SÉANCE

du mardi 21 novembre 2023

27e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Guy Benarroche, Mme Alexandra Borchio Fontimp.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Financement de la sécurité sociale pour 2024 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2024 (PLFSS).

Explications de vote

M. Bernard Jomier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Durant une semaine, nous avons débattu d'un budget de la sécurité sociale en déficit - lequel se creusera dans les années à venir pour atteindre 17 milliards d'euros en 2027. Ce Gouvernement ne parvient pas à rétablir les comptes et projette dans l'opinion l'idée que le système ne serait pas soutenable.

Les débats ont confirmé qu'il s'agissait d'un choix. Les dépenses de santé progressent plus vite que la richesse nationale, en raison du vieillissement, de l'augmentation de la dépendance, de la hausse du coût des soins : 4 % par an environ. Le Gouvernement propose un objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) en hausse de 3,2 %, ce qui rend le budget intenable. En 2023 déjà, il a fallu le majorer de 1,2 point.

L'hôpital est maltraité. La revalorisation du personnel est bienvenue, mais il ne reste plus rien pour les autres besoins. L'année 2024 sera encore plus dure, avec des secteurs très touchés, comme la néonatalogie ou les urgences.

La médecine de ville est également touchée. Les négociations reprennent avec les médecins et les pharmaciens, mais pas un euro n'est inscrit pour eux.

Le secteur de l'autonomie est en souffrance : les 100 millions d'euros ajoutés en cours d'examen sont bien insuffisants. Le bien vieillir nécessite des mesures structurantes, mais c'est devenu un slogan et un avorton législatif.

Les recettes sont-elles majorées pour limiter le déficit ? Non, le Gouvernement mise tout sur une amélioration espérée de l'emploi. Il rejette toutes nos propositions de suppressions d'exonérations ou de prélèvements sur le capital, de même que les mesures de fiscalité comportementales.

Puisque les dépenses augmentent et que les recettes ne suivent pas, le Gouvernement transfère les dépenses hors du périmètre de la sécurité sociale, c'est-à-dire sur les ménages, directement ou via les complémentaires : on le voit avec les franchises médicales et le moindre remboursement des soins dentaires.

Nous votons un budget qui sera modifié par voie réglementaire ensuite, j'en prends le pari.

Bien sûr, il comporte quelques mesures positives, comme la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV), la santé des femmes ou la transformation du financement des hôpitaux.

Mais il y a une forme de procrastination politique sur la dépendance, la politique de la famille, la médecine du travail et la prévention.

Ce budget est insuffisant pour répondre aux besoins d'un système solidaire. En termes d'espérance de vie, nous sommes à la treizième place de l'OCDE et la mortalité infantile progresse.

L'Ondam n'est pas modifié pour mieux prendre en compte les besoins en santé ou pour construire une approche territoriale. Le virage de la prévention n'est pas amorcé sur le tabac, l'alcool, l'alimentation...

Enfin, rien pour freiner la financiarisation du système qui transforme nos cotisations en profits pour des actionnaires.

Comment prétendre alors agir sur la pertinence des soins ? Les pénuries se répandent. Ce budget est une impasse, aucun enseignement n'a été tiré de la crise sanitaire.

Alors que notre protection sociale devrait être réformée grâce à un consensus large, la faiblesse de votre base politique vous en empêche. Les Conseils nationaux de la refondation (CNR) ne sont que des pis-aller. Le résultat est là et nous le désapprouvons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE-K et du GEST)

Mme Corinne Imbert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Marc applaudit également.) La sécurité sociale est un bien précieux. Son budget est supérieur à celui de l'État. Hélas, il est en demi-teinte : quelques lueurs encourageantes noyées dans des mesures décevantes.

Sur le plan budgétaire, c'est un  aveu d'impuissance : le Gouvernement transmet le fardeau de la dette sociale aux générations futures. Le déficit va se creuser pour atteindre 17 milliards en 2027.

