Abroger l'article 40 de la Constitution

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à abroger l'article 40 de la Constitution, présentée par Mme Éliane Assassi, M. Éric Bocquet, M. Pascal Savoldelli et plusieurs de leurs collègues, à la demande du groupe CRCE-K.

Discussion générale

M. Pascal Savoldelli, auteur de la proposition de loi constitutionnelle .  - Je salue Mme Assassi, auteure de cette proposition de loi. (Sourires bienveillants)

Mme Nathalie Goulet.  - Moi aussi !

M. Pascal Savoldelli.  - Nous voulons nous inscrire dans la dynamique de réforme de la Constitution engagée par le Président de la République.

La Constitution donne du sens à l'État de droit, mais notre démocratie vacille. De crise en crise, la question de l'intervention citoyenne a fait irruption dans le débat public, mais quel débouché nos institutions lui ménagent-elles ? Ainsi, lors de la réforme des retraites, une grande majorité a manifesté contre cette réforme injuste, puis s'est exprimée contre les articles 49.3, et de manière inattendue, 40, qui rendait irrecevable la proposition de loi du groupe Liot abrogeant le report de l'âge légal de la retraite.

Beaucoup de nos concitoyens ont découvert l'existence de cet article qui restreint le droit de proposition de la représentation nationale et qui contrarie l'expression de la démocratie sociale. C'est un étau démocratique qui dépossède les individus de leur citoyenneté.

Les constitutionnalistes s'interrogent, mais nous, législateurs, devons saisir cette occasion pour l'abroger et pour apporter un nouveau souffle à la démocratie. Selon le préambule de la Constitution de 1793, « Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. » Le général de Gaulle affirmait en 1958 que « c'est pour le peuple que nous sommes, au siècle et dans le monde où nous sommes » que la Constitution avait été établie.

La crise de confiance dans nos institutions est profonde.

Le Sénat est à la bonne place pour débattre de la légitimité du pouvoir du Gouvernement, du Parlement et des citoyens.

Ce qui lie les citoyens au budget de la Nation, ce sont d'abord les services publics, ciment de la République. Mais comment les citoyens peuvent-ils se les approprier s'ils n'en ont pas la maîtrise ? Chaque fois que l'on veut conserver les lignes de bus : irrecevable ! Augmenter les bourses aux étudiants : irrecevable ! Revenir à un grand service public de l'énergie : irrecevable ! Mais c'est toute la démocratie sociale qui est irrecevable !

C'est aussi un outil d'entrave au débat parlementaire. La commission Balladur, en 2008, l'avait dit. Didier Migaud et Jean Arthuis, alors présidents des commissions des finances des deux chambres, avaient plaidé contre cette forme d'« autocensure parlementaire ». (Mme Nathalie Goulet et M. André Reichardt le confirment.)

C'est aussi un outil incohérent. Malgré l'article 40, il est possible d'élargir une niche fiscale, de reporter des dizaines de milliards d'euros ou de mettre en réserve des crédits budgétaires : c'est le deux poids, deux mesures !

Le droit d'amender est confisqué aux oppositions, mais aussi à la majorité. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.) Le rôle d'élaboration budgétaire du Parlement est incontestablement restreint. Budget de la Nation ? Non, plutôt celui des cabinets ministériels, appuyés par des cabinets privés...

La commission des lois a jugé l'abrogation impossible et son assouplissement aventureux, invoquant le risque d'un creusement de la dette et du déficit. Mais voyez l'état de nos finances publiques ! Que veut-on vraiment restreindre : les déficits ou les droits des parlementaires ? Dans la moitié des pays de l'OCDE, il existe un droit d'initiative parlementaire illimité, et les niveaux de dette y sont très différents. L'argument ne tient pas.

Les collectivités territoriales votent leurs dépenses et leurs recettes toute l'année - théoriquement à l'équilibre. (M. André Reichardt acquiesce.) Les procédures de mise sous tutelle sont très rares. La dette des collectivités est saine, elle permet de construire les écoles et ne représente que 10 % de l'endettement public. C'est bien la preuve que les élus locaux sont responsables. Pourquoi pas les élus de la Nation ?

À qui sert l'article 40 ? C'est une contradiction de la Constitution : la souveraineté nationale appartient au peuple. L'aboutissement de la Constitution, c'est la démocratie sociale. Ni le peuple ni ses représentants ne sont irresponsables. Légitimer la démocratie sociale et parlementaire, c'est donner un nouveau souffle à la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; MM Jérôme Darras, Patrice Joly et Guy Benarroche applaudissent également.)

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous ne connaissons que trop bien les limites de notre droit d'amendement : 49.3, vote bloqué, article 45... et l'article 40, qui n'est pas des moindres.

Cette proposition de loi d'abrogation pure et simple de l'article 40 a le mérite de la clarté.

