SÉANCE

du mercredi 15 novembre 2023

23e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Guy Benarroche, Mme Alexandra Borchio Fontimp.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Diplomatie au Proche-Orient

M. Pascal Allizard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) Je salue l'initiative de la marche contre l'antisémitisme lancée par les présidents Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet. (Applaudissements et bravos sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur plusieurs travées du groupe INDEP, du RDPI et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du GEST et du groupe SER) J'ai regretté, comme d'autres, l'absence du Président Macron à ce bel événement de cohésion nationale.

L'attaque du Hamas du 7 octobre sur le sol israélien a semé l'effroi : plus de 2 000 terroristes islamistes ont assassiné 1 200 personnes et capturé 240 otages. On déplore 40 morts français et 8 portés disparus.

La sinueuse stratégie française déroute nos partenaires internationaux. Le chef de l'État enchaîne les initiatives controversées. Les incompréhensions se cristallisent autour d'un éventuel cessez-le-feu qui pourrait être mis à profit par les terroristes. Nos diplomates les plus chevronnés sont inquiets. La presse, même la plus favorable, exprime des réserves.

Quelle cohérence y a-t-il dans tout cela ? Quelles initiatives concertées la France compte-t-elle promouvoir pour sortir de cette crise ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MHervé Maurey applaudit également.)

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger .  - La position de la France est claire depuis le 7 octobre (on ironise sur les travées du groupe Les Républicains), date de l'attaque du groupe terroriste Hamas sur Israël.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - C'est le clair-obscur !

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Nous avons condamné cette attaque et affirmé le droit d'Israël à se défendre dans le respect du droit international et du droit humanitaire. Nous avons demandé la libération immédiate et sans condition des otages.

M. Roger Karoutchi.  - Qu'avez-vous obtenu ?

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Nous n'avons jamais assimilé le Hamas et le peuple palestinien. Une conférence humanitaire pour Gaza a été organisée à Paris, qui a permis de réunir 1 milliard d'euros d'aide humanitaire. Nous mettons tout en oeuvre pour éviter que la région ne s'embrase. La ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui accompagne le Président de la République dans sa visite d'État en Suisse...

M. Roger Karoutchi.  - C'est plus calme...

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - ... et le ministre des Armées, actuellement dans les pays du Golfe, y travaillent.

Nous veillons à ce que l'aide humanitaire soit acheminée à Gaza.

Sur le plan politique, une fois que la trêve humanitaire aura débouché sur un cessez-le-feu, nous veillerons à la reprise des négociations en vue d'une solution à deux États, assurant la coexistence du peuple palestinien et de l'État d'Israël. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Pascal Allizard.  - La diplomatie gaullienne, c'est parler à tout le monde et non dire à chacun ce qu'il a envie d'entendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également ; M. le ministre montre sa désapprobation.)

Entre cavalier seul et leçons de morale, nous appliquons les mêmes recettes qui nous ont déjà desservis. Les relations se sont tendues avec les Israéliens à la suite de déclarations ambiguës du chef de l'État. (M. Michel Savin ironise.) Les pays arabes nous ont reçus poliment.

Ce n'est pas notre appareil diplomatique qui est en cause, mais son pilotage politique au plus haut niveau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Accord sur l'électricité

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Monsieur le ministre de l'économie, vous avez annoncé hier matin un accord entre l'État et EDF sur le prix de l'électricité nucléaire. Son importance est majeure pour nos concitoyens, nos entreprises et nos collectivités : EDF s'engage à vendre l'électricité nucléaire à 70 euros le mégawattheure (MWh) en moyenne.

Après un an de négociations intenses, et après avoir obtenu la décorrélation des prix du gaz et de l'électricité, la France reprend enfin la main. De plus, alors que la régulation actuelle ne portait que sur un tiers de la production, l'accord porte sur 100 % -  EDF y gagne en visibilité.

Je me réjouis du maintien d'un tarif réglementé pour les ménages et les TPE et de la suppression du seuil de 36 kilovoltampères (kVA).

Quel sera l'impact de cet accord sur la facture de nos concitoyens et des entreprises en 2025 ? Comment cet accord, qui préserve la situation financière d'EDF, s'appliquera-t-il aux acteurs alternatifs ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains)

Une voix à droite.  - Il est là !

Une voix à gauche.  - C'est un plaisir de vous revoir, monsieur le ministre...

M. Bruno Le Maire, ministre.  - J'ai passé près de deux heures à la commission des affaires économiques hier : je ne suis jamais aussi heureux qu'au Sénat... (Sourires ; exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

L'accord trouvé par Agnès Pannier-Runacher, qui découple définitivement prix de l'électricité en France et prix du gaz, est stratégique. Il ne s'appliquera qu'en 2026 : en 2025, rien ne change pour les ménages et les entreprises.

L'immense intérêt de cet accord est de porter sur 100 % de la production électrique nucléaire d'EDF. Entre 42 euros le MWh aujourd'hui et 70 euros demain, je comprends l'inquiétude, sauf que le premier tarif portait sur un tiers de la production et le second sur l'ensemble. À la boulangerie, le gâteau entier vaut plus cher qu'une simple part. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains)

Cet accord garantit la compétitivité de notre industrie au niveau européen. Il garantit la stabilité des prix pour les ménages, sans ressaut entre fin 2025 et début 2026. Enfin, il garantit la rentabilité d'EDF, qui ne doit pas perdre d'argent, même si l'entreprise est publique.

Nous avons également répondu à la demande des sénateurs : la régulation concerne désormais toutes les PME, quelle que soit la puissance de leur compteur électrique. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Hausse des actes antisémites

M. Pierre Jean Rochette .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La France entière est traumatisée par la multiplication des actes antisémites qui appellent une condamnation unanime. J'en profite pour vous remercier, monsieur le Président, d'avoir organisé, avec la présidente de l'Assemblée nationale, cette marche qui fut un réel succès. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, SER, UC et Les Républicains, du RDPI, du RDSE et du GEST)

Ne tolérons pas le cancer de la haine, que nous pensions en rémission. Monsieur le ministre, quel est le bilan exact de ces agressions ? Combien ont fait l'objet de poursuites et de condamnations ? Les Français attendent des réponses judiciaires fermes.

Parallèlement, des puissances étrangères tentent de semer le désordre dans notre pays en incitant à la haine. Des couples moldaves ont ainsi peint des étoiles de David sur des immeubles. Pourquoi les intéressés, qui ont été expulsés, n'ont-ils pas fait l'objet de poursuites ? Que savons-nous des commanditaires, a priori les services de renseignement russes ? D'autres actions de ce type ont-elles été identifiées ? Des conséquences diplomatiques seront-elles tirées ?

La cyberguerre tue la démocratie ; nous en sommes déjà la cible, à l'étranger et sur notre propre sol. Comment le Gouvernement lutte-t-il contre les tentatives étrangères de désinformation ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Depuis le 7 octobre, les actes antisémites se sont multipliés. Les forces de l'ordre ont recensé 1 762 événements ; plus de 10 000 personnes sont mobilisées dans 950 lieux fréquentés par les Français de confession juive ; il y a eu 571 interpellations, dont 130 d'étrangers. Les 45 qui étaient en situation irrégulière sont dans des centres de rétention administrative en attendant d'être expulsés, les autres se voient systématiquement retirer leur titre de séjour. Les 8 952 signalements sur Pharos ont donné lieu à 350 judiciarisations.

Certains graffitis sur des locaux appartenant à des Français de confession juive seraient le fait de deux couples moldaves ; le premier a été expulsé. Ils auraient agi pour un commanditaire étranger. Une information judiciaire a été ouverte, des poursuites pénales sont donc prévues. Un service spécialisé mènera l'enquête.

D'autres graffitis sont le fait de Français antisémites organisés, qui seront déférés au parquet. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)

Avenir de l'échelon départemental

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Vendredi dernier, aux assises des départements de France, vous avez tenté de les rassurer sur leur avenir institutionnel. Le Gouvernement ne répond pas suffisamment à la crise financière que traversent les départements, victimes d'un effet ciseau lié en particulier à la baisse des droits de mutation à titre onéreux et à la hausse des dépenses sociales.

Sans finances départementales solides, tout l'édifice solidaire de la décentralisation est mis en péril : Ehpad, Sdis, PMI, soins à domicile et collèges.

Élu du Lot-et-Garonne, je suis attaché à cette collectivité de proximité qui supplée les services de l'État, notamment dans les territoires ruraux. Allez-vous aider les départements à retrouver leur autonomie financière et à assurer leur mission de solidarité ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - François Sauvadet a exprimé son inquiétude sur l'avenir des départements. Le Président de la République, qui s'interroge sur le millefeuille territorial, a engagé une réflexion (murmures sur les travées des groupes Les Républicains et UC) et confié une mission parlementaire à Éric Woerth. Ces travaux tiendront compte de l'importance de l'échelon départemental, à l'heure où nos concitoyens demandent de la proximité.

Nous voulons maintenir cette proximité, et la recréer si nécessaire. La maille départementale est pertinente pour de nombreux sujets : aménagement du territoire, politiques sociales, transition écologique...

La Première ministre sait apprécier la juste contribution des départements à la vitalité des territoires. (Les murmures vont croissant sur toutes les travées.)

Le Gouvernement a renforcé les moyens des départements : 150 millions d'euros pour l'autonomie, 100 millions pour les mineurs non accompagnés, et 100 millions d'euros pour les départements en situation de fragilité. (M. François Patriat applaudit.)

M. Michel Masset.  - Les départements sont essentiels à l'équilibre des territoires : premiers aménageurs, ils sont des acteurs publics locaux reconnus. Rétablir l'action départementale dépasse cette seule échelle.

J'espère votre soutien plein et entier pour leur maintien. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Daniel Chasseing et Mme Cécile Cukierman applaudissent également.)

PLFSS

M. Bernard Jomier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous examinons cette semaine le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Vous nous présentez un budget en déficit de 8 milliards d'euros en 2023 ; ce sera 11 milliards en 2024, 17 milliards en 2027. Une trajectoire inédite, alors que les effets de la crise sanitaire sont pourtant derrière nous.

Ma question est simple : pourquoi n'êtes-vous pas capable de ramener nos finances sociales à l'équilibre ? Avez-vous baissé les bras ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention .  - Le PLFSS pour 2024 ramène le déficit de l'assurance maladie de 22 milliards d'euros à 8 milliards, sur un total de dépenses de 255 milliards d'euros. Vos collègues de la commission des finances seraient heureux d'avoir le même ratio...

Mais vous avez raison, ce déficit n'est pas soutenable car l'assurance maladie appartient aux assurés, et est gérée par les partenaires sociaux. Le Gouvernement en est seulement le garant.

Nous avançons sur une ligne de crête qui nous vaut des critiques de part et d'autre. Nous devons d'une part renforcer les moyens de la prévention, mieux rémunérer les soignants, mettre en oeuvre le Ségur. D'autre part, nous devons aussi faire face aux dépenses des soins de ville et de médicaments qui ont fortement augmenté - de 7% pour le médicament l'an dernier.

Alors que les discussions entre les médecins et l'assurance maladie reprennent sur la pertinence des soins, les objectifs de santé publique et budgétaires se rejoignent.

Par ailleurs, le financement de la prévention doit faire l'objet d'une réflexion plus large. Les vaccins HPV sont destinés à éviter des cancers dans trente ans. (M. François Patriat applaudit.)

M. Bernard Jomier.  - J'ai interrogé le Gouvernement sur le déficit de la sécurité sociale, vous m'avez répondu sur celui de la santé - c'est une petite partie de la réponse. Rien ne témoigne d'une trajectoire de retour à l'équilibre.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Il faudrait une nouvelle réforme des retraites !

M. Bernard Jomier.  - À la fin du mandat, nous serons toujours en déficit. Si au moins les indicateurs de santé progressaient - mais nous sommes passés de la sixième à la treizième place pour l'espérance de vie à la naissance, et la mortalité infantile progresse.

Nous pourrions accepter des déficits si l'hôpital allait mieux qu'il y a six ans, mais le personnel part, l'offre de soins se contracte et nos concitoyens ont des difficultés croissantes d'accès aux soins.

Vous êtes en échec. Ce sont des vagues de mauvais résultats dans un océan de déficit. Votre Gouvernement gère mal la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Inondations dans le Pas-de-Calais (I)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Le Pas-de-Calais subit depuis deux semaines des inondations catastrophiques. Plus d'un tiers des communes sont touchées. Je salue la solidarité de tout un pays, qui apporte du réconfort aux victimes dans ce moment dramatique.

Les élus locaux - les maires surtout - font la démonstration de leur dévouement. Ils demandent une simplification des procédures pour entretenir notamment marais et fossés.

Je remercie tous les volontaires et agents de l'État et des collectivités qui réalisent un travail admirable.

La visite du Président de la République nous donne l'espoir d'une implication durable de l'État. Les 50 millions d'euros annoncés sont un premier pas. Mais cette enveloppe va exploser : il faut un véritable plan Marshall pour le département !

Nous ne pouvons nous exonérer d'une réflexion sur les mesures structurelles : bassins de rétention d'eau, entretien des écluses et des wateringues... Agissons, sans quoi les entreprises partiront, les agriculteurs jetteront l'éponge et la population sera désespérée.

Quelle est la réponse de l'État aux propositions des présidents du conseil régional des Hauts-de-France et du conseil départemental du Pas-de-Calais ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER ; M. Stéphane Demilly applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Dès le premier jour, je me suis rendu sur place, avant le déplacement du Président de la République, accompagné de MM. Béchu et Fesneau. Le Gouvernement témoigne de son attention pour le Pas-de-Calais et le Nord, qui ont subi à la fois la tempête, les submersions et les inondations impressionnantes qui continuent.

Je remercie les services de secours, grâce auxquels 6 000 personnes ont été évacuées. Les dégâts très graves sont uniquement matériels, heureusement. Plus de mille sapeurs-pompiers sont venus en aide à leurs collègues.

Quelque 191 communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle, dont une vingtaine dans le Nord ; une trentaine doivent encore déposer un dossier.

Le Président de la République a annoncé la création d'un poste de sous-préfet chargé d'oeuvrer à la simplification. Je me rendrai dans votre département pour l'installer, réunir les élus, et demander aux assureurs d'assumer leur rôle. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Inondations dans le Pas-de-Calais (II)

Mme Amel Gacquerre   - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault, Mme Frédérique Puissat et M. Laurent Somon applaudissent également.) Depuis quinze jours, le Pas-de-Calais subit des inondations exceptionnelles alors qu'il avait déjà été fragilisé par la tempête Ciaran. Près de 250 communes sont touchées par des pluies et des crues d'une durée et d'une intensité sans précédent. Il est tombé en un mois l'équivalent de six mois de pluie !

