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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mise au point au sujet d'un vote

Questions orales

Modernisation de l'abattoir de Quillan

M. Sebastien Pla

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Instauration des clauses miroirs

M. Guislain Cambier

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Avenir de la filière forêt-bois

M. Patrick Chaize

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Projets alimentaires territoriaux

M. Hervé Gillé

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Accompagnement à l'installation-transmission des agriculteurs

M. Antoine Lefèvre

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Taxe sur les salaires des maisons de l'emploi

Mme Frédérique Puissat

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie

Fabrication française de masques

Mme Véronique Guillotin

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie

FCTVA

Mme Christine Herzog

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie

Guichet unique électronique pour les formalités des entreprises

Mme Nathalie Delattre

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie

Modification de l'ordre du jour

Questions orales (Suite)

Taxe communale sur les services funéraires

Mme Nadia Sollogoub

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie

Fonds vert et dotations d'investissement

M. Laurent Somon

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie

Guichet unique pour la nouvelle année

M. Jean-Baptiste Blanc

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie

Glacier de la Girose

M. Guillaume Gontard

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement

Installations classées pour la protection de l'environnement

M. Michel Canévet

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement

Intercommunalités et aide à la pierre

Mme Agnès Canayer

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement

Financement des logements sociaux

M. Laurent Burgoa

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement

Danger des munitions immergées

Mme Annick Billon

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement

Application de la loi Biodiversité du 8 août 2016

M. Michaël Weber

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement

Assurance des communes

Mme Céline Brulin

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement

Éligibilité des travaux dans les gîtes communaux au FCTVA

M. Guillaume Chevrollier

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement

Tarifs de l'eau

M. Hervé Reynaud

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement

Collège rural de Corlay

M. Ronan Dantec

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement

Élections dans les communes de moins de 1 000 habitants

M. Bruno Belin

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville

Délinquance et hausse des attaques au couteau

Mme Valérie Boyer

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville

Information préventive des citoyens

Mme Elsa Schalck

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville

Augmentation des campements de sans-abri à Paris

Mme Catherine Dumas

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville

Cancer comme maladie professionnelle des sapeurs-pompiers

Mme Émilienne Poumirol

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville

Occupations illicites par des gens du voyage

Mme Sylviane Noël

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville

Circulation des poids lourds dans les villages de l'Oise

M. Édouard Courtial

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville

Trimestres de retraite des sapeurs-pompiers volontaires

M. Patrice Joly

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville

Attribution du label Quartier prioritaire de la ville

M. Jean-Baptiste Lemoyne, en remplacement de Mme Dominique Vérien

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville

Écoles supérieures d'art territoriales

M. Max Brisson

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville

Pénurie de médicaments

M. Henri Cabanel

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Psychiatrie dans le Loiret

Mme Pauline Martin

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Maternités dans le Cher

M. Rémy Pointereau

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Associations d'aide alimentaire

Mme Monique de Marco

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Antennes d'officines pharmaceutiques

M. Jean-Jacques Lozach

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Infirmières libérales en milieu rural dans les Alpes-Maritimes

M. Philippe Tabarot

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Sectorisation du transport d'urgence en Seine-et-Marne

Mme Marianne Margaté

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Désengagement de l'État de TZCLD

Mme Amel Gacquerre

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Subvention au CRJS de Petit-Couronne

M. Didier Marie

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Menaces sur la maternité de Guingamp

Mme Annie Le Houerou

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Projet de loi de finances pour 2024 (Nouvelle lecture)

Discussion générale

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

Mme Nathalie Goulet

M. Thomas Dossus

M. Éric Bocquet

M. Christian Bilhac

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Isabelle Briquet

Mme Christine Lavarde

M. Emmanuel Capus

Question préalable

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

Accord en CMP

Erasmus de l'apprentissage (Procédure accélérée)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Mme Patricia Demas, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Bernard Buis

Mme Monique Lubin

Mme Frédérique Puissat

M. Pierre Médevielle

Mme Élisabeth Doineau

Mme Anne Souyris

Mme Silvana Silvani

Mme Véronique Guillotin

Respect du droit à l'image des enfants (Nouvelle lecture - Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance

Mme Isabelle Florennes, rapporteure de la commission des lois

M. Hussein Bourgi

Mme Elsa Schalck

M. Alain Marc

Mme Olivia Richard

M. Grégory Blanc

Mme Michelle Gréaume

M. Michel Masset

M. Thani Mohamed Soilihi

Discussion des articles

CMP (Nominations)

Lutte contre les dérives sectaires (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Mme Lauriane Josende, rapporteure de la commission des lois

M. Jean-Baptiste Blanc

M. Vincent Louault

Mme Dominique Vérien

M. Guy Benarroche

M. Pierre Ouzoulias

Mme Nathalie Delattre

M. Olivier Bitz

Immigration et intégration (Conclusions de la CMP)

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la CMP

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

M. Michel Masset

M. Olivier Bitz

M. Patrick Kanner

M. François-Noël Buffet

M. Christopher Szczurek

M. Louis Vogel

M. Philippe Bonnecarrère

M. Guy Benarroche

M. Ian Brossat

Lutte contre les dérives sectaires (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Christophe Chaillou

Mme Sylviane Noël

Mme Nathalie Goulet

Discussion des articles

Article 1er A

Mme Laurence Muller-Bronn

M. Pierre Ouzoulias

Après l'article 1er A

Avant l'article 1er B

Article 1er (Supprimé)

Après l'article 1er (Supprimé)

Article 2 (Supprimé)

Après l'article 2 ter

Article 3

Après l'article 3

Article 4 A

Mme Laurence Muller-Bronn

Article 4 (Supprimé)

Article 5

M. Alain Houpert

Après l'article 5

Article 6

Article 7 (Supprimé)

Vote sur l'ensemble

Mme Nathalie Delattre

M. Olivier Bitz

M. Alain Houpert

Mme Laurence Muller-Bronn

M. Alain Joyandet

Ordre du jour du mercredi 20 décembre 2023




SÉANCE

du mardi 19 décembre 2023

49e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Serge Mérillou.  - Lors du scrutin n°102, je souhaitais voter pour.

Acte en est donné.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Modernisation de l'abattoir de Quillan

M. Sebastien Pla .  - Depuis la fermeture des abattoirs de Castelnaudary et de Narbonne, le positionnement central de l'abattoir de Quillan, au plus près des exploitations, permet la commercialisation de bêtes élevées localement. Il limite la durée de transport des animaux vivants à moins d'une heure : cela contribue à leur bien-être et garantit des conditions sanitaires optimales.

Or l'inflation des charges courantes, les normes inadaptées et des coûts d'investissement élevés fragilisent l'abattoir. Les crédits du plan de relance ont financé des études visant à définir un modèle de gestion pérenne. Quelle sera la contribution financière de l'État à ces investissements ? Les petits abattoirs de proximité en zone de montagne ont-ils un avenir ? Que prévoit la future loi d'orientation agricole ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Les 181 abattoirs du pays, qui jouent un rôle majeur dans la chaîne alimentaire, ont bénéficié de 115 millions d'euros via le plan de relance.

Je vous rejoins : évitons d'ajouter des normes à des normes.

L'élevage traverse une période difficile. En juillet, j'ai demandé une étude pour définir un maillage des abattoirs adapté à l'ensemble du territoire. Je ne peux engager l'État à l'aveugle sans connaître les conclusions de ce travail, attendues au premier trimestre 2024.

Par le biais du plan de reconquête de la souveraineté de l'élevage, l'État a prévu 50 millions d'euros afin de garantir les emprunts souscrits par les abattoirs en vue de leur modernisation.

M. Sebastien Pla.  - Je me réjouis de votre réponse. Ne multiplions pas les normes et donnons des moyens aux territoires qui n'en ont pas, alors que les abattoirs peinent à recruter des salariés qualifiés.