Nous déplorons, comme la commission, l'insincérité de ce budget, dans un contexte inflationniste. L'Ondam connaît une hausse vertigineuse, passant de 200 milliards d'euros en 2019 à 255 milliards en 2024 ! C'est une véritable boîte noire, le Sénat ne peut que le rejeter.

Le Gouvernement ne prend pas la peine de détailler les économies de 3,5 milliards d'euros, on le voit avec la question des franchises et des participations forfaitaires. La vaccination HPV est la seule mesure de prévention ; la possibilité pour les pharmaciens de prescrire des antibiotiques, la seule pour l'accès aux soins.

On ne peut en rester là. Nous avons donc agi pour responsabiliser les patients sur le respect des rendez-vous.

Jugeant que la réforme du financement de l'hôpital était précipitée, nous l'avons reportée de trois ans pour réaliser une étude : ne jouons pas avec l'hôpital pour des effets d'annonces. (Mme Valérie Boyer applaudit.)

Concernant la lutte contre les pénuries, nous divergeons avec le Gouvernement : la dispensation de médicaments à l'unité est une fausse bonne idée, et nous regrettons sa frilosité sur les biosimilaires.

Précipitation également dans la suppression pure et simple de l'article 39. Un temps de consultation est nécessaire pour étudier la réforme de la rente AT-MP.

La banche famille est la grande oubliée. Grâce au Sénat, 2 milliards d'euros sont transférés de la branche maladie vers la branche famille. Le congé post-natal relève de la santé. Il n'y aura pas de politique nataliste sans un budget suffisant.

L'extension des pensions de réversion aux orphelins pour les artisans, les commerçants et les professions libérales est une bonne chose.

Pour prendre en compte les besoins des départements, nous avons maintenu les 250 millions d'euros de la prestation du handicap (PCH) et de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), ainsi que le complément de l'État de 150 millions d'euros pour l'APA. Nous avons voté la transformation en expérimentation de la fusion des sections soin et dépendance des Ehpad. Nous attendons toujours une réforme de la dépendance et du handicap.

Nous avons également élargi aux délégués aux EPCI la possibilité de cotiser sur simple demande.

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

Mme Corinne Imbert.  - Nous nous réjouissons de la suppression de la ponction de crédits sur l'Agirc-Arrco. L'État n'a qu'à réaliser des économies ! Il peut le faire en luttant contre la fraude et en limitant les actes redondants. C'est pourquoi nous voulons instaurer le contrôle biométrique des retraités établis à l'étranger.

La lutte contre la fraude doit devenir un cheval de bataille. Nos aînés attendent des solutions pour le grand âge et la dépendance ; les établissements de santé doivent être aidés ; les familles méritent une politique nataliste favorable permettant de concilier travail et famille.

Le groupe Les Républicains votera ce texte modifié par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Élisabeth Doineau et Catherine Morin-Desailly applaudissent également.)

M. Stéphane Ravier .  - À la lecture du PLFSS, nous avons l'impression d'être, comme l'arche de Bercy, noyés dans la Seine après avoir fait de la brasse coulée.

Les dépenses augmentent de 3,2 %, le déficit se creusera de 17 milliards d'euros d'ici à 2027, selon vos prévisions les plus optimistes, alors que 50 % des Français ont déjà renoncé à se soigner.

Services d'urgence et maternités ferment. Les déserts médicaux progressent. Avec 600 millions d'euros enlevés aux hôpitaux, vous retirez le squelette au lieu de dégraisser.

Pendant ce temps, l'idéologie prospère : on rembourse les transitions de genre puis les détransitions de genre (exclamations à gauche), les salles de shoot, alors que l'amoxicilline manque dans les pharmacies.