Les critiques contre l'article 40 ne sont pas neuves, mais ont connu un regain d'attention avec la réforme des retraites. Cette proposition de loi est conjoncturelle, alors qu'il faut de la sérénité et du recul pour réviser la Constitution.

Ce débat est néanmoins légitime, et pose deux questions : est-il envisageable d'abroger l'article 40, et, à défaut, pourrions-nous en assouplir les dispositions ?

Le principe de l'irrecevabilité financière s'inscrit dans le parlementarisme rationalisé : le Parlement ne détermine pas le budget, il le vote. L'article 40 fait partie de la trentaine d'articles jamais modifiés depuis 1958. C'est le produit d'une histoire de plus de 140 ans, comme le souligne Anne Levade.

Une telle abrogation serait-elle aujourd'hui plus pertinente ? Non, elle est moins opportune que jamais, car elle serait tout d'abord contradictoire avec nos objectifs de sérieux budgétaire. Nous ne sommes pas irresponsables.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ah !

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur.  - Le Gouvernement n'a pas eu besoin du Parlement pour présenter des budgets déficitaires depuis 1974... mais on ne peut écarter un risque d'augmentation des dépenses en cas d'abrogation de l'article 40.

Ensuite, l'équilibre institutionnel serait affecté. Le Gouvernement sollicite des crédits pour mettre en oeuvre sa politique, le Parlement les accorde ou non.

Enfin, l'abrogation serait politiquement malvenue dans un contexte de majorité relative à l'Assemblée nationale. En effet, le parlementarisme rationalisé a pour logique même de permettre à l'exécutif de gouverner avec une majorité relative.

Dès lors, peut-on assouplir l'article, en en retirant par exemple les propositions de loi ? L'inscrire dans la Constitution serait paradoxal, sauf à considérer que les propositions de loi ne peuvent prospérer sans l'aval de l'exécutif...

Pourrait-on permettre la compensation d'une aggravation des dépenses publiques ? De facto, le législateur pourrait alors redessiner entièrement le budget du Gouvernement. In fine, à quoi servirait encore l'article 40 ? Ne serait-ce pas une remise en cause du monopole du Gouvernement sur l'initiative des lois de finances ? (M. le garde des sceaux acquiesce.)

Faudrait-il qualifier plus précisément les ressources ou charges concernées ? Mais peut-on chiffrer toutes les propositions ?

Mme Sophie Primas.  - Pas toujours : même le Gouvernement a du mal ! (Mme Olivia Richard s'en amuse.)

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur.  - Faudrait-il autoriser la discussion des amendements irrecevables ? Le calendrier du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances n'est-il pas déjà assez contraint ? Et nous avons la pratique de la prise de parole sur l'article.

Nous pourrions aussi améliorer les procédures en vigueur, à commencer par le renforcement de la motivation des décisions. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet approuve également.) Il est déjà possible de demander un complément de motivation.

Faudrait-il instituer une voie de recours ? Pourquoi pas, mais on parle de plusieurs dizaines de milliers d'amendements par législature déclarés irrecevables ! Et quel serait l'organe compétent ? Le président de la commission des finances peut déjà réexaminer ses décisions. En outre, cela relève du règlement des assemblées, pas de la loi. (M. André Reichardt acquiesce.)

En conclusion, je propose le rejet du texte, la réflexion collective n'étant pas à maturité, et je remercie nos collègues du groupe CRCE-K pour ce débat stimulant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Monsieur Savoldelli, je me joins à vous pour saluer Mme Assassi. Vous nous contraignez à la réflexion : soyez-en remerciés.

Inchangé depuis 1958, l'article 40 constitue une limite objective à l'initiative parlementaire et au droit d'amendement. Mais il est un modérateur qui concilie initiative parlementaire, équilibre des finances publiques et qualité des débats.

Maintes fois décrié, il a résisté à toutes les tentatives de modification ou d'abrogation depuis 1958. Il y a même des parlementaires pour le défendre : voyez votre commission des lois !

Il est une des clés de voûte de l'équilibre institutionnel de la Ve République qui, comme la IVe, est un régime parlementaire dans lequel le Gouvernement est responsable devant le Parlement, en contrepartie de quoi il conduit la politique de la Nation.

L'irrecevabilité financière n'est ni une pure création de 1958 ni une spécificité française - des dispositions similaires existent dans la plupart des démocraties parlementaires.

Ses origines sont lointaines : c'est d'abord une résolution Berthelot votée le 26 mars 1900 ; puis une procédure introduite dans le règlement de la chambre des députés en 1920 ; puis une disposition prévue à l'article 17 de la Constitution de la IVe République ; enfin, celle d'un décret-loi du 19 juin 1956.

