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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage aux victimes du drame de Crépol

Salut à une délégation

Questions d'actualité

Drame de Crépol (I)

M. Bernard Buis

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Inondations dans le nord de la France

Mme Marie-Claude Lermytte

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Prévention des inondations

M. Jean-Yves Roux

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Violences faites aux femmes

Mme Audrey Linkenheld

Mme Bérangère Couillard, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

Prime exceptionnelle de pouvoir d'achat

Mme Michelle Gréaume

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales

Mme Isabelle Florennes

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques

Enfants à la rue

Mme Mathilde Ollivier

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance

Drame de Crépol (II)

Mme Anne Ventalon

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Zones de revitalisation rurale

M. Rémy Pointereau

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Problématiques des collectivités ultra-marines

Mme Audrey Bélim

M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer

Lutte contre les violences faites aux élus

Mme Alexandra Borchio Fontimp

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville

Aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales

Mme Dominique Vérien

Mme Bérangère Couillard, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

Nouvelles pistes de décentralisation

M. Jean-Gérard Paumier

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Malaise des maires

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Compensation des communes pour l'accueil des gens du voyage

Mme Pauline Martin

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville

Orientations de la politique agricole

Mme Jocelyne Antoine

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Personnes condamnées pour homosexualité entre 1945 et 1982

Discussion générale

M. Hussein Bourgi, auteur de la proposition de loi

M. Francis Szpiner, rapporteur de la commission des lois

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Alain Marc

M. Jean-Michel Arnaud

Mme Mélanie Vogel

M. Ian Brossat

Mme Nathalie Delattre

Mme Nadège Havet

Mme Audrey Linkenheld

Mme Muriel Jourda

M. Joshua Hochart

Discussion des articles

Article 1er

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Pierre Ouzoulias

M. Victorin Lurel

Mme Anne Souyris

M. Jean-Gérard Paumier

Article 2

M. Hussein Bourgi

Article 3

Mme Audrey Linkenheld

Article 4

Intitulé de la proposition de loi

Mise au point au sujet d'un vote

Référendum d'initiative partagée

Discussion générale

M. Yan Chantrel, auteur de la proposition de loi constitutionnelle

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Philippe Bonnecarrère

M. Guy Benarroche

Mme Cécile Cukierman

M. Henri Cabanel

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Éric Kerrouche

Mme Lauriane Josende

M. Stéphane Ravier

M. Pierre Jean Rochette

Discussion de l'article unique

M. Yan Chantrel

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois

M. Éric Kerrouche

Mme Laurence Rossignol

Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 (Conclusions de la CMP)

M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat de la CMP

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics

Discussion du texte élaboré par la CMP

Article 4

Article 5 (État B)

Vote sur l'ensemble

M. Thomas Dossus

M. Pascal Savoldelli

M. Christian Bilhac

M. Didier Rambaud

M. Thierry Cozic

M. Laurent Somon

M. Emmanuel Capus

M. Vincent Capo-Canellas

Ordre du jour du jeudi 23 novembre 2023




SÉANCE

du mercredi 22 novembre 2023

28e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire : Mme Marie-Pierre Richer

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Hommage aux victimes du drame de Crépol

M. le président.  - C'est avec une vive émotion que nous avons appris la mort, dans la nuit de samedi à dimanche, à Crépol, dans la Drôme, d'un adolescent de seize ans, Thomas, décédé des suites d'un coup de couteau reçu lors d'un bal.

Une marche est organisée cet après-midi à Romans-sur-Isère pour lui rendre hommage. Au nom du Sénat tout entier, j'assure de notre profonde sympathie sa famille et ses proches, ainsi que l'ensemble des victimes blessées cette nuit-là, dans des circonstances qu'il appartiendra à la justice de déterminer.

Salut à une délégation

M. le président.  - Nous sommes très heureux d'accueillir dans notre tribune, dans le cadre de la semaine européenne de l'emploi pour les personnes handicapées, des personnes en situation de handicap - Andrea, Bérénice, Élodie, Kévin, Maxime et Samuel - qui vont découvrir le fonctionnement de notre institution.

Le Sénat participe chaque année à cette initiative. Demain, plusieurs de nos collègues constitueront des duos avec des personnes en situation de handicap, afin de les associer à leurs activités.

Le Sénat est pleinement mobilisé pour l'inclusion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail, notamment au travers de ces journées d'échange, qui constituent un moment privilégié pour changer de regard, et, ensemble, dépasser nos préjugés.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite à ces jeunes la plus cordiale bienvenue ! (Applaudissements ; M. Alain Duffourg se lève.)

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Drame de Crépol (I)

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) J'associe Marie-Pierre Monier et Gilbert Bouchet à ma question.

Une marche blanche se déroule actuellement à Romans-sur-Isère en mémoire de Thomas, 16 ans, mortellement poignardé à Crépol. Nous pensons à sa famille, ses amis, son lycée, son club de rugby, à tous les habitants de son village meurtris par cette tragédie.

Samedi soir, alors que le bal organisé par le comité des fêtes battait son plein, la convivialité a laissé place à l'atrocité. Selon le procureur de la République, quinze personnes ont été blessées. Face à cette violence gratuite et débridée, l'émotion nous tenaille.

Cet événement est tout sauf un fait divers. Après la sidération, les questions : pourquoi, pourquoi eux, pourquoi Thomas, pourquoi Crépol ? J'espère que l'enquête apportera des réponses. Je salue la réactivité des forces de l'ordre, qui ont interpellé neuf individus. Pas de conclusions hâtives, laissons la justice travailler.

Cela étant, vu la nature de ces actes criminels qui semblent prémédités, nous devons collectivement nous interroger pour éviter que de tels drames ne se reproduisent. En cette semaine de Congrès des maires, comment accompagner et rassurer nos communes, surtout en territoire rural, pour que les événements essentiels à la vie de nos villages se tiennent dans la sérénité ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques autres travées)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Dans la nuit de samedi à dimanche, Thomas a été tué à la sortie d'une fête, au coeur de son village. Je dis toute ma solidarité à sa famille et à ses proches, aux habitants de Crépol et à toutes les personnes blessées - certaines sont dans un état grave. Dans ce drame qui touche tout un village, nous sommes aux côtés de la maire de Crépol, Mme Martine Lagut.

Ces violences sont graves et inacceptables. Une enquête judiciaire a été ouverte, 68 auditions ont été menées. Les enquêteurs travaillent d'arrache-pied, et neuf personnes ont été interpellées. J'ai confiance dans nos forces de l'ordre et la justice. Toute la vérité sera faite. Les auteurs et leurs complices devront répondre de leurs actes.

L'heure est au recueillement, à la retenue et à la décence. Utiliser ce drame pour jouer sur les peurs serait manquer de respect aux victimes.

Le Gouvernement est conscient des évolutions de la délinquance dans les territoires ruraux. Conformément aux engagements du Président de la République et à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, nous créons 239 nouvelles brigades de gendarmes, dont deux nouvelles dans la Drôme...

M. Olivier Paccaud.  - Il faut déjà renforcer celles qui existent !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - ... ce qui représente 2 000 gendarmes supplémentaires. La présence des forces de l'ordre partout sur le territoire, notamment dans la ruralité, est une priorité pour mon gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Inondations dans le nord de la France

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) À la suite des inondations, chacun connaît la gravité de la situation dans le Nord, mais surtout dans le Pas-de-Calais. J'adresse ma solidarité à toutes les personnes touchées, aux sauveteurs et à tous les services mobilisés.

Certaines communes ont déjà été reconnues en état de catastrophe naturelle ; beaucoup d'autres suivront. Viendra bientôt le temps du bilan : que penser de l'état des wateringues, du curage de l'Aa et des canaux non navigués, complètement envasés ? Quelle a été l'efficacité des bassins de rétention ?

Les acteurs doivent se réunir pour mieux réguler les crues. Une chose est sûre : l'État devra aider les collectivités territoriales, qui ne doivent plus tout financer.

Après les inondations de 2021, Jean Pierre Decool formulait déjà des propositions, notamment pour améliorer le drainage et le curage.

Entendez-vous engager rapidement ces travaux de réfection, afin que nos territoires puissent anticiper les prochaines crues ? Des moyens importants seront-ils mis à disposition ? J'espère que votre réponse sera une belle éclaircie pour les victimes. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Je m'associe à votre hommage aux forces de l'ordre, aux bénévoles et aux équipes municipales qui continuent de lutter contre les conséquences des inondations.

Vous vous tournez vers l'après. Il a commencé, doucement. Après Gérald Darmanin, le Président de la République s'est rendu sur place ; Marc Fesneau a actionné le dispositif des calamités agricoles ; enfin, la Première ministre était aux côtés des sinistrés il y a quelques jours.

Sans attendre, j'ai transmis au Conseil d'État un projet de décret pour faciliter le curage, pas seulement dans le Pas-de-Calais. Nous travaillons sur ce texte depuis plusieurs semaines. Préservation de l'environnement rime avec principe de précaution : il faut curer pour lutter contre les inondations.

Les inondations de 2002 ont permis d'améliorer les dispositifs d'alerte. Nous devons réfléchir désormais à l'état des wateringues et à l'organisation des syndicats. Le Président de la République a souhaité comparer les politiques menées en Belgique et aux Pays-Bas, en confiant une mission au maire de Saint-Omer.

Nous avons été au rendez-vous de l'alerte, nous serons au rendez-vous du retour d'expérience. (Applaudissements sur les travées dRDPI et du groupe INDEP)

Prévention des inondations

M. Jean-Yves Roux .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Il y a dix ans, le Parlement adoptait la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam), qui créait une nouvelle compétence de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) et prévoyait la possibilité de lever une taxe optionnelle dans la limite de 40 euros par habitant pour protéger les territoires les plus vulnérables.

Que s'est-il passé depuis ? Disposons-nous de moyens supplémentaires pour lutter contre les inondations ? Non ! Les choses s'aggravent. Dans mon département comme tant d'autres, les communes peinent à financer ne serait-ce que les études préliminaires. Une épée de Damoclès pèse sur tous.

Les collectivités alertent les pouvoirs publics depuis plusieurs années, en vain. En 2024, la charge d'un grand nombre d'ouvrages de protection leur incombera. Une solidarité territoriale est nécessaire pour mieux prévenir les inondations.

Monsieur le ministre, allez-vous surseoir à cette disposition prévue pour 2024 ? Quand transformerons-nous le principe de solidarité territoriale en actes ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - La loi Maptam a presque dix ans. La question de son bilan se pose, au vu des disparités territoriales. Dans la nuit du 14 au 15 novembre, des inondations très graves ont eu lieu en Haute-Savoie. Les investissements Gemapi, qui incluent 44 millions d'euros de soutien de l'État, ne sont pas pour rien dans le fait que cette crue, la plus haute depuis 1904, n'ait pas fait plus de dégâts.

Mais nous devons aller plus loin. Dès le 1er janvier, le fonds vert pourra être mobilisé pour renforcer les systèmes d'endiguement.

Le dérèglement climatique va vite. Plutôt que de subir successivement les crues, les éboulements ou les sécheresses, nous devons penser l'adaptation globale de notre système. Je présenterai le programme national d'adaptation au changement climatique la semaine prochaine. Sortons du déni : à un tel rythme, nous devons nous préparer à un réchauffement climatique de 4 degrés. Cela implique une refonte du dispositif catastrophes naturelles et une évolution de nos mécanismes de solidarité. Nous serons au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Violences faites aux femmes

Mme Audrey Linkenheld .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.) Il y a quelques jours, dans son État de la pauvreté en France, Caritas titrait : Les femmes en première ligne. En février, la Fondation Abbé Pierre insistait, dans son rapport annuel, sur le mal-logement au féminin.

Or les violences sociales touchent particulièrement les femmes victimes de violences conjugales : 210 000 femmes subissent chaque année les coups de leur conjoint ou ex-conjoint et 121 sont mortes depuis janvier, car notre société n'a pas su les protéger.

En moyenne, les femmes font six départs infructueux avant de quitter leur conjoint. Pourquoi ? Il leur faut assumer seules toutes les dépenses, avec un salaire moyen inférieur de 25 %. Une femme sur six a besoin d'un logement, mais quand l'offre est insuffisante, ce sont les femmes victimes de violences qui en font les frais. Les maires le savent bien, eux qui gèrent la pénurie.

Tant que nos services publics essentiels - logement, santé, insertion - seront délaissés par l'État, les femmes resteront captives des déserts médicaux, immobiliers et sociaux.

Madame la ministre, lors de la 24e journée internationale contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre, allez-vous réorienter profondément votre politique du logement et de la solidarité ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K et du GEST)

Mme Bérangère Couillard, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Votre préoccupation est la nôtre. Depuis six ans, nous agissons vigoureusement contre les violences faites aux femmes. Oui, les femmes gagnent moins que les hommes et sont dans des situations plus précaires. J'ai en tête le chiffre de sept allers-retours en moyenne - c'est toujours trop. Nous devons mettre à l'abri ces femmes et leurs enfants.

Nous avons adopté de nombreux dispositifs : cinq lois, avec des mécanismes pour recueillir la parole des femmes, protéger les victimes et sanctionner les auteurs de violences.

Depuis 2017, nous avons doublé l'hébergement d'urgence, avec 10 000 places, et nous avons instauré le pack nouveau départ dans cinq départements pilotes pour faciliter le départ des femmes, puisque les féminicides arrivent souvent au moment de la séparation - il s'agit bien de sauver des vies. Enfin, nous mettons en place l'aide universelle d'urgence dans tous les départements. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Audrey Linkenheld.  - Vos positions budgétaires contredisent vos déclarations. C'est pourquoi notre groupe déposera un amendement au projet de loi de finances pour créer des places d'hébergement pour les 2 000 enfants à la rue et leurs mères. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

M. Rachid Temal.  - Bravo !

Prime exceptionnelle de pouvoir d'achat

Mme Michelle Gréaume .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Nos communes sont à l'os. Elles n'ont plus de marge : baisse de la DGF, non indexée sur l'inflation, augmentation non compensée du point d'indice, reprises d'acompte sur le filet de sécurité... Et maintenant, le casse-tête de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat !

Celle-ci dépend surtout des moyens financiers de la commune. Souvent, l'État décide, mais ne paie pas. Plus que d'une prime, les gens ont besoin d'augmentations de salaire ! Et que dire de l'inégalité de traitement entre les fonctionnaires ? Certaines collectivités territoriales peinent à recruter.

On demande aux maires de faire toujours plus, avec toujours moins. D'où une profonde colère. Redonnez-leur le pouvoir et les moyens d'agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Le hasard fait bien les choses : vous posez une question sur le rôle des maires lors du Congrès des maires de France. (Marques d'ironie sur les travées des groupes Les Républicains et SER)

M. Rachid Temal.  - Quel hasard !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Vous n'êtes pas la seule à considérer, dans cet hémicycle, que la République doit se trouver aux côtés de ceux qui sont en première ligne.

M. Fabien Gay.  - Trente secondes de gagnées...

M. Christophe Béchu, ministre.  - En l'espèce, les actes valent mieux que les paroles.

Quand j'entends dire, du côté gauche de l'hémicycle, que les communes sont à l'os, je tiens à rappeler que le quinquennat de François Hollande est terminé ! (Exclamations à gauche ; applaudissements sur les travées dRDPI, des groupes INDEP et UC ; Mme Silvana Silvani fait des moulinets avec ses bras.) La baisse des dotations de 10 milliards d'euros entre 2012 et 2017, voilà le socle des difficultés des collectivités ! (Les protestations augmentent.) Jamais les collectivités territoriales n'ont été aussi pauvres que sous le quinquennat de François Hollande ! (Tumulte à gauche, la voix du ministre se perd dans les protestations ; M. Rachid Témal fulmine.)

M. le président. - Monsieur Témal, laissez le ministre parler !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Après treize ans sans hausse, la DGF augmente pour la deuxième année consécutive.

M. Ian Brossat.  - Vous êtes à côté de la plaque !

M. Christophe Béchu, ministre.  - En 2024, 1,2 milliard d'euros de compléments de crédits seront versés aux collectivités. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains et à gauche ; Mme Sophie Primas et M. Mickaël Vallet lèvent les bras) 200 millions d'euros de DGF, 11 millions pour les communes nouvelles, 100 millions pour les aménités rurales, 250 millions de FCTVA, 500 millions d'euros pour le fonds vert, voilà la réalité ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Que certains soient fâchés avec les chiffres, c'est une chose ; qu'ils soient fâchés avec la réalité, c'en est une autre ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; huées à gauche)

Mme Michelle Gréaume.  - En aucun cas, le principe de libre administration ne peut servir de justification. Les collectivités doivent disposer de ressources suffisantes, ce qui n'est clairement pas le cas ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales

Mme Isabelle Florennes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Parmi les nombreux sujets d'inquiétude pour les communes, la hausse d'un point de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), décidée lors de la réforme des retraites, leur coûtera 640 millions d'euros par an.

L'article 9 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale a prévu une compensation intégrale, mais aucune mesure technique n'a été prévue pour la rendre applicable pour l'instant. Rien non plus dans le PLF, alors que les employeurs privés bénéficient d'une baisse de cotisations AT-MP à due concurrence. Cette mesure est-elle reportée à plus tard ? Sinon, qu'est-il prévu pour 2024 ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - Soyons lucides : le déficit de la CNRACL est voué à s'aggraver, pour des raisons démographiques : on compte 1,55 fonctionnaire actif pour un fonctionnaire retraité, contre quatre pour un dans les années 1990, et le ratio sera à peine supérieur à un en 2030, le déficit atteignant alors 8 milliards d'euros. Face à cela, le Gouvernement a annoncé la hausse d'un point de cotisation des employeurs publics ; mais la Première ministre s'est engagée ici même à la compenser intégralement. Je réitère ici cet engagement. Il reste à déterminer les modalités de cette compensation. (« Ah ! » sur les travées du groupe UC)

Le Gouvernement a missionné l'inspection générale des finances (IGF), l'inspection générale de l'administration (IGA) et l'inspection générale des affaires sociales (Igas) qui doivent rendre leurs conclusions d'ici à la fin novembre. Cette compensation devrait intervenir concomitamment à la hausse de taux. Cette mission doit aussi identifier des pistes d'équilibrage. Nous avançons donc en responsabilité.

Mme Isabelle Florennes.  - À l'heure où les communes préparent leur budget, cette information est primordiale. Nous attendons le rapport que vous annoncez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Enfants à la rue

Mme Mathilde Ollivier .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Yan Chantrel applaudit également.) Zéro enfant à la rue, c'était votre promesse il y a un an. Mi-novembre, la trêve hivernale a commencé et le froid s'installe ; et ce soir, 2 822 enfants dormiront dehors. C'est un échec. Pis, votre bilan s'est alourdi : il y en a 20 % de plus qui dorment dans la rue.

