf en cas d'option pour la date du 31 janvier 2024

IV. - Alinéa 10

Après la première occurrence du mot :

euros

insérer les mots :

, sauf si le fournisseur a opté dans ses conditions générales de vente pour la date du 31 janvier 2024 nonobstant un chiffre d'affaires inférieur à 350 millions tel que défini ci-dessus,

V. - Alinéa 14

Après la première occurrence du mot :

euros

insérer les mots : 

, sauf pour les fournisseurs dont le chiffre d'affaires est inférieur ayant opté dans leurs conditions générales de vente pour la date butoir au 31 janvier 2024,

M. Laurent Duplomb.  - La commission veut différencier, mais pourquoi ne pas laisser les entreprises libres de choisir entre le 15 et le 31 janvier ? Je vais cependant retirer mon amendement, en espérant que le choix de la commission aura été le bon.

L'amendement n°7 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 6

Remplacer les mots :

au premier alinéa

par les mots :

aux premier et deuxième alinéas

II.  -  Alinéa 9

Remplacer la date :

1er  janvier

par la date :

16 janvier

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure.  - Amendement rédactionnel.

Avis défavorable à l'amendement n°12, qui revient sur la position de la commission. Les entreprises sont majoritairement favorables à la différenciation. Une date butoir unique aggraverait considérablement la charge de travail pour les distributeurs.

Avis défavorable à l'amendement n°10 ; le BQP, qui fonctionne bien, doit être préservé. Il est donc exclu des dispositions du texte, afin de ne pas désorganiser les négociations dans les territoires ultramarins. De plus, la date butoir y est fixée par décret, c'est du domaine réglementaire.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Avis favorable à l'amendement n°12, qui revient à la volonté initiale du Gouvernement. J'entends les arguments pour un traitement prioritaire des PME, mais la demande n'est pas unanime, madame la rapporteure.

Contrairement à certains, je crois aux engagements volontaires. La charte signée l'an dernier sur la prise en charge des coûts de l'énergie a manifestement été respectée. S'il vous plaît, pas d'inflation législative.

Le Gouvernement est favorable à l'objectif poursuivi par l'amendement n°10. Avec le ministre des outre-mer, nous voulons accélérer la renégociation des BQP, mais l'amendement propose un calendrier inopérant : avis défavorable.

Avis favorable à l'amendement n 19.

M. Victorin Lurel.  - Je ne comprends pas pourquoi certains demandent à différer ou à ne pas appliquer ces dispositions outre-mer, au prétexte d'une mission - alors qu'une commission d'enquête, celle présidée par Guillaume Vuilletet et rapportée par Johnny Hajjar, vient pourtant de nous faire de belles propositions ! J'ai moi-même mis en place le BQP ! Il mérite certes une réforme, mais l'amendement n°10 est un bon amendement.

Pourquoi ne pas demander à toutes les entreprises d'établir des relevés de prix qui seraient communiqués à la DGCCRF ? Ainsi nous régulerions, tout en respectant la liberté d'entreprendre.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

M. Frédéric Buval.  - Je reste vigilant sur vos engagements, madame la ministre ! Je retire mon amendement.

L'amendement n°10 est retiré.

M. Victorin Lurel.  - Je le reprends !

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°10 rectifié.

L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°19 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Par dérogation au IV de l'article L. 441-3 du code de commerce, la convention comporte une clause de révision automatique des prix du contrat en fonction de la variation du coût des matières premières agricoles, à la hausse ou à la baisse, entrant dans la composition du produit alimentaire ou du produit destiné à l'alimentation des animaux de compagnie. Les parties fixent les modalités selon lesquelles le prix convenu est révisé. Ces modalités prennent en compte plusieurs indicateurs disponibles reflétant l'évolution du prix des matières premières et des facteurs de production.

Les indicateurs sont diffusés par les organisations interprofessionnelles. À défaut, l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires propose ou valide des indicateurs. Ces indicateurs reflètent la diversité des conditions et des systèmes de production.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Nous voulons intégrer aux contrats distributeurs-fournisseurs des modalités de révision des prix en fonction de l'évolution du prix des matières premières et des facteurs de production.

Ce projet de loi est bien la preuve de l'impuissance des pouvoirs publics à imposer une réelle régulation des relations commerciales. Nous avons besoin de dispositions claires et non d'une législation dans l'urgence.