Nous sommes loin du catholicisme social qui a inspiré la sécurité sociale : l'idéologie a pris le pas sur la solidarité. J'en veux pour preuve la baisse du remboursement des soins dentaires, pendant que les préservatifs et les protections périodiques pour les jeunes sont gratuits. Le socialisme vous aveugle ! (On rit de bon coeur sur les travées du groupe SER.) Vous êtes les ministres chargés de financer la santé des Français, pas leur sexualité ! Il faut revenir au régalien, et cesser de régaler ! (Sourires)

Alors que les départements peinent à financer les Ehpad, vous avez dit, Monsieur le ministre, que nous ne pouvions transmettre à la Cour des comptes le nombre de cartes vitales en circulation. Dans quel monde vivons-nous ? Il y aurait 75,2 millions d'assurés sociaux pour 67 millions d'habitants : 8,2 millions en trop ! La fraude sociale est la seule industrie qui se développe encore dans notre pays.

Malgré les ajouts du Sénat, je me refuse à donner mon aval à ce texte.

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) L'examen du PLFSS est l'occasion de débats importants sur les orientations financières. Je salue la pédagogie des rapporteurs qui nous ont permis d'avoir des échanges de qualité.

Ce texte traduit la situation budgétaire de la sécurité sociale et les choix que nous faisons pour les prochaines années. Chaque année, le déficit se creuse : il atteindra 17 milliards d'euros en 2027, du jamais vu hors covid. Gare à l'immobilisme. Nous devons faire les bons choix pour que les Français continuent de bénéficier de la protection sociale qui fait la force de notre République.

C'est le choix qu'a fait le Sénat en mars dernier en reculant l'âge de départ à la retraite, tout en tenant compte de situations spécifiques. Il faut parfois prendre des mesures impopulaires qui s'imposent.

Ce texte comprend des avancées concrètes - délivrance gratuite de préservatifs et protections périodiques, possibilité pour les pharmaciens de délivrer des anti-infectieux de première urgence sans ordonnance, accès à la complémentaire santé solidaire - qui font consensus.

La prévention doit être la clé de voûte du système, et nous approuvons la vaccination HPV dès le collège.

Nous avons suivi avec intérêt les débats sur la taxation des produits sucrés, même si nous préférons la prévention aux démarches punitives.

Ce texte prévoit également un meilleur contrôle des arrêts de travail. Les abus ne sont pas majoritaires, mais ils existent. Nous approuvons également les précisions sur la délivrance d'arrêts de travail par téléconsultation et la lutte contre la fraude aux cotisations sociales, et aurions aimé voir conserver l'article 6 sur les microentrepreneurs de plateformes.

Nous regrettons que le texte ne soit pas à la hauteur du défi de la dépendance, alors que le nombre de personnes de plus de 85 ans va doubler d'ici 2050. Sur les soins palliatifs, le texte est lacunaire. J'espère que le Gouvernement tiendra son objectif de créer une unité de soins palliatifs par département.

Le groupe Les Indépendants ne partage pas le rejet de l'Ondam, même s'il semble insuffisant pour les hôpitaux et le médico-social, et s'abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. François Patriat applaudit également.)

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Mes premiers mots sont pour remercier la rapporteure générale pour la qualité de son travail et la pertinence de ses amendements (on apprécie au centre), le président de la commission des affaires sociales, les ministres au banc qui ne se sont pas bornés à lire leurs fiches. (Mme Françoise Gatel s'en félicite.) Merci pour la forme... mais il y a le fond ! (M. Thomas Cazenave et Mme Agnès Firmin Le Bodo sourient.)

Plat, décevant, désabusé... Pour le groupe UC, c'est un PLFSS « désenchanté », comme le chantait Mylène Farmer (sensation sur toutes les travées) qui nous fait « nager dans les eaux troubles » du déficit. (On apprécie la référence.) C'est une trajectoire qui donne le vertige - 9 milliards d'euros en 2024, 17 milliards en 2027 - et qui reporte la dette sur les générations futures.

L'histoire jugera sévèrement cette période d'endettement public. Ce PLFSS n'a pas pris en compte le changement de monde et la fin de l'argent pas cher. Et ce n'est rien par rapport au PLF, disait un ministre !