L'article 40 n'a fait que donner une pleine effectivité à la règle de l'irrecevabilité financière. Mais, désormais, elle n'est pas laissée à l'unique appréciation des autorités parlementaires : le Gouvernement peut l'invoquer, et le Conseil constitutionnel s'est reconnu compétent pour juger de son respect.

Hier comme aujourd'hui, cette règle est une nécessité qui n'a rien d'excessif. Aux termes de l'article 20 de la Constitution, le Gouvernement est responsable devant le Parlement, notamment de l'équilibre du budget ; c'est une constante de toutes les démocraties modernes. Il est inconcevable que des initiatives parlementaires altèrent cet équilibre, sapant les efforts financiers du Gouvernement et diluant sa responsabilité.

En outre, l'article 47 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) a assoupli la recevabilité des amendements portant sur les crédits, la notion de charge s'entendant au niveau de la mission : les parlementaires peuvent donc modifier la répartition des crédits au sein d'une même mission.

Le Parlement bénéficie d'une grande marge d'appréciation : le Conseil constitutionnel ne se déclare compétent en matière d'article 40 que lorsque le Parlement s'est préalablement prononcé. Les assemblées se sont approprié ce rôle, prenant la forme d'une juridiction du premier degré, avant l'appel réservé au juge constitutionnel.

Les rapports des commissions des finances détaillent une jurisprudence abondante. Toute décision est motivée et le parlementaire auteur de l'amendement peut demander une explication complémentaire.

Lors de la précédente législature, seuls 8,4 % des amendements ont été déclarés irrecevables, et une seule proposition de loi.

Le Gouvernement n'est pas favorable à cette proposition de loi constitutionnelle. L'article 40 n'est qu'un instrument du parlementarisme rationalisé, il n'est pas responsable de tous les maux. En outre, je note qu'aucune des 40 propositions de révision de la Constitution formulées par le Sénat en 2018 ne concernait l'article 40...

Le Président de la République a annoncé des travaux transpartisans sur la modernisation de nos institutions : je sais que le Sénat y prendra toute sa part. (Applaudissements sur les travées dRDPI, du RDSE et du groupe INDEP ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous avons été nombreux à avoir subi les fourches caudines de l'article 40, et je me suis souvent offusqué, en séance, du sort réservé à certains de mes amendements - moins certes que Jean-Pierre Sueur, qui en faisait un juste leitmotiv.

Ainsi de mon amendement au projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante fin 2021, proposant de rétablir le stage obligatoire préalable à l'installation des futurs entrepreneurs. Il s'autofinançait parfaitement par le passé : aucune charge, donc, ni pour les chambres de métiers, ni pour l'État. Retoqué, au motif que la dépense ne pouvait être compensée par les recettes...

En 2019, je déposais un amendement pour permettre à la Collectivité européenne d'Alsace et au conseil départemental de la Moselle de formuler des propositions d'adaptation de la législation au droit local. Retoqué, au motif qu'il créait une charge publique pour lesdites collectivités ! (Mme Nathalie Goulet le déplore.) Pourtant, les collectivités sont tenues d'équilibrer leur budget : elles compensent une charge nouvelle en baissant d'autres dépenses ou en augmentant les recettes.

La logique des irrecevabilités est parfois difficile à comprendre, les motivations lapidaires et sans recours.

Cela étant, faut-il abroger l'article 40 ? Jean Arthuis et Didier Migaud, éminents présidents de la commission des finances du Sénat et de l'Assemblée, le proposaient dès 2008 ! (Mme Nathalie Goulet le confirme.) Pour ma part, je n'y suis pas favorable. En revanche, il faut assouplir l'article 40.

Depuis treize ans que je siège ici, j'observe que l'interprétation de la commission des finances est de plus en plus stricte. Avant 2019, si une hausse de charges imposée à une institution était absorbable à moyens constants, elle était considérée comme une simple charge de gestion. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

L'article 40 nuit à la qualité du débat budgétaire en empêchant le Parlement d'arbitrer entre les dépenses des différents ministères, et empêche quelquefois de proposer des réformes de structure pourtant favorables à l'efficacité de l'action publique ! Il tue ainsi des initiatives parlementaires vertueuses. Notons d'ailleurs que l'article 40 n'a en rien empêché la dérive de la dépense publique et l'endettement record... 

Dans la plupart des pays de l'OCDE, le pouvoir d'amendement en matière financière n'est pas encadré. (M. Pascal Savoldelli le confirme.)

Roger Karoutchi rappelait qu'en 1958, l'article 40 était censé mettre fin aux errances budgétaires de la IVe République. La règle a bien moins de sens depuis quarante ans que l'État a cessé de présenter un budget en équilibre... (« Eh oui ! » sur les travées du groupe CRCE-K)

Quels assouplissements apporter ? Un futur projet de loi constitutionnel, monsieur le garde des sceaux, serait une bonne occasion de revenir sur ce parlementarisme rationalisé à la française.