La clause de révision automatique des prix peut être une solution efficace ; elle existe déjà, mais elle est très peu appliquée. Savez-vous pourquoi, madame la ministre ?

Depuis 2018 et la première loi Égalim, le monde agricole n'en peut plus d'attendre. Il faut trouver des solutions rapidement, la clause de révision automatique est une solution à explorer.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure.  - Nous avons déjà beaucoup travaillé sur ces clauses qui sont d'utiles soupapes d'adaptation. Depuis Égalim 2, elles sont obligatoires pour les produits alimentaires et permettent de lutter contre l'obsolescence des tarifs. La formule de révision est déterminée par les parties au contrat, ce qui est parfois source de difficultés. Leur mise en place est récente, mais c'est un chantier que nous pourrions ouvrir, afin de travailler notamment sur leur appropriation par les acteurs. Retrait à ce stade, sinon avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Retrait ou avis défavorable, car satisfait.

L'amendement n°5 est retiré.

L'amendement n°18 de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Primas, MM. Duplomb et Cambier, Mme Chain-Larché, MM. Chatillon, Chauvet et Rietmann, Mme Jacquemet et MM. D. Laurent et Cuypers.

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

Mme Sophie Primas.  - Nous voulons préserver le délai de 30 jours entre la réception des CGV et une potentielle contestation motivée du distributeur : 15 jours, c'est trop court.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure.  - Avis favorable. Il est impossible d'examiner plusieurs milliers de contrats en 15 jours.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Même avis favorable.

L'amendement n°2 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme N. Goulet et M. Canévet.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux catégories de produits 0401 à 0406 visées par l'annexe I du Règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE), n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil.

Mme Nathalie Goulet.  - Michel Canévet et moi voulons exclure la filière laitière du champ de l'article 1er, car le prix du lait est négocié au mois le mois, dans le cadre de contrats pluriannuels, alors que ce texte, lui, ne porte que sur une année. C'est un amendement de bon sens, pour ne pas pénaliser la filière laitière.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure.  - Nous connaissons les inquiétudes de la filière lait. Avec la différenciation, la commission a amélioré le texte pour protéger les petites entreprises. De plus, la matière première agricole est non négociable depuis la loi Égalim 2.

Mais par cohérence, je ne souhaite pas exclure de filière : d'autres, comme la filière viande, auraient pu avoir les mêmes arguments. Sagesse... dubitative.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Nous voulons tous protéger nos producteurs de lait. Grâce à Égalim 1 et 2, les matières premières agricoles sont non négociables, contrairement à la matière première industrielle.

En maintenant la date butoir du 1er mars 2024 pour les PME et ETI productrices de lait, votre amendement les défavorise par rapport à leurs concurrentes productrices de boissons végétales, qui négocieraient avant et seraient ainsi mieux référencées par la grande distribution.

Enfin, le Gouvernement n'a jamais dit que tous les prix baisseraient en janvier. Certains oui, d'autres non.

Avis défavorable.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié quinquies, présenté par MM. Fouassin et Lévrier, Mme Phinera-Horth, MM. Patriat, Buis, Iacovelli et Omar Oili, Mme Cazebonne, M. Patient, Mme Duranton, M. Mohamed Soilihi, Mmes Nadille et Schillinger, M. Haye, Mme Havet et MM. Rohfritsch et Bitz.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Par dérogation, les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution.

Mme Solanges Nadille.  - À la suite de la visite du ministre délégué aux outre-mer à La Réunion, une commission d'enquête sur le coût de la vie en outre-mer a été créée en septembre. Des auditions ont eu lieu et un groupe de travail a été créé par la préfecture.

Ce projet de loi d'urgence risque de compromettre le travail engagé pour lutter contre la vie chère dans nos territoires. C'est pourquoi nous souhaitons exclure les collectivités d'outre-mer du champ de ce texte.

La chaîne d'approvisionnement de La Réunion est très particulière - quatorze parties prenantes, un mois et demi pour un approvisionnement depuis l'Hexagone : elle doit être préservée. Nous avons besoin de temps, de visibilité et de stabilité. Ne compromettons pas les efforts déployés.