Notre dette s'élève à 3 050 milliards ; son service coûtera 74 milliards d'euros par an, plus que le budget de l'éducation nationale ! Il faut agir.

À gauche, monsieur Jomier, c'est toujours la même réponse : augmentation des prélèvements, suppression des exonérations de charges. Mais où est la crédibilité ? Au pouvoir, vous faites le CICE !

M. Bernard Jomier.  - Je n'étais pas au gouvernement !

M. Olivier Henno.  - Nous consacrons 33 % du PIB à notre protection sociale, contre 29 % en moyenne en Europe.

Oui, monsieur Jomier, le déficit du PLFSS peut être un poison mortel pour notre système de protection sociale, mais il y en a un plus foudroyant : l'augmentation des prélèvements et taxes, comme dans les « frères qui râpent tout » des Inconnus. (On apprécie cette nouvelle référence.)

Seule solution : des réformes structurelles pour générer de véritables économies. Pas la politique du rabot, mais des réformes interrogeant la pertinence des soins, des actes médicaux et la suradministration de notre système de santé. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.) Il faut revoir notre organisation pour la médecine de ville et le management des hôpitaux.

Sur la branche autonomie, l'expérimentation de la fusion des sections soin et dépendance dans les Ehpad est bienvenue, mais ne devra pas aboutir à une nouvelle recentralisation au profit des ARS. Le département doit renforcer sa place d'organisateur de l'action sociale. Il y a urgence à présenter une loi autonomie pour le grand âge et le handicap. La CNSA n'est plus un outil pertinent pour le pilotage paritaire de cette branche. Les départements doivent s'impliquer davantage.

Certains ici dénoncent en même temps la brutalité de la réforme des retraites et son manque d'impact financier. C'est incohérent ! Cette réforme aura un effet dans cinq ans, y compris en faveur des petites retraites et des carrières hachées. Merci René-Paul Savary ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Enfin, la grande oubliée, la branche famille : rien sur le CMG, les allocations familiales, alors que notre natalité chute de 850 000 à 700 000 naissances par an.

L'absence d'équilibre du PLFSS résulte de choix - ou plutôt de non-choix - politiques du Gouvernement. Nous ne pouvons nous y résoudre. Le groupe UC votera le texte issu des débats du Sénat, bien meilleur que celui adopté par 49.3 à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Jean Verzelen applaudit également.)

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mmes Émilienne Poumirol et Annie Le Houerou applaudissent également.) Vendredi dernier, nous avons rejeté l'Ondam pour 2024. Pour la première fois, nous avons approché le coeur du débat : l'avenir de la sécurité sociale.

L'Ondam est-il un outil pilotable ? L'ensemble des travées ou presque a répondu par la négative. A-t-il été piloté ? Non. Est-il un outil démocratique satisfaisant ? Non.

Notre groupe a rejeté l'Ondam, non pour sanctionner des dépenses excessives, mais une hypocrisie partagée par la majorité sénatoriale et le Gouvernement. Alors que le déficit de la sécurité sociale atteint 8,8 milliards d'euros en 2023, tous deux ont rejeté nos propositions de nouvelles recettes. Notre cotisation sur les superprofits aurait généré 10 milliards d'euros et rétabli une justice sociale nécessaire. Mais non !

En l'absence d'une trajectoire claire de financement, cette voie est sans issue.

À quels défis fallait-il s'attaquer pour sauver la sécurité sociale et répondre aux enjeux d'avenir ? Urgences hospitalières engorgées, manque de généralistes en secteur 1, accès à une retraite avant de mourir, difficulté à être soigné quand on n'est pas français, inégalité devant l'achat d'un fauteuil roulant : c'est notre contrat social, la solidarité, la fraternité, l'égalité qui sont en jeu.