Dans l'attente, monsieur le rapporteur, pourquoi ne pas modifier le règlement des assemblées pour, à tout le moins, harmoniser les pratiques ? Nous pourrions aussi favoriser un contact préalable avec les auteurs des amendements concernés. La commission des finances pourrait suggérer des modifications pour rendre l'amendement recevable. Je n'ai pas eu l'heur de bénéficier de tels conseils...

Le rapporteur l'a reconnu : la motivation des décisions pourrait être renforcée, et une voie de recours sérieuse formalisée. La décision du président de la commission des finances n'est jamais remise en cause.

Vous estimez, monsieur le rapporteur, que la procédure en vigueur au Sénat « donne satisfaction » : je n'en suis pas certain. Les courriels que nous recevons sont lapidairement motivés, et les réponses aux demandes d'explications complémentaires n'arrivent parfois qu'après la séance... Bref, trop tard. Quant aux recours gracieux auprès du président de la commission des finances, combien ont abouti ?

Le domaine est sensible, et une expertise du Conseil constitutionnel serait utile pourvu que le principe d'une réforme du Règlement soit acté.

En tout état de cause, le statu quo est impossible, parce que l'article 40 limite trop notre initiative d'une part, et d'autre part parce qu'il faut s'interroger sur la cohérence d'un dispositif qui autorise des dépenses fiscales de plusieurs milliards d'euros tout en interdisant une aggravation mineure des charges publiques.

Je ne voterai pas cette proposition de loi constitutionnelle mais demande, ardemment, qu'une suite sérieuse soit donnée à ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. Vincent Louault .  - Le constat est sans appel : l'article 40 ne nous prémunit pas du fléau de la dette publique, dont les intérêts nous ont coûté 50 milliards d'euros cette année.

C'est l'un des rares articles inchangés depuis 1958, l'un des principaux garants du parlementarisme rationalisé. Le privilège de la dépense revient à l'exécutif. Est-ce un mal ? Non, s'il est encadré, car il y va de l'équilibre de nos institutions. Augmenter encore les dépenses précipiterait la France vers le naufrage. Plutôt que d'accaparer un pouvoir qui nous soumettrait aux tentations démagogiques, renforçons notre pouvoir de contrôle, pour éviter la gabegie.

Le vrai problème tient peut-être dans la lecture de nos institutions. Le Gouvernement a le privilège budgétaire, mais le Parlement le pouvoir du contrôle. Pourquoi passons-nous trois mois sur le projet de loi de finances et seulement trois semaines sur son évaluation ? Abroger l'article 40 reviendrait à repenser l'esprit de nos institutions. Nous préférons changer la façon de les incarner.

Le privilège budgétaire véritablement inique, c'est celui que le Gouvernement accapare au détriment des collectivités territoriales ! Combien de décisions prises passent outre à l'article 72-2 de la Constitution, censé garantir la compensation des charges transférées ? Tant de dépenses sont imposées aux collectivités, pourtant bien meilleures gestionnaires que l'État !

Il faudrait en réalité compléter l'article 40 au profit des collectivités territoriales. (Marques de surprise au banc du Gouvernement et au banc des commissions) Le groupe INDEP votera contre ce texte.

Mme Nathalie Goulet .  - Je regrette qu'aucun membre de la commission des finances ne soit présent.

Nous l'avions rêvé, le groupe CRCE-K l'a fait : proposer la suppression de l'article 40 ! Selon M. le garde des sceaux, seuls 8 % des amendements ont été retoqués sous la précédente législature : c'est peu, mais lorsqu'il s'agit des vôtres, c'est cruel !

Jean Arthuis et Didier Migaud - des références - ont proposé en 2008 la suppression de l'article 40, à tout le moins son assouplissement. Il donne parfois lieu à des débats ubuesques, par exemple sur l'augmentation du salaire des secrétaires de mairie : les budgets locaux étant bornés, cela n'aurait pas créé de charge nouvelle ! Pourtant, l'amendement a été jugé irrecevable. Idem pour la protection fonctionnelle des conseillers municipaux sans délégation, qui relève pourtant du budget de la collectivité.

M. André Reichardt.  - Très bien !

Mme Nathalie Goulet.  - Pourquoi l'appréciation de cet article est-elle différente à l'Assemblée nationale et au Sénat ? Cela devient grotesque. Depuis seize ans que je suis sénatrice, aucun recours n'a fonctionné.

Nous nous heurtons également à l'article 40 quand nous proposons des économies, par exemple en matière de fraude sociale. Nous avons ainsi proposé une connexion entre le service des étrangers et les organismes de sécurité sociale : article 40 ! Comprenez notre frustration...

Nous n'avons pas attendu l'article 40 pour avoir des budgets en déficit. Souvenez-vous du logiciel Louvois, qui a coûté 465 millions d'euros, ou de Flamanville, dont le coût est passé de 3 à 19,5 milliards d'euros. Est-ce la faute de l'article 40 ?

