SÉANCE

du mardi 5 décembre 2023

40e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Nicole Bonnefoy.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à 43 questions orales.

Baisse du financement des contrats d'apprentissage (I)

Mme Laure Darcos .  - L'apprentissage connaît des moments très difficiles. La diminution de la prise en charge des formations menace les centres de formation d'apprentis (CFA), alors que le Gouvernement vise un million de contrats en 2027. Quel paradoxe !

Le budget de la faculté des métiers de l'Essonne, qui forme chaque année 2 900 apprentis, diminuera de 1,5 million d'euros. Cette décision obérera les capacités d'investissement dans les plateaux techniques et l'accompagnement des jeunes, notamment les plus fragiles. Le CFA de Brétigny-sur-Orge est lui aussi touché. Or les charges liées à ces formations croissent de manière exponentielle.

Tenez compte des réalités du terrain ! Faute de quoi, cette formation prisée des entreprises disparaîtra, suscitant de nouvelles pénuries de main-d'oeuvre. Le Gouvernement est-il prêt à s'engager ? Le prélèvement sur les recettes de l'Unédic au profit de France Compétences créera-t-il de nouvelles ressources pour les CFA ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - L'Île-de-France regroupe un quart des contrats d'apprentissage. Le nombre d'apprentis a été multiplié par 2,5 en Essonne. Depuis 2018, nous menons une politique volontariste : la formation est gratuite et les entreprises reçoivent une aide de 6 000 euros. Résultat, sept apprentis sur dix trouvent un emploi. Le taux d'insertion atteint 80 % dans certains métiers en tension.

Nous souhaitons garantir aux CFA un juste niveau de financement. Mais ceux-ci réalisent une marge de 15 % en moyenne. Nous visons une baisse des coûts-contrats. La fixation du niveau de financement n'est pas arbitraire : France Compétences se fonde sur l'observation des coûts réels engagés par les CFA. Ces études ont révélé des écarts importants en 2022 et 2023.

Nous visons donc un objectif de juste prix, et, toujours, un million d'apprentis par an.

Mme Laure Darcos.  - Cet après-midi, le Sénat examinera la mission « Travail et emploi » : le groupe INDEP appuiera le prélèvement sur les recettes de l'Unédic au profit de France Compétences.

Baisse du financement des contrats d'apprentissage (II)

M. Jean-Jacques Michau .  - Après une première baisse en 2022, France Compétences a annoncé en juillet une nouvelle diminution de la prise en charge des contrats d'apprentissage. Déjà fragilisés, les centres de formation d'apprentis (CFA) subiront un déficit important.

En plus de l'augmentation des charges courantes, ces coups de rabot vont à rebours de la promesse du Gouvernement d'un million d'apprentis à l'horizon 2027. L'Ariège est un département d'excellence : 80 % des apprentis ont trouvé un emploi six mois après avoir obtenu leur diplôme, contre 75 % au niveau national. Le Gouvernement reviendra-t-il sur cette décision ? Soutiendra-t-il notre amendement visant à créer un fonds de compensation au profit des CFA ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Le Gouvernement mène une politique volontariste en faveur de l'apprentissage, avec un objectif d'un million d'apprentis par an d'ici à 2027.

Les CFA réalisent des marges de 15 % en moyenne. Nous avons donc décidé une baisse du financement de 5 %, pour revenir à un taux de marge plus équilibré, de 10 %.

Deux enveloppes, respectivement de 180 et 137 millions d'euros, sont versées aux régions en vue de soutenir l'investissement et l'accompagnement des jeunes en difficulté ou issus de milieux ruraux. Nous concourons en outre à la création d'un maillage des CFA adapté à chaque territoire.

M. Jean-Jacques Michau.  - Certes, il faut garantir la soutenabilité du système, mais le calcul de la prise en charge doit s'appuyer sur stratégie partagée avec tous les acteurs de l'apprentissage.

Inquiétudes sur le financement des structures d'insertion

M. Olivier Cigolotti .  - Les 521 structures de l'insertion par l'activité économique (SIAE) de la région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) sont inquiètes. Les conventionnements proposés se fondent sur les objectifs réalisés lors des exercices précédents. Limiter ainsi les ETP se traduirait par une baisse des embauches dans ces parcours. De plus, Aura regroupe 13 % des SIAE conventionnées, mais ne reçoit que 11 % de l'enveloppe nationale.

Retenir les chiffres de 2022 conduirait à une baisse de 5 millions d'euros pour les SIAE, soit 4 % de l'enveloppe qui leur est accordée - cela serait contradictoire avec le choix de l'État de promouvoir l'insertion par l'activité économique (IAE).

Quels moyens complémentaires le Gouvernement prévoit-il d'affecter aux SIAE, qui ont construit des partenariats efficaces avec des secteurs en tension comme les métiers de l'autonomie et des filières durables telles que le maraîchage ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - L'IAE est un instrument majeur de lutte contre le chômage de longue durée. Le Gouvernement a promu le Pacte d'ambition, dont l'objectif était de créer 100 000 emplois supplémentaires à la fin de l'année 2022.

La loi de finances pour 2023 a prévu 1,2 milliard d'euros pour les aides aux postes, contre 1,1 milliard d'euros en 2022. De plus, nous avons augmenté de 25 % le budget du plan d'investissement dans les compétences de l'insertion par l'activité économique (PIC IAE), malgré les hausses successives du Smic, qui se sont traduites par une augmentation des aides aux postes.

La loi de finances pour 2024 prévoit une enveloppe de 1,456 milliard d'euros, soit 210 millions d'euros de plus qu'en 2023. Depuis 2018, les crédits en faveur de l'IAE sont ainsi passés de 800 millions d'euros à près de 1,5 milliard d'euros.

Le développement de l'IAE ne saurait se résumer à une augmentation quantitative : celle-ci doit aussi promouvoir une orientation de qualité. Tel est le sens de la concertation qui sera lancée dès janvier 2024 avec le secteur.

Définition du rôle du citoyen

M. Jean-Marie Mizzon .  - Ma question, qui s'adressait initialement à M. Pap Ndiaye, est toujours d'actualité. Le Dictionnaire constitutionnel, paru aux PUF en 1992, définit le citoyen comme membre d'une communauté politique territoriale, titulaire de droits et soumis à des obligations uniformes indépendamment en principe de son appartenance à des collectivités particulières, telles que le sexe, les lignages, les tribus, les corporations, les castes, les communes, les classes et les religions.

Au vu du contexte actuel, quelle est votre définition du citoyen, madame la ministre ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Gabriel Attal, dont je vous prie d'excuser l'absence, m'a chargée de vous répondre.

La République française n'admet aucune différence entre ses citoyens. Elle leur garantit les mêmes droits, les mêmes libertés. Dans notre État de droit, les institutions jouent un rôle majeur dans la protection des citoyens. C'est pourquoi nos élèves doivent en comprendre le fonctionnement et apprendre à leur faire confiance. C'est là un des enjeux majeurs de l'éducation à la citoyenneté.

Mais l'exercice de la citoyenneté ne se limite pas à l'exercice des droits politiques. Être citoyen, c'est aussi appartenir à une communauté de valeurs. Cela suppose de transmettre aux élèves une culture institutionnelle et juridique, mais aussi la notion d'engagement, grâce à la démocratie scolaire, notamment. Le renforcement des enseignements civiques y pourvoit.

La formation des citoyens ne s'arrête pas aux portes des établissements scolaires : le service national universel (SNU) et le service civique y contribuent également. Il faut promouvoir ces vecteurs qui offrent aux jeunes l'occasion d'exprimer leur attachement à la nation.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Nous sommes d'accord sur les principes - j'en suis heureux. Avant d'être un élu, je suis un citoyen. Notre République est une et indivisible. Le citoyen n'a ni couleur de peau ni sexe ni religion ni statut social - c'est un principe intangible.

Surtout, notre République rassemble. Telle devrait être notre évangile à tous, surtout auprès de notre jeunesse, qui tient entre ses mains le destin de la nation. Nous avons tous à y gagner.

Hommage à Dominique Bernard dans les écoles privées

M. Pierre Ouzoulias .  - Le Président de la République a souhaité que tous les élèves de France rendent hommage à Dominique Bernard et à Samuel Paty le 16 octobre dernier. Or plusieurs établissements privés sous contrat ont refusé de s'y plier.

De plus, le ministre de la santé a lancé une grande campagne de vaccination contre le papillomavirus. Là encore, plusieurs établissements privés n'y ont pas pris part.

Enfin, malgré l'arrêté de juillet 2021, des établissements privés n'ont pas organisé de cours sur la laïcité. Parfois, leurs enseignants ne bénéficient pas de formations sur le sujet.

Or les établissements privés sous contrat sont financés à 73 % par l'État, pour 8,5 milliards d'euros. Comment faire en sorte qu'ils appliquent les politiques nationales ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Le terrible assassinat terroriste de Dominique Bernard a bouleversé la France entière. S'attaquer à un professeur, c'est s'attaquer à notre ciment républicain.

C'est pourquoi Gabriel Attal a recommandé à tous les établissements - publics et privés - de prévoir un moment de recueillement. Nous ne disposons pas du nombre d'établissements ne l'ayant pas organisé.

Pour les établissements privés sous contrat, il s'agit non d'une directive contraignante, mais d'une recommandation. Aux termes de la loi Debré du 31 décembre 1959, l'État leur reconnaît un caractère propre : ceux-ci peuvent s'exprimer librement sur tout ce qui ne relève pas du strict respect des programmes scolaires.

Le secrétaire général de l'enseignement catholique a toutefois assuré à Gabriel Attal que la majorité des établissements de son réseau avait respecté ces directives.

M. Pierre Ouzoulias.  - Compte tenu de leur caractère propre, ces établissements peuvent donc s'exonérer de l'application d'une politique nationale.

Jean-Marie Mizzon vient de souligner l'importance d'éduquer les citoyens. Dès lors, comment ces établissements peuvent-ils s'exonérer de la loi commune ?

En outre, vous ne m'avez pas répondu sur le vaccin contre le papillomavirus. Or plusieurs milliers de femmes meurent d'un cancer de l'utérus chaque année.

Faisons preuve de sévérité : ces comportements séparatistes sont inacceptables.

Financement de l'archéologie préventive

M. Daniel Gueret .  - Depuis 2016, un système de subventionnement ayant remplacé une redevance affectée pour l'archéologie territoriale, les collectivités ne bénéficient plus d'une ligne de crédit stabilisée à l'échelle nationale pour financer leurs missions de recherche et de valorisation. De plus, le système de barème entraîne des sous-financements de leurs opérations.

Le service de Chartres a reçu entre 2018 et 2022 une subvention de 25 000 euros, pour un coût opérationnel annuel de 250 000 euros.