L'hébergement d'urgence relève de la responsabilité de l'État, mais c'est la solidarité citoyenne qui y répond : 30 écoles accueillent des enfants au chaud. Après leur accouchement, des mères restent des semaines à l'hôpital pour ne pas retourner à la rue. Nos maires, nos départements sont en première ligne et alertent le Gouvernement, mais vous vous réfugiez dans le déni. Nous vous avons demandé 10 000 places d'hébergement supplémentaires à l'Assemblée nationale, mais vous avez refusé. Surtout, ne m'opposez pas des excuses financières ! Dans un pays comme la France, que représentent 10 000 places en plus face à des enfants qui dorment dans les écoles et doivent vite ranger leur sac de couchage le matin ? Que dit cette banalisation de notre société ? (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE-K)

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance .  - Évidemment, lors de la semaine des droits de l'enfant, un enfant à la rue, c'est un de trop. Avoir des conditions de vie dignes est un droit de l'enfant.

Contrairement à ce que vous dites, le Gouvernement prend ses responsabilités. Nous y avons été attentifs encore lors du comité interministériel de l'enfance. Les efforts de mise à l'abri n'ont jamais été aussi importants. (Protestations à gauche) Depuis 2017, il y a eu de multiples mises à l'abri, mais des familles arrivent constamment.

M. Ian Brossat.  - Et alors ?

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État.  - Le pacte des solidarités améliore les conditions de vie des enfants (exclamations à gauche), pour qu'ils soient aussi scolarisés. Nous veillons aussi à l'accès aux soins et aux loisirs. Mais mettre à l'abri ces enfants ne doit pas nous éloigner de l'accès à un logement pérenne : ainsi, pas moins de 240 000 personnes ont ainsi eu accès à un logement social l'année dernière, dont 100 000 enfants.

Nous conduisons une politique volontariste avec les associations et les collectivités.

Mme Mathilde Ollivier.  - En 2017, le Président de la République ne voulait plus voir aucune personne à la rue  -  2 800 enfants à la rue, c'est une catastrophe sociale. Réveillez-vous et ouvrez ces 10 000 places maintenant ! (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE-K)

Drame de Crépol (II)

Mme Anne Ventalon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adressait au ministre de l'intérieur. Le 19 novembre, les habitants de Crépol se sont réveillés avec un sentiment d'incrédulité et d'effroi. J'associe à ma question Gilbert Bouchet, qui, comme nous tous, partage la douleur de la famille de Thomas et des blessés.

Nous ne comprenons plus ce qui arrive à notre pays. Les ruraux, qui ne bénéficient pas des commodités de la ville, en subissent désormais les inconvénients. Aux agressions contre les élus s'ajoute l'attaque criminelle de bals de villages.

Certes, les forces de l'ordre ont agi avec célérité, mais les Français sont las des marches blanches, des sempiternelles annonces ministérielles succédant aux drames.

La flambée des actes antisémites et des violences diverses semble indiquer que la prophétie de Gérard Collomb s'est réalisée : nous vivons désormais face à face.

Qu'envisage le Gouvernement à moyen et long terme pour que, dans ce pays, il redevienne inconcevable qu'on agresse le médecin, l'instituteur ou le maire ? Comment restaurer la valeur de l'autorité qui rend naturel le respect des uniformes ?

Albert Camus disait que le but d'un écrivain est d'empêcher la civilisation de se détruire. Est-ce aussi l'objectif du Gouvernement ? Comment compte-t-il y parvenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - (Exclamations à gauche) Face à face, non, mais unis dans le silence et le recueillement. Je fais miens les mots que vient de prononcer le président Larcher.

Hier, j'étais interpellé par l'un de vos collègues. Voulant rendre hommage à ce gosse, je lui ai donné le prénom de l'un de mes enfants. Ce n'était pas de la désinvolture, c'est simplement que cet enfant aurait pu être celui de chacun d'entre nous.

La famille a demandé qu'il n'y ait aucune exploitation politicienne. Comment vous répondre en quelques secondes ? Nous avons renforcé le nombre de policiers, de gendarmes, de magistrats et de greffiers, grâce à votre vote. Je remercie les forces de sécurité intérieure pour leur rapidité, les pompiers, la déléguée interministérielle d'aide aux victimes, l'association France victimes.

Le ministère de la justice est le ministère des victimes. Les auteurs de ces actes seront châtiés à la hauteur de leurs crimes par une cour d'assises composée majoritairement de Français comme vous et moi. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE et du groupe INDEP)

Zones de revitalisation rurale

M. Rémy Pointereau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les zones de revitalisation rurale (ZRR) (« Ah » à droite) existent depuis 1995. Les élus locaux y sont attachés car elles favorisent le maintien de commerces et d'artisans, mais aussi l'installation de professionnels de santé.

Certains, dans votre majorité, ont voulu leur peau, mais c'était sans compter sur le Sénat !

Le dispositif doit être réformé, chacun en convient. La commission de l'aménagement du territoire a travaillé depuis trois ans, pour aboutir à une proposition de loi définissant un zonage plus juste et plus efficace au bénéfice de 19 000 communes.

Mais vous proposez à l'article 7 du projet de loi de finances une tout autre réforme : vous conservez la maille intercommunalité plutôt que la commune et intégrez des aires urbaines - notamment des villes de 25 000 habitants - ce qui est contraire au bon sens. En conséquence, seulement 13 600 communes seront classées au lieu de 17 000.

Allez-vous revoir votre copie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Michel Masset et Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Envisageons-nous de corriger l'article 7 du projet de loi de finances ? Oui ! (M. le ministre fait mine de partir ; exclamations à droite.)

M. Mickaël Vallet.  - Par le 49.3 ?

M. Christophe Béchu, ministre.  - La Première ministre donnera le détail précis de ce que je m'apprête à vous décrire. (Rires)

Plusieurs voix à droite. - Elle est là ! (Mme la Première ministre sourit.)

M. Christophe Béchu, ministre.  - Tout d'abord, je rends hommage aux sénateurs Delcros et Espagnac (applaudissements sur quelques travées des groupes UC et SER), qui ont estimé que nous ne pouvions pas mettre fin aux ZRR au 31 décembre 2023. Je salue également votre commission de l'aménagement du territoire (Mme Élisabeth Doineau applaudit.) ainsi que l'ancien maire de Lazenay et ancien président du département du Cher, pour qui c'est un combat de plus de quarante ans.

Si le nombre de communes concernées diminue alors que 90 % du territoire est en zone rurale, c'est qu'il y a un problème de critères. L'intégration de départements entiers entraîne des effets de bord : si des villes de 20 000 habitants et des villages de 200 habitants sont sur le même pied, ce sera au détriment des seconds. (M. Jean-Noël Guérini le confirme.)

Nous allons revoir le maillage. La Première ministre vous en dira plus dans quelques instants. (Sourires ; applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)

M. Rémy Pointereau.  - Je me réjouis que le Sénat vous ait fait reculer. Vous abordez la ruralité avec une certaine désinvolture. Elle mérite beaucoup mieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Brigitte Devésa et M. Jean-François Longeot applaudissent également.)

Problématiques des collectivités ultra-marines

Mme Audrey Bélim .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'octroi de mer est un outil précieux pour nos collectivités territoriales. Nous sommes une majorité à être favorable à sa remise à plat, pour le rendre plus lisible, efficient et plus simple, pour nos concitoyens, nos collectivités territoriales et nos TPE et PME.

Censé protéger l'économie insulaire, il s'applique aussi aux produits locaux. Bien réformé, il pourrait dynamiser notre économie et l'emploi. Or depuis 2017, les réformes sur les outre-mer se sont faites sans eux, l'intérêt comptable de court terme passant avant l'investissement à long terme. Je rappelle la réforme des aides économiques, et l'amendement du rapporteur général de l'Assemblée au PLF 2024 : voté sans étude d'impact, il se fondait sur un rapport peu flatteur pour notre haute administration.

Monsieur le ministre, vous engagez-vous à réunir tous les acteurs - élus, consommateurs, entreprises - pour réformer l'octroi de mer ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Depuis l'appel de Fort-de-France, le Gouvernement a voulu bâtir un nouvel avenir pour les outre-mer, avec les 72 mesures présentées au Comité interministériel des outre-mer (Ciom), qui se réunira à nouveau demain.

La première est la réforme de l'octroi de mer, injuste, inégalitaire et qui taxe aussi les produits locaux.

J'en viens à la méthode et au calendrier.

Une méthode : les élus locaux, auxquels nous venons d'écrire, seront associés - les parlementaires le seront aussi. Le monde économique également, avec une première réunion en décembre.

Un calendrier : cette réforme sera élaborée en 2024, traduite dans le projet de loi de finances pour 2025 et mise en oeuvre dès 2027.

Lutter contre la vie chère et garantir les ressources des collectivités territoriales : cette réforme sera collective ou ne sera pas. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

Lutte contre les violences faites aux élus

Mme Alexandra Borchio Fontimp .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.) Gestion de la commune, option autodéfense : tel est le nouveau module de formation des maires par le Raid. Peut-être deviendront-ils des militaires à part entière...

La recrudescence des agressions, des injures et des démissions est devenue le marronnier du congrès des maires de France. En cause : délitement de l'autorité et contestations de leurs décisions. Malgré la posture martiale du Gouvernement, la situation se dégrade. Le numéro vert n'y suffira pas... (On ironise à droite.)

Cet ensauvagement de la société, qui délite l'autorité de l'État, est le problème majeur de notre pays. Sans une fermeté extrême, nous n'y arriverons pas ! Je suis fière d'appartenir au groupe Les Républicains qui a, en premier, tiré le signal d'alarme et proposé des mesures fortes.

Nous connaissons les annonces du Gouvernement, mais de nouvelles mesures sont-elles prévues pour que les maires exercent leur mandat sans l'angoisse de l'agression ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - La protection des élus est une nécessité : elle concourt à la protection de la République.

M. François Bonhomme.  - Ça commence bien...

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Or les agressions abjectes se multiplient contre nos élus. Si le nombre de violences physiques n'augmente pas, les outrages se multiplient. Le Gouvernement a lancé une mobilisation générale pour concrétiser un nécessaire choc civique.

Le Gouvernement a financé un plan d'aide aux élus victimes de violences et d'autres mesures, à hauteur de 5 millions pour 2024. D'ores et déjà, 3 400 référents, policiers et gendarmes, se consacrent à ces tâches. Dans chaque arrondissement, préfets et procureurs ont réuni les élus.

Des boutons d'alarme et des systèmes de vidéosurveillance seront déployés. Le centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calae) coordonne la mise en oeuvre des mesures. Les ministres de l'intérieur et de la justice sont au travail. Un numéro d'assistance psychologique a été créé, en lien avec France Victimes. (M. Laurent Burgoa ironise.)

Cette semaine, un premier point d'étape sera effectué par Dominique Faure, qui rencontrera les maires en compagnie des magistrats et des forces de l'ordre. (On feint de s'en réjouir sur les travées du groupe Les Républicains.) Le diagnostic est clair, les moyens sont en place. Je m'assurerai que les résultats sont à la hauteur, et j'espère que vous le ferez avec moi. (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Alexandra Borchio Fontimp.  - Vous n'avez que listé les mesures déjà prises. Il faut s'attaquer aux causes. Plutôt que d'apprendre en classe la théorie du genre à nos enfants (on s'indigne à gauche), enseignons-leur le respect des élus et des institutions de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Christine Herzog applaudit également.)

Aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Un chiffre : 244 300. C'est le nombre de victimes de violences conjugales l'an dernier, principalement des femmes. Pour ces victimes, s'en sortir relève du parcours du combattant.

L'autonomie financière est un préalable indispensable à la rupture. C'est le sens de la proposition de loi de Valérie Létard, adoptée à l'unanimité par le Sénat comme l'Assemblée nationale, qui crée une aide universelle d'urgence. Il est d'ailleurs regrettable que Valérie Létard n'ait pas été associée à la rédaction des décrets, que nous attendons toujours - nous y sommes sensibles, depuis le zéro artificialisation nette (ZAN)...

Quand le décret arrivera-t-il ? Pour quel budget ? Qu'en est-il de la loi de programmation pluriannuelle prévue par la proposition de loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains)

Mme Bérangère Couillard, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Vous l'avez dit, 244 000 signalements ont été faits l'an dernier - pas parce qu'il y a plus de victimes, mais parce que les femmes parlent davantage. La société change.

Depuis six ans, nous agissons sans relâche sur tous les leviers contre les violences faites aux femmes : recueil de la parole, protection des victimes, sanction des auteurs. Nous avons lancé le pack nouveau départ.

L'aide universelle d'urgence vient du travail de Valérie Létard et a été votée à l'unanimité. Accompagner financièrement le départ des femmes est essentiel. Cette aide, octroyée par la CAF sous trois à cinq jours ouvrés, sera effective en décembre. Cette aide s'élèvera de 243 à plus de 1 300 euros, par exemple 1 377 euros pour une femme au Smic avec trois enfants. Cela pourvoira aux premières dépenses, dont vous savez qu'elles sont nombreuses lors du départ précipité du domicile. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Dominique Vérien.  - Merci de votre engagement. Je précise que s'il faut 15 jours pour prendre rendez-vous à la CAF, en raison de l'engorgement des services, le délai de trois à cinq jours de ne sera pas respecté. Le Nord expérimente une demande immédiate : je demande que le décret le prévoie. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Nouvelles pistes de décentralisation

M. Jean-Gérard Paumier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après la première rencontre de Saint-Denis, le Gouvernement a lancé une mission temporaire pour la clarification de l'action publique territoriale et de nouvelles pistes de décentralisation.

Or beaucoup d'élus locaux préféreraient une clarification de l'action de l'État dans ses relations avec les élus, ainsi que du rôle des coûteuses agences nationales, qui diluent les responsabilités et compliquent l'action des collectivités territoriales.

Clarification des appels à projets, qui se multiplient, alors que les collectivités manquent d'ingénierie.

Clarification des primes d'État comme Action coeur de ville, Territoires d'industrie, Petites villes de demain... (L'énumération se poursuit ; on s'en amuse sur plusieurs travées.)

Enfin, clarification des dotations déconcentrées.

Après la deuxième rencontre de Saint-Denis, le Gouvernement ne pourrait-il, en même temps que la mission Woerth, créer une mission temporaire pour clarifier l'action publique nationale et les moyens des maires dans un cadre plus déconcentré, qui serait confiée à un membre de la Haute Assemblée, chambre des territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)

Mme Sophie Primas.  - Bravo !

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Aux alentours de 12 h 30, les oreilles des sénateurs ont dû tinter alors que je complimentais la Haute Assemblée au Salon des maires. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai officialisé une charte pour que l'agenciarisation rampante que vous dénoncez (on le confirme sur les travées du groupe Les Républicains) débouche sur une porte d'entrée simplifiée. Une seule adresse de contact pour les maires : la préfecture.

Puisque vous plaidez pour la clarté, évitons de superposer les missions. Les travaux de la mission Woerth ouvriront des perspectives de déconcentration, de décentralisation et des pistes sur le statut des élus. (M. Mickaël Vallet s'exclame.) Elle synthétisera les différents rapports et propositions. Dans quelques mois, nous verrons comment avancer, plutôt que de risquer de perdre tout le monde avec des démarches parallèles.

Nous souhaitons de la simplification, de la décentralisation, et réduire les appels à projets. C'est le sens de l'action que je mène depuis 500 jours. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

M. Jean-Gérard Paumier.  - Merci de votre non-réponse. Je citerai la Fontaine : « Ne faut-il que délibérer, la Cour en conseillers foisonne ; est-il besoin d'exécuter, l'on ne rencontre plus personne. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Malaise des maires

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La dernière enquête de l'Association des maires de France et du Cevipof confirme le malaise des élus locaux. Diminution de la DGF en euros constants, compétences abandonnées par l'État aux collectivités territoriales sans les moyens afférents, amenuisement des leviers fiscaux, difficultés pour souscrire une assurance : autant de difficultés.

Pas moins de 1 300 maires ont déjà démissionné depuis le début du mandat. Parmi les raisons mentionnées figure, au deuxième rang, la complexité croissante des relations avec l'État. Ce n'est pas aux élus de faire des efforts, mais bien à l'État. Multiplication des appels à projets, réglementation technocratique excessive, par exemple sur le ZAN : le choc de simplification tant espéré s'est mué en choc de suradministration.

Que compte faire le Gouvernement pour lutter contre ces obstacles qui découragent les 500 000 élus de notre pays et portent atteinte à notre démocratie locale ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - (« Ah ! » sur de nombreuses travées) Vous étiez maire de Cahors il y a peu. Vous savez que depuis quelques années, la modération n'est plus de mise quand il s'agit pour la population d'exprimer ses revendications. Les gestes barrières sont tombés, le débat public est marqué par un degré nouveau d'agressivité. Je l'ai vécu, comme beaucoup de maires.

Le chiffre des démissions est effrayant, mais il n'est que de 10 % supérieur à celui du dernier mandat. (Murmures)

Oui, l'État doit prendre sa part, car il définit les règles du jeu. Il n'y a pas que les normes : les maires des petites communes souffrent aussi de la réunionite - Scot, pays, PCAET, intercommunalité, etc. - qui grignote leur temps personnel. (M. Jean-Baptiste Lemoyne et Mme Françoise Gatel le confirment.)

Se pose aussi la question du statut. Même si les maires ne demandent pas à être payés davantage, on ne peut gérer autant de contraintes, de pression, sans une forme de reconnaissance - désormais remplacée par les insultes et les violences.

Plus largement, il y a la question des moyens, pour les collectivités territoriales en général et les communes en particulier. Entre les conclusions de l'enquête du Cevipof et le rapport Darnaud...

M. Michel Savin.  - Excellent rapport !

M. Christophe Béchu, ministre.  - ... nous avons de la matière pour avancer en attendant les conclusions de la mission Woerth. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure.  - Nous avons besoin d'une action d'ampleur : nous ne nous contenterons pas d'un numéro vert, d'une énième mission ou d'opérations de communication.