Parlons des études d'impact, mal chiffrées, qui induisent des votes mais ne peuvent faire l'objet d'aucun recours. C'est assez déloyal à l'égard du Parlement.

La situation est déséquilibrée : l'article 40 brime le Parlement, et le Gouvernement ne donne pas assez d'éléments aux parlementaires pour juger des dispositions qu'il propose. Mon groupe votera contre cette proposition de loi, les conditions de suppression de l'article 40 n'étant pas réunies (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'en étonne), mais je la voterai à titre personnel.

Il faut plus de considération sur la nature des amendements proposés - ceux qui concernent les budgets locaux ou ceux qui proposent des économies. Il faudrait pouvoir en discuter avec la commission des finances.

Les frustrations qui naissent de l'application de l'article 40 sont légitimes. Je remercie le groupe CRCE-K d'avoir mis ce sujet à l'ordre du jour. (Mme Dominique Vérien applaudit.)

M. Guy Benarroche .  - Je remercie le groupe CRCE-K pour ce texte, que nous soutenons. Le privilège de l'exécutif en matière budgétaire ne saurait être remis en cause, mais sa suprématie presque absolue, oui.

Si l'objectif de rigueur des comptes publics est partagé par tous, l'interprétation de l'article 40 compromet la capacité d'action du Parlement. D'autant que son application n'a nullement empêché l'aggravation de la dette publique...

Cet article est aussi un moyen de censure du Parlement, notamment des groupes d'opposition. L'utilisation abusive de cet étau budgétaire lors du débat sur la réforme des retraites a inquiété les parlementaires et donné lieu à de vifs débats. Un amendement écologiste visant à introduire de l'alimentation bio dans les cantines scolaires, qui aurait pourtant conduit à des économies, a été retoqué. Un de mes amendements, créant une réserve pour les marins pompiers de Marseille, a été déclaré irrecevable - avant d'être repris par le Gouvernement ! De nouvelles consultations de prévention, en addictologie par exemple, proposées par voie d'amendement, ont été, de la même façon, écartées, sans tenir compte de la dépense évitée.

L'application de l'article 40 ne permet pas aux auteurs de montrer comment leur amendement peut assainir les finances publiques - je pense au renforcement de la médecine du travail, à l'heure où le Gouvernement s'inquiète des arrêts de travail...

Et que dire des annonces du Gouvernement non budgétées ?

Lors de l'examen de la loi 3DS, tout amendement tendant à modifier la répartition des compétences se voyait opposer l'article 40. Impossible, dès lors, de débattre d'une réforme territoriale !

Loin de responsabiliser les parlementaires, l'article 40 les tient en marge de leurs obligations. Une question comme celle du revenu universel ne peut être débattue que dans le cadre de résolutions, débats ou questions. En matière pénale, impossible de proposer des mesures d'accompagnement, mais on peut renforcer les sanctions - sans tenir compte du coût induit !

Nous regrettons que la commission n'ait retenu aucune piste d'assouplissement, ne serait-ce que l'exclusion des propositions de loi.

Notre groupe s'engage pour un parlementarisme raisonnable et affirmé et votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)

M. Éric Bocquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) L'article 49.3, c'est le couperet ; l'article 40, la tenaille qui enserre l'action parlementaire. En demandant son abrogation, nous avons la constance pour nous. Le rapporteur a relevé le paradoxe de l'argument du naufrage des finances publiques, alors que les parlementaires étaient interdits de dépenser. L'article 40 n'a pas évité le dérapage des finances publiques : de 74 milliards d'euros en 1978, la dette s'élève à 3 046 milliards d'euros au second trimestre 2023.

Vous n'avez pas directement majoré les dépenses mais rogné les recettes fiscales, à force de niches, de crédits d'impôt et autres exonérations. Ce n'est pas à proprement parler une dépense ? Légistiquement vrai, mais politiquement trompeur. Avec toutes vos dépenses fiscales gagées sur la taxe tabac, le prix du paquet de cigarettes devrait frôler les 1 000 euros !

Toute l'argumentation consiste à présumer de l'irresponsabilité budgétaire des parlementaires. Un comble, quand notre groupe propose des recettes fiscales supplémentaires à chaque projet de loi de finances ! Votre Gouvernement, qui pratique la doctrine fiscale de la terre brûlée, ne peut nous donner des leçons.

Mes chers collègues, ne déposez plus d'amendements !

L'article 40 est un outil contre le progrès social. Nous examinons un budget avec 358 amendements choisis par le seul Gouvernement dans le cadre du détestable 49.3. L'irresponsabilité n'est pas toujours là où on le croit. Toute proposition de réforme de l'article 40 est systématiquement balayée. Une modification à la marge du Règlement du Sénat reviendrait à nier l'importance démocratique du sujet.

