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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Salut à une délégation de la République du Congo

Questions d'actualité

Projet de loi Immigration (I)

Mme Maryse Carrère

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Projet de loi Immigration (II)

M. Patrick Kanner

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Projet de loi Immigration (III)

Mme Cécile Cukierman

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Trimestres de retraite des sapeurs-pompiers volontaires

M. Pascal Martin

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Projet de loi Immigration (IV)

Mme Mélanie Vogel

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Catastrophe naturelle dans les Deux-Sèvres

M. Philippe Mouiller

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Crise sociale à Wallis-et-Futuna

M. Mikaele Kulimoetoke

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Groupe Casino (I)

M. Pierre Jean Rochette

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Groupe Casino (II)

M. Hervé Reynaud

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Laïcité (I)

M. Alexandre Ouizille

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Laïcité (II)

M. François Bonhomme

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Intempéries dans les Hautes-Alpes

M. Jean-Michel Arnaud

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Installation des COP régionales

M. Jean-Baptiste Blanc

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Situation de la filière viti-vinicole

M. Denis Bouad

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

Publicités de l'Ademe pour une consommation sobre

Mme Pascale Gruny

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Eau et assainissement

M. Franck Menonville

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Avis sur une nomination

Échec en CMP

Accord en CMP

Réemploi des véhicules

Discussion générale

M. Guillaume Gontard, auteur de la proposition de loi

M. Jacques Fernique, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports

M. Cédric Chevalier

M. Bernard Pillefer

M. Daniel Salmon

M. Pierre Barros

M. Éric Gold

M. Bernard Buis

M. Alexandre Ouizille

Mme Else Joseph

M. Guillaume Chevrollier

Discussion des articles

ARTICLE 1er

ARTICLE 1erBIS

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Daniel Chasseing

M. Jacques Fernique, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports

CMP (Nominations)

Allocation autonomie universelle d'études

Discussion générale

Mme Monique de Marco, auteure de la proposition de loi

Mme Anne Souyris, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Mme Brigitte Devésa

Mme Mathilde Ollivier

Mme Céline Brulin

Mme Guylène Pantel

Mme Solanges Nadille

Mme Marion Canalès

Mme Pascale Gruny

M. Daniel Chasseing

Discussion de l'article unique

Vote sur l'ensemble

Mme Antoinette Guhl

Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe

M. Pascal Allizard, au nom de la commission des affaires étrangères

M. Stéphane Sautarel, au nom de la commission des finances

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

Mme Mathilde Ollivier

Mme Silvana Silvani

Mme Annick Girardin

Mme Nadège Havet

M. Didier Marie

Mme Christine Lavarde

M. Louis Vogel

Mme Brigitte Devésa

Mme Audrey Linkenheld

M. Cyril Pellevat

M. Alain Cadec

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

Ordre du jour du jeudi 14 décembre 2023




SÉANCE

du mercredi 13 décembre 2023

46e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Salut à une délégation de la République du Congo

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.) J'ai le plaisir de saluer, dans la tribune d'honneur, une délégation de cinq sénateurs, conduite par M. Pierre Ngolo, président du Sénat de la République du Congo.

Ils sont accompagnés par nos collègues Guillaume Chevrollier, président du groupe d'amitié France-Afrique centrale, et Stéphane Demilly, président délégué pour le Congo au sein de ce groupe, et Son Excellence M. Rodolphe Adada, ambassadeur de la République du Congo en France.

Nous venons d'avoir un entretien particulièrement dense avec le président Ngolo et sa délégation, sur nos relations bilatérales mais aussi les récentes évolutions en Afrique.

Nous avons signé un protocole de coopération parlementaire qui contribuera à enrichir les liens entre nos assemblées dans les prochaines années, en particulier sur le volet de la décentralisation et des relations de l'État avec les collectivités locales, qui intéresse particulièrement nos partenaires congolais.

Le Sénat français entretient de longue date d'excellentes relations avec le Sénat de la République du Congo. Ces rapports de confiance et d'amitié sont à l'image du partenariat étroit qui unit nos deux pays.

Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter, en votre nom à tous, à nos homologues du Sénat congolais, la plus cordiale bienvenue, ainsi qu'un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements prolongés)

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Projet de loi Immigration (I)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du RDPI) À qui profite le crime ? La coalition d'oppositions a recalé le projet de loi Immigration. Après des 49.3 à répétition, une motion de rejet. S'agit-il d'une crise politique conjoncturelle ?

Nous assistons sans doute aux limites du « en même temps », car certains groupes parlementaires rejettent manifestement la culture du compromis. (« Oh ! » sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Il est temps de s'interroger sur nos institutions, qui traversent une crise profonde. Le dialogue ne se tente plus qu'au Palais du Luxembourg. Nous nous réjouissons de voir le Sénat mis en lumière comme chambre de modération, pourvu que le compromis y trouve aussi sa place. La commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi Immigration aura valeur de test.

Profondément attaché au bicamérisme et à la démocratie représentative, le groupe RDSE souhaite voir au plus vite émerger une gouvernance apaisée. Madame la Première ministre, envisagez-vous des réflexions sur le fonctionnement des institutions, y compris sur la décentralisation, dans l'intérêt des Français ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du RDPI et du groupe INDEP)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Lundi, à l'Assemblée nationale, la Nupes et l'extrême droite se sont alliées pour empêcher le débat sur le projet de loi Immigration... (Vives protestations à gauche, où l'on pointe du doigt les travées de droite.)

M. Rachid Temal.  - Et les députés les Républicains ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Cette alliance baroque est irresponsable !

M. Mickaël Vallet.  - C'est votre gouvernance qui est baroque !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Elle s'est faite au mépris du travail parlementaire et des attentes des Français.

Une voix à gauche.  - Et la réforme des retraites ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Je connais l'attitude constructive du RDSE, qui est le plus ancien groupe parlementaire de notre République. Je sais son attachement au débat et au pluralisme (on apprécie sur les travées du RDSE), et sa volonté de trouver des solutions concrètes et efficaces pour les Français, notamment face aux défis migratoires. Cette volonté est aussi la mienne et celle de mon Gouvernement.

Nos concitoyens attendent des solutions et des réponses. Nos forces de l'ordre nous demandent des moyens d'action plus efficaces.

M. Max Brisson.  - Cela fait six ans !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Nous devons éloigner plus rapidement les personnes en situation irrégulière, et mieux intégrer celles que nous accueillons. C'est l'objectif du Gouvernement, et ce sera l'enjeu de la prochaine CMP qui se tiendra lundi. C'est la condition pour apporter les réponses attendues par nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE ; marques de dérision sur les travées du groupe SER)

Projet de loi Immigration (II)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Yannick Jadot applaudit également.) C'est un fiasco. À la crise institutionnelle, vous ajoutez une crise politique inédite. En jouant sur les peurs, le Président de la République attise les braises d'un pays incandescent. C'est irresponsable.

Votre ministre, aux déclarations à géométrie variable, a échoué ; cet échec est le vôtre, comme votre échec est celui du Président de la République. À vouloir tromper tout le monde, vous n'avez convaincu personne. Vous avez provoqué cette situation, à vous d'en sortir.

Puisque vous écartez un 49.3, quelle sera l'ampleur de la capitulation en CMP ? Quel sera le prix du renoncement aux valeurs républicaines ? La fin de l'aide médicale d'État ? (« Oui ! » sur les travées du groupe Les Républicains) La fin de la régularisation des travailleurs dans les métiers en tension ? (« Oui ! » sur les travées du groupe Les Républicains) La préférence nationale ? (Exclamations à droite)

Madame la Première ministre, il est encore temps. Suivez l'exemple du président Retailleau et retirez votre texte ! (Applaudissements nourris à gauche)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Lundi, à l'Assemblée nationale, les députés socialistes ont pris la décision lourde de mêler leurs voix à celles de l'extrême droite. (Vives et bruyantes protestations à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP ; quelques exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains) Ils ont refusé d'exercer leur mission de parlementaire : discuter et voter la loi. (Les protestations fusent ; brouhaha.)

M. Mickaël Vallet.  - On vous a fait élire au second tour !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Je me souviens d'un temps où le Parti socialiste portait des combats et des valeurs, où il était un parti de gouvernement ; à l'Assemblée nationale, il s'enferme dans l'obstruction. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Monsieur le président Kanner, je connais vos convictions, votre attachement à la démocratie parlementaire. Allez-vous laisser le Parti socialiste se dissoudre au sein de la Nupes et voter avec le Rassemblement National ? (Rires et exclamations moqueuses à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP) Ou comptez-vous sauver son honneur ?

Mon Gouvernement ne laissera jamais les manoeuvres politiciennes l'emporter. (Huées à gauche) Les Français demandent des mesures fortes contre l'immigration illégale, et une meilleure intégration de ceux que nous accueillons. Avec le ministre de l'intérieur, nous sommes déterminés à leur apporter des solutions. Une commission mixte paritaire se tiendra lundi. Nous choisirons toujours la voie de la responsabilité et le chemin de l'action. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)

M. Patrick Kanner.  - Je vous ai posé une question de fond et vous répondez de façon politicienne. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST et du groupe Les Républicains ; sourires sur plusieurs travées)

Vous connaissez l'adage : « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». Le 14 novembre, ici, les sénateurs de la majorité présidentielle, à quelques exceptions près, ont voté le texte de la droite sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; « Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ne laissez pas vos députés Renaissance se dissoudre dans Les Républicains, qui eux-mêmes se dissolvent dans le Rassemblement National. Retirez votre texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; huées et protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; MMStéphane Ravier et Aymeric Durox s'en amusent.)

Projet de loi Immigration (III)

Mme Cécile Cukierman .  - Le rejet préalable de votre projet de loi Immigration est un échec cuisant. Vous dénoncez l'empêchement du débat, alors que vous avez vous-même recouru au 49.3 à vingt reprises.

En l'absence de débat à l'Assemblée nationale, le texte du Sénat, plus dur, devient la base de travail. Mais c'est vous qui avez entretenu la confusion, en accompagnant le texte de la droite sénatoriale ! Vos soutiens au Sénat l'ont voté, alors que vos députés l'ont profondément retravaillé.

M. Michel Savin.  - En même temps !

Mme Cécile Cukierman.  - Vous payez cette incohérence. Votre réponse est de convoquer en urgence une commission mixte paritaire (CMP), pour tenter de petits arrangements. Nous n'acceptons pas ce coup de force. Allez-vous renoncer à cette CMP ? (Applaudissements à gauche)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Lundi, à l'Assemblée nationale... (Exclamations moqueuses)

M. Hussein Bourgi.  - Vous avez déjà lu cette fiche !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - ... ceux qui prétendent nous donner des leçons de démocratie ont choisi d'empêcher le débat parlementaire, de concert avec l'extrême droite. (M. Fabien Gay proteste.)

Cela n'entame pas notre volonté de répondre aux attentes des Français, qui soutiennent notre texte. (On le conteste à droite.) Ils demandent l'expulsion des étrangers délinquants ; des capacités d'action pour nos forces de l'ordre contre l'immigration irrégulière ; des sanctions contre les passeurs et marchands de sommeil ; une meilleure intégration de ceux que nous accueillons.

Nous voulons leur apporter des solutions ; rien ne nous fera dévier de cette ligne. La CMP est convoquée, le débat parlementaire se poursuit, nous souhaitons un accord. Avec Gérald Darmanin et mon Gouvernement, notre détermination est totale. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Cécile Cukierman.  - Ces mêmes Français, que vous appelez à la rescousse, étaient 70 % à être opposés à la réforme des retraites : vous les avez ignorés ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER) C'est « en même temps » quand cela vous arrange !

En convoquant la CMP alors que l'Assemblée nationale a rejeté votre texte, vous piétinez le débat parlementaire ! (Protestations sur les travées du RDPI)

Lundi, il n'y a pas que la gauche qui a voté le rejet. Les cinq voix manquantes sont aussi issues de l'arc républicain présent ici au Sénat. Attelez-vous à répondre à l'urgence du bien-vivre des Françaises et des Français ? (Applaudissements à gauche)

Trimestres de retraite des sapeurs-pompiers volontaires

M. Pascal Martin .  - (Vivats et applaudissements sur les travées du groupe UC) En cette période de Sainte-Barbe, le décret mettant en oeuvre l'article 24 de la loi portant réforme des retraites est très attendu. Cet article accorde le droit à des trimestres supplémentaires aux assurés ayant effectué au moins dix années d'engagement, continues ou non, comme sapeur-pompier volontaire. Or il est question d'en limiter le bénéfice à ceux qui ont eu une carrière hachée, ce qui serait en totale contradiction avec l'esprit du législateur, et viderait le dispositif de son contenu : seuls 10 % des bénéficiaires potentiels seraient alors concernés.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé hier à l'Assemblée nationale que le décret appliquerait strictement la loi, mais n'avez pas nié qu'il restreindrait le dispositif. Vous engagez-vous à ne pas limiter l'avantage retraite accordé par la loi du 14 avril aux seuls sapeurs-pompiers volontaires ne bénéficiant pas de l'ensemble des trimestres de cotisation retraite sur leur carrière ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDSE)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Le décret en discussion au Conseil d'État vise à appliquer les nombreuses mesures adoptées dans la loi Matras puis dans la loi de réforme des retraites en faveur des sapeurs-pompiers volontaires, mesures que vous avez soutenues.

Je suis très favorable à l'attribution de trimestres supplémentaires pour reconnaître l'engagement de nos sapeurs-pompiers volontaires.

Ce décret n'est toujours pas publié. La direction de la sécurité sociale, sous l'autorité du ministre des comptes publics et du ministre des solidarités, en discute. L'arbitrage de la Première ministre est clair : l'esprit de la loi sera respecté. (Mme la Première ministre fait signe que c'est évident.)

J'ai répondu à ce sujet à M. Bosland, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, et crois l'avoir rassuré. Une fois le texte sorti du Conseil d'État, nous en discuterons avec la Fédération, sous l'autorité de la Première ministre.

Des trimestres supplémentaires seront bien accordés pour les sapeurs-pompiers volontaires qui donnent leur temps, parfois leur vie, et qui font honneur à l'uniforme et à la République. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Pascal Martin.  - La doctrine opérationnelle française repose sur la complémentarité entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires. Il manque 50 000 sapeurs-pompiers volontaires, conséquence d'une crise des vocations.

Leur attente est légitime. Ils comptent sur vous pour que ce texte soit publié dans les meilleurs délais, dans l'esprit de la loi votée au Sénat il y a quelques mois. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, INDEP et du RDSE)

Projet de loi Immigration (IV)

Mme Mélanie Vogel .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Vous avez essuyé, lundi, un échec cuisant, politique mais surtout moral. C'est l'échec d'une stratégie folle : mêler quelques miettes d'humanité aux obsessions rances, xénophobes et racistes de ceux qui font commerce électoral de la haine de l'étranger... (Applaudissements sur les travées du GEST ; huées sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Husson.  - Rien que ça !

Mme Mélanie Vogel.  - Depuis lundi, vous pleurnichez en dénonçant le résultat d'une alliance « contre-nature ». Mais c'est vous qui avez imaginé, dans un total confusionnisme, un équilibre entre la haine et les valeurs de la République ! (Applaudissements sur quelques travées du GEST ; les huées redoublent sur les travées du groupe Les Républicains.) Cet équilibre entre la raison et le mensonge n'existe pas. Il faut choisir ! Ferez-vous alliance avec la droite extrême et l'extrême droite, comme ici ? (Les huées se poursuivent sur les travées du groupe Les Républicains.) Allez-vous vous compromettre avec celles et ceux qui abîment la République et finiront par la précipiter dans le gouffre ?

Préférez l'inconfort d'un instant au déshonneur éternel : retirez ce texte ! Acceptez de construire avec celles et ceux qui portent encore les valeurs de la République (marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) un texte digne, rationnel, humaniste, qui traite l'immigration non comme une menace, mais comme un phénomène humain. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également ; huées à droite.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Vous êtes bien mal placée pour donner des leçons de morale, madame la sénatrice, quand votre groupe à l'Assemblée nationale dépose une motion de rejet votée par le Rassemblement national, avec tant de clins d'oeil qu'ils ont été perçus dans toutes les circonscriptions Nupes de France. (On s'en défend sur les travées du GEST.)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - La Nupes a rejeté non pas le texte, mais le débat à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI et du groupe UC ; M. Bruno Sido applaudit également.) Vous saviez pertinemment que seul demeurerait le texte du Sénat.

Vous avez poussé le cynisme jusqu'à rejeter, par principe, le fait que des mineurs ne puissent plus être en centre de rétention administrative - ce que la gauche n'a jamais fait en soixante ans, et que fera le Président de la République. (M. Martin Lévrier applaudit ; protestations sur les travées du GEST.)

Les 150 députés de la Nupes se privent d'enrichir le texte, comme nous l'avons fait ici où des amendements de tous les groupes ont été retenus. (Protestations à gauche) Ils ont préféré refuser le débat et voter avec Mme Le Pen, dans une alliance contre-nature. (Vives protestations sur les travées du GEST)

Mme Mélanie Vogel.  - Arrêtez !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Vous pouvez crier, madame : c'est la vérité. Vous vous êtes alliée avec Mme Le Pen - les deux partis populistes contre les partis de gouvernement. C'est honteux ! (Protestations à gauche)

Catastrophe naturelle dans les Deux-Sèvres

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur Kanner, les convictions de notre groupe sont intactes : d'où le retrait de notre proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Patrick Kanner ironise.)

Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Évidemment !

M. Philippe Mouiller.  - Le 16 juin dernier, un séisme de magnitude 5,8 a frappé le sud des Deux-Sèvres, le nord de la Charente-Maritime et le sud de la Vendée. Trois jours plus, Christophe Béchu est venu annoncer aux habitants le déclenchement accéléré de la procédure de catastrophe naturelle.

Six mois et trois commissions interministérielles plus tard, seulement 22 communes sur les 400 concernées ont été reconnues en état de catastrophe naturelle. Pire, huit communes proches de l'épicentre restent sans nouvelle de l'État. Le bureau central de sismologie français n'est toujours pas encore passé partout.

En ce début d'hiver, que pouvons-nous dire aux élus locaux - y compris ceux qui ont subi des inondations ou le retrait-gonflement des argiles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Devant les maisons fissurées, j'ai dit aux maires éprouvés que le Gouvernement mettrait tout en oeuvre pour que l'état de catastrophe naturelle soit reconnu.

En matière de séisme, deux critères cumulatifs doivent être réunis, dont le dépassement du niveau 5 sur l'échelle de Richter - c'est le cas à l'épicentre, mais pas sur certaines communes. Le bureau central examine les situations au cas par cas. Une trentaine de communes ont déjà été reconnues en état de catastrophe naturelle.

Notre régime d'indemnisation des catastrophes naturelles est à bout de souffle : nous allons donc vous proposer de le modifier. Le maire doit rédiger la demande, alors que la mairie est parfois touchée... Des vents violents sont une catastrophe en outre-mer, mais pas en Bretagne. Dans le cadre du prochain plan national d'adaptation au changement climatique, nous tirerons les leçons de ce qui s'est passé, notamment dans votre département. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI et du RDSE)

M. Philippe Mouiller.  - J'entends votre réponse très technique. Allez expliquer tout cela à ceux qui vivent dans des maisons fissurées ! Il y a un décalage entre le discours du jour J et la réalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nicole Bonnefoy applaudit également.)

Crise sociale à Wallis-et-Futuna

M. Mikaele Kulimoetoke .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je déplore que la collectivité française de Wallis-et-Futuna demeure inscrite sur la liste des pays les moins avancés de l'OCDE. Elle ne bénéficie pas de l'aide publique au développement. Sur place, la vie est chère et les crises sociales se multiplient : le blocage récent de la seule banque en atteste.

La collectivité est compétente pour élaborer une politique sociale, que le Gouvernement nous propose de financer par une fiscalité directe.

Mais, sur 12 000 habitants, seuls 2 300 sont salariés ou fonctionnaires. Le reste de la population survit : il n'y a pas d'allocation chômage et le seuil de pauvreté est de 522 euros par mois.

Le contrat social n'aide que les personnes âgées ou handicapées et celles dont le revenu est inférieur au Smic - 784 euros.