M. Christophe Béchu, ministre.  - Je n'ai pas dit cela !

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure  - Dans mon département, les agriculteurs ont retourné les panneaux à l'entrée de nos communes pour dénoncer le retard dans le versement des aides. Ils sont victimes d'un transfert de compétences non compensé vers les régions. L'étau administratif se resserre. Ne nous obligez pas à prendre le relais de ce mouvement ! Nous finirons nous aussi par marcher sur la tête ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

Compensation des communes pour l'accueil des gens du voyage

Mme Pauline Martin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En mai dernier, Hugues Saury interpellait le Gouvernement sur l'intolérable abandon de nos collectivités face à l'organisation d'événements de grande ampleur par les gens du voyage. La commune de Nevoy, dans le Loiret, faisait face à l'afflux de 40 000 pèlerins de l'association Vie et Lumière. Un second rassemblement, prévu pour le mois d'août, a finalement été déplacé sur l'ancienne base aérienne de Grostenquin, en Moselle. Nous vous en remercions sincèrement - nos collègues mosellans, peut-être moins...

M. Khalifé Khalifé.  - En effet !

Mme Pauline Martin.  - Les communes voisines ont eu à subir durant deux semaines les inévitables nuisances liées à un tel rassemblement. L'État, prenant ses responsabilités, a annoncé 1,5 million d'euros de compensation. Je m'en réjouis.

L'État envisage-t-il d'accompagner le prochain rassemblement de Pentecôte à Nevoy, en le limitant à 20 000 pèlerins ? Les communes du Loiret concernées seront-elles dédommagées, elles aussi ? Où le rassemblement d'août 2024 sera-t-il accueilli ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - Vous avez mentionné les mesures d'accompagnement au bénéfice des communes qui ont accueilli le rassemblement de Grostenquin. Celui-ci s'est finalement tenu sur le site d'une base aérienne appartenant à l'État, qui a compensé les collectivités affectées par les dégradations liées à cet événement dans la mesure où c'est lui qui a choisi ce terrain.

S'agissant d'un terrain privé appartenant à une association dans le Loiret, il ne peut être question d'un tel accompagnement financier. Les deux situations sont différentes. À Nevoy, comme chaque année, l'État est présent. La préfecture met en oeuvre les moyens nécessaires pour sécuriser le rassemblement et éviter les dégradations.

M. Hugues Saury.  - Faux !

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - L'État sera à vos côtés, si des dégâts étaient commis, pour mettre l'association face à ses responsabilités. Nous élaborons une convention financière avec l'association pour mieux anticiper et répondre à vos légitimes questions. (M. François Patriat applaudit ; M. Hugues Saury secoue la tête.)

Mme Pauline Martin.  - Une fois de plus, nous constatons l'immobilisme de l'État face à la déshérence des maires.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - J'ai dit que nous allions vous aider !

Orientations de la politique agricole

Mme Jocelyne Antoine .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Depuis le début de la semaine, de nombreux panneaux d'entrée de nos communes sont retournés ou inversés. Le message est clair : on marche sur la tête. Ce sont les jeunes agriculteurs de nos départements qui nous le disent. L'action peut paraître anecdotique, mais leur détresse est réelle.

Nos agriculteurs ont engagé une transition énergétique et environnementale pour le renouvellement des générations. Pourtant, on continue de faire pression sur leurs prix. Votre politique est incohérente. Vous leur imposez des normes que ne respectent pas les produits importés. Le monde agricole est exaspéré, la coupe est pleine.

Quelles mesures durables, de terrain, allez-vous prendre pour redonner souffle, compétitivité et espoir à nos agriculteurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Ce n'est pas une action anecdotique : elle nous interpelle tous.

Notre trajectoire vous échappe ? Nous avons d'abord un objectif de rémunération avec les lois Égalim 1 et 2 et la loi Descrozaille. Vous ne croiserez pas un agriculteur qui veuille les abroger. Il faut aller plus loin.

Sur les assurances, puisque vous manquez d'éléments concrets (protestations sur plusieurs travées des groupes SER et Les Républicains), vous avez voté un texte qui vient profondément modifier le système assurantiel et garantir sa résilience.

Notre cap, c'est la souveraineté et la transition, qui ne vont pas l'une sans l'autre. Nous avons un outil, la planification, travaillée avec la profession, pour répondre aux injonctions - sur l'eau, sur les produits phytosanitaires, sur la biomasse, etc.

Pour être crédibles, nous avons besoin de moyens. Le budget que vous vous apprêtez à examiner s'élève à 1,3 milliard d'euros, c'est inédit.

C'est dans le cadre du pacte et de la loi d'orientation que vous verrez la cohérence de notre action. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Jocelyne Antoine.  - Ces mesures ne répondent pas complètement à l'enjeu des prix et du partage de la valeur ajoutée. Nos paysans souffrent dans nos campagnes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 15.

Présidence de M. Mathieu Darnaud, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.

Personnes condamnées pour homosexualité entre 1945 et 1982

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982, présentée par M. Hussein Bourgi et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Hussein Bourgi, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie les 102 cosignataires de ce texte, et les collègues nouvellement élus qui le soutiennent. Leur diversité politique montre que nous traitons, dans un climat apaisé, d'un sujet qui doit faire consensus. Nous sommes animés par la quête de la vérité et la recherche de la justice.

Les lois mémorielles visent à réconcilier un pays avec son histoire, avec ses parts de lumière et ses zones d'ombre. La France n'échappe pas à cette règle.

Ils s'appelaient Henri de Montherlant, Roger Peyrefitte, Michel Chomarat, Bernard Bousset. Ils étaient célèbres ou anonymes. Ils aimaient la France et la servaient. Ils l'ont défendue dans la Résistance comme Jean Desbordes ou chantée comme Charles Trenet. La France fut non pas douce, mais cruelle avec eux.

En 1791, la France dépénalise l'homosexualité, grâce à Cambacérès, une première dans le monde. Mais en août 1942, le maréchal Pétain la pénalise de nouveau. Pourtant, à la même époque, la Suède, la Suisse et la Pologne prenaient le chemin inverse.

À rebours de l'histoire, la France instaure une majorité à 21 ans pour les personnes homosexuelles - contre 13 ans pour les hétérosexuels. Cette discrimination d'apparence anodine légitimera la persécution, l'arrestation et la condamnation de dizaines de milliers d'hommes. Plusieurs centaines ont été déportés dans les camps de concentration. Je rends hommage au travail des historiens Florence Tamagne, Régis Schlagdenhauffen et Mickaël Bertrand qui les ont réhabilités.

En 1945, le ministre de la justice François de Menthon fait le choix de conserver cette législation, renforcée en 1960 par l'adoption d'un amendement du député Paul Mirguet qui double la peine pour outrage à la pudeur en cas d'homosexualité - qui devient alors une circonstance aggravante. Cette disposition a conduit à une persécution disproportionnée des homosexuels, traqués jusqu'à leur domicile.

Jusqu'en 1978, 93 % des condamnations se solderont par des peines d'emprisonnement. En 1977, à l'occasion du médiatique procès dit du Manhattan, le législateur envisage enfin de remettre en cause cette législation et je rends hommage au courage de Michel Chomarat.

En 1978, Henri Cavaillet, sénateur du Lot-et-Garonne, dépose une proposition de loi, votée par le Sénat, pour revenir sur cette législation. Reprise à l'Assemblée nationale par Michel Crépeau, elle se heurtera à l'hostilité de la majorité des députés. Il faudra attendre 1980 pour que le caractère aggravant de l'homosexualité dans le cadre d'un outrage à la pudeur soit abrogé. Enfin, le 4 août 1982, à l'initiative de Robert Badinter, Raymond Forni et Gisèle Halimi et avec le concours de Jean-Pierre Michel, la législation héritée de Vichy est enfin abrogée.

Régis Schlagdenhauffen estime que plus de 50 000 personnes furent condamnées en quarante ans. Peu de ces condamnés sont encore en vie. Pour tous, ce fut une tache indélébile, avec opprobre social, rejet familial, licenciement. Des vies volèrent en éclats.

Victor Hugo disait : « le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre ». Certains furent poussés au suicide par une presse sans scrupule. Aucune loi ne pourra, hélas, réparer ce préjudice. Mais nous pouvons nous y employer, c'est l'objet de ce texte.

L'article 1er reconnaît la responsabilité de la France dans les préjudices subis. Nous avons du mal à suivre le rapporteur qui distingue ce qui a été fait sous Vichy de la période suivante. À la libération de Paris, quand George Bidault pressait le Général de Gaulle de proclamer la République, celui-ci a bien dit : « La République n'a jamais cessé. » Le regretté président Chirac a bien reconnu la responsabilité de la France dans la persécution des Juifs sous l'occupation.

L'article 2 crée un délit de négationnisme.

L'article 3 propose un dédommagement, qui ne concernera que quelques centaines de personnes.

Que l'esprit de concorde guide vos votes. Plus qu'un symbole, cette proposition de loi aidera à refermer les plaies de personnes inquiétées non pour ce qu'elles faisaient, mais pour ce qu'elles étaient. Faisons preuve d'humanité.

Lamartine disait : « Je suis de la couleur de ceux que l'on persécute ». Soyons tous comme Lamartine, de la religion de ceux que l'on opprime, de l'orientation sexuelle de ceux que l'on a condamnés ! (Applaudissements à gauche ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Évelyne Perrot et M. Jean-Gérard Paumier applaudissent également.)

M. Francis Szpiner, rapporteur de la commission des lois .  - Le Sénat examine un texte dont le fondement ne peut que recueillir l'assentiment de tous. Mais les lois s'appuient sur le droit.

Je me réjouis de la popularité de Jacques Chirac sur les bancs de la gauche, surtout depuis qu'il est mort... (Quelques exclamations sur les travées du groupe SER)

Mais les historiens qui ont étudié la période distinguent 1942-1945 et 1945-1982. Vous-même ne faites pas courir le délit de négationnisme de 1945 à 1982 !

C'est une question de morale politique : la République n'a pas à endosser la responsabilité de Vichy. La période 1942-1945 est une période de répression de l'homosexualité, idéologique et organisée. C'est pourquoi l'amendement de la commission des lois à l'article 1er fait débuter la période en 1945.

Pour ce qui est de la réparation financière, l'audition d'Ariane Chemin a été éclairante sur un point : les drames ont été nombreux, non pas du fait de l'application de la loi, mais parce que la société française était homophobe à l'époque ! La moitié des psychiatres comptait l'homosexualité parmi les maladies mentales. On en parlait ainsi dans les Dossiers de l'écran. (M. Éric Dupond-Moretti le confirme.) La loi n'était pas la première responsable du préjudice.

Des drames affreux ont certes été vécus, mais ce n'est pas la faute de la République : c'est une responsabilité collective de toute la société. Le Sénat n'a pas à juger la société et ses préjugés des années plus tard. Tenons-nous-en au droit.

Il est indiscutable néanmoins que la loi était discriminatoire : ce qui était toléré entre personnes hétérosexuelles ne l'était pas pour des personnes homosexuelles. Alors, oui, la République a commis une faute.

La loi d'amnistie a effacé l'existence même des condamnations que vous visez et la prescription existe : vous ne pouvez donc pas décréter qu'il n'y aurait pas prescription - sauf à créer un dangereux précédent - et qu'il y aurait ainsi matière à réparation !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ça ne tient pas !

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - Vous êtes une brillante juriste, nous le savons, et vous démontrerez le contraire, je n'en doute pas.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Absolument !

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - Citez-moi des exemples de prescriptions plus que quarantenaires. La loi mémorielle sur les harkis n'a rien à voir. Voilà pourquoi la commission des lois n'a pas souhaité vous suivre sur le sujet des réparations.

La commission ne peut pas non plus vous suivre sur le délit de négationnisme, car les droits de l'homme sont indivisibles et universels. La négation de la déportation dans son ensemble - des juifs, des résistants, des homosexuels, des Tziganes -, qui est un crime contre l'humanité, est punie par l'article 24 bis de la loi de 1881 sur la presse. Nul besoin de créer une infraction nouvelle.

Plusieurs associations de lutte contre l'homophobie ont par ailleurs engagé des procédures sur le fondement de cette loi de 1981. Si votre proposition de loi était adoptée en l'état, elles seraient exposées à des relaxes.

Nous sommes donc partisans d'un article unique reconnaissant que la République a pratiqué une politique discriminatoire de 1945 à 1982. Le symbole a son importance. Pourquoi ? Parce que des gamins de 18 ans sont encore chassés de chez eux quand leurs parents découvrent qu'ils sont homosexuels.

Mais le Sénat ne peut pas faire plus. Il y a un travail d'éducation de toute la société à mener. La loi ne réglera pas le problème de l'homophobie. Reconnaître néanmoins symboliquement que la République s'est mal conduite aidera.

Nous n'avons pas refusé d'auditions - j'ai été très choqué de le lire. Nous avons travaillé dans un temps très court, ce qui n'était le fait ni du rapporteur ni de la commission. Ceux que nous n'avons pas pu entendre nous ont transmis des contributions écrites. Dire que nous aurions bâclé le travail est scandaleux.

Les universitaires ont encore à faire. L'audition de la direction des affaires criminelles et des grâces a montré qu'il n'existe pas de fichier des personnes condamnées pour homosexualité - et c'est heureux.

Nous réaffirmons un principe : oui, la République a fauté, mais nous ne pouvons aller au-delà.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Nous nous retrouvons dans le cadre de la niche socialiste pour débattre d'un sujet d'importance, trop longtemps oublié. Monsieur le sénateur, votre proposition de loi a, indubitablement, beaucoup de sens. Je vous remercie de l'avoir déposée.

On peine à imaginer aujourd'hui à quel point les homosexuels ont été maltraités et méprisés. La République n'est jamais aussi grande que lorsqu'elle sait reconnaître ses erreurs et, en l'occurrence, ses fautes.

Le texte du sénateur Bourgi reconnaît la politique discriminatoire mise en oeuvre à l'encontre des personnes homosexuelles pendant quarante ans. Si cette politique fait honte à notre République, il n'en a pas toujours été ainsi.

Alors que les relations homosexuelles étaient incriminées sous l'ancien Régime, elles ont été décriminalisées en 1791. Durant un siècle et demi, aucune pénalisation n'était en vigueur dans notre pays, ce qui en faisait l'un des plus progressistes au monde. Or Vichy aura raison de cet acquis, par la loi du 6 août 1942 modifiant l'article 334 du code pénal.

Ces évolutions législatives ont bouleversé et parfois détruit la vie des homosexuels de l'époque en donnant une base légale à la répression. Nous ne l'acceptons plus. Nous le dénonçons même aujourd'hui.

Vous substituez à une loi de haine une loi d'unité, de reconnaissance et de mémoire. J'y suis favorable.

Il fallut attendre Robert Badinter, la majorité socialiste d'alors et la loi du 4 août 1982 pour mettre un terme à quarante années de pénalisation de l'homosexualité.

Quand on parle de Badinter, tout le monde pense à l'abolition de la peine de mort. L'un de ses successeurs, évoquant sa difficulté à prendre ses fonctions à la suite de l'illustre Badinter, m'avait confié : « Que voulez-vous, Éric, on n'abolit la peine de mort qu'une seule fois. »

Chaque condamnation ou mise en cause portant sur une infraction liée à l'homosexualité a eu des conséquences sociales lourdes et souvent dévastatrices, jusqu'au bannissement de la sphère familiale et professionnelle. Plus de 10 000 personnes ont été condamnées entre 1945 et 1982, à de la prison ferme dans plus de 90 % des cas.

Après une telle législation déshonorante, cette proposition de loi mérite toute notre bienveillance.

Je suis favorable au principe de l'article 1er, auquel le rapporteur apportera d'intéressantes précisions. Cette écriture de compromis apaisera notre société.

Il ne fait aucun doute que des personnes homosexuelles ont été déportées pendant la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, j'émets un doute sur la constitutionnalité de l'article 2, en raison de l'atteinte portée à la liberté d'expression : une reconnaissance judiciaire préalable aurait été nécessaire.

L'article 3 ouvre droit à des mesures d'indemnisation, à condition d'apporter la preuve de sa condamnation - difficile à produire : la mise en oeuvre est donc complexe.

L'article 4 sur la commission nationale indépendante semble relever du domaine réglementaire et présente des difficultés probatoires, compte tenu de l'ancienneté des faits.

Sur les articles 2, 3 et 4, le Gouvernement s'en remettra donc à la sagesse du Sénat.

Le Gouvernement est favorable au principe de cette proposition de loi. Il est toujours difficile de regarder les lois d'hier avec les lunettes d'aujourd'hui, mais les principes de notre République sont non négociables. C'est pourquoi nous devons reconnaître les errements du passé et leurs terribles conséquences. Nos principes fondamentaux valent plus que notre orgueil. Nous devons assumer toute l'histoire de notre pays et reconnaître lorsque nous avons fait fausse route : notre République et les principes universels qui la sous-tendent triomphent toujours. (Applaudissements)

M. Alain Marc .  - La loi du 4 août 1982 a dépénalisé l'homosexualité. Quarante ans plus tard, Hussein Bourgi a pris l'heureuse initiative de cette proposition de loi.

Si l'on doit beaucoup à la loi de 1982, n'oublions pas que la France fut le premier pays, en 1791, à dépénaliser l'homosexualité. Sous l'Ancien Régime, de nombreux homosexuels ont été brûlés vifs à Paris.

La loi de 1942, prise sous Vichy, a instauré une discrimination, maintenue dans notre code pénal pendant 40 ans. C'était indigne de la France.

La proposition de loi poursuit un objectif légitime et présente un intérêt symbolique majeur. Il est fondamental que la France reconnaisse la répression judiciaire dont les homosexuels ont été les victimes.

Toutefois, la réparation financière entraînerait un contournement de la prescription.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cela n'a rien à voir !

M. Alain Marc.  - De plus, la condamnation de propos négationnistes me semble superflue, car couverte par le droit en vigueur.

Enfin, la période retenue ne me semble pas pertinente : la République n'a pas à assumer les crimes de Vichy.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et Chirac ?

M. Alain Marc.  - Une réparation symbolique est indispensable : reconnaissons la faute et la responsabilité de la République.

Le vote du groupe Les Indépendants dépendra de l'adoption des amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. » Vous avez tous reconnu l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La France de la Révolution fut un refuge pour tous les combattants de la liberté. L'État moderne et progressiste est né à cette époque, avec des avancées sociales majeures, comme le divorce par consentement mutuel, la première abolition de l'esclavage et la dépénalisation du crime de sodomie - alors puni par le feu.

Le 6 août 1942, l'abject gouvernement de Pétain repénalise les relations entre personnes de même sexe. Le rétablissement de l'ordre républicain ne modifie cette incrimination qu'à la marge, et s'y est ensuite ajoutée la répression d'un outrage à la pudeur spécifique.

Durant quatre décennies, cette discrimination a été acceptée. Le Sénat a certes adopté une proposition de loi en 1978, mais il a fallu attendre 1982 pour abroger le délit d'homosexualité.

L'homosexualité est encore illégale dans 69 pays et l'élection du nouveau président argentin nous montre que rien n'est garanti.