Le parlement britannique, pris pour exemple par le rapporteur, est particulièrement bâillonné. Le parlement français, lui, particulièrement maltraité. Vous ne voulez pas de l'abrogation de l'article 40, véritable corset parlementaire. Desserrez-le au moins ! Le rapporteur a avancé des propositions intéressantes, comme l'évaluation du coût effectif d'un amendement ou l'exercice d'un droit d'appel. Vous avez renoncé, nous le regrettons. On ne touche décidément pas à cette loi d'airain !

Donnons les moyens aux parlementaires de donner des moyens à la nation. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER ; Mme Nathalie Goulet et M. Vincent Louault applaudissent également.)

M. Ahmed Laouedj .  - Mon tout premier amendement, visant à élargir la protection fonctionnelle des élus locaux, est tombé sous le coup de l'article 40. Un fait anecdotique dans la vie d'un parlementaire... J'ai obtenu en séance l'engagement que le Gouvernement déposerait un amendement au cours de la navette. N'aurait-il pas été plus simple et plus sûr d'examiner mon amendement ?

Mme Nathalie Goulet.  - Eh oui !

M. Ahmed Laouedj.  - L'article 40 laisse au Gouvernement le privilège de la dépense publique. Sous-entendu : le Parlement ne saurait pas ce qui est bon pour notre budget. Certes, nous avons parfois du mal à évaluer le montant exact des dépenses que nous proposons. Mais cela fait des décennies que les gouvernements présentent des budgets non équilibrés... L'aggravation de notre dette publique est le fait de l'exécutif !

M. Éric Bocquet. - Très bien !

M. Ahmed Laouedj.  - Notre frustration est donc légitime, tout comme la solution radicale proposée ici. Pour autant, je ne crois pas que l'abrogation soit la réponse. (M. Pascal Savoldelli le déplore.)

Michel Debré disait des mécanismes prévus dans la Constitution qu'ils étaient « nécessaires pour changer les moeurs ».

L'année dernière, le nombre record d'amendements au projet de loi de finances a conduit à brider les débats. J'en tire deux conclusions : malgré l'article 40, nous sommes en mesure d'amender ; en dépit de limitations peut-être excessives, nous sommes en mesure de trop amender. Si chacun avait fait preuve de mesure dans l'usage de ce droit, peut-être aurions-nous pu envisager de l'ouvrir...

Le droit d'amendement doit être défendu. Nous le disons avec d'autant plus de conviction que le RDSE, comme petit groupe, compte grandement sur lui pour s'exprimer.

Paradoxalement, c'est parce qu'il est encadré qu'il trouve une forme d'intérêt et de légitimité. Sans ces limites, que de temps perdrions-nous à discuter de dispositifs irréalisables ou sans contenu concret...

Nous voterons majoritairement contre ce texte.

Mme Nathalie Goulet.  - Dommage...

M. Olivier Bitz .  - C'est au moment où l'équilibre budgétaire est le plus fragile, parce que l'État a joué son rôle de protection de nos concitoyens, qu'on nous propose de supprimer un dispositif visant, précisément, à réguler la dépense publique !

L'irrecevabilité financière des initiatives parlementaire est le fruit d'une rationalisation progressive du parlementarisme, observable dans la plupart des démocraties parlementaires confrontées à la nécessité de contenir l'expansion continue de la dépense. Il s'agit de partager la contrainte de l'équilibre budgétaire.

En France, le régime d'irrecevabilité financière naît sous la IIIe République, pourtant présentée comme l'âge d'or du parlementarisme. Présente dès 1920 dans le règlement de la Chambre des députés, cette règle est confirmée par l'article 17 de la Constitution de 1946, puis précisée, deux ans plus tard, par la loi dite des maxima. La régulation de la dépense publique n'est donc pas inhérente à la Ve République.

L'article 40, dont la suppression nous est proposée, suscite immanquablement des frustrations, liées, en fin de compte, au principe de réalité. De fait, les besoins sont loin d'être tous couverts. Mais celui qui propose une dépense nouvelle ne peut négliger son financement.

Les décisions d'irrecevabilité s'appuient sur une jurisprudence exigeante. La procédure a été assouplie dans le cadre d'un travail d'harmonisation entre les deux chambres, au bénéfice de l'initiative parlementaire. Comme le souligne notre rapporteur, l'application de l'article 40 n'a jamais été aussi uniforme, n'en déplaise à certains.

Le filtre de l'article 40 constitue un rempart indispensable. Est-ce bien le moment d'ouvrir les vannes de la dépense publique, dans notre situation financière actuelle ? Nos 3000 milliards d'euros de dette sont la conséquence des budgets votés en déséquilibre depuis 1974.