Madame la ministre, entendez-vous rééquilibrer la répartition des montants collectés sur la fiscalité de l'archéologie préventive pour encourager l'archéologie territoriale ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Le dispositif de subvention découle de la budgétisation de la redevance archéologique en 2016, avec pour objectif de garantir le financement de ces acteurs essentiels du dispositif d'archéologie préventive.

Le code du patrimoine fixe les conditions de versement de ces subventions, ce qui permet aux collectivités d'anticiper le montant des sommes à percevoir et assure une plus grande équité, les montants alloués étant fondés sur les opérations réellement réalisées.

Les modalités de calcul ont été révisées en 2019 à l'issue d'une concertation pour mieux prendre en compte les coûts de réalisation de certaines catégories de diagnostics, notamment en milieu urbain et périurbain.

Réévaluée à hauteur de 14,2 millions d'euros dans le PLF 2023, l'enveloppe budgétaire consacrée a été maintenue dans le PLF 2024.

Une nouvelle concertation avec les représentants des services habilités sera organisée prochainement pour une éventuelle évolution du dispositif.

M. Daniel Gueret.  - . Des solutions existent : entre 2018 et 2022, un peu plus de 200 millions d'euros ont été collectés sur la fiscalité de l'archéologie préventive pour être affectés à d'autres dépenses de l'État.

Situation budgétaire de Le Mans Université

M. Jean Pierre Vogel .  - L'inflation et les coûts de l'énergie fragilisent les universités. Le Mans Université (LMU), qui compte 12 000 étudiants, dont une moitié de Sarthois, est particulièrement touchée.

Le Gouvernement a annoncé en juin des mesures de revalorisations salariales bienvenues, mais non compensées par l'État en 2023, et seulement pour moitié en 2024. Au total, la facture s'élève à 3 millions d'euros pour LMU, dont 76 % des recettes proviennent de la subvention pour charge de service public reçue de l'État. Sans moyens supplémentaires, des décisions douloureuses devront être prises. Le président de LMU est inquiet.

Lors de l'examen de la mission « Enseignement supérieur », vous avez déclaré que le Gouvernement tiendrait compte de l'hétérogénéité du paysage et conserverait des marges pour aider les établissements. Comment vous comptez répondre à la situation financière de nos universités ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Nous suivons de très près la situation des universités, qui font face à un important surcoût. Nous devons en effet nous réjouir des revalorisations salariales annoncées le 12 juin par Stanislas Guerini.

En 2024, nous compenserons au moins 50 % du surcoût lié à l'augmentation du point d'indice. Des compensations ciblées pour les plus fragiles porteront la compensation globale à 60 %. Pour 2023, la revalorisation du point d'indice sera compensée à 70 %.

Les universités disposent de 1 milliard d'euros de réserves financières libres d'emploi. Elles devraient donc pouvoir absorber le reste à charge, d'environ 150 millions d'euros pour 2024. Il s'agira d'un effort exceptionnel qui ne doit pas nuire aux investissements et au recrutement.

Pour ce qui est des surcoûts énergétiques, une enveloppe de 275 millions d'euros a été débloquée pour 2023. Ils devraient être intégralement compensés. En 2024, les factures devraient baisser et notre soutien interviendra en gestion de manière ciblée.

Je resterai vigilante sur les cas spécifiques et vous transmettrai les chiffres pour LMU.

Lutte contre les guets-apens homophobes

Mme Anne Souyris .  - En France, on humilie, on frappe, on vole, on tue les homosexuels, dans le plus grand des silences. Selon Mediapart, au moins 300 personnes gays seraient tombées dans un guet-apens homophobe entre 2017 et 2021 -  chiffre sous-estimé à cause de la honte de déposer plainte.

En 2022, une agression aurait lieu tous les trois jours. Samedi dernier encore, un homme fut victime, dans le Val-d'Oise d'un guet-apens, meurtrier pour l'un des agresseurs.

SOS Homophobie a appelé le Gouvernement à interdire l'accès au site de rencontre Coco, véritable terrain de chasse des homophobes, et à obliger les sites de rencontre à diffuser des messages d'alerte et de prévention.

En outre, le dépôt de plainte doit être facilité, avec une meilleure formation des agents et la possibilité de déposer une préplainte par téléphone. Il est inacceptable que des plaintes soient refusées lorsque des personnes prennent leur courage à deux mains pour dénoncer leurs agresseurs.

Quelles mesures comptent prendre le Gouvernement pour prévenir et condamner ces actes homophobes ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - En 2022, le ministère de l'intérieur a comptabilisé 4040 atteintes anti-LGBT+. De nombreuses victimes ne portent pas plainte, de peur que leur orientation sexuelle ne soit exposée au grand jour. Il faut prévenir au maximum ce genre d'agressions.

Pour cela, le ministère s'est engagé, dans le cadre du Plan national pour l'égalité, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+, à cartographier les lieux et horaires où les agressions ont lieu, afin d'y renforcer les patrouilles de sécurité.

La formation des forces de l'ordre est essentielle : 100 % des agents seront formés d'ici à 2024 et un réseau de référents LGBT+ dans les commissariats a été lancé dès 2018, pour une meilleure écoute des victimes, préalable à une libération de la parole.

Enfin, le Gouvernement soutient le déploiement de l'application Flag !, qui permet de dénoncer anonymement les guet-apens.

Vaccin contre l'influenza aviaire

Mme Florence Lassarade .  - Contre l'influenza aviaire, le vaccin du laboratoire allemand Boehringer Ingelheim a été préféré au vaccin de Ceva Santé Animale, produit en France.

Le ministère de l'agriculture prévoit d'injecter 80 millions de doses aux canards de tous les élevages commerciaux du territoire métropolitain, l'État prenant en compte 85 % du coût de la campagne.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a estimé que le vaccin Ceva apportait les garanties nécessaires. De plus, il permettait une meilleure couverture et imposait moins de contraintes logistiques que le vaccin Boehringer Ingelheim, car il peut être injecté dès le couvoir.

Ce choix est incompréhensible du point de vue de la souveraineté, le vaccin Ceva ayant été soutenu par le plan France 2030 et devant être produit en France. Monsieur le ministre, comment l'expliquez-vous ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Cette campagne de vaccination, qui vise à couvrir au maximum le risque de contamination dans des délais raisonnables, est inédite.

Le protocole exige une traçabilité rigoureuse pour maintenir nos capacités d'export. Le principal enjeu de souveraineté est de maintenir la capacité de production de nos éleveurs.

Le 17 avril, une commande de 80 de millions de doses de vaccin a été engagée par mon ministère, à laquelle trois firmes ont répondu. Seuls les vaccins de Ceva et Boeringher Ingelhheim ont été jugés recevables.

Le prix de ce dernier était plus avantageux -  je rappelle que l'État prend en charge 85 % de la campagne. De plus, il était disponible en quantité suffisante pour démarrer la campagne dès le mois d'octobre.

Reconnaissez que nous avons été au rendez-vous, et sur la qualité, et sur la date.

Par ailleurs, Ceva ne produit pas en France, il y embouteille seulement les produits. Pour autant, je suis conscient de l'importance de ce laboratoire dans votre territoire. Nous avons dû agir dans l'urgence, mais un nouvel appel d'offres sera lancé en décembre, auquel il pourra bien sûr répondre.

Dérogation annuelle sur les néonicotinoïdes

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - Depuis 2018, les néonicotinoïdes sont interdits en France et en Europe. L'ambition est louable, mais l'absence de solutions de substitution entraîne une recrudescence des cicadelles, porteuses de virus qui abîment les cultures.

Nos agriculteurs sont dans l'impasse. Dans le Lot-et-Garonne, premier département en matière de polyculture, le point de non-retour sera bientôt atteint.

Nos agriculteurs sont raisonnables et font tout pour améliorer leurs techniques afin de préserver l'environnement. La profession agricole demande une dérogation mesurée pour une utilisation ponctuelle de certains néonicotinoïdes au début du printemps, qui serait plus optimale qu'une utilisation hebdomadaire des produits phytopharmaceutiques de biocontrôle.

N'y aurait-il pas une voie plus raisonnable pour un régime dérogatoire ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Ce qui est déraisonnable, c'est d'avoir voté l'interdiction des nécotinoïdes en 2016 sans proposer d'alternative. Pour les betteraviers, nous avons lancé des initiatives de recherche. Il faut en faire autant pour toutes les filières afin d'éviter les situations d'impasse.

Vous évoquez les solutions de biocontrôle, mais des solutions chimiques sont également envisageables.

Certes, l'interdiction ne produit pas la solution, mais la dérogation n'invite pas non à chercher la solution. À cette fin, nous débloquons pour la première fois 250 millions d'euros par an.

Dans l'intervalle, des dérogations existent, notamment en biocontrôle, notamment dans certains secteurs du Lot-et-Garonne.

Nous devons reconstruire notre crédibilité vis-à-vis des éleveurs en ne les laissant pas sans solution.

À continuellement repousser la dérogation, nous finirions par perdre en crédibilité et nous heurter au principe de non-régression environnementale.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Merci de votre réponse qui va dans le sens des propos du Président de la République : pas d'interdiction sans solution. Je me réjouis que vous vous rapprochiez du bon sens paysan.

Retard de versements aux associations d'aide alimentaire

M. Christian Redon-Sarrazy .  - Les associations de solidarité s'alarment du retard dans les versements de deux fonds en matière d'aide alimentaire : le FSE+ (Fonds social européen) et le nouveau fonds pour une aide alimentaire durable, annoncé par la Première ministre voilà un an.

Du fait des conséquences économiques et sociales de la pandémie et de l'inflation galopante, un nombre croissant de nos concitoyens dépendent de l'aide alimentaire pour vivre. Dans ce contexte, le FEAD (Fonds européen agricole pour le développement rural) et le FSE+ ont été largement abondés par l'Union européenne.

C'est donc avec surprise que les associations ont constaté qu'une large part de la dotation française au titre du FEAD n'avait pas fait l'objet d'appels de fonds dans le délai prévu. Le même immobilisme gouvernemental s'observe pour le versement des 60 millions d'euros promis dans le cadre du programme « Mieux manger pour tous ! ».

Il semble que la grande précarité dans laquelle se trouvent 9 millions de Français ne préoccupe pas le Gouvernement. Pourquoi ces fonds n'ont-ils pas été, pour les uns, réclamés et, pour les autres, versés ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Je ne suis pas sûr qu'on gagne à la caricature : comme vous, le Gouvernement se préoccupe de la précarité de nos concitoyens. Les boucliers que nous avons mis en place participent de la protection du pouvoir d'achat. Nous sommes vigilants aussi sur la forte inflation alimentaire.