Je salue amicalement Hussein Bourgi pour sa proposition de loi. Si la commission ne l'a pas adoptée, c'est pour mieux la réécrire - merci au rapporteur.

Il faut restreindre l'article 1er à la période 1945-1982 et simplifier la description du motif de responsabilité. Notre groupe soutient avec force cette mesure. Le législateur s'est fourvoyé : en aucun cas, la République ne peut condamner un individu pour ce qu'il est. Chacun répond de ses actes, non de qui il est.

L'article 2 entend autonomiser le délit de négationnisme s'agissant de la déportation des homosexuels. C'est louable, mais la loi couvre déjà ce cas de figure. Toute contestation ou banalisation des crimes contre l'humanité, dont la déportation des homosexuels, est lourdement punie.

Nous devons tirer les enseignements du passé, mais l'éducation est cruciale. C'est ainsi que j'ai reçu en 2022 SOS Homophobie. Je salue les multiples actions des associations pour lutter contre l'homophobie et toutes formes d'exclusions.

Le groupe UC votera la réécriture en un article unique de cette proposition de loi. Nous devons rappeler que l'homophobie est inacceptable et que la République s'est mal comportée. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et SER)

Mme Mélanie Vogel .  - Merci à Hussein Bourgi et au groupe SER de nous donner l'occasion, alors que la France recule si souvent sur ses grands principes, de la faire grandir.

Dans l'histoire des nations, il y a des horreurs qui débordent sur notre présent et qui détruisent notre image. Entre ce que nous disons être - une grande Nation des Lumières - et ce que nous avons fait, il y a parfois un gouffre.

Reconnaître et réparer nos fautes est l'unique promesse que nous pouvons faire aux victimes : plus jamais ça ! Il faut, en reconnaissant la pleine responsabilité de la faute, alléger un peu la souffrance des victimes : cela n'aurait jamais dû arriver.

C'est pourquoi la France a adopté des lois mémorielles, mais avec parfois une mémoire sélective.

Certaines personnes n'ont jamais bénéficié d'une reconnaissance des violences subies. À la Libération, la République a repris la loi de 1942 à son compte, établissant une continuité juridique avec le régime de Vichy.

Les homosexuels étaient coupables d'être. Ils ont été intimidés, persécutés, fichés, emprisonnés, blessés, tués, car ils existaient. Quant aux lesbiennes, on considérait qu'elles n'existaient même pas : elles ont été moins condamnées, car on ne les respectait pas assez pour admettre qu'elles existaient...

Le minimum, pour une société dont la devise est « liberté, égalité, fraternité » est de reconnaître sa responsabilité dans les persécutions subies par les personnes homosexuelles durant quarante ans. Il faut aussi réparer, car reconnaître sans réparer, c'est reconnaître à moitié.

Nous avons tous dit à quel point le régime discriminatoire de 1942-1982 était horrible, mais il a fallu attendre 2010 pour que le transsexualisme soit retiré de la liste des maladies psychiatriques, 2013 pour que le mariage ne soit plus homophobe, 2018 pour que les personnes décédées atteintes du Sida bénéficient de soins funéraires, 2021 pour que la PMA cesse d'être lesbophobe - et nous attendons qu'elle cesse d'être transphobe. Jusqu'en 2016, l'État a forcé les personnes trans à subir des stérilisations forcées pour être reconnues. Une personne trans ne peut toujours pas décider qui elle est, un juge doit le faire, alors que l'identité de genre des personnes cisgenres est reconnue depuis toujours.

La France a été condamnée trois fois par les Nations unies pour mutilation de personnes intersexes, souvent dès la naissance.

Nous aurons peut-être, dans quarante ans, à nous pencher sur une loi qui demandera pardon aux personnes trans stérilisées, aux personnes intersexes mutilées et à toutes celles et tous ceux qui se seront suicidés, car ils n'auront pas tenu.

Nous pouvons dès maintenant faire l'égalité réelle et totale pour toutes les personnes LGBT. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Ian Brossat .  - Un vieux penseur barbu disait que celui qui ne connaît pas l'histoire est condamné à la revivre. Cette proposition de loi permet de regarder en face des pages de notre histoire. Des hommes, par milliers, ont été réprimés pendant quarante ans pour leur orientation sexuelle.

Cette loi vichyste de 1942 punissait les hommes coupables d'être homosexuels. En 1960, l'homosexualité est considérée comme fléau social. N'oublions pas tous ceux qui ont subi la répression et les raids dans les lieux de rencontre.

Il a fallu attendre la loi Forni de 1982. Toujours en 1982, Jack Ralite, retire l'homosexualité de la liste des maladies mentales.

Tant de vies brisées : opprobre, licenciement, rupture familiale... Comment cette discrimination législative a-t-elle pu durer si longtemps ? C'est parce qu'elle avait des soutiens, parmi les ministres et les parlementaires, qui militaient pour cette homophobie d'État. (Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Audrey Linkenheld le confirment.) Il est trop facile de rejeter la faute sur la société. Ce n'est pas faire injure au Sénat que de rappeler qu'en 1982, il a voté contre la dépénalisation. Pour se justifier, le rapporteur Étienne Dailly considérait l'homosexualité comme un dérèglement physiologique et les homosexuels comme des enfants égarés.

Pourquoi, après la dépénalisation, des hommes et femmes sont-ils encore victimes d'homophobie ? Car, même au plus haut niveau de l'État, des propos homophobes continuent d'être prononcés. Au moment du débat sur le Pacs, Christine Boutin faisant mine de pleurer sur les homosexuels, Muguette Jacquaint lui a répondu : « quand je vous entends, je comprends qu'ils souffrent. »

À la fois pour ceux condamnés hier et pour ceux qui vivent l'homophobie aujourd'hui, cette proposition de loi est bienvenue.

(Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)

Mme Nathalie Delattre .  - Il y a des législations dont le législateur se passerait bien. Il en va ainsi de celle reconnaissant une discrimination contre les homosexuels.

Je salue l'initiative d'Hussein Bourgi, ainsi que le travail du rapporteur.

Trois dispositifs sont proposés. Le premier est déclaratif : reconnaître la discrimination à l'encontre des personnes homosexuelles entre 1942 et 1982. Une loi d'amnistie a été adoptée, mais sans réparation des souffrances morales. Avec ce nouveau dispositif, notre nation demanderait pardon pour ces discriminations passées.

Je suis en revanche réservée sur l'article 2, déjà couvert par la définition du crime contre l'humanité. Le négationnisme doit être condamné sévèrement, dans sa globalité, sans qu'il y ait besoin de dresser une liste exhaustive des situations.

Je suis plutôt favorable à l'article 3 sur la compensation, d'autant qu'il s'agit d'un geste plus symbolique qu'onéreux.

L'homophobie reste préoccupante dans notre société. Les agressions physiques homophobes augmentent, marquant l'échec de nos politiques sociales et éducatives. L'homophobie n'est pas une posture ni une opinion, c'est un délit à condamner fermement. Nous voterons donc pour cette proposition de loi, malgré quelques réserves. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

Mme Nadège Havet .  - Le 4 août 1982, la loi du député Raymond Forni abrogeait le délit d'homosexualité. Le garde des sceaux, Robert Badinter, avait alors déclaré qu'il était temps de prendre conscience de tout ce que la France devait aux homosexuels.

Nous ne saurions maintenir un texte discriminatoire dans notre droit.

Pendant quarante ans, certaines relations homosexuelles ont été condamnées. La loi de 1982 a mis un terme à une injustice. Ce fut un soulagement, ces peines se doublant d'une réprobation morale et familiale. Je salue la mobilisation du sénateur Henri Caillavet.

J'apporte aussi mon soutien à tous ceux qui ne se sentent toujours pas libres de vivre leur orientation sexuelle.

Un acte homophobe est commis tous les deux jours. Restons mobilisés.

Monsieur Bourgi, votre proposition de loi vise à reconnaître et apporter réparation aux anciens condamnés. Le RDPI votera pour.

La logique de criminalisation et de discrimination des homosexuels doit être reconnue, comme l'ont déjà fait l'Espagne, le Canada, l'Allemagne et l'Autriche.

Le dispositif proposé se veut consensuel. Nous soutenons cette démarche collective : pendant des années, des hommes ont été traités comme des criminels. En 2022, Élisabeth Borne s'était engagée à « réparer ce qui peut l'être » dans un entretien accordé à Têtu.

Je salue notre diplomatie qui oeuvre en faveur de la dépénalisation dans le monde - 69 pays criminalisent encore l'homosexualité, dont 11 prévoient la peine de mort.

On ne doit pas être condamné pour qui on est. Aujourd'hui, le Sénat est au rendez-vous. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER, du RDPI et du RDSE)

Mme Audrey Linkenheld .  - « On peut se demander, avec le recul, comment des députés français, c'est-à-dire par définition des femmes et des hommes qui devraient avoir l'intelligence de nos libertés fondamentales puisqu'ils sont chargés de les défendre, ont pu légiférer pour réprimer l'homosexualité. » Tels étaient les propos de Gisèle Halimi en 1981. Pourquoi de telles lois sont-elles votées au XXe siècle, alors que depuis la Révolution ces relations étaient décriminalisées ? Certes, c'est une loi de Vichy qui a rétabli cette pénalisation. Mais la réflexion était entamée dès la IIIe République, et les textes persistent après 1945 : l'ordonnance prise à la Libération se borne à les transférer d'un article à un autre du code pénal.

En 1960, l'amendement Mirguet assimile l'homosexualité à un « fléau social ». N'en déplaise au rapporteur, de 1942 à 1982, la même loi a cautionné toutes les oppressions contre les personnes homosexuelles.

L'ensemble du groupe SER, aux côtés de Hussein Bourgi, souhaite qu'au-delà de l'amnistie et de l'abrogation en 1981 et 1982, il soit reconnu que le législateur a commis une faute et brisé des vies, par des amendes, de l'emprisonnement et, surtout par l'opprobre social qui en a résulté.

Tel élève avocat lillois, reçu au barreau, n'a ainsi jamais pu exercer le métier de ses rêves à cause d'une condamnation et a fini surveillant dans un lycée. Son traumatisme social a été plus important que l'amende... Mais au moins que ce qui peut être réparé le soit. Le coût sera limité en raison du faible nombre de survivants, le temps étant passé - et le sida. Mais l'effet de ces réparations sera très fort sur les esprits.

Nous restons attachés à la réparation au cas par cas et à la reconnaissance d'un délit spécifique de négation de la déportation des homosexuels, vérité historique établie. Sa minimisation doit être sanctionnée. Monsieur le rapporteur, indivisibilité ne doit pas signifier invisibilité. (M. François-Noël Buffet s'en émeut.) Je regrette qu'il n'ait pas été possible d'organiser davantage d'auditions, et remercie Florence Tamagne et Sébastien Landrieux d'avoir partagé leurs travaux avec moi.

Je suis fière que cette proposition de loi ait été déposée un 6 août 2022 par un socialiste, et j'espère qu'elle sera votée aujourd'hui. Le Sénat a failli être en avance sur l'Assemblée nationale en 1978, il peut se rattraper aujourd'hui. À nous, ici, d'apporter les excuses et la reconnaissance de la République à ces milliers d'hommes et à ces centaines de femmes punies pour ce qu'ils et elles étaient. À nous de faire un pas de plus pour l'égalité des droits.

J'invite tous les groupes politiques à entendre les voix de ces condamnés et à dépasser arguties juridiques et postures politiques pour adopter cette proposition de loi dans son acception large, pour que plus jamais on ne se demande pourquoi des parlementaires ont refusé cette liberté fondamentale, celle d'aimer. (Applaudissements à gauche)

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi est fondée sur deux faits : la déportation des personnes homosexuelles pendant la Seconde Guerre mondiale et la discrimination par la loi pénale de l'homosexualité, considérée comme une circonstance aggravante dans le délit d'outrage à la pudeur.

L'auteur propose un délit de négationnisme et d'indemniser les personnes victimes de la discrimination. Le rapporteur propose une réponse différente, tout en reconnaissant la réalité de cette discrimination (M. Francis Szpiner acquiesce) : il considère que le négationnisme est déjà puni et qu'il serait dangereux de l'isoler ; il refuse la réparation au nom de la prescription et souligne qu'il est difficile de condamner l'État pour l'application de la loi ; il propose d'exclure la période du régime de Vichy, pour laquelle la République n'a pas à s'excuser. Nous le suivrons et voterons un texte reconnaissant qu'il y a eu une discrimination dans la loi française pour les personnes homosexuelles.

Mais je m'associe aux propos du rapporteur et du garde des sceaux : il est difficile de juger le passé avec les yeux du présent. (Mme Audrey Linkenheld proteste.) À la lecture des comptes rendus des débats du Sénat en 1982, c'est flagrant : on s'était alors demandé si la dépénalisation de l'homosexualité en 1791 n'avait pas été votée parce que Cambacérès avait cette orientation sexuelle...

On le voit aussi avec l'ordonnance de 1945, certes prise par le général de Gaulle, mais validée par un conseil des ministres où toutes les tendances politiques étaient représentées : personne n'avait protesté, car c'était l'état de la morale à cette époque.

Mme Laurence Rossignol.  - Quel relativisme !

Mme Muriel Jourda.  - Il nous a beaucoup été reproché, pendant l'examen de la loi sur l'immigration, de ne pas citer le pape François. (On s'en amuse sur quelques travées du groupe SER.) Je le citerai donc aujourd'hui : « Qui sommes-nous pour juger ? » (Murmures à gauche ; M. Mickaël Vallet proteste.) Il n'y a d'ailleurs rien à juger : l'homosexualité fait partie de la vie privée. Le groupe Les Républicains votera ce texte amendé par la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)

M. Joshua Hochart .  - L'homophobie perdure en France, et nous regrettons souvent que ses causes soient délibérément ignorées, notamment dans certains quartiers...

M. Rachid Temal.  - Ah !

M. Joshua Hochart.  - Chaque jour, des jeunes sont harcelés en raison de leur orientation supposée. Chaque jour, des couples de même sexe doivent se cacher. En 2022, nous avons connu une hausse de 28 % des actes anti-LGBT.

Nous serions plutôt favorables à la reconnaissance portée par ce texte. Mais certains points gâchent tout : ils parlent de la France, alors que les Français ne sont pas responsables des erreurs de leurs dirigeants. Surtout, Vichy, ce n'était pas la France, qui vivait sous le joug nazi.

Cette proposition de loi, qui répond à un légitime souhait d'indemnisation, ne doit pas être un prétexte pour éviter de répondre à l'homophobie d'aujourd'hui, issue de l'islamisme, lequel vise les femmes, les Juifs et les homosexuels.

Discussion des articles

Article 1er

Mme Hélène Conway-Mouret .  - J'ai cosigné cette proposition de loi. La France a eu ses Lumières : elle fut le premier pays au monde à supprimer la pénalisation de l'homosexualité. Elle a aussi ses parts d'ombre, avec la loi de 1942 et l'ordonnance de 1945.

La proposition de loi de Hussein Bourgi nous permet de reconnaître les erreurs commises et de les réparer, pour emprunter la voie courageuse tracée par l'Allemagne, l'Espagne ou le Canada, qui ont instauré des réparations financières.

Comment les députés français ont-ils pu ainsi légiférer, demandait Gisèle Halimi à Robert Badinter ?

Tendons la main à ceux qui ont été marginalisés, lésés. Envoyons un message de respect et de tolérance à une société en quête d'apaisement. Je vous invite à voter ce texte.

M. Pierre Ouzoulias .  - Monsieur le rapporteur, vous excluez Vichy du texte, car cette période « ne paraît pas pouvoir être prise en compte ». Or le Parlement a voté à l'unanimité la loi du 22 juillet 2023 portant reconnaissance des spoliations antisémites entre le 10 juillet 1940 et le 24 août 1944. Il ne peut y avoir reconnaissance des crimes de Vichy sans celle des lois de Vichy, et il serait incompréhensible que le Parlement reconnaisse les spoliations antisémites, mais pas la persécution des homosexuels.

Certes, Vichy n'était pas la République, mais un régime à la tête duquel le maréchal Pétain avait obtenu les pleins pouvoirs : 569 parlementaires avaient voté pour, 80 contre. Merci à ces 80 ! (Applaudissements à gauche)

M. Victorin Lurel .  - Il faudrait un jugement par un tribunal international pour punir le négationnisme ? On avait opposé le même argument pour la reconnaissance du génocide arménien, ou pour la loi Taubira. Monsieur le rapporteur, ne vous fondez pas sur une jurisprudence particulièrement réactionnaire de la Cour de cassation : il est possible de créer un délit spécifique.

Mme Anne Souyris .  - L'homophobie tue et le silence a tué, même après l'abrogation de 1982. La République doit le reconnaître, sinon cela ne s'arrêtera pas.

En juin 1992, dix ans après la détection du « cancer gay », j'écrivais, dans le numéro 40 du journal du sida, qu'il était inutile de cacher les toxicos et les homos ; en 1982, un an après que le premier article de presse relatif au sida paraît dans le New York Times, la France dépénalise l'homosexualité. Trop tard : la stigmatisation perdure et l'épidémie s'installe. L'homosexualité est condamnée à mort par une épidémie que l'homophobie d'État n'a pas voulu reconnaître et combattre à temps. La stigmatisation a perduré et l'épidémie s'est installée.

Je voterai cette proposition de loi. Poursuivons cette politique mémorielle et de réparation sans purge de l'histoire. Sachons ce que nous devons aux combattants du sida. (M. Ian Brossat applaudit.)

M. Jean-Gérard Paumier .  - Les résistants homosexuels n'ont guère été honorés par la nation, et il faudrait leur rendre justice. Ainsi, l'écrivain Jean Desbordes, dit Duroc, un temps compagnon de Jean Cocteau, est mort sous la torture à 38 ans. Son nom d'écrivain est parmi les noms des écrivains morts pour la France, au Panthéon, mais pas son nom de résistant. Il a pourtant sauvé ses camarades en gardant le silence sous la torture.

Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin, a mis très longtemps à révéler son homosexualité dans son autobiographie.

Ce texte est important et symbolique, notre responsabilité aussi, à travers un texte de réparation et d'apaisement. (Applaudissements sur plusieurs travées à gauche)

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Szpiner, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

La République française reconnaît sa responsabilité du fait de l'application des dispositions pénales suivantes à compter du 8 février 1945, qui ont constitué une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle :

1° Le troisième alinéa de l'article 331 et le deuxième alinéa de l'article 330 du code pénal dans leur rédaction antérieure à la loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs ;

2° Le deuxième alinéa de l'article 331 du code pénal dans sa rédaction antérieure à la loi n° 82-683 du 4 août 1982 abrogeant le deuxième alinéa de l'article 331 du code pénal.