M. le président.  - Amendement identique n°15, présenté par Mme Bélim.

Mme Audrey Bélim.  - Dans le contexte rappelé par ma collègue, ce projet de loi compromet tout le travail engagé. La chaîne de valeur réunionnaise mobilise quatorze parties prenantes. Or le travail d'intelligence collective avec le BQP et ses 153 produits essentiels a permis de maintenir une moindre inflation sur les produits alimentaires : 9 %, contre 12 % dans l'Hexagone. Ne ruinons pas tous ces efforts !

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par Mme Bélim.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Par dérogation, les dispositions du présent article ne s'appliquent pas à La Réunion.

Mme Audrey Bélim.  - Défendu.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure.  - Merci de vos témoignages : la commission est sensible aux situations particulières des outre-mer - c'est pourquoi elle a d'ores et déjà exclu le BQP. J'émets un avis de sagesse, mais que pense le Gouvernement des amendements identiques nos14 rectifié quinquies et 15 ?

Avis défavorable à l'amendement n°16, qui ne concerne que La Réunion.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Les parlementaires ont été nombreux à me dire que les baisses de prix doivent être répercutées le plus vite possible aux Ultramarins. Nous demanderons aux préfets d'aller vite sur le BQP.

Sagesse sur les amendements identiques nos14 rectifié quinquies et 15. Avis défavorable à l'amendement n°16.

Mme Audrey Bélim.  - L'amendement n°16 était un amendement de repli.

Nous n'avons pas été consultés en amont et sommes mis devant le fait accompli, avec trop peu de temps pour identifier des marges supplémentaires. La préfecture de La Réunion vient d'engager le travail. Si baisse des prix il y a, elle sera le fait des industriels et producteurs locaux. Rappelons que La Réunion souffre de la vie chère, du chômage, du mal-logement et de l'inflation.

M. Victorin Lurel.  - Ce que vous faites là est très mauvais. Théoriquement, les négociations sur le BQP doivent aboutir au 1er mars ; en Guadeloupe, c'est en juin, en Martinique, en juillet. Comment accepter que l'on diffère de six à sept mois l'ouverture des négociations ?

Pourquoi pas des dispositions spécifiques à La Réunion ? On a bien eu l'amendement Virapoullé dans la Constitution...

Mais peut-on raisonnablement dire au consommateur ultramarin, qui s'acquitte de prix exorbitants, qu'il va devoir attendre six à sept mois la fin des négociations ? Votre avis de sagesse est de mauvaise politique, madame la ministre.

Pourquoi annoncer une mission alors qu'une commission d'enquête vient de rendre ses conclusions ? Il faudrait différer les négociations ? Je voterai contre -  dussé-je être le seul.

Les amendements identiques nos14 rectifié quinquies et 15 sont adoptés.

L'amendement n°16 n'a plus d'objet.

L'article 1er, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 1er

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Buval.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le I de l'article L. 410-5 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de variations importantes de certains coûts susceptibles de modifier significativement le coût de revient d'articles inclus dans la liste mentionnée au paragraphe précédent, le représentant de l'État, sur demande motivée des associations de défense des consommateurs agréées et après avis de l'observatoire des prix, des marges et des revenus concerné, peut, en cours d'année, ajuster le prix global de la liste, pour une durée qu'il fixe et qui ne peut aller au-delà du terme de l'accord en vigueur, afin de tenir compte des effets de ces variations. Un arrêté conjoint du ministre chargé de la consommation et du ministre chargé des outre-mer détermine le périmètre de la clause de sauvegarde, les références à prendre en compte et son seuil de déclenchement. »

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Frédéric Buval.  - Le coût de la vie est de 20 % plus élevé dans les outre-mer que dans l'Hexagone, et c'est pire avec l'inflation structurelle de ces derniers mois. L'excellent rapport de MM. Patient et Rohfritsch sur la mission Outre-mer soulignait déjà en 2022 que le BQP, issu de la loi Lurel, n'empêchait pas l'inflation. C'est un outil qui fonctionne, mais qui pourrait être amélioré, avec notamment une durée de négociation plus courte.

La diminution des prix des produits de première nécessité est une urgence absolue : je propose donc d'améliorer la transparence des marges et des prix en outre-mer.

Merci, cher M. Lurel, pour votre soutien à mon amendement n°10.

M. Victorin Lurel.  - Je voterai aussi cet amendement.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure.  - Cette clause existe déjà. Retrait, sinon avis défavorable, car l'amendement est satisfait.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Même avis.