Le programme « Mieux manger pour tous ! » a été doté de 60 millions d'euros pour cette année ; il a vocation à monter en puissance jusqu'en 2027. Son volet national, de 40 millions d'euros, est destiné aux associations habilitées à l'aide alimentaire au niveau national, pour l'achat de fruits et légumes sous label de qualité et respectant la saisonnalité. Son volet local, de 20 millions d'euros, vise au développement d'alliances locales.

Les conventions de financement des associations au niveau national ont été signées à la suite de dialogues de gestion menés pendant l'été. Le délai n'est donc pas déraisonnable : j'ai connu des politiques publiques beaucoup plus lentes à se mettre en oeuvre... Pour les politiques locales, un appel à projets a été lancé en mai : 478 projets ont été sélectionnés sur les 2 200 déposés, et les conventions ont toutes été élaborées. Les crédits non dépensés avant la fin de l'année pourront évidemment être reportés sur l'exercice 2024.

La poursuite des projets sera facilitée par la capitalisation des enseignements. Avant le 31 mars 2024, une avance sera versée aux associations représentant la moitié du montant prévu par leur convention. Nous serons donc en avance de phase l'année prochaine.

S'agissant enfin du FSE+, nous travaillons pour trouver une solution.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - L'accès de tous à une alimentation décente doit être une priorité. Puisque des fonds existent au niveau européen, il n'est pas normal que les associations soient confrontées à des difficultés de trésorerie. Les retards de versement obligent élus locaux et donateurs privés à jouer le rôle d'amortisseurs ; et ils ont des conséquences immédiates sur les trop nombreux bénéficiaires.

Crise de la lavandiculture

M. Lucien Stanzione .  - Les lavandiculteurs du Sud-Est sont confrontés à une crise profonde, aggravée cet été par l'invasion de chenilles noctuelles.

Sur le plateau d'Albion, en Vaucluse, la production est déjà difficile, compte tenu de l'aridité et du climat de montagne. Depuis 2021, des épisodes de gel, sécheresse et pluies excessives se sont succédé - sans parler des conséquences économiques du covid. Dans certaines zones, en outre, un problème de surproduction se pose.

Dans ce contexte difficile, l'invasion de chenilles noctuelles est un coup de grâce. Or il n'existe, à ma connaissance, aucun mécanisme d'aide adapté à la situation des lavandiculteurs - ni le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental, ni la couverture relative aux calamités agricoles, ni l'indemnisation de solidarité nationale.

Les lavandiculteurs ont besoin d'aide à court terme pour payer leurs charges et cotisations et à moyen terme pour la prévention contre les ravageurs. Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre, et pour quel montant ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le Gouvernement est particulièrement attentif à la filière lavande et lavandin.

Le Sénat a adopté un amendement de M. Roux visant à mettre en place une aide de 10 millions d'euros. J'ai annoncé en juin le lancement du dispositif : 9 millions d'euros pour les aides conjoncturelles, 1 million pour la recherche. Un certain nombre de producteurs n'ayant pu déposer leur dossier, j'ai décidé de rouvrir le guichet.

Pour l'heure, 5 millions d'euros ont été demandés ; ces sommes seront versées à 245 lavandiculteurs avant la fin de l'année. Nous recherchons comment déployer les 4 millions d'euros restants au bénéfice de la filière. Nous travaillons aussi à la mise en place d'un programme de recherche puissant, pour lutter contre les ravageurs et faire face aux dérèglements climatiques.

Le Gouvernement est donc au rendez-vous - y compris au niveau européen, où il défend la spécificité de la lavandiculture, s'agissant notamment des huiles essentielles. Cette filière est à la fois emblématique et importante pour la France.

Taxation des résidences secondaires

Mme Catherine Belrhiti .  - Les conversions de logement en résidence secondaire ou gîte se multiplient, notamment sur le littoral et en zone de montagne, zones à fort potentiel touristique - par ailleurs, soumises à des restrictions de construction. Résultat : le coût du logement explose, au détriment des jeunes ménages, donc du nombre d'écoles, mais aussi des commerces de proximité ou des services médicaux.

Une mesure simple permettrait d'endiguer ce phénomène dramatique : augmenter la taxe sur les résidences secondaires. Seulement, en l'état actuel de la législation, une telle hausse affecterait l'ensemble du foncier bâti, conduisant à traiter de la même manière des situations toutes différentes.

Des foyers modestes devenus propriétaires de leur logement n'ont pas à subir la même pression fiscale que des foyers aisés qui en possèdent plusieurs. Il convient donc de décorréler la taxation des résidences secondaires de celle du foncier bâti, afin de lutter contre la désertification de certaines communes sans taxer aveuglément des propriétaires dans des situations différentes. C'est le moyen de préserver la démographie et les services publics sur tout le territoire, par une fiscalité équitable.

Si vous partagez ces objectifs, je ne doute pas que vous soutiendrez la décorrélation.

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Vous appelez notre attention sur la décorrélation des taux de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'habitation sur les logements meublés non affectés à l'habitation principale (THRS) dans les communes à fort potentiel touristique.

Les règles de lien entre les taux d'imposition locale sont conçues pour protéger les contribuables non électeurs. Gardons à l'esprit aussi que les propriétaires de résidence secondaire ne sont pas tous aisés.

Le Gouvernement est conscient des difficultés que vous décrivez. C'est pourquoi il a soutenu l'adoption, dans le projet de loi de finances pour 2024, d'un dispositif ouvrant la voie, sous condition, à une majoration du taux de THRS en franchise des règles de lien, pour donner une plus grande latitude aux communes et intercommunalités dans la détermination des taux.

Par ailleurs, la loi de finances pour 2023 avait augmenté le taux et élargi le zonage de la taxe annuelle sur les logements vacants, ainsi que celui de la majoration facultative de la THRS, pour répondre aux difficultés d'accès au logement dans certains territoires. Le zonage révisé inclut 3 700 communes, contre 1 140 antérieurement.

Par ailleurs, d'autres dispositifs, non fiscaux, visent à maîtriser l'offre de logements touristiques et à encourager l'accession des plus modestes à la propriété.

Mme Catherine Belrhiti.  - Je vous remercie pour ces avancées.

Remboursement de l'acompte « filet de sécurité »

M. Mathieu Darnaud .  - Le fameux filet de sécurité censé aider les communes face à l'inflation devait, initialement, bénéficier à 22 000 d'entre elles. On nous annonça ensuite 18 000, puis 11 000. Au bout du compte, seulement 2 929 communes et EPCI sont éligibles...

Quelque 3 425 communes sont obligées de rembourser l'acompte perçu au titre de ce dispositif. Des aménagements sont indispensables, car les communes ont le plus grand mal à rembourser ces sommes parfois importantes : en Ardèche, 75 000 euros pour Tournon-sur-Rhône, 104 000 euros pour Viviers, 35 000 euros pour La Voulte-sur-Rhône. Le Sénat avait pourtant alerté et voté des critères moins restrictifs.

Le Gouvernement va-t-il prendre en compte ces situations, notamment en autorisant des étalements de remboursement ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Un certain nombre de communes ayant perçu un acompte sont, en effet, tenues de le rembourser.

Cette dotation vise à compenser les hausses de dépenses subies par les collectivités du fait notamment de l'explosion du coût de l'énergie et de la revalorisation du point d'indice. Les critères d'attribution reposent notamment sur une analyse de la dégradation de l'épargne brute en 2022. Un mécanisme d'acompte, de 30 à 50 %, a été mis en place pour accompagner les collectivités les plus en difficulté.

Il n'y a pas lieu de maintenir le bénéfice de l'acompte à des collectivités ne remplissant pas les conditions prévues. Les remboursements demandés portent majoritairement sur des montants peu élevés : les trois quarts sont inférieurs à 10 000 euros - même si, pour une commune rurale, ce n'est pas négligeable. Souvent, cette charge est inférieure à 1 % des recettes.

Les collectivités ardéchoises ont bénéficié de près de 3 millions d'euros au titre du filet de sécurité anti-inflation ; par comparaison, les remboursements demandés sont de 437 000 euros.

Pour les plus fragiles, un étalement est possible sur les deux derniers mois de 2023, voire sur 2024. Les services locaux de la DGFiP se tiennent à la disposition pour le mettre en oeuvre.

M. Mathieu Darnaud.  - J'espère que votre promesse d'étalement sur 2024 sera suivie d'effets dans mon département.

Dématérialisation de la commande publique via Chorus Pro

Mme Corinne Féret .  - L'ordonnance de 2014 relative à la facturation électronique généralise la dématérialisation des factures des fournisseurs des personnes publiques. Elle est entrée dans sa dernière phase en janvier 2020.

L'émission de factures électroniques concernera, à terme, toutes les entreprises assujetties à la TVA. Dans le Calvados, les maires ont reçu une note comptable leur rappelant de demander systématiquement aux entreprises de passer par Chorus pro. En pratique, cela pose problème dans les zones rurales à faible couverture, mais aussi pour les artisans et chefs d'entreprise ayant des difficultés avec les outils informatiques.

Si elle se justifie pour les grands projets, la dématérialisation risque de priver les collectivités des services de certains artisans, qui n'ont pas la culture ni les outils pour y accéder. Les courriers de relance augmentent la charge de travail, et on décourage des entrepreneurs de fournir le service public. Que ferez-vous pour simplifier le travail de tous, monsieur le ministre ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le texte date de 2014. Les bénéfices économiques et écologiques, ainsi que sur les délais de paiement, sont clairs.

La plateforme offre diverses modalités : raccordement direct, logiciel de gestion et même création d'une facture, pour laquelle un téléphone mobile et la saisie d'informations basiques suffisent. La facturation électronique fluidifie la relation entre ordonnateur et comptable, qui peut être compliquée - j'en sais quelque chose. Les fournisseurs suivent en direct l'avancée de leur facture et de la mise en paiement.

Depuis le début de l'année, 65 millions de factures ont été déposées sur Chorus Pro, dont 400 000 à destination des collectivités du Calvados. Le réseau local de la DGFiP sera mobilisé auprès des collectivités et des entreprises.

Cabris en divagation

Mme Solanges Nadille .  - Les territoires ultramarins représentent 80 % de la diversité animale de la France, mais flore et faune insulaires sont très sensibles aux espèces introduites.

La loi Biodiversité interdit ainsi l'introduction d'espèces exotiques. Malheureusement, une menace majeure demeure ignorée : la divagation d'animaux domestiques. Compétence du maire, sa gestion est encadrée par le code rural et de la pêche maritime, qui ne prévoit pas de motif lié à la préservation de l'environnement. Son application est impossible en raison de l'insularité et de la forte naturalité du milieu ultramarin.

Montagne Pelée et parc national de La Réunion sont à la merci des volailles, caprins et autres porcs. Madame la ministre, comment faciliterez-vous la gestion de ces animaux domestiques, divagants et ensauvagés, pour ne pas transformer des sites d'intérêt écologique mondial en vulgaires basses-cours ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - Le sujet de la chèvre domestique pose en effet difficulté - en particulier ses détenteurs officieux. Les animaux sont prélevés sur les besoins de certains éleveurs. Leurs habitudes alimentaires menacent l'environnement, avec des effets sur l'érosion des sols et une prolifération massive de chèvres.