Pour se convaincre de l'utilité de l'article 40, il suffit d'observer nos collègues députés : 90 % des amendements déposés en commission par l'opposition sur la première partie du projet de loi de finances créent des dépenses supplémentaires. Le cumul des amendements du groupe Les Républicains représente 100 milliards d'euros de charges additionnelles !

Mme Nathalie Goulet.  - C'est cruel !

M. Olivier Bitz. - Exclure de la base de la TVA l'accise sur les carburants : 6 milliards d'euros. TVA à 5,5 % sur les travaux de rénovation des logements pendant deux ans : 3,7 milliards d'euros. Relever les plafonds du quotient familial : 2 milliards d'euros.

Quand la Nupes proposait d'augmenter le quotient familial des propriétaires d'animaux, les députés RN suggéraient d'exonérer d'impôt sur le revenu tous les moins de 30 ans. Ces mesures démagogiques se chiffrent en dizaines de milliards ! Imaginez ce que donnerait une suppression pure et simple de l'article 40...

De fait, les oppositions abusent du droit d'amendement pour promouvoir des positions politiques irresponsables à destination de leur clientèle. Plutôt que de supprimer l'article 40, poursuivons la réflexion sur son application. Ainsi, nous considérons avec bienveillance la proposition de résolution de Jean-Pierre Sueur visant à inscrire dans notre Règlement la possibilité pour l'auteur d'un amendement susceptible d'être déclaré irrecevable d'adresser des observations. Je pense aussi à la mise en place d'un mécanisme de recours interne devant le Bureau du Sénat.

Si ces propositions risquent d'alourdir la procédure législative, elles érigent des garde-fous contre le basculement vers une gestion intenable de nos finances publiques. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La procédure parlementaire peut donner lieu à des batailles politiques, et les batailles politiques à des batailles de procédures... Les débats sur la réforme des retraites en témoignent, comme ceux sur la proposition de loi du groupe Liot visant à l'abroger.

Les parlementaires seraient-ils par nature irresponsables, voire incompétents sur le plan budgétaire ? Sans l'article 40, l'exécutif serait-il démuni de tout autre outil pour contrôler le Parlement ? Articles 49.3 et 44.3, mesures figurant dans les règlements des assemblées : n'est-il pas temps de libérer les parlementaires en les responsabilisant, comme le suggéraient Didier Migaud et Jean Arthuis, pour redonner force à notre démocratie ?

Nous répondons oui, car nous souhaitons reparlementariser le régime. Du fait de la pratique du général de Gaulle et de ses successeurs, nous vivons dans un régime présidentialiste. Malgré la réforme de 2008, notre pratique maintient le Parlement sous la domination de l'exécutif - qui confine à l'abus sous le gouvernement actuel.

L'article 40 constitutionnalise l'article 14 de la Constitution de 1946 en ôtant aux parlementaires toute initiative en matière de dépenses, puisqu'ils ne peuvent même plus compenser une augmentation des charges par une diminution des dépenses. De plus, le Conseil constitutionnel a étendu le champ, déjà large, de l'article 40 et poussé à une convergence, encore imparfaite, entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Les collectivités territoriales entrent ainsi dans le champ des charges visées.

Un rapport de l'OCDE de 2014 montre que, dans 52 % des pays, le pouvoir d'amendement est illimité ; dans 24 % d'entre eux, les parlementaires peuvent modifier le budget dans certaines limites. Bref, dans les trois quarts des cas, le Parlement peut intervenir, au moins partiellement, en matière budgétaire. Dans les autres pays, les règles sont diverses : pouvoir d'amendement limité aux nouvelles politiques comme en Australie, modifications possibles sous réserve de l'approbation de l'exécutif comme au Canada ou en Corée...

En France, le pouvoir législatif ne peut que réaffecter les ressources à l'intérieur du budget global. L'objectif serait d'assurer une gestion sérieuse des finances publiques : force est de constater qu'il est loin d'être atteint... « Les parlementaires vont devenir des économes devant un gouvernement dépensier », avait prophétisé Paul Reynaud. Mieux, les parlementaires sont devenus des sages budgétaires, alors que la dette publique tutoie les 3 000 milliards d'euros après une augmentation sans précédent sous Emmanuel Macron.

Les techniques de contournement de l'article 40 - propositions de rapport, gage tabac - nuisent à la clarté des débats et dispensent les parlementaires d'estimer le coût des mesures qu'ils proposent.

Alors que ceux-ci ne peuvent redéployer les crédits qu'au sein de la même mission budgétaire, peut-on encore considérer le vote du budget comme un acte démocratique ?

Le comité Balladur avait proposé un assouplissement du régime d'irrecevabilité par l'interdiction d'aggraver les charges publiques, et non plus une seule charge publique. Comme l'a rappelé en commission notre collègue Éric Kerrouche, dont je salue le travail sur ces questions, MM. Arthuis et Migaud ont expliqué qu'une telle réforme aurait vidé l'article 40 de son contenu.