Instauration des clauses miroirs

M. Guislain Cambier .  - Lors du premier Conseil européen sous présidence française, le 17 janvier 2022, vous aviez fait de l'instauration des clauses miroirs une priorité. Ainsi, les pays souhaitant exporter leurs produits agricoles vers l'Union européenne devraient se conformer aux normes sanitaires et environnementales européennes, auxquelles sont soumis les agriculteurs français, notamment la réduction drastique des produits phytosanitaires, qui peuvent se retrouver dans nos assiettes par le biais des produits importés.

Il s'agit avant tout de protéger le consommateur contre ces produits chimiques, dont le seul objectif est d'augmenter le volume des récoltes, quoi qu'il en coûte. De plus, il faut lutter contre cette concurrence déloyale, au détriment de nos agriculteurs, notamment ceux de l'arrondissement d'Avesnes-sur-Helpe, qui avaient soutenu votre démarche en 2022. Or, deux ans après cette annonce, nous ne voyons rien venir ! Où en est-on ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Vous ne pouvez pas dire que rien n'a été fait : ce sont le Président de la République et Julien Denormandie qui ont inscrit les clauses miroirs à l'agenda européen. La France a refusé les accords avec le Mercosur et l'Australie, car ceux-ci n'étaient pas conformes à l'accord de Paris sur le climat. Mais nous nous sentons souvent bien seuls.

La réciprocité des engagements est essentielle. Nous avons défendu trois principes : l'interdiction d'importer des produits d'origine animale ayant été traités par des traitements antimicrobiens, la fin de la tolérance pour importer des produits contenant des résidus de pesticides et la lutte contre la déforestation importée.

Des résultats ont été obtenus, comme la conditionnalité tarifaire réservant le bénéfice de l'accès aux produits bovins de Nouvelle-Zélande quand ils sont nourris à l'herbe.

Certes, tout n'est pas réglé, mais nous tentons d'insérer ces clauses miroirs lors de chaque négociation commerciale, afin d'éviter des distorsions de concurrence à nos agriculteurs.

M. Guislain Cambier.  - Nos agriculteurs méritent l'égalité de traitement. Il y va de la vie de nos villages et de notre puissance agricole. L'agriculture ne saurait être la variable d'ajustement.

Je prends toutefois acte de votre fermeté.

Avenir de la filière forêt-bois

M. Patrick Chaize .  - Il faut améliorer la balance commerciale française au service de la filière forêt-bois.

Depuis 2017, une crise sanitaire frappe les forêts les plus productives de la région Auvergne-Rhône-Alpes. La conjoncture commerciale est peu dynamique. Les recettes des propriétaires forestiers sont largement amputées.

Or le changement climatique perdurera : le modèle économique et sylvicole de la forêt française doit évoluer pour survivre, afin de préserver près de 375 000 emplois directs, notamment.

Certes, le Gouvernement a déployé des crédits importants pour la forêt, mais ceux-ci ne répondent que partiellement aux difficultés de la filière. Prévenons une dévalorisation du bois et luttons contre l'importation des bois transformés, qui désavantage les propriétaires forestiers et accroît le déficit de notre balance commerciale. En sus de France 2030, le Gouvernement envisage-t-il d'intervenir sur les politiques d'achat du bois et d'encadrer davantage les marchés ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - La crise de la forêt n'a pas débuté en 2017 : le dépérissement forestier n'est pas nouveau.

Nous devons accompagner les propriétaires face au changement climatique. Le plan de renouvellement forestier prévoit 250 millions d'euros, qui seront alloués à la plantation et au renouvellement forestiers.

La surface de certaines forêts dépérit à grande vitesse - c'est une véritable tempête silencieuse. Il faut traiter le problème rapidement ; sinon, cela représentera une perte nette pour la filière.

En outre, le projet de loi de finances actuellement examiné par le Parlement prévoit 200 millions d'euros supplémentaires.

Enfin, il faut favoriser la contractualisation, sur le modèle de l'accord de la filière « chêne », qui doit être étendu aux résineux et à tous les feuillus.

M. Patrick Chaize.  - Pour les communes forestières, la forêt est devenue non pas une source de recettes, mais de déficits. Le risque est que les communes abandonnent ces forêts.

Il faut valoriser les bois dépérissants et mieux accompagner la filière.

Projets alimentaires territoriaux

M. Hervé Gillé .  - L'examen du projet de loi de finances pour 2024 aurait pu être l'occasion de sécuriser le financement des projets alimentaires territoriaux (PAT). Or le Gouvernement semble avoir écarté cette proposition.

Le 30 novembre dernier, vous avez lancé un nouvel appel à projets en lien avec la future stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat (SNANC). Une enveloppe de 2,84 millions d'euros est prévue pour les nouveaux projets. Mais quid de l'accompagnement des projets existants de niveau 2 ? Il faut consolider les PAT qui fonctionnent en leur donnant de la visibilité.

En Gironde, le PAT du Coeur-entre-deux-mers est concerné : ses besoins sont évalués à 160 000 euros pour cinq ans. Vous avez annoncé une enveloppe supplémentaire pour les PAT existants : pouvez-vous nous en confirmer le montant et la durée ? S'agit-il d'une enveloppe pluriannuelle ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Les PAT datent d'avant 2017, mais ils n'avaient jamais été financés. Nous l'avons fait, grâce au plan de relance. Nous avons même démultiplié leur nombre. Créer des dispositifs, c'est bien, leur affecter les moyens nécessaires pour le faire, c'est mieux.

Nous créons des PAT supplémentaires et nous engageons une labellisation de leurs actions d'animation.

La planification écologique est un levier de transformation de l'agriculture. Les PAT favorisent le dialogue avec l'agriculture à l'échelle locale, en favorisant les filières courtes, par exemple.

Dès 2024, nous allouerons 20 millions d'euros aux PAT ; des financements seront réservés à l'appui technique et à l'animation des PAT existants. Nous accompagnerons aussi les PAT émergents, via l'appel à projets que vous avez cité.

Nous prévoyons un accompagnement triennal, au minimum.

M. Hervé Gillé.  - Je suis d'accord avec vous : il faut consolider la planification écologique sur une base pluriannuelle.

Le PAT du Coeur-entre-deux-mers pourrait jouer un rôle dans la reconversion des terres, rendue nécessaire par la crise viticole. Il faudrait prévoir une enveloppe dédiée.

Accompagnement à l'installation-transmission des agriculteurs

M. Antoine Lefèvre .  - Les inquiétudes planent sur la démographie agricole : 45 % des agriculteurs seront partis à la retraite d'ici à 2030. Seuls deux tiers d'entre eux seront remplacés avec certitude par de nouveaux arrivants.

Le pacte d'orientation pour le renouvellement des générations en agriculture, que vous avez présenté la semaine dernière à Yvetot, suscite de l'incompréhension, voire du mécontentement. Ses 35 mesures ne contiennent aucun objectif chiffré en matière de nouvelles installations.

Même s'il reprend l'idée de groupements fonciers agricoles d'épargnants, défendue par Vanina Paoli-Gagin dans une proposition de loi, l'avant-projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles n'aborde pas la question du foncier. Il n'est pas à la hauteur des enjeux : sans leviers fiscaux plus contraignants, le dispositif actuel ne concernerait que quelques dizaines d'agriculteurs par an, tout au plus. Quelque 40 % des exploitants louent leurs terres, pour 75 % de la surface agricole utile (SAU) : ce déséquilibre est alarmant.

Il faut des mesures fiscales performantes pour ne pas dissocier le foncier de l'installation, un panel d'aides à l'installation et une fiscalité plus avantageuse pour les nouveaux arrivants. Quelles garanties comptez-vous apporter à ces derniers ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Je vous trouve un peu dur avec le pacte et la loi d'orientation et d'avenir agricoles. (M. Antoine Lefèvre sourit.)

Nous aborderons la question du foncier agricole. Vous ne pouvez pas dire que les propositions sénatoriales en la matière sont bonnes et que celles du Gouvernement sont mauvaises lorsqu'il reprend les idées du Sénat !