Nous sommes nombreux à nous battre pour que chacun ait accès aux droits fondamentaux. Or ce texte n'apporte aucune solution à la désertification médicale, aux épidémies de maladies chroniques, à l'inégal accès aux droits.

Il manque à l'hôpital public 1 milliard d'euros et des milliers de professionnels de santé.

Il eût fallu un virage majeur pour protéger les plus précaires et sauver la sécurité sociale. Ce texte ressemble plus à un patchwork bricolé qu'à un plan de financement.

Soyons lucides : le Gouvernement aura recours au 49.3. Pauvre démocratie ! Espérons que le Gouvernement préservera au moins les quelques mesures utiles, notamment en matière de prévention : campagne vaccinale contre le HPV, continuité de la sécurité sociale pour les Français venant se réinstaller en France, taxe sur la publicité sur les jeux de hasard, maintien de la contribution tarifaire d'acheminement (CTA) pour financer des régimes de retraite, entre autres.

Certains enjeux majeurs ont été balayés : la santé environnementale, la démocratie sanitaire, la santé communautaire.

Le Gouvernement a ouvert une consultation publique sur sa stratégie santé ; je l'invite à venir nous la présenter.

Ce texte est insuffisant, malgré quelques mesures de prévention et le début d'une autre tarification hospitalière. C'est business as usual. Mais pour la santé comme le climat, nous naviguons à bord d'un Titanic qui coulera sûrement, faute de mesures préventives. Il y a urgence.

Le GEST votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur plusieurs travées des groupeSER et CRCE-K)

Mme Silvana Silvani .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Durant cinq jours et quatre nuits, nous avons examiné 830 amendements pour un budget de 640 milliards d'euros. La copie du Gouvernement considérée comme adoptée par 49.3 à l'Assemblée nationale était très médiocre. Ce budget est insuffisant face aux difficultés des hôpitaux, aux pénuries de médicaments, aux délais pour obtenir un rendez-vous médical...

La branche AT-MP est sous-dotée et privée de vision. La branche autonomie est aux antipodes des besoins du médico-social et des enjeux du vieillissement. La branche vieillesse démontre l'inefficacité de la contre-réforme des retraites qui aggravera le déficit en 2027.

Le Gouvernement fait des économies sur le dos des assurés sociaux, en augmentant les contrôles des arrêts maladies ou en déremboursant des soins dentaires.

Par dogmatisme, vous avez repoussé tous nos amendements proposant de nouvelles recettes, comme la lutte contre la fraude aux cotisations patronales, qui aurait rapporté 8 milliards d'euros.

Nous proposions de mettre à contribution les revenus financiers, d'augmenter le taux de CSG afférent et de créer une cotisation de solidarité pour les actionnaires, qui aurait rapporté 40 milliards d'euros ; de taxer les superprofits, pour 10 milliards d'euros ; d'instituer l'égalité familiale femmes-hommes, pour 5 milliards d'euros ; de supprimer les exonérations de cotisations patronales pour 87,9 milliards d'euros. (Murmures réprobateurs à droite)

Vous avez ainsi refusé 150 milliards de recettes ! (M. Pascal Savoldelli renchérit.) En revanche, la majorité sénatoriale a accordé encore 1,2 milliard d'euros d'exonérations de cotisations patronales et créé une taxe « lapin » pour les rendez-vous non honorés.

Comment ne pas être en colère devant cette incapacité à tirer les leçons de l'échec des politiques restrictives ? Si les hôpitaux subissent des départs par milliers, c'est en raison de la pénibilité du travail dans des établissements devenus maltraitants...

Les exonérations de cotisations sociales menacent notre modèle de sécurité sociale. Le patronat dénonce des charges prétendument excessives. Pourtant, les exonérations de cotisations patronales n'ont jamais été aussi importantes, en témoignent les transferts de l'Agirc-Arrco. Désormais, notre pacte social tangue dangereusement.