Elle reconnaît que ces dispositions ont été sources de souffrances et de traumatismes pour les personnes condamnées, de manière discriminatoire, sur leur fondement. 

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - Je propose une nouvelle rédaction : « La République française reconnaît sa responsabilité du fait de l'application des dispositions pénales suivantes à compter du 8 février 1945, qui ont constitué une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle » - suivent les dispositions en question. « Elle reconnaît que ces dispositions ont été sources de souffrances et de traumatismes pour les personnes condamnées, de manière discriminatoire, sur leur fondement. »

M. le président.  - Sous-amendement n°3 à l'amendement n 1 de M. Szpiner, au nom de la commission, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Amendement n° 1, alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette reconnaissance ouvre à ces personnes le bénéfice d'une réparation dans les conditions prévues à l'article 3 de la présente loi.

M. Hussein Bourgi.  - Ma préférence ne va pas à la rédaction du rapporteur. Si toutefois elle devait être retenue, il faudrait y ajouter au moins la réparation.

En droit français, lorsqu'une culpabilité est reconnue, le préjudice doit être indemnisé. J'entends qu'il pourrait être difficile de retrouver les victimes ; aussi je propose qu'elles se manifestent elles-mêmes, comme pour les harkis, ni plus ni moins.

D'éminents spécialistes du droit pénal, y compris au Sénat, ne partagent pas votre point de vue, monsieur le rapporteur. Une reconnaissance sans réparation, ce serait faire la moitié du chemin. Ne votons pas une loi de bonne conscience ; soyons cohérents jusqu'au bout. (Applaudissements à gauche)

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - En général, je ne réponds pas aux lettres anonymes : que ces éminents juristes se manifestent ouvertement ! La règle en droit civil, c'est la prescription.

De quoi résulte le préjudice ? De la loi pénale. Vous demandez à la République de réparer le fait que les tribunaux ont appliqué une loi de la République ? C'est d'autant plus difficile que le préjudice est plus encore le fait de la société que de la loi directement. La réparation symbolique, morale, est bienvenue, mais elle suffit. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Sagesse. L'important, c'est qu'il y ait un texte. Le Gouvernement n'entend pas entrer dans des dissensions - et encore le mot est mal choisi... Je n'exprimerai que des avis de sagesse. C'est rare pour le Gouvernement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - M. Darmanin a fait cela pendant toute la semaine il y a quinze jours...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je ne le savais pas...

Mme Laurence Rossignol.  - L'amendement du rapporteur pose de nombreux problèmes. Son intention est sûrement de protéger la République, qu'il ne veut pas voir assimilée à Vichy. Mais, ce faisant, vous effacez ce qu'ont subi les homosexuels sous Vichy. Vous effacez ce qu'a très bien évoqué notre collègue Paumier.

Je ne cite pas Jacques Chirac tous les jours, mais il a tenu des propos importants en son temps au Vél' d'Hiv'.

Aussi désagréables soient-elles, certaines politiques ont connu une grande continuité entre Vichy et la IVe République, comme celle qui s'est imposée aux femmes qui avortaient, et qui est allée parfois jusqu'à la peine de mort. Elle s'est même aggravée : à partir de 1946, les femmes qui recouraient à des avortements ont été systématiquement poursuivies. Les politiques moralistes visant à pénaliser les droits des femmes et des homosexuels ont été marquées par la continuité.

Par ailleurs, le texte de Hussein Bourgi ne parle pas de responsabilité ; c'est vous qui l'introduisez ! (Applaudissements sur quelques travées à gauche)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - L'amendement du rapporteur ne poursuit qu'un seul but : exclure la période de Vichy.

Sans doute pour faire un bon mot, le rapporteur dit : la gauche cite Jacques Chirac. Je ne cite pas Jacques Chirac, je cite le Président de la République, qui a dit le 16 juillet 1995 : « Reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l'État. Ne rien occulter des heures sombres de notre Histoire, c'est tout simplement défendre une idée de l'Homme, de sa liberté et de sa dignité. C'est lutter contre les forces obscures, sans cesse à l'oeuvre. »

Voilà ce que nous vous demandons aujourd'hui : pas d'analyser ce qui s'est passé sous Vichy, mais simplement de le prendre en compte. Il est curieux de vouloir effacer cette période de l'Histoire de notre mémoire collective. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Ian Brossat applaudit également.)

M. Pierre Ouzoulias.  - Monsieur le rapporteur, vous ne m'avez pas répondu sur le parallèle que j'établis entre la loi du 22 juillet 2023 et ce texte. À l'époque, le Gouvernement souhaitait confondre la responsabilité du Reich et celle de Vichy. MM. Max Brisson et Roger Karoutchi s'étaient exprimés avec force pour s'y opposer. Et le Sénat les avait suivis !

Avec l'amendement du rapporteur, vous revenez sur une avancée historique. Faites attention, car cela serait catastrophique, compte tenu de la montée des actes antisémites. (Applaudissements sur quelques travées à gauche)

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - N'oublions pas que les biens confisqués sous Vichy visés par la loi du 22 juillet 2023 étaient restés propriété de l'État...

Dans la proposition de loi, vous distinguez vous-même la période de Vichy et la IVe République. (Protestations à gauche) Il est faux de dire que j'introduis une telle distinction.

Le problème du négationnisme de la déportation des homosexuels est réglé par Nuremberg.

Quand le Président de la République - pardonnez ma familiarité qui me l'a fait appeler Jacques Chirac - tient ses propos sur Vichy, il dit « des Français » et « l'État français » ; il ne parle ni de la France ni de la République, car Vichy, ce n'est pas, ce ne sera jamais la République !

Mme Audrey Linkenheld.  - Vichy a consacré la pénalisation de l'homosexualité, conduisant à des condamnations et à des emprisonnements : vous effacez ces actes, qui ne correspondent pas à la déportation ! Si le négationnisme relève d'un autre débat, avec votre amendement, vous n'intégrez pas ces dispositions.

À la demande de la commission, le sous-amendement n°3 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°57 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 321
Pour l'adoption 122
Contre 199

Le sous-amendement n°3 n'est pas adopté.

À la demande de la commission, l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°58 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 221
Contre 116

L'amendement n°1 est adopté et l'article 1er est ainsi rédigé.

Article 2

M. Hussein Bourgi .  - J'ai une divergence majeure avec le rapporteur sur cet article. Il fait systématiquement référence à Nuremberg. Moi, je fais référence à ce qui se passe en France. En 2012, Christian Vanneste a évoqué la déportation pour homosexualité pendant la Seconde Guerre mondiale en parlant de « légende ». Jean-François Copé l'a courageusement exclu du parti. Des associations ont porté plainte, mais, lorsque l'affaire a été jugée en 2014, Christian Vanneste a été relaxé.

En 2022, durant la campagne pour l'élection présidentielle, Éric Zemmour a tenu exactement les mêmes propos ; une plainte est en cours. Nous ne pouvons pas attendre et espérer un revirement jurisprudentiel.

Je regrette que certaines associations faisant autorité sur la question en France n'aient pas été auditionnées - je pense au Mémorial de la déportation des homosexuels, et aux Oubliés de la mémoire. Plusieurs historiens ont aussi le sentiment d'avoir été délibérément mis de côté. Je le dis sans polémique : ils m'ont tous écrit, croyant que l'auteur du texte décidait des auditions. Nous devrions auditionner ces personnes lors de la deuxième lecture.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois.  - Puisque le Sénat a adopté l'amendement de la commission à l'article 1er, nous proposons de voter contre les articles qui suivent.

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - Concernant les auditions, ce n'est pas une mauvaise volonté de la commission. Nous devions travailler dans un temps contraint, comme cela a été souligné.

La relaxe de M. Vanneste ne résulte pas de la Cour de cassation, faute d'un pourvoi : c'est une décision de cour d'appel, à la portée plus limitée.

À la demande de la commission, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°59 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 306
Pour l'adoption 103
Contre 203

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

Mme Audrey Linkenheld .  - Le groupe SER est attaché à la reconnaissance des fautes commises et à leur réparation. Nous avons décrit ces vies brisées pour ces milliers d'hommes et ces centaines de femmes qui ont mal vécu les amendes, la prison et, pis encore, l'opprobre social, car les condamnations faisaient l'objet de publicité. Ruptures personnelles, professionnelles, sentimentales et familiales : telles en étaient les conséquences. Nous sommes attachés à une réparation symbolique de ces fautes.

Ces lois ont frappé d'abord les plus fragiles : personnes modestes, immigrés... Quand on est modeste, il est plus difficile de se payer un lieu de drague discret ou de négocier sa libération après une arrestation musclée... (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

À la demande de la commission, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°60 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 322
Pour l'adoption 119
Contre 203

L'article 3 n'est pas adopté.

Article 4

M. le président.  - Si cet article n'était pas adopté, l'article 5 deviendrait sans objet.

À la demande de la commission, l'article 4 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°61 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 325
Pour l'adoption 119
Contre 206

L'article 4 n'est pas adopté et l'article 5 n'a plus d'objet.

Intitulé de la proposition de loi

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Szpiner, au nom de la commission.

Remplacer la date :

1942

par la date :

1945

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - Coordination.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Sagesse.

M. Patrick Kanner.  - Ce débat aurait pu être plus consensuel. Le texte de M. Bourgi avait une cohérence.

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Celui de la commission aussi !

M. Patrick Kanner.  - Reconnaissance et réparation. La reconnaissance et la réparation de ces injustices commencées en 1942 et continuées par la République auraient été à l'honneur de notre Haute Assemblée.

Monsieur le garde des sceaux, nous allons, malgré la déconstruction du texte de Hussein Bourgi, voter pour : le Gouvernement favorisera-t-il son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

À la demande de la commission, l'amendement n°2 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°62 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 243
Contre 98

L'amendement n°2 est adoptéet la proposition de loi est ainsi intitulée.

À la demande de la commission, l'ensemble du texte est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°63 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 343
Contre     0

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements)

La séance, suspendue à 18 h 25, reprend à 18 h 35.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Jacques Fernique.  - Lors du scrutin n 62, le GEST voulait voter contre.

Acte en est donné.

Référendum d'initiative partagée

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à faciliter le déclenchement du référendum d'initiative partagée (RIP), présentée par M. Yan Chantrel et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Yan Chantrel, auteur de la proposition de loi constitutionnelle . - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.) Notre pays traverse une crise démocratique. Au second tour de l'élection présidentielle de 2022, l'abstention a atteint 28 %, un record depuis 1969. Plus d'un Français sur deux ne s'est pas déplacé pour voter aux législatives de 2017, deux sur trois aux régionales de 2021 et, pour la première fois de notre histoire, plus de 50 % aux municipales de 2020.

On a beaucoup disserté sur les causes de ce désamour, parfois présenté comme une fracture démocratique qui touche les jeunes, les plus précaires, les moins diplômés. Mais en réalité, tous les Français sont concernés. Le politiste Rémi Lefebvre s'alarmait dans l'Obs il y a quelques jours que la politique n'intéresse plus personne.

Depuis sept ans, la situation est aggravée par une pratique solitaire, brutale et autoritaire du pouvoir. Articles 44.2, 44.3, 47-1, 49.3... Les coups de boutoir constitutionnels employés à l'occasion d'une réforme des retraites rejetée par sept Français sur dix ont poussé la logique de la Ve République jusqu'à ses limites.

Le déséquilibre de nos institutions, marqué par un exécutif monarchique, n'a cessé de saper la confiance de nos concitoyens dans nos politiques. Ainsi, 64 % des Français estiment que la démocratie fonctionne mal en France - 7 points de plus en un an, 12 de plus que chez nos voisins. C'est bien la pratique actuelle du pouvoir, doublant ce déséquilibre d'un mépris pour le Parlement et les corps intermédiaires, qui les écoeure.

Patrick Boucheron indiquait dans le Monde : « Je n'ai pas l'expérience d'un gouvernement qui ait à ce point méprisé les sciences sociales, l'université, l'exercice collectif de l'intelligence, le mouvement social : tant de suffisance pour tant d'insuffisances. » L'exercice collectif de l'intelligence, voilà ce que je souhaite remettre à l'honneur.

Alors qu'ils n'aspirent qu'à participer davantage à la vie démocratique de notre pays, les Français se sentent dessaisis du processus de décision publique. En atteste la colère, voire la violence, qui s'exprime dans la rue à chaque nouveau passage en force. Remettons les citoyennes et les citoyens au coeur du processus démocratique ! Passons d'une démocratie gouvernée à une démocratie gouvernante.

La modernité se mesure au degré de participation des citoyens : la France est en retard. À une démocratie intermittente, préférons la délibération, le dialogue et la concertation. C'est d'autant plus urgent que nos concitoyens pourraient être poussés à confier nos institutions déséquilibrées à des forces politiques à l'agenda illibéral...

Il faut un nouveau souffle, en contraste radical avec la gestion paternaliste et la passivité populaire que produit notre Constitution.

Conventions citoyennes, tirage au sort, droit de pétition, consultations locales, droits d'initiative citoyenne : les Français doivent être plus souvent associés aux décisions qui les concernent, alors que 68 % d'entre eux pensent que la démocratie fonctionnerait mieux s'ils étaient directement associés aux décisions prises.

L'heure est venue de faire confiance au peuple ! Soyons fidèles à l'article 3 de la Constitution, selon lequel « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »

C'est pourquoi la révision constitutionnelle de 2008 avait introduit le référendum d'initiative partagée (RIP). Pourtant, presque dix ans après la promulgation des lois du 6 décembre 2013, aucune des cinq propositions de référendum n'a pu surmonter un parcours semé d'embûches : soutien de 185 parlementaires, puis de 4, 8 millions de citoyens inscrits sur les listes électorales, passage des fourches caudines du Conseil constitutionnel, puis bienveillance du Parlement...

Chacun le reconnaît : les concepteurs du RIP ont tout fait pour qu'il soit inapplicable. Le rapporteur reconnaît d'ailleurs que les garde-fous se sont révélés de véritables herses juridiques, et partage la nécessité de simplifier la procédure.

L'ambition de ce texte n'est pas plus grande. Sa méthode est simple : il s'appuie sur l'expérience de ces dernières années et sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour lever les verrous qui empêchent l'expression directe du peuple : élargissement du champ du référendum, abaissement du nombre de parlementaires à 93, abaissement du nombre de signatures de citoyens à 1 million, initiative aux citoyens eux-mêmes, explicitation du veto accordé au Parlement.

Difficile, pour nous parlementaires, de partager le peu de pouvoirs que nous accorde la Ve République. Mais la représentation et le référendum ont tous deux des vertus ! En démocratie, le peuple est souverain et nous n'en sommes que les modestes représentantes et représentants. Nous devons tout faire pour faciliter son expression. La démocratie ne cesse jamais de s'approfondir, sinon elle meurt.

N'ayez pas peur, faites confiance aux Français, et montrez-leur qu'ils peuvent avoir confiance dans la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; l'orateur est félicité par ses collègues en regagnant son siège.)

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie M. Chantrel et le groupe SER de nous donner l'occasion d'un débat sur le RIP, qui fait l'objet de nombreux travaux, dont certains autour du président du Sénat. Le Président de la République a lui-même annoncé des initiatives à ce sujet. Il n'est pas anormal, 18 ans après l'entrée en vigueur du dispositif, d'en faire une évaluation.

M. Patrick Kanner.  - Pour le moment, ce n'est pas terrible !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - J'ai abordé cette question avec un esprit d'ouverture, au cours de deux longs entretiens très confiants avec M. Chantrel. J'en ai conclu que le sujet était trop important pour être traité dans le cadre de cette proposition de loi, le temps qui nous est imparti étant très court.

Il n'y a pas d'objection de principe à étendre le champ du référendum. La Constitution a été modifiée en ce sens en 1995 et en 2008. La vertu du travail parlementaire est précisément la recherche de terrains d'entente et la conciliation des points de vue. Toutefois, j'ai estimé que nous ne pouvions aboutir en raison de problèmes techniques, politiques et juridiques.

Tout d'abord, ce texte ne se borne pas au RIP, mais traite aussi du référendum inscrit à l'article 11 de la Constitution, arme confiée au Président de la République pour pouvoir, sur des sujets d'importance capitale pour le pays, donner la parole aux Français. Cet apport de la Constitution de 1958 était en rupture avec la tradition républicaine en vigueur, le référendum ayant été proscrit pendant près d'un siècle.

Dans un régime à la verticalité aggravée, il est surprenant que l'on ait logé ce RIP à l'article 11 de la Constitution, parmi les pouvoirs sans contreseing du Président de la République ! Votre texte, qui retire l'exigence que le référendum porte sur une réforme, et qui l'étend aux mesures fiscales, prête donc à discussion.

Vous estimez que le texte de la révision de 2008 a empêché plusieurs RIP de se tenir. Mais - au vu des sujets proposés depuis - est-il bon d'exposer ce référendum à un taux d'abstention considérable, compte tenu du peu d'intérêt que les Français auraient pour la question posée - faut-il privatiser les Aéroports de Paris ?

M. Patrick Kanner.  - Non !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Êtes-vous sûrs de vouloir un taux de participation de 15 % ? Banaliser le RIP est la meilleure façon de le tuer !

Je suis donc circonspect : votre texte élargit les pouvoirs du Président de la République. En ce qui me concerne, je trouve qu'il en a déjà bien assez... Et vous risquez de tenir en échec une disposition encore toute jeune. Si elle n'a pas fonctionné pendant huit ans, cela ne signifie pas qu'elle ne fonctionnera jamais.

Mobiliser 48 millions d'électeurs parce que 1 million d'entre eux a estimé qu'il fallait soumettre telle ou telle question au vote des Français représente une grande prise de risque, d'autant qu'avec ce seuil, il suffit qu'un groupe de pression ou qu'une bande d'activistes se mobilisent...

J'en viens aux dispositions relatives au RIP. Un million de signataires, ce n'est pas assez, mais vous me dites que 4,8 millions, c'est trop ! Nous n'avons pas eu le temps de déterminer le nombre adéquat. Nous pourrions certainement trouver un compromis.

M. Patrick Kanner.  - Il fallait amender !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Quant au nombre de parlementaires, il n'a pas été un obstacle jusqu'à présent. Pourquoi donc le modifier ?

Vous souhaitez en outre créer une procédure de RIP inversée, commençant par les signatures de citoyens.

M. Yan Chantrel.  - C'est l'un ou l'autre !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Il faut bien un contrôle de constitutionnalité. Or si ce dernier se fait avant les secondes signatures, on considérera qu'on ne donne pas sa chance à la procédure. S'il a lieu après, et que le Conseil devait constater une atteinte aux droits de l'homme, cela le placerait dans un profond embarras.