Nombre d'exploitants louent leurs terres : c'est aussi vieux que l'histoire agricole française. Faut-il être forcément propriétaire du foncier ? Non ! Le fermage est un outil formidable, qui rend notre agriculture puissante et compétitive, car il facilite l'accès au foncier. Cela dit, l'installation des jeunes ne doit pas être entravée par des acteurs souhaitant agrandir leur exploitation.

Le fonds de soutien aux entrepreneurs du vivant, lancé en janvier prochain, vise à donner des moyens aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) et à tous les établissements publics fonciers pour attribuer les terres aux nouveaux exploitants.

Taxe sur les salaires des maisons de l'emploi

Mme Frédérique Puissat .  - La maison de l'emploi et de la formation des pays voironnais et sud Grésivaudan est un groupement d'intérêt public (GIP). Pendant plusieurs années, les collectivités ont mis à sa disposition des agents en CDD ; mais, afin de se mettre en conformité avec la réglementation, quinze agents sont employés directement par le GIP depuis le 1er janvier 2021. D'où son assujettissement à la taxe sur les salaires, pour 53 000 euros en 2024. La maison de l'emploi n'a pas de but lucratif : alors pourquoi ne pas la faire bénéficier de l'abattement de taxe sur les salaires prévu par le code général des impôts pour les associations ?

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - La taxe sur les salaires s'applique aux rémunérations individuelles versées par les employeurs non assujettis à la TVA. Les GIP entrent donc dans son champ d'application, y compris les maisons de l'emploi qui ont choisi cette forme juridique. L'assiette de la taxe comprend les rémunérations versées au personnel propre ou détaché, mais pas celles du personnel mis à disposition ou financé par le budget général de l'État.

Les GIP ne sont pas éligibles à l'abattement sur la taxe sur les salaires dont bénéficient certains organismes sans but lucratif. Cette taxe étant intégralement affectée au budget de la sécurité sociale, toute extension de l'abattement aurait des conséquences sur son rendement. Nous n'envisageons donc pas une telle réforme.

Je souligne que la participation de l'État au financement des maisons de l'emploi peut atteindre 70 % de leur budget de fonctionnement. C'est une piste à explorer, dans le cadre de l'enveloppe de 5 millions d'euros votée par le Parlement pour 2024.

Mme Frédérique Puissat.  - Merci pour cette réponse technique. Le Parlement abonde chaque année le budget que l'État consacre aux maisons de l'emploi - à l'exception de cette année. Les 53 000 euros de taxe sur les salaires vont freiner le développement de la maison de l'emploi : j'aimerais que vous vous engagiez à les compenser.

Fabrication française de masques

Mme Véronique Guillotin .  - Pendant la crise sanitaire, l'État a incité les entrepreneurs à investir dans la production de masques. En Meurthe-et-Moselle, l'entreprise Family Concept, dont le dirigeant est en tribune, a répondu à cet appel. Mais l'entreprise est à l'arrêt, avec des stocks deux fois supérieurs à ses contrats annuels, car les appels d'offres continuent d'être gagnés par des revendeurs asiatiques ou de grandes entreprises françaises s'agissant du stock stratégique de l'État. Beaucoup de ces entreprises, qui créent de l'emploi dans nos territoires, ne survivront pas.

On sait que certains gouvernements asiatiques subventionnent leurs entreprises. Les critères de fabrication européenne et de matière première européenne doivent être pris en compte dans nos marchés publics. Quelles sont les intentions du Gouvernement pour préserver nos entreprises françaises de fabrication de masques ?

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Ces entreprises font face à un double défi : la baisse de la demande en sortie de pandémie et une concurrence accrue avec des prix en forte baisse. Avec la loi relative à l'industrie verte, nous avons autorisé les acheteurs publics à réduire l'importance du facteur prix au profit d'autres facteurs - environnementaux, sociaux et de souveraineté. Ces nouveaux critères seront applicables dès le début de l'année 2024 ; le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a instauré une compensation pour les acheteurs publics.

Mme Véronique Guillotin.  - Certes, il y a quelques avancées, mais nous devons être vigilants. Les grosses entreprises ont été privilégiées pour la reconstitution du stock de l'État. C'est un enjeu de souveraineté et de réindustrialisation de nos territoires.

FCTVA

Mme Christine Herzog .  - Au 1er janvier 2021, les dépenses d'acquisition, d'aménagement et d'agencement de terrains ont cessé d'être éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). De nombreux élus, qui n'ont pas vu venir ce changement de règles, n'ont pas pu récupérer la TVA, avec des effets désastreux sur leur budget.

Finalement, le Gouvernement est revenu en arrière : les dépenses d'aménagement de terrains seront de nouveau éligibles à compter du 1er janvier prochain. Personne n'a rien compris : pourquoi cette interruption entre 2021 et 2023 ? Y aura-t-il rétroactivité pour les dépenses engagées pendant cette période ?

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - La loi de finances pour 2021 a mis en oeuvre la réforme de l'automatisation de la gestion du FCTVA, pour plus d'efficacité et de fiabilité. Cette réforme n'a pas remis en cause la vitesse de versement et des versements anticipés sont possibles.

Dans ce cadre, l'assiette des dépenses éligibles a été revue pour correspondre aux imputations comptables. Mais l'assiette automatisée et l'assiette réglementaire ne coïncidaient pas. Des ajustements, largement concertés depuis 2016, ont donc été opérés, dans un objectif de neutralité financière.

Le Gouvernement a néanmoins souhaité réintégrer les dépenses d'aménagement de terrains dans l'assiette du FCTVA à compter du 1er janvier 2024, ce qui majorera de 250 millions d'euros le soutien annuel de l'État aux investissements des collectivités territoriales. Il s'agit d'une mesure tournée vers l'avenir et destinée à soutenir les projets locaux, notamment en faveur de la transition écologique.

Mme Christine Herzog.  - Le FCTVA n'est pas un cadeau de l'État aux collectivités : c'est un juste retour sur l'investissement des communes. Un coup de pouce sur la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) des communes lésées serait le bienvenu.

Guichet unique électronique pour les formalités des entreprises

Mme Nathalie Delattre .  - Monsieur le ministre, je vous ai écrit en avril dernier au sujet du guichet unique électronique pour les formalités des entreprises, géré par l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi). Vous m'avez renvoyée vers les services consulaires, qui ne sont pourtant pas les développeurs de la plateforme.

Ce guichet a connu, dès son démarrage, de graves dysfonctionnements. Un an plus tard, il ne fonctionne toujours pas de manière satisfaisante : incidents, formalités non accessibles, données non récupérées... Pouvez-vous nous apporter des garanties ? Allez-vous mettre en place des procédures de secours si les problèmes persistent ? Le plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) de 2019 visait la simplification des démarches. Pouvons-nous espérer une amélioration en 2024 ?

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Ce n'est certes pas le nirvana, mais les choses s'améliorent nettement. Ancien rapporteur de la loi Pacte à l'Assemblée nationale, je suis, comme vous, attentif à l'efficacité de ce guichet.

Tous les titres de formalité sont désormais disponibles ; deux millions de déclarations ont été réalisées en 2023 ; le flux quotidien est de plus de 12 000 formalités, pour une cible de 20 000 ; le guichet reçoit 100 % des demandes de création d'entreprise et 80 % des autres formalités. Depuis janvier 2023, il est donc monté en puissance et en qualité.

L'enjeu est désormais de garantir la continuité du service, notamment pour les modifications de société. Nous travaillons à la définition d'une procédure de continuité pour les usagers. J'espère que dans quelques mois vous nous féliciterez pour le travail accompli.

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre reçue ce jour, le Gouvernement demande que l'examen de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, prévue en premier point de l'ordre du jour de cet après-midi, soit inscrit à la fin de l'ordre du jour de cet après-midi, après le début de l'examen du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires.

Acte en est donné.