M. Frédéric Buval.  - Je retire cet amendement, mais resterai vigilant, car il s'agit d'un sujet fondamental pour l'outre-mer.

L'amendement n°11 est retiré.

L'article 2 est adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Sophie Primas .  - Bien sûr, le groupe Les Républicains votera le texte amendé par la commission. Mais nous restons inquiets : les CGV arrivent chez les distributeurs alors que les indicateurs de production n'ont pas été publiés par les organisations professionnelles agricoles, contrairement à ce qu'Égalim avait prévu ; les négociations ne portent pas que sur le prix, mais sur tout un plan d'affaires.

Vous voulez gagner quelques jours sur l'inflation, mais Michel-Édouard Leclerc reconnaît lui-même qu'il n'y aura sans doute pas de baisse de prix. Certaines matières premières agricoles ont augmenté et des matières premières non agricoles ont même beaucoup augmenté sans être couvertes par les négociations de l'année dernière.

Ce qui joue à plein, c'est la compétitivité de notre énergie -  d'où notre vigilance sur les négociations européennes en cours.

La question de la compétitivité de notre agriculture, qui a fait l'objet d'une récente proposition de loi de notre collègue Laurent Duplomb, est également cruciale. D'où mon inquiétude quand je vois les dispositions agricoles du PLF 2024 ou les charges supplémentaires que viennent de voter les députés européens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Antoinette Guhl .  - Ce texte n'adopte pas les bonnes mesures contre l'inflation : le GEST votera contre.

Nous voulons une sécurité sociale de l'alimentation qui rémunère les producteurs, qui rééquilibre les négociations afin que la grande distribution ne dicte pas les prix et qui répartisse mieux la valeur, pour donner à toutes et tous accès à l'alimentation.

Mme Corinne Bourcier .  - Nous partageons l'objectif d'une négociation qui bénéficie à tous et notamment au consommateur. Ce n'est pas ce que propose ce texte, même modifié. Le calendrier est trop serré. C'est un texte d'urgence dont il est difficile d'estimer l'impact. (Mme Dominique Estrosi Sassone le confirme.) Appuyons-nous sur l'Observatoire des prix et des marges.

Le groupe INDEP, perplexe, s'abstiendra.

M. Henri Cabanel .  - D'un tempérament naïf, je rêve d'un monde où chacun gagnerait bien sa vie et où la valeur serait partagée, les marges décentes. C'est hélas un voeu pieux.

Certes, les lois Égalim ont eu un impact positif sur les rémunérations des agriculteurs, mais le revenu continue de s'amenuiser. Je suis inquiet pour notre souveraineté alimentaire.

Le RDSE s'abstiendra.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques .  - Sur l'ensemble des bancs, on doute. Nous avons essayé, grâce au travail de la rapporteure, de différencier les entreprises selon leur taille. La réalité du terrain servira de juge de paix : nous regarderons les résultats dans un an.

M. Franck Montaugé .  - On nous demande de trancher des questions techniques, alors qu'il faudrait légiférer sur des enjeux structurels, comme la chaîne de valeur qui va de l'agriculteur au consommateur. Il faut remettre en question certains principes de notre droit - je pense à la LME de 2008.

Nous verrons bien ce que donnera ce texte : notre groupe s'abstiendra.

À la demande du RDPI, le projet de loi, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°19 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 244
Pour l'adoption 209
Contre   35

Le projet de loi, modifié, est adopté.

Mises au point au sujet d'un vote

M. Pierre Cuypers.  - Lors du scrutin public n°12, MM. Jean-Pierre Vogel et Louis-Jean de Nicolaÿ souhaitaient voter pour.

M. le président.  - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique du scrutin.

Prochaine séance, lundi 30 octobre 2023, à 16 heures.

La séance est levée à 13 h 55.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 30 octobre 2023

Séance publique

De 16 heures à 20 heures et à 21 h 30

Présidence : Mme Sylvie Robert, vice-présidente, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

Secrétaires : M. Philippe Tabarot - Mme Véronique Guillotin

1. Proposition de loi visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles françaises, présentée par Mme Vanina Paoli-Gagin (texte de la commission, n°62 rect., 2023-2024)

2. Proposition de loi visant à interdire l'usage de l'écriture inclusive, présentée par Mme Pascale Gruny et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Les Républicains (texte de la commission, n°68, 2023-2024)