Vous avez enfin proposé que le référendum soit obligatoire sauf en cas de rejet du texte par le Parlement. Vous avez raison, si le Parlement rejette un texte de loi, nous ne pourrions le soumettre aux Français ! Mais vous n'avez pas envisagé le cas de l'adoption d'un texte par le Parlement, y compris après amendement. Voulez-vous donc qu'un tel texte puisse être ensuite rejeté par le pays ? Ce travail mérite d'être achevé.

Sans vous opposer une fin de non-recevoir, la commission des lois n'a pas approuvé votre texte. Je souhaite que nous en rediscutions dans les mois à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - « La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. » Voilà ce qu'a tranché l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, surmontant ainsi le débat entre souverainetés nationale et populaire.

Rousseau affirmait que toute loi non ratifiée par le peuple était nulle quand Sieyès, en parfait contrepoint, estimait que le peuple ne pouvait agir que par ses représentants.

La Constitution de 1958, dont nous venons de fêter le 65e anniversaire, a choisi une voie médiane : l'article 3 dispose que la souveraineté appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et le référendum, dont son article 11 définit les conditions. Ainsi, le Président de la République pouvait soumettre à référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.

La révision constitutionnelle du 4 août 1995 en a étendu le champ à la politique économique ou sociale ainsi qu'aux services publics, et celle de 2008 aux questions environnementales. Surtout, cette dernière a créé le RIP : c'est une forme d'audace que de mettre entre les mains de citoyens un outil leur permettant de s'impliquer activement dans la vie citoyenne, qui porte de fortes attentes, mais aussi de la frustration.

À l'heure du premier bilan, les pistes d'amélioration sont claires.

Le législateur avait érigé de solides garde-fous pour que ce référendum ne puisse ni remettre en cause la stabilité des institutions ni être dévoyé à des fins démagogiques.

Les cinq propositions de RIP témoignent de l'intérêt des citoyens et des parlementaires, mais aucune n'a abouti. Les garde-fous ne sont cependant pas des herses infranchissables.

Si le seuil d'un cinquième des parlementaires peut être atteint, cela est plus douteux pour celui d'un dixième des électeurs. L'initiative la plus avancée n'a pu recueillir qu'un million de signatures sur les 4,7 millions requises.

Le premier alinéa de l'article 11 de la Constitution mériterait d'être clarifié. La capacité des assemblées à mettre un terme aux tentatives de référendum est critiquée. Cependant, si certains souhaitent contraindre le Parlement, veillons à ne pas le déposséder.

Réfléchissons collectivement : le dispositif est-il à la hauteur de notre ambition pour la démocratie ? Le RIP mérite clairement d'être amélioré. En ce sens, la proposition de loi du sénateur Chantrel propose des pistes intéressantes. Tout d'abord, l'abaissement du nombre de signatures de citoyens est bienvenu, mais c'est moins évident pour le seuil de parlementaires.

Ensuite, il serait intéressant que les citoyens puissent être à l'initiative.

Je suis en revanche moins convaincu par l'extension du champ référendaire à la politique fiscale, prérogative essentielle du Parlement. Les travaux préparatoires sur l'article 11 de la Constitution explicitent le refus du législateur d'intégrer la fiscalité à ce champ.

Par ailleurs, remplacer le terme « examiner » par « rejeter » pourrait poser problème. Le texte doit-il être adopté par les deux chambres ou une seule d'entre elles ? Sur ce point, la réflexion doit se poursuivre.

Vous souhaitez rendre plus efficace et accessible le RIP. À l'occasion du 65e anniversaire de la Constitution, le Président de la République, le 4 octobre 2023, s'est prononcé en faveur d'une plus grande sollicitation des citoyens. Le Gouvernement entend réformer le RIP, notamment ses seuils.

La discussion sur le champ du référendum doit se poursuivre. Je note, monsieur Chantrel, que vous n'avez pas voulu intégrer les sujets de société, comme l'avait fait le Gouvernement dans un précédent projet.

Il convient de limiter la concurrence des légitimités entre citoyens et parlementaires, et éviter que l'on puisse revenir sur une loi tout juste adoptée. Il ne faut pas opposer citoyens et parlementaires, mais les associer.

Nous devons dégager des lignes de consensus et je suis convaincu que nous les trouverons. Toutefois, à ce stade de notre réflexion, je ne peux me prononcer favorablement sur cette proposition de loi.

Le Sénat prend toute sa part dans cette réflexion, notamment à l'initiative du président Larcher. La niche socialiste d'aujourd'hui et celle du groupe CRCE-K du mois dernier, qui comprenait également un texte constitutionnel, montrent l'implication de votre assemblée. Je forme le voeu que, demain, nous nous retrouvions autour d'une réforme constitutionnelle qui soit une grande avancée pour la démocratie.

M. Philippe Bonnecarrère .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Reconnaissons à nos collègues socialistes de nous offrir l'occasion d'une réflexion utile et d'une forme de clarification.

Démocraties participative et représentative sont des thèmes intéressants. Toutefois, le référendum est plus un outil de solution de crise qu'un mode normal de législation.

Un cinquième des membres du Parlement : le seuil est bon, inutile de le diviser par deux.

Le contrôle du Conseil constitutionnel sur les seuils, le champ référendaire et la conformité à la Constitution est satisfaisant. Il y a un risque de conflit de légitimité si les citoyens découvrent à mi-chemin de leur démarche qu'elle n'est pas constitutionnelle. Ils doivent en être informés en amont.

Recueillir sur neuf mois 4,8 millions de signatures est trop juste : peut-être qu'un seuil de 2 millions pourrait être une option satisfaisante.

Autre faiblesse, et alors qu'au Sénat, nous ne cessons d'en réclamer : ce texte ne comprend pas d'étude d'impact. Sans analyse satisfaisante, l'exercice que vous proposez est hasardeux.

Il serait important d'être plus précis sur le cas où un RIP serait refusé par une des deux chambres : le choc de légitimité apparaît dans toute sa splendeur lorsque le Parlement refuse le texte. (M. Éric Dupond-Moretti le confirme.)

Quand on dit le Parlement, dois-je comprendre Sénat et Assemblée Nationale ? Auquel cas une utilisation en miroir de l'article 89, qui mentionne les deux, est possible.

Si le Parlement doit être saisi, il est raisonnable qu'il puisse amender ou compléter le texte proposé.

Par ailleurs, intégrer la politique fiscale au champ référendaire me choque moins que le rapporteur et le ministre, bien qu'il s'agisse d'une prérogative parlementaire. Le consentement à l'impôt est une base de notre démocratie. Reconnaissons, en outre, à nos collègues socialistes le mérite de ne pas avoir étendu le champ aux questions sociétales.

Enfin, un délai de réflexion entre la décision du Président de la République de recourir au référendum et sa tenue serait souhaitable.

Moyennant ces observations, je suis moins pessimiste que les précédents orateurs. Le RIP peut être un outil utile. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Francis Szpiner applaudit également.)

M. Guy Benarroche .  - Cette proposition de loi concerne un processus récent, qui n'a jamais abouti à ce jour. De nombreuses interprétations jurisprudentielles du Conseil constitutionnel sont en cause. La proposition de loi a pour objet d'y remédier. Toutefois, nous savons qu'elle ne sera pas adoptée, puisque même un droit de pétition au Cese ou la désignation de membres d'une convention citoyenne par tirage au sort posent problème à la majorité sénatoriale.

Tout d'abord, le texte élargit le champ du référendum. Notre groupe reste prudent, car cela comporte des risques de manipulation et de populisme. C'est cependant une façon, pour les auteurs, de répondre à une interprétation trop stricte du Conseil constitutionnel.

Ensuite, les auteurs souhaitent supprimer le terme de réforme, qui a fait l'objet d'une interprétation trop restrictive.

Par ailleurs, il abaisse les seuils du nombre de parlementaires et de citoyens requis pour lancer la procédure. Nous y sommes favorables pour une meilleure effectivité.

Les auteurs prévoient aussi un rejet exprès par le Parlement. Notre hémicycle s'est souvent élevé, à juste titre, contre l'impossibilité de se prononcer expressément sur certaines ratifications, comme celle du Ceta. Cette modification est essentielle.

Enfin, prévoir une initiative citoyenne corrige, à juste titre, l'asymétrie actuelle.

Notre société va mal, la démocratie représentative souffre. Chambre des territoires, nous savons que citoyens et élus locaux se sentent trop éloignés des décisions. Nous n'adhérons pas à une vision concurrentielle de la souveraineté, dont le Parlement est une forme essentielle, mais pas la seule. Amplifions les nombreuses expérimentations locales pour plus de démocratie participative et locale.

Nous pensons qu'un juste équilibre de la cohésion nationale et sociale doit être maintenu : il faut prévenir les conflits de délibération entre référendum et Parlement, mais de trop grands écarts entre élus et citoyens nécessitent un moyen correctif prévu par la Constitution.

Michel Debré rappelait que le seul souverain était le peuple, et que le Président de la République faisait appel à lui en cas de conflit. Le référendum pourrait être moins soumis au bon vouloir d'un seul, fût-il le Président de la République. Nous soutenons cette proposition. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

Mme Cécile Cukierman .  - Ce texte mériterait bien plus que deux heures de débat.

Nous devons nous mettre d'accord sur les constats. D'abord, nous traversons une crise démocratique. La France est malade d'une trop grande concentration du pouvoir entre les mains de l'exécutif et d'un Parlement non libre d'organiser ses travaux. Elle est malade en tous points, mais aussi en tous lieux, ceux de la démocratie communale et sociale. Dans ce contexte, il faut comprendre les appels au référendum.

Deuxième constat : la tradition césariste du référendum nous inspire la méfiance. Le RIP demeure un outil vertical, à la main du Président de la République, et une campagne référendaire est binaire : le peuple ne répond que par oui ou par non. En tant que parlementaires disposant du droit d'amendement, nous avons du mal à le concevoir. Cela va à l'inverse de la recherche de constructions communes, sans garantir une hausse de la participation électorale.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Absolument !

Mme Cécile Cukierman.  - N'oublions pas le problème de concertation des médias, et l'absence de culture référendaire depuis le référendum de 2005, dont le résultat a été outrepassé.

Par ailleurs, le terme de réforme est malvenu ; il faut au moins le définir plus précisément.

Le référendum doit en outre porter sur des sujets vitaux pour la Nation, et ne doit pas être banalisé, comme cela risque d'être le cas le 12 décembre, avec la proposition de loi constitutionnelle issue de la majorité sénatoriale.

Le poids du Conseil constitutionnel dans le RIP doit être repensé, mais on ne peut s'en passer. Peut-être devrait-il se borner à vérifier les soutiens et le respect des droits fondamentaux.

Le seuil de 4,9 millions de citoyens nous semble poser problème, mais pas celui de 185 parlementaires.

Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)

M. Henri Cabanel .  - Michel Rocard résumait le référendum ainsi : « Un référendum, c'est une excitation nationale où on met tout dans le pot. On pose une question, les gens s'en posent d'autres et viennent voter en fonction de raisons qui n'ont plus rien à voir avec la question. »

Dans C'est arrivé hier, Françoise Giroud, elle, considérait que lors d'un référendum, les gens ne répondent pas à la question qu'on leur pose, mais votent contre celui qui la pose.

On voit l'intérêt des Français pour cet outil : 88 % sont favorables aux référendums sur des sujets de société, 82 % souhaitent confier aux citoyens l'initiative d'un RIP et 71 % abaisser le seuil de signatures.

Le Président de la République a mis ce sujet au coeur des rencontres de Saint-Denis, tandis que les gilets jaunes ont mis en lumière la demande d'un référendum d'initiative citoyenne ou populaire.

La défiance du peuple s'explique par le fiasco du référendum de 2005 sur la constitution européenne, lancé par Jacques Chirac - le non l'a emporté par 54,6 % des voix - que Nicolas Sarkozy a contourné deux ans plus tard.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Ce n'est pas le même traité !

M. Mickaël Vallet.  - C'est un scandale !

M. Henri Cabanel.  - C'était un vote sanction. Lorsqu'il s'agit de sujets de société, il faut raison garder. Un simple « oui » ne suffit pas à traiter de sujets sensibles. À l'heure des fake news, où iront nos concitoyens ? Une sensibilisation devra être mise en place.

Le RDSE défend une utilisation modérée des RIP, et s'oppose à l'abaissement du seuil de 185 parlementaires, que la défense de l'hôpital public, en août 2021, avait largement rassemblé.

Le seuil de citoyens doit en revanche être raisonnable et représentatif.

Nous devons travailler sur d'autres formes de démocratie et encourager les référendums locaux qui vont acculturer les citoyens. Ils contribueront aux solutions que les élus proposeront.

Il ne faut pas remettre en cause la démocratie représentative, ciment de notre République. Le groupe de travail Larcher a intégré ce sujet dans son programme.

Cette proposition de loi n'est pas la solution, mais elle ouvre le débat. La réforme des institutions doit être pensée globalement et non en silo : c'est ce qu'attendent les Français.

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Si l'origine du RIP est ancienne, c'est la révision de 2008 qui a modifié l'article 11 de la Constitution pour en préciser les modalités. Nous sommes tous d'accord pour juger que les modalités de mise en oeuvre du RIP sont trop complexes. Aucun n'a pu être organisé, malgré cinq tentatives.

Le Président de la République avait envisagé une simplification de la procédure dès 2019. Je salue l'initiative de Yan Chantrel qui propose d'élargir le champ du référendum, d'abaisser les seuils, de créer une deuxième procédure symétrique, de rendre la tenue du RIP obligatoire sauf rejet du texte par le Parlement.

Mais en matière de démocratie participative, tout est une question d'équilibre, de garde-fous pour éviter le contournement du Parlement.

En l'état, ce texte n'atteint pas ces objectifs. La deuxième rencontre de Saint-Denis devait être l'occasion de réfléchir à ce sujet, or trois grandes formations politiques n'y ont pas participé. Il est apparu que la réflexion n'était pas mûre.

Plusieurs points sont susceptibles d'entraîner des conséquences dont on ne mesure pas la portée, notamment l'abaissement du seuil à un million d'électeurs, sur 48 millions. Gare au risque de manipulations ou d'abus de la part de minorités organisées.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Exactement.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Le RIP a été conçu pour des questions d'importance exceptionnelle et nationale ; gare à ne pas en diluer l'impact en y recourant pour des questions locales ou moins cruciales. Si chaque question controversée déclenchait un référendum, cela pourrait entraîner une instabilité politique et juridique. Les décisions cruciales pour la nation doivent être prises non dans l'urgence mais après une délibération approfondie.

Il me semble en outre qu'une telle modification des contours du RIP nécessite la révision d'autres articles de la Constitution, ne serait-ce que sur les compétences du Conseil constitutionnel. Le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique de 2019 proposait d'ailleurs de créer un nouveau titre, « De la participation citoyenne ».

Bien que nous soyons nombreux à défendre la démocratie participative, nous devons faire preuve de prudence et mesurer les conséquences à long terme. Trancher une telle question dans le cadre d'un espace réservé serait précipité.

Le RDPI aura une position neutre. Sauf pour certains d'entre nous, nous nous abstiendrons.

M. Éric Kerrouche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST) Entre les deux tours de la présidentielle, Emmanuel Macron avait annoncé ne pas exclure une consultation des Français sur son projet de réforme des retraites - excellente proposition qu'il a courageusement concrétisée, comme chacun sait. (M. Éric Dupond-Moretti soupire.) Lors de son premier mandat, il avait de la même manière envisagé de soumettre au référendum les propositions de la Convention citoyenne sur le climat...

En face, Marine Le Pen proposait un référendum d'initiative citoyenne pour consulter les Français sur des sujets de société, comme la priorité nationale ou l'immigration. Toute ressemblance avec des propositions actuelles est fortuite...

Avec le talent d'un horloger, Emmanuel Macron l'a proposé en plein projet de loi Immigration - avant de rebrousser chemin. En 2019, il avait déjà proposé de modifier le champ référendaire ; il vient d'y renoncer.

En France, le référendum est un instrument essentiellement présidentiel, dont la pratique est délaissée depuis vingt ans. Dans d'autres démocraties occidentales, le recours y est plus fréquent.

Le problème a été sa dérive plébiscitaire. Pourtant, les travaux préparatoires de la Constitution de 1958 montrent qu'initialement, le champ de l'article 11 devait être bien plus étendu.

La France n'a pas connu de référendum depuis 2005, malgré six tentatives et autant d'échecs. Les prétendus garde-fous sont en réalité des murailles. Nous ne nous satisfaisons pas de ce déficit démocratique.

Il ne s'agit pas d'un outil contre la démocratie ni de considérer que « le peuple n'est pas assez intelligent », comme le disait Nicolas Sarkozy. L'article 3 de la Constitution est clair : « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Si l'on n'utilise pas les outils démocratiques, ils sont remis en cause. D'où notre initiative.

Il faut que les citoyens puissent donner un avis.

J'entends qu'on ne pourrait pas étendre le RIP aux politiques fiscales, qui relèvent exclusivement du Parlement. C'est faire peu de cas des articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La proposition de loi constitutionnelle des Républicains ne s'embarrasse pas des mêmes subtilités en « donnant au peuple français la liberté de se prononcer, par référendum, sur tout projet de loi ou projet de loi organique ». Deux poids, deux mesures. Nous divergeons sur les priorités : pour la gauche, la justice fiscale ; pour la droite, l'immigration.

Les seuils proposés seraient trop bas ? Au Portugal, aux Pays-Bas ou en Italie, les seuils sont comparables à celui que nous proposons.

Une initiative citoyenne serait « trop complexe » ? En 2008, des députés de gauche et des sénateurs de droite avaient pourtant fait la même proposition - ce n'étaient pas de dangereux zadistes.

Sur le verrou technique lié à l'examen d'une proposition de loi référendaire par les assemblées, nous avons une disposition dans notre Règlement qui lève les difficultés.

Pour paraphraser Bertolt Brecht, ce n'est pas parce que les citoyens pourraient ne pas être d'accord avec le Gouvernement qu'il faut dissoudre le peuple. Nous voulons rendre la parole aux citoyens, lui reconnaître sa légitimité de constituant et donc redonner ses lettres de noblesse à notre démocratie française. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Lauriane Josende .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous connaissons tous l'histoire turbulente du référendum en France, utilisé au XIXe siècle comme un outil plébiscitaire au détriment de la démocratie - ce qui a motivé son encadrement dans Constitution de 1958.