Questions orales (Suite)

Taxe communale sur les services funéraires

Mme Nadia Sollogoub .  - La taxe communale sur les services funéraires a été supprimée par la loi de finances pour 2021. Pour la commune de Guérigny dans la Nièvre, c'est 4 000 euros de recettes en moins. Seules 400 communes prélevaient cette taxe. Le Sénat s'était opposé à sa suppression, en vain : elle a été supprimée au motif de son « incidence fiscale sur les proches des défunts », sans compensation alors que la Cour des comptes avait recommandé une augmentation du prix des concessions funéraires. Après la réforme de la taxe d'habitation, les budgets communaux sont de nouveau fragilisés. Le Gouvernement entend-il compenser cette perte de recettes pour les collectivités territoriales ?

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Non, ce n'est pas prévu. Cette taxe a été abrogée, suivant les recommandations de la Cour des comptes sur les taxes à faible rendement. Son produit représentait 0,1 % des recettes de fonctionnement des bénéficiaires, d'où l'absence de compensation. Les communes ont bénéficié de la revalorisation des bases de taxe foncière et des abondements de DGF - 320 millions d'euros en 2023 et en 2024.

Mme Nadia Sollogoub.  - J'ai les conclusions de la Cour des comptes sous les yeux : le prix des concessions aurait pu augmenter. Les familles n'ont pas senti les effets de la suppression de la taxe, car le prix des prestations funéraires a augmenté deux fois plus vite que l'inflation. Mais pour les quelques communes qui la percevaient, c'est une grosse perte de ressources.

Fonds vert et dotations d'investissement

M. Laurent Somon .  - En 2023, le fonds vert était annoncé à 2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 500 millions en crédits de paiement. En 2024, ce sera respectivement 2,5 milliards d'euros et 1,1 milliard, mais sans que cela figure au tableau récapitulatif des transferts financiers de l'État ou dans le rapport sur la situation des finances publiques locales. Publierez-vous la répartition prévisionnelle de ces crédits ? Des projets du fonds vert pourront-ils à nouveau être versés sur la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID), et pouvez-vous nous donner un bilan de ces transferts pour l'année 2023 ? Le verdissement de ces dotations représentera 485 millions d'euros en 2024 et la proximité de ces financements avec ceux prévus par le fonds vert est source de confusion. Cette somme doit-elle participer au financement des politiques du fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires en 2024 et à quelle hauteur ? Les collectivités et les membres des commissions DETR ont besoin d'une information précise et exhaustive sur les fonds de dotation d'investissement qui échappent à leurs décisions d'attribution.

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Les crédits de paiement utilisés pour le fonds vert ne proviennent pas du verdissement de la DETR, de la DSIL ou de la DSID. Ils ne relèvent d'ailleurs pas du même programme budgétaire. Les dotations d'investissement inscrites au programme 119 sont maintenues à près de 2 milliards d'euros en autorisation d'engagement dans le projet de loi de finances pour 2024, dont le Gouvernement a décidé de renforcer le verdissement : sur la base de la cotation du budget vert de l'État, les projets d'investissement « verts » devront représenter 20 % de la DETR, 30 % de la DSIL, 25 % de la DSID. Ces crédits ne sont pas fléchés vers le fonds vert et demeurent en intégralité portés par les dotations de soutien à l'investissement local au sein de cette mission.

Guichet unique pour la nouvelle année

M. Jean-Baptiste Blanc .  - J moins douze : le compte à rebours est lancé. Dans douze jours, les entrepreneurs ne pourront plus faire leurs déclarations via le portail Infogreffe ou sous format papier - procédure de secours demandée dès les premiers dysfonctionnements par la présidente de l'ordre des experts-comptables.

Le guichet unique présenté comme le fer de lance de la simplification administrative par la loi Pacte a connu des débuts tumultueux depuis son lancement le 1er janvier 2023, alimentant les préoccupations légitimes des entrepreneurs, des experts-comptables et des greffiers.

À l'aube de la nouvelle année, formons des voeux, monsieur le ministre : souhaitons que les bugs soient rapidement corrigés, que tous les entrepreneurs du Vaucluse et d'ailleurs puissent aborder cette nouvelle étape de la transition numérique avec confiance, et l'année 2024 soit placée sous le signe de la simplification administrative - la vraie.

Il vous reste donc douze jours pour répondre aux inquiétudes des entrepreneurs et des greffiers, soucieux de maintenir l'assistance offerte par eux pour compenser les failles du guichet unique jusqu'à son entière mise en oeuvre en 2024.

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Votre question me permet de compléter la réponse que j'ai faite à la sénatrice Delattre. Les choses s'améliorent : on compte désormais 12 000 déclarations en moyenne par jour - 20 000 à terme -, 2 millions sur l'année. Nous avons toutes les raisons d'être confiants pour 2024. Avec la loi Pacte, les réseaux consulaires, déchargés de la collecte des dossiers, sont devenus un acteur majeur de l'assistance. Leur accès au dossier du déclarant peut parfois s'avérer utile : des solutions de partage d'écran sont disponibles.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Je vous invite à prendre au sérieux ce sujet : on me parle de milliers de cas de burn-out chez les greffiers et de milliers d'entreprises qui n'ont pas pu se faire inscrire.

Glacier de la Girose

M. Guillaume Gontard .  - Monsieur le ministre, même si vous êtes du plat pays, vous savez que les Alpes se réchauffent deux fois plus vite que le reste de l'hémisphère nord. Les glaciers, véritables biens communs, le subissent de plein fouet avec de nombreuses conséquences sur le cycle de l'eau, le climat et les populations en aval, ainsi que l'ont rappelé plus de cent scientifiques et personnalités dans un appel ayant recueilli 30 000 signatures en quelques jours. Le Président de la République a annoncé dans le discours de clôture du One Planet Polar Summit vouloir « lancer la concertation qui nous permettra d'avoir la totalité de nos glaciers en protection forte. » L'un d'entre eux a besoin urgemment d'une protection forte : celui de la Girose, dans les Hautes-Alpes, dernier glacier français accessible à tous, où l'on projette pourtant de prolonger un téléphérique pour pouvoir skier sur un glacier dont les jours sont comptés - ce qui implique de construire un pylône dessus, donc de détruire son équilibre fragile. Ne devrait-on pas faire de la protection forte du glacier de la Girose la première application de la volonté présidentielle ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement .  - Quoique du plat pays, je suis d'accord avec vous : les glaciers, qui représentent environ 10 % de la surface des terres émergées, jouent un rôle majeur dans la séquestration du carbone, le cycle de l'eau ou les habitats du vivant. Or ils disparaissent plus rapidement que prévu. Le Président de la République a souhaité la mise sous protection forte d'ici 2030 des glaciers et écosystèmes postglaciaires, dont près de 60 % sont en protection forte en métropole, contre 100 % outre-mer. Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement lancera une initiative copilotée par les préfets de région et les présidents de région, afin de coconstruire la protection des glaciers avec l'ensemble des citoyens et des acteurs des territoires. Ce travail sera prochainement lancé sur le glacier de la Girose afin de faire évoluer le projet pour en minimiser l'impact, voire de proposer une alternative durable.

M. Guillaume Gontard.  - Il y a urgence : les pelles mécaniques sont déjà là.

Installations classées pour la protection de l'environnement

M. Michel Canévet .  - La France est un grand pays agricole et nous nous réjouissons que le ministère de l'agriculture soit aussi celui de la souveraineté alimentaire. Mais le régime des installations classées confronte beaucoup d'éleveurs à des procédures administratives extrêmement lourdes : à croire que les exploitations agricoles sont des installations Seveso ! Cela génère bien entendu des coûts importants : entre 3 000 et 8 000 euros pour une déclaration et entre 15 000 et 30 000 euros une demande d'autorisation, sans garantie de résultat, tant les contentieux sont nombreux.