Depuis le début de l'année, je demande la création d'un RSA à Wallis-et-Futuna. J'ai déposé un amendement au PLF en ce sens, adopté à l'unanimité par notre assemblée. Nous ne sommes pas non plus éligibles au pacte des solidarités.

Je sollicite donc le Gouvernement pour doter notre contrat social de 5 millions d'euros supplémentaires, afin de financer un RSA. Comment le Gouvernement compte-t-il répondre à cette demande légitime ? (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du GEST et du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Monsieur le sénateur, je connais votre engagement contre la pauvreté dans ces deux territoires magnifiques de notre République. Le député Mikaele Seo a déposé un amendement qui va dans le même sens que le vôtre : 900 000 euros pour le contrat social - nous allons lever le gage.

Vous souhaitez accompagner les personnes âgées, handicapées et pauvres grâce à un RSA ou un contrat social plus large. Nous y sommes favorables, mais il faut d'abord une délibération de l'assemblée territoriale et un abondement à hauteur de 25 % des crédits nécessaires, l'État n'étant pas compétent. Nous allons y travailler rapidement.

Je me rendrai dans le Pacifique en début d'année pour négocier le contrat social que vous appelez de vos voeux. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Groupe Casino (I)

M. Pierre Jean Rochette .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Les Verts de Saint-Étienne ont fait la fierté de la France entière dans les années soixante-dix. (Plusieurs sénateurs relèvent la cravate verte de l'orateur.) C'était la couleur des magasins Casino fondés en 1898 par Geoffroy Guichard.

Aujourd'hui, le peuple vert est inquiet pour l'avenir de cette entreprise ligérienne, dont le siège social a toujours été à Saint-Étienne.

La marque Casino, première marque distributeur, fondée en 1901, fait partie du patrimoine français. La situation financière du groupe préoccupe tous les employés. La vente des supermarchés et hypermarchés est en cours de discussion. Dans la Loire, le malaise est palpable : les salariés des magasins et de la logistique craignent d'être les perdants de l'opération ; on craint aussi des suppressions de postes parmi les 1 800 salariés du siège social stéphanois.

Le groupe ne risque-t-il pas d'être fragilisé par la cession de nombreux magasins et entrepôts ? Le siège social sera-t-il maintenu à Saint-Étienne ? Sur les 22 000 emplois en France, 6 000 seraient menacés. L'effondrement de ce groupe emblématique serait un coup dur pour la Loire et toute la France.

Tous les Ligériens sont dans une démarche bienveillante à l'égard du groupe Kretinsky. Comment l'accompagnez-vous pour sauver cette entreprise, maintenir le siège à Saint-Étienne et préserver un maximum d'emplois ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - (Exclamations ironiques et « Bienvenue au Sénat ! » sur de nombreuses travées) Les salariés du groupe Casino n'ont pas à payer pour les erreurs stratégiques commises depuis plusieurs années par la direction du groupe - mauvais positionnement, prix plus élevés. Au dernier trimestre, il a perdu un demi-milliard d'euros de plus ! C'est intenable.

J'ai reçu l'intersyndicale ce matin : je suis aux côtés des salariés pour défendre leurs intérêts et garantir le respect de l'ordre public économique. Pour éviter la cessation de paiement, nous avons placé les charges fiscales et sociales - 300 millions d'euros - dans une fiducie, qui devra être reprise par le repreneur.

Nous avons aussi aidé à trouver le repreneur capable de mettre 1 milliard d'euros sur la table.

Il faut enfin assurer l'avenir du groupe. Je suis en contact avec le repreneur, Daniel Kretinsky, et les autres distributeurs qui voudraient reprendre une partie des activités. Je serai attentif à l'emploi dans les magasins repris, mais aussi dans les treize centres logistiques. Enfin, nous veillerons au maintien du siège de Saint-Étienne et de ses 1 800 emplois.

Groupe Casino (II)

M. Hervé Reynaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voyez combien cette situation préoccupe les élus et habitants du territoire -  cela transcende les clivages politiques.

M. Emmanuel Capus.  - Mais oui !

M. Hervé Reynaud.  - Il y va de la souveraineté économique de notre pays. Le groupe est installé à Saint-Étienne depuis 125 ans. Nous assistons à un crash économique en direct : une stratégie inadaptée a siphonné les comptes du groupe, avec une dette abyssale de près de 12 milliards d'euros. Comment un PDG a-t-il pu jongler avec les finances du groupe tout en étant l'actionnaire principal ?

Une voix à gauche.  - C'est un libéral !

M. Hervé Reynaud.  - Le démantèlement a commencé avec des ventes à la découpe : Go Sport, Leader Price, et demain peut-être Monoprix, Franprix, Vival, Naturalia, Cdiscount... Quelque 300 hyper et supermarchés sont sur la sellette.

L'intersyndicale est très inquiète, pour les entrepôts logistiques aussi. Elle compte sur le soutien du Président de la République. Qu'en est-il ? Nous sommes proches d'une casse sociale sans précédent : 50 000 emplois en France, 4 000 dans la Loire, sont menacés.

Depuis juillet, les choses ont évolué défavorablement. Le plan initial n'est pas respecté. Le siège et les emplois de Saint-Étienne seront-ils maintenus ? Nous ne voulons pas vivre le traumatisme d'un nouveau Manufrance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes CRCE-K et UC)

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Je n'ai qu'une priorité : le maintien de l'emploi à Saint-Étienne et ailleurs. Il y a eu des erreurs de positionnement stratégique de la direction, avec des prix élevés alors que d'autres pratiquaient des prix bas. Le groupe est allé droit dans le mur. Pas moins de 50 000 emplois ont effectivement été menacés. Nous avons garanti la reprise, et pris à notre charge les dettes fiscales et sociales. Nous accompagnons désormais la reprise par d'autres groupes, ce qui devrait permettre de relancer l'activité des hyper et supermarchés, et aussi des petits magasins de centre-ville.

Je me suis engagé à maintenir le siège à Saint-Étienne. Mais sur les 1 800 personnes, 1 200 travaillent sur les hyper et supermarchés ; 200 ont déjà été cédés à Intermarché, d'autres le seront dans les prochains mois. Je veillerai à ce que cet engagement soit tenu.

Laïcité (I)

M. Alexandre Ouizille .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le 6 décembre, il a été porté atteinte, à l'Élysée, au principe de séparation des Églises et de l'État. Un ministre du culte, le grand rabbin de France, a allumé la première bougie de Hanoukka en présence du chef de l'État.

M. Loïc Hervé.  - C'était très beau !

M. Alexandre Ouizille.  - Ceci est radicalement contraire à la Constitution et aux principes fondateurs qui nous lient, dont le Président de la République est pourtant le garant ! (M. Loïc Hervé le conteste.)

Dans l'Oise, nous avons rendu hommage à Ferdinand Buisson il y a quelques jours. La religion libre dans l'État libre, telle est la règle autour de laquelle nous nous retrouvons. Comment le Président de la République a-t-il pu commettre un tel impair ? Comment la Première ministre peut-elle prétendre, depuis Mayotte, qu'il s'agit seulement d'un moyen de lutter contre l'antisémitisme ?

M. Loïc Hervé.  - Vous mélangez tout !

M. Alexandre Ouizille.  - Pouvez-vous nous confirmer qu'il n'y aura pas de messe de Noël à Matignon ni de rupture du jeûne à Beauvau au printemps ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

S'agissait-il bien d'un accident et non d'un précédent ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je suis fier que le Président de la République ait reçu des mains de rabbins du monde entier le prix de la lutte contre l'antisémitisme, au nom de l'engagement de la France. Je m'étonne que cet événement constitue pour vous un problème d'actualité... (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC)

M. Hussein Bourgi.  - Et la laïcité ?

Plusieurs voix à gauche.  - Ce n'est pas la question !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Près de 1 800 actes antisémites ont été recensés depuis le 1er janvier 2023.

Votre provocation (M. Alexandre Ouizille s'en offusque) qui consiste à évoquer des messes à Matignon ou je ne sais quelle cérémonie religieuse dans n'importe quel édifice public montre que vous n'avez pas pris la hauteur requise par la situation vécue par nos compatriotes juifs, que la République protège.

M. Hussein Bourgi.  - Il ne fallait pas faire cela à l'Élysée ! C'est une faute !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Vous évoquez Buisson : à chacun sa gauche. Permettez-moi de citer Jaurès, évoquant la loi de 1905 : « la loi laisse sa liberté à tous les cultes. La liberté de conscience sera garantie et complète partout et absolue. La loi est libérale, juste et sage. ». C'est dommage que le parti socialiste s'éloigne encore plus de Jaurès ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; huées sur les travées du groupe SER)

M. Alexandre Ouizille.  - Nous ne sommes éloignés de personne ! C'est un principe fondateur de la République que vous ne respectez pas. Vous tombez de marche en marche tous les jours. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Laïcité (II)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Jeudi dernier, une cérémonie marquant le début de la fête juive de Hanoukka s'est tenue à l'Élysée. (Murmures au centre) Le Président de la République y avait convié le grand rabbin de France. La simple prudence et son rôle de protecteur de la laïcité auraient dû l'en dissuader. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du groupe CRCE-K)

Monsieur le ministre, partagez-vous l'analyse selon laquelle le Président de la République a commis une erreur ? Comment combattre à l'avenir une telle atteinte à la laïcité ? (Applaudissements et plusieurs « Bravo ! » sur les travées des groupes Les Républicains, SER, du GEST et du groupe CRCE-K)

M. Fabien Gay.  - Vive Jaurès !

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Monsieur le sénateur...

M. Mickaël Vallet et Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Vous allez citer Karl Marx ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je m'étonne qu'un groupe gaulliste pose une telle question, sachant que de Gaulle assistait à des messes à l'Élysée... (Rires moqueurs à gauche ; protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains) Cela minait-il notre pacte républicain ?

Nous luttons collectivement contre les atteintes subies par nos compatriotes juifs. Quand le grand rabbin rapporte une bougie d'Auschwitz, est-ce une atteinte à la laïcité ? Non.

Plusieurs voix à gauche.  - Ce n'est pas le sujet.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Les atteintes viennent de l'islam radical ou des associations communautaristes.

N'inventez pas de polémiques inutiles : il n'y a pas eu de cérémonie religieuse à l'Élysée. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)

M. Loïc Hervé.  - Exactement !

M. François Bonhomme.  - Quand on convoque Jaurès et de Gaulle, il faut avoir l'esprit clair. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées dGEST et du groupe CRCE-K) Si de Gaulle avait installé une chapelle à l'Élysée, c'était pour célébrer des messes privées.

M. Gérald Darmanin, ministre et M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Justement !

M. François Bonhomme.  - La récente célébration n'avait pas sa place à l'Élysée : c'est une bévue. Une confusion mentale. C'est un prétexte fâcheux pour que d'autres communautés s'y engouffrent. Un nouvel antisémitisme en profitera pour prétendre que la communauté juive aurait été privilégiée. C'est une politique de Gribouille, où l'on se jette à l'eau pour éviter d'être mouillé.

Journée de la laïcité, dépliant de la laïcité, référent laïcité, pourquoi pas un numéro vert ? Il faudrait transmettre ces outils de communication au Président de la République pour qu'il se reprenne...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - On est parti loin...

(Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur quelques travées dGEST et du groupe Les Républicains ; Mme Sonia de La Provô applaudit également ; M. Emmanuel Capus abaisse son pouce.)

Intempéries dans les Hautes-Alpes

M. Jean-Michel Arnaud .  - Depuis plusieurs semaines, de fortes intempéries touchent notre pays. Dans mon département, les Hautes-Alpes, 47 communes ont demandé le classement en catastrophe naturelle. Le dossier a-t-il avancé ?

Aucun reste à charge ne devrait affecter ces communes : qu'en est-il ?

Le ministre Béchu a annoncé un décret pour faciliter le curage des réseaux d'eau et de canaux. Où en est-on ? C'est une attente importante de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Duplomb applaudit également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Je salue l'engagement de nos services de secours, des services de l'État et des entreprises venues mettre le torrent dans le lit de la rivière.

Les dossiers des communes ont obtenu un avis favorable de la commission interministérielle. Le préfet a annoncé de la souplesse quant aux délais de dépôt.

Il convient d'aider ces communes. Je salue le président de votre département et le président de la région Sud, qui seront aux côtés des communes sinistrées. Nous sommes mobilisés et des points d'étape sont prévus. J'ai déjà échangé avec les maires.

Christophe Béchu a transmis au Conseil d'État un projet de décret pour simplifier et faciliter le curage des cours d'eau. (M. Laurent Duplomb s'exclame.) Il devrait paraître en début d'année.

Nous travaillons sur l'assurabilité des collectivités territoriales. Nous avons mandaté une mission sur ce sujet, qui travaillera avec les représentants des élus, les assureurs et les élus locaux... (M. François Patriat et Mme Patricia Schillinger applaudissent.)

M. Jean-Michel Arnaud.  - Merci d'avoir souligné l'engagement des collectivités, des élus et des citoyens. Le coût des travaux est de 15 millions d'euros, dont 12 millions à la charge du département. J'espère qu'il n'y aura pas d'autofinancement par les collectivités territoriales. (Mme Dominique Faure le confirme.)

La gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) suppose d'intervenir préventivement pour éviter des catastrophes demain. Sortons du dogme de non-intervention en amont, au nom de la préservation de la biodiversité : en cas de catastrophe, tout part à la mer... (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains)

Installation des COP régionales

M. Jean-Baptiste Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un nouvel acronyme aux relents cosmétiques s'impose en France, en dehors de tout contrôle parlementaire : les COP régionales. Chaque jour, une nouvelle COP est installée : un haut fonctionnaire décide seul à Paris et les collectivités territoriales se débrouillent sans moyens supplémentaires.

Le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) ne rend de comptes à personne. Cette façon de faire n'est ni coopérative ni transparente, sachant que les régions sont engagées depuis longtemps dans la transition écologique. Quelque 150 actions types et 160 questions : les régions sont contraintes de transcrire les décisions de l'État dans des stratégies nationales sous l'étroite surveillance des préfets, sans associer les élus. C'est un contrôle de conformité qui nous ramène à la tutelle d'avant 1982...

Tous les cinq ans, le Gouvernement doit présenter une loi de programmation énergétique, qui sert de base à la déclinaison territoriale - nous l'attendons toujours... Comment pouvez-vous accepter la territorialisation du zéro artificialisation nette (ZAN) et, en même temps, être le ministre de la planification écologique imposée aux régions ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Je dois confesser un défaut... (On ironise sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Didier Marie.  - On ne se confesse pas ici, c'est la République !

M. Christophe Béchu, ministre.  - J'ai passé six ans au Sénat. Non seulement cette chambre est précieuse pour la République, mais le travail que vous menez avec les élus locaux est une condition pour réussir à réformer le pays.

La circulaire sur les COP territoriales a été publiée le 29 septembre dernier. Il y est écrit noir sur blanc que les parlementaires sont systématiquement invités aux réunions. Vous avez été vous-même invité récemment à la COP de votre région, à laquelle vous n'avez pas pu vous rendre...

M. Stéphane Piednoir.  - Pour quoi faire ?

M. Christophe Béchu, ministre.  - On y fait très exactement l'inverse de ce que vous affirmez. (Mme Pascale Gruny ironise.)

Nous devons baisser nos émissions. Pour tenir cette ambition, une méthode : la planification ; et un choix : la confiance aux territoires.

Il faut d'abord établir des diagnostics, comme nous l'avons fait ce matin à Dijon. Dans les six mois à venir, département par département, nous recenserons les actions mises en oeuvre et ferons des contrats de relance et de transition écologique (CRTE) des contrats de réussite écologique dans le cadre du fonds vert. (M. François Patriat applaudit.)

M. Rachid Temal.  - Et donc ?

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Dont acte, monsieur le ministre. Mais pourquoi une telle impression de Gosplan ? Tenez compte des actions de décarbonation déjà engagées par les collectivités ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Situation de la filière viti-vinicole

M. Denis Bouad .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Un grand nombre de vignerons sont en détresse, notamment sur mon territoire. Le 25 novembre dernier, à Narbonne, 6 000 d'entre eux ont manifesté dans le calme pour demander un accompagnement massif de l'État, seul moyen de sortir de la crise.

Nous demandons un plan Marshall pour la viticulture, à deux étages : pour sauver les exploitations, des aides d'urgence justement calibrées, rapidement débloquées et qui ne laissent de côté aucun viticulteur, ainsi qu'une année blanche ; pour garantir l'avenir de la filière, un plan qui assure à une génération une sortie digne après une vie de travail et encourage l'installation des jeunes viticulteurs.

Il faudra recourir à de l'arrachage, temporaire mais aussi social, qui doit être correctement indemnisé. Sécuriser les nouvelles générations suppose aussi d'adapter les pratiques au défi climatique - cépages, accès à l'eau, assurance récolte. Sur ce dernier point, nous attendons toujours que le Gouvernement engage les discussions pour une sortie de la référence olympique.

Sur les deux étages d'aide dont j'ai parlé, pouvez-vous rassurer les hommes et les femmes dont le savoir-faire fait la fierté de nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur de nombreuses travées du RDSE)

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Hélas, je ne suis pas ministre de l'agriculture... (On ironise sur plusieurs travées.) Mais je partage votre passion pour le bon vin et le patrimoine culturel viticole.

Nous ne méconnaissons pas les difficultés rencontrées par la profession. Je pense au mildiou, en particulier. Dans certaines régions, les viticulteurs arrachent des cépages traditionnels pour planter des cépages italiens, espagnols ou portugais, ce qui a des conséquences culturelles fortes dans ce milieu où l'on aime la terre et son pays - et le faire savoir.

Comme Marc Fesneau vous l'a dit, il n'est pas aujourd'hui possible de mettre en place le fonds que vous souhaitez pour les viticulteurs du Sud-Ouest. Néanmoins, le fonds d'urgence de 20 millions d'euros inscrit dans le projet de loi de finances sera déployé pour accompagner les viticulteurs les plus en difficulté, notamment dans le Sud-Ouest. Nous continuons à expertiser des soutiens complémentaires.

L'engagement du Gouvernement pour la viticulture n'a pas fait défaut : 572 millions d'euros de soutiens après le gel de 2021, 17 millions après celui de 2022 et, la même année, 26 millions après la grêle.

M. le président. - Il faut conclure.

M. Olivier Véran, ministre délégué.  - Cette année, 200 millions d'euros d'aides exceptionnelles ont été débloqués. Enfin, une réflexion sera menée en vue d'un prêt bonifié. (MMFrançois Patriat et Ludovic Haye applaudissent.)

Publicités de l'Ademe pour une consommation sobre

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France voit ses petits commerces mourir à petit feu : pas un jour sans que nous soyons sollicités par des commerçants à bout de souffle, qui envisagent de baisser le rideau.

En quelques années, ils ont subi la crise sanitaire, l'explosion des prix de l'énergie, les taxes comme la cotisation foncière des entreprises (CFE), la baisse du pouvoir d'achat des Français et la concurrence du commerce en ligne. Nombre d'entre eux doivent encore rembourser leur prêt garanti par l'État, en plus des échéances de l'Urssaf.

Comme si cela ne suffisait pas, vous avez encouragé, à la veille de Noël, une publicité de l'Ademe mettant en valeur des « dévendeurs » pour inciter à la « déconsommation »... C'est une nouvelle gifle pour nos 700 000 commerces de proximité, qui font vivre près de trois millions de Français et jouent un rôle essentiel pour nos territoires.

Alors que les élus locaux ne cessent de vous alerter et vous ont remis à plusieurs reprises des propositions concrètes, vous ne semblez pas avoir pris la mesure de la situation. Les mesures cosmétiques ne suffisent plus : comment comptez-vous soutenir vraiment nos commerces de proximité, écrasés par la conjoncture ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Chaque jour, nous sommes soumis à 20 000 spots publicitaires. Je confesse et j'assume que, non pas avant Noël mais lors des dix jours précédant le Black Friday, 53 spots quotidiens aient posé la question de notre consommation, en suggérant de privilégier parfois la réparation, le reconditionnement, le recyclage ou la location.

Un de ces spots a suscité l'émotion, sur le registre : vous vous trompez, pas forcément de message, mais de cible, en montrant un commerce physique. Or le principal problème, ce sont les plateformes. En moyenne, nous achetons 30 % de vêtements en plus qu'il y a dix ans, mais les enseignes physiques ferment... Il s'agit de savoir quels vêtements nous achetons, où et de quelle qualité.

Là était la maladresse de ce spot : cibler un commerce physique. J'ai reçu la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), le Medef et vingt fédérations professionnelles : tous se sont déclarés satisfaits de la future campagne de soutien au made in France, à la production locale, à la qualité et au réparable.

Nous devons à la fois soutenir les commerces et veiller aux ressources de la planète. (Applaudissements sur des travées du RDPI et du groupe INDEP ; Mme Nicole Bonnefoy et M. Thierry Cozic applaudissent également.)

M. Franck Montaugé.  - Très bien !

Mme Pascale Gruny.  - Pour ce qui est du spot « dévendeurs », les dégâts sont faits...

Les commerces de proximité auraient besoin, notamment, d'un manager de ville. (Mme Françoise Gatel acquiesce.) Aidez les communes à financer de tels postes. Réfléchissez aussi à baisser la TVA pour éviter les concurrences déloyales.

Je vous invite à Saint-Quentin dimanche pour faire vos courses avec moi : les commerçants vous diront ce qu'ils me disent tous les week-ends, qu'ils n'en peuvent plus des taxes. Nous voulons des actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Eau et assainissement

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement des communes aux intercommunalités, prévu au 1er janvier 2020 par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), a été reporté au 1er janvier 2026. Et pour cause : il suscite de vives inquiétudes parmi les élus locaux.

Le Sénat n'a eu de cesse de se mobiliser sur le sujet. Dernièrement, notre collègue Jean-Yves Roux a fait adopter par notre assemblée une proposition de loi consacrant une approche différenciée de la gestion de cette compétence. Ce texte n'a, pour heure, pas prospéré.

Le 30 mars dernier, en déplacement dans les Hautes-Alpes, le Président de la République a ouvert la voie à une évolution notable. Où en sommes-nous, et peut-on envisager que cette compétence ne soit pas systématiquement transférée ? Un traitement adapté aux réalités territoriales est-il concevable ? Allez-vous laisser les communes s'organiser elles-mêmes, selon une logique de bassins versants ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - J'ai été invité à faire mon marché à Saint-Quentin et à retourner auprès des élus locaux dans les Deux-Sèvres : je suis déçu que vous ne m'ayez pas proposé de venir aussi à Stainville... (Sourires)

La proposition de loi de M. Roux n'a, pour le moment, pas trouvé de relais à l'Assemblée nationale. Plus exactement, elle a été inscrite dans le cadre d'une niche de groupe, mais à la suite d'un autre texte, sur l'abrogation de la réforme des retraites, qui a tellement occupé les députés que le texte de votre collègue n'a pas été examiné...

Il prévoit notamment que les départements pourront à nouveau sécuriser les travaux des communes.

M. Jean-François Husson.  - Bonne nouvelle !

M. Christophe Béchu, ministre.  - La Première ministre a rappelé au président Sauvadet que nous soutenions cette évolution.

À Savines-le-Lac, le Président de la République a dit qu'un jardin à la française n'était sans doute pas le meilleur moyen de gérer la compétence eau.

Mme Françoise Gatel.  - Excellent !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Nous devons tenir compte de deux impératifs, comme l'a souligné Dominique Faure, à qui je rends hommage pour son investissement sur ce sujet.

D'abord, nous ne pouvons pas conserver un système de communes isolées. (Murmures désapprobateurs à droite et au centre) Quand on considère les communes en rupture d'eau et les taux de fuite, on s'aperçoit que c'est une fausse bonne idée.

M. Fabien Genet.  - C'est faux !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Ensuite, il faut trouver une souplesse pour autoriser un système de syndicat ou de coopération. (Mme Françoise Gatel s'en réjouit.)

M. Mathieu Darnaud.  - On vous le demande depuis deux ans !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Nous trouverons l'année prochaine la manière de faire aboutir la proposition de loi de M. Roux.

M. Franck Menonville.  - Le Gouvernement peut l'inscrire lui-même à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Nous avons suffisamment de réformes à mener et de dysfonctionnements à résoudre dans les politiques publiques pour ne pas désorganiser ce qui est organisé dans les territoires. Ménageons de la souplesse et autorisons une délégation directe des communes à la structure de leur choix. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; MM. Jean-Yves Roux et Michel Masset applaudissent également.)

La séance est suspendue à 16 h 15.

Présidence de Mme Sophie Primas, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 35.

Avis sur une nomination

Mme la présidente.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n°2010-837 et de la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable (16 voix pour, aucune voix contre) à la nomination de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil à la direction générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Échec en CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2024 n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Accord en CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Réemploi des véhicules

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires, présentée par MM. Joël Labbé, Guillaume Gontard et plusieurs de leurs collègues.

Je salue notre ancien collègue Joël Labbé, présent en tribunes.

Discussion générale

M. Guillaume Gontard, auteur de la proposition de loi .  - Au lendemain de la clôture de la COP28 et alors que l'inflation exacerbe les inégalités sociales, il est temps de prendre des mesures concrètes, sociales et écologiques pour favoriser le réemploi des véhicules. Je salue Joël Labbé, présent en tribunes. (Applaudissements sur les travées du GEST ; plusieurs sénateurs saluent M. Joël Labbé.)

C'est au plus près du terrain, tandis qu'il discutait avec son garagiste, que l'idée a émergé dans l'esprit de Joël Labbé. Des tonnes de véhicules sont mises au rebut alors qu'ils sont encore en état de marche, tandis que les garages solidaires peinent à trouver des véhicules - certains mettent la clef sous la porte, comme à Échirolles, en Isère.

Acheter une voiture coûte très cher : 35 000 euros en moyenne pour un véhicule neuf, soit une hausse de 21 % en deux ans, et 14 400 euros en moyenne pour une Clio d'occasion, soit une hausse de 13 % en un an.

D'après le baromètre de Wimoov et de la Fondation pour la nature et l'homme (FNH), 13,3 millions de Français sont en situation de précarité de mobilité : ils n'ont accès ni à un véhicule ni à des transports collectifs.

Écologistes, nous n'apprécions pas la voiture. Les vices profonds des bagnoles, c'est qu'elles sont des biens de luxe inventés pour une minorité de très riches, disait André Gorz. Nous plaidons pour un autre aménagement des transports, avec des transports collectifs, l'autopartage, de meilleures infrastructures pour le vélo.

Mais nous, écologistes, sommes lucides : des milliers de Français, notamment en milieu rural, ont besoin d'une voiture, parce qu'ils sont loin de tout. Nous devons offrir des solutions. En milieu rural, ne pas avoir de voiture, c'est être assigné à résidence. Ainsi, 28 % des demandeurs d'emploi, sur les cinq dernières années, ont renoncé à un emploi faute de véhicule.

Simone habite à Saint-Nazaire, à l'extérieur de la ville. Les transports en commun ne coïncident pas avec ses quelques heures de ménage à Auchan. Elle doit emmener son enfant diabétique à l'hôpital, à 60 kilomètres de chez elle. Seule, surendettée, elle ne peut compter que sur elle-même. Sa Clio de 1999 est usée et son contrôle technique est dépassé d'un an. Elle est de plus en plus dangereuse à conduire. Lors d'une visite dans un garage solidaire, le démarreur a manqué prendre feu. Heureusement, elle a pu y louer un véhicule pour 30 euros par mois.

Des centaines de milliers de personnes sont dans son cas, en France. Les femmes seules en milieu rural sont particulièrement pénalisées. Les garages solidaires sont souvent le dernier recours.

Ils permettent de louer ou de réparer des véhicules à des prix abordables, mais le prix de l'occasion s'envole et l'offre ne suffit pas. Il reste pourtant un vivier : les véhicules remisés grâce à la prime à la conversion (PAC). Ainsi, 16 000 véhicules par an, classés au minimum Crit'Air 3, pourraient bénéficier aux plus pauvres.

Certains ironisent : les écologistes soutiendraient la voiture ! Mais, parmi les 10 % des Français les plus précaires, un véhicule sur dix a au moins 27 ans et est classé Crit'Air 5.

Le gain environnemental est évident : nous sortons des véhicules très polluants de la circulation et nous évitons la construction de nouveaux modèles, qui est plus polluante que le réemploi de véhicules peu polluants pendant deux à quatre ans.

Certes, mieux vaudrait que les véhicules mis à disposition soient électriques, grâce au leasing social ou au rétrofit. Mais cette proposition de loi est complémentaire : le leasing répond à une demande, mais certains ont besoin d'une solution moins coûteuse. L'article 2 envisage le rétrofit, solution prometteuse parmi d'autres pour la constitution d'une flotte décarbonée. Il faut une pluralité de solutions.

Nous faisons confiance aux territoires pour trouver des solutions utiles aux zones rurales : avec l'autopartage, nous passons de la propriété à l'usage.

Je vous invite à voter cette proposition de loi. Faisons confiance au bon sens. Cette mesure avait été adoptée lors de l'examen de la loi Climat et résilience en 2021 par un amendement de Joël Labbé, que je remercie pour l'ensemble de son oeuvre. (Applaudissements) Ce texte ayant été adopté à l'unanimité en commission, nous espérons passer à une nouvelle étape à l'Assemblée nationale, le plus rapidement possible.

Je remercie les garages solidaires et les associations comme le Secours catholique, qui suivent avec attention nos débats et attendent beaucoup de notre vote. Montrons-leur que la chambre des territoires sait trouver des solutions concrètes et originales. Choisissons la « Labbémobile » ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Jacques Fernique, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je salue Joël Labbé, l'auteur historique de cette proposition de loi, et la commission pour son esprit d'ouverture. Ce texte a été adopté à l'unanimité, sans abstention, grâce à son ambition à la fois solidaire et écologique.

Deux exemples concrets : Nathalie, mère célibataire de deux enfants, a connu d'importantes difficultés à la suite de la crise covid. Sa fille doit marcher 6 kilomètres à pied par jour pour aller à l'école. Si la CAF va l'aider, cela prend du temps. En attendant, un garage solidaire lui met gracieusement à disposition un véhicule et paie son essence. Idem pour Emma, en recherche de stage, et dont l'assurance ne couvre pas un récent accident de voiture. Pour Nathalie, pour Emma, pour toutes les personnes précaires qui rencontrent des difficultés, cette proposition de loi va faire bouger les lignes.

D'après le baromètre Wimoov et FNH, un quart de nos concitoyens sont en précarité en matière de mobilité et 4,3 millions d'entre eux sont sans mode de transport. Cette précarité concerne des ménages très modestes, qui souvent ont un véhicule diesel d'occasion plus ancien que la moyenne.

La loi d'orientation des mobilités (LOM) porte une ambition solidaire. Des initiatives locales se multiplient, comme dans la Communauté de communes Côte Ouest Centre Manche, qui propose de la location solidaire. Les garages solidaires vendent, louent et réparent des véhicules à prix modique. Ils s'appuient sur le don de véhicules, mais ceux-ci sont souvent anciens et très polluants. Ces dons se sont amoindris en raison de la PAC.

Nous voulons aider ces garages, alors que, chaque année, la PAC fait que des dizaines de milliers de véhicules partent à la casse. Or leur niveau de pollution est souvent inférieur à la moyenne du parc en circulation. La PAC a fait ses preuves, permettant en 2021 d'éviter l'émission de 45 tonnes de particules fines et 160 000 tonnes de CO2.

Mais la mise au rebut systématique conduit à une consommation d'énergie et de matériaux considérable pour produire de nouveaux véhicules.

C'est paradoxal : certains Français n'ont aucune solution de mobilité, et des milliers de véhicules sont détruits. Cette proposition de loi résout ces deux problèmes, via une remise gracieuse aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) volontaires des véhicules issus de la PAC, pour qu'elles les mettent à disposition des garages solidaires.

Pour réduire l'impact environnemental de la mesure, la commission l'a limitée aux seuls véhicules à essence et Crit'Air 3. Un amendement de la commission l'élargit aux véhicules rétrofités. Il ne s'agit pas de remettre en question la prime à la conversion, mais d'aider les plus modestes. De plus, le dispositif fera l'objet d'une évaluation. Cette proposition de loi montre que nous pouvons envisager de façon transpartisane une écologie populaire et pragmatique.

Il est illusoire de penser que ce dispositif fonctionnerait si on le limitait aux seuls véhicules rétrofités, monsieur le ministre. Nous sommes prêts à les intégrer par amendement dans le dispositif, mais, un rétrofit coûtant 10 000 à 15 000 euros, le gisement de véhicules serait très insuffisant.

De plus, il ne faut pas opposer ce dispositif au leasing social. Les services de location solidaire s'adressent aux ménages des 1er et 2e déciles, pour lesquels le leasing social reste trop cher. Ces initiatives se complètent.

J'espère que nous pourrons convaincre chacune et chacun du bien-fondé de ce dispositif. (Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe SER et du RDPI ; MMPierre Barros et Jean-Luc Brault applaudissent également.)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Vous êtes partis d'une réalité : 85 % des Français utilisent chaque jour la voiture pour aller travailler. C'est notamment vrai pour les plus modestes, en zone rurale.

Ensuite, nous devons assumer une logique de transition, de progressivité. Tout ne changera pas du jour au lendemain.

Enfin, l'accompagnement social est indispensable à cette transition écologique, sans quoi nous aurons les plus grandes difficultés à susciter l'adhésion. Je salue l'esprit de consensus de la commission, qui a sensiblement amélioré le texte.

Le Gouvernement soutient la PAC comme levier de décarbonation de la mobilité routière. Le texte allongerait la durée de vie des véhicules moins polluants, que la PAC voue à la destruction, en les allouant aux acteurs de la solidarité. Je salue cette démarche pragmatique et l'action du rapporteur Fernique, qui a utilement encadré le dispositif initial en limitant ses effets de bord et en le restreignant aux véhicules Crit'Air 3.

Cependant, l'objet de la PAC est bien de sortir du parc les véhicules polluants : prolonger la durée de vie de ces véhicules porte donc atteinte à l'esprit de la prime. En outre, d'autres dispositifs existent, dont le leasing social, qui sera rapidement opérationnel.

Je proposerai donc un amendement pour adapter le texte, prévoyant une condition de rétrofit avant leur mise à la location, qu'il soit électrique, GNL ou hybride rechargeable. La prime rétrofit en limitera le coût. Le public précaire réaliserait ainsi des économies importantes de carburant.

J'aborde le débat de manière constructive et bienveillante. Je salue en tribune l'ancien sénateur Joël Labbé, qui a contribué à cette initiative. (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Bernard Buis et Olivier Jacquin applaudissent également.)

M. Cédric Chevalier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Mettre en cohérence la PAC et les besoins des plus précaires est une démarche utile. J'en remercie Joël Labbé, Guillaume Gontard et Jacques Fernique.

L'offre de mobilité demeure variable : les mobilités douces et les transports en commun réduisent le problème en ville, et encore... Ailleurs, la voiture individuelle est souvent un prérequis. Sans véhicule, on risque de s'enfoncer dans la précarité, de refuser un stage ou un emploi, de renoncer à des activités culturelles ou sportives.

D'un autre côté, le transport routier est très émetteur - la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable en sait quelque chose. Mais personne ne doit rester au bord de la route : la décarbonation doit être juste, sinon elle ne sera ni efficace ni acceptée.

L'encadrement par les AOM est pertinent et de bon sens. Une inquiétude, toutefois : quelle est leur réelle capacité à mettre en oeuvre le dispositif ? L'évaluation prévue après trois ans apportera une réponse. Je salue aussi l'encadrement des véhicules autorisés et la prise en compte du rétrofit.

Cette proposition de loi est pragmatique, sociale et solidaire : elle lutte contre une mobilité à deux vitesses. Les Indépendants la voteront et veilleront à son application sur tous les territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDPI et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

M. Bernard Pillefer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je rappelle l'unanimité de la commission, sous la houlette de Jean-François Longeot et Jacques Fernique. Lors de l'examen du PLF pour 2024, nous avons renforcé les mesures fiscales sur l'achat de véhicules particuliers, pour accélérer la transition écologique des transports, qui émettent 30 % de nos GES. La moitié des émissions routières est issue des véhicules particuliers, et la route est le seul secteur dont les émissions ne cessent de croître.

Le constat est le suivant : d'un côté, des véhicules en bon état vont à la casse dans le cadre de la PAC. De l'autre, 13,3 millions de Français sont en précarité mobilité, et 4,3 millions d'entre eux n'ont aucun équipement individuel ou abonnement de mobilité.

La PAC est efficiente, évitant 45 tonnes de particules fines et 160 000 tonnes de CO2 en 2021. La voiture d'occasion a un relatif impact sur l'environnement, puisque le coût écologique de sa production est amorti. Enfin, certains véhicules mis au rebut sont moins polluants que ceux qui roulent : il s'agit à 59 % de véhicules classés Crit'Air 3, dont 20 à 30 % sont des véhicules à essence, moins polluants qu'une partie du parc des garages solidaires. Cette mesure éviterait le gâchis de matériaux.

La voiture demeure centrale dans les mobilités quotidiennes, alors que les nervures ferroviaires s'effacent depuis les années 1940 : le réseau routier a augmenté de 15 % entre 1995 et 2019, là où le ferroviaire diminuait de 14 %. En 2020, la France présente un taux de motorisation de 86 %, mais 40 % des ménages du premier quartile n'ont pas de véhicule.

Si le texte est gagnant-gagnant en apparence, il faut être prudent. La priorité est la sécurité : François Bonneau a déposé un amendement à ce sujet.

Le rapporteur a renforcé le texte par des garde-fous essentiels. Le groupe UC le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI et du GEST)

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Nous vous proposons une avancée concrète, au bénéfice des plus vulnérables et de la transition écologique.

Les réseaux associatifs de la mobilité solidaire rapportent en effet le besoin de véhicules face à l'explosion de la précarité - c'est une urgence sociale. Travail, entretien d'embauche, stage, formation, enfants : toutes les personnes concernées ne peuvent bénéficier du leasing social prévu par le Gouvernement, qui, s'il est pertinent, s'adresse à des familles aux situations plus stables, à même de s'engager sur deux à cinq ans auprès d'un loueur. Quant à la prime à la conversion, elle permet un changement de véhicule, mais au prix d'un reste à charge important.

Deux millions de véhicules sont immatriculés avant 2000, et plus de 500 000 sont sans contrôle technique - leurs propriétaires polluent et s'exposent à des accidents. Les garages solidaires comptent de nombreux Crit'Air 4 ou 5, faute de dons. L'âge moyen du parc est passé de 9 ans en 2011 à 11 ans en 2023.

Ce texte est une prime à la conversion dans la prime à la conversion, pour rajeunir le parc sans nouvelle construction de véhicule, donc sans consommation d'énergie grise. Les garde-fous prévus par le rapporteur garantissent traçabilité, bon usage et impact environnemental positif.

La limitation au rétrofit, proposée par le Gouvernement, est inopérante, faute de financements. Le réemploi des Crit'Air 3 est plus efficace, surtout dans les zones rurales. Au lieu de voir leur véhicule partir à la casse, nos concitoyens seront heureux de constater qu'il aura ainsi une seconde vie.

Les mobilités alternatives sont essentielles, mais force est de reconnaître, parfois, le manque d'alternatives pour les plus vulnérables. Soutenons-les, de façon solidaire et écologique. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Pierre Barros .  - Plus de 4,3 millions de Français sont sans véhicule individuel ou sans abonnement de transport, avec de nombreuses conséquences : 28 % des demandeurs d'emploi ont déjà au moins une fois renoncé à une offre pour cette raison. Le droit à la mobilité est essentiel, alors que les lieux de vie s'éloignent des lieux de travail. Les gilets jaunes l'ont rappelé.

Sans déplacement, comment tisser les liens sociaux, se soigner - vivre, tout simplement ? Mais la voiture émet 15 % de nos émissions et la pollution de l'air cause 40 000 décès par an.

L'écologie est plus efficace lorsqu'elle réduit le gaspillage et les aberrations de nos politiques publiques. Il est impensable de retirer des véhicules du parc pour en produire de nouveaux, souvent aussi polluants, sinon plus. En effet, 40 % des véhicules achetés sont des SUV, une des premières causes de la croissance des émissions. La consommation d'un SUV électrique est 70 % plus élevée que celle d'une voiture électrique standard. Voilà qui interroge notre modèle économique, qui consiste à produire toujours plus.

En prolongeant l'usage de véhicules existants, cette loi rationalise l'usage des ressources. La moitié des véhicules mis à la casse pourront ainsi être réemployés. Mais avec des transports en commun à la hauteur, la voiture pourrait un jour devenir l'exception.

Cette proposition protège des ménages modestes et souvent ruraux, mais le réemploi doit être l'affaire de tous. L'obsolescence programmée doit céder le pas à la sobriété, via la réparation et le réemploi.

Enfin, ce texte prolonge le vote du Sénat dans la loi Climat et résilience, effacé du texte final. Le groupe CRCE-K le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du GEST et du RDPI)

M. Éric Gold .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Solanges Nadille et M. Jean-François Longeot applaudissent également.) Quand le bon sens rencontre l'écologie au service des populations, c'est la marque d'une bonne proposition de loi.

Celle-ci, adoptée unanimement en commission, part d'un double constat : 92 000 mises au rebut chaque année dans le cadre de la prime à la conversion, et 13,3 millions de Français qui font face à des obstacles pour leurs déplacements essentiels, avec des conséquences regrettables en matière de liberté de circulation, d'accès à l'emploi, de renoncement aux soins et de fracture territoriale. Nos compatriotes conservent des véhicules dégradés, d'autant plus en zone rurale où la voiture demeure indispensable.

La chambre des territoires joue donc à plein son rôle. La LOM attribuait aux AOM la compétence de la mobilité solidaire. Mais celle-ci peine à se développer : le parc, encore restreint, dépend de dons, donc de véhicules anciens et polluants.

La prime à la conversion évite chaque année 45 tonnes de particules fines et 160 000 tonnes de CO2, mais elle assèche le parc des garages solidaires. Cette proposition de loi a donc pour objet le réemploi de véhicules qui seraient détruits en application de la prime à la conversion, véhicules à essence et Crit'Air 3 ou mieux, dans une démarche décentralisée, fondée sur le volontariat des AOM.

Cette écologie pratique est au service des plus précaires, au service des territoires éloignés des métropoles, sans oublier personne sur le bord du chemin. L'acceptabilité et la justice sociale sont cruciales pour la transition. Ainsi, dans le prolongement du développement des services express régionaux métropolitains (Serm) et du leasing, entre autres, le RDSE votera cette proposition de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur des travées du RDSE jusqu'aux travées du groupe CRCE-K)

M. Bernard Buis .  - Le sujet est d'actualité : en témoigne le reportage diffusé hier soir sur M6.

Il faut permettre l'accès à la mobilité partout sur le territoire. Or 40 % des Français résident dans une zone blanche, où aucune mobilité autre que la voiture individuelle n'est possible. C'est pourtant indispensable pour l'insertion professionnelle : 23 % des Français ont déjà renoncé à un emploi ou une formation faute de mobilité - 46 % des jeunes et 53 % des plus fragiles !

Depuis 2018, le Gouvernement a agi : financement du permis de conduire par le compte personnel de formation, permis à 1 euro par jour, aide au financement pour les apprentis et les demandeurs d'emploi, aides de Pôle emploi. Je pense aussi au bonus écologique et à la prime à la conversion, qui, cumulées, atteignent 13 000 euros.

Le transport représente 28,7 % de nos émissions de gaz à effet de serre - dont la moitié est imputable à la voiture. Le réemploi de véhicules moins polluants permettrait donc de réduire la pollution.

L'État n'est pas resté les bras croisés : le leasing social, promesse de campagne du Président de la République, donnera accès à une voiture électrique à 50 % de la population, pour 100 euros par mois.

Pour développer une filière industrielle de véhicules électriques, il faut des débouchés massifs et développer l'innovation.

Je salue la qualité de votre travail, monsieur le rapporteur. En restreignant le champ aux véhicules classés Crit'Air 3, vous avez conservé l'objectif de la prime à la conversion.

Le RDPI avait déposé un amendement d'appel en faveur du rétrofit. Le rapporteur l'intègre dans le dispositif, ce dont nous sommes ravis.

Le RDPI montera sans hésiter à bord de votre véhicule législatif ! (Sourires ; applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur quelques travées à gauche)

M. Alexandre Ouizille .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi donne une seconde vie sociale et solidaire aux véhicules les moins polluants destinés à la casse par la prime à la conversion. Cela répond à un des nombreux paradoxes de la transition : la mise au rebut de véhicules moins polluants qu'une partie du parc roulant, alors que de nombreux compatriotes rencontrent des difficultés pour se déplacer. Flécher les véhicules vers les services de location solidaire permet d'aider les plus modestes et d'éviter le gâchis de matériel.

Un consensus s'est déjà formé en commission. Le groupe SER votera en faveur de cette proposition de loi.

La décarbonation du trafic routier est une nécessité. Le transport représente 30 % des émissions : la « bagnole qu'on aime » pollue beaucoup. Mais c'est aussi un enjeu sanitaire : le dioxyde d'azote empoisonne nos métropoles.

La prime à la conversion a montré son efficacité, évitant 45 tonnes de particules fines et 160 000 tonnes de CO2, grâce à l'élimination de 92 000 véhicules de 20 ans d'âge moyen, dont 70 % roulaient au diesel.

Après une longue période de stagnation depuis 2008, les émissions moyennes de CO2 baissent depuis 2020, grâce au plus grand nombre de véhicules électriques et hybrides rechargeables - 11 % des ventes.

Mais la prime à la conversion a entraîné la mise au rebut de véhicules relativement peu polluants - 59 % étaient classés Crit'Air 3.

Cette proposition remédie à cette situation sous-optimale, tout en posant d'intéressants garde-fous : éligibilité limitée aux véhicules classés Crit'Air 3 et moins ; propriété des véhicules attribuée aux AOM.

C'est un pas vers une mobilité plus durable et solidaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Pierre Barros applaudit également.)

Mme Else Joseph .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette initiative est bienvenue : le gaspillage doit être combattu, et le secteur automobile n'a pas à subir la règle de l'obsolescence programmée.

Je suis heureuse que cette démarche de réemploi associe les collectivités territoriales et les associations et fasse intervenir des logiques complémentaires : économie circulaire, solidarité, transport public, etc.

Ce texte permettra de développer les locations à tarif social et de lutter contre les effets pervers de la prime à la conversion. L'écologie reste une priorité : aussi je salue le choix du rapporteur de restreindre le champ aux véhicules Crit'Air 3 ou moins.

Il faudra être vigilant sur la mise en oeuvre : les décrets d'application devront être précis - notamment sur les conditions de ressources des bénéficiaires -, afin d'éviter les contentieux. Ce dispositif ne doit pas être une nouvelle charge pour les AOM. Attention aussi aux risques de fraude et de détournement. Je me réjouis de l'évaluation prévue qui pourra déboucher sur une extension du dispositif.

Voilà pourquoi nous avons besoin d'une assemblée proche des territoires, qui fait de l'écologie avec des solutions concrètes, loin des postures. Je me réjouis du consensus, que le groupe Les Républicains rejoint. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER ; M. Pierre Barros applaudit également.)

M. Guillaume Chevrollier .  - (M. Jean-François Longeot applaudit.) Ce texte propose un dispositif ingénieux au service de la mobilité des plus précaires. En effet, 13 millions de Français ont du mal à se déplacer, alors que 92 000 véhicules - dont 59 % classés Crit'Air 3 - ont été mis à la casse en 2022, asséchant le marché des véhicules d'occasion.

Il faut donc apporter des correctifs à la prime à la conversion, comme le fait ce texte.

Les difficultés de mobilité sont prégnantes en milieu rural. Le leasing social est intéressant, mais les plus précaires ne pourront y accéder.

Dans la Mayenne, le conseil départemental soutient les services d'aide à domicile en payant 50 % de la location de 500 véhicules électriques propres. C'est un gain de pouvoir d'achat et une amélioration des conditions de travail.

Soutenons le triptyque : réemploi, solidarité, mobilité.

J'insiste sur la nécessité de développer le rétrofit, au-delà d'un énième rapport. Lors de l'examen du projet de loi Climat et résilience, le ministre Jean-Baptiste Djebbari avait indiqué sa préférence pour le rétrofit contre la mise à la casse. Mais le dispositif n'est pas encore mûr.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - On est d'accord !

M. Guillaume Chevrollier.  - Ce texte apporte une réponse parmi d'autres, le groupe Les Républicains le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER ; M. Jean-François Longeot applaudit également.)

Discussion des articles

ARTICLE 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par M. Fernique, au nom de la commission.

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les véhicules éligibles au dispositif prévu au premier alinéa du présent I sont :

«  -  les voitures particulières essence et assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er janvier 1997, les véhicules utilitaires légers essence ou assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er octobre 1997 et les deux roues, tricycles et quadricycles à moteur, pour lesquels la date de première immatriculation est postérieure au 1er juillet 2004 ;

«  -  les voitures particulières essence et assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er janvier 1997, les véhicules utilitaires légers essence ou assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er octobre 1997 ou les véhicules gazole et assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er janvier 2006, ayant fait l'objet d'une transformation en véhicule hybride rechargeable ou en véhicule dont la source d'énergie contient du gaz de pétrole liquéfié ;

«  -  les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers ayant fait l'objet d'une transformation en véhicule électrique à batterie ou à pile à combustible, selon les conditions définies par arrêté du ministre de l'écologie.

M. Jacques Fernique, rapporteur.  - Cet amendement élargit le champ des véhicules éligibles à certains véhicules rétrofités : ceux classés Crit'Air 3 qui ont été transformés en hybrides rechargeables ou GPL et tous les véhicules transformés en électriques. Cela demeure assez théorique compte tenu du coût actuel du rétrofit, mais espérons que de prochaines innovations permettront de le réduire.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les véhicules éligibles au dispositif prévu au premier alinéa du présent I sont :

« a) Les voitures particulières essence ou assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er janvier 1997, les véhicules utilitaires légers essence ou assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er octobre 1997 ou les voitures particulières et véhicules utilitaires légers gazole et assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er janvier 2006, ayant fait l'objet d'une transformation en véhicule hybride rechargeable ou en véhicule dont la source d'énergie contient le gaz de pétrole liquéfié ;

« b) Les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers ayant fait l'objet d'une transformation en véhicule électrique à batterie ou à pile à combustible, selon les conditions définies par arrêté du ministre de l'écologie.

II.  -  Alinéa 7

Remplacer les mots :

en application 

par les mots :

relevant du a) du I 

III.  -  Alinéa 9

Supprimer les mots :

pris après avis de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Je suis ouvert à cette proposition pragmatique et solidaire. Mais, par souci de cohérence avec nos autres dispositifs et afin d'éviter de maintenir des véhicules polluants dans le parc, je propose un ciblage plus étroit, sur les seuls véhicules rétrofités. Certes, le rétrofit reste onéreux, mais je rappelle l'existence de la prime au rétrofit.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Fialaire et Guérini, Mme Guillotin, M. Masset, Mme Pantel et M. Roux.

Alinéa 3

Après l'année :

1997,

insérer les mots :

ainsi que les véhicules diesel et assimilés dont la date de première immatriculation est postérieure au 1er janvier 2006,

Mme Nathalie Delattre.  - Cet amendement rend éligibles les véhicules diesel Crit'Air 3 et 2. Ils sont moins polluants que nombre de véhicules des garages solidaires. N'oublions pas de tenir compte de l'ensemble du cycle de vie d'un véhicule : le bilan carbone d'un véhicule, même électrique, est toujours négatif.

En plus de renforcer le bénéfice environnemental du dispositif, cet amendement renforce son aspect social, le diesel restant moins cher que l'essence.

M. Jacques Fernique, rapporteur.  - L'amendement n°6 rendrait le texte inopérant, le coût d'un rétrofit étant de 10 000 à 15 000 euros : le flux ne sera pas significatif. Avis défavorable.

Mais disons-le : c'est cet amendement qui nous a convaincus de prendre tout de suite en compte le rétrofit.

L'amendement n°1 rectifié est trop large : c'est le fait d'écarter les diesels de la circulation qui a permis réduire de 75 % les émissions de CO2, de 80 % celles de NOx et de près de 100 % celles de particules fines. Avis défavorable.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Nous cherchons le bon ciblage pour améliorer la situation, qui reste imparfaite. Les coûts du rétrofit vers l'hybride rechargeable ou le gaz naturel liquéfié sont bien moins élevés : la moitié pour l'hybride et le quart pour le gaz naturel liquéfié. Mon amendement n'est donc pas inopérant.

Avis défavorable à l'amendement n°1 rectifié, puisque je souhaite non pas élargir, mais cibler davantage.

L'amendement n°7 est adopté.

L'amendement n°6 n'a plus d'objet, non plus que l'amendement n°1 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par M. Fernique, au nom de la commission.

Alinéa 5

Après le mot :

usage

insérer le mot :

agréés

M. Jacques Fernique, rapporteur.  - Précision rédactionnelle : les centres de traitement des véhicules hors d'usage (VHU) sont des centres agréés.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Vous réintroduisez une procédure d'agrément que nous avons supprimée il y a quelques mois. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Jacques Fernique, rapporteur.  - Il me semble que l'agrément figure encore dans le code.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Le décret du 24 novembre 2022 le supprime.

L'amendement n°8 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel et Fialaire, Mme Guillotin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les conditions prévues aux articles L. 114-8 et L. 114-9 du code des relations entre le public et l'administration, les autorités organisatrices de la mobilité concernées sont destinataires, à leur demande, des informations et données à caractère personnel strictement nécessaires pour informer les personnes sur leur droit au bénéfice des services de mobilité solidaire prévues au I.

Mme Nathalie Delattre.  - Nous étendons aux AOM l'habilitation à recevoir des données personnelles pour proposer aux potentiels bénéficiaires ces services de location solidaire.

Elles doivent avoir accès au revenu déclaré, au taux de prélèvement à la source ou aux données de France Travail, pour mener une politique proactive d'information des bénéficiaires.

M. Jacques Fernique, rapporteur.  - Avis défavorable. La nature des données n'est pas précisée. Ouvrir l'accès à des données personnelles sensibles comme le revenu des ménages supposerait en outre l'aval de la Cnil. Il faudrait aussi que les AOM soient outillées pour les traiter.

Enfin, l'objectif de cet amendement est satisfait, des conventions étant prévues entre les AOM et, notamment, les départements, qui joueront un rôle de prescripteur.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Même avis, pour des raisons similaires. Nous pourrons traiter ce point par voie réglementaire ou dans la suite de la navette.

Mme Nathalie Delattre.  - Je vais le retirer, le rapporteur ayant déclaré cet amendement satisfait.

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié ter, présenté par MM. Bonneau et Levi, Mme Guidez, MM. Laugier et Kern, Mmes de La Provôté, Gatel et Sollogoub et MM. D. Laurent, Henno et Pillefer.

I.  -  Apre?s l'aline?a 7

Inse?rer un paragraphe ainsi re?dige? :

« ... - Les concessionnaires automobiles volontaires participant au dispositif de remise à titre gracieux des véhicules conformément au I du présent article bénéficient, en contrepartie de leur engagement, d'avantages fiscaux proportionnels à la valeur du véhicule remis. Ces avantages peuvent notamment prendre la forme de réductions d'impôts ou de crédits d'impôts, selon des modalités définies par décret. Le Gouvernement est autorisé à prendre toute mesure nécessaire pour assurer la mise en oeuvre et le suivi de ces avantages.

II.  -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant l'efficacité et l'impact des avantages fiscaux accordés aux concessionnaires automobiles volontaires en vertu du III bis de l'article 1113 - 2 du code des transports. Ce rapport inclut une analyse de la participation des concessionnaires, des bénéfices socio-économiques induits, ainsi que des recommandations pour renforcer l'incitation fiscale en faveur du réemploi des véhicules.

III. - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

....  -  Le présent article ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Bernard Pillefer.  - Cet amendement vise à encourager les concessionnaires automobiles volontaires à donner des véhicules à titre gracieux, en leur accordant des avantages fiscaux. Il existe 150 associations de location solidaire : c'est moins de deux par département, en moyenne.

M. Jacques Fernique, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement ne dit rien des avantages fiscaux devant bénéficier aux concessionnaires automobiles. Les concessionnaires devront simplement remettre les véhicules à l'AOM ou à une association, nullement les acquérir : quelles dépenses ces avantages fiscaux viendraient-ils compenser ? Les acteurs véritablement affectés par le dispositif sont les garages solidaires et les centres VHU.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Même avis, pour les mêmes raisons. Les concessionnaires pourront conventionner avec les AOM. Ils peuvent aussi être éligibles à la prime à la conversion. Cet amendement est donc satisfait.

L'amendement n°3 rectifié ter n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié ter, présenté par MM. Bonneau et Levi, Mme Guidez, MM. Laugier, Kern et Henno, Mmes Sollogoub et Gatel et M. Pillefer.

Apre?s l'aline?a 7

Inse?rer un paragraphe ainsi re?dige? :

« ....  -  Avant d'être remis à titre gracieux aux autorités organisatrices de la mobilité, tout véhicule terrestre à moteur éligible au dispositif défini au I du présent article doit faire l'objet d'une inspection préalable pour garantir sa sécurité et son aptitude à la circulation pendant la période d'utilisation prévue.

« Cette inspection est réalisée par des organismes agréés, conformément aux normes de sécurité en vigueur.

« Les résultats de cette inspection, attestant de la conformité du véhicule aux normes de sécurité, sont joints à la remise du véhicule et font partie intégrante de la convention conclue entre les autorités organisatrices de la mobilité et les concessionnaires automobiles volontaires, tel que mentionné au I du présent article.

M. Bernard Pillefer.  - La sécurité des usagers est primordiale, or l'âge moyen des 92 000 véhicules mis au rebut en 2022 était de vingt ans... Les véhicules doivent être inspectés par un organisme agréé avant leur remise aux AOM. C'est une question de responsabilité et de traçabilité.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°10 à l'amendement n°4 rectifié de M. Bonneau, présenté par M. Fernique, au nom de la commission.

I.  -  Alinéas 1 et 2

Rédiger ainsi ces alinéas :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

II.  -  Alinéa 3

Au début, ajouter les mots :

Cette convention prévoit les modalités suivant lesquelles,

III.  -  Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

M. Jacques Fernique, rapporteur.  - Nous partageons cette exigence. Notre sous-amendement renvoie les modalités de cette inspection à la convention entre l'AOM et les parties prenantes.

L'inspection préalable prévue par l'amendement n°4 rectifié ter est un gage de sécurité. L'inscrire noir sur blanc dans le texte est opportun. Avis favorable, sous réserve de l'adoption du sous-amendement.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Prévoir une procédure systématique ne me semble pas opportun, mais sagesse sur l'amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement.

Le sous-amendement n°10 est adopté.

L'amendement n°4 rectifié ter, sous-amendé, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°12, présenté par M. Fernique, au nom de la commission.

Alinéa 8, première phrase

Remplacer la référence : 

L. 1241-1

par la référence : 

L. 1214-1

L'amendement rédactionnel n°12, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par M. Fernique, au nom de la commission.

Après l'alinéa 11

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  L'article L. 224-8 du code l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les véhicules remis à titre gracieux aux autorités organisatrices de la mobilité suivant les dispositions de l'article L. 1113-2 du code des transports ne sont pas décomptés dans le parc qui relève directement ou indirectement des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics mentionnés au 2° du présent article. »

M. Jacques Fernique, rapporteur.  - Cet amendement, issu d'une remarque d'un journaliste lors de la conférence de presse de la semaine dernière, vise à exclure les véhicules remis aux AOM du décompte du parc des collectivités territoriales utilisé pour déterminer le renouvellement de leurs flottes - évitons d'augmenter les charges des collectivités territoriales !

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - L'objectif est louable, mais ces règles ne s'appliquent qu'aux véhicules acquis dans le cadre de marchés publics ou de contrats de concession. Votre amendement est donc satisfait : sagesse.

M. Jacques Fernique, rapporteur.  - Ce point devra être expertisé au cours de la navette, car il faut rassurer les collectivités.

L'amendement n°9 est adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

ARTICLE 1erBIS

Mme la présidente.  - Amendement n°11, présenté par M. Fernique, au nom de la commission.

Alinéa 2

Après le mot :

usage

insérer le mot :

agréés

M. Jacques Fernique, rapporteur.  - Il s'agit de rappeler que les centres VHU sont des centres agréés. Nous y travaillerons en cours de navette.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - La procédure d'agrément a bien été supprimée dans le code de l'environnement, pas encore dans celui de l'énergie. Sagesse.

L'amendement n°11 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

, notamment la possibilité pour les véhicules exclus du dispositif d'y être intégrés lorsqu'ils ont fait l'objet d'un retrofit électrique ou hybride rechargeable

M. Bernard Buis.  - Cet amendement d'appel souligne la nécessité de développer le rétrofit, qui permet de transformer des véhicules tout en conservant le lien sentimental que l'on a parfois avec eux : première voiture, voiture du mariage, voiture de la grand-mère...

Mme la présidente.  - C'est la petite Clio de Simone... (Sourires)

L'amendement n°5 est retiré.

L'article 1er bis, modifié, est adopté.

L'article 2 est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Je remercie les auteurs du texte et le rapporteur pour son travail. Cette proposition de loi marque une étape significative dans la réponse apportée à de nombreuses demandes du terrain. Mobil'éco, dans l'Yonne, m'avait fait part de son souhait de voir ce dossier avancer. Il serait bon que ce texte soit prochainement inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Je salue les bénévoles et les salariés de ces structures qui oeuvrent au désenclavement de la ruralité. Je voterai cette proposition de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Daniel Chasseing .  - Je suis très favorable à cette proposition de loi, dont je remercie les auteurs. En milieu rural, de nombreux retraités aux petits revenus peinent à acquérir une voiture. Ne mettons pas à la casse des véhicules qui peuvent encore rouler.

M. Jacques Fernique, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Je tiens à remercier les administratrices de la commission pour leur travail.

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - (« Ah ! » sur les travées du GEST) Il est réconfortant ces temps-ci de passer un peu de temps au Sénat... (Rires)

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Cela réconcilie avec la démocratie !

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Je remercie particulièrement M. Joël Labbé, ici présent, et M. Jacques Fernique.

Qu'on l'approuve ou pas, la voiture reste le principal moyen de transport de nombreux compatriotes. Dépolluer en partie les voitures, c'est déjà un progrès vers la décarbonation globale. Se préoccuper du sort des Français les plus modestes est aussi positif.

Le Gouvernement aurait sans doute ciblé davantage le dispositif. J'ai essayé de vous en convaincre, avec un succès modéré... (Sourires)

Je soutiendrai cette proposition de loi. (Applaudissements)

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Merci !

Mme la présidente.  - Nous attendons cette CMP avec bonheur ! (Sourires)

À la demande du GEST, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin n°99 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 341
Contre    0

La proposition de loi est adoptée.

Mme la présidente.  - À l'unanimité du Sénat ! (Applaudissements)

M. Jean-François Longeot.  - Je salue la présence de Joël Labbé en tribune et remercie le rapporteur Jacques Fernique et le ministre. Cette proposition de loi doit maintenant aller à l'Assemblée nationale. La CMP sera sans doute assez tranquille...

Au-delà de l'unanimité en commission et dans l'hémicycle, saluons le sérieux de nos débats ; la démocratie en sort grandie. J'espère que cela fera écho dans certaines autres instances...(Applaudissements)

CMP (Nominations)

Mme la présidente.  - Des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Allocation autonomie universelle d'études

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études, présentée par Mme Monique de Marco et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

Mme Monique de Marco, auteure de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) À 16 ans, les jeunes Français sont jugés aptes à travailler. À 17 ans, ils peuvent s'engager dans l'armée. À 18 ans, ils ont le droit de vote. Or tout au long de leurs études, ils sont considérés comme des mineurs économiques et rattachés au foyer fiscal de leurs parents.

De nombreux étudiants sont d'origine modeste, mais leurs familles ne sont pas « assez pauvres » pour être aidées via le système de bourses. L'aide de la famille constitue alors leur principale ressource.

La situation financière des étudiants s'est fortement dégradée depuis la crise covid, comme en témoigne le rapport d'information du Sénat sur les conditions de la vie étudiante. En 2023, 43 % des étudiants sautent un repas par jour, 26 % vivent en dessous du seuil de pauvreté et 40 % doivent trouver un emploi pour vivre.

Le remplacement des bourses par une allocation d'autonomie universelle sur le modèle de ce qui existe au Danemark et en Suède fait consensus. L'économiste Philippe Aghion écrivait récemment : « un revenu universel de formation serait de nature à promouvoir l'autonomie des jeunes en leur donnant les moyens d'agir et de décider de leur avenir ». Dans son rapport consacré aux Crous, publié en juillet 2023, l'inspection générale de l'éducation propose une refonte du système. En septembre, quatorze présidents d'université se sont déclarés favorables à une telle allocation. C'était aussi l'objet d'une proposition de loi du député MRP Raymond Cayol en 1950.

En commission des affaires sociales, j'ai tenté de convaincre la majorité sénatoriale. Après des années de pandémie, de guerre et d'inflation, il est bon de mettre à l'ordre du jour des réformes ambitieuses et porteuses d'espoir comme celle-ci.

Malheureusement, la commission a rejeté le texte sans permettre à la rapporteure de l'amender. Pourtant, la modulation du montant de l'allocation en fonction des conditions d'hébergement était pertinente. Le GEST a déposé des amendements pour en débattre.

Je regrette les décisions abusives d'irrecevabilité financière qui nous privent d'un débat sur des amendements qui allaient dans le sens d'une rationalisation des dépenses.

La responsabilité des parents a été mentionnée en commission. La loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale précise désormais dans le code civil que l'obligation de contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ne cesse pas de plein droit quand l'enfant est majeur. L'obligation parentale découle de l'obligation d'entraide familiale.

Mais personne, dans cette assemblée, ne proposerait la suppression de l'allocation solidarité pour personnes âgées (Aspa) au motif que notre droit prévoit une obligation alimentaire des enfants envers leurs parents vieillissants !

La solidarité nationale devrait couvrir tous les âges de la vie. Pourtant, la tranche d'âge 18-25 ans ne bénéficie d'aucun des minima sociaux. Notre pays est le seul à ne pas avoir étendu à cette tranche d'âge le bénéfice total du RSA.

Que suggère ce genre d'argument ? Que les jeunes précaires devraient engager des procédures judiciaires contre leurs parents incapables de leur payer des études ?

Autre argument : le coût de la mesure, que nous ne cherchons pas à minimiser. Pour une allocation de 890 euros, Philippe Aghion l'évalue à 4,5 milliards d'euros.

Nous proposons un montant de 1 010 euros, équivalent de la rémunération maximale d'un apprenti de 25 ans. Cela compléterait le revenu d'un apprenti, fixé à 373 euros. Notre mesure s'élèverait à 30 milliards d'euros, ramenés à 24 milliards si l'on retranche les bourses actuelles, les aides personnelles au logement (APL) ou encore les réductions d'impôt, comme la demi-part fiscale, qui profitent essentiellement aux plus riches.

La refonte de la politique d'apprentissage financerait aussi l'allocation. Selon la Cour des comptes, 16,8 milliards d'euros ont été versés aux entreprises et aux centres de formation en 2022. Un rapport de l'IGF et de l'Igas a montré les limites de cette politique non soutenable.

Notre proposition aurait un effet multiplicateur pour l'économie : c'est un investissement public dans notre jeunesse et dans le capital humain cher à Gary Becker. Cette dépense est à mettre en perspective avec l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), qui coûte 6,5 milliards d'euros : c'est là aussi une question de solidarité intergénérationnelle. Après le covid, il faut insuffler de l'espoir aux jeunes.

Je ne désespère pas de vous convaincre. Ce serait le point de départ d'un travail collectif enrichi dans les deux chambres.

Sinon, quelle serait la solution ? Le recours aux prêts étudiants ? Que les étudiants traînent leurs parents en justice ? Aux États-Unis, la Cour suprême a été contrainte d'annuler une partie de la dette étudiante pour éviter une deuxième crise des subprimes.

Je remercie le président du Sénat d'avoir saisi le Conseil économique, social et environnemental (Cese) de cette proposition de loi. J'espère que son avis, publié au premier trimestre 2024, fera avancer l'idée. Je remercie la rapporteure, ainsi qu'Antoinette Guhl et Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; M. Ahmed Laouedj applaudit également.)

Mme Anne Souyris, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Accorder une rémunération aux étudiantes et aux étudiants pendant leurs études, voilà la mesure que défendait le chrétien-démocrate Raymond Cayol en 1947 au nom de la valeur personnelle de l'étudiant, de sa qualité présente et du travail qu'il poursuit. Ainsi, 75 ans plus tard, cette proposition de loi s'inscrit dans cette filiation.

Le système de bourses sur critère social, préféré au salaire étudiant en 1955, est à bout de souffle. Il ne répond plus ni aux inégalités sociales ni à l'accélération de la précarisation des étudiants et apprentis. Celle-ci s'est accélérée pendant les confinements : privés d'emploi, les étudiantes et les étudiants ont dû faire appel à l'aide alimentaire, qui s'est renouvelée en multipliant les épiceries solidaires, moins stigmatisantes.

Pourtant, la crise sanitaire et l'inflation ont révélé cette précarité plus qu'elles ne l'ont créée. En 2020, 24 % des étudiants rencontraient des difficultés financières, contre 29 % aujourd'hui. Dans des villes telles qu'Angers, Rennes et Niort, jusqu'alors épargnées, les étudiants sont désormais touchés par des problèmes d'accès au logement.

Ils font également face à un risque psychologique, comme en atteste la hausse des tentatives de suicide chez les jeunes depuis la fin de la crise sanitaire. Les étudiants issus de milieux défavorisés sont particulièrement touchés. C'est pourquoi des bourses sont accordées à plus de 780 000 étudiantes et étudiants, pour 2,6 milliards d'euros : celles-ci sont échelonnées de 1 450 à 6 300 euros annuels, selon les ressources de la famille. D'autres dispositifs leur viennent en aide ; la loi Levi étend aux zones rurales le principe d'une offre de restauration à tarif modéré.

Les critiques contre le système des bourses sont unanimes ; elles n'empêchent pas la précarisation des enfants des classes moyennes, et les effets de seuil comme le non-recours posent problème.

Les syndicats étudiants insistent sur la méconnaissance de l'autonomie des étudiants. Quel message envoie-t-on à la jeunesse pour la renvoyer aux revenus de ses parents jusqu'à ses 25 ans ? Or les étudiants doivent parfois travailler, être l'aidant de leurs parents. Parfois, ils sont en rupture avec eux.

Cette proposition de loi substitue aux bourses une allocation universelle d'études. Elle est soutenue par des présidents d'université et des économistes peu favorables au grand soir... Elle fait l'objet d'un consensus transpartisan. Le Danemark et la Suède y voient un moyen de responsabiliser les étudiants et de récompenser leur assiduité.

L'allocation autonomie universelle, versée tant aux étudiants de 18 à 25 ans qu'aux élèves en formation professionnelle, s'élèverait à 1 078 euros par mois, à mettre en perspective avec les ressources moyennes de 1 128 euros nets par mois dont ils disposent. En outre, elle se substituerait aux APL et aux avantages fiscaux du foyer de rattachement - crédit d'impôt et une demi-part fiscale - qui coûtent 6 milliards d'euros par an.

En plus d'être inscrit dans un établissement éligible, l'étudiant ou l'apprenti ne doit pas cumuler un emploi et être assidu et autonome. Il peut ainsi se consacrer totalement à ses études, faute de quoi l'allocation sera suspendue. Les autres aides - restaurants et logements universitaires, aides des collectivités territoriales - seraient maintenues.

Le non-recours aux droits aboutit souvent à l'abandon des études.

De nombreux étudiants et apprentis sont dans une situation précaire, sans être éligibles aux bourses sur critères sociaux, notamment lorsque les études sont réalisées loin du foyer parental.

Un système universel favoriserait l'émancipation des étudiantes et des étudiants, indépendamment des ressources de leurs parents. À d'autres âges de la vie, la prise en charge par la collectivité ne pose pas problème. Pourquoi ne serait-ce pas le cas pour les jeunes ?

Un investissement de 25 milliards d'euros annuel serait nécessaire, mais il serait compensé par l'arrêt des APL et de la demi-part fiscale. Il est, en outre, un investissement en capital humain, pour former des travailleurs dans des secteurs clés de demain, comme la transition écologique.

D'aucuns rétorqueront qu'une allocation universelle n'est pas redistributive, mais l'universalité peut être une meilleure source de redistribution que les bourses.

Il faut un débat nourri. Lors des auditions, certains acteurs ont plaidé pour remplacer la condition d'âge par un quota de mois d'allocation.

Le niveau de l'allocation pourrait être débattu et donner lieu à une modulation selon que l'étudiant vit ou non chez ses parents. Un tempérament pourrait être accordé en vue de faciliter le tutorat ou une expérience professionnelle limitée, ou encore pour tenir compte des conditions de vie, notamment dans les outre-mer.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

Mme Anne Souyris, rapporteure.  - Cette proposition de loi répond à l'essoufflement du système de bourses et à la précarisation des étudiants et des apprentis par l'universalité et la confiance de la nation en la génération qui vient. La commission des affaires sociales a néanmoins rejeté le texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - C'est un sujet majeur pour notre avenir collectif. Le Gouvernement partage pleinement l'objectif de protection de la jeunesse face à la précarité. Toutefois, pour l'accompagner, nous mobilisons d'autres moyens : nous sommes pleinement engagés dans la réforme des bourses sur critères sociaux, pilier de notre système de solidarité nationale.

Actuellement, les bourses ont été revalorisées, grâce à un investissement historique, mais nécessaire. L'effort, de 500 millions d'euros est supérieur à l'inflation.

Nous avons identifié les problèmes et nous neutralisons déjà les effets de seuil. Nous renforçons les aides pour les étudiants en situation de handicap et les étudiants aidants, et nous soutenons les étudiants ultramarins face au coût de la vie, plus cher. Ce système est efficace et redistributif - ce qui n'empêche pas une remise à plat, car il présente aussi des limites. Le Président de la République avait inscrit ce sujet dans la feuille de route de son deuxième quinquennat. Le coût de la vie ne doit jamais être une barrière aux études.

Avec cette première étape de la réforme des bourses, nous poursuivons trois objectifs : aider plus d'étudiants, mieux les aider et supprimer les effets de seuil.

Nous aidons plus d'étudiants. Nous versons 1 450 euros par an à ces nouveaux boursiers, et nous leur donnons aussi des avantages. Pour tous, le montant de la bourse a été augmenté de 37 euros par mois, soit une revalorisation de 6,2 à 34 % selon les échelons : cette hausse dépasse l'inflation ; c'est la plus forte revalorisation depuis dix ans.

Pour mieux aider, nous faisons passer plus d'étudiants à l'échelon supérieur, pour un gain allant de 66 à 127 euros.

Nous commençons à limiter les effets de seuil, en attendant de les neutraliser totalement avec la réforme définitive. Aucun étudiant ne voit sa bourse baisser.

Nous avons pérennisé la tarification très sociale des repas pour les boursiers et pour les étudiants précaires, comme recommandé par le rapport Lafon - Ouzoulias.

Nous avons gelé les tarifs de la restauration à 3,30 euros et à 1 euro pour les tarifs très sociaux, les loyers des Crous et les frais d'inscription universitaires pour tous les étudiants. Le travail doit continuer, car apporter des modifications structurelles à notre système de bourse est aussi mon objectif.

Ce travail engage nécessairement l'avenir à long terme ; nous devons définir un système plus juste et redistributif, plus cohérent, dans une logique de solidarité à la source. Il doit aussi être instruit techniquement ; nous devons procéder à des simulations et mesurer les impacts des changements. Le dialogue doit se poursuivre.

Nous défendons un modèle redistributif de solidarité nationale, sans nous substituer à la famille. Nous voulons résorber les inégalités sociales et économiques de territoire.

Les étudiants les plus précaires bénéficient du plus haut niveau de bourse, pour un montant équivalent à celui du RSA. (Mme Antoinette Guhl en doute.) Avec les APL, on atteint peu ou prou le montant d'aide visé par votre proposition.

Il faut regarder le système danois dans sa globalité : à compter d'un semestre de retard, l'aide est arrêtée. Les étudiants sont cinq ans plus âgés que les étudiants français, et sont sélectionnés à l'entrée de l'université. Le gouvernement danois réfléchit à limiter l'aide à cinq ans, voire à la transformer en prêt.

Je suis défavorable à un système où la solidarité nationale se substitue totalement à la solidarité familiale.

En prenant une assiette plus restreinte de 1 000 euros par mois sur douze mois pour deux millions d'étudiants, le coût budgétaire de votre proposition serait de 24 milliards d'euros par an, soit la quasi-totalité du budget de mon ministère, dont je rappelle au Sénat qu'il a augmenté de 4,38 milliards d'euros depuis 2017. Si le Gouvernement partage pleinement l'objectif d'aider plus et mieux les étudiants, il est défavorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Brigitte Devésa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean-Noël Guérini applaudit également) Cette proposition de loi vise à répondre à la progression de la précarité étudiante.

Nous avons tous en tête les images de files d'attente devant les associations d'aide alimentaire : 29 % ont des difficultés financières, contre 24 % en 2020. Ils ont subi les 13,2 % d'inflation alimentaire depuis deux ans et la crise du logement. Beaucoup ne peuvent plus mener sereinement leurs études. C'est inacceptable.

Les bourses du Crous aident 800 000 étudiants, mais sont insuffisantes. Une revalorisation de 500 millions d'euros a permis de les augmenter de 370 euros par an tout en relevant les plafonds de ressources de 6 %, ce qui accroît le nombre d'étudiants aidés.

Le non-recours aux bourses touche souvent les plus précaires. L'État permet aussi des repas à un tarif social gelé de 3,30 euros ou 1 euro pour les boursiers. C'est bienvenu, mais il faut aller plus loin pour que tous les étudiants puissent mener leurs études sans une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. Il y va de l'égalité des chances.

Séduisante à première vue, cette allocation universelle serait une aide substantielle, simple et compréhensible par tous. Elle résoudrait le problème du non-recours.

Mais elle présenterait autant, voire plus d'inconvénients. Elle n'est pas conditionnée à des plafonds de ressources, et ne dépend pas du coût de la vie dans le lieu d'études. À vouloir être trop égalitaire, cette proposition nous semble donc profondément inéquitable.

Un contrat de travail serait incompatible avec l'allocation. Mais le statut d'autoentrepreneur le serait, favorisant l'ubérisation des étudiants. Cela mettra en difficulté certains secteurs économiques reposant beaucoup sur des emplois étudiants. (On ironise sur les travées du GEST.) Enfin, l'étudiant doit quitter le domicile fiscal, impliquant la perte de la demi-part fiscale pour les parents - ou part, pour les familles nombreuses.

Le principal problème est budgétaire : 30 milliards d'euros, c'est inenvisageable dans le contexte financier actuel.

Les solutions ne manquent pas : développer l'apprentissage, par exemple. En outre, la précarité des jeunes ne touche pas que les étudiants. Le groupe UC, conscient du problème, votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Mathilde Ollivier .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) Je remercie Monique de Marco pour son combat sans faille en faveur des étudiants. Il y a quatre ans, les files d'attente alimentaires ont marqué les esprits, mais elles sont encore d'actualité. Il y a quelques semaines, j'ai retrouvé, avec l'association COP1, ces images qui faisaient froid dans le dos en 2020. Combien d'années encore laisserons-nous la situation s'aggraver ? Combien d'années encore baisserons-nous les yeux, dans l'attente d'une réforme structurelle ?

Madame la ministre, votre réponse est toujours la même : vous allez réformer les bourses. Mais la moitié des personnes présentes dans les files sont inéligibles aux bourses sur critère social. La jeunesse est la plus marquée par les hausses d'inégalités, alors qu'en 2021, 9,1 millions de personnes étaient sous le seuil de pauvreté, dont 1,4 million de jeunes âgés de 18 à 24 ans.

Le coût de la vie étudiante a augmenté de 25 % depuis 2017 et 40 % des étudiantes et des étudiants doivent travailler. De plus, 43 % d'entre eux sautent un repas par jour. Le plus bel âge de la vie serait-il le privilège de quelques-uns ? On dépend de la solidarité familiale, non nationale, ce qui sape la cohésion nationale et érode la promesse républicaine d'égalité des chances.

Le système de bourses atteint ses dernières heures de vie. Nous ne pouvons banaliser la précarité et le retour à la société d'héritiers, ce que François Dubet appelle la préférence pour l'inégalité.

Cette proposition de loi est une avancée concrète, pour garantir protection et avenir à la jeunesse. Finissons-en avec les petits ajustements. L'occasion est historique de favoriser l'émancipation des jeunes et de changer la vie de millions de Français.

« Une fois émancipé, tout homme cherchera lui-même son chemin » disait Jaurès. (On apprécie la référence à gauche.)

Mme la présidente.  - Jaurès aura beaucoup été cité cet après-midi !

Mme Mathilde Ollivier.  - Donnons à ce texte sa chance. (Applaudissements à gauche ; Mme Solanges Nadille et M. Jean-Noël Guérini applaudissent également.)

Mme Céline Brulin .  - Nous saluons la proposition du GEST : cette allocation supplanterait les bourses, qui varient entre 1 450 et 6 300 euros annuels et excluent la majorité des étudiants.

La crise sanitaire a amplifié la précarité étudiante. Les jeunes en formation professionnelle, souvent issus de milieux populaires, doivent acquérir des équipements coûteux. Malgré cela, les députés du camp présidentiel et Les Républicains ont empêché l'extension du repas à 1 euro, alors que les étudiants sont contraints de se salarier.

La réforme des lycées professionnels fera naître de nouvelles injustices, entre formation dans l'établissement ou en entreprise, rémunératrice.

Certes, l'allocation autonomie universelle d'études a un coût. Il faut réfléchir, collectivement, aux financements à mobiliser. Les propositions abondent : nous en avions formulé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024... D'autres privilégient la solidarité familiale : ce sont alors les revenus des parents, et non les capacités des jeunes, qui ouvrent les formations. Passons à la solidarité nationale, sans quoi notre système demeurera l'un des plus inégalitaires au monde - 12 % des enfants d'ouvriers poursuivent ainsi leurs études à l'université. (Mme Antoinette Guhl applaudit.)

Les salaires décrochent : il faut creuser plus avant les effets de la suppression de la demi-part fiscale pour financer l'allocation. Cela ne risque-t-il pas d'accroître les inégalités ? Les années d'études ne devraient-elles pas ouvrir des droits à la retraite ? (Mme Antoinette Guhl renchérit.) Les Crous, comme la médecine universitaire et le transport, doivent bénéficier de moyens supplémentaires, comme le logement, premier poste de dépenses des étudiants. Le rapport de nos collègues Ouzoulias et Lafon rappelle que le loyer moyen est de 388 euros par mois - 570 dans le privé. Seuls 36 000 logements étudiants ont été livrés, alors que le candidat Emmanuel Macron en avait promis 60 000...

Cette proposition de loi ne fait pas tout, mais nous la voterons. (Applaudissements à gauche)

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du GEST) Merci au GEST de mettre en lumière la précarité des étudiants, qui nous a sautée aux yeux durant la crise sanitaire et qui perdure. Ainsi, l'Ifop et l'association COP1 indiquent que 36 % des étudiants se privent de repas, dont 58 % des jeunes inscrits aux distributions alimentaires. C'est alarmant.

État, collectivités, associations, fondations ont bâti des dispositifs pour y remédier. Les bourses, les aides au logement, à la santé, au sport, à la culture, aux transports et les dispositifs pour les outre-mer : l'arsenal de mesures est devenu un labyrinthe, ce qui nuit à l'accès au droit.

Au sein d'une région, l'étudiant de Toulouse payera 133 euros pour ses transports, celui de Mende 49 euros, celui de Millau ou Montpelier aura un abonnement gratuit. Le rapport d'information Ouzoulias-Lafon révèle que 250 000 logements étudiants manquent - c'est une estimation basse.

Je déplore n'avoir pu déposer d'amendement sur l'alimentation, faute de lien avec le texte. Mais, élue d'un département hyper rural, je constate que l'absence d'un restaurant universitaire augmente les dépenses alimentaires des étudiants. Dans ces zones, l'idée d'un ticket-restaurant étudiant est à creuser.

Nous sommes sensibles à l'émancipation des étudiants ainsi qu'à leur pouvoir d'achat, mais dans le cadre d'une redistribution verticale et progressive et non d'une allocation universelle, pour plus de justice sociale, donc. Force de proposition, le RDSE sera partagé sur le vote. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Brigitte Devésa applaudit également.)

Mme Solanges Nadille .  - Si l'intention des auteurs du texte est louable, le Gouvernement s'est déjà saisi du sujet. Le Président de la République a ainsi prévu une réforme du système des bourses dans sa feuille de route. Dès la rentrée 2022, madame la ministre, vous avez engagé une consultation sur la vie étudiante, aboutissant à l'amélioration des bourses et à des mesures sur la restauration et le logement. Le Gouvernement aide plus d'étudiants - 35 000 étudiants de classe moyenne sont devenus boursiers - et mieux : tous les échelons ont été revalorisés de 370 euros par an. Les boursiers ultramarins bénéficient de 30 euros supplémentaires : c'est inédit.

Insuffisant, direz-vous ? Mais ajoutons le repas à 1 euro, le gel des loyers et des droits d'inscription : c'est autant de reste à vivre dégagé.

Dès l'intitulé de la proposition de loi, on ne vous suit plus. Comment pouvez-vous parler d'universalité alors que vous prônez constamment la justice sociale et la redistribution ? Votre mesure est profondément libérale. (« Oh ! » à gauche) On ne peut être efficace avec 20 milliards de dépenses de plus par an - les deux tiers du budget du ministère. (On conteste le chiffre sur les travées du GEST.) Cette mesure aidera les plus précaires comme les plus aisés : où est la redistribution ?

Votre raisonnement nous a perdus et nous préférons continuer à soutenir l'action du Gouvernement. Cela dit, nous vous rejoignons sur le constat : nous ne pouvons nous satisfaire de voir des étudiants dans les centres de distribution alimentaire. ?uvrons pour plus de logements étudiants et pour la revalorisation des bourses et renforçons le maillage d'universités de proximité. Mais ne tombons pas dans le piège d'une idée certes tentante, mais qui ne réglera rien. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Marion Canalès .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Mathilde Ollivier applaudit également.) Parce qu'ils sont jeunes, les étudiants sont-ils condamnés à éprouver « l'insoutenable légèreté de l'être » ? Nous espérons toutefois vous convaincre, madame la ministre, de l'intérêt de cette proposition.

Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait, dit-on ? Inversons l'adage : si jeunesse pouvait, si vieillesse savait.... Comment pouvons-nous répondre au problème, nous qui nous éloignons de cette étape de la vie ? Voilà quelques mois, le groupe SER avait déposé une proposition de loi sur le minimum jeunesse dès 18 ans - nous sommes l'un des deux seuls pays de l'OCDE à restreindre les minima sociaux aux plus de 25 ans. Notre groupe soutiendra sans réserve cette proposition de loi.

« La gravité d'une question se mesure à la façon dont elle affecte la jeunesse », selon Pierre Mendès France. Or 27 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté. Ainsi du logement, plus puissant vecteur de reproduction sociale : un quart des étudiants a moins de 50 euros mensuels après le loyer. La promesse des 60 000 logements étudiants s'éloigne, alors que seuls 35 000 ont été construits.

Notre réponse : expérimenter cette allocation, quoiqu'il en coûte. Normaliens et polytechniciens en bénéficient d'ailleurs déjà : pourquoi uniquement eux ? (Mme Sylvie Retailleau manifeste sa désapprobation.) Il ne s'agit pas que jeunesse se passe, mais que jeunesse se fasse, que les étudiants puissent se réaliser sans le poids d'un héritage social. Les injustices prospèrent sur une solidarité défaillante. Il faut combattre ces injustices, autrement qu'avec des rustines. Le morcellement des aides, liées parfois aux déclarations d'impôt des parents, est une forme de paternalisme reproduit à l'infini.

La fin de la demi-part fiscale et de la réduction d'impôt de l'enfant scolarisé dégagerait une part du financement nécessaire à l'allocation proposée. Mais il faut changer de paradigme. Famille - pour 42 % -, emploi - pour 25 % - et aides publiques sont le triptyque des ressources des étudiants, mais la solidarité nationale doit prendre le pas. Comme pour les Ehpad, ce modèle est-il tenable ? Il va droit dans le mur.

On a longuement parlé du traitement de nos aînés : pourquoi ne pas évoquer la situation de la jeunesse ?

Pas moins de 40 % des étudiants sont contraints de travailler ; les emplois d'aujourd'hui sont difficilement conciliables avec les études, contrairement à ce que nous avons pu connaître. Il faut prendre très au sérieux les problèmes de la jeunesse dans une société qui bascule vers le grand âge. Le groupe SER votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La précarité étudiante s'accentue. Monique de Marco s'appuie sur le rapport de la mission sénatoriale sur la vie étudiante en France. Voilà des années que la question revient : la crise sanitaire n'a fait que la révéler et l'amplifier.

L'inflation aggrave la situation : 6,4 % en 2022 selon le rapport de l'Unef. Ainsi, 40 % des étudiants vivant seuls sont en situation de pauvreté, un quart des étudiants ayant recours à l'aide alimentaire déclare avoir faim régulièrement, et un tiers d'entre eux indique être dans un état dépressif.

Acteurs multiples, enchevêtrement, bourses sur critères sociaux montrant leurs limites et étudiants non boursiers mis de côté : les écueils sont nombreux.

Ainsi, la proposition de loi substitue au système actuel une allocation universelle, comme au Danemark, qui a le mérite de cibler les jeunes issus de la classe moyenne, touchés eux aussi par la précarité. Elle introduit un bouleversement du système. La collectivité nationale doit-elle se substituer à la solidarité familiale ? Quel message pour la responsabilisation et l'autonomie des jeunes ? N'y a-t-il pas d'autre réponse que l'assistanat ? (Marques d'ironie sur les travées du GEST)

Le sujet est éminemment politique, mais la question des moyens pose problème : 25 ou 30 milliards d'euros par an, selon la rapporteure, contre 5,9 milliards actuellement. C'est inenvisageable dans le contexte budgétaire actuel.

D'autres voies existent. La mission sénatoriale suggérait notamment la restructuration des échelons et l'étude de l'élargissement de l'échelon zéro. Le Gouvernement a mis en place des mesures ponctuelles à la dernière rentrée : augmentation du nombre de boursiers, revalorisation des montants, suspension des effets de seuils. Mais nous sommes loin de la refonte globale que la mission a appelée de ses voeux - la ministre l'a annoncée pour 2025.

Nous redisons que cette réforme d'ensemble est indispensable. En attendant que le Gouvernement propose une réponse à la hauteur des enjeux, le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi.

M. Daniel Chasseing .  - (Mme Brigitte Devésa applaudit.) Je salue l'auteure de la proposition de loi.

Près de 46 % des étudiants ont déjà sauté un repas à cause de l'inflation : c'est alarmant.

Nos collègues proposent de lutter contre la précarité étudiante en créant une allocation universelle, arguant que le système des bourses serait arrivé à bout de souffle. L'idée n'est pas nouvelle. Pour ma part, je crois qu'un système peut être réformé et amélioré sans qu'il soit nécessaire de le remplacer par un autre.

Bourses sur critères sociaux, APL, aides au mérite, aides d'urgence, aides possibles au niveau local : il faut plus de lisibilité, car il n'est pas toujours facile de s'y retrouver. Nous considérons qu'il faut centraliser les aides actuelles, revaloriser les bourses et supprimer les effets de seuil défavorables à de nombreux étudiants.

Donner la même aide à tous, y compris ceux qui peuvent être aidés par leurs parents, n'est pas juste, surtout compte tenu de la nécessaire maîtrise des finances publiques. Le coût de la mesure proposée est estimé à 25 milliards d'euros, quatre fois plus que le système actuel. Efforçons-nous plutôt de corriger le système actuel pour aider ceux qui en ont le plus besoin, comme la ministre l'a dit.

J'ajoute que l'allocation proposée ne suffirait pas à lutter contre la précarité, surtout si elle est incompatible avec un job étudiant. D'autre part, il est juste que les bourses tiennent compte des revenus des parents et de l'éloignement du lieu d'études par rapport au domicile parental.

Enfin, poursuivons le développement de l'apprentissage, qui contribue beaucoup à la baisse du chômage. Pas moins de 800 000 contrats ont été signés en 2022, contre 320 000 en 2018. Continuons dans cette voie et stabilisons les comptes de France Compétences. Il nous faut aussi augmenter encore le nombre de contrats jeunes et poursuivre le développement de la filière professionnelle.

Pour réduire la précarité étudiante, nous devons revaloriser les bourses, augmenter le nombre de repas à 3 euros et à 1 euro, et accroître le nombre de logements étudiants.

Discussion de l'article unique

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Alinéa 3

Remplacer la référence

821-2

par la référence

821-1

Mme Monique de Marco.  - Amendement de correction d'une erreur matérielle.

Mme Anne Souyris, rapporteure.  - Par cohérence avec la position de la commission sur l'ensemble du texte, avis défavorable.

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°2 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Alinéa 7, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, en prenant en compte le lieu de résidence

Mme Antoinette Guhl.  - Nous proposons que le pouvoir réglementaire puisse moduler le montant de l'aide selon le territoire. Comme l'ont souligné Mmes Pantel et Canalès, le coût du logement diffère selon les villes. Il peut représenter jusqu'à 60 % du budget d'un étudiant. Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux et Nice sont les villes les plus chères. À Paris, louer un studio coûte en moyenne 900 euros, contre 500 euros en province. Les syndicats demandent donc la territorialisation de l'allocation.

Mme Anne Souyris, rapporteure.  - Toujours par cohérence, avis défavorable. À titre personnel, je suis favorable à l'amendement, car l'APL est déjà territorialisée.

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Le Gouvernement a lancé un plan logement et le repas à 1 euro. La réforme que nous préparons prévoit une territorialisation - je pense aux 30 euros supplémentaires que nous prévoyons en outre-mer. Retrait ?

L'amendement n°4 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Après l'alinéa 7

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« ....  -  Le montant mensuel mentionné au II peut être diminué par décret pour prendre en compte la situation des bénéficiaires cohabitant avec leurs ascendants ou tuteurs légaux.

Mme Monique de Marco.  - Le logement est le premier poste de dépense des étudiants, en particulier dans les métropoles - le coût moyen varie entre 371 euros au Mans et 891 euros à Paris, selon l'Unef.

Des biens fonciers de l'État pourraient permettre la construction de 11 200 logements étudiants supplémentaires, mais cela resterait inférieur aux besoins réels. Le parc existant est très insuffisant pour 2,7 millions d'étudiants.

La difficulté varie selon le lieu d'études et le type de logement : 33 % des étudiants habitent chez leurs parents, 45 % sont en location, 12 % en résidence universitaire. La Fédération des associations générales étudiantes (Fage) propose une modulation de l'allocation en fonction des conditions d'hébergement, par souci d'équité.

Mme Anne Souyris, rapporteure.  - Avis défavorable de la commission ; à titre personnel, avis favorable.

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Notre logique est inverse : vous voulez aider moins ceux qui restent chez leurs parents, nous préférons augmenter les aides de ceux qui quittent le foyer familial. D'autre part, la modulation que vous proposez revient sur le caractère universel de votre allocation. (M. Bernard Buis abonde dans le même sens ; M. Thomas Dossus le conteste.)

Mme Monique de Marco.  - Sur le fond, vous avez raison. Au cours des auditions, les syndicats nous ont signalé que cette modulation était prévue au Danemark. Notre proposition de loi peut être une base évolutive...

Mme Anne Souyris, rapporteure.  - Le système danois prévoit cette variation, il n'en est pas moins universel.

L'amendement n°5 rectifié est adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Antoinette Guhl .  - Le GEST votera avec enthousiasme cette mesure importante pour protéger les étudiants, grâce à un filet de sécurité aux mailles serrées qui leur permettra de se consacrer à leurs études. Offrons-leur des perspectives d'avenir solides, offrons-leur l'autonomie.

Pour nous, parlementaires, c'est une occasion de répondre concrètement aux inquiétudes croissantes de la jeunesse. Quelle société laisse les barrières financières limiter les opportunités éducatives ? Quelle société ne souhaite pas investir dans sa jeunesse ? Une jeunesse épanouie est la promesse d'un pays solide.

On évoque un coût de 24 milliards d'euros, mais il est compensé par le budget des bourses, des APL et - j'insiste - la demi-part fiscale dont bénéficient les parents. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER)

À la demande du groupe Les Républicains et du RDPI, l'article unique constituant la proposition de loi, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°100 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption 103
Contre 228

L'article unique, modifié, n'est pas adopté.En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales.  - Je remercie Mme de Marco d'avoir soulevé ce sujet en commission et en séance. Madame la ministre, vous travaillez à la refonte des systèmes de bourses : un tel débat est utile pour nourrir la réflexion. Merci aussi à la rapporteure. Si les options diffèrent, le constat est partagé par tous : à la ministre de nous proposer une synthèse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

La séance est suspendue à 19 h 50.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Les conclusions de la conférence des présidents sont adoptées.

Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023.

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe .  - Dans moins d'un jour - 12 heures, précisément -, s'ouvrira le dernier Conseil européen sous présidence espagnole : son importance est historique. Il doit aborder le soutien à l'Ukraine, l'élargissement de l'UE, la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP), le conflit au Proche-Orient, les migrations, la COP28 et la lutte contre les discours de haine.

L'Ukraine sera au coeur des discussions. Nous devons tout mettre en oeuvre pour la soutenir et préparer son avenir européen. La Russie espère entrevoir une faille dans notre unité et capitaliser sur une prétendue fatigue des Européens. Mais il n'en est rien. Alors que l'Ukraine aborde un nouvel hiver de guerre difficile et que ses attentes à notre égard sont fortes, notre signal doit être clair : nous la soutiendrons dans la durée. Le Président de la République l'a dit à Bratislava : ancrer l'Ukraine dans l'Europe est une nécessité stratégique, c'est aussi notre intérêt.

Comme chaque mois de décembre, le Conseil européen examinera aussi le paquet élargissement. Il devra statuer sur l'ouverture des négociations d'adhésion avec l'Ukraine, la Moldavie et la Bosnie-Herzégovine et sur la reconnaissance du statut de candidat à la Géorgie. La France a toujours été claire : il faut reconnaître les progrès accomplis et continuer de réformer l'Union. L'élargissement oblige à réfléchir à long terme aux moyens de rendre l'Europe plus forte. Votre commission des affaires européennes a organisé le 30 novembre dernier une table ronde sur ce sujet ; nous y reviendrons au cours de nos échanges.

La poursuite du soutien à l'Ukraine est liée aux discussions sur la révision du CFP. La France plaide pour limiter les effets de la révision sur les finances publiques des États membres et donner à l'Union européenne les moyens de relever les défis auxquels nous faisons face : Ukraine, souveraineté économique, gestion efficace et équilibrée des migrations. Mmes Blatrix-Contat et Lavarde ont présenté voilà quelques jours une communication sur la révision du pacte de stabilité et de croissance (PSC) ; nous pourrons y revenir.

La négociation de l'Agenda stratégique, d'ordinaire consensuelle, revêt cette année une importance particulière : il s'agit de construire une Europe plus forte et qui a vocation à s'élargir. Plan de relance européen, achats mutualisés de vaccins, soutien financier à l'Ukraine : d'importantes décisions ont été prises ces derniers mois, dans des délais brefs. L'Union européenne entend désormais devenir plus souveraine, notamment en matière numérique, de santé et de défense. J'ai pris connaissance de la proposition de résolution européenne sur le programme de travail de la Commission européenne, présentée par Didier Marie et Jean-François Rapin : je souscris pleinement à votre constat sur l'importance de l'approvisionnement en matières premières.

Enfin, la pression migratoire demeure élevée, notamment sur la route de la Méditerranée centrale. Les migrations ont une double dimension, interne - filtrage aux frontières, réallocation budgétaire - et externe, avec la rive sud de la Méditerranée.

M. le président.  - Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État.  - Nous pourrons aborder aussi la position de la France sur le conflit au Proche-Orient, qui est connue.

M. Pascal Allizard, au nom de la commission des affaires étrangères .  - Que faire de l'Europe dans un monde chaotique et qui se désoccidentalise ? La Communauté politique européenne (CPE) a répondu par un triptyque conceptuel : une Europe plus prospère, résiliente et géostratégique. Mais les fâcheux ne se déplaçant pas, les désaccords sont purgés ailleurs... Le Conseil européen qui s'ouvre demain fera-t-il mieux ?

Lors du sommet du 7 décembre avec la Chine, Pékin a opposé une fin de non-recevoir à l'Union européenne. Rien de surprenant, alors que la présidente de la Commission européenne cosigne des déclarations du président américain qualifiant la Chine de rival stratégique - c'est vrai, mais pas seulement. Je rappelle le titre de notre rapport de juillet 2022 sur la relation transatlantique : « Amis, alliés, mais pas alignés ».

Le président Cédric Perrin a rappelé l'engouement européen pour le matériel américain : en 2030, la moitié de la flotte européenne de chasse sera d'origine américaine, ce qui nous inquiète pour notre indépendance stratégique et technologique.

Même si l'élargissement n'aura pas lieu demain, la Commission a recommandé, le 8 novembre dernier, l'ouverture de négociations avec l'Ukraine et la Moldavie, ainsi qu'avec la Bosnie-Herzégovine lorsque les critères d'adhésion seront suffisamment remplis, et d'octroyer sous réserves le statut de candidat à la Géorgie. Madame la ministre, dans un article à la revue Le Grand continent, vous avez expliqué qu'il s'agissait moins de savoir quand l'élargissement aurait lieu que de savoir comment.

De fait, le Financial Times chiffre à 180 milliards d'euros sur sept ans le coût de l'adhésion de la seule Ukraine... Alors que l'Union européenne ne peut pas aujourd'hui lui donner les moyens de se défendre, comment ne pas s'interroger sur notre capacité collective à fournir un effort financier si important ?

Dans le même article, vous écrivez aussi : « C'est une révolution européenne que nous préparons », qui va « bouleverser la politique budgétaire de l'Union ». Cette question ne devrait-elle pas être au coeur de la préparation des élections européennes de l'an prochain ?

La situation de l'armée ukrainienne et le soutien des États-Unis semblent plus incertains que jamais. Tâchons de regarder les choses avec lucidité : qui dira clairement que, si nous restons sur des demi-mesures, l'Ukraine sera vraisemblablement battue ? Nous avons promis un million d'obus : nous en sommes très loin. Les Européens sont-ils prêts à une victoire de la Russie, consacrant le primat de la force sur le droit ? Comment défendrons-nous, demain, notre flanc est ? L'Europe se ressaisira-t-elle avant qu'il ne soit trop tard ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Sautarel, au nom de la commission des finances .  - La révision du CFP semble indispensable, tant le budget européen devient un outil de gestion de crise. Les nouvelles priorités stratégiques sont la productivité, l'Ukraine et les grandes transitions.

Je tiens à souligner plusieurs points de vigilance sur les propositions formulées par la Commission européenne, puis par la future présidence espagnole.

D'abord, certaines propositions de la Commission européenne ont été affaiblies : ainsi de la plateforme Step de soutien aux technologies de rupture, dont l'enveloppe a été réduite.

Ensuite, les redéploiements de crédits ne doivent pas affaiblir les politiques traditionnelles, dont la politique agricole commune (PAC).

Enfin, les nouvelles ressources propres de l'Union européenne incitent à la prudence, alors que la Cour des comptes européenne parle de recettes insuffisantes, au détriment de la contribution de la France.

Quant à la réforme des règles budgétaires européennes, la suspension du PSC prend fin en janvier prochain. Nous serions proches d'un accord : je m'en réjouis, car les règles étaient trop complexes, trop cycliques et peu appliquées. Toutefois, l'exclusion des dépenses vertes et de la défense semble incertaine, et la clause de sauvegarde divise le couple franco-allemand. L'Allemagne a obtenu un objectif annuel visant à réduire le déficit public de 0,5 % pour tout pays présentant un déficit de plus de 3 %. La France défend, au nom de l'adaptation des règles aux situations nationales, un assouplissement de cette clause. Ne craignez-vous pas que toute demande de flexibilité soit interprétée comme une façon de se soustraire à un effort nécessaire d'assainissement des finances publiques ?

La commission des finances l'a constaté à Madrid fin octobre, pour la conférence dite « article 13 » : l'Allemagne refuse tout nouvel endettement européen et défend des critères quantitatifs.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - Je me réjouis de ce nouveau format de débat préalable au Conseil européen.

Sans doute le Conseil européen qui s'ouvrira demain saluera-t-il sans peine l'accord de la COP28 de Dubaï, avec la fin des énergies fossiles, le développement des énergies renouvelables et l'efficacité énergétique, comme le prône l'Union européenne. Ranger le nucléaire parmi les énergies propres est une bonne nouvelle pour la France.

L'unité européenne ne saurait faillir sur le soutien à l'Ukraine, alors que les Européens n'arrivent pas à fournir les obus annoncés. Durant ce faux plat éprouvant, il ne faut pas fléchir - n'oublions pas que le président Zelensky est allé demander des cadeaux de Noël au Congrès américain, qui hésite. Confirmez-vous que les actifs immobilisés alimenteront l'aide à l'Ukraine ?

La rallonge de 50 milliards d'euros en ce sens se justifie, mais il faut minimiser les contributions nationales, donc redéployer des budgets sans porter atteinte aux politiques stratégiques. Voyez-vous un accord possible, madame la ministre ?

L'élargissement, ensuite. Les chefs d'État et de Gouvernement devront décider s'ils donnent suite aux propositions de la Commission européenne. L'Ukraine est inquiète d'un éventuel véto hongrois. Nous ne pouvons que souscrire aux recommandations de la Commission européenne, mais rappelons la promesse de Grenade : élargir implique de réformer, sans quoi l'Union européenne s'affaiblira. Les Balkans occidentaux, réunis avec les 27 aujourd'hui, sont-ils suffisamment motivés par le plan de relance de 6 milliards d'euros ?

La géopolitique a ses exigences, mais ne lui sacrifions pas nos valeurs.

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État.  - Nos priorités sont l'Ukraine, les migrations et le fonds de souveraineté Step.

Vous avez souligné le manque de ressources, notamment pour NextGenerationEU : il faut travailler davantage sur les ressources propres, ce qui a manqué sous cette mandature.

Pour le PSC, nous voulons une trajectoire de finances publiques soutenable, compatible avec la croissance, permettant des investissements verts et de défense et adaptée à chaque pays.

La France soutient les recommandations de la Commission européenne sur l'élargissement. Elle insistera sur les progrès à réaliser par la Bosnie-Herzégovine. Nous travaillons à faire évoluer la position de la Hongrie.

Mme Mathilde Ollivier .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Didier Marie applaudit également.) L'Ukraine et le cadre financier pluriannuel sont des sujets étroitement liés.

Depuis l'agression russe, les Européens sont restés unis, pour asphyxier l'effort de guerre russe et soutenir économiquement et militairement l'Ukraine. Mais, depuis trois mois, la Slovaquie, la Bulgarie et la Hongrie menacent cette unité. Jeudi dernier, le Président de la République a reçu le Premier ministre hongrois pour un dîner de travail. Or la Hongrie maintient son chantage, malgré l'annonce du déblocage de 920 millions d'euros sur les 10,4 milliards prévus par le plan de relance européen pour la Hongrie. Quels sont les résultats obtenus par l'Élysée et quelles éventuelles concessions ont été faites à ce pays ? Quel plan B est-il prévu en cas de veto hongrois ?

Le Conseil européen doit ensuite parvenir à un accord sur la réforme du cadre financier pluriannuel. Sans révision, l'Union européenne ne pourrait faire face à une crise future, selon Johannes Hahn. Or de nombreux chefs d'État et de gouvernement ne veulent plus envoyer davantage d'argent à l'Union européenne. Où en sont les discussions sur de nouvelles recettes ? Quelles propositions la France défend-elle et quelle en serait l'incidence sur ses futures contributions ?

La Hongrie est l'un des deux principaux bénéficiaires nets du budget européen et assurera la présidence du Conseil au second semestre 2024. Vous avez déclaré ici même que rien ne l'empêche à ce stade d'assurer la présidence tournante. En cas de blocage, dans quel sens évoluera votre position ?

Enfin, la décision de nommer Fiona Scott Morton comme économiste à la direction générale de la concurrence a été unanimement critiquée. Elle a renoncé, mais Wopke Hoekstra a été nommé commissaire européen chargé de l'action pour le climat. Personne ne s'en est ému, alors qu'il a longtemps oeuvré pour l'industrie fossile : Shell, mais aussi McKinsey, qui a conseillé de grands groupes pétroliers. Il a été vivement critiqué pour être revenu sur son engagement à promouvoir l'élimination progressive des combustibles fossiles lors de la COP28, avec la référence très problématique aux combustibles fossiles « sans dispositif d'atténuation ». Quelle est la position de la France sur cette nomination ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Didier Marie applaudit également.)

Mme Silvana Silvani .  - La semaine dernière, le secrétaire général des Nations unies a invoqué, pour la première fois depuis un demi-siècle, l'article 99 de la charte des Nations unies à propos de la situation à Gaza. Autre fait rare, les agences onusiennes, unanimes, ont dénoncé les 160 enfants tués par jour, les risques de famine et la mort de 100 agents de l'organisation et de 50 journalistes.

Malgré cela, les dirigeants américains ont opposé leur veto à la proposition de résolution appelant à un cessez-le-feu, contre leur peuple. Partout, des milliers d'hommes et de femmes crient leur révolte contre le massacre de Palestiniens. La France s'honorerait à dénoncer la position américaine. Médecins sans frontières estime que le veto des États-Unis les rend complices du carnage. La France exprimera-t-elle des regrets ou une condamnation ? Une résolution européenne est-elle prévue pour condamner cette décision irresponsable des États-Unis, qui se rémunèrent sur les dividendes de la guerre ?

Hier, l'Assemblée générale des Nations unies a voté une résolution pour la protection des civils et le respect du droit humanitaire, bloquée par les États-Unis et Israël. Il faut une initiative concrète de la France, pour reconnaître l'État palestinien selon les frontières de 1967. L'Assemblée nationale et le Sénat ont voté en faveur de cette reconnaissance. Le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez essaie de convaincre l'Union européenne de faire de même, alors que 138 pays sur les 193 que compte l'ONU en ont déjà fait autant.

Plus d'une vingtaine de rapporteurs des Nations unies ont réitéré leurs inquiétudes sur un génocide en cours et une seconde Nakba. Une frégate française a été ciblée par un drone yéménite. Agir pour la paix est un devoir urgent ! Le cessez-le-feu doit être exigé. La suspension de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël est un moyen de pression concret. Ne pas le faire nous rend complices de la faillite morale des belliqueux.

L'administration européenne - Josep Borrell en tête - qualifie la situation à Gaza d'apocalyptique et compare les destructions à celles des villes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale. Quelles aides européennes seront mobilisées, en urgence, puis pour la reconstruction ?

Nous avons su sanctionner la Russie. Ne souffrons pas d'une indignation sélective en fonction de la religion, de la proximité avec notre sol ou de tout autre prétexte pour taire notre humanité commune. Dans notre pays qui compte les plus importantes communautés musulmanes et juives d'Europe, l'immobilisme risque d'aggraver nos fractures. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Annick Girardin .  - Inévitablement, une partie du Conseil européen sera consacrée aux conflits actuels, notamment en Palestine.

Le RDSE appuie la voie diplomatique d'équilibre prônée par différents États membres : soutien d'un cessez-le-feu à Gaza, création d'un régime de sanctions contre le Hamas, organisation terroriste, condamnation des incidents dans les colonies de Cisjordanie, où des colons jettent de l'huile sur le feu. Il faut défendre la solution à deux États. Vous avez le soutien du RDSE pour des initiatives diplomatiques en ce sens.

L'Union européenne doit se mobiliser aussi pour l'Ukraine, car les intentions de Moscou n'ont pas faibli. Alors que The Economist se demande si Poutine est en train de gagner, nous devons avant tout rester unis. Il faut débloquer les 50 milliards d'euros de fonds et les 5 milliards d'aide militaire. L'agression russe fragilise les frontières orientales de l'Union européenne, n'en déplaise à Viktor Orban.

L'élargissement de l'Union européenne est aussi à l'ordre du jour. Il s'agit d'un autre point de discorde avec la Hongrie. Le donnant-donnant ayant échoué, avons-nous d'autres moyens de pression que les 10 milliards d'euros dus ?

Le RDSE est favorable à l'adhésion de l'Ukraine, dans un contexte de paix. Tous les candidats à l'adhésion doivent s'engager à respecter le projet européen.

Le projet de défense commune devient plus pressant dans un contexte géopolitique plus difficile. En mars 2022, le Conseil européen a mis en place sa boussole stratégique. Quelles sont les avancées concrètes sur l'Agence pour les projets de recherche avancée de défense (Darpa) ? Ces projets supposent une hausse des moyens budgétaires européens.

Le RDSE se réjouit de l'avancée des négociations sur les nouvelles ressources, dont le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.

Le Conseil européen doit se montrer décisif et ne pas laisser de place au chantage des dirigeants populistes.

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État.  - Sur l'Ukraine, nous n'avons pas d'autre choix que de convaincre la Hongrie. Hier, au Conseil des affaires générales, 26 États sur 27 soutenaient l'ouverture des négociations d'adhésion avec l'Ukraine. Le Président de la République, le chancelier allemand ou encore la Pologne ont fait des déclarations. À cette heure, il n'y a pas de plan B.

En parallèle, nous devons réformer l'Union européenne. La présidence belge devra ancrer un processus, en matière budgétaire comme de gouvernance. Les chiffres mentionnés par le Financial Times sont déconnectés de la réalité.

Notre position à Gaza est claire : rejet du terrorisme, libération des otages, dont quatre Français, et protection des civils, obligation morale autant que juridique. Un cessez-le-feu doit aboutir à une trêve humanitaire. Le Président de la République souhaite une position européenne coordonnée. La France appelle à sanctionner les colons israéliens.

Mme Mathilde Ollivier.  - Vous ne m'avez pas répondu sur le commissaire Hoekstra. À la suite de son changement de pied lors de la COP28, quelle est la position de la France ?

Mme Silvana Silvani.  - Vous évoquez des sanctions contre les colons israéliens, mais nous appelons à des sanctions contre l'État israélien. Vous ne répondez pas sur les moyens à mobiliser.

Dans les articles 46 à 48 du PLF pour 2024, et sans débat à l'Assemblée nationale, la France se porte garante de trois aides à l'Ukraine, y compris via des mécanismes européens, pour 500 millions d'euros. Nous voulons des garanties similaires pour le peuple palestinien.

Mme Nadège Havet .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) « C'est un grand jour pour ceux qui pensaient, pendant de nombreuses années, que les choses iraient mieux ». Ainsi parlait Donald Tusk, après son élection au poste de Premier ministre polonais et huit ans de gouvernement populiste. Son expérience et son engagement pour les valeurs européennes rendront l'Union européenne plus forte. Cette victoire politique est à saluer, alors que le drapeau européen, qui est derrière moi, a 68 ans.

De même, saluons le règlement sur une industrie « zéro net » adopté il y a une semaine, pour développer les technologies vertes. Une liste de technologies stratégiques pour la transition écologique a été arrêtée : pompes à chaleur, batteries, éoliennes, captage de CO2... Le Président de la République a annoncé, dans le cadre de France 2030, que la France soutiendrait ces technologies et le stockage de CO2. Nous nous en félicitons. En outre, le nucléaire figure désormais sur la liste des technologies vertes.

Il faudra encore avancer. Les chefs d'États et de gouvernement aborderont les règles financières communes, dont la révision du CFP, notamment pour l'Ukraine. Il nous faut revoir la gouvernance économique et trouver de nouvelles règles pour le PSC, suspendu depuis 2020 pour faire face aux crises. Alors qu'il doit être réactivé, revenir à une approche univoque n'aurait pas de sens. Les règles d'endettement n'ont pas été respectées. Reste à trouver l'équilibre entre la réduction des dettes - sans encourager le dérapage - et les investissements stratégiques.

J'en viens aux deux crises majeures : la situation dramatique au Moyen-Orient et la guerre de la Russie à l'Ukraine. En octobre, une convergence européenne a eu lieu, avec la condamnation de l'agression et la demande du respect du droit humanitaire.

La France et douze membres du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) ont voté, le 8 décembre, une résolution demandant un cessez-le-feu à Gaza, bloquée par le veto américain. Hier, à l'Assemblée générale des Nations unies, une majorité écrasante a voté en ce sens. Le Conseil européen devra avancer sur ce point.

Le Conseil européen avait demandé un renforcement de l'aide à l'Ukraine. Comme l'a dit Ursula von der Leyen, une victoire russe serait lourde de menaces pour ses voisins européens. Nous soutenons l'intégrité territoriale de l'Ukraine et son droit à se défendre. Nous devons rester mobiliser financièrement, diplomatiquement et militairement. Il faut de nouveaux engagements de sécurité. Nous devons intensifier notre aide en matière de protection civile, à l'approche de l'hiver.

Les négociations d'adhésion à l'Ukraine devraient donner lieu à un accord européen, mais le chantage hongrois est inacceptable. Cela interroge sur la règle d'unanimité, qu'il faut réformer.

Le président du Conseil a rappelé que l'élargissement est un investissement géostratégique en matière de stabilité et de prospérité. Plusieurs textes de loi ont été adoptés par le parlement ukrainien pour répondre aux recommandations de la Commission européenne. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Pour conclure, je pense à Mahsa Amini et au mouvement Femme, vie, liberté, alors que le Parlement européen lui a décerné hier le prix Sakharov à titre posthume. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Didier Marie .  - L'année fut difficile : l'agression russe dure et la guerre s'enlise, pour un coût humain insupportable ; la COP28 est insatisfaisante ; la croissance est en panne, ralentie par l'inflation. Autant dire que ce Conseil européen sera critique. L'Union européenne doit être unie et parler d'une même voix.

Nous devons un soutien immédiat à l'Ukraine. La contre-offensive piétine, et les réponses ne sont pas à la hauteur : un tiers du million de munitions promis est arrivé. Cela interroge sur les moyens de notre propre défense, et sur une hypothétique défense commune, alors que l'Allemagne est empêtrée dans ses difficultés budgétaires après la décision du tribunal constitutionnel de Karlsruhe.

Si l'on ajoute la possibilité d'une réélection de Donald Trump en 2024, il faut agir. La menace de Viktor Orbán casse la nécessaire cohésion européenne. Espérons qu'Emmanuel Macron a été convaincant avec le président hongrois. En cas de blocage, quel soutien la France donnera-t-elle à l'Ukraine, alors que la Russie mobilise, autoritairement, d'inépuisables ressources humaines ? L'Europe doit être au rendez-vous de l'histoire.

L'élargissement est une obligation géopolitique. Le parlement ukrainien a voté de nombreuses améliorations sur l'indépendance de la justice et l'État de droit. Mais nous restons interrogatifs sur la PAC et les défis de la reconstruction.

La Moldavie est un bon élève : une perspective d'adhésion serait un bon message adressé à son peuple et à la Russie. La Géorgie doit sortir de l'ambiguïté politique. Il faut poursuivre le travail avec l'Albanie et la Macédoine du Nord, et le Monténégro doit sortir de l'instabilité politique. La Bosnie-Herzégovine doit avancer, malgré sa complexité institutionnelle issue des accords de Dayton et le séparatisme serbe. Enfin, que la Serbie choisisse entre Russie et Europe. L'élargissement doit assurer la défense de notre modèle démocratique et de notre sécurité. Quelle lecture faite vous de ces pays, sachant que notre patrimoine commun est le respect de l'État de droit et la démocratie ?

La question ce n'est pas quand - le plus vite possible -, mais comment ! La France va-t-elle interroger les traités et convoquer une convention ? Il faut ouvrir un nouveau chapitre de l'histoire européenne.

De nombreux accords commerciaux sont en cours de finalisation, avec la Nouvelle-Zélande, le Chili. D'autres patientent, comme avec l'Australie, ou font le yoyo, comme avec le Mercosur, pour lequel le président Lula promet une signature rapide.

Quel est le logiciel ? La théorie des avantages comparatifs ne vaut plus. Il faut des standards environnementaux, sociaux et démocratiques ambitieux, avec des dispositifs de conditionnalité et de réversibilité des accords.

Pouvez-vous nous confirmer qu'il n'y aura pas d'accord avec Mercosur et que le Parlement sera consulté - contrairement à l'Accord économique et commercial global (Ceta), en vigueur depuis cinq ans et jamais présenté au Sénat ?

Sur la COP28, au regard de ses conclusions, l'atteinte de la trajectoire à 1,5° C est-elle possible ? Quelles sont les incidences sur l'Union européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État.  - L'Union européenne a déjà fait beaucoup pour les achats communs et créé un fonds d'investissement et un fonds de recherche et développement. Nous voulons amplifier ces initiatives pour une véritable industrie européenne de défense.

Sur les accords commerciaux, le cadre reste le même, celui posé par les trois principes suivants : réciprocité, dimension stratégique et engagements environnementaux. L'accord sur le Mercosur ne répond pas à ces trois critères : c'est non.

Le commissaire Wopke Hoekstra a obtenu des résultats à la COP28 : sortie des énergies fossiles et intégration du nucléaire comme énergie décarbonée - une victoire !

En matière d'élargissement, comme au Conseil des affaires générales, nous soutiendrons les propositions de la Commission européenne pour ouvrir les négociations avec l'Ukraine et la Moldavie. Nous avons demandé une présentation des progrès de l'Ukraine de la part de la présidente de la Commission, afin de convaincre la Hongrie.

Pour les Balkans occidentaux, nous encourageons les efforts avec l'intégration graduelle, et un plan de croissance. Quand il y a des progrès, il y a versement de fonds. Sinon, les aides sont réversibles...

M. Didier Marie.  - Sur la COP28, je suis insatisfait. Si le tabou de la sortie des énergies fossiles figure bien dans la déclaration, il n'y a aucune date précise, et le gaz reste une énergie de transition, comme le charbon, pour la Chine. Comment atteindre la baisse de 95 % des énergies fossiles d'ici à 2050 et maintenir la hausse à 1,5° C ? Cela semble inatteignable.

Mme Christine Lavarde .  - Certes, la révision du CFP est à l'ordre du jour, mais celle du PSC sera sans doute évoquée dans les couloirs. Selon la vision portée par Bruno Le Maire, il ne serait pas une fin en soi, mais un moyen du projet politique européen.

Le conseil Écofin de vendredi a échoué. Le ministre allemand des finances estime que les États membres ne touchent pas au but, et que les positions espagnoles de compromis ne clôturent pas le débat technique.

Un point d'accord, toutefois : la clause de sauvegarde pour la réduction de la dette, de 1 % en moyenne par an pour les plus endettés, 0,5 % si la dette est entre 60 % et 90 % du PIB.

Sur la marge de résilience pour le déficit, des États ont demandé à moduler l'effort selon l'endettement : 1,5 % de PIB de déficit pour les plus endettés, et une convergence en dessous de 2 % pour ceux dont la dette est entre 60 % et 90 % du PIB. Sur le volet correctif, la France a demandé une flexibilité de 0,2 % du PIB par rapport au niveau de 0,5 % qui était prévu pour l'ajustement structurel. Cela permet aux pays en déficit excessif - dont le nôtre, hélas - d'investir.

Un accord avec l'Allemagne devrait être trouvé, reste à convaincre les pays dits frugaux. Si l'Allemagne accepte de tenir compte de la charge des taux d'intérêt pour 2025-2027, l'Italie voudrait que ce soit permanent.

Enfin, un mécanisme de contrôle permettrait de suivre les évolutions d'endettement. Le Portugal demande qu'un État en excédent budgétaire ne puisse faire l'objet d'une procédure de déficit excessif pour la seule raison de l'endettement. Les députés européens de la commission des finances ne veulent pas de critère quantitatif pour le déficit public, mais leur vision est moins restrictive sur le compte de contrôle que celle de la Commission.

Bruno Le Maire croit à un accord fin décembre. Partagez-vous son optimisme, madame la ministre ? S'il n'y a pas d'accord fin décembre, il n'y aura pas d'accord du tout. En cas d'échec, la présidence belge ne pourrait-elle pas rouvrir les négociations ? (M. Jean-François Rapin applaudit.)

M. Louis Vogel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Les élections européennes auront lieu dans six mois. L'Union européenne est à la croisée des chemins : certains pays se sont laissé séduire par les sirènes du populisme, dont les Pays-Bas, pays fondateur de l'Union européenne. Même l'arrivée au pouvoir de Donald Tusk en Pologne ne peut faire oublier que ce sont bien les ultraconservateurs de Droit et justice (PiS) qui sont arrivés en tête aux élections législatives.

Un sondage de novembre propose une projection du prochain Parlement européen : la droite ultraconservatrice nationaliste - dont Orbán se rapproche - se renforcerait. Identité et démocratie, dont fait partie le RN, également. À plus de 80 membres, et comme ils le font à l'Assemblée nationale, ces groupes pourraient entraver le Parlement.

Au cours des élections, les uns ne parleront que de migrations, les autres que d'urgence climatique : ces objectifs ne sont pas incompatibles avec l'Europe, au contraire, c'est le seul moyen de les atteindre ! Faisons taire les fossoyeurs de l'Europe.

Sur la révision du CFP jusqu'en 2027, nous croyons à des ressources propres solides, moyens d'une véritable politique, et à la fin des rabais.

De nouveaux chiffres ont été mis sur la table : la proposition de Charles Michel mentionne 22,5 milliards d'euros. Nous nous interrogeons sur la contribution nationale. Quelles sont les lignes rouges de la France ?

J'en viens aux négociations d'adhésion. Nous croyons profondément à une Europe puissante et approfondie. Cela interroge sur la procédure de réforme de l'élargissement. Madame la ministre, comment appréhendez-vous les négociations sur l'Ukraine ? Quelle est la position française sur l'élargissement ?

Enfin, nous vous assurons de tout notre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État.  - Sur le PSC, madame Lavarde, les avancées sur la dette sont significatives. Nous allons revoir la procédure du 1/20e qui valait avant covid.

Au cours de la procédure de déficit excessif, la flexibilité sur les investissements est importante pour effectuer les investissements nécessaires aux transitions. Comme Bruno Le Maire, je suis confiante.

Monsieur Vogel, en Pologne, un gouvernement PPE (Parti populaire européen) sera mis en place. Il a réaffirmé son soutien à l'Union européenne. En même temps que les législatives polonaises, un référendum a rejeté la proposition du gouvernement populiste sur l'avortement -  avec une participation de 70 % !

Nous voulons une hausse mesurée du budget européen pour soutenir l'Ukraine, mettre en oeuvre le pacte sur les migrations et le fonds de souveraineté.

Enfin, la France a largement porté la réforme de l'élargissement, sans totem ni tabou. Nous ferons le nécessaire.

Mme Christine Lavarde.  - J'ai du mal à partager votre optimisme : peut-être y aura-t-il un accord fin 2023, mais pas de nouvelles règles début 2024. En effet, les parlementaires européens ont de grandes divergences d'opinions. Le trilogue sera compliqué. Si nous n'y arrivons pas, les Belges ont-ils déjà inscrit ce sujet à leur ordre du jour, ou rebasculerons-nous dans le régime d'avant covid ?

M. Louis Vogel.  - Une hausse mesurée du CFP ne veut pas dire grand-chose, mais je vous remercie d'avoir mentionné les priorités.

Mme Brigitte Devésa .  - Le 22 novembre, le Parlement européen a adopté une résolution tendant à la révision des traités à la suite de la Conférence sur l'avenir de l'Europe de mai 2022. Il s'agit de consolider l'Union européenne et de donner la parole aux citoyens, sur dix-sept thématiques.

Ainsi du droit d'initiative du Parlement européen (M. Didier Marie acquiesce), une Commission européenne réduite à quinze membres et respectueuse des équilibres géographiques et démographiques, le passage à des votes à la majorité qualifiée, notamment pour la politique étrangère.

M. Didier Marie.  - Très bien !

Mme Brigitte Devésa.  - On lit aussi une proposition de compétence exclusive de l'Union européenne en matière d'environnement, et une défense européenne avec une force de déploiement rapide.

La résolution promeut une éducation qui défende les valeurs démocratiques, l'État de droit, les traditions régionales et la mobilité des travailleurs.

La résolution propose aussi une politique renforcée de l'immigration et de la santé.

Toutefois, elle n'a été votée qu'à 291 voix contre 274. Elle amorce une forme de fédéralisme européen, pour la deuxième fois après juin 2022. Pour une telle réforme, il faut un examen par le Conseil européen - cela ne semble pas prévu. Cette résolution est-elle un signe de future révision des traités ? (M. Didier Marie acquiesce.)

Il faut un débat. La résolution suscite bien des réactions, notamment sur de potentielles atteintes à la souveraineté des États et sur la remise en cause du sacro-saint principe du vote à l'unanimité. Une réforme des traités est cependant nécessaire, huit États étant candidats à l'adhésion.

La guerre en Ukraine a bouleversé le fonctionnement de l'Union européenne. Mais, comme le disait Jean Monnet, l'Europe se fera dans les crises. Nous allons vers un élargissement au temps long, car la révision des traités se fait sur plusieurs années, d'autant que certains États y sont hostiles.

Jean-François Rapin et Muriel Jourda, l'année dernière, ont rendu un rapport sur la Conférence sur l'avenir de l'Europe, soulignant la souplesse institutionnelle des traités. Ainsi de la composition de la Commission européenne ou de l'article 352 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). L'article 122 permet des mesures temporaires, prises à la majorité qualifiée, notamment en matière de fiscalité.

Sur la forme, les Français s'exprimeront-ils par référendum sur l'élargissement ? À qui l'Union européenne doit-elle s'ouvrir ?

Mme Audrey Linkenheld .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Au croisement des questions extérieures et intérieures, je souhaite parler de cybersécurité. Corapporteure de la proposition de résolution européenne sur la cybersolidarité, je souligne le besoin de champions européens. Cela vaut aussi pour les autres défis économiques et climatiques.

Le groupe SER pense que ce Conseil européen doit renforcer la solidarité et la coopération industrielle. Or les discussions sur le CFP et le PSC ne semblent pas aller en ce sens. Nous demandons un fonds de souveraineté d'ampleur, face aux besoins colossaux d'une transition juste. Face à l'Inflation Reduction Act (IRA) américain, l'Europe mérite mieux que les fonds de tiroir de la plateforme Step. Sans champion, comment accélérer la transition énergétique et assurer notre autonomie en la matière ?

J'en viens au PSC : des plus libéraux aux plus interventionnistes, chacun convient qu'il est obsolète. Nous saluons l'intégration des investissements de transition, mais il faudrait les exclure complètement du calcul, car la souveraineté climatique est prioritaire. La lutte contre le réchauffement climatique se prolongera bien au-delà de 2027...

Par ailleurs, derrière les réformes structurelles demandées, on trouve moins la taxation du capital que la réduction de la protection sociale, à l'encontre de la raison d'être de l'Union européenne : la paix et la justice. Comment la France résoudra-t-elle ce paradoxe européen d'un nouveau pacte favorable aux investissements, mais sans fonds de souveraineté ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État.  - Madame Devésa, l'élargissement va de pair avec la réforme de l'Union européenne : celle-ci ne doit pas le suivre - nous avons tenu sur ce point.

Cela prendra du temps : deux, trois ou dix ans. Difficile de le dire actuellement, car l'élargissement est fondé sur le mérite et les progrès réalisés.

En parallèle, nous réformons l'Union européenne, ce qui pose la question des politiques prioritaires. La présidence belge ancrera un processus de travail.

Entretemps, nous pourrons évoluer sur la PESC ou sur la fiscalité, pour lesquels nous sommes favorables à l'adoption de la majorité qualifiée.

En réponse à l'IRA, la présidence belge a demandé à Mario Draghi un rapport pour amender les politiques existantes en vue d'améliorer la compétitivité de l'Union européenne. Celui-ci sera rendu en juin et comprendra des propositions visant à réduire la bureaucratie et à favoriser les investissements stratégiques. Dans l'industrie, ceux-ci passent par les projets importants d'intérêt européen commun (Piiec), dont le cloud.

Il n'est dans l'intérêt de personne de ne pas avancer sur les règles du PESC. La présidence belge reprendra les négociations.

M. Cyril Pellevat .  - Le Conseil européen abordera la situation au Proche-Orient, qui inclut le conflit israélo-palestinien et la politique de voisinage de l'Union européenne dans la région. Le compte n'y est pas : l'Union européenne est divisée, comme en témoigne la suspension, annoncée puis démentie, des aides européennes à l'Autorité palestinienne.

Ursula von der Leyen a multiplié les annonces sans consulter le président du Conseil ni les États membres : cette cacophonie sape notre influence.

L'Union européenne a eu tort de se tenir à distance du conflit israélo-palestinien, alors qu'elle disposait de leviers d'action pour peser : elle est le premier donateur à la Palestine et le premier partenaire commercial d'Israël.

La politique de l'Union européenne au Moyen-Orient n'est pas à la hauteur : nous devons avoir une approche globale.

Certes, nous entretenons des relations privilégiées avec certains pays, comme la Jordanie. Mais les échanges avec d'autres sont trop superficiels, fondés sur la coopération bilatérale.

Nous devons renforcer la politique européenne de libre-échange avec les pays du Golfe, à l'image du Royaume-Uni, qui a engagé des négociations avec le Conseil de coopération des États arabes du Golfe (CCEAG).

Il est temps que l'Union européenne ait un discours autonome et cohérent : le conflit israélo-palestinien doit aussi figurer en tête de son agenda diplomatique. Certes, l'instabilité de la région et la souveraineté des États membres ne facilitent pas la tâche, mais l'Union européenne gagnerait à définir une politique commune, complémentaire des États membres. Sinon, elle restera un simple pompier spectateur.

Le Gouvernement partage-t-il cette vision d'une position commune ? Qu'en pensent les autres États membres ? Quels moyens la France mobilisera-t-elle à cette fin ?

M. Alain Cadec .  - Quel bonheur de passer en dernier ! (Sourires)

L'ordre du jour de ce Conseil européen sera extrêmement chargé. L'Union européenne est à la croisée des chemins tant sur le plan géopolitique que pour son fonctionnement interne. Elle doit revoir ses priorités, préserver sa sécurité et assurer la pérennité de son modèle.

Les défis sont existentiels : l'Union européenne et la France doivent faire entendre leur voix en défendant une position d'apaisement, pour éviter que les violences au Moyen-Orient ne se répercutent dans nos sociétés, en accentuant les fragmentations.

L'Union européenne doit renforcer sa défense et sa sécurité - menacées par la Russie -, tout en faisant face à un possible désengagement des États-Unis sur le continent.

Mais c'est sans doute l'aide à l'Ukraine et son avenir européen qui seront au coeur des discussions, vu le risque d'un blocage hongrois. Mon propos pourra paraître iconoclaste : on présente l'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne comme quelque chose qui va de soi et contre laquelle ne se positionneraient que des dirigeants infréquentables, comme le serait Viktor Orbán.

Je m'interroge : à quelques mois des élections européennes, pensez-vous que notre opinion publique soit réellement favorable à un élargissement en général, et à l'Ukraine en particulier ? Nombre de nos compatriotes estiment que l'élargissement de 2004 a plus affaibli que renforcé l'Union européenne. (Mme Audrey Linkenheld hoche la tête.)

L'élargissement effraie, car les institutions européennes ne sont pas conçues pour fonctionner à trente pays. Il faudrait réviser les traités.

Sur l'Ukraine, les inquiétudes sont multiples : voulons-nous étendre les frontières européennes avec la Russie, sur des zones contestées ? Le pays, qui souffre de corruption endémique, répond-il aux conditions des traités ? De plus, l'intégration de cette grande puissance agricole serait dévastatrice pour la PAC.

Si le soutien militaire et économique à l'Ukraine recueille un large assentiment, il n'en va pas de même pour son adhésion à l'Union européenne. Avant de penser aux objections de Viktor Orbán, commencez par vous préoccuper de celles de nos concitoyens. Les formations politiques favorables à l'élargissement devront l'assumer clairement lors de la campagne électorale du printemps prochain. (M. Jean-François Rapin applaudit.)

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État.  - Monsieur Cadec, il s'agit de soutenir l'Ukraine dans la durée. L'ouverture des négociations d'adhésion est aussi un signal lancé à la Russie. Nous ne pouvons répéter les erreurs de 2008 et 2014. Vous avez raison, nous devons réviser nos priorités : cela prendra du temps, car nous ne sommes pas prêts pour intégrer de nouveaux pays.

Monsieur Pellevat, nous oeuvrons à des positions communes, car nous sommes plus forts ensemble. L'Union européenne travaille au renforcement de son partenariat avec les pays du CCEAG. En juin 2023, elle a nommé un envoyé spécial pour les relations avec les pays du Golfe, Luigi di Maio. Le changement climatique, le renforcement du partenariat commercial et l'approvisionnement énergétique figurent, entre autres, au coeur de la feuille de route.

Lors de la 27e réunion interministérielle UE-CCEAG de Mascate, au cours de laquelle la France a été représentée par Olivier Becht, un dialogue renforcé sur la sécurité régionale a été annoncé. Une première réunion sur la sécurité régionale entre nos pays aura lieu à Riyad le 24 janvier.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - Je remercie tous les collègues présents, ainsi que la ministre qui s'est pliée à ce nouvel exercice. Nous verrons avec le Bureau si les ajustements retenus lui conviennent également. J'espère que notre dialogue a été plus dynamique.

La Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (Cosac) n'est pas le Conseil européen. Avec Didier Marie et Claude Kern, nous revenons de celle de Madrid. L'essentiel du débat a porté sur le conflit israélo-palestinien. Nous sommes préoccupés par les vies humaines, d'un côté comme de l'autre. On ne peut que condamner l'attaque indescriptible du Hamas, et comprendre aussi que le peuple palestinien souffre.

Nous espérons que tout le monde sortira du Conseil européen la tête haute.

Nous nous sommes sentis relativement seuls sur le Mercosur, en France, hormis les Pays-Bas, les Belges, les Autrichiens nous dit-on. (Mme Laurence Boone le confirme.)

L'épisode est bouclé. Nous en débattrons au Sénat courant janvier sur une proposition de résolution que j'ai déposée avec Sophie Primas.

Les questions financières commencent à nous inquiéter. Lorsque je suis devenu président de la commission des affaires européennes, c'était une question traditionnelle. Elle est à creuser davantage, désormais. J'en ai parlé hier à Bruno Le Maire. Nous subissons une inflation budgétaire que nous avons l'impression de ne pas maîtriser. Dans quelque temps, des interrogations sur la contribution de la France au budget de l'Union européenne se feront jour, si nous n'avançons pas sur les ressources propres - c'est une conviction que j'ai chevillée au corps. On peut parler de pacte de stabilité, mais aussi du budget.

La Belgique prendra prochainement la présidence de l'Union européenne. Contrairement à ce qui se pratique actuellement, nous lui indiquerons que notre préférence va aux directives, plutôt qu'aux règlements, qui nuisent à notre souveraineté. (M. Didier Marie renchérit.)

Prochaine séance demain, jeudi 14 décembre 2023, à 10 h 30.

La séance est levée à 23 h 20.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 14 décembre 2023

Séance publique

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures, et à l'issue de l'espace réservé au groupe RDPI et au plus tard de 16 heures à 20 heures

Présidence : Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente Mme Sylvie Robert, vice-présidente

Secrétaires : Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet

1. Proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires, présentée par Mme Nadège Havet et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée) (texte de la commission, n°164, 2023-2024)

2Débat sur le thème : « Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du Comité Interministériel des Outre?mer ? »

3Proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes rurales et des associations, présentée par M. Hervé Maurey, Mme Dominique Vérien et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°167, 2023-2024)

4Proposition de loi relative aux droits de l'enfant à entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses parents en cas de séparation de ces derniers, présentée par Mme Élisabeth Doineau et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°177, 2023-2024)

En outre, à 14 h 30 :

Désignation des 19 membres de la commission d'enquête portant sur les moyens mobilisés et mobilisables par l'État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France (droit de tirage du Groupe Écologiste - Solidarités et Territoires)