La Constitution dispose dans son article 3 que la souveraineté nationale est exercée par les représentants du peuple et par la voie du référendum mais aussi, dans son article 39, que l'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et au Parlement.

Le groupe SER souhaite altérer cet équilibre constitutionnel.

Difficile de tirer des conclusions sur le fonctionnement d'un dispositif aussi récent. La remise en question des seuils est prématurée : ils sont prévus comme des filtres pour éviter le contournement du Parlement.

L'inversion de logique sur le contrôle du Conseil constitutionnel remet en question l'articulation harmonieuse des différentes étapes.

Il faut une réflexion plus approfondie qui prenne en compte l'impact d'une révision de l'article 11 sur la cohérence globale de l'édifice juridique, et notamment l'article 89.

La proposition de loi remplace la mise en référendum contrainte par une mise en référendum obligée - sauf rejet par les chambres. Un texte voté par les deux assemblées se trouverait malgré tout soumis au référendum. Cela remet en question le rôle du Parlement bicaméral et la navette parlementaire.

Le président Larcher a lancé un groupe de travail sur les institutions. Abordons le sujet avec prudence, en prenant le temps de la réflexion.

Le RIP doit demeurer un instrument équilibré. La démocratie directe ne doit jamais être un prétexte pour dévitaliser le parlementarisme. Cette proposition de loi a le mérite de montrer la nécessité d'un débat sur l'article 11, mais elle est techniquement inaboutie et inopportune. Poursuivons les échanges et réflexions entamés, notamment au Sénat. Le groupe Les Républicains suivra l'avis du rapporteur et ne votera pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Ravier .  - Alors que la démocratie représentative est piétinée par le recours abusif au 49.3 et que les Présidents n'usent plus du référendum, donnons au peuple souverain la capacité d'initier une procédure référendaire qui puisse aboutir.

Il est paradoxal de multiplier les sondages et de refuser de s'en remettre au verdict du peuple.

Le RIP actuel est un hochet donné en 2008 par un exécutif coupable d'avoir bafoué le « non » au référendum de 2005. L'usage a montré qu'il était inapplicable.

Vous ne pouvez vous réclamer du gaullisme et refuser de gouverner comme lui : quatre référendums en dix ans.

Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron ont oublié la voix du peuple au soir de leur élection. Voilà qui nourrit l'abstention, aggrave la crise civique, rabougrit la démocratie représentative et attise les violences urbaines.

Parlementaire, je pense qu'aux côtés de tous les Français, gilets jaunes ou bonnets rouges, nous devons nous prononcer dans les urnes lors de consultations nationales. Le débat parlementaire reprend son sens et sa vitalité quand on sort des méandres de la procédure.

Il est temps de faire un aggiornamento démocratique, en convoquant les Français sur les sujets qui les intéressent.

Lors de l'entre-soi de Saint-Denis, le plus petit dénominateur commun entre les partis politiques était le refus d'un élargissement du champ du référendum. Le monopole des partis sur la délibération politique est désespérant : les Français se sentent dépossédés, méprisés et bâillonnés.

Le RIP annoncé par le Président de la République a été abandonné juste après. Quand certains vantent la créolisation de la société, nous assistons à sa Crépol-isation... Quoi de mieux qu'un référendum pour faire peuple ? Qui mieux que le peuple peut refuser sa dislocation et sa disparition ? Sans référendum, nous revenons aux errements de la IIIe et de la IVe République - on sait comment cela finit. Sans révision constitutionnelle, notre inconséquence mènera à la guerre civile ou à la Vle république mélenchoniste - synonyme de la fin de la France. C'est pourquoi je soutiens cette proposition de loi. (Sourires à gauche)

M. Pierre Jean Rochette .  - « La démocratie, c'est le gouvernement du peuple par le peuple ; la souveraineté nationale, c'est le peuple exerçant sa souveraineté sans entrave », disait de Gaulle.

Absence d'entrave ne signifie pas absence de cadres, et l'article 11 de la Constitution fixe plusieurs conditions pour le référendum : périmètre restreint, seuils minimaux de parlementaires et de citoyens.

Le groupe SER nous invite à élargir le périmètre et abaisser les seuils pour faciliter la consultation de nos concitoyens sur les grands sujets politiques. Ils estiment qu'une telle facilitation remédierait au déclin de la participation aux élections.

Cette proposition se heurte toutefois à plusieurs obstacles.

Le Président du Sénat a relancé le groupe de travail sur les institutions, notamment sur la question du référendum. Il est prématuré de se prononcer avant d'être allé au bout de ce processus.

Jamais, en huit ans, un RIP n'a été soutenu par 4,87 millions d'électeurs. Faut-il pour autant réduire le seuil ? Nous ne l'analysons pas ainsi : huit ans, c'est court, et le seuil n'a pas été atteint car la grande majorité de nos concitoyens ne souhaitaient pas être consultés sur les sujets en cause.

Un million d'électeurs, c'est 2 % du corps électoral. Est-il légitime qu'une minorité impose une consultation aux 98% restants, qui plus est sans aucun contrôle du Conseil constitutionnel, et alors que le format binaire du référendum polarise en excluant toute nuance ?

Nous connaissons les dangers du populisme. Les auteurs appellent de leurs voeux un référendum sur les retraites mais le récusent sur d'autres sujets de société.

Nous sommes de fervents partisans de la démocratie représentative, et ne voulons pas fragiliser la légitimité du Parlement. Renforçons plutôt nos institutions et leur stabilité. Le groupe Les Indépendants votera contre ce texte.

Discussion de l'article unique

M. le président.  - Je rappelle que le vote sur l'article unique vaudra vote sur l'ensemble de la proposition de loi.

M. Yan Chantrel .  - Monsieur le rapporteur, la création du RIP a été voulue par votre majorité, en 2008. Soit vous estimez avoir fait une erreur et vous revenez dessus, soit vous faites tout pour l'améliorer !

Allez-vous voter contre la proposition de loi constitutionnelle Retailleau-Buffet, qui élargit le champ du référendum à tout projet de loi ou projet de loi organique, y compris fiscal ?

Le seuil actuel ne serait pas un frein ? Comment le savoir, puisqu'il n'a jamais été atteint ?

Le seuil de un million serait trop bas ? Il est de 500 000 en Italie, de 50 000 en Suisse. C'est un seuil élevé, d'autant qu'il faut être inscrit sur les listes électorales. Très peu de pétitions sur Internet atteignent un million de signatures, même sans cette condition.

Nous avons prévu de nombreux verrous. Le Parlement reste dans la boucle, et peut toujours s'opposer au RIP. Ne travaillons pas les uns contre les autres, mais ensemble !

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois .  - La commission n'a pas établi de texte, mais invite le Sénat à rejeter cette proposition de loi.

M. Patrick Kanner.  - Philippe Bas nous invite à prendre notre temps, à regarder dans le détail. J'entends cette prudence bienveillante, mais pourquoi ne pas utiliser ce même argument sur la proposition de loi constitutionnelle Retailleau-Buffet ? Elle demande à intégrer au champ de l'article 11 les questions migratoires...

M. Mickaël Vallet.  - Comme s'il y avait urgence !

M. Patrick Kanner.  - ... les notions d'assimilation et d'intégration, et remet en cause le droit du sol. Au canon ! Vous nous dites que nous allons trop vite, mais la majorité sénatoriale n'hésite pas à emprunter un chemin bien plus conflictuel !

Je n'oublie pas que M. Retailleau a refusé de solliciter l'avis du Conseil d'État sur son texte, comme le lui a proposé le président Larcher. C'est deux poids, deux mesures. Nous le regrettons. Soyez prudents, quel que soit le texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois .  - C'est exact, monsieur le président Kanner : je suis très prudent, et j'aurais souhaité que vous le fussiez aussi ! Le référendum peut apporter le meilleur comme le pire. Parlementaires, nous savons ce que la délibération parlementaire est susceptible de produire comme consensus. Dans notre démocratie, souvent taxée de verticalité, le renforcement des pouvoirs du Président de la République est une question à aborder avec prudence.

M. Patrick Kanner.  - Mais pas pour l'immigration...

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Quand le sujet est capital, quand la question se prête à une réponse par oui ou par non, les deux principales conditions sont remplies - qu'il s'agisse d'un RIP ou d'une décision du Président de la République de faire appel au peuple pour contourner le Parlement.

Quand le Parlement est contourné, il est fort marri. L'Assemblée nationale peut s'en accommoder, car il s'y trouve -  généralement - une majorité pour soutenir le Président, mais le Sénat est davantage en difficulté. Il lui faut être encore plus prudent.

La démocratie parlementaire, c'est la démocratie en couleurs : toutes les nuances sont représentées. Les textes sortent du Parlement modifiés et enrichis par le débat parlementaire. Le référendum, c'est la démocratie en noir et blanc. C'est utile pour les questions binaires...

M. Mickaël Vallet.  - Comme l'immigration ?

M. Philippe Bas, rapporteur.  - ... comme l'indépendance de l'Algérie. J'ai une petite préférence, comme sénateur, pour la démocratie en couleurs. Mais si vous préférez la démocratie en noir et blanc, à vous de le dire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Mickaël Vallet proteste.)

M. Éric Kerrouche .  - Abstenons-nous de telles simplifications. Penser que seule la représentation nationale serait susceptible de représenter la démocratie en couleurs, c'est confisquer la voix du constituant. Considérer qu'une partie de la population ne serait pas qualifiée, pas assez intelligente, est dangereux. C'est ainsi que l'on s'écarte de la participation citoyenne. Représenter, c'est faire office de, ce n'est pas être ailleurs, au-dessus.

Nous proposons d'abaisser les seuils pour initier la démarche. Nous prévoyons deux préfiltres : il ne s'agit pas de seuils décisionnels, mais bien des seuils de qualification.

Mme Laurence Rossignol.  - Tout à fait !

M. Éric Kerrouche.  - Pour vous, le référendum serait la délibération en noir et blanc. Pour nous, c'est une délibération en 3D. Prétendre s'affranchir du peuple, c'est condamner la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Laurence Rossignol .  - Je me reconnaîtrais presque dans l'intervention de Philippe Bas - mais encore faut-il en tirer les conséquences.

Deux options dans la sincérité que nous devons au peuple français : soit nous abrogeons le RIP, car nous considérons que c'est un couteau sans manche, une illusion que le peuple ne peut utiliser, soit nous votons ce texte.

Je relirai avec attention les propos de Philippe Bas dans le Journal officiel : mot pour mot, nous pourrons nous en servir lorsque nous débattrons ici de la proposition de loi constitutionnelle des Républicains sur l'immigration.

Vous dites aimer les référendums sur des questions simples.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Et capitales pour l'avenir de notre pays !

Mme Laurence Rossignol.  - Le peuple peut dire ce qui est capital pour son avenir ! Qui peut croire que l'on peut répondre par oui ou par non sur une question telle que l'immigration ?

Monsieur Bas, je suivrai votre position lorsque nous examinerons l'examen de la proposition de loi constitutionnelle sur l'immigration le 12 décembre ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Mathilde Ollivier applaudit également.)

La proposition de loi constitutionnelle est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°64 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption 102
Contre 224

La proposition de loi constitutionnelle n'est pas adoptée.

La séance est suspendue à 20 h 15.

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

La séance reprend à 22 heures.

Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023.

M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Ce projet de loi a eu un parcours rapide et productif : il a été examiné en séance publique lundi, la CMP s'est réunie hier et nous examinons ses conclusions ce soir.

Le texte contient principalement des ouvertures de crédit pour financer la hausse de la charge de la dette - malheureusement ! - et le soutien à l'Ukraine, partiellement gagées par des sous-exécutions de crédits.

L'Assemblée nationale a ajouté des ouvertures de crédits en faveur de l'Ukraine, des familles monoparentales modestes, de l'aide alimentaire et de l'hébergement d'urgence. Le Sénat a adopté les amendements du Gouvernement et ajouté diverses mesures.

La CMP a conservé toutes les modifications adoptées par le Sénat à l'initiative ou avec le soutien du Gouvernement, notamment les 113 millions d'euros en faveur de Mayotte.

Je me réjouis de la qualité des échanges avec les députés, notamment avec mon homologue Jean-René Cazeneuve : nous partageons le souci de la bonne utilisation des deniers publics. (M. Pascal Savoldelli ironise.) Les enveloppes votées par le Sénat ont été conservées, mais réduites. Cet accord est équilibré et raisonnable.

Nous sommes convenus de 20 millions d'euros supplémentaires au profit de la réfection des ponts des collectivités, 50 millions pour le réseau d'eau, 60 millions pour les routes des collectivités - l'an dernier, nous avions voté 50 millions d'euros, mais l'État en avait détourné l'usage au profit des routes nationales ; la CMP a donc décidé, pour les sécuriser, de les inscrire à la mission « Relations avec les collectivités locales ». Nous attendons un engagement, monsieur le ministre.

En outre, 15 millions d'euros sont prévus pour l'Arménie et 20 millions d'euros pour l'aide alimentaire, qui s'ajoutent aux 20 millions votés par l'Assemblée nationale - ce n'est pas de trop ! Enfin, 4 millions d'euros abonderont le budget de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN).

En autorisations d'engagement, 35 millions d'euros iront à la réouverture de la ligne de train d'équilibre du territoire (TET) Metz-Nancy-Lyon, en contrepartie d'une participation à 50 % des collectivités territoriales.

Je vous invite à voter ces conclusions de CMP ; les amendements du Gouvernement se limitent à tirer les conséquences de cet accord en levant les gages. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - L'aboutissement de ce texte est le fruit d'un travail intense, en confiance avec le Parlement.

Ce texte se borne à tirer les conséquences des aléas. Nous ne touchons pas à l'équilibre global de la loi de finances initiale. (M. Pascal Savoldelli fait mine de s'essuyer le front en signe de soulagement.)

Face à la crise, nos entreprises ont tenu : le taux de croissance est de 1 %, supérieur à la moyenne européenne et à celui de nos voisins. Notre stratégie contre l'inflation a fonctionné. Certes, celle-ci sera supérieure aux prévisions initiales, mais sera inférieure de 0,3 % par rapport à 2022, soit 4,9 %. En 2024, elle s'établirait à 2,6 %.

Avec 4,9 % de déficit, nous sommes à un niveau légèrement inférieur à ce que prévoyait la loi de finances initiale : une bonne nouvelle, compte tenu de la hausse des taux qui nous conduit à ouvrir 3,8 milliards d'euros supplémentaires pour la charge de la dette.

La semaine dernière, la Première ministre a lancé une première vague de revues de dépenses.

Nous abondons les crédits de la mission « Défense », de 2,1 milliards d'euros pour l'Ukraine et la modernisation de nos armées, anticipant l'application de la loi de programmation militaire (LPM), votée par le Sénat. Nous avons aussi soutenu la proposition transpartisane de prolonger le fonds spécial pour l'Ukraine.

Nous réaffirmons notre soutien à l'agriculture, un enjeu central pour les territoires ruraux et pour notre souveraineté. L'épidémie de grippe aviaire a touché de nombreuses exploitations, d'où 800 millions d'euros pour ouvrir des dédommagements aux exploitants touchés ; 20 millions d'euros aideront le secteur vitivinicole, touché par le mildiou, et 5 millions d'euros soutiendront l'agriculture biologique affectée par l'inflation.

Nous avons ouvert 400 millions d'euros de crédits pour des exonérations de cotisations patronales dans les outre-mer. Le plan Sargasses II a été renforcé. La dotation de solidarité territoriale a été reconduite pour la Corse.

Le budget du ministère des solidarités augmente pour tenir compte de la progression des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de la prime d'activité. La prime de Noël sera augmentée pour les familles monoparentales les plus précaires, comme les subventions aux associations d'aide alimentaire.

Les conclusions de la CMP ne sont pas revenues sur ces avancées. Je salue également le travail du Sénat et du rapporteur général. Sur l'aménagement du territoire, vous avez amélioré le texte : 50 millions d'euros seront destinés à améliorer les réseaux d'eau ; vous avez renforcé les crédits en faveur des ponts routiers et des ponts ; sur l'initiative de M. Capo Canellas...

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - ... le budget de l'IGN sera augmenté. De plus, 20 millions d'euros supplémentaires sont prévus au profit des banques alimentaires.

Nous avons également soutenu votre initiative en faveur de l'Arménie.

Notre déficit est maintenu à 4,9 %, en raison de l'exécution prudente du budget : les dépenses supplémentaires sont compensées par des annulations de crédits.

Nous adoptons également une gestion prudente des agents des ministères : nous n'avons pas augmenté les dépenses de personnel, malgré les revalorisations salariales décidées cet été.

Je souhaite que vous adoptiez les conclusions de cette CMP sur un texte issu de la concertation. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Discussion du texte élaboré par la CMP

Mme la présidente.  - En application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte, en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Article 4

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

I. - Rédiger ainsi le tableau de l'alinéa 2 :

(En millions d'euros)

 

RESSOURCES

CHARGES

SOLDE

 

 

dontfonctionnement

 

 

dont fonctionnement

 

 

 

 

 

dont investissement

 

 

dont investissement

 

Budget général

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Recettes fiscales** / dépenses***

+2 417

+2 417

-

+4 447

+3 647

+801

 

Recettes non fiscales

-4 402

-2 531

-1 871

-

-

-

 

Recettes totales nettes / dépenses nettes

-1 985

-114

-1 871

+4 447

+3 647

+801

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne

-1 124

-1 124

 

 

 

 

 

Montants nets pour le budget général

-861

+1 009

-1 871

+4 447

+3 647

+801

-5 309

 

 

 

 

 

 

 

 

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants

-

-

-

-

-

-

Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours

-861

+1 009

-1 871

+4 447

+3 647

+801

 

 

 

 

 

 

 

 

Budgets annexes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Contrôle et exploitation aériens

+71

+71

-

-13

-5

-8

+84

Publications officielles et information administrative

-

-

-

-2

-2

-

+2

Totaux pour les budgets annexes

+71

+71

-

-15

-7

-8

+85

 

 

 

 

 

 

 

 

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :

 

 

 

 

 

 

 

Contrôle et exploitation aériens

-

-

-

-

-

-

 

Publications officielles et information administrative

-

-

-

-

-

-

 

Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours

+71

+71

-

-15

-7

-8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comptes d'affectation spéciale

-3 741

+148

-3 889

+178

+178

-

-3 919

Comptes de concours financiers

+184

-

+184

-537

-

-537

+721

Comptes de commerce (solde)

 

 

 

 

 

 

+951

Comptes d'opérations monétaires (solde)

 

 

 

 

 

 

-

Solde pour les comptes spéciaux

 

 

 

 

 

 

-2 247

 

 

 

 

 

 

 

 

Solde général

 

 

 

 

 

 

-7 471

 

 

 

 

 

 

 

 

*Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au million d'euros le plus proche ; il résulte de l'application de ce principe que le montant arrondi des totaux et sous-totaux peut ne pas être égal à la somme des montants arrondis entrant dans son calcul.