La suppression de cet article constituerait un gage efficace contre l'hyperprésidentialisation de la Ve République. Le pouvoir exécutif continuerait de bénéficier d'autres armes dans la procédure législative, ainsi que -  pas toujours, il est vrai  - du fait majoritaire. Cette suppression n'exclut pas une révision du règlement des assemblées allant dans le sens d'un renforcement du contrôle interne. Une commission restreinte, composée de membres de la majorité et de l'opposition, pourrait ainsi examiner les textes d'initiative parlementaire.

La suppression de l'article 40 n'est pas un encouragement à la gabegie, mais l'occasion de responsabiliser les élus. Elle concourrait au renforcement de l'institution parlementaire, donc de la vitalité démocratique. Notre groupe votera donc cette proposition de loi constitutionnelle, à l'exception de M. Raynal, président de la commission des finances, qui ne prendra pas part au vote. (Applaudissements à gauche)

Discussion de l'article unique

ARTICLE UNIQUE

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. V. Louault, Mmes L. Darcos et Bourcier, MM. Brault et Malhuret, Mme Lermytte, M. A. Marc, Mme Paoli-Gagin et MM. Chevalier, Wattebled, Capus et L. Vogel.

Rédiger ainsi cet article :

La Constitution est ainsi modifiée :

1° L'article 47 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est interdit de présenter ou d'adopter une loi de finances dont la section de fonctionnement est en déficit. »

2° L'article 47-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est interdit de présenter ou d'adopter une loi de financement de la sécurité sociale dont l'ensemble des charges dépasse l'ensemble des recettes. »

M. Vincent Louault.  - Cet amendement sera retiré, car il s'agit d'un appel -  un appel au secours. Quand je suis né, en 1972, notre dette était de 50 milliards d'euros... Je remercie nos collègues communistes d'avoir suscité ce débat d'importance. À mon arrivée au Sénat, les plus anciens m'ont prévenu de la dureté de l'interprétation de l'article 40. Mais le poids de la dette devient insoutenable pour l'avenir de notre pays !

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur.  - Je partage votre intention, mais elle est éloignée de l'objet de ce texte. Le débat sur la règle d'or mérite de se tenir de façon indépendante. De plus, nous ne voulons pas alourdir la procédure d'examen des textes financiers. Enfin, interdire le déficit pourrait poser problème dans certaines situations - songez à la covid... (M. Vincent Louault en convient.) Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Lors de la réforme de 2008, par un amendement du président Alain Lambert, sénateur de l'Orne, nous avons tenté d'instaurer cette règle d'or, sans succès. Il faudra y revenir... En attendant, nous ne voterons pas cet amendement.

M. Pascal Savoldelli.  - Ce n'est pas un appel au secours, mais un amendement bâillon ! Le Conseil constitutionnel le censurerait à coup sûr. De plus, monsieur Louault, votre groupe INDEP vient de faire adopter la création d'un énième produit d'épargne exonéré de droits de mutation, creusant un peu plus le déficit... Où est la sincérité ?

M. Éric Bocquet.  - C'est vrai !

M. Pascal Savoldelli.  - Cet amendement est quelque peu populiste. Nos collectivités ne peuvent investir sans s'endetter. Il faudrait gérer les budgets publics comme les ménages gèrent le leur : mais le boulanger, pensez-vous qu'il achète son four comptant ? Retirer cet amendement démagogique serait faire acte de responsabilité.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

Vote sur l'ensemble

M. Pascal Savoldelli .  - Je remercie l'ensemble des collègues qui sont intervenus dans ce débat.

M. Reichardt, en particulier, a dit qu'il espérait ardemment une suite sérieuse à ce débat. La balle est dans votre camp, chers collègues de la majorité ! (M. André Reichardt acquiesce.)

Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, je vous ai trouvé un point commun : vous voulez, main dans la main, rationaliser le parlementarisme - pour ce qui est du garde des sceaux, parce qu'il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale.

Ce dernier fait référence à l'article 20 de la Constitution, mais il fait mine d'oublier que, avec le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral, l'élection législative est déterminée par l'élection du Président de la République.

Le mieux serait de voter cette abrogation, pour lancer une dynamique de réforme !

L'article unique est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°22 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 100
Contre 243

L'article unique n'est pas adopté.

En conséquence, la proposition de loi constitutionnelle n'est pas adoptée.

Prochaine séance, lundi 6 novembre 2023, à 16 heures.

La séance est levée à 17 h 50.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 6 novembre 2023

Séance publique

À 16 heures, le soir et la nuit

1. Examen d'une demande de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires qu'il lui confère, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête pour une mission d'information sur les émeutes qu'a connues notre pays à compter du 27 juin 2023

2. Projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (procédure accélérée) (texte de la commission n°434 rectifié, 2022-2023)