Puisque ces animaux dont domestiques, leurs produits sont destinés à la consommation humaine. Ils doivent donc être identifiés et tracés, mais leur rusticité limite les capacités à les capturer ; reste l'euthanasie ou l'abattage, qui demeure privilégié.

L'espèce ne peut être chassée : les opérations de tir sont interdites. Le maire est le titulaire des pouvoirs de police spéciale sur les animaux divagants. Nous serons à vos côtés.

Pollution aux composés perfluorés en Alsace

Mme Patricia Schillinger .  - Ils sont présents dans nos vêtements, emballages, ustensiles, mais aussi les aliments et l'eau : je parle des composés perfluorés, ou PFAS, tristement appelés « polluants éternels ». Ils s'accumulent dans les sols, menaçant la ressource en eau.

Le centre international de recherche contre le cancer a classé l'un de ces composés, le PFOS, comme cancérogène. L'Alsace est concernée : le Forever Polution Project fait l'état d'une concentration inquiétante. Portant, ces polluants ne sont même pas recherchés dans les analyses sanitaires des ARS, faute d'une réglementation appropriée d'ici à 2026.

Quels moyens le Gouvernement met-il en oeuvre contre cette pollution ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - Largement utilisés dans les années 1950, ces polluants s'avèrent très persistants. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a mesuré des concentrations inférieures au niveau de référence d'alors.

Les connaissances ayant évolué, une vigilance accrue s'impose. Le plan du 17 janvier 2023 repose notamment sur la définition des normes réglementaires, la réduction des émissions et l'amélioration des connaissances sur ces substances, ou encore des restrictions sur le marché européen.

Il faut réduire l'exposition des populations. La recherche de ces polluants sera donc obligatoire dès 2026, et certaines ARS ont déjà lancé des démarches. La norme qualité de 100 nanogrammes par litre pour les vingt substances PFAS est en vigueur depuis janvier 2023. À compter de juin 2023, les installations industrielles ont été soumises à des arrêtés pour limiter les émissions : 5 000 ont été contrôlées. Nous sommes aux côtés des collectivités et des populations.

Mme Patricia Schillinger.  - L'Alsace est très touchée : nous attendons des résultats !

Utilisation de la visioconférence par les bureaux des PETR

M. Pascal Martin .  - Durant la crise du covid, le recours à la visioconférence par les pôles d'équilibre territorial et rural (PETR) s'est généralisé. La loi 3DS a d'ailleurs pérennisé cette pratique. Toutefois, rien n'est prévu pour la réunion de leurs bureaux syndicaux. Par souci de simplification, madame la ministre, ces réunions peuvent-elles être réalisées en distanciel ? Faudra-t-il légiférer ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - La loi 3DS a en effet étendu cette possibilité depuis l'été 2022. En revanche, nous ne l'avons pas ouverte aux bureaux, les débats parlementaires ayant expressément écarté cette possibilité, dans la mesure où les bureaux des intercommunalités ne sont pas comparables aux commissions permanentes des conseils départementaux ou régionaux, puisqu'ils réunissent peu de participants et ne prennent pas de décisions.

Une évolution législative, que votre Haute Assemblée pourrait engager si elle le juge pertinent, serait appropriée.

M. Pascal Martin.  - C'est une attente récurrente des élus locaux, pour simplifier leur travail, alors qu'ils doivent assumer une multitude de réunions. Concilier présence sur le territoire, vie personnelle et professionnelle : la mission flash sur le statut de l'élu revient sur ces questions.

J'entends donc qu'il faudra modifier la loi.

Communauté intercommunale des villes solidaires à La Réunion

Mme Viviane Malet .  - Répondre aux besoins de développement du territoire de la communauté intercommunale des villes solidaires (Civis) de La Réunion tout en épargnant ses espaces naturels est une difficulté compte tenu de ses contraintes géographiques.

Depuis 2001, la ville de Saint-Pierre a impulsé un projet de territoire dynamique impliquant la mise en service de 100 hectares de zones industrielles. La zone économique de Pierrefonds a démontré son succès. La Civis affiche un indice de concentration d'emplois de 110 %. Or la révision du document d'urbanisme prive le maire de la maîtrise de son action politique. Il faut adapter les règles d'urbanisme aux réalités locales pour gérer efficacement l'utilisation du foncier, et préserver à la fois les espaces agricoles et naturels et le développement économique. Le Gouvernement peut-il prendre une position claire à ce sujet ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - L'artificialisation des sols nuit à la biodiversité. Cependant, l'objectif n'est pas de mettre l'île sous cloche, mais de mieux construire. Les territoires ultramarins sont soumis à un objectif de réduction de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers, mais une souplesse s'applique en la matière pour tenir compte des réalités locales.

La cible chiffrée fixée par le schéma d'aménagement régional (SAR) de La Réunion doit tenir compte des particularités des territoires littoraux et montagnards. Des dynamiques démographiques et économiques sont également à prendre en considération, tout comme le potentiel des friches et des locaux vacants. Des projets d'envergure régionale ou intercommunale peuvent être menés, dont l'artificialisation induite sera mutualisée au niveau de la région et ne pèsera donc pas sur les trajectoires des intercommunalités et communes.

Conséquences du coefficient correcteur pour les communes rurales

M. Jean-Claude Anglars .  - Le mécanisme de surcompensation associé au coefficient correcteur pour les communes qui affichent un reversement de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) supérieur à la perte de la taxe d'habitation nuit aux communes rurales. Celles-ci reversent en effet plus d'argent que les communes urbaines. De plus, le caractère local de la taxe foncière est désormais discutable : à Saint-Saturnin-de-Lenne, en Aveyron, 43 % des recettes sont affectées au pot commun national, et il en va ainsi pour 265 des 285 communes du département. Enfin, le lien entre l'impôt local et son territoire est supprimé, car le taux de taxe foncière reste inchangé alors que le produit fiscal évolue. Ainsi, 818 000 euros prélevés sur les produits des recettes de Rignac sur trois ans, soit 58 % des impôts de ses habitants, n'ont pas profité au budget communal. Ce dévoiement de la fiscalité locale mécontente maires et habitants des communes rurales. Comment le Gouvernement compte-t-il supprimer les effets négatifs du coefficient correcteur ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - Les 265 communes que vous citez voient une partie de la taxe foncière échapper à leur budget, mais il en allait ainsi auparavant puisqu'elle revenait au budget des départements. De plus, les communes, notamment rurales, affichant un montant de surcompensation inférieur ou égal à 10 000 euros conservent cette surcompensation. Ce dispositif financé par l'État a bénéficié à plus de 6 700 communes, dont 19 dans l'Aveyron. Enfin, le mécanisme est évolutif et indexé sur la dynamique individuelle des bases de TFPB de chaque commune, sans influer pour autant sur la politique de taux des communes, préservant ainsi le lien entre le contribuable et son territoire. Pour ces raisons, le Gouvernement n'envisage pas de réformer le calcul du coefficient correcteur.

Élus locaux victimes d'un accident

Mme Anne Ventalon .  - Lorsque les élus locaux assument des missions techniques - réparation d'une fuite sur le réseau d'eau, par exemple - ils sont collaborateurs occasionnels du service public. Or le grave accident survenu dans ce contexte à un adjoint au maire d'un village ardéchois n'est pas considéré comme un accident du travail, ce qui implique une perte de revenus importante. Les communes rurales n'ont guère les moyens d'assurer les membres de leurs conseils municipaux. Cette situation est injuste pour des personnes qui donnent de leur temps à la collectivité et envoie un signal négatif à tous les citoyens intéressés par l'engagement municipal. Le Gouvernement pourrait-il préciser la notion d'accident du travail pour les collaborateurs occasionnels du service public afin d'ouvrir droit à l'indemnisation associée ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - La situation que vous décrivez est poignante. Les élus locaux bénéficient d'une protection en cas d'accident survenu dans l'exercice de leur mandat ou dans le cadre de leur participation au service public local. En l'occurrence, l'élu relève du régime de l'assurance maladie. La réparation du préjudice subi ressort de la responsabilité sans faute de la commune pour le compte de laquelle il a exercé la mission de service public.

Le Gouvernement considère que cette situation n'appelle pas d'évolution des textes, le droit à réparation étant assuré au bénéfice du collaborateur occasionnel du service public, ce risque pouvant en outre faire l'objet de la souscription d'une assurance par les collectivités. L'accompagnement des élus locaux est une priorité, et nous devons faire preuve d'humanité : je vous propose donc de continuer à travailler sur cette situation précise.

Mme Anne Ventalon.  - Je vous remercie. Les élus locaux sont exposés à des risques croissants. Un statut protecteur est nécessaire.

Assurance des collectivités territoriales

Mme Nadège Havet .  - Alors que les sinistres subis par les collectivités augmentent, les compagnies d'assurances qui répondent à leurs appels d'offres sont de plus en plus rares. Elles ont aussi augmenté les primes et réduit leurs périmètres de couverture. Les contrats ne sont parfois pas reconduits. Les élus sont inquiets car ils craignent de ne pas pouvoir s'assurer. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour répondre aux craintes exprimées face à l'envolée du montant des cotisations, aux annulations unilatérales de contrats et aux appels d'offres infructueux ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - Les difficultés rencontrées par les collectivités pour s'assurer sont structurelles et tiennent tant aux risques émergents - climatiques, sociaux, ou juridiques - qu'à l'écosystème du marché de l'assurance, qui présente une offre peu développée, appuyée essentiellement sur deux assureurs : la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (Smacl assurances) et Groupama. Les conditions dans lesquelles ceux-ci peuvent eux-mêmes se réassurer se sont d'ailleurs durcies.

Avec l'appui de la direction générale du Trésor, le Gouvernement a étendu le champ de compétences du médiateur des assurances et suit la situation des collectivités, notamment celles qui ont été affectées par les émeutes urbaines. Nous pilotons un groupe de travail avec les assureurs pour suivre le rythme des dédommagements et éviter les résiliations sèches. Cet effort a déjà produit des résultats.

En outre, le Gouvernement a demandé un rapport aux inspections générales et à deux personnalités qualifiées - Alain Chrétien, maire de Vesoul, et Jean-Yves Dagès, ancien président de la Fédération nationale de Groupama, dont les conclusions sont attendues début 2024. Cette mission fournira un état des lieux détaillé des difficultés actuelles et proposera des évolutions de nature à dynamiser l'offre.

Tiers-lieux

Mme Élisabeth Doineau .  - Les tiers-lieux sont des espaces ouverts où il est possible de se réunir pour travailler, apprendre, ou simplement se rencontrer.

En lien avec France Tiers-lieux, le dispositif Fabriques de territoire a permis d'en soutenir 300 entre 2020 et 2021, à hauteur de 50 000 euros par an chacun pendant trois ans.

Un nouvel appel à projets est lancé pour créer 80 tiers-lieux sur des territoires qui n'en comptent aucun ; le soutien financier est de 50 000 euros, cette fois pour un an.

Chaque tiers-lieu est particulier, et répond à un besoin identifié sur un territoire. Certains existaient déjà et ont profité de cette opportunité pour renforcer leurs actions, d'autres ont vu le jour grâce à cette impulsion. Ces derniers vont devoir passer d'un modèle subventionnel à un modèle économique autonome. Vu l'intérêt social, culturel et économique de ces projets, il faudrait que l'État poursuive son soutien, le temps de cette transition, car la crise sanitaire a retardé le développement d'activités privées pour équilibrer leurs comptes.

Comment comptez-vous pérenniser les tiers-lieux propulsés par l'appel à projets Fabriques de territoire ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - Le Gouvernement soutient depuis 2020 la politique des tiers-lieux, véritables outils de dynamisation de nos territoires, notamment ruraux. Manufactures de proximité, Fabriques de territoires : au total, ce sont 175 millions d'euros qui ont été investis. Dominique Faure a annoncé le 9 novembre 2023 la labellisation de 80 nouvelles Fabriques de territoires, pour un montant de 50 000 euros annuel, afin de poursuivre le maillage.

Ces lieux hybrides permettent de créer du lien. Nous les accompagnons, via l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et France Tiers-lieux, dans la transition vers un modèle économique autonome, et le projet de loi de finances prévoit un budget spécifique au sein de la mission « Cohésion des territoires ».

Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour assurer la pérennité de ces tiers-lieux et trouver un modèle économique adapté pour chacun - restauration, coworking, culture, action sociale, etc. Nous sommes à vos côtés !

Murs de soutènement

M. Serge Mérillou .  - On parle peu des murs de soutènement en bordure de parcelles privées - jusqu'au jour où l'effondrement menace. Les communes sont alors confrontées à de réelles difficultés.

En effet, la mention du titre de propriété est le plus souvent absente des actes notariés. De ce fait, le juge administratif s'appuie sur une jurisprudence de 2015 qui édicte qu'un mur situé à l'aplomb d'une voie publique, et dont la présence évite la chute de matériaux, doit être regardé comme un accessoire de la voie publique. La collectivité est donc systématiquement condamnée à engager les réparations.

En outre, ces murs de soutènement ne sont pas considérés comme des biens assurables pour les communes, qui se retrouvent donc seules à assumer les répercussions financières. C'est injuste.

Le Gouvernement compte-t-il modifier le code général de la propriété des personnes publiques pour ces biens qui n'appartiennent pas au domaine public mais y sont intégrés en tant qu'accessoires ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - L'entretien des murs de soutènement, essentiel pour la sécurité du public et des biens, coûte cher et il est légitime de s'interroger sur la responsabilité de la collectivité en la matière. Vous avez sans doute à l'esprit le cas de la commune d'Agonac, en Dordogne.

Si le mur de soutènement n'apparaît pas dans les titres de propriété privée des propriétaires alentour, le juge examine s'il concoure à l'utilisation de la voie publique. Cette recherche a priori évite de faire porter systématiquement sur les communes les charges inhérentes à ces murs de soutènement.

Les communes ont de plus en plus de mal à s'assurer, dans un marché de plus en plus restreint. Dans ce contexte, une évolution de la jurisprudence étendant les critères d'engagement de leur responsabilité pourrait dégrader leur taux de sinistralité.

Ce sujet sera abordé dans le cadre de la mission confiée aux inspections générales sur l'assurabilité des communes, dont les travaux sont attendus début 2024.

M. Serge Mérillou.  - Les communes ont de plus en plus de mal à trouver un assureur, entre résiliation des contrats et envol des coûts.

Dans le cas de la commune d'Agonac, le juge administratif a écarté des actes très anciens attestant de la propriété privée, qui avaient été portés à sa connaissance. C'est anormal.

Implantation d'une antenne-relais sur une parcelle régie par un bail rural

Mme Laurence Garnier .  - Le maire de Saint-Molf en Loire-Atlantique a été saisi début 2023 d'une demande d'installation d'une antenne-relais sur une parcelle agricole par la société Totem, agissant pour le compte d'Orange. La commune est propriétaire, mais la parcelle est exploitée par un agriculteur locataire dans le cadre d'un bail rural

L'antenne étant un équipement d'intérêt général, la commune a signé un bail au printemps 2023, puis délivré un arrêté de non-opposition à la déclaration préalable de travaux, qui est conforme au PLU et ne génère aucun trouble de jouissance pour l'agriculteur.

Or celui-ci a récemment déposé deux recours gracieux contre cette déclaration préalable, au motif que, d'après le code civil, la commune ne peut modifier le bail rural qui les lie sans l'accord du locataire.

Si le code civil s'oppose ainsi à l'obligation d'utilité publique d'installation d'une antenne, nous risquons d'avoir bien du mal à supprimer les zones blanches en milieu rural...

Madame la ministre, pouvez-vous clarifier cette situation contradictoire ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - Effectivement, l'implantation d'une antenne-relais n'est pas un motif permettant de déroger au droit des baux ruraux.

Le Gouvernement oeuvre pour la disparition des zones blanches, comme le montre la conclusion en janvier 2018 d'un New Deal avec l'Arcep et les quatre opérateurs mobiles. Néanmoins, il revient à l'opérateur de trouver l'emplacement adéquat pour son projet, en achetant ou en louant un terrain. Ce n'est qu'ensuite que le projet est soumis aux dispositions du PLU de la commune où se trouve le terrain.

À Saint-Molf, la parcelle en cause ne pouvait être retenue, car il est interdit au bailleur, public ou privé, d'utiliser lui-même les biens compris dans le bail, de modifier la consistance des biens loués ou de reprendre une partie des terres pour les confier à un tiers.

Pour faire reculer les zones blanches, il convient donc d'encourager les opérateurs souhaitant installer une antenne-relais sur un terrain déjà loué à rechercher un accord amiable avec le locataire en place, dont les droits sont préservés.

Pénurie d'hébergements d'urgence à Paris

Mme Colombe Brossel .  - Le Gouvernement ne peut s'enfermer dans le déni sur la question de l'hébergement d'urgence. Le sujet est national, et un collectif de maires vous alertait récemment sur les enfants qui dorment à la rue dans leurs villes.

À Paris, le 22 novembre, 1 377 personnes n'ont pas trouvé d'hébergement après avoir appelé le 115. Parmi elles, 504 enfants, laissés à la rue. Face à de tels drames, comment prétendre que le nombre de places d'hébergement d'urgence est suffisant ?

La pénurie est telle que le 115 a dû mettre en place des critères de priorités : sont considérées comme prioritaires les femmes enceintes de plus de 7 mois, et les familles avec des enfants de moins de 3 mois. Rendez-vous compte ! Si ces critères ont été mis en place, c'est bien que nous manquons cruellement de places d'hébergement d'urgence.

Ces familles, nous les connaissons, car leurs enfants sont scolarisés dans les écoles parisiennes. Chacun se mobilise : les parents d'élèves, à tour de rôle, accueillent les camarades de leurs enfants ; les directeurs et directrices ouvrent leur école afin que les enfants ne dorment pas dehors ; les maires d'arrondissement ouvrent leur mairie ou réquisitionnent des bâtiments laissés vides.

Lors de la discussion budgétaire, nous avons proposé de créer 10 000 places supplémentaires dédiées à l'hébergement d'urgence. Demande balayée par le Gouvernement qui estime que ces créations ne « régleront rien ». Entendez l'urgence et ouvrez enfin des places supplémentaires !

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - Personne n'est indifférent à la situation. Depuis 2017, la mobilisation publique est considérable, tant par le déploiement du plan Logement d'abord que par le renforcement des capacités d'hébergement d'urgence, mais les besoins demeurent.

Les acteurs de la veille sociale sont des acteurs clés de la politique de lutte contre le sans-abrisme. Les services intégrés d'accueil et d'orientation (Siao) occupent une place centrale dans la régulation du dispositif d'hébergement et du logement adapté. Leurs moyens humains seront renforcés avec la création de 500 ETP.

L'État a assuré un développement continu des places d'hébergement depuis 2017. En Île-de-France, 120 000 personnes sont hébergées chaque soir par l'État au titre du dispositif national d'asile et de l'hébergement généraliste, soit deux fois plus qu'il y a dix ans. Le parc d'hébergement parisien compte près de 47 000 places et représente, pour 2023, un budget d'un demi-milliard d'euros.

Patrice Vergriete a annoncé le maintien du parc d'hébergement généraliste à un haut niveau en 2024 : 203 000 places en moyenne sur l'année.

Le projet de loi de finances 2024 prévoit l'ouverture de 2,93 milliards d'euros. La dotation consacrée à l'hébergement d'urgence est en hausse de 23 millions d'euros par rapport à la loi de finances 2023.

Rénovation énergétique des logements

M. Philippe Bonnecarrère .  - Comment accompagner au mieux nos concitoyens dans la rénovation énergétique de leur logement ? Les crédits pour MaPrimeRénov' sont déjà considérables, et viennent d'être rehaussés. Les travaux à réaliser doivent être choisis avec discernement et priorisés : c'est un métier. Les régions avaient mis en place des dispositifs d'accompagnement permettant de faire appel à des spécialistes et cela fonctionnait bien.

Or, dès la parution du décret de juillet 2023 créant mon accompagnateur Rénov' - qui se déploiera courant 2024 -, certaines régions ont mis fin à leur financement. Les accompagnateurs existants risquent d'avoir disparu quand le nouveau dispositif sera opérationnel ! Quelles mesures transitoires envisagez-vous ? Comment préserver l'existant ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - Oui, l'accompagnement est essentiel. France Rénov' et mon accompagnateur Rénov' - nouveaux acteurs agréés par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) -, y contribuent. La décision de la région Occitanie, non concertée avec l'État, de mettre fin à l'accompagnement via l'agence régionale de l'énergie et du climat inquiète. Les opérateurs qui dépendaient fortement des commandes de cette agence sont en difficulté. Nous souhaitons trouver une solution, avec la région Occitanie, pour préserver ces opérateurs et conserver leur savoir-faire.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Nous sommes d'accord sur le constat : l'État et la région doivent s'entendre pour préserver ce qui a été construit.

Zones tendues

Mme Viviane Artigalas .  - Un nouveau zonage de la taxe sur les logements vacants et de la majoration de taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) a été publié par décret. L'objectif est d'accroître l'offre de logement et de limiter la hausse des prix et des loyers, dans désormais 3 693 communes.

Dans les Hautes-Pyrénées, 27 communes sur 469 sont désormais classées communes touristiques en zone tendue. Mais les critères retenus interrogent : en raison du trop faible nombre de transactions immobilières, les services de l'État ont choisi de regrouper les petites communes. Cela donne des résultats incohérents : dans une même vallée, les plus petites communes sont dans le dispositif, alors que les plus grandes - qui ont pourtant plus de logements touristiques - en sont exclues ; aucune des communes de la vallée très touristique de la Haute-Bigorre n'est classée. La liste doit donc être très rapidement réactualisée. Quelles sont les intentions ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - Un ajustement pourrait être envisagé dans le cadre de la future loi sur le logement. Le législateur de 1999 a prévu une taxe sur les logements vacants dans les zones en déficit d'offres. Étaient principalement visées les zones urbanisées, de plus de 50 000 habitants, connaissant un déséquilibre entre l'offre et la demande.

Dans les Hautes-Pyrénées, 27 communes sont désormais couvertes, ce qui leur permet d'instaurer une majoration de THRS. Pour être retenue, la commune doit présenter un score cumulé élevé sur trois critères cumulés - notamment la proportion de résidences secondaires, qui exclut 39 % des communes de votre département. La réflexion sur un éventuel ajustement peut être envisagée.

Mme Viviane Artigalas.  - Ces effets de bord ont déjà été signalés au ministre du logement. Il faut absolument réfléchir à l'échelle de la vallée touristique.

Transport public en Seine-Saint-Denis

M. Fabien Gay .  - Je salue les élus de Tremblay-en-France présents en tribunes. Commune la plus vaste de Seine-Saint-Denis et la plus éloignée de Paris, la question des transports en commun à Tremblay est centrale.

Le choix d'un nouveau prestataire de bus dans le cadre de la mise en concurrence a conduit à la suppression de lignes, à la diminution des fréquences et à de moins bonnes interconnexions avec le RER B. Pourtant, la situation était déjà critique : depuis 1995, la ponctualité du RER B se dégrade et les dysfonctionnements sur la ligne se multiplient, pour près d'un million de voyageurs quotidiens !

Sans parler de la résiliation du contrat Île-de-France Mobilités (IDFM)-Alstom en raison du retard de livraison de 35 rames rénovées. Et on nous annonce un nouveau retard : les rames ne seraient pas mises en service avant 2027...

Alors que la zone à faibles émissions (ZFE) métropolitaine impose un moindre recours à la voiture, cette dégradation du transport collectif et une probable augmentation des tarifs nous inquiètent. Les Tremblaisiens devront-ils payer plus pour moins de transports ? Ou sont-ils désormais assignés à résidence ? Que compte faire le Gouvernement ? Des assises de la mobilité en Seine-Saint-Denis seront-elles organisées, ainsi que le demandent les élus et la population ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - Voici la réponse de Clément Beaune.

L'organisation des transports publics en Île-de-France relève d'IDFM, qui définit l'offre et la qualité de service. C'est aussi IDFM qui organise l'ouverture à la concurrence des réseaux de bus qui desservent notamment Tremblay-en-France.

L'État accompagne le développement et la modernisation des infrastructures de transport collectif via le contrat de plan État-région (CPER). C'est ainsi qu'il a énormément investi sur le RER B, axe majeur de déplacement en Île-de-France, dans le cadre du CPER 2015-2022. Des négociations sont en cours sur la prochaine programmation. Un ambitieux programme de modernisation est prévu, avec du matériel roulant neuf à compter de 2027 - avec plus d'un an de retard sur le calendrier initial - ainsi qu'un nouveau système de supervision des trains d'ici à 2033, afin d'amélioration les conditions de circulation du RER B. L'État est mobilisé aux côtés de la région et d'IDFM sur l'ensemble de ces projets. J'entends que les citoyens attendent une réponse, j'en ferai part au ministre.

Pénurie de médicaments

Mme Laurence Harribey .  - Amoxicilline, paracétamol, hormone de croissance, cortisone, traitement anti-cancer : la liste des médicaments en rupture de stocks s'allonge. Les causes de ces pénuries sont multiples et complexes : délocalisation de la fabrication des principes actifs, concentration extrême de la production avec constitution de monopoles, stratégie plus financière que médicale des laboratoires, impact de la guerre en Ukraine sur l'aluminium... L'hiver dernier a été très difficile, mais c'est encore plus tendu cette année. En septembre, le Gouvernement a annoncé la distribution de certains antibiotiques à l'unité : c'est insuffisant. Quelles sont les solutions du Gouvernement ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Veuillez excuser Aurélien Rousseau. La question est moins celle d'une pénurie que celle de la répartition des stocks sur le territoire. Le Gouvernement a établi une feuille de route pour capitaliser sur les acquis de la période 2019-2022 qui avait vu des avancées majeures. Une liste de 450 médicaments essentiels a été publiée le 13 juin et des travaux ont été engagés pour garantir leur disponibilité. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a élaboré un plan de préparation des épidémies hivernales ; un plan blanc est activable en cas de situation exceptionnelle. Le Gouvernement a travaillé avec les industriels à des hausses de prix ciblées sur certains génériques stratégiques, en contrepartie d'une sécurisation de l'approvisionnement. Le Président de la République a annoncé le 13 juin la relocalisation de la production de 25 médicaments stratégiques. Le PLFSS a prévu plusieurs mesures : obligation de recherche d'un repreneur en cas d'arrêt de la commercialisation d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur ; délivrance à l'unité des médicaments en rupture ; conditionnement de la délivrance des antibiotiques à la réalisation d'un test rapide d'orientation diagnostique (Trod). Le débat parlementaire a permis de faire émerger d'autres idées.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée.  - C'est une première pour moi, Monsieur le président, j'en appelle à votre indulgence. Enfin, Aurélien Rousseau a réuni récemment les industriels pour évoquer la question de la répartition des stocks.

Mme Laurence Harribey.  - Merci pour vos réponses. Je suis heureuse de voir que vous reprenez certaines des préconisations de la commission d'enquête sénatoriale de juillet dernier. Mais il manque encore une vision globale. Je crois au carré magique : production européenne ; relocalisation ; Secrétariat général aux médicaments ; production publique - n'en ayons pas peur.

Remboursement de l'activité physique adaptée

M. Jacques Grosperrin .  - Les bienfaits de l'activité physique adaptée (APA) sont connus : prévention de multiples pathologies chroniques, traitement d'affections de longue durée (ALD)... Créées en 2019, les maisons sport-santé apportent une réponse de proximité. Le décret du 8 mars 2023 relatif à leur habilitation conforte ce maillage territorial.

Cependant, le non-remboursement de l'APA pour les malades en ALD, même avec une ordonnance, est incompréhensible. Il faut le décider, en liaison avec les mutuelles, et en précisant les aspects réglementaires : publication de la liste des praticiens habilités et de leurs lieux d'exercice, définition d'un cahier des charges. Ce remboursement permettrait une réelle prise en charge, mettrait un terme aux inégalités d'accès à l'APA et sécuriserait les médecins. Quand interviendra-t-il ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - L'activité physique joue à tous les niveaux pour prévenir certaines maladies chroniques et ralentir l'évolution des pathologies. C'est pourquoi depuis 2019, le Gouvernement a engagé une stratégie nationale sport-santé destinée à promouvoir l'activité physique pour tous. La loi du 2 mars 2022 a ouvert la prescription d'APA à l'ensemble des médecins et élargi son champ d'application.

En cohérence avec la décision du Président de la République de faire de la promotion de l'activité physique et sportive la grande cause nationale pour 2024, l'article 22 du PLFSS 2024 intègre la prise en charge de l'APA dans le parcours de soins coordonnés renforcés, dans le prolongement des expérimentations menées dans le cadre de l'article 51 de la LFSS 2018.

En outre, un amendement a été adopté pour expérimenter le financement de programmes d'APA pour les patients atteints de cancer. Nous devons vérifier la robustesse des modalités d'intervention, alors que certaines expérimentations arrivent à terme.

M. Jacques Grosperrin.  - La loi de 2022 a ouvert le sujet. Nous nous félicitons de l'amendement sur l'expérimentation pour les malades du cancer. Alors que 95 % des Français sont sédentaires, l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) déplore les conséquences du manque d'activité physique sur la santé des 18-64 ans, avec 404 cas de diabète par jour.

Décret sur le transfert de pharmacies

M. Olivier Paccaud .  - Issu de l'ordonnance du 3 janvier 2018, le décret d'application de l'article L. 5125-6 du code de la santé publique devrait préciser les règles assouplissant le transfert des officines de pharmacie entre communes, et les conditions dans lesquelles les directeurs des ARS arrêteront la liste des territoires où l'accès au médicament n'est pas satisfaisant. Sans décret, point de liste ni de transfert possible.

Depuis quatre ans, le silence réglementaire empêche des communes de profiter des avancées de la loi. Où en est ce décret ? Comme plusieurs parlementaires, j'ai adressé deux questions écrites au ministre. En juillet 2022, on répondait à Alain Duffourg que le décret serait publié en janvier 2023 ; à une députée, il y a six mois, on annonçait fin 2023. Allez-vous nous annoncer une bonne nouvelle ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Ancienne parlementaire, je connais le problème des questions écrites.

Nos 20 000 officines maillent le territoire, mais l'accès aux pharmacies se dégrade dans certains territoires. En Guyane et en Corse, plus de 20 % de la population accède difficilement à une pharmacie. Nous devons agir pour freiner cette évolution.

À la suite de l'ordonnance du 3 janvier 2018, le ministre de la santé a mis en concertation un projet de décret en février 2023 (M. Olivier Paccaud se gausse) pour ouvrir des pharmacies dans les zones isolées où plus de 20 % de la population est à plus de quinze minutes de voiture d'une pharmacie. Mais plusieurs parlementaires et des représentants des pharmaciens ont souhaité revoir la méthodologie. Le Gouvernement a donc fait le choix de l'écoute. Les travaux ont repris à l'automne et un nouveau projet de décret sera soumis à concertation au premier semestre de l'année 2024.

M. Olivier Paccaud.  - (Levant les bras au ciel) On l'aura peut-être en 2030...

Avenir de l'hôpital de Challans

M. Didier Mandelli .  - En novembre 2021, Olivier Véran annonçait l'inscription de quatre grands projets hospitaliers vendéens structurants dans le cadre du Ségur de la santé, pour un coût prévisionnel de 130 millions d'euros, dont l'hôpital de Challans, site principal du centre hospitalier Loire Vendée Océan (CHLVO), avec la promesse d'un investissement de 50 millions d'euros, intégrant Saint-Gilles-Croix-de-Vie et Machecoul.

Deux ans plus tard, deux projets sont à l'étude. Le premier consiste à réhabiliter le site actuel en un hôpital très complet, avec une maternité, des services de court séjour, un plateau technique, des urgences, mais aussi un Ehpad et un centre de psychiatrie ambulatoire. Le tout en plein centre-ville, avec une gare SNCF à deux minutes à pied. Dix médecins sont arrivés depuis le début de l'année. Pour l'accès aux soins, la mobilité des patients, de leur famille et des soignants est essentielle. 

Le second projet prévoit de construire un nouvel hôpital sur onze hectares, propriété privée à ce jour, ce qui nécessiterait une modification de PLU intercommunal. Comment feront les familles et les soignants pour accéder au site, à dix kilomètres de la ville ? La feuille de route Planification écologique du système de santé insiste pourtant sur la sobriété foncière, la lutte contre l'artificialisation des sols, et prône la rénovation énergétique des bâtiments.

Un projet de réhabilitation pourrait débuter en 2024, alors qu'une construction prendra des années. Le premier projet répond aux exigences de mobilité, d'aménagement du territoire ou de consommation de l'espace. Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Dans le cadre de la stratégie régionale d'investissement au titre du Ségur, un projet de modernisation du CHLVO a été amorcé.  Le projet médical a été finalisé cet été. En lien avec l'ARS, deux scénarios sont étudiés : la rénovation du site actuel et la construction d'un hôpital à l'extérieur de la ville.

Le choix dépend du résultat d'une analyse multicritère, qui prend en compte la qualité et la sécurité des soins, la soutenabilité financière et l'impact environnemental. À ce stade, il est beaucoup trop tôt pour se prononcer sur un scénario préférentiel. Le ministre de la santé ne manquera pas de vous tenir informé.

Panneaux photovoltaïques et monuments historiques

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Je m'interroge sur les freins à l'installation de panneaux photovoltaïques. En Côte-d'Or, presque tous les villages possèdent un monument historique. Doivent-ils rester à l'écart du progrès technologique ? Avec la loi Accélération des énergies renouvelables, les élus sont de plus en plus sollicités par les habitants pour l'installation de panneaux solaires. La commune de Curtil-Vergy, riche d'un monument historique, se voit systématiquement refuser par la direction départementale des territoires (DDT) des autorisations de travaux, sur le fondement de l'avis de l'architecte des bâtiments de France (ABF). Les panneaux entacheraient la mise en valeur du site, même en l'absence de covisibilité.

Alors que cette commune connaît des difficultés de surtension, les élus et les habitants ne comprennent pas cette opposition de principe, qui les laisse dans l'impasse. Le préfet pourrait-il arbitrer ce genre de situations, pour éviter un blocage systématique ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Ce territoire nous est cher à toutes deux.

Lors de son discours de Belfort du 10 février 2022, le Président de la République a insisté sur les trois piliers de la politique énergétique : sobriété et efficacité, accélération des énergies renouvelables, développement du nouveau nucléaire.

Le Gouvernement soutient toutes les initiatives pour développer les énergies décarbonées, dont le photovoltaïque. La stratégie française pour l'énergie et le climat prévoit de doubler le rythme de déploiement de l'énergie solaire.

La loi Accélération des énergies renouvelables permet de faciliter l'installation de panneaux photovoltaïques sur des sites déjà artificialisés et dégradés, mais cet impératif doit être concilié avec les objectifs de préservation du patrimoine culturel. Son article 8 dispose que l'ABF tient compte des objectifs nationaux de développement des énergies renouvelables et de rénovation énergétique des bâtiments.

La circulaire du 9 décembre 2022, signée par les ministres de la culture, de la transition écologique et de la transition énergétique, demande aux ABF d'encourager le développement de panneaux solaires dans certaines zones ; les projets ne doivent être refusés que s'ils portent atteinte à l'architecture des bâtiments remarquables.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Une clarification s'impose, face aux injonctions contradictoires. Merci de porter ce dossier.

Zones d'accélération des énergies renouvelables

Mme Kristina Pluchet .  - Je regrette l'absence de la ministre de la transition énergétique. De nombreuses communes sont perdues dans les interprétations contradictoires de l'article 15 de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables qui prévoit la mise en place de zones d'accélération des énergies renouvelables (Zader) par une « planification ascendante et facultative, le dernier mot revenant aux communes » - selon les mots de Mme Pannier-Runacher ici même.

Certaines intercommunalités, notamment dans l'Eure, exigent des délibérations rapides des communes avec une date limite, invoquant la définition des plans climat, air, énergie territoriaux (PCAET) ou tout simplement l'urgence climatique et un calendrier ministériel impératif, aboutissant à une planification descendante et obligatoire.

Les communes ont du mal à accéder à l'information : beaucoup n'ont reçu que le courrier de juin. L'accès aux cartographies promises suit un cheminement peu évident. Le téléchargement des documents présente des difficultés techniques et les informations se limitent souvent au seul potentiel éolien. Pourriez-vous clarifier la chronologie exacte afin que la liberté des communes demeure pleine et entière ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Le Président de la République a fixé un cap clair et ambitieux à Belfort : faire de la France le premier grand pays à sortir de la dépendance aux énergies fossiles. Le législateur a décidé une véritable planification territoriale des énergies renouvelables : les communes doivent proposer des Zader à un référent préfectoral qui présente cette cartographie lors d'une conférence départementale, avant transmission au comité régional de l'énergie qui décide si ces zones sont suffisantes pour atteindre les objectifs régionaux de la programmation pluriannuelle de l'énergie.

Aucune zone ne pourra être imposée aux élus locaux : nous sommes donc bien dans une logique ascendante. Ils sont toutefois invités à proposer leur zone d'accélération d'ici le 31 décembre 2023, mais ce n'est pas une date couperet, comme l'a rappelé Agnès Pannier-Runacher au dernier salon des maires.

Absence de sous-préfet à Langres

M. Bruno Sido .  - Le poste de sous-préfet de Langres est vacant depuis le 30 juin 2023. La dernière sous-préfète en poste avait également dû prendre les missions de directeur de cabinet du préfet de la Haute-Marne pendant quatre mois, ce qui l'avait fait s'éloigner de l'arrondissement. Il n'y a donc plus de représentant de l'État dans le sud de la Haute-Marne depuis plus de huit mois, et aucun décret n'a été publié au Journal officiel à ce jour. C'est très regrettable. Les élus locaux le ressentent comme un désintérêt de l'État pour l'arrondissement et ses 200 communes. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour doter ce dernier dans les meilleurs délais d'un sous-préfet qui assurerait avec efficacité la représentation de l'État ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Je vous prie d'excuser Gérald Darmanin. Je comprends très bien que vous déploriez l'absence de sous-préfet dans l'arrondissement de Langres.

Vous le savez, il fut un temps où soit on fermait les sous-préfectures, soit on les désarmait. Ce temps est révolu. Le Président de la République l'a annoncé en Mayenne, le 10 octobre 2022 : six sous-préfectures ont rouvert ou sont en voie de réouverture, à Château-Gontier, Clamecy, Montdidier, Nantua, Rochechouart et Saint-Georges-de-l'Oyapock.

Pour Langres, nous n'avons pas encore trouvé le candidat ou la candidate mais le ministère est mobilisé. Votre demande est légitime et nous allons tout faire pour y répondre dans les meilleurs délais. Hier, le 4 décembre, un nouveau secrétaire général est arrivé à la préfecture : c'est un début !

M. Bruno Sido.  - Je vais vous aider : notez dans votre appel à candidature qu'il y a une belle résidence de fonction, que Langres est une ville magnifique avec de bonnes écoles, un bon collège, un bon lycée, et qu'elle a tous les atouts pour accueillir un bon sous-préfet. (Sourires)

Communauté de brigades de Taissy

M. Cédric Chevalier .  - Le Président de la République a annoncé le 2 octobre à Tonneins l'implantation de 238 nouvelles brigades de gendarmerie sur l'ensemble du territoire. Chacun mesure l'importance de la présence des gendarmes pour la sécurité, la prévention et la tranquillité publique ; ils sont en première ligne face à l'augmentation de la criminalité et de la délinquance.

Je me réjouis donc de l'implantation, dans la Marne, d'une brigade mobile à Châlons-en-Champagne et d'une brigade fixe à Jonchery-sur-Vesle. Mais d'autres brigades sont malheureusement sous-dotées en personnel. Celle de Taissy est ainsi pourvue de 22 gendarmes, ce qui ne permet pas la nomination d'un officier en son sein, officier qui serait pourtant fort utile sur cette zone. Entendez-vous renforcer les effectifs de la communauté de brigades (COB) déjà existantes ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Sur le précédent quinquennat, 10 000 postes de policiers et gendarmes ont été créés. J'ai connu des temps où l'on parlait plutôt de 10 000 suppressions... La Marne compte 633 gendarmes, contre 619 en 2017. La COB de Taissy compte 22 fonctionnaires, contre 21 en 2017, sans compter le soutien de 14 militaires du peloton de surveillance et d'intervention (Psig) de Reims qui peuvent venir en renfort, et de 6 gendarmes adjoints volontaires.

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) crée 2 144 postes de gendarmes pour armer 239 nouvelles brigades ; il fut un temps où on les fermait. L'encadrement est effectivement confié à un officier à partir de 26 militaires. Lorsqu'il y en a moins, ce sont des sous-officiers supérieurs qui l'assurent, comme à Taissy. La prime haute technicité, instituée en 2020, peut naturellement bénéficier à ce sous-officier. Nous menons enfin une réflexion sur une nouvelle prime d'activité pour les COB rurales.

M. Cédric Chevalier.  - L'encadrement par un officier est nécessaire pour faire face aux problèmes, nombreux dans la Marne, notamment en période de vendange. J'espère que l'on passera à 26 effectifs à Taissy pour obtenir un officier.

Répartition des amendes de police

M. Jean-Raymond Hugonet .  - L'État rétrocède aux communes et à leurs groupements une partie du produit des amendes de circulation routière. Cela se fait directement pour les communes et intercommunalités de plus de 10 000 habitants. Pour les plus petites, les sommes sont réparties par les conseils départementaux qui établissent la liste des bénéficiaires, fixent le montant des attributions selon l'urgence et le coût des travaux à réaliser - au préfet de prendre les arrêtés correspondants.

Cette distinction de strate est particulièrement injuste pour les petites communes qui engagent des dépenses, notamment pour équiper leur police municipale. La dépénalisation des infractions de stationnement depuis 2018 les désavantage, car elles sont moins susceptibles de mettre en place un service de contrôle et des forfaits post-stationnement. Monsieur le Ministre, ne peut-on les faire bénéficier des mêmes dispositions que les autres ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer .  - J'ai eu la chance de piloter une commune de moins de 10 000 habitants, où il y a moins d'amendes. La transparence était totale dans l'affectation des recettes par le département.