** Recettes fiscales brutes, minorées des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (cf. état B, mission « Remboursements et dégrèvements », programme 200).

*** Dépenses budgétaires brutes, minorées des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (cf. état B, mission « Remboursements et dégrèvements », programme 200).

II. - Rédiger ainsi le tableau de l'alinéa 5 :

(En milliards d'euros)

Besoin de financement

 

Amortissement de la dette à moyen et long termes

149,6

          Dont remboursement du nominal à valeur faciale

144,5

          Dont suppléments d'indexation versés à l'échéance (titres indexés)

5,1

Amortissement de la dette reprise de SNCF Réseau

2,2

Amortissement des autres dettes reprises

0,9

Déficit budgétaire

171,2

Autres besoins de trésorerie

-14,5

       Total

309,4

 

 

Ressources de financement

 

Émissions de dette à moyen et long termes nettes des rachats

270,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

6,6

Variation nette de l'encours de titres d'Etat à court terme

20,0

Variation des dépôts des correspondants

0,0

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'État

31,2

Autres ressources de trésorerie

-18,4

       Total

309,4

 

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Les amendements du Gouvernement relèvent le plafond d'autorisation de dépenses, en rétablissant 189 millions d'euros en autorisations d'engagement et 154 millions d'euros en crédit de paiement.

Nous tenons ainsi compte des décisions du Sénat et de la CMP. Le soutien aux travaux sur le réseau routier est abondé de 60 millions d'euros au programme 122, via une action budgétaire spécifique dédiée aux collectivités territoriales, qui permettra d'en suivre l'exécution.

La rénovation des réseaux d'eau potable bénéficie de 50 millions d'euros, la conduite des travaux pour les ponts routiers 20 millions, la desserte Nancy-Lyon 35 millions, la majoration de subvention pour charge de service public au profit de l'IGN 4 millions d'euros et l'aide alimentaire 20 millions.

Le Gouvernement a choisi de rendre les amendements parlementaires opérants en levant les gages.

Nous n'avons pas besoin d'actualiser l'article liminaire : le déficit demeure inchangé à 4,9 % du PIB.

Article 5 (État B)

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Mission « Écologie, développement et mobilité durables »

 

I. - Modifier ainsi les autorisations d'engagement :

 

(en euros)

 

Programmes

 

+

 

-

Affaires maritimes, pêches et aquaculture

Énergie, climat et après-mines

4 000 000

105 000 000

0

0

TOTAUX

109 000 000

0

 

SOLDE

+109 000 000

 

II. - Modifier ainsi les crédits de paiement :

(en euros)

 

Programmes

 

+

 

-

Affaires maritimes, pêches et aquaculture

Énergie, climat et après-mines

4 000 000

70 000 000

0

0

TOTAUX

74 000 000

0

 

SOLDE

 

+74 000 000

 

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Mission « Relations avec les collectivités territoriales »

 

I. - Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

 

Programmes

 

+

 

-

Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements

Concours spécifiques et administration

Soutien à l'entretien du réseau routier local (ligne supprimée)

60 000 000

 

60 000 000

0

0

 

0

60 000 000

 

TOTAUX

120 000 000

60 000 000

 

SOLDE

 

+60 000 000

 

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

I. - Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

 

Programmes

 

+

 

-

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

 

20 000 000

0

 

TOTAUX

20 000 000

0

 

SOLDE

 

+20 000 000

 

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Défendu.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Je vous donne mon avis personnel, même si mes collègues ont été consultés en amont : avis favorable.

Vote sur l'ensemble

M. Thomas Dossus .  - C'était donc une première, ce PLFG, une nouvelle catégorie de loi de finances : un bilan de la loi de finances initiale (LFI), auquel s'ajoutent quelques mesures d'urgence.

La LFI est restée dans la lignée de 2017 : moins de prélèvements, en particulier pour les classes supérieures, et soutien inconditionnel aux entreprises. Ce texte raconte la même politique...

L'année est marquée par une inflation forte, avec son corollaire : une hausse de la précarité pour les plus fragiles.

Le parcours parlementaire de ce texte n'a pas été inutile : nos collègues députés ont renforcé le soutien à l'Ukraine et l'enveloppe pour l'hébergement d'urgence, entre autres.

Nous regrettons que le Sénat ait été incapable d'envoyer un signe de solidarité avec les sinistrés du Pas-de-Calais : ce qui n'était pas possible au motif que l'on ne serait pas capable d'exécuter les dépenses avant la fin de l'année l'est devenu pour la rénovation des ponts, des routes, des réseaux d'eau et même la réouverture de la ligne TET Nancy-Lyon.

Ce projet de loi de fin de gestion aurait pu être un signal à nos compatriotes dans la détresse ; nous regrettons qu'il ne le soit pas. Cela dit, compte tenu des mesures d'urgence qu'il contient, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Pascal Savoldelli .  - Après l'examen de ce texte au pas de charge - pfiou ! - la CMP s'est mise d'accord et associe le Parlement aux choix budgétaires du Gouvernement.

Comment ne pas trouver étourdissant de devoir mobiliser plus de 21 milliards d'euros dans ce texte, à deux mois de la fin de l'exercice budgétaire ? Je me suis demandé s'il n'y avait pas une élection en début d'année prochaine ! (Sourires)

Nous avons proposé 30 millions d'euros pour l'aide alimentaire, mais la CMP a rogné 10 millions d'euros. Très sincèrement, cela nous met en colère. Le compte rendu des échanges témoigne que l'amendement du Sénat n'a pas été défendu : 10 millions d'euros, c'est une économie résiduelle, mais un compromis injustifiable !

C'est 0,0058 % du déficit public ! Quand on a un budget en fin d'année à 170 milliards d'euros de déficit, dans le rouge - couleur que j'aime beaucoup (sourires) -, on ne donne pas de leçons aux parlementaires et à l'opposition de gauche, monsieur le ministre.

Dans la même veine, vous avez refusé une aide d'urgence de 200 millions d'euros pour les sinistrés du Pas-de-Calais. Que tous les élus du département nous entendent : pour deux mois, c'est 50 millions et c'est tout. Soit c'est la route, soit c'est le gymnase, mais pas les deux mon capitaine.

En revanche, les ponts, les routes, les réseaux d'eau ont reçu des crédits. Ces propositions sont légitimes et nous les avons votées.

Mais il y a deux poids, deux mesures, monsieur le rapporteur. Notre groupe interrogera le Gouvernement sur l'exécution de ces crédits. Nous retiendrons aussi le rejet de notre amendement sur le remboursement de l'acompte du filet de sécurité aux communes.

Certes, l'argument constitutionnel est recevable, mais, finalement, le Sénat a refusé de trancher. Le chiffre des communes concernées a bien fluctué. Les règles étaient-elles adaptées pour aider les collectivités territoriales en difficulté ? Devons-nous reprendre quelques euros alors qu'elles doivent boucler des budgets contraints ?

Mais nous constatons que notre débat n'a pas été inutile : il y a un étalement, c'est un petit geste... Cela représente 69,8 millions pour les communes concernées. Il y aura des contentieux.

Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Thierry Cozic applaudit également.)

M. Christian Bilhac .  - Le Sénat a adopté le projet de loi de finance rectificative - pardon, le PLFG ! Ce changement de dénomination ne change ni les chiffres ni la réalité. L'exercice 2023 est marqué par les conséquences de l'inflation et le déficit s'aggrave encore - les administrations centrales en sont en grande partie responsables. Le déficit s'explique par une augmentation des dépenses et par une diminution des recettes, malgré l'augmentation des recettes fiscales.

Ce texte résume l'action du Gouvernement : aucune réforme structurelle et aucun cap clair. Il s'inscrit aussi dans l'air du temps : les milliards se baladent au gré du vent, comme les feuilles mortes. (Sourires)

Aucune réforme, aucune décentralisation (M. Thomas Cazenave le conteste), toujours plus de ministères, toujours plus d'opérateurs - mais ce n'est que la suite de la LFI. Quelque 195 équivalents temps plein (ETP) sont créés, mais pas au profit de la population, qui en demande toujours plus : hôpitaux, écoles...

Pourtant, dans l'Hérault, tous mes interlocuteurs - élus, chefs d'entreprises, agriculteurs : tous ! - me le disent : il y en a marre, l'administration nous bloque. Certes, ce n'est pas nouveau. Déjà, Pompidou disait qu'il fallait arrêter d'emmerder les Français. Mais cela continue... Il faut faire quelque chose, monsieur le ministre !

Je salue les améliorations adoptées en CMP. Les 50 millions pour le réseau d'eau potable, c'est urgent ! Ancien président de l'association des maires de mon département, j'avais voté un plan d'urgence pour la rénovation des réseaux d'eau en 2000 avec...

M. Pascal Savoldelli.  - ... tout le monde !

M. Christian Bilhac.  - ... l'ensemble des acteurs, un plan d'urgence. C'était il y a vingt-trois ans !

Le réseau routier, le Haut-Karabagh... J'approuve ces crédits. Le RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Vincent Capo-Canellas.  - Très bien ! 

M. Didier Rambaud .  - L'atterrissage de cette première loi de finances de fin de gestion se fait sans trop de turbulences.

Elle remplace le projet de loi de finances rectificative (PLFR) de fin de gestion depuis la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) du 28 décembre 2021, ce qui interdit toute nouvelle mesure fiscale nouvelle, avec donc un calendrier d'examen accéléré.

J'en arrive au fond du texte. Alors que la précarité progresse dans notre pays et que les Restos du Coeur refusent du monde, il était urgent d'agir. Les députés l'ont fait avec 20 millions d'euros de crédits supplémentaires pour ces associations. La banque alimentaire organise ce week-end sa collecte annuelle.

Notre groupe a souhaité une rallonge supplémentaire. Nous nous réjouissons donc des 40 millions d'euros de plus pour l'aide alimentaire en 2023. M. le ministre a rappelé que les dépenses liées à l'aide alimentaire atteignent 156 millions d'euros en 2023, soit le double de 2021 et le triple de 2018.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Un peu d'honnêteté intellectuelle ne nuit pas...

M. Didier Rambaud.  - Mais nous devons nous interroger collectivement sur les causes de cette situation inacceptable.

Je salue d'autres apports de mon groupe : 63 millions d'euros renforcent le soutien de l'État à Mayotte sur la crise de l'eau. Il faut distribuer plus de 3,5 millions de litres d'eau par semaine ; 300 personnes de la sécurité civile et des forces armées et des dizaines de camions sont mobilisés. Il faut aussi acheminer des congélateurs, des pastilles... Ces fonds sont indispensables.

Je me réjouis des 50 millions d'euros accordés au conseil départemental de Mayotte pour couvrir l'ASE, la PMI et le transport scolaire. Je salue le maintien de ces amendements en CMP. Le RDPI votera donc ce texte.

M. Thierry Cozic .  - (Mme Marion Canalès et M. Pascal Savoldelli applaudissent.) La nature du texte a profondément changé depuis la révision de la Lolf en 2021. Il était de faible densité, la Lolf en a fait un texte technique, sans épaisseur politique - dommage, alors que les besoins sont grands.

Alors que l'Assemblée nationale ne discute plus du budget de la nation, un PLFR aurait permis de débattre du fond, comme le financement des collectivités territoriales. Néanmoins, je me félicite d'un accord entre les deux chambres, qui en sortent enfin par le haut, alors que les 49.3 s'enchaînent.

Les ouvertures de crédits - 5,2 milliards d'euros, dont 2,1 milliards pour la défense - sont compensées par des annulations concernant des mesures de soutien aux entreprises - ce qui montre bien qu'elles sont inopérantes.

Nous nous félicitons du soutien à l'Arménie à hauteur de 15 millions d'euros, ainsi que des 20 millions d'euros pour la rénovation des ponts. Il est urgent que l'État se saisisse du problème.

Je salue également l'amendement du rapporteur général prévoyant 30 millions d'euros aux associations d'aide alimentaire, et regrette la réduction de 10 millions d'euros retenue en CMP, alors que les banques alimentaires sont dans une situation très tendue et subissent l'inflation. Ainsi, pour les Restos du Coeur, 1,3 million de personnes ont déjà été accueillies en 2023 contre 1,1 million sur l'ensemble de 2022, et 150 000 personnes risquent d'être éconduites. L'association, qui prévoit de servir 170 millions de repas, contre 140 millions en 2022, aurait besoin de 35 millions d'euros pour boucler son budget, alors qu'elle assure 35 % de l'aide alimentaire en France pour un budget de 200 millions d'euros par an. Ce coup de rabot est donc fort malvenu.

Les quelques avancées justifient que nous ne nous opposions pas au texte, malgré le rejet de nos amendements sur le filet de sécurité et sur l'Unédic.

Demain, nous débattrons du projet de loi de finances pour 2024. J'espère que les échanges seront à la hauteur de la situation. Le groupe SER y prendra toute sa place. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Thomas Dossus applaudit également.)

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains se félicite de l'accord en CMP, pour lequel je remercie le rapporteur général. Le Sénat a répondu à des situations d'urgence : sur les 200 millions d'euros de crédits votés par le Sénat, les communes sont particulièrement soutenues, notamment pour les ponts - à la suite du rapport de Bruno Belin, insistant sur ce qui représente le chantier du siècle. Déjà, en 2019, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable estimait à 25 000 le nombre de ponts en mauvais état structurel.

Nous nous réjouissons aussi de l'ouverture de crédits pour l'entretien de la voirie. Nous espérons que le vote du Parlement sera respecté et que ces crédits serviront aux collectivités territoriales, alors que les précédents crédits avaient été détournés vers le réseau national.

Les crédits pour l'entretien des réseaux d'eau répondent à la multiplication des sécheresses. Pas moins de 20 % du volume d'eau potable est perdu chaque année - un milliard de mètres cubes. Les conséquences économiques et financières sont lourdes.

Le Sénat soutient davantage le secteur de l'aide alimentaire. De plus en plus d'associations demandent de l'aide. Les 20 millions d'euros obtenus parent à l'urgence, mais il faut répondre sur le long terme.

À la suite de la proposition de résolution pour une paix durable au Haut-Karabagh, déposée par Bruno Retailleau, les 15 millions d'euros votés confirment notre soutien.

Ce sont certes des dépenses nouvelles, mais à des montants raisonnables, qui seront compensées par les économies que nous proposerons dans le projet de loi de finances.

Au-delà des 50 millions d'euros déjà votés, n'oublions pas les sinistrés du Pas-de-Calais et de la Somme. Nous serons attentifs à l'aide qui leur sera proposée dans le projet de loi de finances pour 2024.

Le groupe Les Républicains votera le texte issu des travaux de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Emmanuel Capus .  - Même en matière de politique budgétaire, le bon sens peut primer. On ne met pas la charrue avant les boeufs... Ainsi, avant de débattre du budget de l'année N+1, nous clôturons les comptes de l'année N. Une page se ferme.

Mais c'est surtout une page qui s'ouvre : ce PLFG est la première occurrence de cette nouvelle catégorie de loi de finances. Nous voulions créer un objet ad hoc pour clore les comptes de l'année, en limitant le cadre d'ouverture de nouveaux crédits. Cela limite le Gouvernement, mais aussi le Parlement, dont l'une des missions principales est de voter le budget.

Ainsi, ce texte répond à une mission : extraire la nécessaire adoption des textes budgétaires des querelles politiciennes, ce qui réduit les espaces de débat, mais est utile pour tenir la comptabilité nationale.

Le Sénat a pris ses responsabilités. Je salue le travail du rapporteur général et du président de la commission des finances.

Ce texte porte trois mesures importantes et symboliques : l'augmentation des crédits de la mission Défense à 2,1 milliards d'euros, l'abondement du fonds de soutien à l'Ukraine et le déblocage de 20 millions d'euros pour les réfugiés arméniens. Certaines mesures sont plus stratégiques que d'autres, notamment quand il s'agit de défendre nos valeurs. Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (M. Didier Rambaud applaudit.)

M. Laurent Somon.  - Excellent ! (Sourires)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe UC se réjouit de l'accord en CMP. Députés et sénateurs ont travaillé en bonne intelligence -  c'est à souligner. Le groupe UC adoptera, à sa quasi-unanimité, ses conclusions.

Des avancées sont à noter : 9 milliards d'euros de crédits sont ouverts, dont 3,8 milliards d'euros -  tout de même  - pour la charge de la dette, 2,1 milliards pour l'Ukraine, ou encore l'hébergement d'urgence. Cela ne doit pas nous faire dévier du cap de la maîtrise des finances publiques.

Le groupe UC salue le maintien d'aides votées par le Sénat, même réduites : 20 millions pour les ponts, 50 millions pour le réseau routier et 20 millions pour l'aide alimentaire. Je me félicite aussi de la dotation exceptionnelle pour l'IGN, issue de mon amendement, à hauteur de 4 millions d'euros.

Il est impératif de réduire notre dette. Le groupe UC s'associe aux recommandations du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Nous devons sécuriser notre capacité à faire face aux chocs économiques.

La Commission européenne a mis en garde la France mardi : nous risquons, en 2024, de ne pas être en ligne avec ses recommandations en raison d'une croissance excessive des dépenses publiques - comme trois autres pays. Celle-ci atteindrait 2,6 %, hors charge de la dette.

Alors que certains voisins sont en récession, notre économie a tenu bon face à la crise et l'État a continué à soutenir nos entreprises et nos concitoyens. Nous devons toutefois ajuster nos efforts aux contraintes budgétaires. Ce sera un élément essentiel du débat budgétaire qui s'ouvrira demain. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Laurent Somon applaudit également.)

L'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°65 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 261
Pour l'adoption 242
Contre   19

Le projet de loi est définitivement adopté.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Voilà qui fait rêver le Gouvernement à l'Assemblée nationale !

La séance est levée à 22 h 55.

Prochaine séance demain, jeudi 23 novembre 2023, à 9 heures.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 23 novembre 2023

Séance publique

De 9 heures à 13 heures, à 14 h 30 et, éventuellement, le soir

Présidence : M. Alain Marc, vice-président, M. Mathieu Darnaud, vice-président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président

Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Nicole Bonnefoy

1. Proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne, présentée par M. Henri Cabanel et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°102, 2023-2024)

2. Proposition de loi visant à aménager la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, présentée par Mme Nathalie Delattre et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°83, 2023-2024)

3. Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (A.N., n°1680)

=> Discussion générale

=> Examen de l'article liminaire

=> Examen de l'article 33 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne