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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Collectivités territoriales et transition écologique des bâtiments scolaires (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Nadège Havet, auteure de la proposition de loi

M. Stéphane Sautarel, rapporteur de la commission des finances

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Mme Marie-Claude Varaillas

Mme Nathalie Delattre

M. Bernard Buis

M. Claude Raynal

M. Max Brisson

M. Jean-Luc Brault

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Ghislaine Senée

Discussion des articles

Avant l'article unique

Article unique

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Baptiste Lemoyne

Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du Ciom ?

M. Dominique Théophile, pour le RDPI

Mme Solanges Nadille, pour le RDPI

M. Georges Patient

Mme Audrey Bélim

Mme Micheline Jacques

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Philippe Folliot

M. Akli Mellouli

M. Robert Wienie Xowie

Commission d'enquête (Nominations)

Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du Ciom ? (Suite)

M. Stéphane Fouassin

Mme Annick Petrus

Mme Viviane Malet

Mme Annick Girardin

M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer

M. Saïd Omar Oili, pour le RDPI

Rétablir la réserve parlementaire

Discussion générale

M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi

Mme Dominique Vérien, auteure de la proposition de loi

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur de la commission des finances

M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer

M. Bernard Buis

M. Rémi Féraud

M. Jean-Marc Boyer

M. Cédric Chevalier

Mme Nathalie Goulet

Mme Ghislaine Senée

M. Éric Bocquet

M. Christian Bilhac

Mme Laurence Muller-Bronn

Discussion de l'article unique

M. Jean-Claude Anglars

M. Olivier Paccaud

M. Philippe Folliot

M. Michel Canévet

M. Jean-François Longeot

M. Daniel Chasseing

Mme Ghislaine Senée

M. Hervé Maurey

Intitulé de la proposition de loi organique

Droits de l'enfant

Discussion générale

Mme Élisabeth Doineau, auteure de la proposition de loi

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Corinne Narassiguin

Mme Elsa Schalck

Mme Laure Darcos

Mme Dominique Vérien

Mme Antoinette Guhl

Mme Marianne Margaté

Mme Nathalie Delattre

Mme Patricia Schillinger

Discussion des articles

Article 1er

Après l'article 2

Article 3

Après l'article 3

Intitulé de la proposition de loi

Vote sur l'ensemble

Mme Laurence Rossignol

Modification de l'ordre du jour

Ordre du jour du lundi 18 décembre 2023




SÉANCE

du jeudi 14 décembre 2023

47e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

Secrétaires : Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

La séance est suspendue quelques instants.

Collectivités territoriales et transition écologique des bâtiments scolaires (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires, présentée par Mme Nadège Havet et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe RDPI.

Discussion générale

Mme Nadège Havet, auteure de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP) « L'école, c'est le poumon du village », rappelait l'un des 1 400 élus ayant participé à la consultation de la mission d'information du Sénat sur le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique. (M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérit). C'est un défi d'une ampleur colossale, alors que deux communes sur trois disposent d'une école, que la France compte dix millions d'élèves, 500 000 bâtiments scolaires, un million de personnels éducatifs.

L'école doit nécessairement être accompagnée pour s'adapter au changement climatique, partout, en métropole comme en outre-mer, à Courbevoie comme à Châteauneuf-de-Gadagne.

Ancienne adjointe aux affaires scolaires, je connais les difficultés à mener des projets de rénovation ou de reconstruction, tout comme l'enthousiasme des équipes municipales, départementales et régionales. Cet engagement, essentiel, doit être facilité.

Cette proposition de loi vise à aider davantage les élus qui en ont le plus besoin. C'est une petite pierre à l'édifice rénové...

Notre mission d'information a été constituée en février 2023 à l'initiative du RDPI. Désignée rapporteure, je remercie le président Patriat ainsi que tous les collègues qui y ont participé et plus particulièrement Jean-Marie Mizzon, président de la mission d'information et coauteur du texte. Après une centaine d'auditions et plusieurs déplacements, nous avons adopté douze préconisations, le 28 juin, dont la préconisation n°9, la seule de nature législative, fait l'objet de cette proposition de loi.

Nous voulions réfléchir aux conséquences de la transition écologique sur les écoles, les collèges et les lycées, qui représentent la moitié de la surface des bâtiments publics des collectivités territoriales

Le contexte d'adaptation au changement climatique, d'amélioration de la performance énergétique ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre souligne l'urgence de la transition environnementale de ces bâtiments, imposée par les engagements européens de la France, mais aussi par la hausse des prix de l'énergie.

Les bâtiments scolaires ont une place spécifique dans notre cité. Les échéances fixées par le décret tertiaire doivent être anticipées.

Le Président de la République a annoncé l'an dernier un plan national de rénovation des écoles ; le 9 mai, le ministre de l'écologie en présentait la première déclinaison. Pérennisé jusqu'en 2027, le fonds vert se voit doté d'une enveloppe complémentaire de 500 millions d'euros pour le bâti scolaire en 2024, et un guichet unique facilitera l'accès aux dispositifs de financement.

Le plan France Ruralités comporte un programme de soutien à l'ingénierie des communes rurales, avec cent chefs de projet. Fin octobre, 862 établissements bénéficiaient d'ÉduRénov, un financement de 2 milliards d'euros développé avec la Banque des territoires.

L'objectif est de rénover 40 000 écoles d'ici 2034, dont 2 000 l'année prochaine.

Le Sénat a fait des préconisations pour améliorer la coordination entre les élus et l'État, qui doit pouvoir apporter un accompagnement sur les plans normatif, juridique, technique et financier.

L'enjeu est aussi pédagogique - en témoigne le récent rapport des députées Graziella Melchior et Francesca Pasquini.

Les ressources des collectivités sont très inégales. Il faut mieux appréhender cette diversité. Nos préconisations entendent répondre à plusieurs difficultés : mener de front des chantiers complémentaires, concilier des exigences concurrentes, conduire des chantiers en site occupé, maîtriser le risque d'une dérive des coûts et faire face à un accès insuffisant à l'ingénierie.

La diversité des acteurs de l'ingénierie locale est source de perplexité pour les maires. La recherche de financements est un parcours du combattant, marqué paradoxalement par une sous-consommation des fonds en raison de l'imprévisibilité des dotations. Les élus plaident d'ailleurs pour une logique pluriannuelle.

Dernier obstacle, le reste à charge minimal de 20 % des financements publics pour le maître d'ouvrage. C'est pourquoi la proposition de loi étend aux investissements de rénovation énergétique des bâtiments scolaires la faculté pour les préfets de réduire ce seuil à 10 % - dérogation déjà prévue pour les investissements concernant les ponts, les équipements pastoraux, la défense incendie, les centres de santé, les calamités publiques ou encore la restauration de la biodiversité dans un site Natura 2000. Nous y ajoutons la rénovation des écoles, dès lors que le reste à charge est manifestement disproportionné au vu de la capacité financière de la collectivité.

Cette mesure concrète redonnera des marges financières aux élus locaux. Les associations d'élus s'y sont montrées très favorables.

Je remercie le rapporteur pour son travail, dans une période chargée pour la commission des finances.

Mona Ozouf déclarait, à l'occasion de l'inauguration de l'école qui porte son nom à Plougastel-Daoulas : « il faut toujours continuer à fonder nos espérances dans l'éducation ». N'oublions pas cette vérité, en ces temps troublés. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, des groupes INDEP et UC)

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Très bien !

M. Stéphane Sautarel, rapporteur de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi traduit l'une des recommandations de la mission d'information du Sénat sur le bâti scolaire à l'épreuve de la transition, présidée par Jean-Marie Mizzon et rapportée par Nadège Havet. Elle alerte sur l'urgence de rénover les bâtiments scolaires et les difficultés financières des collectivités pour financer des travaux lourds et coûteux.

Le parc immobilier scolaire des collectivités, ce sont 51 000 écoles, collèges et lycées, pour 140 millions de mètres carrés ; beaucoup ont été construits dans les années 1960 pour répondre à la croissance démographique et à l'allongement de la scolarité de 14 à 16 ans. Ce parc est ancien, souvent mal isolé et énergivore.

Il doit être rénové pour des raisons réglementaires, économiques et environnementales.

En effet, les collectivités sont assujetties aux obligations d'économie d'énergie dans les bâtiments tertiaires, visant à réduire la consommation finale d'au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par rapport à 2010. Selon la révision de la directive européenne sur l'efficacité énergétique du 25 juillet 2023, elles doivent rénover 3 % de la surface au sol avec un objectif de consommation énergétique nette nulle.

Cette rénovation s'impose pour des raisons économiques, sachant que le bâti scolaire représente 30 % de la consommation énergétique des bâtiments communaux, alors que les prix de l'énergie augmentent.

Enfin, les collectivités ont une responsabilité dans la lutte contre le changement climatique compte tenu du poids de leur patrimoine immobilier. Ces rénovations sont nécessaires pour faire face aux dérèglements climatiques à long terme et au réchauffement climatique à court terme.

L'Institut de l'économie pour le climat (I4CE) chiffre à 2,7 milliards d'euros par an les investissements nécessaires pour la rénovation de tous les bâtiments publics, soit 1,4 milliard d'euros pour les seuls bâtiments scolaires. Il faudrait 40 milliards en 27 ans pour atteindre le niveau bâtiment basse consommation (BBC). Les collectivités territoriales réalisent déjà 1,3 milliard d'investissements en faveur du climat ; elles devraient donc investir 1,4 milliard d'euros supplémentaires, soit 700 millions d'euros de plus par an.

Cette évaluation n'est qu'indicative, faute de données et de suivi des investissements réalisés, mais il est certain que les investissements à réaliser seront considérables, et s'ajouteront aux autres dépenses nécessaires pour les mobilités, la voirie ou la réparation de phénomènes climatiques de moins en moins exceptionnels.

Pour financer la rénovation énergétique de leurs bâtiments scolaires, les collectivités bénéficient de dotations d'investissements : dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), dotation politique de la ville (DPV), dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID), fonds vert. Elles peuvent recourir à des financements externes, ou solliciter des prêts à long terme de la Banque des territoires.

Mais des freins structurels demeurent. Les petites collectivités manquent d'ingénierie pour évaluer leur performance énergétique ; l'accès aux dotations est complexe en raison de délais contraints, et de la multiplicité des pièces demandées ; le coût des rénovations est très important, malgré l'apport de financements extérieurs. L'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales prévoit une participation minimale du maître d'ouvrage de 20 %, ce qui est trop important pour certaines collectivités territoriales.

Cette proposition de loi abaisse cette participation minimale à 10 % en cas de capacité financière insuffisante du maître d'ouvrage, pour aider les collectivités à boucler le financement de leur projet. Elle est équilibrée : de telles dérogations sont déjà possibles ; le représentant de l'État garderait la main ; la mesure est ciblée sur les bâtiments scolaires, et sur les seules collectivités pour lesquelles le laissé à charge est manifestement disproportionné, évitant tout effet d'aubaine.

Cela correspond à une forte attente, dans un contexte de hausse des taux d'intérêt et de forte inflation. La règle de participation minimum du maître d'ouvrage est une règle de bonne gestion pour garantir la capacité de la collectivité à entretenir l'investissement, mais déroger au seuil des 20 % peut s'avérer utile pour débloquer des projets.

Cette proposition de loi, encadrée, le permettra. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du RDPI et du RDSE)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP) Vous m'aviez auditionnée en juin sur ce sujet. Je suis attachée à trouver des solutions, car la rénovation énergétique du bâti scolaire est essentielle pour réduire notre consommation, améliorer la qualité de vie des élèves, réduire notre empreinte carbone et lutter contre le changement climatique.

Cela justifie le recours à des financements innovants comme le tiers financement ou les certificats d'économie d'énergie.

Il faut que l'État accompagne les élus locaux dans la territorialisation de la transition écologique, pilotée par la Première ministre et par Christophe Béchu. Le besoin d'investissement est évalué à 5,2 milliards d'euros par an, soit plus du double du niveau actuel de financement.

Il faut rénover les 44 000 écoles publiques du premier degré, qui représentent un sixième des bâtiments des collectivités territoriales. Si la compétence relève des communes, un tel défi ne peut être relevé qu'avec le soutien de l'État, des départements et des régions.

Le Gouvernement se tient aux côtés des communes pour les accompagner via France Ruralités, avec 100 chefs de projets et 40 millions d'euros pour l'ingénierie. Avec la DSIL et la DETR, près de 6 500 projets de rénovation de bâtiments scolaires ont été soutenus à hauteur de 200 millions d'euros. Ces dotations continueront d'être mobilisées en 2023 et 2024.

Doté de 2 milliards d'euros en 2023, le fonds vert progresse de 500 millions d'euros en 2024. Il a contribué à la rénovation énergétique de 3,82 millions de mètres carrés de bâtiments publics, dont nos écoles.

Les collectivités peuvent néanmoins éprouver des difficultés pour mobiliser les fonds nécessaires. Si les travaux peuvent être financés jusqu'à 80 % du total par l'État, les régions et les départements, les 20 % restant à charge des communes sont parfois insurmontables. Certes, il existe des dispositifs dérogatoires, mais souvent difficiles à mobiliser.

Cette proposition de loi ouvre plus largement les possibilités de financement pour la rénovation des bâtiments scolaires, en permettant au préfet de département d'autoriser un taux de participation minimale du maître d'ouvrage de 10 % des financements publics.

Une telle évolution répond aux objectifs du Gouvernement en matière de transition écologique et favoriserait la rénovation du bâti scolaire.

Je souhaite d'ailleurs que les différents outils soient plus accessibles aux élus locaux, et j'y travaille avec l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT).

La proposition de loi conserve un taux de participation minimale, même réduit, afin de responsabiliser les collectivités ; elle prévoit en outre que le préfet apprécie la capacité contributive du maître d'ouvrage, ce qui limite le champ de la dérogation.

C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Passoires thermiques l'hiver, bouilloires thermiques l'été : les bâtiments scolaires ne font pas exception à ce que nous connaissons dans le logement. Les bâtiments publics représentent 76 % de la consommation énergétique des communes, dont 30 % pour les écoles. La mauvaise performance thermique nuit au bien-être de la communauté éducative et à l'apprentissage.

Majoritairement vieux de plus de quarante ans et très énergivores, les bâtiments scolaires demandent des rénovations globales qui mettront à l'épreuve les finances de communes.

Le Président de la République a annoncé un grand projet de rénovation.

L'Association des maires de France (AMF) estime à 3 millions d'euros le coût de rénovation d'une école classique. On mesure les besoins financiers nécessaires pour répondre à l'ambition affichée ! Les 500 millions du fonds vert paraissent insuffisants par rapport aux estimations de l'I4CE.

En outre, il faut compter dix ans pour que la collectivité bénéficie d'un retour sur investissement par les économies réalisées.

La proposition de loi abaisse de 20 % à 10 % l'autofinancement des communes, ce qui implique une augmentation des financements extérieurs. Or rien n'est dit à ce sujet. Ajoutons que 66 % des écoles primaires sont situées dans des communes de moins de 10 000 habitants, qui manquent d'ingénierie.

Ce texte n'engage pas réellement le Gouvernement. La semaine dernière, vous rejetiez un amendement de notre groupe visant à abonder de 100 millions d'euros les fonds alloués à la rénovation du bâti scolaire, tout comme l'amendement à 20 millions d'euros des sénateurs écologistes. La stratégie des petits pas n'est pas permise pour la rénovation énergétique, car nous sommes loin des objectifs fixés par la loi Élan et le décret tertiaire : 40 % de réduction de la consommation énergétique en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050.

Les communes rurales ont souvent besoin de plusieurs mandats pour réaliser de tels projets, pour les écoles comme pour les bâtiments communaux en général.

La rénovation des bâtiments scolaires, identifiée par le Président de la République comme une priorité de la planification écologique, implique le déploiement de moyens adéquats.

Ces réserves étant formulées, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Nathalie Delattre .  - La rénovation énergétique des bâtiments scolaires est un enjeu majeur, pour la qualité de l'apprentissage et le bien-être des élèves et des enseignants. Nombreux sont ceux qui subissent des locaux vétustes, chauds en été, froids en hiver. Il faut en plus créer des îlots de fraîcheur et désimperméabiliser les cours d'école face aux risques de canicule l'été et de précipitations l'hiver.

Les bâtiments scolaires représentent près de la moitié du bâti des collectivités territoriales. Ce sont majoritairement des bâtiments anciens. Les écoles représentent près du tiers de la consommation d'énergie des bâtiments communaux. Ces constats ont été clairement établis par la mission d'information du Sénat sur le bâti scolaire à l'épreuve de la transition, à laquelle a participé Bernard Fialaire pour le RDSE.

Difficile d'être contre la présente proposition de loi. Les collectivités ont besoin de financements pour assurer la rénovation énergétique de leurs bâtiments : 40 milliards d'euros d'ici 2050, soit 1,4 milliard d'euros par an. Les possibilités d'emprunt se resserrent, et l'inflation pèse.

L'abaissement de la participation minimale de 20 % à 10 % semble donc pertinent pour débloquer certains projets.

Quelles marges de manoeuvre pour les acteurs locaux dans ce soutien ? L'abaissement du taux minimal prévu par la proposition de loi ne sera pas obligatoire mais facultatif, à la discrétion du préfet. En Gironde, nous avons revu les seuils en commission DETR. C'est à ce niveau qu'il faut agir, pour adapter les politiques publiques aux attentes des territoires, dont les niveaux d'investissement varient selon les cas. D'où l'intérêt de décentraliser les décisions.

Nonobstant ces remarques, le RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Gestionnaire d'établissement scolaire pendant 38 ans, maire d'une commune rurale pendant 23 ans, conseiller départemental pendant 19 ans (on apprécie sur plusieurs travées), le sujet de cette proposition de loi me touche particulièrement. Je salue le travail de Nadège Havet et des signataires de ce texte, qui reprend une préconisation du rapport de la mission d'information du Sénat.

Avec l'évolution démographique des années 1960 et 1970 et l'allongement de la scolarité, on a construit un collège par jour, une école par semaine, un lycée par mois. En 2023, on recense 51 000 collèges, écoles et lycées, majoritairement construits avant 1975, mal isolés et énergivores. Je pense notamment aux collèges dits Pailleron.

Avec une surface totale de 140 millions de mètres carrés, le parc immobilier scolaire représente à lui seul la moitié du bâti des collectivités territoriales. Nous avons donc 51 000 passoires énergétiques dans lesquelles sont scolarisés les élèves français !

Il faut agir pour améliorer l'efficacité énergétique de ce bâti et aider les élus locaux, pour que les maires bâtisseurs se transforment en maires rénovateurs. Leur redonner des marges financières, c'est oeuvrer pour la transition écologique et le bien-être des élèves et enseignants.

L'État prend sa part, avec le plan de financement EduRénov de 2 milliards d'euros développé grâce à la Banque des territoires, qui vise 40 000 écoles rénovées d'ici à 2034.

Les collectivités territoriales peuvent bénéficier de dotations, du fonds vert ou de financements extérieurs, mais le lancement des projets est bloqué par des difficultés d'ingénierie et de financement - notamment le reste à charge minimal de 20 % pour le maître d'ouvrage. J'ai de nombreux exemples dans le Diois de communes ayant dû renoncer à leur projet, faute de pouvoir assumer ces 20 %.

La recherche de financements est un véritable parcours du combattant pour les élus locaux. La proposition de loi est donc positive pour les petites communes, car elle modifie le seuil d'autofinancement en laissant au préfet le soin de le moduler en fonction de la capacité financière de la commune.

« Ne demandez pas à l'école de donner des frissons, demandez-lui plutôt de vous étonner », disait l'écrivain André Lévy. Chers collègues, votons ce texte, pour que les élèves cessent de frissonner dans nos classes ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; M. Claude Raynal apprécie.)

M. Claude Raynal .  - Cette proposition de loi, cosignée par plusieurs membres du groupe socialiste, complète utilement les dispositions de la DETR et de la DSIL. Les établissements scolaires sont pour la plupart les témoins désuets d'une époque révolue. Ils sont vieillissants pour la plupart, seuls 3,8 % ont moins de vingt ans.

En mars 2020, le rapport de François Demarcq a chiffré à 40 milliards d'euros les investissements nécessaires pour atteindre les objectifs du décret tertiaire pour 2030. Avant l'été, madame la ministre, vous évoquiez une facture de 52 milliards d'euros sur dix ans pour les seules écoles publiques. Or les marges de manoeuvre financières des élus locaux diminuent, comme celles de l'État. Les recettes fiscales ont été diminuées, alors qu'elles auraient pu servir pour financer la rénovation du bâti scolaire... Les régions et les départements n'ont presque plus d'autonomie fiscale et les augmentations de taxe foncière, seule possibilité à la main des communes, sont difficilement acceptées.

Nous devons faciliter l'accès aux financements, parfois peu lisible pour les élus locaux : subventions européennes, dotations de l'État, fonds vert, avec une multitude d'acteurs.

Les difficultés d'accès aux dotations sont relevées par l'AMF, qui évoque une « usine à gaz » et un « parcours du combattant ».

Inflation, incertitudes sur les recettes, limitation du levier fiscal... Les collectivités territoriales sont de plus en plus contraintes.