Le Gouvernement va pouvoir dégainer à nouveau le 49.3 à l'Assemblée nationale... Ce texte est un rendez-vous manqué : pas de financement à la hauteur des besoins sociaux, pas de prise en main de la production de médicaments.

Le président Mouiller a souhaité se saisir de certains dossiers. Nous sommes volontaires pour participer à ces travaux.

Le groupe CRCE-K, qui a défendu un autre projet tout au long des débats, votera contre ce PLFSS. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Pas moins de 642 milliards d'euros de dépenses et 631 milliards d'euros de recettes, voilà l'essentiel de ce PLFSS. Budget et déficit sont colossaux. Alors que nous espérions des améliorations post-covid, l'annexe A prévoit un déficit des branches maladie et vieillesse plus important en 2027 qu'en 2024 - et avec des prévisions de croissance optimistes, encore ! Nous nous inquiétons de la soutenabilité de notre système de santé.

Réduire les dépenses, oui, mais lesquelles ? Tous, nous décrivons une situation complexe dans nos territoires. Comment préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens et la profitabilité de nos entreprises ? La marge est étroite.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics.  - C'est difficile, en effet.

Mme Véronique Guillotin.  - En 2030, on comptera vingt millions de personnes âgées, dont quatre millions en perte d'autonomie. Nous aurons besoin de plus de soignants, avec de meilleures conditions de travail.

Pour autant, nous ne pouvons laisser la situation se dégrader. Nous devons examiner, sans tabou, la pertinence des soins et les coûts de gestion pointés par la Cour des comptes. Attention aux superpositions entre sécurité sociale et mutuelles. Notre système est aussi trop centralisé.

Des pistes de réduction de dépenses existent : lutte contre la fraude, mais aussi prévention et éducation à la santé. La campagne nationale contre le HPV est une excellente nouvelle. Vaccination et dépistage peuvent ouvrir la voie à une éradication des cancers de l'utérus. Un amendement a été adopté pour renforcer l'information des jeunes et de leurs familles.

À titre personnel, je m'interroge sur le refus de toute taxe supplémentaire sur l'alcool alors que cela a fonctionné pour le tabac et que l'on connaît les risques : 41 000 décès par an et une dépense annuelle de 102 milliards euros ! Une taxe comportementale n'exclut pas l'information. J'espère que nous pourrons avancer sur le prix minimal de l'alcool dans le cadre du projet de loi de finances (PLF).

Nous nous félicitons du remboursement de l'activité physique adaptée, c'est un premier pas.

Mme Françoise Gatel.  - Excellent !

Mme Véronique Guillotin.  - À titre personnel, je soutiens l'application sans délai de la réforme de la tarification à l'activité (T2A) ou encore l'interdiction de la prescription à distance d'arrêts maladie de plus de trois jours.

Nous saluons le report de la date d'inscription volontaire des départements pour la gestion des Ehpad et le maintien du dispositif des travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE).

Après avoir soupesé les mesures de ce texte, bonnes et moins bonnes, la majorité du groupe RDSE s'abstiendra.

Il faut acter la suppression du coefficient de minoration des établissements privés à but non lucratif, comme s'y est engagé le ministre de la santé.

Mon département, frontalier de la Belgique et du Luxembourg, subit une double peine : la concurrence frontalière fragilise les hôpitaux, les professionnels de santé se voient offrir des salaires deux à trois fois plus élevés au Luxembourg. J'ai demandé la prise en compte de la zone frontalière, le ministre y semblait sensible. Nous devons avancer. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Élisabeth Doineau et Philippe Bonnecarrère applaudissent également.)

M. Dominique Théophile .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte s'inscrit dans un contexte difficile, avec un système de santé fragilisé par l'inflation. Il fallait soutenir les établissements en difficulté, revaloriser les métiers, moderniser et mieux prendre en charge les patients, avec pour horizon la maîtrise des dépenses et du déficit et la recherche d'économies.