Le décret du 4 octobre 2021 rend possible le financement par cette recette de projets portés par des intercommunalités de plus de 10 000 habitants qui n'exercent pas la totalité des compétences à matière de mobilité, de voirie et de parc de stationnement. Les petites communes peuvent donc bénéficier d'opérations d'aménagement ou d'équipements en faveur de la sécurité routière ou de la mobilité.

La loi du 27 janvier 2014 prévoit une compensation des pertes de recettes liée à la dépénalisation du stationnement payant, précisée par l'article 78 de la loi de finances rectificative de 2016 pour les communes de moins de 10 000 habitants, effectivement moins susceptibles de mettre en place des forfaits post-stationnement. Le produit les amendes de police est passé de 53 millions d'euros en 2018 à 92 millions en 2022.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Merci de votre réponse : la question écrite de Laurent Burgoa était sans réponse depuis un an et demi. Nous préférons gérer nous-mêmes ces sommes, plutôt que de les confier au département ou à l'intercommunalité.

Biens communaux dégradés

M. André Guiol, en remplacement de M. Christian Bilhac .  - La loi du 5 juillet 2000 oblige les communes d'au moins 5 000 habitants à réaliser des aires d'accueil pour les gens du voyage. Or certaines ne remplissent pas leurs obligations et les municipalités subissent encore des dégradations. Évacuations forcées ou poursuites pénales sont difficiles à mettre en oeuvre et les coûts de remise en état des biens publics restent entièrement à la charge des communes.

L'été dernier, à Cazouls-lès-Béziers, dans l'Hérault, 350 caravanes ont envahi illégalement le stade municipal, les clôtures étant découpées à la tronçonneuse. Les devis s'élèvent à 167 000 euros, sans oublier la perte de jouissance, la mise en sécurité, l'évacuation des déchets ou encore l'achat d'équipements de vidéosurveillance.

M. Christian Bilhac vous demande donc d'instaurer un fonds d'aide pour financer les rénovations des biens municipaux dégradés après des occupations illicites. On pourrait gager les véhicules ou les plaques d'immatriculation jusqu'à paiement intégral des amendes.

M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Un maire est désemparé face à de telles dégradations. Vous connaissez le schéma départemental des gens du voyage, mais certains territoires manquent encore d'infrastructures. Peut-être un jour faudra-t-il mieux réprimer cette défaillance.

Cazouls-lès-Béziers a subi de graves dégradations. Je l'ai vécu dans ma commune et cela a été un combat de plusieurs mois pour faire payer les assurances. L'État est là pour aider les collectivités, via des outils à la main des préfets. Je le dis : un préfet de département ne doit pas laisser une commune seule face à un tel drame. En tout cas, nous y veillerons. En 2024, les dotations aux collectivités sont reconduites à un niveau historique : 2 milliards d'euros.

M. André Guiol.  - Dans le Var, où les communes ont souvent transféré cette compétence à leurs EPCI, nous rencontrons un autre problème, comme à Brignoles où les gens du voyage qui s'installent sont tellement bien qu'ils ne voyagent plus !

Transparence du Gouvernement sur les effectifs policiers à Lyon

M. Thomas Dossus .  - Dans un contexte de sécurité renforcée, avant les festivités du 8 décembre à Lyon, voilà une question centrale qui met en jeu les relations entre le Gouvernement et les collectivités territoriales : la transparence.

Le ministère de l'intérieur communique souvent sur les nouveaux effectifs de policiers, mais le solde net des effectifs n'est jamais publié.

Le maire de Lyon a demandé ce chiffre au ministère, dans quatre courriers successifs, restés sans réponse. Le maire de Lyon a saisi la justice administrative, il attend la réponse ; entre-temps, le ministère n'a toujours pas répondu.

Cette opacité est dommageable. Nous craignons que les renforts ne soient que des remplacements de départs. Ce n'est pas acceptable. Quand communiquerez-vous les chiffres ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer .  - La sécurité est une affaire de l'État, qui est soucieux du continuum de sécurité et qui sait s'appuyer sur les maires.

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) acte un rapport annexé annuel : les effectifs nets seront donnés en janvier, dans chaque département... Bref, nous pourrions dire, un peu de patience.

Mais je vais vous donner les chiffres avant l'heure : la circonscription de sécurité publique de Lyon, qui couvre 18 communes, compte actuellement 1 485 gradés, contre 1 351 en 2016, soit 134 de plus. La fin du mois verra 35 arrivées et 8 départs, soit 27 effectifs nets supplémentaires.

L'ensemble des services de la sécurité publique dans l'agglomération de Lyon compte 2 170 gradés et gardiens de la paix, avec d'ici à la fin du mois encore 38 arrivées.

Mais les périmètres évoluent, il est difficile de faire des comparaisons.

Lyon, deuxième métropole de France, fait l'objet de toute notre attention.

M. Thomas Dossus.  - Merci pour votre transparence. Cependant, je regrette que l'on soit obligé d'en arriver à une question orale pour obtenir les chiffres.

Situation en Arménie et au Haut-Karabagh

Mme Marie-Arlette Carlotti .  - La situation en Ukraine et au Proche-Orient ne doit pas nous faire oublier le drame qui se joue en Arménie et dans le Haut-Karabagh. Une vraie tragédie. Chose étrange et terrifiante que de voir un pays disparaître sous nos yeux ! L'Artsakh s'est vidé de sa population, par une épuration ethnique qui revêt la forme d'un exode forcé sous la menace des armes. Nous craignons que le pire n'arrive en Arménie.

La France accueille une grande diaspora arménienne -  80 000 Arméniens vivent à Marseille. La France a annoncé son soutien sans faille à l'Arménie face aux troupes azerbaïdjanaises. Nous avons annoncé la livraison de matériel militaire et la création d'une mission de défense à Erevan. Les engagements seront-ils tenus ?

La France est intervenue dans la médiation, mais les négociations n'avancent guère, alors que les dirigeants respectifs ont dit que la paix serait signée d'ici la fin de l'année. Le président Aliev dénonce une position biaisée de la France. Quand les dirigeants de l'Artsakh seront-ils libérés ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Je connais votre engagement pour cette cause. L'Azerbaïdjan a organisé l'exode, sous le regard bienveillant de la Russie.

Face à ces crimes, nous agissons. La France est le pays le plus mobilisé pour soutenir l'Arménie. Nos efforts diplomatiques sont importants, nous demandons une supervision internationale des Nations unies pour le retour des populations au Haut-Karabagh. Nous avons triplé notre aide à l'Arménie pour l'accueil de réfugiés, à 12, 5 millions d'euros en 2023.

Nous rappelons l'exigence d'intégrité territoriale de l'Arménie, et nous avons fourni des équipements militaires. Sans esprit d'escalade, nous n'accepterons jamais une remise en cause de cette intégrité. Nous cherchons une solution négociée, respectueuse du droit international.

Bourses scolaires des élèves français à l'étranger

Mme Hélène Conway-Mouret .  - La réforme des bourses scolaires allouées aux familles d'élèves scolarisés dans les établissements du réseau de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) de 2013 avait deux objectifs : le redéploiement des 30 millions d'euros de la prise en charge des frais de scolarité vers les bourses et la remontée des besoins réels, pour que le Parlement détermine l'enveloppe budgétaire à voter.

Mais le système a été dévoyé. Les crédits baissent, au nom d'économies qui n'ont jamais été demandées. Nous sommes passés de 125,5 millions d'euros en 2015 à 118 millions en 2024, alors que le nombre d'élèves est passé de 330 000 en 2013 à 395 000 aujourd'hui. De plus, le caractère dissuasif des procédures engendre des non-recours.

Le ministère augmente la contribution progressive de solidarité, entraînant une baisse des quotités et ainsi une augmentation du reste à charge pour de nombreuses familles : c'est incompréhensible. Ainsi, vous nuisez à la mixité sociale.

La hausse du budget de 13,5 millions d'euros est en trompe-l'oeil, car il faut déduire la réserve de 5 %. En 2024, les crédits sont en fait inférieurs. Quant à l'AEFE, elle perd 10 ETP.

Au regard de ces chiffres, l'objectif de doublement des élèves du réseau est-il toujours cohérent ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer .  - La logique qui prévaut est celle de l'équité. La réforme a tenu compte de la soulte, elle n'a aucun impact sur l'octroi des bourses. Les besoins des familles sont bien couverts. L'inflation et la crise sanitaire ont été prises en compte.

Des moyens exceptionnels ont été débloqués cette année, pour 12,8 millions d'euros. Toutefois, il est nécessaire de maîtriser la trajectoire. Ainsi, 118 millions sont prévus au PLF 2024, soit une augmentation de plus de 10 %, hors accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). L'effort est significatif.

Voilà qui est cohérent avec les objectifs d'extension du réseau, et l'impact est limité sur les bourses accordées aux élèves français du réseau.

Mais j'ai pris bonne note de vos remarques ; j'en parlerai avec Gabriel Attal.

Cessation anticipée d'activité liée à l'exposition à l'amiante

M. André Guiol .  - Des ingénieurs, ouvriers et techniciens de la direction générale de l'armement (DGA) ont été exposés à l'amiante, notamment dans la construction navale. Des décrets ont été publiés pour qu'ils bénéficient de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata). Le Conseil d'État a demandé des adaptations en 2020, pour étendre l'éligibilité et corriger des injustices.

Mais les ingénieurs contractuels techniques (ITC) ne peuvent toujours pas bénéficier de ce dispositif, au motif qu'ils n'appartiennent plus à la DGA, car le statut de leur établissement a changé de raison sociale, passant de structure étatique à un établissement de statut industriel, à l'instar de Naval Group. Il faut corriger cette injustice, pour que tous les agents puissent bénéficier de cette mesure, quelle que soit l'évolution de la raison sociale de leur établissement d'origine.

M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Je vous prie d'excuser le ministre Lecornu, qui est en Nouvelle-Calédonie.

Les règles d'éligibilité à l'Acaata ont été modifiées en 2022. Dans une décision du 10 juin 2020, le Conseil d'État a étendu ce dispositif aux anciens ouvriers de l'État qui n'avaient plus la qualité d'agent public au moment où ils ont déposé leur demande.

Pour les anciens contractuels, notamment les ingénieurs, il faut modifier l'article 146 de la loi de finances de 2016. Le travail interministériel a débuté, entre les ministères de la fonction publique, du travail et de la santé, qui sont plus concernés que celui des armées.

Cependant, sachez que le ministre Lecornu est très attaché à cette égalité de traitement face à l'exposition à l'amiante. Ce travail est engagé, nous devons réparation. C'est une exigence d'équité.

M. André Guiol.  - . - Je me réjouis de la démarche. Les dégâts liés à l'amiante sont indépendants du statut des personnes et des établissements concernés.

Présidence de M. Mathieu Darnaud, vice-président

La séance reprend à 14 h 05.