L'état de catastrophe naturelle a été décrété dans 240 communes du Nord et du Pas-de-Calais, je le salue. D'autres départements sont touchés dans les Hauts-de-France. Un fonds de soutien de 50 millions d'euros a été débloqué - première enveloppe certes bienvenue, mais insuffisante au regard des dégâts.

La visite du Président de la République à Saint-Omer a révélé les besoins criants des habitants : pour gérer l'urgence, mais aussi en prévention. Impossible de chiffrer les dégâts à ce jour pour les habitants, commerçants, agriculteurs. Il faut simplifier les procédures administratives, pour que chacun puisse retrouver une vie normale.

Les élus, dont je salue l'action, vous demandent de la souplesse dans l'exercice de leurs compétences. L'entretien des cours d'eau et des fossés souffre de trop de contraintes, souvent environnementales.

Ce type d'événements risque de se reproduire avec le changement climatique ; il y aura des séquelles, notamment psychologiques.

Comment allez-vous redonner confiance à nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Le Président de la République s'est rendu à Saint-Omer avec Olivia Grégoire, Marc Fesneau et moi-même. Une proposition de simplification sur le curage des rivières a été transmise aujourd'hui même au Conseil d'État. Elle ne concerne pas les seuls Hauts-de-France ; nous y travaillions déjà depuis quelque temps pour concilier impératifs écologiques et prévention.

Grâce aux digues et autres mesures mises en place par les élus locaux ces dernières années, nous avons moins de sinistrés qu'il y a vingt ans. Leurs efforts ont porté leurs fruits.

Le principe de précaution a donné des résultats, mais nous ne devons pas aller trop loin dans les exigences, pour ne pas limiter notre capacité d'intervention.

Le fonds de soutien de 50 millions d'euros est un début. Hier, le ministre de l'intérieur a reconnu l'état de catastrophe naturelle. Quand l'eau aura baissé - en début de semaine prochaine, espérons-le - il faudra tirer toutes les conséquences en matière de prévention. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Glyphosate

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Demain, les États membres de l'Union européenne se prononceront sur la réautorisation du glyphosate pour dix ans : un vote crucial, dans lequel la France jouera un rôle déterminant.

Les preuves s'accumulent de la dangerosité de cette molécule pour la santé comme pour l'environnement : elle est considérée depuis 2015 comme cancérogène probable par le Centre international de recherche sur le cancer ; l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a souligné son potentiel de perturbateur endocrinien et son lien avec des maladies neurodégénératives ; tout récemment, l'Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) a reconnu des défaillances dans ses méthodes d'évaluation des risques.

Si la France s'abstient à nouveau, elle portera une lourde responsabilité. Dire que, en 2017, le Président de la République avait annoncé la sortie du glyphosate sous trois ans, avec l'ambition d'entraîner l'Europe...

Mme Sophie Primas.  - Principe de réalité !

M. Daniel Salmon.  - La France a abandonné tout leadership ; du wagon de tête, elle est passée en queue de train, alors que d'autres États prennent des positions bien plus courageuses.

La France va-t-elle s'engager pour l'interdiction rapide du glyphosate en Europe ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol, MM. Fabien Gay et Ian Brossat applaudissent également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - La position de la France n'a pas varié : nous restons en désaccord avec la position de la Commission européenne, en termes de durée comme d'usages.

Contrairement à ce que vous affirmez, la France a plutôt un leadership : nous sommes le seul pays au monde à avoir restreint certains usages - l'utilisation du glyphosate a ainsi baissé d'un peu moins de 30 %.

Le principe de réalité s'impose : pour certains usages, nous sommes actuellement dans une impasse.

M. Yannick Jadot. - C'est faux !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Je pense à l'agriculture de conservation des sols, qui améliore la qualité des sols, la productivité et le stockage du carbone. Pour elle, à ce jour, il n'y a pas d'alternative crédible.

M. Yannick Jadot. - Bien sûr que si !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Partout où nous pouvons réduire les usages, nous le faisons ; là où il y a des impasses, nous assumons nos positions.

Les propositions de la Commission européenne se fondent sur les travaux de l'Efsa, auxquels a contribué l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail). On ne peut pas avoir la science à géométrie variable ! (Protestations sur les travées du GEST ; applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP) Écoutez les organismes scientifiques toujours, et pas seulement quand ils vont dans votre sens ! (Applaudissements sur des travées du RDPI et des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

M. Daniel Salmon.  - Après l'amiante et le tabac, les pesticides : la fabrique du doute fonctionne à plein régime, avec des études pseudoscientifiques payées par les grands groupes. (Mme Sophie Primas proteste.) Prenez vos responsabilités, ne nous faites pas honte en Europe ! La France doit reprendre le leadership. Le glyphosate est un poison, des études le prouvent tous les jours. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur certaines travées des groupes SER et CRCE-K)

Inondations dans le Pas-de-Calais (III)

M. Jean-François Rapin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Rouge et orange : deux couleurs désormais familières pour les habitants du Pas-de-Calais, mais si angoissantes. Mes pensées vont aux sinistrés des deux tempêtes et des inondations : habitants qui n'ont plus de maison, au regard vide, car désespérés, tout comme leurs maires épuisés ; sinistrés agricoles, qui n'ont plus où semer ou récolter, et économiques, qui ne peuvent plus faire travailler leurs salariés.

Jamais nous n'avons connu une catastrophe aussi grave sur une zone aussi étendue. Jamais nous n'avons autant eu besoin de la solidarité locale, qui s'exerce déjà, et nationale, pleinement assurée par les services préfectoraux. Mais nous attendons des précisions sur l'avenir des sinistrés.

Nous avons besoin aussi d'une solidarité européenne. Activons sans attendre les trois mécanismes européens de soutien : protection civile, fonds de solidarité et instrument d'aide d'urgence.

Quelles dispositions prendrez-vous au plan national et avez-vous déjà sollicité l'Union européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Nous avons activé les dispositifs européens, et le Président de la République a souhaité que nous allions plus loin en comparant la mobilisation des mécanismes nationaux dans notre pays et aux Pays-Bas et en Belgique, où frappent des inondations du même type. Car ces épisodes de pluie intense seront de plus en plus nombreux, de même que les sécheresses estivales.

Marc Fesneau a déclenché le dispositif « calamités agricoles » pour les départements touchés par Ciaran et Domingos et par les inondations. Quelque 90 millions d'euros seront débloqués pour accompagner les agriculteurs sinistrés, des producteurs de fraises de Plougastel aux betteraviers de votre région.

Nous utiliserons tous les leviers nationaux et européens. Mais, au-delà des mécanismes et des chiffres, nous devons aussi rendre hommage à tous ceux - élus, employés municipaux, bénévoles des associations - qui, sur le terrain, ne ménagent ni leur temps ni leur peine. (Applaudissements sur des travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean-François Rapin.  - Je suis à votre disposition, avec les présidents de région et de département, pour rencontrer la Commission européenne. Nous devons être précis sur les financements.

M. Michel Savin.  - Eh oui !

M. Jean-François Rapin.  - Il faudra reparler curage, faucardage, fascinage, débroussaillage, bassins de rétention. Soyez à l'écoute des élus, plutôt que de dépenser trop d'argent en études incessantes, usantes et parfois inutiles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Amel Gacquerre applaudit également.)

Situation de l'hôpital

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Plus d'un millier de soignants ont dénoncé dans une tribune parue dans Le Monde « les dilemmes éthiques intenables » auxquels ils sont confrontés du fait du manque de lits et de personnel dans nos hôpitaux.

Dans le Calvados comme partout ailleurs, les soignants alertent sur la dégradation sans fin de leurs conditions de travail. Ils n'ont pas choisi l'hôpital pour trier les patients et être maltraitants !

Plus de 21 000 lits ont été fermés sous le premier quinquennat d'Emmanuel Macron. Dans 163 villes, les urgences ont dû fermer ponctuellement cet été. Dans certains établissements, 30 % des lits sont fermés - parfois, ce sont des services entiers. Le délabrement de la psychiatrie et de la pédiatrie ne cesse de faire la une. Sans parler des très nombreuses maternités que vous avez laissées se dégrader.

Sortez des logiques comptables et technocratiques ! Écoutez les professionnels et fixez un nombre maximal de patients par soignant, comme le Sénat vous le demande. L'hôpital public doit avoir les moyens de prendre en charge correctement les patients. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Raymonde Poncet Monge et MM. Guy Benarroche, Fabien Gay, Pierre Ouzoulias et Ian Brossat applaudissent également.)

M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention .  - L'hôpital, singulièrement public, connaît une crise, aux racines profondes. En 2017, la branche maladie de la sécurité sociale était à l'équilibre - M. Jomier l'a rappelé dans vos débats en cours. Mais sans doute l'hôpital a-t-il été, dans cette période, la variable d'ajustement d'une régulation financière excessive.

La crise de l'hôpital est triple : crise issue du covid, crise des vocations, crise plus ponctuelle liée à l'inflation. L'État n'a jamais détourné le regard. L'augmentation de la rémunération des soignants n'a jamais été aussi forte depuis trente ans. Dans le cadre du volet investissements du Ségur de la santé, 19 milliards d'euros seront alloués aux établissements de santé. Nous avons été au rendez-vous pendant la crise covid, avec la garantie de financement.

Si je partage une partie de vos constats, je pensais en vous écoutant à un grand parlementaire : il me disait que, sur le marché de sa commune de Rambouillet, le collectif de défense de l'hôpital lui expliquait chaque semaine que l'hôpital était à l'agonie...

M. Rachid Temal.  - Et alors ?

M. Aurélien Rousseau, ministre.  - Comment, dans ces conditions, les patients peuvent-ils avoir envie de s'y rendre ? Prenons garde aux faits auto-réalisateurs ! (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Hussein Bourgi.  - Mais c'est la vérité !

M. le président.  - Revenons dans le Calvados...

Mme Corinne Féret.  - Votre réponse, nous l'avons entendue maintes fois. Mais la dégradation se poursuit. Nous attendons des actes forts pour que les hôpitaux restent des lieux de soins sûrs et humains ! (Applaudissements à gauche ; M. Michel Bonnus applaudit également.)

Agriculture

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a, d'un côté, ceux qui veulent une agriculture qui rime avec environnement et croient au progrès ; de l'autre, ceux qui veulent éradiquer une agriculture qui s'opposerait par nature à l'environnement. (Protestations sur les travées du GEST) Je suis des premiers. La commission Environnement du Parlement européen, en cohérence avec sa doctrine décroissante, fait partie des seconds. (M. Yannick Jadot s'exclame ; M. Guy Benarroche se gausse.)

Dans les zones Natura 2000, le Parlement européen prétend interdire toute pratique autre que l'agriculture biologique, un secteur en crise de surproduction. (Applaudissements et exclamations amusées sur les travées du GEST) Soit les agriculteurs se convertissent et vendent à perte, soit ils arrêtent tout de suite...

M. Guy Benarroche.  - C'est faux !

M. Laurent Duplomb.  - Je le disais il y a deux ans : pour protéger ces zones, on s'apprête à rayer l'agriculture de la carte. Que deviendront les sept millions d'hectares concernés en France, dont 70 000 hectares dans la Beauce ?

Après le Green Deal, cette nouvelle décision décroissante est contraire à la souveraineté dont votre ministère, monsieur Fesneau, porte le nom. Entre le camp de ceux qui croient à une agriculture de progrès et celui de ceux qui veulent éliminer l'agriculture, lequel choisissez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guy Benarroche. - C'est une fable !

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Vous me trouverez toujours dans le camp de ceux qui défendent l'agriculture française et la souveraineté agricole française et européenne.

Oui, nous devons trouver une trajectoire économique pour que les agriculteurs soient correctement rémunérés et en mesure de répondre aux demandes de la société. Je crois à l'agriculture de progrès, mais je considère que le statu quo serait tragique pour l'avenir de l'agriculture française, car les dérèglements climatiques et géopolitiques imposeront des transitions que nous devons accompagner.

La décision à laquelle vous faites référence n'est pas prise ; le trilogue n'a pas du tout abouti. Christophe Béchu et moi-même suivons de près les travaux. Nous devons suivre la trajectoire de réduction des pesticides décidée il y a quinze ans et, en même temps (exclamations ironiques sur diverses travées), accompagner les agriculteurs dans leur transition. Pas d'interdiction sans solution ; mais, en cas d'impasse, il faut chercher des solutions.

Nous ne voulons pas d'un système qui conduirait à mettre sous cloche une partie de nos territoires, parce qu'aucune production ne serait viable. (MMFrançois Patriat, Didier Rambaud et Loïc Hervé applaudissent.)

M. Laurent Duplomb.  - Trêve de « en même temps » ! Le Gouvernement, comme à son habitude, laisse passer ce genre de projets pour arrondir les angles en fin de négociation. De renoncements en renoncements, la porte à la décroissance s'ouvre toujours un peu plus ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Avenir de la commission sur l'inceste

Mme Annick Billon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP) Qui voulons-nous protéger ? Un enfant est victime de violences sexuelles toutes les trois minutes, 5 millions d'adultes en ont subi dans leur enfance ; 92 % des victimes ne sont pas entendues, et 3 % seulement des mis en cause pour viol sur mineur sont condamnés.

Qui voulons-nous protéger ? C'est la question posée par le juge Édouard Durand, coprésident de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), entendu la semaine dernière par la délégation sénatoriale aux droits des femmes.

En 2021, à la création de la Ciivise, le Président de la République a promis aux victimes qu'elles ne seraient plus jamais seules. Cette structure, dont les travaux doivent s'achever le 31 décembre prochain, est devenue un espace reconstructeur pour les victimes. En trois ans, elle a accompli un travail titanesque, recueillant 30 000 témoignages et formulant des propositions fortes pour protéger les enfants et condamner leurs agresseurs.

Mme Vérien, présidente, moi-même et les autres membres de la délégation appelons au maintien de la Ciivise. Répondez-nous clairement : comptez-vous la maintenir, et sous quelle forme ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées des autres groupes)

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Évidemment, il aura une suite aux travaux de la Ciivise - structure que je connais bien, ayant été chargé de la protection de l'enfance à sa création.

La Première ministre réunira dans quelques jours le comité interministériel à l'enfance. La Ciivise a accompli un travail fondamental, réunissant notamment 30 000 témoignages d'enfants.

De quels outils avons-nous besoin maintenant ? Est-ce une Ciivise 2 ? Soyez assurée, en tout cas, de notre détermination à continuer d'agir pour cette grande cause du Président de la République. Oui, les chiffres sont terrifiants : un enfant agressé toutes les trois minutes, cela soulève le coeur. Pour agir, on a besoin des acteurs, du travail de terrain et des professionnels. Les arbitrages seront rendus dans quelques jours, mais notre ambition est plus forte que jamais.

M. Loïc Hervé.  - On attend donc la conférence de presse ?

Mme Annick Billon.  - J'attendais une réponse plus claire... Une institution, pour être efficace, doit être incarnée - au Sénat, nous le savons bien. Le juge Durand, avec son expertise et sa détermination, a montré qu'il était l'homme de la situation : la Ciivise ne peut se passer de lui. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

Baisse du niveau scolaire

M. Jacques Grosperrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe Stéphane Piednoir à ma question.

Lundi sont parus les résultats de l'évaluation nationale des élèves de 4e en français et mathématiques. Le ministre de l'éducation nationale les a jugés inquiétants. Le collège n'est pas seulement « en panne », comme vous l'avez dit : il est en recul ! Consultation après consultation, évaluation après évaluation, les résultats baissent. En 2000, la France se situait dans le premier tiers des pays de l'OCDE au classement Pisa ; en 2022, dans le deuxième tiers.

Parallèlement, le budget de l'éducation nationale ne cesse d'augmenter : 51 milliards d'euros en 2018, 63 milliards en 2024, alors que nous perdions 404 000 élèves.

Quelles réformes structurantes proposerez-vous pour remédier à la situation d'échec majeur de notre système éducatif ? (Applaudissements et « Très bien ! » sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Dès ma nomination au ministère de l'éducation nationale, je l'ai dit : mon objectif est l'élévation du niveau général. (M. Michel Savin s'exclame.) Tous les chantiers ouverts y concourent : quand on agit pour renforcer l'attractivité du métier d'enseignant, pour restaurer l'autorité du maître, pour réformer le lycée professionnel, pour faire respecter les valeurs de la République et de laïcité à l'école, pour lutter contre le harcèlement scolaire, on agit pour élever le niveau.

Les évaluations montrent que la donne change à l'école primaire. La génération rentrée au CP en 2017, qui entre en 6e cette année, s'en sort mieux que les précédentes. (M. Rachid Temal ironise.)

Le collège est un sujet de préoccupation. En 4e, un élève sur quatre n'a pas le niveau de lecture attendu à la fin du CM2. (MM. Bruno Sido et Christian Cambon le déplorent.) Début décembre, je présenterai des mesures fortes pour l'élévation du niveau général - sans tabou. J'ai déjà avancé des pistes, sur les manuels scolaires, sur l'organisation en cycles, sur les groupes de niveau. Cette dernière proposition fait débat mais je l'assume, car, les enseignants le disent, mêler dans une même classe des élèves qui ne savent pas lire et d'autres qui lisent très bien finit par tirer tout le monde vers le bas.

Mme Frédérique Puissat.  - C'est l'échec du collège unique !

M. Gabriel Attal, ministre.  - Nous devons avancer sur cet enjeu, pour nos élèves, pour notre école, pour l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées des groupes INDEP et UC)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Jacques Grosperrin.  - Entendez-vous revenir sur le collège unique, qui existe depuis 1975 ? On ne passera pas d'un collège de la résilience à un collège de la réussite sans réformes structurelles. Inspirez-vous de la proposition de loi Brisson, dont j'étais rapporteur, elle contient des pistes efficaces. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yves Bleunven et Mme Catherine Morin-Dessailly applaudissent également.)

Financement des Ehpad

M. Pierre-Alain Roiron .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En 2018, le Président de la République annonçait vouloir répondre au défi du vieillissement. La proposition de loi Bien vieillir sera examinée la semaine prochaine à l'Assemblée nationale.

Selon la Fédération hospitalière de France, 85 % des Ehpad étaient en déficit en 2022 ; cela devient structurel. J'ai été alerté sur la situation de plusieurs Ehpad de mon département, comme celui de Richelieu, dont le déficit atteint 400 000 euros. Dans trois ans, il ne pourra plus rémunérer ses salariés.

Inflation alimentaire, explosion du coût de l'énergie, non-compensation des revalorisations salariales... Avez-vous choisi de délaisser nos aînés, d'abandonner les personnels ? L'État doit être à la hauteur. Le Gouvernement envisage-t-il de mettre en oeuvre des compensations financières pérennes et intégrales ? Entend-il s'attaquer à la question pour assurer à nos aînés un accompagnement digne ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles .  - La question est essentielle, au regard du défi démographique : en 2030, vingt millions de Français auront plus de 60 ans. Il faut sortir du déni. Nos Ehpad, qui accueillent 700 000 personnes, sont dans une situation critique.

Nous avons débloqué un fonds d'urgence de 100 millions d'euros pour répondre aux défis conjoncturels, liés à l'inflation et au coût de l'énergie.

Lors des assises des départements de France, la semaine dernière, nous avons annoncé des mesures plus structurelles. Dès 2024, nous augmenterons de 150 millions d'euros la compensation de l'État aux départements au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap.

Nous travaillons avec les présidents de départements à une refonte des fonds de concours pour 2025, afin de les rendre plus lisibles et d'augmenter la prise en charge de l'État. À compter de 2025, 50 % de toutes les dépenses nouvelles relatives à l'autonomie seront prises en charge par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. C'est un engagement majeur.

La proposition de loi Bien vieillir contribuera à la reconnaissance des professionnels ; nul doute que le Sénat l'enrichira. Nous avançons également ensemble sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale avec la fusion des sections soins et dépendance. (M. François Patriat applaudit.)

Conséquences de l'adhésion de l'Ukraine pour nos agriculteurs

Mme Kristina Pluchet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 8 novembre, la Commission européenne recommandait l'ouverture des négociations d'adhésion avec l'Ukraine, avis qui devra être approuvé par les Vingt-sept lors du Conseil européen des 14 et 15 décembre.

Au-delà de la question diplomatique, dans un contexte de recherche de la paix, qu'en est-il de la préservation de nos intérêts agricoles ?

En Ukraine, monsieur le ministre, vous avez annoncé « oeuvrer au renforcement de la coopération agricole entre nos deux pays » et invoqué la « solidarité » des agriculteurs dans le contexte de « l'ouverture du marché européen aux produits agricoles ukrainiens ».

Pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions ? Mesurez-vous le désarroi des agriculteurs français, pris en étau entre les normes européennes, l'ouverture à la concurrence et l'envolée du coût des intrants et de l'énergie ?

Quels intérêts défendez-vous ? Votre dernière déclaration sonne comme une volte-face. Comment allez-vous protéger l'agriculture française ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Point de volte-face, au contraire. En Ukraine, j'ai réaffirmé le soutien indéfectible de la France et de l'Europe aux agriculteurs ukrainiens qui subissent les bombardements - j'ai visité une chèvrerie à 500 mètres du front... Nous serons à leurs côtés dans la reconstruction et la dépollution.

La solidarité n'empêche pas la lucidité. L'Ukraine est l'une des grandes puissances agricoles mondiales. Dans la perspective de l'ouverture des négociations d'adhésion, nous veillerons bien entendu à la convergence des modèles, et donc des contraintes qui en découleront pour l'agriculture ukrainienne, afin d'éviter les distorsions de concurrence trop fortes. Nous accompagnerons nos amis ukrainiens sur la voie de cette convergence.

Mieux vaut travailler en coopération avec les Ukrainiens comme alliés plutôt que concurrents, si nous voulons que l'Europe demeure une puissance agricole souveraine.

Voilà ce que j'ai réaffirmé, en signalant à mes interlocuteurs les distorsions de concurrence, par exemple sur la volaille ou le sucre. Bref, un discours de vérité et de souveraineté collective ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme Kristina Pluchet.  - Depuis la suspension des droits de douane avec l'Ukraine, le poulet industriel ukrainien afflue sur le marché français, au détriment de notre filière d'excellence. La souveraineté alimentaire doit être une priorité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Amel Gacquerre applaudit également.)

Rénovation énergétique en milieu rural

M. Bruno Rojouan .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Devant le fiasco de votre politique du logement, je vais en rajouter une couche. Sommés de se mettre aux normes dans des délais intenables, les petits propriétaires bailleurs font leurs comptes, et cela ne passe pas. Si dans une métropole, on peut espérer à terme tendre vers l'équilibre, ce n'est pas le cas dans les zones rurales, où les loyers sont bien plus faibles - alors que le coût des travaux est le même.

Qu'allez-vous faire pour que la ruralité ne soit pas, une fois de plus, pénalisée par une politique nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement .  - La rénovation énergétique des logements en secteur rural est un sujet important. Dans la Creuse, par exemple, plus d'un logement sur deux a un diagnostic de performance énergétique F ou G.

Le Gouvernement y répond avec la réforme de l'aide à la rénovation énergétique, au 1er janvier 2024. Cette aide pourra aller jusqu'à 90 % du montant des travaux pour les ménages très modestes ; pour un ménage de classe moyenne, entre le cinquième et le huitième décile, elle s'élèverait à 60 %. S'ajoute l'aide des collectivités locales, ainsi que le dispositif Loc'Avantages.

Nous avons prolongé l'éco-PTZ, doublé le déficit foncier jusqu'en 2025 pour les travaux permettant d'atteindre la classe D. S'ajoutent le dispositif Denormandie et la prime à la sortie de la vacance. Bref, il y a quantité d'aides dont on peut se saisir. La loi Logement renforcera encore ces outils pour la ruralité. La ruralité n'est pas abandonnée, loin s'en faut ! (M. François Patriat applaudit.)

M. François Patriat.  - Bravo !

M. Bruno Rojouan.  - J'aimerais vous croire. Mais le Gouvernement a réalisé un triple exploit : la construction de logements neufs est au point mort, l'achat et la vente de logements anciens au plus bas depuis des décennies, et le marché locatif bloqué. Tous les voyants sont au rouge ! Il n'y a pas de honte à tenter de corriger certains dispositifs... En politique, le courage paye souvent ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Vincent Louault, François Bonneau et Christian Bilhac applaudissent également.)

La séance est suspendue à 16 h 15.

Présidence de M. Mathieu Darnaud, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.