Soutien aux plus précaires, réforme du financement des hôpitaux, lutte contre la fraude sociale, renforcement des compétences des pharmaciens : les avancées sont nombreuses. Le soutien à l'autonomie d'abord, avec 39,9 milliards d'euros pour renforcer l'attractivité des métiers, adapter l'offre médico-sociale à la démographie et améliorer la qualité des accompagnants. Saluons l'expérimentation de la fusion des sections soins et dépendance pour créer de nouvelles places à domicile.

L'effort en faveur de la prévention, ensuite, avec 150 millions d'euros pour la vaccination contre le HPV, ou la prise en charge des protections périodiques réutilisables et des préservatifs pour les moins de 26 ans.

La prise en charge du sport sur ordonnance était très attendue, notamment dans les territoires ultramarins.

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

M. Dominique Théophile.  - Nous nous réjouissons de l'adoption de certains de nos amendements : ceux de Xavier Iacovelli pour taxer davantage les produits sucrés et obliger les industriels à proposer des produits plus sains, ou encore garantir aux orphelins handicapés une pension de réversion ; celui de Nadège Havet facilitant le remboursement par l'employeur des frais de location de vélos ; celui de Solanges Nadille permettant d'étendre la vaccination obligatoire contre les méningocoques... (M. Rachid Temal sourit de l'énumération.)

Ces avancées auraient dû nous conduire à voter ce projet de loi. Pourtant, nous ne voterons pas ce texte. (On fait mine de le déplorer à droite.)

Pour la seconde fois, chers collègues, vous avez supprimé l'Ondam, lui reprochant d'être insuffisamment maîtrisé. Vous déplorez la trajectoire financière de la sécurité sociale, tout en ajoutant 1 milliard d'euros d'exonérations. Vous reportez à 2028 la réforme de la T2A, alors qu'elle est prête.

J'en viens aux coefficients géographiques sur les établissements de santé, notamment en Guadeloupe. L'engagement du ministre de maintenir le taux à 27 % a été accueilli avec satisfaction, sans pour autant lever toutes les craintes.

Finalement, au cours de nos cinq jours de débat, c'est la question lancinante de la refonte structurelle du financement de la sécurité sociale qui s'est imposée. Le Gouvernement doit l'entendre, et le Sénat s'en emparer. Notre groupe, ne pouvant se satisfaire d'un texte sans réelle cohérence, s'abstiendra.

Merci aux ministres et aux rapporteurs pour la qualité de leur travail. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE)

Scrutin public solennel

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°56 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 292
Pour l'adoption 184
Contre 108

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Le Sénat a adopté le PLFSS. Les débats ont montré des points de convergence, mais aussi des divergences. Bref, nous ne sommes pas d'accord sur tout. À l'issue de l'examen au Sénat, le déficit s'aggrave de 1,3 milliard d'euros...

Pour conclure sur une tonalité plus positive, je remercie M. le président de la commission et Mme la rapporteure générale pour ces débats cordiaux et précis. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE)

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Je m'associe à ces remerciements. Nous n'avons pas été d'accord sur tout, et avons même de réels désaccords, mais nous nous rejoignons sur un point : notre pays a besoin d'un budget de la sécurité sociale.

Oui, monsieur Jomier, il faut maintenir un système solidaire : la sécurité sociale est notre bien commun. Ce budget augmente de 8 milliards d'euros. Depuis 2017, 50 milliards d'euros supplémentaires ont été débloqués pour renforcer notre système de santé.

Modernisation du système de soin, réforme de la T2A, délégations de tâches, virage de la prévention, nouveaux leviers contre la pénurie de médicaments, lutte contre la fraude, travail sur les rendez-vous « lapins », expérimentation de l'activité physique adaptée (APA) pour les malades du cancer : autant d'avancées de ce PLFSS responsable, réaliste et ambitieux.

Je rappelle toutefois que l'Ondam reste un outil nécessaire. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

La séance est suspendue à 15 h 40.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

La séance reprend à 16 heures.