Il faut faire des choix difficiles. L'enjeu de la rénovation des bâtiments est considérable. L'incertitude quant à la pérennité de certains établissements complique encore la tâche des collectivités territoriales, l'État pouvant décider unilatéralement d'en fermer certains.

En prévoyant un abaissement de 20 % à 10 % de la participation minimale du maître d'ouvrage, la proposition de loi ne révolutionne pas le financement de la rénovation thermique des bâtiments scolaires. De nombreuses collectivités peinent à trouver 80 % de subventions. Elle apporte néanmoins une réponse bienvenue aux besoins de financement. Le groupe SER soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadège Havet applaudit également.) L'école de la commune d'Os-Marsillon dans les Pyrénées Atlantiques compte deux classes. Elle est exiguë et ne répond plus à la hausse de la population du bassin de Lacq. Pis, elle se situe en zone inondable. Ne pouvant l'agrandir, le maire, Jérôme Toulouse, opte pour un bel emplacement, entre la mairie et l'église, pour un coût évalué à 1 million d'euros. L'État lui accorde royalement une DETR de 200 000 euros. La proposition de loi ne lui apportera guère de réponse... Il ne peut financer son projet, ni y renoncer vu le risque d'inondation dû aux débordements fréquents de la rivière Baïze qui jouxte l'école.

Voilà le dilemme, parfaitement posé par la mission d'information du Sénat. Performance énergétique, végétalisation, accessibilité, normes de sécurité, nouvelles approches pédagogiques : autant de défis qui justifient le déploiement de plans de rénovation ambitieux.

La mise en oeuvre de pareils projets est souvent contrainte par les besoins en ingénierie et en financement. Les maîtres d'ouvrage impliqués sont nombreux et divers, comme le sont les bâtiments concernés, entre grands lycées napoléoniens, bâtiments modernes et petites écoles rurales. Je mets en garde contre toute prolifération de normes, toute harmonisation centralisatrice.

J'entends déjà la rue de Grenelle entonner le refrain selon lequel les collectivités territoriales peineraient à assumer cette compétence... Mais rappelons l'état de délabrement des lycées au moment de leur transfert aux régions à la fin des années 1980 ! En la matière, les collectivités font souvent aussi bien, sinon mieux, que l'État lui-même.

Elles n'ont d'ailleurs pas attendu que l'État leur en donne l'ordre pour recentrer leurs travaux sur la rénovation énergétique.

Comment accompagner au mieux les projets de rénovation des écoles communales, poumons de nos villages, vecteurs d'attractivité et de dynamisme ? Si cette proposition de loi facilitera le quotidien des maires de petites communes, elle n'est qu'une ébauche de réponse.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Elle a le mérite d'exister.

M. Max Brisson.  - Ces petites écoles sont une richesse française et une exception européenne, que certains voudraient parfois réduire au nom de la modernité, alors qu'elles échappent à la bascule inquiétante que connaissent des pans entiers de notre système éducatif.

Dépourvues d'ingénierie, contraintes par leur budget, les communes ne parviennent plus à adapter leurs écoles aux exigences du siècle - pédagogiques, environnementales, d'inclusion et de sécurité. La bonne volonté des maires n'est pas en cause.

J'en appelle à un nouveau contrat scolaire, fondé sur la confiance réciproque et dans le respect des responsabilités de chacun. Il pourrait s'inspirer des quinze propositions présentées le 6 juillet dernier par Gérard Larcher. Pourquoi ne pas instaurer un guichet unique regroupant l'ensemble des fonds d'investissement et d'équipement ? Pourquoi ne pas instaurer un vrai dialogue entre le maire et le préfet sur les projets de rénovation ? Pourquoi ne pas instaurer une dotation spécifique pour la rénovation des petites écoles rurales ?

Le renouvellement du partenariat entre l'Éducation nationale et les collectivités territoriales pourrait être l'autre volet de ce contrat que j'appelle de mes voeux. Dans les années 1980, la question était essentiellement immobilière, il fallait construire pour répondre à la démocratisation de l'enseignement. Aux collectivités territoriales, les bâtiments, l'hébergement et la restauration ; à l'éducation nationale, la pédagogie et l'organisation des enseignements. Mais les temps ont changé, la révolution numérique bouscule la pédagogie. L'étanchéité entre ces responsabilités n'a donc plus de sens.

Dis-moi comment tu équipes et aménages ton établissement, et je te dirai quelle pédagogie je peux y dispenser. Rénover une école, un collège ou un lycée est un acte pédagogique tout autant qu'écologique. Il faut donc un partenariat repensé entre l'État et les collectivités territoriales.

Je m'éloigne un peu du sujet de cette proposition de loi (M. Stéphane Piednoir s'en amuse), mais le sujet le méritait.

À l'heure de la performance énergétique, de la transition écologique et de la pédagogie numérique, une nouvelle approche du rôle de chacun est nécessaire. La proposition de loi apporte une avancée certes minime, mais intéressante, raison pour laquelle je l'ai cosignée in extremis. Le groupe Les Républicains la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

M. Jean-Luc Brault .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Qu'elle soit nourrie des récits de Pagnol, des photos de Doisneau ou de nos propres souvenirs, l'imaginaire autour de l'école est celui des tableaux noirs, des craies blanches, des bonnets d'âne, des interros surprises - mais aussi des enfants emmitouflés dans leur manteau et leur bonnet. J'ai connu cette école de 1954 à 1963.

De trop nombreuses écoles sont malheureusement encore des passoires thermiques. C'est une mauvaise manière que nous faisons aux enseignants et aux élèves qui subissent le froid l'hiver, le chaud l'été, et qui nuit à l'enseignement. C'est aussi une mauvaise opération pour les collectivités territoriales qui paient les factures énergétiques : la hausse des prix est d'autant plus forte que les bâtiments sont mal isolés.

Les bâtiments scolaires représentent 45 % du bâti des collectivités territoriales mais 84 % de leurs émissions de gaz à effet de serre.

Le 8 décembre dernier, un accord ambitieux a été obtenu entre le Parlement et le Conseil européens pour rénover 16 % des bâtiments non résidentiels les moins performants d'ici à 2030 et 26 % d'ici à 2033. Les collectivités territoriales doivent prendre leur part de cette ambition. Je salue à ce titre le travail de la mission d'information du Sénat sur le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique.

La proposition de loi reprend l'une de ses préconisations. Simple et opérationnelle, elle prévoit une dérogation à la participation minimale obligatoire des collectivités aux travaux de rénovation énergétique des bâtiments scolaires. Le préfet pourra abaisser de 20 % à 10 % ce taux de contribution minimale.

C'est peu, mais c'est important pour les petites communes et les maires ruraux : alors que le coût des rénovations atteint 1 700 euros du mètre carré, il est important d'assouplir les contraintes liées au montage des dossiers de financement.

Cette règle de la participation minimale n'est pas adaptée à l'urgence climatique ni à la capacité contributive des collectivités.

Le groupe INDEP votera cette mesure pragmatique et de bon sens.

Nous espérons qu'elle permettra d'atteindre l'objectif d'ici à 2030. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Marie Mizzon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) sont clairs, la feuille de route aussi. Quelque 6 % des émissions de CO2 proviennent des bâtiments tertiaires, et le bâti scolaire représente 50 % du patrimoine immobilier national. Face à ces chiffres, une rénovation énergétique efficace de nos écoles est une nécessité.

Les bénéfices sont nombreux : les investissements sont source d'économies et favorisent notre indépendance énergétique. Tolérerons-nous que nos classes ferment l'été en raison des canicules ?

Les dispositions réglementaires visent une réduction de la consommation d'énergie finale de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par rapport à 2010.

La rénovation dépend de la nature du bâtiment, de son état d'origine. Selon la direction immobilière d'État, 1 563 euros par mètre carré sont nécessaires pour rendre performant un bâtiment peu performant. C'est le double pour le rendre très performant.

Pas moins de 700 millions d'euros supplémentaires par an sont nécessaires pour rénover le bâti scolaire et atteindre nos objectifs, selon l'I4CE. Il y va de la crédibilité de l'action publique : nous ne pouvons pas demander aux citoyens et aux entreprises de rénover si nous ne sommes pas exemplaires.

Des aides existent : DETR, DSIL, DPV, fonds vert, dont je salue l'abondement de 500 millions d'euros en 2024 pour la rénovation énergétique des écoles.

Cependant, les dotations ne sont pas exclusivement destinées à cette fin, et il existe des freins légaux. La participation minimale de 20 % est trop importante pour les collectivités territoriales les plus pauvres, d'où cette proposition de loi, qui traduit la recommandation n°9 de la mission d'information du Sénat sur le bâti scolaire à l'épreuve de la transition.

En accord avec l'Association des maires ruraux de France (AMRF), l'Assemblée des départements de France (ADF) et la direction générale des collectivités locales (DGCL), nous proposons la possibilité, sur autorisation préfectorale, de réduire le seuil de participation minimum à 10%. Cela permettra de débloquer certains projets. Cette mesure est gratuite, simple et nécessaire.

Quelques problèmes demeurent : les subventions sont souvent gérées sous forme d'appels à projets, ce qui implique des moyens de veille et d'ingénierie souvent peu accessibles pour les petites collectivités territoriales. L'instruction des dossiers est trop lente et déposer toutes les pièces des dossiers relève du parcours du combattant.

Le lancement des COP régionales est bienvenu, pour une meilleure planification ; les collectivités bénéficieront de l'aide des administrations centrales. En attendant, levons les freins inutiles à la transition écologique, et rénovons, dès maintenant. Cette proposition de loi y contribue. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI ; M. Stéphane Sautarel applaudit également.)

Mme Ghislaine Senée .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je remercie le RDPI qui a inscrit ce texte au sein de son ordre du jour réservé.

Cette proposition de loi est utile et opportune. Selon la mission d'information, le reste à charge, difficile à évaluer, constitue une source d'incertitude pour les collectivités territoriales. La réduction du seuil minimal de participation favorisera les investissements.

Je dénonce cependant la dépendance de plus en plus forte des communes vis-à-vis des départements et régions : de plus en plus d'élus locaux décalent voire suspendent leurs projets en raison de choix politiques définis par d'autres niveaux de collectivités territoriales. Les communes passent trop de temps à chercher les financements de leurs projets, alors qu'elles sont sous-dotées en ingénierie. Il faut prendre au sérieux la réduction de leur autonomie financière.

Les collectivités territoriales possèdent 30 % du parc tertiaire national, dont la moitié sont des bâtiments scolaires. Il faut une politique ambitieuse de soutien aux collectivités territoriales. Une dotation de 500 millions d'euros pour le fonds vert ne suffira pas. Les difficultés concrètes rencontrées par les collectivités territoriales se multiplient : coordination des calendriers, délais d'instruction trop longs, manque de visibilité, complexité des dossiers...

Conscient de ces limites, le GEST votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Vincent Louault applaudit également.)

Discussion des articles

Avant l'article unique

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme Senée, MM. G. Blanc, Dossus, Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

Avant l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois après l'adoption de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant le bilan des difficultés rencontrées par les collectivités territoriales dans l'accès aux dotations et subventions permettant de financer les investissements en vue de la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, notamment pour les plus petites communes.

Le rapport étudie les différents outils que le Gouvernement peut mettre en place pour résoudre ces difficultés d'accès aux subventions et dotations. Il étudie notamment les mesures suivantes :

1° mise en place d'une logique de déploiement pluriannuel des aides ;

2° alignement des calendriers des dotations et subventions ;

3° simplification des dossiers exigés ;

4° désignation d'un interlocuteur unique de services de l'État dans le département ;

5° création d'outils facilitant l'accès à l'information pour les collectivités, par exemple via la création d'une plateforme unique dédiée aux bâtiments scolaires, regroupant l'ensemble des informations utiles pour les élus.

Mme Ghislaine Senée.  - Nous insistons tous sur la nécessité de répondre aux difficultés rencontrées par les collectivités territoriales pour engager la transition écologique. Il faut un déploiement pluriannuel des aides, aligner les calendriers des subventions, simplifier la liste des pièces justificatives... Apportons des réponses concrètes en facilitant la tâche des collectivités territoriales.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Les difficultés des collectivités territoriales ont fait l'objet d'un rapport sur les dotations d'investissement et d'un rapport de Claude Raynal et Charles Guené sur le verdissement des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales. Les recommandations sont bien identifiées. Nous devons plutôt nous tourner vers le Gouvernement pour apporter des réponses. Avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Avis défavorable. Le Gouvernement est mobilisé pour simplifier l'accès des collectivités territoriales aux dotations de soutien à l'investissement. Pas moins de 11 000 projets ont été cofinancés par l'État à hauteur de 1 milliard d'euros, et 7 058 communes ont été accompagnées sur l'ensemble du territoire. Un énième rapport n'aurait aucune valeur ajoutée.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.

Article unique

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

fixée

par les mots : 

supprimée ou réduite

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Le préfet est le garant du dispositif. Il peut être amené à constater qu'une commune ne peut assumer les 10 % restant des travaux, notamment dans des communes rurales accueillant des élèves des communes alentour.

Nous proposons que le préfet puisse décider que la commune soit totalement exonérée d'une participation minimale.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Supprimer totalement la participation ouvrirait la voie à d'autres investissements ; ce serait contraire à la responsabilisation des collectivités territoriales et à leur autonomie. Avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Une participation minimale de 10 % est équilibrée. De plus, si la collectivité territoriale ne peut assumer cette somme, comment ferait-elle face aux dépenses de fonctionnement de son école ?

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa. 

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Nous proposons de supprimer un gage inutile, car la modulation s'effectue à l'aune des financements apportés par l'ensemble des personnes publiques.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Avis favorable.

L'amendement n°3 est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Je remercie les auteurs de la proposition de loi et les membres de la mission d'information pour leur travail précieux. Ce texte apportera une souplesse bienvenue dans nos territoires.

L'effort de l'État pour les collectivités territoriales, depuis quelques années, a été amplifié. Le fonds vert est quasiment une DETR bis : 8 millions d'euros ont ainsi été mobilisés dans l'Yonne, à comparer aux 13 millions d'euros de DETR, au bénéfice de nos élèves.

Un point d'attention : certains souhaitent regrouper des structures pour étendre des bâtiments ou en créer de nouveaux. Il y a besoin d'un accompagnement de l'État ; les sommes en jeu sont importantes.

J'espère que l'Assemblée nationale se saisira rapidement de cette proposition de loi, car les chantiers liés au bâti scolaire sont nombreux.

M. Max Brisson.  - Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. Je salue le travail très sérieux de la mission d'information. Il fallait éviter certains écueils, comme la constitution d'une cellule bâti scolaire normative au sein du ministère de l'éducation nationale : Nadège Havet l'a fait.

Il faut, madame la ministre, que vous convainquiez votre collègue de l'éducation nationale de la nécessité de déployer une carte scolaire pluriannuelle qui donne de la visibilité : les maires de petites communes ont besoin de savoir si leur école sera pérenne. Il y va de la pertinence des investissements. (Mme Dominique Faure acquiesce.)

Mme Marie-Claude Varaillas.  - C'est une bonne chose que le fonds vert ait été pérennisé, mais les subventions, souvent, ne dépassent pas 25 %. De plus, quand on obtient une subvention du fonds vert, on n'obtient généralement pas de DETR, et inversement.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Il est plus compliqué de répondre aux exigences du décret tertiaire pour les écoles qui ont été largement rénovées quelques années avant 2010.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - C'est du bon sens...

M. Jean-Marie Mizzon.  - Celui des centristes.

M. Michel Canévet.  - Excellente réponse !

M. Jean-Marie Mizzon.  - L'effort sera beaucoup plus important à réaliser pour ces communes que pour celles qui n'ont rien fait.

Mme Nathalie Delattre.  - Pour ma part, je suis radicalement centriste... (Sourires) Je salue la simplicité et la sobriété de cette proposition de loi.

Voilà qui va peut-être prêter à sourire. Nous constituons un collectif sur la rénovation des toilettes. Cette pièce est stratégique : des enfants n'y vont plus faute de propreté suffisante, ou parce que c'est devenu une zone de non-droit, de deal ou de harcèlement.

Ce problème exige une enveloppe dédiée. (Mme Dominique Faure soupire profondément.) Les toilettes doivent redevenir un projet pédagogique et de santé.

Mme Nadège Havet.  - Je remercie tous les membres de la mission d'information du Sénat : elle a su recentrer le sujet. Nous avons beaucoup appris, notamment sur ce qui se faisait outre-mer et pour les Français de l'étranger. J'espère que cette proposition de loi sera rapidement votée à l'Assemblée nationale. (MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Bernard Buis et Mme Nathalie Delattre applaudissent.)

À la demande du RDPI, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°101 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 340
Contre    0

L'article unique constituant la proposition de loi, modifié, est adopté.

(Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.

Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du Ciom ?

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du comité interministériel des outre?mer (Ciom) ? », à la demande du RDPI.

M. Dominique Théophile, pour le RDPI .  - Le 17 mai 2022, les présidents des collectivités de la Martinique, de la Guadeloupe, de Guyane, de Saint-Martin et de Mayotte ont lancé l'appel de Fort-de-France. Face aux inégalités, qui nuisent au pacte social, ils ont appelé à l'ouverture d'un nouveau chapitre de notre histoire, refusant le statu quo.

Trois axes ont été dégagés : refonder la relation entre les territoires d'outre-mer et la République, en définissant un nouveau cadre pour la mise en oeuvre de politiques publiques conformes aux réalités de nos régions ; conjuguer l'application des lois avec les spécificités des territoires, par la domiciliation des leviers de décision ; définir une nouvelle politique économique, en misant sur nos atouts géostratégiques et écologiques.

Le Président de la République n'est pas resté sourd à cet appel. Quatre mois après cette déclaration, le 7 décembre 2022, il a souhaité engager un « renouveau de l'outre-mer ». Nous avons salué cette approche et cette volonté de coconstruction, et pris acte de la volonté du Gouvernement d'écarter la question de l'évolution statutaire.

Le Ciom du 10 juillet 2023 s'est voulu la traduction de cet engagement présidentiel. Au total, 72 mesures ont été identifiées, autour de cinq thèmes et une promesse : transformer l'économie ultramarine, pour créer de l'emploi et lutter contre la vie chère ; améliorer la vie quotidienne ; mieux accompagner les enfants et les étudiants ; garantir un environnement normatif adapté à nos spécificités ; construire des infrastructures adaptées ; assurer un suivi interministériel régulier.

Un premier bilan d'étape a été dressé les 23 et 24 novembre derniers.

Ce débat est l'occasion pour nous de demander au Gouvernement de préciser certains points et de clarifier certaines de ses intentions. La réforme de l'octroi de mer suscite des inquiétudes légitimes. Avec Vivette Lopez et Gilbert Roger, j'ai élaboré un rapport en 2020, dans lequel l'efficacité de ce dispositif est soulignée - le produit de cette taxe représente jusqu'à 45 % du budget des communes. Toucher à l'octroi de mer, c'est toucher à une ressource fiscale essentielle. Si réforme il y a, il faut la coconstruire, et avec prudence.

Les bilans d'étape ne sauraient suffire. Il faut une méthode d'évaluation des politiques publiques, pour assurer le succès de la concertation.

Je me fais le porte-voix de Teva Rohfritsch et Mikaele Kulimoetoke, qui appellent de leurs voeux un Ciom pour les territoires du Pacifique. Pouvez-vous nous en dire plus ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.  - Merci pour ce débat sur le Ciom, dont vous avez souligné la pertinence. Engager un nouveau lien avec les outre-mer pour leur donner de la visibilité est un acte fort. Monsieur le sénateur, vous connaissez mon engagement en faveur de la coconstruction. Au-delà des engagements pris en juillet 2023 par la Première ministre, nous avons franchi une première étape en novembre, comme vous l'avez souligné. Une prochaine étape devrait intervenir en février. Pour tenir ces belles promesses dans le temps, nous devons mesurer leur avancée.

Sur l'octroi de mer, j'ai adressé des courriers aux préfets, présidents de collectivité et parlementaires. La coconstruction doit inclure les élus locaux comme les parlementaires, et les présidents d'associations des maires. Une maquette financière leur a été envoyée.

L'octroi de mer ne s'applique pas de la même façon partout, une appropriation est nécessaire. Il faut aussi inclure les consommateurs et le monde économique dans la concertation. Vous serez donc destinataires de ces documents. Nous garantirons les ressources des collectivités territoriales.

Mme Solanges Nadille, pour le RDPI .  - Je remercie mon groupe de nous accorder ce temps d'échange sur le Ciom. C'est reconnaître tous les Ultramarins qui appartiennent au RDPI et l'intérêt de ce comité pour nos outre-mer. Merci, monsieur le ministre, pour votre assiduité sur tous les dossiers.

En Guadeloupe, sur les 153 propositions émanant du congrès, 72 ont été retenues par le Gouvernement. Les 23 et 24 novembre derniers, un état des lieux a été dressé en toute transparence, dans le seul objectif d'améliorer le quotidien des Ultramarins.

La lutte contre les sargasses est inscrite à la mesure 56 du Ciom. Le 2 décembre à Dubaï, lors de la COP28, une action internationale a été engagée. Nous saluons le volontarisme du Gouvernement. Vous connaissez mon engagement sur ce point, ainsi que celui du sénateur Duval, de la Martinique. Quelles seront les suites concrètes de cette initiative internationale ?

Nous devrons discuter de l'octroi de mer en 2024. Mais il faut aussi aborder le sujet du contrôle de la concurrence et de la lutte contre les pratiques abusives. La cherté de la vie en outre-mer y trouve sa source. J'y serai attentive.

À cadre constitutionnel constant - article 73 ou 74 - nous avons des marges de manoeuvre pour des politiques adaptées à nos territoires, placées sous le triptyque : proximité, pragmatisme, confiance. Territorialisons nos politiques publiques !

Je vous invite aussi à réduire le fossé entre l'action publique et les usagers. Le Conseil d'État, dans son étude annuelle de 2023 sur l'usager du premier au dernier kilomètre, préconisait de penser l'atterrissage de l'action publique dès son départ pour les outre-mer.

Il faut également évaluer tout dispositif que vous - que dis-je ! -, que nous déploierons dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Un rendez-vous sera prévu pour la Polynésie, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie.

Je me suis rendu à Dubaï pour la COP28. Nous avons le soutien du Mexique et de l'Union européenne pour la lutte contre les sargasses. Plus de moyens sont prévus pour mieux protéger les usagers et les équipements et trouver des voies de valorisation. Mon engagement est total. Un amendement du sénateur Duval au projet loi de finances (PLF) a été accepté.

Prenons le temps de la construction sur l'octroi de mer. Les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont été renforcés. Les nouvelles normes sur les régions ultrapériphériques (RUP) rendront les matériaux plus abordables. Je demanderai aux préfets d'élargir le bouclier qualité prix (BQP), qui a montré sa pertinence. Nous avons aussi saisi la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, pour mieux comprendre la construction des prix.

M. Georges Patient .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le Ciom comporte de nombreuses mesures, dont la plus importante est la réforme de l'octroi de mer. Je suis sceptique quant à son opportunité. Elle aura un impact négatif sur les budgets des collectivités territoriales, sans améliorer nos économies ni vraiment lutter contre la vie chère. Il est néanmoins trop tôt pour se prononcer. Attendons les groupes de travail. J'ai demandé à la commission des finances du Sénat de mener une étude sur le sujet.

Plusieurs mesures du Ciom ont été reprises par le Gouvernement dans le PLF 2024, preuve que les choses avancent. Les collectivités ultramarines doivent pouvoir répondre aux défis qui sont devant nous : logement, augmentation du coût de la vie...

J'en viens aux mesures économiques. Allègement de charges, d'impôt, crédits d'impôt, défiscalisation : autant de dispositifs qui méritent une évaluation précise. Le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) de juillet 2023 sur le régime d'aide fiscale à l'investissement productif (Rafip) est une première étape. Il pointe l'insuffisance des contrôles et un ciblage aléatoire des dépenses fiscales. Il s'étonne aussi que l'État ne dispose pas d'une répartition sectorielle ou géographique de celles-ci ni de précisions sur les actifs financés. Le Rafip a été doté de 827 millions d'euros en 2022.

Selon le document d'étape, une réforme structurelle de la défiscalisation outre-mer sera mise en oeuvre en 2024. Quand les parlementaires y seront-ils associés ? Quels en seront les objectifs ?

Le lancement d'une mission sur les situations de monopole a aussi été annoncé. Qu'en est-il ?

L'exploitation des ressources naturelles de Guyane est une question importante : or, pétrole, bois, terres rares, ressources halieutiques. Alors que l'activité spatiale vacille, la Guyane a besoin d'un nouveau moteur. Le Guyane connaît la plus forte croissance mondiale - 57,8 % ! - grâce au pétrole. Comment développer la Guyane à partir de ses ressources naturelles ?

M. Philippe Folliot.  - Bonne question !

M. Georges Patient.  - Le Gouvernement ne fait état d'aucune mesure en ce sens. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Philippe Folliot applaudit également.)

Mme Audrey Bélim .  - Je remercie le groupe RDPI pour l'inscription de ce débat à l'ordre du jour.

Je vous remercie également, monsieur le ministre. Si nous sommes en désaccord sur nombre de décisions politiques, je salue votre réponse favorable à la participation des associations de consommateurs dans le cadre de la réforme de l'octroi de mer.

Cet outil, dévoyé, est devenu complexe pour les entreprises et incompréhensible pour tous. La transparence est nécessaire à la réussite de ces travaux.

La première réunion du comité de pilotage sur la prise en charge des cancers dans nos territoires est à saluer.

La mesure 49 du Ciom, qui vise à généraliser le réflexe outre-mer dans la fabrication de la norme, est essentielle. Une juste considération de nos territoires est nécessaire, tenant compte de l'insularité, de l'éloignement, du coût de la vie, d'une économie insuffisamment concurrentielle.

Ce réflexe est une promesse maintes fois évoquée depuis 2017, dont nous attendons toujours la concrétisation. L'évitement du Parlement au profit de l'exécutif et la préparation de textes sous un prisme hexagonal n'y contribuent pas.

Quelques exemples symptomatiques sous le précédent quinquennat. Premier exemple : beaucoup craignent que la réforme de la défiscalisation ne soit qu'une pâle copie de la réforme des aides économiques de 2019.

Deuxième exemple : au cours des trois réunions sur les ordonnances relatives à la loi Liberté de choisir son avenir professionnel, les dizaines d'amendements déposés n'ont eu que peu de poids face au rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas).

J'en viens au diagnostic de performance énergétique (DPE). Alors que le Ciom a acté son entrée en vigueur dans nos territoires, l'article 50 du PLF 2024 sur MaPrimeRénov' exclut nos territoires, sans anticiper la mise en place des DPE antillais ! Nos propositions ont recueilli un avis défavorable du Gouvernement dans le cadre du PLF 2024. Monsieur le ministre, nous espérons qu'il fera marche arrière.

Si la hausse de la ligne budgétaire unique (LBU) est bienvenue, elle ne permettra pas d'augmenter le nombre de constructions de logements sociaux - à La Réunion, 40 000 dossiers sont en attente.

Le réflexe outre-mer, c'est aussi ne pas annoncer comme des mesures spécifiques aux outre-mer la simple déclinaison de projets nationaux. L'exemple des contrats de convergence et de transformation (CCT), qui atteignent 2,3 milliards d'euros, est parlant. Ils intègrent surtout, en tout cas à La Réunion, de nombreux investissements pour la formation, simple déclinaison d'un plan national 2018-2022 déjà acté. C'est loin de l'esprit de la loi Égalité réelle en outre-mer.

Le réflexe outre-mer, ce n'est pas inclure dans le Ciom des dispositifs de plans nationaux qui ont vocation, par nature, à s'adapter à chacun de nos territoires. Il y va de la réussite même de ces plans. Selon la mesure 31-5 du Ciom, le soutien aux parents dans les 1 000 premiers jours de l'enfant sera adapté aux outre-mer : encore heureux !

Soyons sérieux. Les autres politiques ne sont-elles pas adaptées aux outre-mer si elles ne figurent pas dans les conclusions du Ciom ? Les CCT doivent être évacués urgemment, c'est une demande que je présenterai à la présidente de la délégation aux outre-mer.

Le dispositif de 8 millions d'euros mis en place au titre de l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), créé pour compenser les surcoûts des RUP, n'a pas vocation à être abondé par les collectivités territoriales. C'est un non-sens. Nos territoires devront-ils financer les prochaines réévaluations de leurs coefficients géographiques ? Le Gouvernement ne peut plus placer les collectivités devant des responsabilités qui ne sont pas les leurs.

Il faut 4 millions d'euros supplémentaires, conformément à la priorité énoncée par le Président de la République à La Réunion en octobre 2019. Sans ce soutien, la mesure 14 du Ciom ne pourra être considérée comme achevée.

Monsieur le ministre, martelez le réflexe outre-mer inlassablement auprès de vos collègues. Une simple circulaire sera insuffisante, l'histoire nationale nous ignorant encore beaucoup, y compris dans les ministères.

Mme Micheline Jacques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À la suite du dernier Ciom, je salue cette initiative du RDPI. Certaines mesures devant trouver une issue législative, ce débat nous éclairera sur la méthode et le calendrier du Gouvernement.

Dans le cadre de la mission de contrôle du Sénat, la délégation aux outre-mer que je préside a désigné des binômes de rapporteurs, thématiques. Ils s'assureront que les mesures du Ciom soient appliquées.

Gérard Larcher a annoncé l'inscription à l'ordre du jour, une fois par an, d'une proposition de loi sur l'adaptation outre-mer, dans la ligne d'une recommandation du rapport sur la différenciation territoriale outre-mer de Michel Magras. Ce texte pourra servir de véhicule aux décisions prises lors du rendez-vous annuel du Gouvernement autour des outre-mer. Il s'agirait d'un moyen de limiter le recours aux ordonnances pour l'adaptation du droit dans les outre-mer, qui doit encore progresser.

S'agissant des mesures du Ciom elles-mêmes, je suis satisfaite de la place faite aux dispositions d'acclimatation normative, rejoignant parfois des préconisations sénatoriales. Je pense notamment à la substitution du marquage RUP au marquage CE pour faciliter les importations régionales de matériaux. Comment comprendre que la Guyane, frontalière du Brésil, importe son bois de charpente de Scandinavie ? (M. Philippe Vigier approuve.) Ce nouveau marquage est aussi de nature à lutter contre la vie chère et à favoriser la production de logements.

Je me félicite des mesures relevant de la coopération régionale ; nous les suivrons avec attention, à la faveur de l'étude triennale lancée sur le sujet par la délégation aux outre-mer.

En revanche, je m'étonne du report à 2028, et même 2030 à Mayotte, de l'entrée en vigueur du DPE. Ce long délai exclut les outre-mer du bénéfice de MaPrimeRénov'. La Guadeloupe et la Martinique ont pourtant fixé leurs critères de performance énergétique, dans le cadre d'habilitations législatives. Quelles sont les raisons de ce délai ?

La méthode présentée pour mieux prendre en compte les besoins d'adaptation des politiques publiques à la réalité des outre-mer me semble aller dans la bonne direction. Reste que le contenu et la régularité des Ciom relèveront de la politique de chaque gouvernement. Cette instance, complémentaire du travail parlementaire, ne saurait être exclusive d'un débat de fond, notamment sur la rénovation du cadre constitutionnel.

S'agissant de Saint-Barthélemy, le Gouvernement a répondu à la demande de création d'une agence territoriale de santé par l'annonce d'un Comité territorial de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires, qui me paraît pertinent pour répondre aux besoins du territoire en matière d'organisation des soins et de gestion des évacuations sanitaires. Le Sénat a adopté à l'unanimité ma proposition de loi organique autorisant la participation de la collectivité aux compétences de l'État, notamment pour le financement des établissements hospitaliers : son adoption définitive compléterait utilement le dispositif.

Enfin, monsieur le ministre, nous voudrions connaître la date de présentation du rapport sur l'organisation sanitaire et la sécurité sociale, que nous attendons depuis plus d'un an et qu'on annonce chaque semaine comme imminente...

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Les outre-mer, ce sont 2,6 millions de Français, onze régions et collectivités réparties sur trois océans, 95 % de l'espace maritime français, un atout pour notre diplomatie et notre défense, une richesse certaine en matière culturelle et de biodiversité. Ils sont confrontés aux mêmes défis que l'Hexagone, souvent avec une intensité supérieure : chômage, inflation, migrations, climat, énergie, eau, logement...

Ces questions sont plus ou moins prégnantes selon les territoires. Il faut tenir compte des réalités locales pour une action bien ciblée et une bonne coordination des politiques de l'État.

Entre 2017 et 2022, 120 milliards d'euros ont été investis dans la santé, les infrastructures, le logement ou la sécurité. Pas moins de 1 300 forces de l'ordre supplémentaires ont été déployées, 55 000 logements sociaux ont été construits ou réhabilités, 92 millions d'euros ont été déployés contre le chlordécone et 33 000 jeunes ont été accompagnés vers l'emploi à travers le service militaire adapté (SMA).

Malgré ces efforts, les problèmes demeurent et les écarts se creusent.

En juillet dernier, le Ciom a proposé des solutions concrètes. Élus et citoyens ultramarins sont devenus prudents face aux promesses ; ils craignent une coquille vide. Comment traduire concrètement ces mesures, avec quelles priorités et dans quel délai ?

Plusieurs des 72 mesures annoncées avaient été proposées par notre délégation aux outre-mer : réforme de l'octroi de mer, développement des centres de formation d'apprentis (CFA), réforme de la concurrence...

Aux Antilles, la population vieillit et diminue. En Guadeloupe, elle baisse de 1 % par an, en raison de la baisse du taux de natalité mais surtout du départ de jeunes venant étudier dans l'Hexagone et qui ne reviennent pas, faute d'opportunités sur place. Le Québec en capte beaucoup. Ce phénomène contrarie le développement économique des Antilles et interroge sur la prise en charge de la dépendance, si l'éloignement distend les solidarités familiales.

D'où ma question, monsieur le ministre, simple à formuler mais dont la réponse est assurément plus difficile : comment donner aux jeunes l'envie de rester aux Antilles et d'y revenir ?

M. Philippe Folliot .  - Je remercie le RDPI d'avoir suscité ce débat.

Il est regrettable que le Ciom n'ait pas concerné tous les outre-mer. Nous espérons que les territoires du Pacifique seront évoqués lors de la prochaine session.

Merci, monsieur le ministre délégué, pour votre présence ; mais je regrette l'absence du ministre des outre-mer. J'espère que vous serez bientôt ministre de plein exercice et que les outre-mer ne seront plus rattachés au ministre de l'intérieur, dont ils constituent une préoccupation secondaire.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Le ministre a rougi...

M. Philippe Folliot.  - Au-delà de ces 72 mesures, dont certaines sont intéressantes, la réforme de l'octroi de mer doit être engagée en lien étroit avec les collectivités territoriales.

Nous regrettons l'absence de stratégie globale, de grandes perspectives pour les outre-mer.

Un exemple : selon l'OCDE, au cours des dix prochaines années, l'économie bleue doublera à l'échelle mondiale. Pour la France, cette expansion représente 90 milliards d'euros et 500 000 emplois directs et indirects. Avec un certain volontarisme de l'État, 10 à 20 % de ces emplois pourraient être créés dans les outre-mer, soit 50 000 emplois nouveaux.

Certes, tous les secteurs ne connaîtront pas la même évolution. Mais les énergies marines renouvelables et l'aquaculture, par exemple, offrent des perspectives très intéressantes pour les outre-mer. Nous regrettons l'absence d'un tel souffle.

Nous disposons du premier domaine maritime au monde, lié à 97,5 % aux outre-mer. Comment valoriser cet atout pour passer de logiques d'accompagnement social vers des stratégies de développement économique ? Bâtissons des petits Singapour francophones aux quatre coins de la planète !

Pour cela, il faut à la fois répondre aux enjeux du quotidien et tracer un cap.

Lors de la loi de programmation militaire (LPM), j'ai dit combien l'état de déshérence de nos forces de souveraineté en outre-mer posait problème. Rappelons que, si quatre autres pays de l'Union européenne ont des territoires ultramarins, seule la France est présente dans l'Indo-Pacifique. L'enjeu est géostratégique, mais aussi économique, car la présence de nos militaires induit des emplois sur place. À cet égard, le passage de 15 000 à moins de 7 000 personnes dans nos forces n'a pas été sans conséquences.

Les outre-mer ne sont pas une charge pour notre pays, mais une formidable opportunité. Nous devons les considérer comme un élément différenciant positif dans le concert des nations. Nous attendons de votre part un cap, une volonté et une réelle ambition pour les valoriser.

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Je remercie à mon tour le RDPI d'avoir pris l'initiative de ce débat.

M. Verzelen a rappelé les actions entreprises depuis 2017 : le budget du ministère des outre-mer est de 3 milliards d'euros pour 2024, mais les crédits destinés à l'outre-mer, tous ministères confondus, s'élèvent à 22 milliards d'euros. La dimension interministérielle qui s'attache à notre politique pour les outre-mer est la marque d'une volonté politique forte. La France sans les outre-mer ne serait pas la France !

Le dispositif Cadres d'avenir vise à former les étudiants locaux avant qu'ils ne reviennent outre-mer.

Il faut restaurer un climat de confiance. C'est pourquoi j'ai souhaité un rendez-vous dès novembre 2023 ; il y en aura un autre en février prochain, puis un autre en mai, pour parler et reparler des outre-mer, afin d'agir et agir encore pour eux.

M. Akli Mellouli .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Robert Wienie Xowie applaudit également.) Je salue, moi aussi, l'initiative du RDPI, car ces temps d'échange sont précieux.

Monsieur le ministre, nous reconnaissons le travail accompli, mais nous faisons des propositions pour les améliorer - c'est comme pour les trains : on ne parle que de ceux qui arrivent en retard, pour essayer de faire mieux...

Le comité de suivi du Ciom a le mérite d'exister ; l'approche par territoire permet de tenir compte des singularités. L'égalité n'est pas contradictoire avec la différenciation, pour une plus grande efficience au service de nos concitoyens ultramarins.

Il faut aller plus loin dans la concertation pour mobiliser toutes les énergies vives de la nation. À cet égard, pourquoi, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) n'a-t-il pas été associé au comité de suivi des 23 et 24 novembre ? J'y suis attaché, du fait de mon parcours syndical et associatif. Faisons appel à l'intelligence collective ! Les trois délégations aux outre-mer du Sénat, de l'Assemblée nationale et du Cese devraient travailler à l'évaluation des mesures du Ciom. Montrons que nous avons tous le souci de la vie outre-mer, car nous sommes tous embarqués dans la même communauté de destin.

La réforme de l'octroi de mer est essentielle. Nous devons adapter notre fiscalité et nos ressources, pour que ce ne soient pas les plus pauvres qui paient. Passons d'une politique descendante, voire condescendante (M. Philippe Vigier le conteste), à une politique ascendante, qui associe tous les acteurs, dont les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser).

Écologistes, nous sommes particulièrement sensibles aux enjeux climatiques et d'accès à l'eau. Nous avons déposé un amendement de 100 millions d'euros pour la lutte contre le changement climatique et la gestion de l'eau en outre-mer, jugé irrecevable. Dans quel délai un plan Eau sera-t-il mis en place en outre-mer, notamment pour lutter contre les fuites ?

À travers le Ciom et ses 72 mesures, nous avons l'occasion de renouveler notre approche. Les outre-mer sont des laboratoires d'expérimentation : tirons-en parti pour enrichir la prochaine étape de décentralisation. Inspirons nous aussi du rapport du Conseil d'État sur le service à l'usager du premier au dernier kilomètre : il faut penser le premier kilomètre pour ne pas panser le dernier !

Misons sur l'intelligence collective, soyons solidaires et coconstruisons notre action. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du RDPI)

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - J'essaie d'être à l'écoute des territoires, en leur proposant de coconstruire. Tout doit partir de la base : c'est ce que je propose pour la réforme de l'octroi de mer.

Il n'est pas exact que le Cese aurait été tenu à l'écart : une séquence exclusivement consacrée au monde économique a été organisée. J'ai aussi intégré les consommateurs dans la réforme.

Monsieur Folliot, vous avez la chance d'avoir deux ministres de l'outre-mer pour le prix d'un, avec un engagement total ! Nous définissons les priorités ensemble, sans l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette entre nous. C'est une chance, car je peux obtenir des réponses immédiates pour la sécurité, comme récemment pour Mayotte.

Je vous sais sensible aux questions de défense : pas moins de 5 milliards d'euros de plus pour les armées en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. Le SMA, qui concerne 7 200 jeunes, concerne exclusivement les outre-mer : 85 % des jeunes en sont sortis avec un projet de vie.

N'attendez pas du Gouvernement, vous qui êtes un décentralisateur - ou mes références se brouillent... -, qu'il décide de tout. Soyez agitateurs de territoires, stimulez les initiatives locales ; je serai au rendez-vous.

M. Robert Wienie Xowie .  - La première mesure annoncée après le Ciom est cruciale : la réforme de l'octroi de mer doit être envisagée avec précaution, et les parties prenantes doivent disposer des éléments nécessaires à l'évaluation des choix envisagés. Il n'y a jamais qu'un seul taux : à La Réunion, par exemple, la région a opté pour le taux zéro sur les produits de première nécessité - malgré cela, certains produits restent plus chers qu'ici.

Nous demandons au Gouvernement de garantir aux collectivités le même niveau de recettes, mais surtout le maintien d'un levier fiscal - c'est une compétence essentielle. Nous y serons extrêmement vigilants.

S'il est souvent question dans nos échanges de la continuité avec l'Hexagone, la continuité intérieure des territoires ultramarins soulève des difficultés doubles, voire triples, comme le souligne le rapport de la délégation, particulièrement en Nouvelle-Calédonie. Il est parfois moins cher de se rendre dans l'Hexagone que dans nos îles !

Pour remédier à cette situation, il faut avoir à l'esprit la répartition des compétences en la matière. L'État apporte une contribution financière pour la continuité intérieure ; la compétence est donc partagée.

Plus largement, il faut répondre rapidement et efficacement à la problématique du coût de la vie dans les outre-mer. J'ai dénoncé, lors de l'examen de la mission « Outre-mer », le refus de l'État d'assurer une juste retraite aux fonctionnaires chez nous. Monsieur le ministre, il faut être enfin à la hauteur des enjeux !

En Nouvelle-Calédonie, le sport est une compétence transférée dans le cadre des accords politiques de rééquilibrage et d'émancipation. Le gouvernement français doit mieux accompagner le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie dans la gestion de cette compétence. Un plan stratégique pour la pratique sportive a été adopté par le Congrès en 2019 : l'Agence nationale du sport française doit en accompagner la mise en oeuvre, et la mission d'appui au sport logée au Haut-commissariat doit cesser d'appliquer des orientations contraires à l'accord de Nouméa.

La Nouvelle-Calédonie, victorieuse des quinzièmes jeux du Pacifique aux Îles Salomon, dispose d'atouts qu'il faut soutenir. Je pense aux premiers jeux francophones d'Océanie, qui se dérouleront à Wé, sur Lifou, en avril prochain.

Seul un consensus pourra stabiliser la situation politique du pays. Une absence d'accord serait un risque ; ce n'est pas une option. Il y a une responsabilité du Gouvernement dans la recherche de ce consensus : est-il prêt à en créer les conditions ?

La séance est suspendue à 13 h 05.

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 35.

Commission d'enquête (Nominations)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf membres de la commission d'enquête portant sur les moyens mobilisés et mobilisables par l'État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France. En application de l'article 8 ter, alinéa 5 de notre Règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du Ciom ? (Suite)

M. Stéphane Fouassin .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Viviane Malet applaudit également.) La principale initiative du Ciom porte sur la réforme de l'octroi de mer. S'il faut faire baisser les prix, il faut aussi préserver la production locale et conserver aux collectivités des recettes dynamiques.

Toute réforme de l'octroi de mer doit s'accompagner d'une révision fiscale, pour accorder aux départements les moyens de mener leurs politiques sociales, sur la lutte contre la violence conjugale, la dépendance aux produits nocifs, le diabète ou l'accompagnement des seniors, et aux régions des fonds pour le développement économique.

Le Gouvernement avait évoqué la possibilité de taxes spécifiques sur l'alcool et le tabac. Une mission conjointe entre Bercy et le ministère des outre-mer avait été évoquée.

La mesure 14 s'inscrit dans le soutien des stratégies de souveraineté alimentaires des territoires - à La Réunion, c'est le plan AgriPéi 2030. Il faut persévérer, faire de La Réunion le modèle à suivre en matière de gestion des ressources. Le projet Meren vise à assurer l'adduction d'eau des régions Nord et Est, avec 500 millions d'euros sur dix ans.

La mesure 66 vise à simplifier l'implantation d'infrastructures d'intérêt général dans les communes soumises à la loi Littoral. À La Réunion, île montagneuse, celle-ci s'applique du battant des lames au sommet des montagnes, et empêche des aménagements. Il faut prendre en compte nos particularités, surtout dans le domaine du tourisme.

À sa création en 2012, le BQP devait inclure des biens de première nécessité tels que la téléphonie et internet. Il a été étendu mais de manière inégale selon les territoires. Monsieur le ministre, comment avancent ces dossiers ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Annick Petrus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Girardin applaudit également.) Merci au groupe RDPI pour ce temps d'échange et à M. le ministre pour sa disponibilité.

Saint-Martin doit valoriser son potentiel touristique. La fréquentation reprend depuis 2022, après avoir atteint un niveau historiquement bas entre 2017 et 2021. L'implantation du casino redynamisera le tourisme, mais ne suffira pas : le tourisme pâtit avant tout du manque d'infrastructures de qualité, certaines ayant été détruites en 2017. Les besoins en matière de réhabilitation hôtelière sont considérables. Le territoire a plus que jamais besoin de la solidarité nationale et d'incitations fortes pour attirer les investisseurs privés.

Il n'est pas juste que Saint-Martin n'ait pas les mêmes réductions d'impôt que la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion en la matière. Le territoire ne peut pas compter sur la clientèle française ; sa clientèle est majoritairement américaine, et très volatile. Son principal concurrent est Sint Maarten, la partie néerlandaise de l'île, qui a les mêmes atouts, la même image, mais un avantage comparatif majeur en matière de coûts salariaux. L'alignement du taux de réduction d'impôt pourrait être un début de réponse.

Autre sujet, celui du logement. Vendredi dernier, nous avons fait adopter un amendement au projet de loi de finances qui permettra à Action Logement d'intervenir à Saint-Martin, selon les modalités à préciser dans une convention. Comme Saint-Pierre-et-Miquelon, nous nous interrogeons : devrons-nous modifier la loi organique pour bénéficier de la collecte au niveau national ?

Enfin, je me félicite de l'extension en outre-mer du crédit d'impôt de rénovation des logements sociaux hors QPV, jusqu'ici réservé au parc social neuf. Pouvez-vous nous assurer que cette mesure sera bien applicable aux collectivités d'outre-mer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Merci au RDPI pour cette belle initiative, qui nous permet d'aller plus au fond des dossiers, au-delà de nos rencontres avec votre délégation aux outre-mer et du débat budgétaire.

Merci à Stéphane Fouassin : ensemble, nous avons bâti une stratégie pour la réforme de l'octroi de mer. En tant qu'élu local, je sais combien les recettes propres sont indispensables. Vous avez parlé de la fiscalité sur les alcools, qui revient au département. L'octroi de mer s'y additionne. Je suis prêt à l'aborder au sein du Ciom, qui, rappelons-le, ne traite pas de toute la politique ultramarine. Je suis ouvert, la feuille de route peut être élargie à tout moment.

Le calendrier du projet Meren sera tenu - c'est 30 millions d'euros pour cette année. La Première ministre a pris en engagement auprès du président du département, Cyrille Melchior : il sera tenu.

Sur le BQP, 153 produits sont concernés ; le mandat court jusqu'au 1er avril 2024. Je donnerai instruction aux préfets d'aller plus loin, si nécessaire. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Viviane Malet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie le groupe RDPI pour l'organisation de ce débat.

Lors du dernier Congrès des maires, le président Larcher a exprimé le souhait d'un débat annuel sur les adaptations législatives aux outre-mer ; j'y souscris pleinement. Les mesures du Ciom nécessitant des modifications législatives, comme la réforme de l'octroi de mer, passeront-elles par un projet de loi ad hoc ou seront-elles intégrées au PLF 2025 ?

Cette question est cruciale pour La Réunion, qui vous a fait des propositions précises. La création d'une zone franche portuaire est envisagée. Le conseil départemental avait proposé la création d'un statut spécifique pour les entreprises vertes et bleues, mais aussi la création de zones franches tournées vers l'exportation et réservées à ces deux types d'entreprises - je pense notamment à la construction navale. Monsieur le ministre, vous avez annoncé la majoration des abattements pour les entreprises de réparation navale, c'est un premier pas. Les élus et les collectivités se tiennent prêts à en discuter avec l'État.

Concernant les aides fiscales et sociales, il faudra aller plus loin et créer un véritable statut de l'entreprise tournée vers l'or bleu - ce serait un label pour attirer les investisseurs. Êtes-vous prêt à y travailler avec les collectivités et les milieux économiques ?

Un mot de la mesure 10, sur le marquage RUP. De nombreux rapports parlementaires ont souligné la nocivité économique de certaines normes, notamment dans le BTP et l'agriculture, lorsque nos concurrents n'y sont pas soumis. La Réunion a proposé une structure locale de normalisation pour les identifier et élaborer de nouvelles normes, en collaboration avec le Gouvernement et la Commission européenne. Pouvons-nous compter sur votre aide, monsieur le ministre, pour avancer vers une convention entre l'État, les collectivités et les professionnels du secteur ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Madame Petrus, les abattements sur charges sociales dans le secteur touristique existent jusqu'en 2028 ; c'est un dispositif puissant, comme la défiscalisation sur les investissements. Tous les équipements - villages vacances, chambres d'hôte, hôtels - sont concernés. Nos réserves budgétaires nous permettront d'être au rendez-vous. Le tourisme est la principale activité économique des territoires ultramarins - en Polynésie française, c'est 18 % du PIB.

Madame Malet, les normes RUP, tant attendues, s'appliqueront au printemps prochain. La Première ministre nous a demandé de travailler sur le sujet des normes, avec l'Île Maurice ou Madagascar, de manière à obtenir des conditions de concurrence équitables et loyales - ce qui n'est pas actuellement le cas. Nous avancerons ensemble.

Les zones franches sont effectivement une des avancées de ce budget 2024 : la défiscalisation pourra atteindre 50 % en année N+1 pour les nouvelles activités. Toute la production culturelle, vidéo, numérique, sera éligible. Il faut vous en saisir, car il y a un vrai potentiel à La Réunion. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Viviane Malet applaudit également.)

Mme Annick Girardin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ce débat illustre l'urgence d'agir pour nos territoires. Ces derniers mois ont été une course, entre les travaux de la délégation, la semaine des maires ultramarins, les entretiens de suivi du Ciom, les sujets ultramarins du PLFSS et la mission « Outre-mer » du PLF.

Ne confondons pas vitesse et précipitation : prenons le temps de digérer les réponses du Gouvernement. Je ne suis pas certaine que cette abondance de rendez-vous ait été comprise dans nos territoires. Sous la pression, nous avons oublié des questions essentielles. C'est dans la coordination que nous tirerons le meilleur de nos efforts.

Nous avons besoin de coconstruction et de solutions nouvelles pour relever nos défis communs. Défi climatique et énergétique pour construire des territoires bas-carbone, résilients face aux risques naturels, préserver les ressources et protéger la population face aux pollutions chimiques. Défi social, pour lutter contre toutes les formes d'exclusion et répondre au besoin de logement. Défi du développement économique et solidaire ; défi démographique, avec des territoires qui perdent des habitants, comme aux Antilles ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, ou au contraire la surpopulation irrégulière à Mayotte et en Guyane.

La question institutionnelle est un chantier majeur, à la suite de l'appel de Fort-de-France du 17 mai 2022. Allons-nous vers une sorte d'outre-mer fédéral ? Comment construire une réponse commune ou diverse selon les statuts de nos territoires ? Nous devrons apprendre à sortir du cadre. Un hôpital extraterritorial à Mayotte, avec un double état civil ? Un statut unique européen pour Saint-Martin et Sint Maarten ?

Sur la défiscalisation, il faut reconnaître les abus et la nécessité des contrôles, mais surtout développer de nouveaux outils, pour nous aider à construire ce monde plus solidaire et durable.

Prenons le temps de co-évaluer toutes les initiatives prises en faveur des outre-mer : Ciom, Livre bleu, plan pour l'avenir de Mayotte, Oudinot du pouvoir d'achat... Pourquoi certaines ont-elles été abandonnées ? Il faut un travail de transparence.

Je n'ai pas de question pour mon territoire ; vous en revenez, vous savez que nous continuerons à travailler ensemble. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du RDPI, du GEST et du groupe Les Républicains)

M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Il faut de la méthode et prendre le temps du recul, comme vous l'avez souligné, madame Girardin. Mais il faut aussi accélérer, pour rattraper les retards.

« Pensez-vous que les Hexagonaux sont traités de la même façon que les Ultramarins ? » m'a-t-on demandé. Je suis fier que mon budget augmente de 7 %, que les plans de convergence et de transformation augmentent de 400 millions d'euros, que l'État ait mobilisé 3 milliards d'euros d'investissements, contre 2 milliards en 2016. Nous évaluerons les niches fiscales, pour voir celles qui fonctionnent. Certes, il y a des abus, mais aussi de nouveaux leviers.

M. Patient a attiré mon attention sur la vie chère et les monopoles. Une mission gouvernementale lancée par Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et moi-même étudiera la construction des prix, la responsabilité des uns et des autres et les pistes d'amélioration. Nous irons jusqu'au bout.

Madame Bélim, nous ne sommes pas d'accord sur tout, mais nous allons avancer, en républicains. J'apprécie la teneur de votre intervention et la qualité du dialogue avec le territoire de La Réunion. MaPrimeRénov' s'applique dans les départements et régions d'outre-mer (Drom) depuis 2022. Elle est fonctionnelle, et La Réunion n'est pas oubliée. La vingt et unième école d'architecture y a été annoncée récemment par la ministre de la culture : c'est un signe fort.

Les crédits de la LBU ont été portés à 292 millions d'euros, après avoir beaucoup baissé. Il faudra veiller à leur consommation. J'ai obtenu un petit volet outre-mer dans la future loi Logement de Patrice Vergriete, pour avancer rapidement sur la précarité énergétique sans attendre une grande loi-cadre.

Sur le régime spécifique d'approvisionnement, Marc Fesneau a répondu favorablement à un cofinancement par l'État de certains investissements des collectivités.

Madame Jacques, vous avez mentionné le parc institutionnel. Le Président de la République a reçu l'ensemble des acteurs - vous y étiez. Deux personnalités qualifiées seront désignées pour proposer des évolutions institutionnelles : rien ne sera décidé depuis Paris, nous prenons le temps du débat dans chaque territoire. Pour la Nouvelle-Calédonie, des discussions ont été ouvertes, sur le corps électoral notamment. Le Conseil d'État est en cours de consultation, et Gérald Darmanin travaille depuis des mois à une solution.

Madame Girardin, je reviens de Saint-Pierre-et-Miquelon ; j'ai compris les problématiques de ce territoire. La question de l'attractivité et de la démographie concerne de nombreux territoires - Saint-Pierre-et-Miquelon, la Martinique, la Guadeloupe. Il faut attirer des jeunes vers les territoires ultramarins et oeuvrer au retour de ceux qui sont partis dans l'Hexagone, via Cadres d'avenir notamment. Je serai à la tâche pour les aider. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MmeAnnick Girardin et Viviane Malet applaudissent également.)

M. Saïd Omar Oili, pour le RDPI .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Annick Girardin et M. Akli Mellouli applaudissent également.) Il est encore trop tôt pour tirer un bilan définitif du Ciom, mais deux aspects positifs sont à noter. D'abord, son caractère interministériel, fondamental tant les politiques publiques des outre-mer sont éclatées entre différents ministères. Ensuite, l'approche par territoire. Nous avons en effet tendance à englober nos territoires dans « l'outre-mer », même si le pluriel a tendance à s'imposer. La diversité de ces territoires est encore trop peu perçue de l'Hexagone, mais elle est une richesse pour notre République.

La réalité de Mayotte est ainsi différente de celle de La Réunion : notre territoire est traumatisé et meurtri. Sa population souffre de la succession des crises : montée de l'insécurité, crise de l'eau, du système de santé, explosion démographique de 4 % par an, sans que les services publics ne suivent - alors que la plupart des autres territoires ultramarins voient leur population baisser.

À Mayotte, on recense 12 000 naissances par an sur un territoire de 374 km2, avec une densité de 2 600 habitants au km2. Entre la rentrée 2022 et la rentrée 2023, 2 500 élèves supplémentaires ont été comptabilisés. C'est une vraie course de vitesse qui s'engage. Comment prévoir les ouvertures de classes, avec un tel différentiel entre le recensement de juin et les inscriptions en septembre ? Tous les chiffres sont faux, et je ne saurais vous dire le nombre d'habitants de la commune que j'ai longtemps administrée.

Les attentes de la population de Mayotte sont immenses, et les élus suivront attentivement les mesures du Ciom. Le territoire a des atouts considérables, notamment en matière touristique, mais aussi dans les métiers d'avenir. Les élus mahorais souhaitent un projet de loi spécifique pour sortir Mayotte de ces crises à répétition. Nombre des mesures du Ciom vont dans le bon sens, notamment sur les volets démographique et sanitaire ou la convergence des droits sociaux.

Le Sénat a adopté des amendements au PLF 2024 sur les aides au conseil départemental, avec le soutien du Gouvernement - je le salue.

Viscéralement attaché au principe constitutionnel de libre administration des collectivités, je suis plus réservé sur la disposition 51 du Ciom prévoyant des autorités uniques de gestion, par laquelle l'État pourrait reprendre la main sur les compétences locales.

Fernand Braudel parle de la France comme d'une « mosaïque aux centaines, aux milliers de petits carreaux de couleur ». Nos territoires ultramarins en font partie, nous en sommes fiers. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE et du GEST)

La séance est suspendue quelques instants.

Rétablir la réserve parlementaire

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes rurales et des associations, présentée par M. Hervé Maurey, Mme Dominique Vérien et plusieurs de leurs collègues.

Discussion générale

M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi .  - (M. Vincent Capo-Canellas, Mme Dominique Vérien et M. Jean-Marc Boyer applaudissent.) Nous examinons enfin la proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire. Je remercie le groupe UC qui a accepté son inscription à l'ordre du jour, et le rapporteur Vincent Capo-Canellas pour son travail remarquable.

Dès son élection, en 2017, Emmanuel Macron a souhaité supprimer la réserve parlementaire, inscrivant dès le 14 juin un projet de loi organique censé « rétablir la confiance dans la vie politique ». Le Sénat avait pourtant alerté le Gouvernement sur le caractère préjudiciable de cette suppression pour les communes et les associations - mesure qui avait d'ailleurs fait échouer la commission mixte paritaire (CMP).

La réserve parlementaire permettait de financer des investissements modestes de façon souple et rapide. C'était parfois le seul financement possible pour des projets non éligibles à des subventions. Elle finançait 25 000 projets chaque année, pour un montant moyen de 5 600 euros.

Son attribution était transparente, la liste et le montant des dossiers subventionnés ainsi que le nom des parlementaires attributaires étant publiques depuis 2014. Le ministère de l'intérieur instruisait les dossiers.

Le Gouvernement avait promis, en contrepartie, la création d'un fonds d'action pour les territoires ruraux et les projets d'intérêt général. Cette promesse n'a pas été tenue, pas plus que la promesse de reconduire l'ensemble des crédits alloués aux collectivités locales et celle d'associer les parlementaires à l'attribution des crédits.

Une partie des fonds de la réserve parlementaire a été redirigée vers la DETR, dispositif à la main des préfets qui n'offre pas la même souplesse d'attribution et ne permet pas de financer des investissements modestes, les seuils de subventionnement étant trop élevés. Une autre partie des crédits a été affectée au fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), qui connaît les mêmes limites.

Le Sénat a voté dès le PLF 2018 le rétablissement de la réserve, puis tenté de la réinstituer à plusieurs reprises - encore récemment, en adoptant un excellent amendement de Jean-Marc Boyer au PLF 2024. Nous nous sommes hélas heurtés, à chaque fois, au mur de l'Assemblée nationale et du Gouvernement.

La situation évolue néanmoins, et un collectif de 165 députés de tous horizons a été constitué, qui se tient prêt à reprendre notre texte. Nous avons donc enfin l'espoir de répondre à la demande quasi unanime des élus locaux de rétablir un dispositif qui n'aurait jamais dû être supprimé, dans un contexte de forte augmentation des charges. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Paccaud.  - Bravo !

Mme Dominique Vérien, auteure de la proposition de loi .  - (M. Vincent Capo-Canellas applaudit.) « La réserve parlementaire, on n'aurait jamais dû la supprimer, mais impossible de la rétablir » - voilà ce que j'entends depuis plusieurs semaines. Certains ici se reconnaîtront...

C'était effectivement une erreur. Cette réserve contribuait au dynamisme de nos territoires, au plus près du terrain. Bien sûr, il y a la DETR, le FDVA, mais ces fonds servent en priorité à financer de gros projets dits structurants. Or nous voulons répondre aux attentes des plus petits, aider l'école du village à acheter un nouveau tableau ou le maire à réparer la toiture du centre communal. Ces demandes sont laissées de côté, car, paradoxalement, elles coûtent peu. Or ces initiatives font vivre nos territoires ruraux et créent du liant.

Peut-on rétablir la réserve ? J'en suis convaincue. Les faux procès en clientélisme ne manqueront pas d'arriver. Je rappelle à cet égard que DETR et FDVA sont à la main du préfet... Pourquoi ne pas laisser la politique à ceux dont c'est la principale occupation, et qui rendent régulièrement des comptes à leurs électeurs ?

M. Olivier Paccaud.  - Exactement !

Mme Dominique Vérien.  - D'ailleurs, il est sans doute plus confortable de ne pas avoir de réserve à attribuer : cela évite de faire des jaloux. Mais c'est notre responsabilité.

Avec ce texte, tout sera public, du côté des élus comme des bénéficiaires qui devront rendre compte de l'avancée des projets. Chaque centime sera scruté par la société civile, et c'est tant mieux !

Notre texte est tourné vers les communes rurales et les petites associations. Le rapporteur a toutefois supprimé le seuil de population pour que la mesure bénéficie au plus grand nombre. La limitation à 20 000 euros en préserve la philosophie.

Ce texte est le fruit d'un travail transpartisan rassemblant des élus de tous bords, sénateurs comme députés. Je pense à Jean-Marc Boyer, Alain Houpert ou Laurence Muller-Bronn, mais aussi aux députés André Villiers, Dino Cinieri et Frédéric Descrozailles, conscients du risque que représente une Assemblée nationale hors-sol.

Ce texte est juste et nécessaire. Je remercie Hervé Maurey pour son regard exigeant et le rapporteur Vincent Capo-Canellas pour son travail de sécurisation juridique. Sans totem ni tabou, ayons le courage de réparer l'erreur commise en l'adoptant ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur de la commission des finances .  - Nous examinons ce texte dans les conditions du gentleman's agreement : les modifications apportées en commission ont été soumises aux auteurs du texte, et je salue la qualité de nos échanges.

Cette proposition de loi organique s'inscrit dans la suite d'un mouvement rassemblant des parlementaires des deux chambres et de nombreux groupes politiques en faveur du rétablissement de la réserve parlementaire, dite dotation d'action parlementaire. Un appel de 300 parlementaires a ainsi été lancé fin octobre 2023, mais dès 2021 Jean-Marc Boyer avait déposé une proposition de loi en ce sens ; Laurence Muller-Bronn et Alain Houpert ont aussi déposé une proposition de loi organique, et des initiatives ont également fleuri à l'Assemblée nationale - preuve que députés et sénateurs sont attachés à cette pratique qui offrait de la souplesse.

La suppression de la réserve a été décidée dans le cadre de la loi organique pour la confiance dans la vie politique, sur fond de soupçons de clientélisme. Pourtant, les subventions versées l'étaient selon des modalités de droit commun, et intégralement publiées chaque année, avec les noms des bénéficiaires et des parlementaires concernés.

Dans la DETR, le rôle des parlementaires se limite à la participation à une commission consultative auprès du préfet, seul décisionnaire. Son ciblage est en outre différent : les subventions inférieures à 20 000 euros ne représentent que 10 % de l'enveloppe. Nous manquons donc d'un outil de financement des petits projets communaux. Idem pour le FDVA2 : le préfet de région est seul décideur, les parlementaires ne font que participer à une commission consultative, et le fonds est illisible pour les petites associations. Bref, le rétablissement de la réserve parlementaire apparaît non comme un retour en arrière, mais comme une façon de financer des projets qui, sinon, resteraient sous les radars.

Tout n'était pas parfait et les différences de montants entre parlementaires pouvaient être sujettes à caution ; c'est pourquoi nous nous sommes attachés à renforcer la transparence. En 2017, le Sénat avait voulu donner un cadre juridique à la réserve parlementaire plutôt que de la supprimer. C'est pourquoi il avait adopté un dispositif alternatif, à l'initiative de Philippe Bas et d'Albéric de Montgolfier.

Souhaitant doter la réserve parlementaire d'une assise juridique solide et fiable, la commission des finances a amendé le texte pour qu'il soit irréprochable. L'article unique prévoit ainsi que, chaque année, les commissions des finances de chaque assemblée adressent au Gouvernement la liste des projets d'intérêt local que les députés et les sénateurs lui proposent de soutenir pour l'exercice suivant.

La commission des finances a écarté le critère du nombre d'habitants, pour ne pas exclure les départements urbains ou l'outre-mer et éviter toute rupture d'égalité. Les parlementaires seraient ainsi libres de proposer un projet, quelle que soit la taille du territoire concerné, pour un montant de subvention n'excédant pas la moitié du coût du projet.

Le texte met aussi l'accent sur les obligations de transparence : communication annuelle de la liste des projets financés, assortie du montant et du nom du parlementaire qui les a proposés.

Enfin le texte est conforme à l'article 40 de la Constitution comme au principe de séparation des pouvoirs, puisque les subventions émanent de « propositions » des députés et sénateurs. Même avant 2017, il ne s'agissait en effet que d'une convention républicaine, le Gouvernement pouvant ne pas suivre les parlementaires. Sans réhabiliter des pratiques rejetées, à raison, il faut rétablir une collaboration transparente entre les pouvoirs au service de l'intérêt général.

Ainsi, la proposition de loi organique réintroduit un gentlemen's agreement entre Gouvernement et Parlement. La commission des finances vous propose de l'adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Je vous prie de bien vouloir excuser Dominique Faure, en déplacement. Député durant quatre mandats, je connais bien la réserve parlementaire. Les dossiers transitaient par les commissions des finances, le ministre de l'intérieur, les préfectures, avant notification au bénéficiaire. Même si nos concitoyens ont pu en douter, la transparence était au rendez-vous.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur.  - Très bien.

M. Olivier Paccaud.  - Ça allait très vite !

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Toutefois, tous les parlementaires n'étaient pas traités de la même façon (Mme Dominique Vérien le confirme.) : la réserve de certains était de 110 000 euros, quand d'autres avaient beaucoup plus. Les présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances redistribuaient les reliquats, de manière discrétionnaire...

Souvenez-vous du contexte : la vie publique avait été troublée par quelques dévoiements majeurs, d'où la loi Confiance de 2017. La banque de la démocratie qu'elle prévoyait ne s'est pas concrétisée - rien n'est parfait - et la réserve a été supprimée. Pas de faux espoirs : le Gouvernement n'a pas encore suffisamment avancé sur ce sujet.

Tout de même, le FDVA a été créé. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains.) La réserve parlementaire représentait 90 millions d'euros. Si un député et un sénateur par département siègent à la commission, c?est aussi grâce à votre serviteur...

M. Olivier Paccaud.  - J'y siège.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur.  - Il y en a deux par département.

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Oui, l'un est nommé par le président du Sénat, l'autre par celui de l'Assemblée nationale. Un système de tourniquet permet à tous les parlementaires d'y participer au cours de leur mandat : ça fonctionne.

M. Olivier Paccaud.  - Non, ça dysfonctionne.

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Le FDVA fonctionne dans la plus grande des transparences, on ne peut le contester. (On le conteste sur plusieurs travées.)

Mme Laurence Rossignol.  - Il n'en croit pas un mot !

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - La réserve ministérielle a, elle aussi, été supprimée. Tout le monde se souvient du 67-51... Discrétionnaire, son montant était d'ailleurs bien plus élevé.

Des chantiers ont été ouverts - mesures pour la protection des élus du 7 juillet, évolution de la loi NOTRe -, mais faire renaître la réserve n'est pas à l'ordre du jour.

La DETR et la DSIL sont en place. Les parlementaires sont autour de la table. Au-dessus de 150 000 euros, l'application de critères permet une réponse objective. En dessous, des discussions s'organisent - en tout cas, dans mon département.

La réflexion du Parlement et du Gouvernement se poursuit, et mériterait d'être approfondie. Ainsi, la présence de parlementaires dans les conseils d'administration des hôpitaux a été arrachée en 2019, non sans difficultés.

La fin du cumul est liée à tout cela : après le grand soir, les regrets sont là... Qui n'a jamais failli ? (Mme Laurence Rossignol s'exclame.) L'intelligence collective permettra peut-être, un jour, de recréer quelque chose ressemblant à la réserve parlementaire. (M. François Patriat applaudit.)

M. Bernard Buis .  - Respectant la promesse de campagne d'Emmanuel Macron, la majorité présidentielle a supprimé la réserve parlementaire en 2017.

M. Hervé Maurey.  - Eh oui !

M. Bernard Buis.  - Non pas aveuglément : la réserve était critiquée pour son coût, son manque de contrôle et son caractère inégalitaire.

Elle s'élevait à 150 millions d'euros par an : 162 000 euros par élu en moyenne, mais de très grandes disparités dans la répartition.

Jusqu'en 2013, il n'y avait aucune déclaration des bénéficiaires : risque de saupoudrage et opacité ont justifié cette suppression.

Son retour, demandé par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), présente des risques. Certes, le dispositif proposé est plus transparent, mais attention au clientélisme. (On proteste.)

M. François Patriat.  - Tout à fait !

M. Olivier Paccaud.  - Les préfets n'en font pas ?

M. Bernard Buis.  - Alors que le divorce entre citoyens et élus s'accentue, n'ouvrons pas la boîte de Pandore. (Protestations à droite et au centre) En outre, comment la financer ? Le FDVA serait-il supprimé ? Enfin, l'opinion publique jugerait sévèrement notre assemblée dont l'initiative semblerait motivée par la volonté de distribuer des subventions à tire-larigot. (M. Claude Raynal s'amuse de l'expression.)

M. Olivier Paccaud.  - Un peu de courage !

M. Bernard Buis.  - Notre groupe comprend l'intention (M. Vincent Capo-Canellas apprécie) : il faut soutenir les communes rurales et les associations...

M. Olivier Paccaud.  - En même temps !

M. Bernard Buis.  - ... mais la DETR - 2 milliards d'euros en 2024 - y pourvoit déjà. Le montant de la réserve était bien inférieur...

Quant au FDVA, il atteint 50 millions d'euros en 2023, 70 millions en 2024 - des montants inédits -, au profit d'une myriade d'associations. Initialement réservé à la formation de bénévoles, il a été largement étendu en 2017.

Plutôt que de recréer un outil contesté, trouvons d'autres solutions pour soutenir les petites communes : prévoir la présence de droit des parlementaires dans les commissions DETR ? Inciter les préfets à soutenir davantage les petits projets ?

Prenons garde à la discorde et au mécontentement. Tous les votes seront représentés dans notre groupe. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER) Ce débat marque un échec : celui de la loi de 2017. La réserve était perfectible - base juridique, séparation des pouvoirs, équité, transparence - : quel dommage de l'avoir supprimée, au lieu de la faire évoluer ! Les progrès des années 2010 (M. Hervé Maurey le confirme) ont été emportés par la démagogie du nouveau monde. (M. Philippe Vigier ironise.) Paradoxalement, c'est la transparence qui y a mis fin.

La réserve parlementaire permettait, « en même temps », de financer de petits projets et de renforcer les liens avec la circonscription.

Mme Dominique Vérien.  - Exactement !

M. Rémi Féraud.  - Actons donc cet échec : Emmanuel Macron claironnait vouloir tout changer, réconcilier les Français avec la politique... sans commentaire.

Finances locales, associations, démocratie sont en crise et la réserve parlementaire apparaît, exagérément, comme un âge d'or regretté.

Sacrifice des finances locales d'abord. Les incessants coups de rabot sur les finances locales, la fin de l'autonomie fiscale, la paupérisation des communes conduisent à un sentiment d'abandon, et même de relégation pour les plus petites.

Sacrifice du secteur associatif, qui a subi de plein fouet la baisse de ses moyens, car la fin de la réserve parlementaire a coïncidé avec la fin des contrats aidés.

M. Olivier Paccaud.  - Tout à fait !

M. Rémi Féraud.  - Sacrifice, enfin, du rôle du Parlement : la réserve parlementaire a été remplacée par des subventions moins transparentes et plus rigides. À Paris, les sénateurs ne participent pas à l'attribution du FDVA - je ne sais même pas pourquoi...

Et nos compatriotes de l'étranger critiquent de la même façon le Soutien au tissu associatif des Français de l'étranger (Stafe).

La loi de 2017 a été un rendez-vous manqué. Jean-Pierre Sueur avait mis en garde, pourtant.

En outre, la suppression de la réserve parlementaire a permis au Gouvernement de faire des économies sur le dos des communes et des associations. Quel marché de dupes !

Cela étant, cette proposition de loi organique n'est qu'un retour au passé, qui ne correspond pas aux attentes majoritaires du groupe SER. Elle est transpartisane, mais un collègue que nous considérons comme n'appartenant pas au champ républicain l'a cosignée. (Marques de désapprobation au centre)

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Oh là là !

M. Rémi Féraud.  - Est-ce dû à un manque de vigilance ? C'est inacceptable pour nous. Voilà pourquoi la plupart des membres du groupe SER ne se prononceront pas sur ce texte. Nous travaillerons à un projet alternatif, transparent et équitable. Ne créons pas d'illusions déçues - même si le rapporteur a nettement amélioré le texte.

Nous partageons le constat, mais pas les perspectives : faisons d'abord évoluer les dispositifs actuels - le ministre a dit que le Gouvernement y est prêt. Ceux d'entre nous qui voteront auront des positions différentes, mais la plupart ne se prononceront pas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Jean-Marc Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC) « Rétablir le lien » : tel pourrait être l'intitulé de ce texte de soutien à nos collectivités. Montrons-leur notre considération.

Depuis des années, je demande de revenir sur cette suppression injuste de la réserve parlementaire. Il y a une semaine, nous étions 107 sénateurs à soutenir mon amendement au PLF. Il y a un mois, nous étions 200 députés et sénateurs à demander son rétablissement.

Pourquoi ? Pas par clientélisme ou populisme ! Mais pour affirmer notre soutien aux territoires, rétablir le lien entre le maire et le parlementaire et renforcer la proximité. (M. François Patriat proteste.) Une décision centralisée a supprimé ce soutien au tissu local, prétendument pour renforcer la confiance dans la vie publique. Depuis, les collectivités n'ont plus que la DETR, attribuée par le seul préfet - l'avis des parlementaires n'étant que consultatif. Idem pour le FDVA.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur.  - Très bien !

M. Jean-Marc Boyer.  - Les parlementaires connaissent mieux le terrain que le préfet ! Ils peuvent identifier de petits projets nécessitant une aide dont le montant est faible, mais dont l'importance est grande pour les acteurs concernés. Cette dotation pour projets d'intérêt local serait une réponse. Il faut de la transparence sur les destinataires, mais aussi un montant de subvention limité à 20 000 euros et 50 % du projet. Il s'agit de revenir à un système vertueux, loin des dérives passées. Soutenons nos territoires : adoptons ce texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Cédric Chevalier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) En 2017, le Président de la République a été élu sur une promesse de renouvellement des pratiques. La disparition de la réserve parlementaire a été le symbole de cette rupture entre un ancien monde chargé de tous les défauts, et un nouveau, paré de toutes les vertus.

Regardons désormais vers l'avenir. Nous faisons face à deux défis - démocratique et climatique - majeurs.

L'état d'anxiété du pays menace la cohésion nationale. Les élus locaux se sentent abandonnés : plus de demandes, moins de moyens, surtout pour les petites communes, qui croulent sous les obligations. La réserve parlementaire était, pour les maires ruraux, un lien fort avec la représentation nationale, une occasion de dialogue avec les parlementaires sur la politique locale. Au même moment, la fin du cumul des mandats a éloigné les parlementaires des citoyens. Daniel Chasseing tient ce discours depuis des années !

Certes, la DETR permet de financer des projets d'intérêt local, mais elle n'active pas de lien entre élus du territoire et représentants nationaux. (M. Philippe Vigier le réfute.) Les critiques adressées à la réserve parlementaire pourraient d'ailleurs lui être étendues.

Le second défi est climatique : nous allons devoir faire en dix ans ce que nous n'avons pas réussi en trente ans. Cela ne se fera pas en décidant tout depuis Paris et le Gouvernement compte bien sur les élus locaux pour déployer sa planification écologique.

Nous pouvons relever ces deux défis en donnant aux parlementaires les moyens d'accompagner les maires. Nous ferions d'une pierre deux coups. Ce dispositif - qu'il ne faut peut-être pas appeler réserve parlementaire - doit être à la main des parlementaires, être calibré pour les petites communes et servir la transition écologique. Je défendrai des amendements en ce sens.

La commission des finances a élargi le dispositif au bloc communal : cela ne me semble pas opportun. Pour convaincre les Français, mieux vaut réserver ces dotations aux collectivités en ayant le plus besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Olivier Paccaud applaudit également.) Dans la liste des orateurs, deux seulement ont connu la réserve parlementaire : Éric Bocquet et moi. Je vais vous raconter son histoire...

Née sur l'initiative de Christian Poncelet, alors ministre du budget, elle était d'abord réservée, dans le plus grand des secrets, aux membres de la commission des finances. (Mme Laurence Rossignol renchérit.) Comme tout secret, il a fini par être éventé, et il a fallu partager. Mal, d'ailleurs ! (Sourires) Je me souviens qu'à mon arrivée au Sénat, Jean Arthuis m'a appliqué le taux de la pension de réversion : succédant à mon mari, je n'ai eu que la moitié de sa réserve ! (Rires et applaudissements)

Après la loi de 2013, la répartition, qui passait désormais par les présidents de groupe, a été améliorée. Pourquoi tant de haine et tant de clientélisme ? Monsieur le ministre, Nicolas Sarkozy a récupéré une partie de cette réserve à l'Élysée en 2010 : y est-elle toujours ?

M. Bernard Jomier.  - Ah ah !

Mme Nathalie Goulet.  - Les systèmes qui l'ont remplacée sont trop compliqués, ils sont à la main des préfets et, en dessous de 5 000 euros, vous ne pouvez rien financer. Lorsqu'elle a été supprimée, la réserve parlementaire n'avait jamais été aussi transparente. (M. Bernard Buis renchérit.) Des inégalités demeuraient, mais elles avaient été en partie gommées à partir de 2013.

Cette proposition de loi a le mérite d'ouvrir le débat, même si je doute qu'elle soit bien accueillie dans l'opinion publique. (On le confirme sur les travées du RDPI et du groupe SER.) Une grande partie du groupe UC la votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

Mme Ghislaine Senée .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Six ans après sa suppression, faut-il rétablir la réserve parlementaire ? Jugée populiste et d'un autre temps, elle a été supprimée en 2017 par des parlementaires fraîchement élus, majoritairement issus de la société civile. Le principe d'une enveloppe laissée à la discrétion des parlementaires, là où résident leurs intérêts électoraux, avait paru problématique. Si certains voyaient cette pratique d'un bon oeil, tel n'était pas le cas de la plupart des Français.

La réserve parlementaire a longtemps été un complémentaire de financement confortable pour les petites communes et les associations : tous ceux qui ont été maires en ont bénéficié - moi comprise.

Les coupes drastiques dans les dotations créent un manque, mais ce n'est pas avec des rustines et du saupoudrage que l'on y remédiera.

Le retour de la réserve parlementaire recréerait un lien entre parlementaires et acteurs locaux ? On décèle une nostalgie pour une certaine influence locale. Je crois que cet argument repose sur une vision erronée : nous sommes avant tout des élus de la nation, nous votons la loi, contrôlons l'action du Gouvernement et évaluons les politiques publiques. C'est au travers de ces missions constitutionnelles que nous agissons pour nos territoires, en commission et en séance. Nous ne devrions pas avoir besoin de distribuer de l'argent pour exister.

Travaillons plutôt ensemble pour créer des dispositifs mêlant souplesse et réactivité. Recréer ce dispositif supprimé serait très mal perçu : nous donnerions l'image d'élus déconnectés.

M. Bernard Buis.  - Très bien !

Mme Ghislaine Senée.  - En responsabilité, le GEST votera contre. (Applaudissements sur les travées du GEST et du RDPI ; M. Bernard Jomier applaudit également.)

M. Éric Bocquet .  - La suppression de la réserve parlementaire en 2017 portait la marque d'un antiparlementarisme profond, qui subsiste. Mais le rétablissement de la confiance populaire ne passe pas par la réduction des pouvoirs du Parlement ni par la caricature des oppositions.

La réserve permettait de financer de modestes projets associatifs ou communaux. Sa suppression s'est aussi inscrite dans une perspective austéritaire. La sanctuarisation promise n'a pas eu lieu. Loi de finances après loi de finances, les transferts aux collectivités territoriales ont fait l'objet d'arbitrages bercyens : ce sont 180 millions d'euros qui n'irriguent plus les territoires. Les dotations sont gelées depuis 2018. La majorité sénatoriale a d'ailleurs refusé d'indexer DETR et DSIL sur l'inflation. Notre groupe prendra donc, faute de mieux, ces quelques crédits.

Les élus locaux le savent, les petits projets ne représentent qu'à peine 10 % de l'enveloppe globale. (M. Vincent Capo-Canellas le confirme.) Alors que le montant moyen de DETR est de plus de 45 000 euros, la moitié de l'ancienne réserve parlementaire finançait des projets de moins de 5 000 euros. Le fonds vert, particulièrement illisible avec ses 4 170 aides, est un maquis de subventions.

Les associations n'ont pas non plus retrouvé le niveau d'aide qu'elles avaient du temps de la réserve parlementaire. Quelque 80 % des associations bénéficiaires du FDVA ont moins de deux salariés. Mais les deux volets du fonds sont complexes. La Cour des comptes a mis en garde en 2021 contre un saupoudrage : en 2019, 66 % des subventions étaient inférieures à 2 000 euros, ce qui ne permet pas de consolider le tissu associatif.

L'opacité de la distribution de l'ancienne réserve parlementaire doit nous conduire à toujours faire mieux. Nous plaidons pour une égalité stricte entre tous les élus du Parlement - il n'y a pas d'élus de seconde zone. Notre groupe votera très majoritairement cette proposition de loi organique. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Christian Bilhac .  - En vigueur depuis 1973 à l'Assemblée nationale et 1989 au Sénat, la réserve parlementaire a été supprimée en 2017. En 2014, déjà, la Cour des comptes relevait des aberrations et la presse soupçonnait des conflits d'intérêts et du clientélisme. Les bénéficiaires et les montants ont été rendus publics et le contrôle des subventions a été confié aux préfets. Quelque 150 000 euros de crédits étaient destinés à chaque parlementaire, avec des majorations pour certains.

Après sa suppression, les crédits ont été - en partie - répartis entre la DETR et le FDVA. Faut-il la rétablir, au motif que le fonds promis en compensation n'a pas été créé ? Les bénéficiaires en seraient les petites communes, les communes nouvelles et les associations.

Grâce à leur connaissance des territoires, les parlementaires, et en particulier les sénateurs, pourraient contribuer au bouclage financier de projets, mais les enveloppes seront nécessairement limitées... Même en période de Noël, je doute que le Gouvernement ajoute des millions...

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur.  - Qui sait ?

M. Christian Bilhac.  - On renverrait les porteurs de projets vers nous ; il y aurait des mécontents. Quand il n'y a plus de foin dans la mangeoire, les chevaux se battent. (Sourires)

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur.  - Il faut du foin !

M. Christian Bilhac.  - Mais il n'y en a plus ! Ces crédits seraient enlevés à la DETR.

Cela pose aussi un problème d'équité : on ne peut pas donner la même enveloppe à un député qui a trois communes et à un sénateur qui en a jusqu'à 700 !

M. Olivier Paccaud.  - Et les associations !

M. Christian Bilhac.  - Monsieur le ministre, pourquoi tous les parlementaires ne seraient-ils pas présents à la commission d'élus de la DETR ?

M. Hervé Maurey.  - Ça ne sert à rien !

M. Christian Bilhac.  - Ça ne coûte rien ! Pourquoi tous les dossiers ne seraient-ils pas diffusés ? Une partie de la DETR ne pourrait-elle pas être laissée à la discrétion des parlementaires ?

Les votes des membres du RDSE - qui ne sont pas tous d'accord - seront partagés. (On s'en amuse au centre et à droite.)

Mme Laurence Muller-Bronn .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Auteure, avec Alain Houpert, d'une proposition de loi similaire que vous avez été nombreux à cosigner, je suis particulièrement satisfaite de cette discussion.

Après avoir rencontré les députés du collectif pour la réserve parlementaire, nous avons en effet décidé de prolonger leur démarche transpartisane.

Nos concitoyens ne le savent pas : les crédits de la réserve parlementaire n'ont pas disparu en 2017 et elle a été supprimée alors qu'elle était devenue transparente.

Sénatrice depuis 2020, je n'ai pas connu l'époque d'avant. Nommée par le président Larcher pour siéger à la commission d'élus de la DETR de mon département, je vous assure que cela ne fonctionne pas de manière transparente.

M. Hervé Maurey.  - C'est sûr !

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Les projets de moins de 100 000 euros sont à la discrétion du préfet, sans explications.

DSIL et DETR sont trop éloignées des nécessités des petites communes, qui rencontrent des difficultés pour financer un préau d'école ou une aire de jeu. Le système actuel, trop rigide, ne profite qu'aux plus gros projets, sans associer les parlementaires aux décisions. Bilan ? Nous assistons, impuissants, à une dérive centralisatrice.

Le montage complexe de dossiers en préfecture décourage de nombreuses initiatives associatives. Il aurait fallu améliorer les modalités d'attribution de la réserve parlementaire au lieu de faire table rase.

Parlons-en du clientélisme ! Les départements, les régions octroient des financements aux communes (M. Olivier Paccaud renchérit) : font-ils du clientélisme ?

M. François Patriat.  - Oui !

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Le fonds vert, France Ruralités, les appels à projet ou à manifestation d'intérêt des agences de l'État, est-ce du clientélisme d'État ? Le triste exemple du fonds Marianne est l'exact inverse de ce que nous proposons. (« Ah ! » sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Si vous ne le faites pas pour nous, faites-le pour les maires ! (On s'amuse sur les travées du RDPI ; applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Discussion de l'article unique

M. Jean-Claude Anglars .  - J'ai lu le compte rendu des débats de 2017 - je n'étais pas encore sénateur. Six ans plus tard, la justesse des arguments en faveur du maintien de la réserve parlementaire est frappante. Les dispositifs qui l'ont remplacée ne financent pas aussi efficacement les plus petits projets et ont conduit à une recentralisation.

Les élus du « nouveau monde » ont pu croire en 2017 qu'une suppression était une bonne idée. Mais six ans après, les excès d'un pouvoir technocratique ont profité électoralement aux extrêmes, et la suppression de la réserve parlementaire n'a amélioré ni la confiance dans la vie politique ni la démocratie.

Les maires plébiscitent le retour de la réserve parlementaire. J'espère que cette proposition de loi sera adoptée. (Applaudissements sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Olivier Paccaud .  - La réserve parlementaire, c'est l'ancien monde, celui que l'apprenti Jupiter voulait éparpiller façon puzzle, les écuries d'Augias qu'Hercule Macron allait nettoyer...

M. François Patriat.  - Pas d'insultes !

M. Olivier Paccaud.  - C'était le bouc émissaire idéal à guillotiner, pour passer de l'ombre à la lumière, dans une forme d'antiparlementarisme mondain et technocratique.

Sa suppression a-t-elle amélioré la vie des communes ?

M. François Patriat et Mme Patricia Schillinger.  - Oui !

M. Olivier Paccaud.  - Non !

Faut-il la rétablir ? Oui, car sa suppression a rimé avec baisse des dotations et recentralisation.

M. François Patriat.  - C'est faux !

M. Olivier Paccaud.  - Elle était souple, efficace, devenue transparente, utile. Peut-être faut-il la renommer, la cadrer. Mais elle est la seule à garantir justice territoriale, efficacité et légitimité démocratique - que seuls détiennent les élus, pas les préfets ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Philippe Folliot .  - Merci à Hervé Maurey et à Dominique Vérien pour cette initiative qui corrige une injustice. En 2017, député et membre de la majorité présidentielle, j'avais dénoncé la suppression de cet outil très utile pour les communes rurales. Député, j'ai toujours pratiqué une totale transparence, en détaillant sur mon site internet l'utilisation de ces fonds.

Les élus le disent : la réserve parlementaire permettait de financer de petits projets, en toute souplesse. Idem pour les associations. Dans le Tarn, trois personnes travaillent désormais à l'attribution du FDVA. Tous les ans, nous subventionnions les comités des fêtes pour l'achat de 10 000 éthylotests. Cela ne serait plus possible aujourd'hui. (Marques d'assentiment à droite et applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Michel Canévet .  - Il existe effectivement une commission d'élus de la DETR, mais tous les parlementaires n'y siègent pas et une partie des dossiers sont orientés vers la DSIL ou le fonds vert. Nous n'y avons donc qu'une vision très partielle.

Le ministre a évoqué tout à l'heure le FDVA - la chose à ne pas faire ! (Sourires) Mobiliser les services de l'État dans les départements pour instruire des subventions de 100 à 1 500 euros est un non-sens total ! Le département le fait, les communes aussi : c'est redondant ! (M. François Patriat proteste.) Il est temps de simplifier et de clarifier les choses. La réserve parlementaire était octroyée par des élus qui connaissent leurs territoires et pouvaient aider de petits projets. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Jean-François Longeot .  - Nous pouvons critiquer ce qui se faisait avant, qui n'était peut-être pas très clair. Pourtant, l'expérience de la réserve parlementaire était bénéfique.

L'initiative de mes collègues est bonne, mais le rétablissement de la réserve parlementaire ne doit pas se faire au détriment de la DETR. (M. François Patriat ironise.)

Mme Patricia Schillinger.  - Encore heureux !

M. Jean-François Longeot.  - Il vaut mieux le préciser ! Les huit parlementaires de mon département disposaient chacun de 150 000 euros au titre de la réserve parlementaire, soit 1,2 million d'euros. Ne retranchons pas cette somme du montant de la DETR si la réserve était rétablie...

Profitons par ailleurs de ce texte pour avancer sur le guichet unique. Entre 2014 et 2017, j'ai constaté que les maires des plus petites communes recevaient l'autorisation de commencer des travaux dans le cadre de la DETR avant de se heurter à un contre-ordre. Aidons-les à monter les dossiers ! (Mme Dominique Vérien applaudit.)

M. Daniel Chasseing .  - La suppression de la réserve parlementaire a porté préjudice aux territoires ruraux : elle était en effet adaptée aux petits projets. De plus, elle était totalement transparente. C'était aussi l'occasion pour les parlementaires de participer aux réunions pour prendre connaissance des projets.

Aujourd'hui, les parlementaires découvrent la somme affectée aux associations le jour de la réunion et celle-ci ne peut être publiée, car la région doit donner son accord au préalable ! Je suis d'accord avec Michel Canévet.

Le parlementaire n'agissant plus au plus près des territoires, cela n'incite pas certains à se rendre dans les bureaux de vote...

Rétablissons la réserve pour renforcer le lien entre parlementaires et territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Hervé Maurey et Mme Dominique Vérien applaudissent également.)

Mme Ghislaine Senée .  - J'avais déposé un amendement pour instaurer un contrôle citoyen de la réserve parlementaire. Mais mon amendement a été déclaré irrecevable...

Nous vivons une crise majeure de défiance à l'égard de la vie publique. La politique inspire avant tout méfiance, voire dégoût à de nombreux citoyens : sept Français sur dix estiment que le personnel politique est plutôt corrompu et huit sur dix considèrent que les femmes et les hommes politiques suivent avant tout leur propre intérêt.

Il nous faut reconquérir la confiance des citoyens, qui se sentent dépossédés de l'action publique.

Le jury citoyen serait un outil d'éducation civique utile, susceptible de susciter des vocations. Ronan Dantec l'a mis en oeuvre sur son territoire, avec succès.

Notre pays est riche de ses 520 000 élus locaux et de ses 925 parlementaires, mais je crains que la proposition de loi provoque un effet inverse au but poursuivi, en suscitant la défiance de nos concitoyens.

M. Hervé Maurey .  - Monsieur le ministre, je ne vous ai pas senti très à l'aise pour exprimer la position du Gouvernement. (Murmures ; M. Jean-Baptiste Lemoyne rit.) Vous avez dit vous-même que la suppression de la réserve parlementaire serait une « faute politique » et un « sparadrap pour le Gouvernement » (sourires), mais vous avez voté la proposition de loi organique de nos collègues André Villiers et Dino Cinieri lorsque vous étiez encore député !

M. Olivier Paccaud.  - Tout à fait !

M. Hervé Maurey.  - Vous dites que les élus sont associés au processus d'attribution de la DETR et du FDVA... Qui peut soutenir une telle affirmation ici ? Personne, les élus n'y font que de la figuration !

Et vous parlez de rétablir le cumul des mandats... (M. Philippe Vigier opine du chef.) Chiche ! Le Sénat a voté, sur l'initiative d'Hervé Marseille, une proposition de loi rétablissant le cumul des mandats. Où en sommes-nous ? Quand l'engagement du Président de la République sur ce sujet, pris dans notre beau département de l'Eure, sera-t-il concrétisé ? J'attends vos réponses ! (M. Olivier Paccaud applaudit.)

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - À une telle interpellation du sénateur Maurey, je ne peux que répondre, le connaissant bien ! Je l'ai dit à l'époque : c'était une bêtise. Je pense qu'il faut procéder à des adaptations, mais je suis encore minoritaire...

En revanche, je le dis tout net : dans mon département d'Eure-et-Loir, le préfet nous consulte sur les attributions de DETR et de DSIL. (Marques de contestation sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Le sénateur Maurey n'a pas besoin de la réserve parlementaire pour avoir un lien avec les communes... il en fait le tour tous les week-ends ! La confiance ne se crée pas uniquement en apportant des subventions de 10 000, 50 000 ou 120 000 euros par an !

M. Olivier Paccaud.  - Personne ne dit cela !

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Un député et un sénateur par département sont présents lors de l'examen des dossiers éligibles au FDVA. En outre, les préfets ont reçu l'instruction d'inviter les parlementaires à chaque réunion de fin de campagne. Vérifiez si les invitations arrivent ! Dans le cas contraire, nous pourrons nous en occuper avec Mme Dominique Faure.

Par ailleurs, tous les dossiers vous seront désormais envoyés quinze jours avant la réunion.

En Île-de-France, le plancher de FDVA était de 5 000 euros, car il s'agit d'une grande région. Ailleurs, il est désormais de 500 euros, ce qui permet d'intervenir rapidement. Son montant global est d'ailleurs passé de 28 millions en 2018 à 70 millions en 2024. En outre, 82 % des associations financées sont de petites structures : c'est deux fois et demie de plus qu'au temps de la réserve parlementaire ! (M. Jean-Marc Boyer s'exclame.)

Monsieur Féraud brocarde le nouveau monde, mais souvenez-vous de la loi NOTRe, qui a créé des monstres ! (M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérit.) La proximité de terrain n'est plus au rendez-vous. Mais je n'ai pas entendu un seul mot sur cette loi, qui n'a pas mobilisé les électeurs dans les territoires...

Monsieur Paccaud, vous avez dit que la réserve maintenait le lien entre les parlementaires et les maires. C'est la première fois que j'entends cela ! Les maires qui venaient me voir me parlaient non pas de réserve parlementaire, mais de leurs dossiers, ils n'étaient pas là pour me faire les poches ! (M. Olivier Paccaud, Mme Dominique Vérien et M. Daniel Chasseing ironisent.) Ce projet n'est pas mûr. Le travail se fera peut-être un jour.

La DETR a augmenté de 200 millions d'euros entre 2016 et 2018, pour atteindre 1,58 milliard, soit 20 % d'augmentation. Cela nous a changés de l'époque 2012-2017, où le montant a diminué de 13,5 milliards d'euros. J'étais maire à l'époque, j'ai pu mesurer les conséquences de ces décisions.

Des instructions ont été données aux préfets pour assurer la fongibilité des crédits.

Le fonds vert fait l'objet d'un effort significatif, passant de 2 milliards d'euros à 2,5 milliards.

Il est normal que le Parlement se saisisse de ce sujet, mais le Gouvernement n'est pas d'accord avec cette proposition. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur  - N'oublions pas qu'un deuxième texte doit être examiné dans cet espace réservé.

Sur la DETR comme la DSIL, les parlementaires ont vraiment le sentiment de n'être associés aux décisions que de force, et à la marge. In fine, la décision revenant au préfet, ils ont l'impression de faire de la figuration. (M. Hervé Maurey renchérit.) Émettre des suggestions, ce n'est pas la même chose qu'avoir un rôle actif.

Parfois, les préfets indiquent aux élus la répartition prévisionnelle des budgets, mais rien ne les oblige à agir en ce sens.

Pour la DETR, 815 millions d'euros ont été distribués en 2016 et 996 millions en 2017. Je ne suis pas sûr que cela compense la fin de la réserve parlementaire.

La question du ciblage est aussi essentielle : nous parlons de petits projets. (Marques d'approbation sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. François Patriat.  - Et de petites magouilles !

Mme la présidente.  - Amendement n°15, présenté par M. Capo-Canellas, au nom de la commission.

Alinéas 6 à 8

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

2° À la première phrase du premier alinéa de l'article 11, après le mot : « imprévisibles », sont insérés les mots : « et sur la dotation pour projets d'intérêt local » ; 

L'amendement rédactionnel n°15, repoussé par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par M. Maurey et Mme Vérien.

I.  -  Alinéa 10

Remplacer les mots :

la liste

par les mots :

une liste

II.  -  Après l'alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« III.  -  Après l'entrée en vigueur de la loi de finances, les commissions chargées des finances de chaque assemblée peuvent adresser au Gouvernement des listes complémentaires de projets d'intérêt local que les députés et les sénateurs lui proposent de soutenir par des subventions pour l'année en cours. » ;

M. Hervé Maurey.  - Cet amendement assouplit le texte de la commission, en précisant que des listes complémentaires seront possibles au cours de l'exercice.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur.  - Évitons de créer de nouvelles lourdeurs, même si nous partageons cette volonté de souplesse. En pratique, le texte le permet déjà, une proposition pouvant être faite en plusieurs fois. Sagesse un peu interrogative sur cet amendement. Je rappelle que tout doit être, ensuite, conventionnel.

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Avis défavorable.

M. Olivier Paccaud.  - Cet amendement est très important : aux termes du texte initial, les commissions des finances de chaque assemblée doivent transmettre la liste des projets, une seule fois par an. Or des projets peuvent apparaître à tout moment ! Un tracteur tondeuse peut tomber en panne ; une école peut avoir besoin d'un tableau numérique. Il faut alors s'adapter. Cet amendement a l'avantage de la souplesse.

L'intérêt de la réserve parlementaire n'est pas de donner, mais de donner quand il y a besoin. Cette souplesse est capitale pour l'intérêt du dispositif.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances.  - À titre personnel, je ne prendrai pas part au vote.

Mais, en tant que président de la commission, je note que cet amendement soulève de nombreuses difficultés, même si nous en comprenons l'esprit.

La proposition de loi est organique. Or moins on en dit dans une loi organique, plus la navette est efficace. Prudence donc !

Ensuite, comment cette nouvelle réserve pourrait-elle fonctionner ? Au moment du vote de la loi de finances, un budget devra être arrêté. Il faudra donc prévoir des projets. Mais rien n'est dit sur la possibilité de modifier telle ou telle enveloppe en cours de route. Or des projets peuvent tomber à l'eau ou apparaître.

Ces détails de fonctionnement relèvent d'un échange entre le ministère de l'intérieur ou le ministère des comptes publics et la commission des finances du Sénat, mais pas de la loi organique.

Demande de retrait, donc.

M. Alain Houpert.  - Quel que soit le sort de cet amendement, je retiens le mot « souplesse ». Lorsque nous avons fait le tour des élus de Côte-d'Or, François Patriat et moi, tous nous ont fait part des « raideurs » de l'administration. Je voterai l'amendement d'Hervé Maurey.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Pendant dix ans, j'ai géré la réserve parlementaire - au cabinet des ministres de l'intérieur et du budget et en tant que secrétaire général d'un groupe parlementaire. Je comprends l'intention des auteurs de l'amendement, mais nous devons pouvoir imputer, mission par mission, et faire les bonnes affectations.

M. Olivier Paccaud.  - Vous y parveniez !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Certes, on peut renoncer à certains projets ou transférer des crédits affectés à une association vers un projet local, mais, dans la vraie vie, c'est très compliqué à faire... (M. Olivier Paccaud s'exclame.)

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Je maintiens mon avis défavorable. Vous évoquez l'achat d'un tableau numérique... En tant que président de groupe parlementaire, j'ai moi aussi géré la réserve. La DETR n'est pas attribuée d'un bloc, en une seule fois. Des communes renoncent à des dossiers, ou consomment moins que prévu, générant un reliquat...

M. Olivier Paccaud.  - Ce serait trop beau...

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Pour les dossiers de la réserve parlementaire, il fallait repasser par le ministère de l'intérieur, puis par la commission des finances. Le système était beaucoup plus complexe - c'est du vécu.

M. Olivier Paccaud.  - J'ai le mien aussi !

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - La fongibilité DETR-DSIL est effective - ce n'était pas le cas auparavant. Nous pouvons être réactifs tout au long de l'année.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur.  - Monsieur Paccaud, le texte évoque la liste, mais celle-ci peut être transmise en plusieurs fois.

M. Olivier Paccaud.  - C'est noté !

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur.  - En outre, ne soyons pas trop précis dans la loi organique.

M. Hervé Maurey.  - Figer les choses me gêne. En cours d'année, un maire se verra renvoyer à l'exercice suivant ! Je retirerai mon amendement uniquement si la notion d'exercice suivant est supprimée.

M. Jean-Marc Boyer.  - M. le ministre a mentionné un reliquat. (M. Philippe Vigier hoche la tête.) Mais, dans le Puy-de-Dôme, les communes ont sollicité deux fois plus de subventions que la DETR ne permettait d'en distribuer : le reliquat... il n'y en a pas ! Cet amendement vise simplement à s'adapter à la situation.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur.  - La notion d'exercice suivant respecte le principe d'annualité budgétaire (M. Olivier Paccaud acquiesce.) : on prépare toujours le budget de l'année suivante, et le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) ajuste la situation, comme les projets de loi de finances rectificative (PLFR). Des dépenses de réserve parlementaire, six ans après sa suppression, sont encore en train d'être exécutées...

L'amendement n°11 rectifié est adopté.

M. Olivier Paccaud.  - Bravo !

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par Mme Senée, MM. G. Blanc, Dossus, Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Des projets d'investissement des communes de moins de 3 500 habitants et des communes nouvelles de moins de 10 000 habitants comprenant plus de deux communes déléguées ; 

Mme Ghislaine Senée.  - Il faut rétablir le bénéfice de la réserve parlementaire aux seules communes de moins de 3 500 habitants ou aux communes nouvelles de moins de 10 000 habitants. Ouvrir à toutes les communes accentuerait le saupoudrage.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°4 rectifié, présenté par MM. Chevalier et A. Marc, Mme Lermytte et MM. Wattebled, Chasseing et Brault.

M. Cédric Chevalier.  - Défendu.

L'amendement n°8 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°13 rectifié.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur.  - Nous proposons déjà un ciblage par le montant de la dotation : 20 000 euros au maximum. Certains de nos collègues sont élus dans des départements plutôt urbains. En commission, nous avons supprimé le seuil, sinon ceux-ci n'auraient pu subventionner que des associations. D'autres n'auraient pu répondre qu'à certaines communes de leur département. Cela exclurait une commune de 3 501 habitants... En outre, les circonscriptions des députés sont calculées selon le nombre d'habitants : certains sont élus en zone urbaine. Avis défavorable.

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nos2 et 4 rectifié ne sont pas adoptés.

L'amendement n°12 n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par M. Bilhac, Mmes M. Carrère et N. Delattre et MM. Masset et Roux.

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa. 

M. Christian Bilhac.  - Je proposais d'allouer la réserve parlementaire aux seules communes de moins de 500 habitants avec mon amendement n°8.

Certains ont parlé de clientélisme, mais nombre de communes n'ont qu'un seul grand électeur...

Mme la présidente.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par Mme Conway-Mouret et M. Féraud.

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par les mots :

y compris des associations exerçant une activité au bénéfice des Français résidant hors de France

M. Rémi Féraud.  - Le groupe SER ne votera pas ce texte, vous l'aurez compris. Toutefois, il a de grandes chances d'être adopté.

Cet amendement vise donc à l'étendre aux Français de l'étranger (Mme Nathalie Goulet s'en réjouit.), qui bénéficiaient eux aussi de la réserve parlementaire. Cette dernière a été remplacée par le Stafe, qui suscite de nombreux mécontentements. Certaines associations renoncent à demander une aide.

Quitte à rétablir la réserve parlementaire, faisons-le complètement.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur.  - Monsieur Bilhac, vous avez défendu l'amendement n°8. (M. Christian Bilhac sourit.)

Votre amendement n°7 rectifié retire la réserve parlementaire aux associations. Telle n'est pas notre position. N'oublions pas l'importance que nos collègues députés attachent aussi aux subventions aux associations - je rappelle que le Parlement est bicaméral...

En outre, le FDVA ne répond pas aux besoins des petites associations et est peu lisible. Avis défavorable.

Sagesse sur l'amendement n°14 rectifié : pour nous, il allait de soi que les associations agissant au bénéfice des Français résidant hors de France étaient comprises, mais cette précision est utile.

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Avis défavorable à ces deux amendements.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - L'amendement n°14 rectifié est utile. J'ai aussi géré le Stafe : nous essayions de lever certains freins posés par l'administration. Le tissu associatif des Français de l'étranger doit en bénéficier - je pense, notamment, aux associations oeuvrant pour le français langue maternelle (Flam). Je vous invite à adopter cet amendement.

M. Alain Houpert.  - Cet amendement n°14 rectifié est cohérent : exclure les Français de l'étranger créerait une rupture d'égalité. Or les coups durs ne surviennent pas qu'en France. Des lycées ou des collèges français, des consulats ont parfois des besoins.

L'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°14 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Chevalier, A. Marc, Wattebled et Brault.

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

 « b) Ils doivent être proposés dans le but de favoriser la performance environnementale, l'adaptation au changement climatique et l'amélioration du cadre de vie ;

M. Cédric Chevalier.  - Nous proposons une priorité aux investissements en faveur de la transition énergétique, générateurs d'économies pour les petites communes.

M. Olivier Paccaud.  - Il y a déjà le fonds vert...

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur.  - Bien sûr, ces projets doivent être soutenus, mais nous ne voulons pas restreindre la réserve parlementaire. Surcritériser créerait des difficultés. En outre, distinguer, sur de petits projets, ce qui relève ou non de la transition est difficile : est-ce le cas pour un changement de fenêtre dans une mairie ?

Par ailleurs, l'amendement reprend les trois axes du fonds vert. Or la réserve parlementaire n'est pas censée faire de doublon... Avis défavorable.

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Avis défavorable. Le fonds vert satisfait l'amendement - je le rappelle : 2,5 milliards d'euros en 2024.

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par MM. Chevalier, A. Marc, Wattebled et Brault.

Alinéa 18

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

Un parlementaire ne peut faire bénéficier de la dotation pour projet d'intérêt local une même commune qu'une seule fois pendant la durée de son mandat.

M. Cédric Chevalier.  - Un parlementaire ne peut faire bénéficier de la dotation pour projet d'intérêt local une même commune qu'une seule fois pendant la durée de son mandat.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur.  - Votre amendement pose problème : dans notre rédaction, le parlementaire ne fait que proposer des projets d'intérêt général, il ne peut donc pas « faire bénéficier » comme vous l'écrivez.

De plus, nous avons prévu que les projets ne puissent pas être présentés par plusieurs parlementaires, afin d'éviter une concurrence électoraliste.

Enfin, priver un parlementaire de cette possibilité, même à six ans d'intervalle, pose problème : certains départements ont 40 communes, voire moins. Comment faire, en ce cas ? Avis défavorable.

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Les territoires ultramarins ont très peu de communes...

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur.  - Très juste.

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Tous les départements n'ont pas 650 communes, comme l'Eure... attention à la discrimination. Avis défavorable.

L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par MM. Chevalier et A. Marc, Mme Lermytte et MM. Wattebled, Chasseing et Brault.

Alinéa 19, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le montant de la subvention proposé peut concerner le montant prévisionnel total du projet engagé.

M. Cédric Chevalier.  - Tous les gagnants ont tenté leur chance... (Sourires)

La réserve parlementaire doit pouvoir abonder des projets à hauteur de 100 % : cet amendement revient au texte initial en retirant la limitation à la moitié du financement.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur.  - C'est pourtant une exigence de bonne gestion. La règle de droit commun est un plafond de 80 %. En outre, si la commune ne peut pas participer à l'investissement, pourrait-elle en assumer le coût d'usage ?

La réserve parlementaire n'est pas différente d'une subvention de droit commun. En outre, n'y a-t-il pas une contradiction avec l'amendement précédent ? Il est plus sain de cofinancer les projets de deux communes à 50 % qu'un seul à 100 %, au profit d'une seule commune dont on ne sait pas si elle pourra assumer les dépenses de fonctionnement qui vont avec. Avis défavorable.

M. Philippe Vigier, ministre délégué.  - Avis défavorable.

M. Alain Houpert.  - C'est une subvention de l'État, même si elle est proposée par un parlementaire.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Peut-être y a-t-il un moyen terme : pourquoi ne pas aller jusqu'à 80 % ? Il y a quelques heures, à l'unanimité, nous avons d'ailleurs adopté une proposition de loi permettant d'aller jusqu'à 90 % pour le bâti scolaire.

En l'état, cet amendement n'est pas idoine.

L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.

Intitulé de la proposition de loi organique

Mme la présidente.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par M. Bilhac, Mmes M. Carrère et N. Delattre et MM. Masset et Roux.

Supprimer les mots :

et des associations

M. Christian Bilhac.  - Vu le sort réservé à mes précédents amendements, je retire l'amendement n°10 rectifié.

L'amendement n°10 rectifié est retiré.

L'article unique est mis aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°102 :

Nombre de votants 286
Nombre de suffrages exprimés 268
Pour l'adoption 226
Contre   42

L'article unique, constituant la proposition de loi organique, modifié, est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

Droits de l'enfant

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux droits de l'enfant à entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses parents en cas de séparation de ces derniers, présentée par Mme Élisabeth Doineau et plusieurs de ses collègues à la demande du groupe UC. Je devrai lever la séance à 19 h 15.

Discussion générale

Mme Élisabeth Doineau, auteure de la proposition de loi .  - Merci à l'Union centriste de me donner l'opportunité de présenter ma première proposition de loi, déposée le 16 décembre 2021, soufflée par notre ancien collègue Yves Détraigne. Notre discussion devrait être sereine et dépassionnée (M. Éric Dupond-Moretti hoche la tête.) Mon seul guide est l'intérêt supérieur de l'enfant.

La Convention internationale des droits de l'enfant (Cide), ratifiée le 7 août 1990 par la France, prévoit à l'article 9-3 que l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un d'eux a le droit d'entretenir des contacts réguliers avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. Ce texte a été repris presque à l'identique dans la loi française, avec la loi de 2002 relative à l'autorité parentale, qui a fait entrer la résidence alternée dans le code civil, à son article 373-2-2, traduction concrète de la notion de coparentalité.

La résidence alternée est cependant peu développée : 12 % des enfants sont concernés, selon l'Insee, tandis que la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) fait état d'une progression de douze points entre 2012 et 2022, pour atteindre 29 %.

Cette résidence alternée est pourtant bénéfique. Selon la cour d'appel de Versailles, la résidence alternée est un système simple et prévisible, qui permet aux enfants de prendre appui sur chacun des parents pour s'épanouir. La cour d'appel de Paris a considéré qu'elle était la meilleure application de la Convention internationale des droits de l'enfant et du code civil. La Belgique lui donne la priorité depuis 2006, la Suisse s'apprête à faire de même.

La coparentalité participe à l'évolution des mentalités. Nous devons cependant corriger un déséquilibre entre les deux parents, avec pour seule boussole l'intérêt de l'enfant. D'après la sociologue Christine Castelain Meunier, chercheuse au CNRS, « cette nécessaire évolution s'inscrit dans une société marquée par des changements profonds quant à la place et au rôle de chacun des parents, et à l'importance de la négociation pour l'assumer. »

En clarifiant les règles et en réduisant l'aléa, la loi pourrait désencombrer les tribunaux.

L'article premier de la proposition de loi aligne le code civil sur l'article 9-3 de la Convention, pour faire apparaître l'adverbe « régulièrement ».

L'article 2 visait à encourager un temps de présence parentale aussi équilibré que possible. Il ne s'agissait pas d'imposer au juge une solution unique, mais de mettre en place une présomption légale, tous les juges aux affaires familiales pouvant décider de faire du domicile de l'un des parents le domicile de l'enfant, si son intérêt supérieur le commande. Ce renversement de la charge de la preuve permettait de se conformer à la volonté du législateur exprimée en 2012.

Bien sûr, les situations de violence intrafamiliale sont exclues.

L'article 373-2-11 du code civil, étrangement, ne prévoit pas de situations de pressions ou violences sur l'enfant. L'article 3 y remédie, en cas de comportement violent d'un parent en général.

J'ai échangé avec la rapporteure, qui a voulu respecter l'ambition de la proposition de loi ; j'ai accepté les modifications qu'elle a souhaité y apporter. Si elle a quelque peu restreint la portée du texte, je souhaite qu'il puisse permettre de franchir une étape dans la coparentalité, en proposant un dispositif équilibré et juste.

Cette évolution accompagne les changements de notre société, et le travail de la commission a fait preuve de la rigueur que je souhaitais. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ainsi que du RDPI)

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Cette proposition de loi s'inscrit dans l'histoire heurtée de la résidence alternée. Introduite dans la loi en 2002, elle était déjà pratiquée par certains parents. Elle représente maintenant 29 % des décisions du juge aux affaires familiales (JAF).

À rebours de ce que disent ses partisans les plus acharnés, elle croît. Si elle demeure minoritaire, c'est qu'elle est peu demandée par les mères et les pères, comme l'a montré une étude de 2012 de la DACS.

Saisie de ce texte, la commission des lois a voulu faire oeuvre utile à travers deux principes : donner corps à l'objectif de renforcement du principe de coparentalité ; préserver à tout prix l'intérêt supérieur de l'enfant, qui innerve tout le droit de l'autorité parentale et doit toujours primer.

Au vu du caractère parfois violent et maltraitant de la structure familiale, la commission est arrivée à une conclusion très claire : l'entretien aussi régulier d'un lien avec les parents ne saurait l'emporter sur l'intérêt de l'enfant, qui ne se présume pas, mais se constate. Or la résidence alternée ne saurait convenir à toutes les situations.

En conséquence, la commission a d'abord rejeté les dispositions de l'article 2 introduisant une présomption d'intérêt de l'enfant à la résidence alternée, pour que le juge conserve une appréciation in concreto. Systématiser la résidence alternée n'était pas souhaitable.

La commission a souhaité renforcer la prise en compte par le juge de la pertinence d'un entretien régulier entre les parents séparés et leur enfant. Elle n'a pas rejeté l'article premier, tout en estimant sa portée limitée. C'est un signal, qui rappelle aux parents que leurs obligations incluent l'entretien aussi régulier que possible de relations personnelles avec leur enfant.

La commission a modifié l'article 2, afin que le JAF, lorsque la résidence alternée n'a pas été prononcée, tienne compte de la nécessité d'un entretien régulier et tâche d'octroyer un droit de visite et d'hébergement (DVH) aussi large que possible.

Enfin, la commission a considéré que la précision apportée par l'article 3 n'était pas inutile.

Je vous invite à adopter le texte issu des travaux de la commission. Les enfants d'aujourd'hui sont les adultes de demain : ils méritent toute notre attention. Ici, dans cet hémicycle, nous sommes le reflet des enfants que nous étions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du GEST)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Bravo !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le Président de la République a fait de la politique de l'enfance l'une des priorités de notre action.

Je me félicite de voir émerger au Sénat comme à l'Assemblée nationale plusieurs propositions de loi pour permettre aux enfants de grandir dans un cadre protecteur, entouré si possible de leurs deux parents.

Cette proposition de loi est portée avec conviction par Mme Doineau, que je salue chaleureusement.

Ses voeux d'un débat serein seront exaucés. (Mme Élisabeth Doineau sourit.)

Mme Laurence Rossignol.  - Ah non, je ne me suis pas encore exprimée !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Ah ! Mais je ne vous avais pas vue ! (Rires)

Mme Laurence Rossignol.  - Vous ne serez pas venu pour rien !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Lorsque des parents se séparent, ces derniers ou à défaut le JAF organisent la manière dont les enfants pourront entretenir des liens avec leurs parents - droit fondamental qui constitue le sixième principe de la déclaration des droits de l'enfant du 20 novembre 1959. Nous partageons pleinement l'objectif de cette proposition de loi.

Il convient cependant d'être prudent sur les leviers pour parvenir à la concorde recherchée. Il y a autant de situations différentes qu'il y a de familles. L'intérêt de l'enfant doit donc toujours s'entendre au cas par cas. En 2014, le défenseur des droits avait souhaité qu'un équilibre soit trouvé entre la non-automaticité de la résidence alternée et l'exercice effectif de l'autorité parentale conjointe. La systématisation de la résidence alternée pouvait aller à l'encontre de l'intérêt des enfants, notamment pour les enfants très jeunes.

En matière de protection de l'enfance, il faut faire preuve de la plus grande prudence face à toute forme d'automaticité. Les travaux de la commission des lois, sous l'impulsion de la rapporteure Marie Mercier, qui a une connaissance fine de l'enfance, ont suivi cette voie : un équilibre entre la promotion d'une coparentalité équilibrée et la défense de l'intérêt de l'enfant.

La rédaction de l'article 1er a une portée symbolique et pédagogique. Elle rappelle que, pour prendre des décisions respectant l'intérêt de l'enfant, il faut entretenir des relations avec lui - c'est tautologique, mais pas inutile.

Préciser que la notion de droit de visite recouvre le droit d'hébergement lève toute ambiguïté. La commission des lois a conservé cette précision.

L'article 2, dans sa rédaction initiale, soulevait des interrogations : il est difficile d'ériger la résidence alternée en modèle qui s'appliquerait à toutes les familles. Dans certaines situations, imposer cette organisation à un parent qui ne l'a pas choisie peut s'avérer contre-productif, voire dangereux, si le parent contraint se montre désinvesti ou, pire, maltraitant. La commission a modifié cette rédaction de manière à promouvoir un temps parental équilibré, piste à approfondir dans la suite des débats.

Mais nous ne partons pas de rien : le droit positif - l'article 373-2-9 du code de la famille - invite le JAF à envisager la résidence alternée en première intention. Autre outil, le code civil permet d'établir une résidence alternée à l'essai, à titre provisoire.

En pratique, cette promotion porte ses fruits. La dernière enquête réalisée par le ministère de la justice en 2022 et l'enquête flash sur les conventions de divorce par consentement mutuel du Conseil supérieur du notariat de juin 2022 établissent que le taux de résidence alternée a fortement augmenté depuis dix ans, passant de 17 % en 2012 à 29 % environ. Près d'une résidence sur trois est une résidence alternée.

La résidence alternée n'est pas pour autant toujours souhaitée ni souhaitable. Comme le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) l'a souligné dans son rapport du 22 novembre 2017, si la résidence est majoritairement fixée chez les mères, c'est que les pères ne la demandent pas. Ainsi, 93,4 % des décisions sont prises conformément à la demande des pères et 95,9 % conformément à la demande des mères.

Concernant l'article 3 du texte, si les juges tiennent déjà évidemment compte du comportement des parents envers leurs enfants, il est intéressant de consacrer une telle pratique dans nos textes : cela va dans le sens d'une meilleure protection de l'intérêt de l'enfant - vous connaissez mon engagement à ce sujet.

Je souhaite que nos débats nous permettent d'avancer vers un équilibre favorable à l'intérêt supérieur de l'enfant. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Corinne Narassiguin .  - Un fait ne saurait être contesté : c'est majoritairement chez la mère que les enfants voient leur résidence principale fixée. Dans une proportion plus grande encore, la décision du juge correspond à la demande des deux parents.

Nous sommes donc loin de la vision fantasmée de certaines associations selon lesquelles les pères seraient les victimes des préjugés de la justice : lorsqu'ils demandent la résidence, ils l'obtiennent, dans la majorité des cas.

Notre unique préoccupation doit être l'équilibre et l'intérêt de l'enfant. Cela ne peut se faire que selon l'appréciation du juge, et non en vertu d'un principe général.

Je sais qu'ailleurs en Europe, elle est beaucoup plus prononcée qu'en France : 48 % en Suède ; 37 % aux Pays-Bas. Mais, paradoxalement, elle pourrait appauvrir les femmes concernées - certaines se verraient privées de pension alimentaire - et conduire à négliger les violences intrafamiliales. Mieux vaut oeuvrer pour une plus grande égalité économique et une meilleure répartition de la charge parentale. En la matière, il reste encore beaucoup à faire.

L'article 1er de la proposition de loi ajoute la notion d'entretien régulier au code civil, pour aligner la législation française avec la Convention internationale des droits de l'enfant. Il ne soulève pas d'objections. De même, l'article 3 exclut la garde alternée en cas de violences sur l'enfant - c'est bienvenu.

En revanche, l'article 2, qui érige en principe général la résidence alternée, soulève davantage d'interrogations, alors que le bénéfice pour l'enfant n'est pas avéré. Porter une atteinte si prononcée au pouvoir d'appréciation du juge pose problème. C'est à lui qu'il revient de déterminer le dispositif à même de sécuriser le quotidien des enfants. La commission des lois a rejeté le dispositif initial au profit d'un élargissement de l'octroi du droit de visite.

Cette proposition de loi a largement perdu de sa portée et ne pourra véritablement modifier ni la législation ni la pratique en vigueur. Sur ce thème, notre seule boussole est et restera l'intérêt supérieur de l'enfant. Toute avancée sur ce point doit être saluée. Le groupe SER se prononcera donc en faveur du texte. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC ; Mme Marie Mercier applaudit également.)

Mme Elsa Schalck .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Olivier Bitz applaudit également.) Chaque année, plus de 300 000 couples se séparent en France par divorce ou rupture de pacs. Ces séparations peuvent être difficiles, notamment pour les enfants. La question du mode de garde peut être sensible et anime souvent des contentieux. Je salue à ce titre cette proposition de loi, qui nous invite à nous interroger sur l'application du droit positif en la matière. Je remercie la rapporteure pour son travail et ses précieuses auditions.

En cas de séparation, un enfant doit pouvoir entretenir des relations personnelles et régulières avec ses deux parents. Si cela semble une évidence, dans les faits, l'éloignement peut rendre ces relations compliquées.

L'article 1er rappelle que la responsabilité des parents n'est pas que symbolique.

L'article 3 du texte ajoute aux critères devant être pris en considération par le JAF d'éventuelles violences ou pressions d'un parent sur l'enfant - sachant que les juges en tiennent déjà compte en pratique.

Sur l'article 2, je suis favorable au texte issu de la commission, non par opposition à la résidence alternée, mais parce que notre rôle est de nous demander s'il est nécessaire de modifier la loi - l'inflation législative est d'ailleurs dénoncée par beaucoup.

Le code civil permet la résidence alternée ou au domicile d'un parent, avec toujours l'intérêt supérieur de l'enfant comme critère majeur des décisions du JAF, couplé à une appréciation in concreto, au cas par cas. C'est une force de notre droit positif, chaque situation familiale et personnelle étant particulière.

En outre, la garde alternée ne revêt pas les mêmes réalités en fonction des situations géographiques, des habitudes scolaires et extrascolaires des enfants... Il faut une appréciation souple. Instaurer la garde alternée par principe risque de rigidifier notre droit, à l'encontre de l'intérêt de l'enfant, d'autant qu'elle n'est pas toujours appropriée, notamment en cas de violences familiales.

Nous devons toutefois nous interroger sur l'application de cette possibilité, la résidence alternée demeurant minoritaire, malgré une tendance à la hausse. Les sentiments de parents, notamment de pères qui vivent certaines décisions comme des injustices, doivent être entendus. La lenteur des décisions de justice est en outre difficilement compatible avec l'évolution de l'enfant. Il faut aussi ramener de l'apaisement et de la sérénité et favoriser les règlements à l'amiable.

Nous voterons le texte issu de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Laure Darcos .  - La famille est la cellule de base de la société. C'est dans son sein que les enfants s'épanouissent moralement et intellectuellement. Les séparations de parents sont souvent vécues douloureusement. Elles ne sont toutefois, heureusement, pas toujours conflictuelles, mais il faut toujours privilégier l'intérêt de l'enfant.

La parentalité est une responsabilité à vie, qui se partage. La résidence alternée est une solution à privilégier. Ce dispositif vertueux encourage une coopération continue entre les deux parents et favorise l'épanouissement des enfants. Les grands-parents peuvent aussi être mieux pris en compte.

La résidence alternée est trop souvent mise de côté au profit d'une résidence chez la mère. Nous saluons donc cette proposition de loi.

Son article premier signifie clairement aux deux parents l'obligation d'entretenir des liens réguliers avec leur enfant - c'est une satisfaction.

À l'article 3, la précision sur les violences familiales est bienvenue.

L'article 2, initialement, poussait le juge à privilégier la résidence alternée à un droit de visite étendu. Je regrette que la commission des lois ait diminué sa portée, au profit d'une liberté totale d'appréciation du juge. C'est, selon moi, un recul en matière d'égalité des droits.

Cependant, la commission des lois a prévu que le juge, quand il se prononce sur les modalités du droit de visite et d'hébergement, tienne compte de la nécessité de relations personnelles régulières entre enfant et parent - nous approuvons cette disposition.

Nous voterons pour l'adoption de ce texte, qui renforce la coparentalité. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC ; Mme Marie Mercier applaudit également.)

Mme Dominique Vérien .  - Quelle est l'ambition initiale de ce texte ? Encourager la résidence alternée de l'enfant chez ses deux parents, pour préserver les liens personnels dans un contexte de séparation.

Je souhaite louer la médiation. Lors d'un divorce, les parents sont souvent focalisés sur leur conflit, oubliant parfois l'enfant. La médiation le remet au centre, encourageant la résidence alternée, si cela répond à l'intérêt de l'enfant.

Je remercie Mme Mercier pour son travail, en lien avec l'auteure Élisabeth Doineau. Le texte concilie des positions divergentes, ce qui n'était pas une mince affaire.

La précision sur les violences familiales est utile au regard des débats récents sur la place des pères en cas de séparation. Il n'est pas cohérent de demander aux pères d'assumer leur rôle, en étendant, par exemple, le congé paternité, tout en leur retirant tout rôle en cas de divorce. Je suis pour la proposition de loi de la députée Santiago, qui retire l'autorité parentale aux pères violents.

Les magistrats nous ont expliqué que, selon les cas, la résidence alternée peut être la meilleure ou la pire des solutions. Il faut individualiser la décision, en envisageant toutes les solutions ; des pères ne demandent pas la garde alternée parce qu'ils sont certains qu'elle leur sera refusée, des mères parce qu'elles craignent de passer pour une mauvaise mère... L'essentiel est que toutes les possibilités soient sur la table, avant que le juge ne tranche au bénéfice de l'enfant.

Je remercie l'auteure de la proposition de loi et la rapporteure ; leur travail conjoint a abouti à un texte équilibré, que le groupe UC votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains)

Mme Antoinette Guhl .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je remercie le groupe UC et Mme Doineau de nous permettre d'examiner cette question importante.

Quelque 380 00 couples avec enfant se séparent chaque année. Chaque situation est singulière, mais, dans tous les cas, des questions majeures doivent être tranchées. Qui emmènera les enfants à l'école ? Qui remplira les formulaires d'inscription au sport ? Qui paiera ?

La garde est rarement confiée uniquement au père, et la garde alternée reste rare : elle concerne 12 % des enfants, alors qu'elle existe depuis plus de vingt ans.

Nous pourrions être tentés de prescrire une certaine formule, mais ce serait imposer un cadre là où l'intérêt supérieur de l'enfant doit primer. Nous risquerions aussi d'exposer des enfants à des violences intrafamiliales ou incestueuses. Comme la Civiise l'a mis en évidence, seule une victime d'inceste sur dix révèle les violences subies au moment des faits. Chaque situation doit être examinée au cas par cas. Il n'est jamais dans l'intérêt de l'enfant d'être obligé de passer du temps avec un parent violent ! (Mme Marie Mercier et M. Éric Dupond-Moretti acquiescent.) L'article 3, qui renforce la vigilance sur les violences, est à cet égard bienvenu.

Les relations entre l'enfant et les parents séparés sont déséquilibrées, mais elles ne font que refléter les décisions des parents - les juges suivent l'accord des parties dans 80 % des cas. Comment les rééquilibrer ? En restructurant les rôles.

Trop souvent, en effet, le père ne s'occupe guère de ses enfants. Le travail domestique est réparti de manière inégale : 80 % des femmes font la cuisine et le ménage au moins une heure par jour, contre 35 % des hommes. Luttons contre les stéréotypes de genre !

Mme la présidente.  - Il faut conclure. (M. Michel Canévet proteste, l'oratrice ayant dépassé son temps de parole.)

Mme Antoinette Guhl.  - Il faut renforcer le congé parental et lutter contre les inégalités salariales. Cette proposition de loi, même améliorée, n'active pas les bons leviers : le GEST s'abstiendra.

M. Michel Canévet. - Le temps est compté ! (M. Thomas Dossus s'exclame.)

Mme Marianne Margaté .  - Il a fallu attendre les années 1960 pour que le modèle du chef de famille soit remis en cause, et c'est seulement en 1970 que la puissance paternelle a été remplacée par l'autorité parentale conjointe. Depuis les années 1990, le droit de la famille est orienté vers la défense de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Le choix de recourir à la résidence alternée relève de l'intérêt de l'enfant : le juge doit conserver un pouvoir d'appréciation. Or ce texte réduit ce pouvoir, alors que le juge est le plus à même de discerner l'intérêt de l'enfant.

Selon Édouard Leport, si les enfants sont confiés à la mère dans 80 % des cas, c'est parce que les pères ne demandent pas la garde alternée. La théorie controversée de l'aliénation parentale, élaborée dans les années 1980 par un psychiatre américain, suggère que les enfants peuvent être manipulés par l'un des parents. Elle a valu à la France une mise en garde de la rapporteure spéciale de l'ONU sur les violences contre les femmes et les filles.

En cas de séparation, la perte de revenus est plus importante pour la mère : c'est aussi un point de vigilance.

Nous voterons contre ce texte.

Mme Nathalie Delattre .  - Les relations affectives ont fait l'objet d'une attention accrue au cours des dernières décennies, au point de prendre toute leur place dans la pratique du droit.

Il revient au législateur de veiller à ce que les séparations soient le moins nuisibles possible pour les enfants. Dans la continuité de la Convention relative aux droits de l'enfant, notre législation nationale est porteuse de cette idée d'équilibre et de recherche de l'intérêt de l'enfant. Le RDSE y est depuis longtemps sensible : dès 2013, lors de l'examen de la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, nous aidons défendu un dispositif, adopté par le Sénat, destiné à favoriser un partage plus équilibré des responsabilités parentales. Nous sommes nombreux à suivre des collectifs engagés sur la question, dont SOS Papa.

Je souligne l'intérêt humain de cette proposition de loi et remercie son auteure.

Deux des trois articles ne posent pas de difficulté majeure. S'agissant de la notion de régularité visée à l'article 1er, la portée est limitée, mais la précision ne nuit pas. Quant à la prise en compte de la pression d'un parent sur l'enfant dans la décision du juge, telle qu'elle est prévue par l'article 3, je suis surprise qu'elle ne figure pas déjà dans la loi.

En revanche, une difficulté se présente avec l'article 2. Selon sa rédaction initiale, le juge devait ordonner la résidence alternée dès lors qu'un des parents le demandait. Mais encore faut-il qu'elle soit possible matériellement et qu'elle ne nuise pas à la vie personnelle et scolaire de l'enfant. Faisons confiance au juge pour préserver l'intérêt de l'enfant. La rapporteure a eu raison de corriger le dispositif, en optant pour une incitation à favoriser la résidence alternée.

Cette modification atténue grandement la portée du dispositif, mais correspond à un bon compromis. Nous voterons ce texte dont nous souscrivons à l'objectif et à la philosophie. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

Mme Patricia Schillinger .  - Cette proposition de loi traite de la thématique délicate de la coparentalité. Je salue le courage d'Élisabeth Doineau, qui s'est attaquée à cette question touchant à l'intimité des individus et des familles. Nous devons aborder cette matière avec prudence.

En dépit de la volonté du législateur de favoriser la garde alternée, seulement 12 % de parents séparés en bénéficient. Nous présentons ainsi l'un des taux les plus faibles d'Europe, loin derrière la Belgique, le Danemark ou la Suède, qui en ont fait la norme - ce taux y est parfois proche de 50 %.

Les pratiques judiciaires jouent un rôle crucial. En cas d'opposition de la mère, la demande formulée par le père n'est accordée que dans 25 % à 40 % des cas. Cela alimente la crainte légitime d'un aléa tenant non seulement à la juridiction, mais au juge chargé de l'affaire. Il ne faut pas laisser penser que l'institution judiciaire pourrait être influencée en matière familiale par des dogmes ou des biais allant à rebours de notre idéal égalitaire et, potentiellement, de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Celui-ci a le droit d'être éduqué par ses deux parents, pour son bien-être et son développement. Il faut donc favoriser la résidence alternée et, à défaut, un partage aussi équilibré que possible du temps parental.

La commission a préservé la marge d'appréciation du juge en optant pour une incitation. Le but est de favoriser la mise en place d'un droit de visite et d'hébergement élargi.

Alors que notre société aspire à raison à une plus grande égalité entre les femmes et les hommes et que ces derniers sont encouragés à assumer davantage leur rôle dans la parentalité, cette proposition de loi poursuit un objectif légitime et cohérent avec le souhait de nombreux parents de vivre pleinement leur parentalité. Le juge veillera à concilier au mieux les intérêts au bénéfice de l'enfant.

Au regard des intérêts en jeu et de la complexité du sujet, le groupe RDPI laissera à ses membres la liberté de vote. Pour ma part, j'espère que le cheminement législatif de ce texte aboutira à une évolution courageuse, synonyme de progrès. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC ; Mme Marie Mercier applaudit également.)

Discussion des articles

Article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par Mme Billon.

Supprimer cet article. 

Mme Annick Billon.  - L'article 373-2 du code civil impose à chaque parent de maintenir une relation avec l'enfant. En cas de séparation, soit la résidence de l'enfant est fixée chez l'un des parents, soit la résidence alternée est adoptée. Dans le second cas, le maintien des relations va de soi. Dans le premier, la majorité des autres parents bénéficient d'un droit de visite et d'hébergement.

L'objectif premier doit rester le bien-être de l'enfant. Le bonheur de l'enfant ne se compte pas en heures de contact avec tel ou tel de ses parents, mais repose sur un environnement harmonieux et stable, propice à sa construction. Laissons chaque famille s'organiser.

Introduire une notion de régularité n'est pas utile : le cas par cas doit être la règle.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - La commission des lois a adopté cet article, certes de faible portée juridique, mais qui signifie clairement aux parents la nécessité d'entretenir une relation avec l'enfant. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le maintien des relations nécessite de facto une régularité. Si les adverbes sont souvent utiles pour les nuances qu'ils apportent, celui-ci ne paraît donc pas strictement nécessaire. Le dilemme est cornélien entre pédagogie, qui est le sens du texte, et concision. Je m'en remets à la sagesse du Sénat.

Mme Nathalie Delattre.  - C'est facile !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'en conviens...

Mme Laurence Rossignol.  - Il y aurait beaucoup à dire et à faire sur cette notion de régularité. Quid du père qui n'exerce pas son droit de visite, typiquement en ne prévenant pas la mère pour lui gâcher son week-end, à supposer qu'elle en ait prévu un ? J'ai maintes fois proposé une amende civile en pareil cas.

Parfois aussi, c'est l'enfant qui ne veut plus rendre visite à son père, ou dit en revenir malheureux. Des mères portent plainte au pénal, mais ne parviennent pas à faire transcrire cette plainte au civil - alors qu'elles peuvent être condamnées, elles, et même aller en prison pour non-présentation d'enfant !

Le garde des sceaux a émis une circulaire (M. Éric Dupond-Moretti apprécie), mais il faut aller plus loin. La notion de régularité est soit sans intérêt, soit porteuse de risques supplémentaires, qui pèseront naturellement sur les mères. Je voterai donc l'amendement.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté.

L'article 2 est adopté.

Après l'article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par Mme Billon.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2.  -  L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal.

« L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits, sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l'un des parents dans un délai de six mois à compter de la condamnation. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »

Mme Annick Billon.  - Cet amendement d'appel fait écho à la proposition de loi Santiago. Il faut protéger le parent victime de violences, mais aussi l'enfant, contraint parfois de côtoyer son bourreau.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Vous proposez le retrait de l'autorité parentale en cas de poursuites pour violences intrafamiliales. Le sujet est capital, mais ne préemptons pas les débats sur la proposition de loi Santiago. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même position, pour la même raison.

L'amendement n°6 est retiré.

Article 3

Mme Laurence Rossignol.  - J'ai laissé passer l'occasion de m'exprimer sur l'article 2.

Je ne me réjouis pas du dépôt de votre texte, madame Doineau. Depuis dix ans, c'est une sorte de marronnier. Dans un monde idéal, sans violences, les pères s'occuperaient des enfants à mi-temps. J'entends dire que les pères demandent la garde alternée, mais encore faut-il que ce ne soit pas pour se soustraire au versement de la pension alimentaire - non pas à la mère, comme beaucoup le disent, mais pour les enfants.

Dans un monde idéal, aussi, les hommes s'occuperaient des enfants avant la séparation, alors qu'ils sont plus de 40 % à penser que les mères sont plus compétentes qu'eux pour le faire.

Mme Laure Darcos.  - Pas dans la jeune génération !

Mme Laurence Rossignol.  - Il y a peut-être un progrès parmi la jeune génération, mais il est lent. Et il faudra voir dans la durée : les nouveaux pères, comme l'on disait, lorsque leurs enfants ont grandi, ont ressemblé beaucoup à leurs propres pères ! (Mme Laure Darcos s'exclame.)

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par Mme Billon.

Au début

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article 373-2-11 du code civil, après les mots : « de l'autorité parentale » sont insérés les mots : « et de droit de visite et d'hébergement » ;

Mme Annick Billon.  - Le JAF doit prendre en compte les mêmes critères pour le droit de visite et d'hébergement que pour l'exercice de l'autorité parentale.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Le juge applique déjà ces critères. En outre, vous risquez de complexifier le droit existant. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°7 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par Mme Billon.

1° Remplacer les mots :

À la fin du

par le mot :

Au

2° Après le mot :

civil,

insérer les mots :

après le mot : « physique », est inséré le mot : «, sexuelle » et

Mme Annick Billon.  - Au nombre des critères pris en compte par le JAF, les pressions ou violences physiques ou psychologiques exercées par l'un des parents sont prévues. Or la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) constate que, dans plus de neuf cas sur dix, les violences sexuelles sur des enfants sont incestueuses. En moyenne, elles commencent à l'âge de 7 ans et demi et durent plus de cinq ans. N'ignorons pas cette réalité et ajoutons les violences sexuelles aux critères pris en compte. On m'opposera que la formulation actuelle les comprend déjà, mais nous devons visibiliser ces violences particulières, qui restent un tabou dans notre société.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - L'amendement est satisfait en droit comme en pratique. Les violences sexuelles sont déjà prises en compte par les JAF -  fort heureusement. Au surplus, nous risquons des effets de bord. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

Mme Laurence Rossignol.  - Cet article 3 m'embarrasse... La question des pressions exercées par un parent sur l'enfant a un arrière-fond. Voilà des années que nous luttons contre la notion de syndrome d'aliénation parentale, importée des États-Unis sans fondement scientifique. Une circulaire du garde des sceaux incite désormais à ne pas en tenir compte, mais on en retrouve souvent la trace dans les décisions rendues, le plus souvent en défaveur de la mère - Mme Vérien connaît bien ce sujet.

Je crains que les bonnes intentions n'aboutissent à mettre en doute la parole de l'enfant, en le considérant comme l'objet de pressions. Je voterai contre l'article 3.

L'article 3 est adopté.

Après l'article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article 373-2-12 du code civil, après le mot : « juge », sont insérés les mots : « doit auditionner le mineur capable de discernement, sauf décision contraire spécialement motivée, et ».

Mme Antoinette Guhl.  - Les enfants devraient systématiquement être auditionnés par le JAF.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Votre intention est largement satisfaite : le juge peut entendre l'enfant. Il en a l'obligation si l'enfant le demande. Mais l'obligation générale que vous proposez risquerait de contraindre des enfants qui ne souhaitent pas subir cette épreuve. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par MM. Fouassin et Chasseing, Mmes Jacquemet et Nadille, M. Sautarel, Mme Schillinger et M. Rohfritsch.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

L'article 373-3 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Lorsqu'une résidence alternée est mise en place, en cas de décès d'un des deux parents, le juge peut, à la demande d'un membre de la famille du parent décédé et lorsque l'intérêt de l'enfant l'exige, décider que la résidence alternée sera poursuivie avec un membre de la famille du parent décédé qu'il désigne. »

Mme Patricia Schillinger.  - Il s'agit d'un amendement d'appel. Dans le cas du décès d'un parent, cause d'une douleur incommensurable pour l'enfant, nous devons garantir la continuité et la stabilité de sa vie en autorisant la poursuite de la résidence alternée avec un membre de la famille du parent décédé. N'oublions pas le rôle des grands-parents.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - L'autorité parentale appartient aux seuls parents. En outre, les membres de la famille concernés ne sont pas énumérés : votre amendement pourrait conduire à faire appel à des personnes sans lien fort avec l'enfant. En pratique, le juge peut reconnaître un droit de visite à des membres de la famille. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - En effet, votre amendement ne limite pas le champ des personnes concernées. Je vous rassure : les grands-parents peuvent déjà saisir le juge pour obtenir des contacts avec leurs petits-enfants. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°4 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard six mois après l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le recours aux différentes modalités de garde des enfants de parents séparés, indiquant notamment le taux de recours à la garde alternée.

Mme Antoinette Guhl.  - Nous demandons un rapport, dans les six mois, sur le recours aux différentes modalités de garde.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Comme à l'accoutumée, avis défavorable à une demande de rapport.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

Intitulé de la proposition de loi

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par Mme Billon.

Supprimer le mot :

régulier

Mme Annick Billon.  - Je retire cet amendement, sans objet du fait du rejet de mon amendement à l'article 1er.

L'amendement n°9 est retiré.

Vote sur l'ensemble

Mme Laurence Rossignol .  - Depuis dix ans, nous en savons davantage sur les violences intrafamiliales, notamment grâce aux travaux parlementaires et à l'implication de magistrats. Les violences post-séparation méritent une attention particulière, car les enfants sont un outil de poursuite du conflit parental. Or ces violences sont le plus souvent le fait des hommes, qui tuent parfois les femmes - l'inverse est beaucoup plus rare.

Les associations de pères dénoncent une injustice liée au fait que les juges sont majoritairement des femmes : c'est une légende urbaine ! (Mme Laure Darcos s'exclame.) Discutez avec les mères : certaines déplorent ne pas avoir été comprises par une juge femme.

Je voterai contre ce texte : je ne veux pas qu'il soit perçu comme un pied dans la porte.

Mme Élisabeth Doineau.  - Je remercie l'ensemble de nos collègues pour ce débat important.

J'entends les appels à la vigilance, mais je n'ai pris attache avec aucune association de papas. J'ai consulté Me Barbara Regent et la sociologue dont j'ai parlé tout à l'heure, qui m'ont beaucoup apporté. Puis Marie Mercier m'a orientée vers une nouvelle rédaction.

Nous accomplissons un petit pas, mais un pas important : je ne veux pas croire que tous nos fils soient des assassins ou des gens violents ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP ; Mme Laurence Rossignol proteste avec énergie.)

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°103 :

Nombre de votants 334
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l'adoption 279
Contre   35

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, du RDSE et du RDPI ; M. François-Noël Buffet applaudit également.)

Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente.  - Par lettre reçue ce jour, le Gouvernement demande à avancer du jeudi 21 décembre au mardi 19 décembre après-midi l'examen de la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2024.

Il en est ainsi décidé.

Prochaine séance, lundi 18 décembre 2023, à 16 heures.

La séance est levée à 19 heures.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 18 décembre 2023

Séance publique

À 16 heures et le soir

Présidence : Mme Sophie Primas, vice-présidente, M. Pierre Ouzoulias, vice-président

Secrétaires : M. Philippe Tabarot, Mme Véronique Guillotin

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains (texte de la commission, n°86, 2023-2024)

2Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP (texte de la commission, n°185, 2023-2024)

3Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques (texte de la commission, n°182, 2023-2024)

4Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie (texte de la commission, n°204, 2023-2024)

5. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels (texte de la commission, n°187, 2023-2024)

6Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à prolonger en 2024 l'utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables (texte de la commission, n°173, 2023-2024)