Pour assurer effectivement notre souveraineté alimentaire, nous devons accompagner les professionnels dans leurs projets : comment le Gouvernement compte-t-il faciliter la création de nouveaux outils de production et simplifier les procédures relatives aux installations classées ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement .  - La réglementation des installations classées agricoles est constante depuis dix ans et transpose strictement le droit de l'Union européenne. Le préfet décide au cas par cas si la demande d'enregistrement d'une installation classée doit faire l'objet d'une évaluation environnementale ou non, selon la sensibilité environnementale du milieu et le cumul des incidences du projet avec d'autres projets d'installation. Des jugements récents annulant des autorisations d'extension d'élevage éclairent la lecture de cette réglementation, notamment en Bretagne, région marquée par la pollution aux nitrates et une concentration importante d'élevage. Les services du ministère ont donc engagé des travaux avec le corps préfectoral et la profession agricole, afin d'identifier les mises à jour pertinentes à apporter aux pratiques existantes.

M. Michel Canévet.  - Attention à ce que la législation européenne ne vienne encore réduire le seuil du régime de l'autorisation. La moitié de la volaille consommée en France est importée ! Ce n'est pas acceptable. Il faut de nouvelles installations, avec des règles plus souples et moins de contentieux.

Intercommunalités et aide à la pierre

Mme Agnès Canayer .  - Alors que le nombre de constructions de logements neufs n'est pas à la hauteur des besoins, l'aide à la pierre est une solution pour soutenir les programmes immobiliers des bailleurs sociaux. Les intercommunalités qui ont un plan local d'habitat peuvent demander une délégation de compétences dans ce domaine, comme l'ont fait, en Seine-Maritime, la communauté urbaine du Havre, la métropole rouennaise et les communautés d'agglomération de Dieppe et de Caux-Seine. Mais le recrutement, l'instruction des dossiers, le coût du suivi et des assurances ne sont pas compensés. Face à la crise du logement, le Gouvernement compte-t-il aider les collectivités territoriales dans la gestion de ces dossiers ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement .  - Dans le cadre des délégations des aides à la pierre, les collectivités se voient attribuer une dotation destinée au financement du parc locatif social et une dotation de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour les aides à la rénovation énergétique. Au-delà des dotations du Fonds national des aides à la pierre (Fnap), les opérations de logement social bénéficient d'un taux réduit de TVA et d'exonérations de taxes foncières sur les propriétés bâties. D'autres mesures ont été prises : maintien du taux du livret A à 3 % ; prêts à taux bonifié à hauteur de 1 milliard d'euros ; enveloppe des prêts participatifs de la Caisse des dépôts passée de 250 millions d'euros à 400 millions. En outre, la réhabilitation énergétique du parc locatif social bénéficiera de 1,2 milliard d'euros de subventions de l'État sur trois ans, en sus des éco-prêts de la Caisse des dépôts.

La communauté urbaine du Havre-Seine-Métropole a atteint ses objectifs au cours de ces trois dernières années, bonne dynamique portée par un nombre conséquent de prêts locatifs sociaux (PLS). Le projet de loi Logement, qui sera présenté en Conseil des ministres au printemps, devrait aller plus loin dans la décentralisation de la politique du logement.

Mme Agnès Canayer.  - Merci pour vos compliments sur la politique du logement au Havre. Mais attention : pour Le Havre-Seine-Métropole, la gestion des aides à la pierre représente six ETP, soit environ 200 000 euros par an. Une réflexion globale sera la bienvenue.

Financement des logements sociaux

M. Laurent Burgoa .  - Dans le Gard, des communes ont délivré à des promoteurs des permis de construire pour des programmes de logements comportant un quota de logements sociaux. En raison de la conjoncture économique, les organismes finançant les logements sociaux se sont désengagés ; les promoteurs ont dû se tourner vers des financements classiques pour réaliser ou terminer leurs programmes. De ce fait, les logements ont été acquis principalement par des primo-accédants sous le régime des prêts immobiliers classiques, évinçant les candidats aux logements sociaux.

Les communes refusent alors les demandes, illégales, de permis de construire modificatifs portant suppression des programmes de logements sociaux, et sont menacées de procès par certains promoteurs. Elles sont surtout en difficulté pour remplir leur quota de logements sociaux.

Quelles solutions le Gouvernement prévoit-il pour régler cette situation qui pénalise les communes concernées, les promoteurs et enfin la population en attente de logement social ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement .  - Le Gouvernement a pris des mesures fortes pour éviter les désengagements en augmentant la capacité d'investissement des bailleurs sociaux, dans le cadre d'un document d'engagement signé en septembre dernier avec le mouvement HLM, qui prévoit 650 millions d'euros de bonifications d'intérêt pour 8 milliards d'euros de prêts pour le financement des logements sociaux, qui s'ajoutent au maintien du taux du livret A.

Par ailleurs, nous avons voulu préserver la capacité des bailleurs sociaux à orienter leurs investissements sur l'offre nouvelle, en prévoyant 1,2 milliard de subventions sur trois ans pour rénover près de 400 000 logements sociaux.

Les promoteurs doivent respecter les servitudes de mixité sociale inscrites dans la loi et les documents d'urbanisme, et les communes sont tenues de refuser les permis modificatifs portant atteinte à ces exigences. Pour respecter ces servitudes, les promoteurs peuvent se tourner vers d'autres opérateurs, notamment ceux engagés dans des plans d'investissement en logements sociaux par achats de programme en vente en l'état futur d'achèvement (VEFA).

Enfin, les communes déficitaires en logements sociaux voient les pénalités financières minorées à hauteur des dépenses engagées pour le parc social. Ce n'est pas une amende, mais une contribution. (M. Laurent Burgoa en doute.) Il en va ainsi de toutes les subventions et moins-values permettant aux maîtres d'ouvrage d'équilibrer leurs opérations de logements sociaux. En plus d'alléger les sanctions, ces initiatives constituent un levier communal efficace pour garantir la réalisation effective des opérations tout en facilitant l'atteinte d'un équilibre économique.

Pour les reliquats du Fonds national des aides à la pierre (FNAP) de 2023, nous allons au-delà des actions déjà prévues pour atteindre l'équilibre de certaines opérations de promotion.

M. Laurent Burgoa.  - Je prends acte de votre réponse, mais les élus attendent une loi de programmation pour une vraie politique du logement. Nous avions l'espoir que vous, ex-maire de Dunkerque, qui maîtrisez parfaitement le sujet, ayez une vision. En parlant de contribution et non d'une amende, vous allez décevoir beaucoup de maires.

Danger des munitions immergées

Mme Annick Billon .  - Selon une étude indépendante, le littoral français compte 100 zones de munitions conventionnelles et chimiques, 18 décharges d'explosifs immergés, 59 zones de dépôt, 29 épaves contenant des munitions, pour la plupart issues de largages durant les deux conflits mondiaux, mais également de stockages opérés jusqu'au début des années 2000. Les tests révèlent des taux inédits de TNT et de ses dérivés nocifs.

En 2020, le ministre a répondu que faute d'études scientifiques précises, en raison de risques difficiles à évaluer et d'un état des sols moins dégradé que prévu, aucune recommandation concrète n'avait été prise. En d'autres termes, ce n'est pas une priorité.

Nous avons la preuve que c'est une menace écologique avec des conséquences humaines, environnementales, économiques et sanitaires. Quelles actions le Gouvernement va-t-il rapidement décider pour débarrasser les fonds marins de ces bombes environnementales à retardement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement .  - Le littoral dunkerquois est particulièrement concerné par ce sujet. L'État a engagé depuis plusieurs années des travaux interministériels pour établir une cartographie précise de ces zones et définir la nature de ces munitions. Il recueille aussi les informations scientifiques fiables sur l'évolution de ces munitions en mer, y compris auprès d'autres pays concernés. La modélisation du vieillissement des munitions est combinée avec des observations in situ. Une fois les zones à risque identifiées, nous surveillons l'environnement pour détecter des indices de pollution. L'État s'intéresse à toute étude pour ensuite adapter ses dispositifs de protection.

Mme Annick Billon.  - Ma question datait de 2020. Quatre sites ont été identifiés en Vendée. Certains cabinets indépendants ont déjà réalisé des cartographies, gagnez du temps en vous inspirant de ces travaux. Il y a urgence de s'emparer du sujet, car ces munitions sont dangereuses.

Application de la loi Biodiversité du 8 août 2016

M. Michaël Weber .  - Depuis 2016, année de la loi Biodiversité, je préside la fédération des parcs naturels régionaux de France qui représentent 17 % du territoire français engagé pour la préservation des patrimoines naturels et culturels.

Pourquoi de nombreux projets, financés par l'État et l'Europe via le programme Life, sont-ils bloqués depuis des années, en contradiction avec les lois et engagements de la France ?

Ainsi, l'autorisation de défrichement sans compensation pour des projets écologiques, prévue par la loi de 2016, n'a pas reçu de décret d'application. Les milieux ouverts, tels que les landes, les tourbières et les prairies arbustives ont une valeur écologique exceptionnelle. C'est peut-être contre-intuitif, mais le reboisement de ces espaces les condamne à s'appauvrir. Pour maintenir ces espaces ouverts et sauvegarder la biodiversité de ces milieux, la dérogation à la compensation est indispensable. Comment expliquer l'absence de décret d'application, sept ans après le vote de la loi ? Je suis convaincu que cette paralysie administrative a pour origine une obstruction politique. Une rumeur affirme que le ministère de l'agriculture bloquerait sciemment la publication du décret. De fait, les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) refusent souvent d'appliquer la loi Biodiversité faute de décret. Quelles sont les raisons d'une telle inertie administrative qui prive d'efficacité un texte salvateur pour nos écosystèmes ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement .  - La mosaïque paysagère de nos espaces naturels est une composante de la biodiversité. Rouvrir des espaces anciennement boisés offre des services écosystémiques importants et participe à la restauration des écosystèmes, d'où les dispositions de la loi Biodiversité pour articuler défrichement et protection des forêts menacées par le changement climatique. La loi facilite le défrichement, paradoxe apparent ayant nécessité de longues négociations pour élaborer un projet de décret, qui sera soumis au Conseil d'État début 2024 - je fais taire les rumeurs ! Il interviendra dans un cadre renouvelé pour la gestion forestière : modification des seuils de gestion durable, renouvellement des schémas régionaux de gestion sylvicole, plan ambitieux de renouvellement forestier. Il s'inscrira dans les outils de la stratégie nationale pour la biodiversité afin de restaurer des écosystèmes, en particulier les zones humides.

M. Michaël Weber.  - Je me réjouis de cette annonce. Nous serons très attentifs à la rédaction de ce décret, fort attendu.

Assurance des communes

Mme Céline Brulin .  - Une à une, les communes voient leurs contrats d'assurance résiliés ou renchéris, avec des franchises hors de prix. Parfois, elles n'ont plus de réponse à leurs appels d'offres, et deux compagnies sont en quasi-monopole.

En Seine-Maritime, Maromme, Saint-Étienne-du-Rouvray et Le Petit-Quevilly sont touchés. Bierville, 300 habitants, a dû batailler pour obtenir un nouveau contrat, en hausse de 50 %. Les compagnies se justifient par des taux de sinistralité trop élevés en raison des émeutes ou du changement climatique, mais les collectivités ne représentent que 1 à 2 % de leur chiffre d'affaires. Certaines communes doivent s'autoassurer, alors que leurs obligations légales assurantielles se sont accrues.

Il faut protéger les communes des résiliations brutales, encadrer les tarifs, veiller à une prise en compte élargie des sinistres entrant dans le cadre des catastrophes naturelles et réfléchir à l'assurabilité des collectivités qui assurent un service public et aménagent le territoire au bénéfice de tous. Une lourde responsabilité pèse sur les épaules des élus locaux, nous ne pouvons pas les laisser seuls.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement .  - Je partage votre constat. Cette situation résulte de l'augmentation de l'intensité et de la fréquence des événements climatiques en France métropolitaine et dans les outre-mer. Elle se traduit par une hausse importante et durable des coûts d'indemnisation, poussant des assureurs à se retirer du marché des collectivités. Fin septembre, le Gouvernement a conclu un accord avec les assureurs pour généraliser la médiation de l'assurance comme médiateur conventionnel pour les litiges portant sur les contrats des collectivités.

En mai, nous avons lancé une mission sur l'assurabilité des risques climatiques, y compris pour les collectivités, qui devrait rendre ses recommandations au second trimestre 2024.

Mme Céline Brulin.  - Je ne doute pas que ses préconisations seront intéressantes, mais les compagnies d'assurances ont un certain nombre d'exigences. L'État devrait se faire entendre pour que le système soit moins injuste.

Éligibilité des travaux dans les gîtes communaux au FCTVA

M. Guillaume Chevrollier .  - La loi de finances pour 2021 a instauré l'automatisation du calcul du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), qui s'opère désormais à partir des imputations comptables des dépenses des collectivités locales. Cela a réduit sensiblement les délais pour bénéficier du dispositif, mais exclut certaines dépenses auparavant éligibles. En Mayenne, Saint-Pierre-sur-Erve n'a pas pu disposer du FCTVA pour un projet de travaux dans son gîte. Mon amendement au PLF 2024 pour revenir sur cette exception n'a pas été retenu.

Or le FCTVA est essentiel au tourisme et au patrimoine communal. Les gîtes communaux redynamisent les centres-bourgs et les villages. Le Gouvernement entend-il revenir sur la liste des exceptions visées à l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales, en y ajoutant ces dépenses ? Sinon, comment soutiendrez-vous les communes rurales ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement .  - Le régime des dépenses d'aménagement des gîtes ruraux avant le 1er janvier 2021 était spécifique. Sous réserve que les collectivités ne puissent déduire la TVA par la voie fiscale, elles pouvaient bénéficier du FCTVA pour leurs dépenses d'investissement, à condition que les gîtes ne soient pas loués plus de six mois par an. Avec l'automatisation du FCTVA, une dépense y est éligible lorsqu'elle est régulièrement enregistrée sur un compte éligible, dont la liste est fixée dans l'arrêté du 30 décembre 2020, sous réserve qu'elle ne soit pas assujettie à la TVA.

Ainsi, les dépenses relatives à la construction ou l'aménagement des gîtes ruraux doivent être enregistrées sur le compte 2 132 « Immeubles de rapport », qui n'a pas été retenu dans l'assiette d'éligibilité au FCTVA. Néanmoins, lorsque ces dépenses sont enregistrées sur le compte 2 313 « Constructions », les dépenses pourront ouvrir au bénéfice du FCTVA dans la mesure où ce compte n'est pas subdivisé entre bâtiments publics et immeubles de rapport.

M. Guillaume Chevrollier.  - Merci pour ces précisions techniques. Nous avons besoin de soutien financier. Le FCTVA est un dispositif maîtrisé par les élus. Il faut l'adapter, le simplifier et stabiliser les dispositifs pour qu'ils soient mieux utilisés par nos élus.

Tarifs de l'eau

M. Hervé Reynaud .  - Face aux sécheresses à répétition, le schéma directeur d'eau potable de Loire Forez agglomération a permis de mettre en oeuvre les travaux les plus urgents dès 2023, afin de sécuriser la distribution d'eau. Mais les agriculteurs qui ne bénéficient pas de l'eau du canal du Forez restent très tributaires du réseau public d'eau potable - idem pour de nombreux établissements médico-sociaux.

Or l'agence de l'eau Loire-Bretagne va conditionner les subventions à une progressivité des tarifs - l'objectif est louable. Ainsi, la dégressivité appliquée dans les communes de montagne ne peut être maintenue par Loire Forez agglomération, au risque de perdre ces subventions, qui sont vitales.

Les prix vont donc augmenter fortement pour tous les usagers. Les forages privés vont se généraliser. Il faut des dispositifs appropriés. Les agriculteurs voient leurs activités menacées, les collectivités seront pénalisées.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement .  - Le Plan Eau a un objectif de sobriété - moins 10 % de prélèvements d'ici à 2030. Il faut donc une mobilisation de l'ensemble des usagers, y compris des agriculteurs. L'agence Loire-Bretagne a mis en place des accords de résilience, déclinaison territoriale du plan Eau. Certaines collectivités sont accompagnées ; en contrepartie, les contrats reposent sur des engagements de transferts de compétences d'ici à 2026, de fin des tarifs dégressifs et d'actions d'accompagnement des usagers.

Loire Forez exerce la compétence eau potable depuis 2020 et a mis en place une convergence des prix sans dégressivité à l'horizon de 2026. Ainsi, l'accord de résilience ne mentionne pas un engagement supplémentaire en matière de tarification. La convergence sans dégressivité est une décision antérieure.

L'accord porte sur divers travaux de sécurisation, d'interconnexions et de protection des captages, pour 5,438 millions d'euros, avec 2,924 millions d'euros d'aides de l'agence.

M. Hervé Reynaud.  - Tant d'injonctions contradictoires, qui pénalisent des démarches vertueuses !

Collège rural de Corlay

M. Ronan Dantec .  - En mars dernier, la Première ministre a affirmé la volonté du Gouvernement de généraliser les territoires éducatifs ruraux (TER). La carte scalaire est un enjeu vital pour nos territoires. Elle doit assurer à tous un équitable accès à l'éducation.

À Corlay, situé dans une zone de revitalisation rurale, la fermeture du collège public Pier An Dall, décidée hier par le conseil départemental, entraîne une très forte opposition. Prise sans concertation, cette décision est injustifiée : le coût d'un nouveau collège sera très important ; le collège de Corlay a de bons résultats, remarquables étant donné la sociologie du territoire ; enfin, les effectifs sont en hausse, et continueront de croître. Rien ne justifie cette décision.

L'État doit encore confirmer le vote du conseil départemental, le préfet annonçant son arrêté en mars. Soutenez un moratoire sur la fermeture du collège, et inscrivez-le dans le réseau des TER !

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement .  - En matière d'enseignement du second degré, le conseil départemental arrête la localisation des établissements et leurs capacités d'accueil, après avis du conseil départemental de l'éducation nationale. Il a la charge des collèges, il en assure la construction et l'entretien. Le conseil départemental des Côtes-d'Armor est donc compétent pour décider d'une fermeture.

Le collège de Corlay accueille environ 70 collégiens, avec un maximum de 80 en 2020. Dans les collèges ruraux du département, le nombre moyen d'élèves par division est de 22,8, contre 24 au niveau national en milieu rural, et 25 pour l'ensemble des collèges.

Les services de l'éducation nationale ont bien pris en compte les spécificités du milieu rural des Côtes-d'Armor.

La chambre régionale des comptes préconise de fermer un ou deux collèges proches, à Corlay ou à Saint-Nicolas-du-Pélem, distants de huit kilomètres. Fragilité des effectifs, manque d'émulation, état du bâti, autant de raisons qui expliquent cette réorientation des élèves vers d'autres établissements.

Le conseil départemental a choisi de maintenir le collège de Saint-Nicolas-du-Pélem, où la reconstruction respectera le zéro artificialisation nette (ZAN).

Élections dans les communes de moins de 1 000 habitants

M. Bruno Belin .  - On parle souvent de modernisation de la vie publique et politique. À 27 mois des prochaines élections municipales, il faut avancer.

Le panachage pour les communes de moins de 1 000 habitants est archaïque - il remonte à la IIIe République - et a des conséquences délétères. Avec un scrutin de liste, nous pourrions faire progresser la parité dans les conseils municipaux et les conseils communautaires.

Nous pourrions aussi diminuer le nombre de conseillers dans les petites communes rurales, face à la crise des vocations à venir en 2026 - voyez, en ce moment de Sainte-Barbe, nos difficultés à recruter des pompiers volontaires. Sans doute faudrait-il revaloriser les indemnités de fonction ; l'État doit aider, les budgets locaux sont à sec.

En bref : moderniser, oui, et statut de l'élu - quand ? Je souhaite avoir ce débat dans les mois à venir.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - La loi du 17 mai 2013 a créé un scrutin majoritaire binominal paritaire pour l'élection des conseillers départementaux et étendu le scrutin de liste paritaire pour l'élection des conseillers municipaux aux communes de 1 000 à 3 500 habitants.

Ainsi, la part des femmes dans les conseils municipaux est passée de 39,9 % en 2014 à 42,4 % en 2020 ; la proportion de femmes maires, de 16,9 % à 19,8 %. Bref, les conseils municipaux se féminisent.

Je comprends votre intention concernant les communes de moins de 1 000 habitants, qui représentent 71 % des communes françaises. Mais la généralisation complète du scrutin de liste pose des questions d'ordre constitutionnel. Le scrutin uninominal majoritaire respecte le principe d'expression pluraliste des opinions politiques. La parité n'a pas été étendue pour respecter le principe de libre candidature, étant donné le faible nombre de candidats. Le Gouvernement poursuit sa réflexion.

Délinquance et hausse des attaques au couteau

Mme Valérie Boyer .  - Entre 2015 et 2017, on dénombrait 44 000 victimes d'agression à l'arme blanche, soit 120 par jour. Depuis la suppression de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales en 2020, aucune donnée n'est disponible. Quel déni de réalité ! Le garde des sceaux répète que la France n'est pas un coupe-gorge. Depuis 2021, je demande de manière constante la cartographie, les chiffres et les profils de cette violence, pour en tirer tous les enseignements.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - En tant que Marseillaise, comme vous, j'ai une pensée pour Alban Gervaise, victime d'une attaque à l'arme blanche, et pour ses enfants.

Je connais votre engagement pour la sécurité des Marseillais et Marseillaises ; j'en ai fait un combat de chaque instant.

Ces attaques à l'arme blanche sont un fléau pour notre société. Attaques terroristes ou liées à des pathologies psychiatriques, le phénomène ne doit pas être sous-estimé. Crépol, Annecy, Arras, Paris nous rappellent cette terrible réalité, mais aussi la réactivité et l'engagement de nos forces de l'ordre et de nos services publics - police, pompiers, soignants, je salue leur dévouement.

Notre détermination est totale. Le Gouvernement renforce la présence visible des forces de l'ordre sur la voie publique et dans les transports en commun, qui sera doublée d'ici à 2030.

La réponse pénale est aussi au rendez-vous : depuis 2017, nous renforçons de manière exceptionnelle les moyens alloués à la justice.

Le phénomène n'est pas simple à qualifier et à quantifier. La statistique institutionnelle agrégée et analysée par les services de la sécurité intérieure ne recense pas en tant que telles les attaques à l'arme blanche, car le code pénal ne permet pas de faire la distinction.

Soyez assurée que nos forces de l'ordre continueront à agir sans relâche sur le terrain pour assurer la sécurité des Français.

Mme Valérie Boyer.  - Le phénomène était pourtant quantifiable puisque nous avions des chiffres officiels ! Je n'ai pas eu de réponse à mes nombreuses questions écrites. Notre engagement à lutter contre la délinquance n'est pas à démontrer, mais pourquoi cacher les chiffres ?

Pourquoi ces données ne sont-elles plus disponibles ? Alors que les homicides et les tentatives d'homicide explosent en France, pourquoi ne pas communiquer ces éléments dont on disposait auparavant ? Seule la presse régionale en parle ! La moindre des choses serait de disposer de données précises sur ce phénomène de société, qui dépasse les simples faits divers. Il n'est pas normal de cacher ces statistiques aux Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Information préventive des citoyens

Mme Elsa Schalck .  - Le décret du 15 septembre 2023 impose aux maires d'informer les populations sur les risques majeurs et leur prévention. Dès lors, il faut des outils adéquats. Or les maires n'ont pas une connaissance actualisée de la population de leur commune : comment, dans ces conditions, faire parvenir l'information ?

Les maires doivent pouvoir tenir un registre domiciliaire actualisé : les nouveaux arrivants devraient se déclarer en mairie, d'autant que l'on déménage de plus en plus. De nombreux pays européens appliquent cette mesure de bon sens - Allemagne, Italie, Belgique, Espagne.

Ainsi, les maires pourraient mieux exercer leurs missions au quotidien, et anticiper les investissements nécessaires.

Il y va du lien de confiance entre les maires et l'État. Quand allez-vous autoriser les maires de France à disposer d'un outil efficient pour connaître leur population et ainsi mieux l'informer ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - L'obligation d'information préventive sur les risques majeurs est souple : le maire a le choix des moyens - affichage, réunions publiques, sites web, réseaux sociaux. Je comprends votre souhait de disposer d'un état des lieux détaillé. 

Cependant, le Gouvernement n'est pas favorable à une obligation de déclaration domiciliaire, qui se traduirait par la constitution d'un fichier de données à caractère personnel, à rebours des principes constitutionnels que sont la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée.

Dans une décision du 13 mars 2014, le Conseil constitutionnel demande que la création d'un fichier de données à caractère personnel soit justifiée par un motif d'intérêt général précis et suffisamment important pour s'équilibrer avec la protection des libertés individuelles.

Enfin, une telle obligation créerait des charges importantes pour les communes - délivrance de récépissés, tenue de registres.

Les maires, via les opérations de recensement de l'Insee, ont déjà des informations à disposition.

Augmentation des campements de sans-abri à Paris

Mme Catherine Dumas .  - Les Parisiens constatent l'augmentation du nombre de campements de sans-abri, notamment du fait de la fin de la convention entre l'État et les hôtels, liée aux jeux Olympiques et Paralympiques. Il y a donc une pénurie d'hébergements d'urgence et un manque de rotation de places : 4 358 personnes sont sur liste d'attente rien qu'à Paris. Le 115, seul point d'accès, est engorgé.

Les sans-abri vivent dans des conditions indignes, et les Parisiens subissent les nuisances. Le secrétariat général de la ville de Paris doit recueillir l'accord de la personne concernée avant toute expulsion et dresser une liste de « motifs aggravants », mais les critères sont flous. Les maires des arrondissements concernés sont démunis. Le Gouvernement définira-t-il une procédure plus rapide mettant les maires d'arrondissement au coeur des décisions ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - Depuis le début de l'année, les services de la préfecture de police ont recensé 276 sites, de la tente isolée à des campements plus importants : 602 tentes et 180 abris ont été dénombrés, occupés par 1 167 personnes. La préfecture de Paris est compétente sur l'hébergement d'urgence. Elle intervient à la demande de l'autorité judiciaire afin de prêter le concours de la force publique pour l'évacuation de campements illicites. Les services de police sont mobilisés pour détecter les nouvelles implantations.

Les conditions de vie comme les problèmes de voisinage ont conduit les services de l'État à placer 5 973 personnes à l'abri, dont 4 251 hommes isolés et 1 271 personnes en famille. Le 20 juin dernier, le Gouvernement a lancé le deuxième plan Logement d'abord, avec 25 000 logements en résidences sociales et foyers de jeunes travailleurs, 30 000 places d'intermédiation locative et 10 000 places de pension de famille.

Mme Catherine Dumas.  - Les habitants du XVIIe arrondissement, notamment, subissent des nuisances depuis de nombreux mois. Appuyez-vous sur les maires d'arrondissement.

Cancer comme maladie professionnelle des sapeurs-pompiers

Mme Émilienne Poumirol .  - L'émission « Vert de rage » a montré que les sapeurs-pompiers, professionnels comme volontaires, étaient exposés aux retardateurs de flamme, cancérigènes reconnus. Dès 2003, un rapport au ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy recommandait une veille sanitaire. Vingt ans plus tard, aucune étude.

En juin 2022, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a conclu à un lien avec le mésothéliome et le cancer de la vessie, par exemple. Pourtant, seul le carcinome du nasopharynx est reconnu comme maladie professionnelle, contre 28 cancers différents aux États-Unis et 19 au Canada.

Agnès Buzyn avait annoncé la révision du tableau des maladies professionnelles - sachant que la branche AT-MP est chroniquement excédentaire. Allez-vous enfin reconnaître les maladies professionnelles des sapeurs-pompiers et améliorer la prévention ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - L'exposition aux fumées est identifiée et prise en compte. Les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires sont soumis régulièrement à une visite d'aptitude. Des travaux sont en cours pour adapter les pratiques médicales au regard du risque de cancer.

Le décret du 5 novembre 2015 instaure le droit à un suivi médical post-professionnel pour les agents publics territoriaux, dont les sapeurs-pompiers professionnels, pris en charge par les services départementaux d'incendie et de secours. Ces derniers ont instauré des mesures de prévention, avec des soutiens de santé et des équipes de protection.

Le Circ, la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises effectuent des recherches.

Mme Émilienne Poumirol.  - Justement, le Circ a démontré ce lien étroit. Il n'est plus temps de tergiverser, alors que 2 000 pompiers sont concernés. Présidente de Sdis et médecin, je suis en contact avec des personnes atteintes.

Occupations illicites par des gens du voyage

Mme Sylviane Noël .  - Au carrefour de la Suisse et de l'Italie, la Haute-Savoie attire des gens du voyage, qui s'installent en toute illégalité. Les conséquences sont catastrophiques, pour le voisinage comme pour les entreprises.

La délivrance aisée de patentes helvétiques par les autorités genevoises est un facteur d'attractivité, avec à la clé travail et plaques d'immatriculation suisses. Cette étrange facilité crée un appel d'air. Le canton de Genève n'ayant aucune obligation de construire des aires d'accueil, contrairement à nos communes, les gens du voyage reviennent chaque soir. Ce serait à nos amis suisses de les loger. Quelles démarches ont été engagées avec la Suisse ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - En 2021, le préfet de Haute-Savoie a pris 45 mises en demeure à l'encontre de groupes de gens du voyage installés de manière illicite, 20 en 2022 et 74 en 2023, dont un tiers concerne un seul groupe de 250 caravanes, semi-sédentarisé, bien connu des services, qui sillonne l'arc lémanique.

Le préfet entend s'appuyer sur toutes les dispositions existantes. Les forces de l'ordre contrôlent, saisissent des véhicules et verbalisent, notamment les véhicules immatriculés en Suisse, en collaboration avec les services de police suisse.

Il faut accentuer la coopération avec Genève sur la délivrance et le retrait de patentes. Le sujet a été évoqué ce jeudi 14 décembre lors du Comité régional franco-genevois, coprésidé par la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes et le président du Conseil d'État de Genève ; il le sera de nouveau au printemps.

Mme Sylviane Noël.  - Je m'en réjouis. Le groupe en question ne répond plus à aucune particularité des gens du voyage et ne doit plus avoir ce statut. Il y a un an, en Haute-Savoie, Gérald Darmanin s'était engagé à faire évoluer la loi Besson, avant qu'il y ait un drame.

Circulation des poids lourds dans les villages de l'Oise

M. Édouard Courtial .  - Mille : c'est le nombre de camions circulant chaque jour dans certains villages de l'Oise. Les riverains ne supportent plus cette nuisance qu'ils comparent au Grand Prix de Monaco, et demandent des radars, des contrôles pour respecter les déviations, des ralentisseurs.

Le conseil départemental de l'Oise va publier une charte de bonne conduite, mais le trafic emporte des conséquences sur la santé des administrés, du fait de la pollution sonore et atmosphérique ; sur la sécurité routière - accident du 12 décembre dernier à Verberie a provoqué une coupure de courant ; sur la détérioration des infrastructures, dans un contexte budgétaire contraint.

Loin de l'image d'Épinal, on n'entend plus les oiseaux chanter, mais les moteurs vrombir, car certaines entreprises peu scrupuleuses veulent faire des économies de péage. Entendez les élus de ces communes.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - Le code général des collectivités territoriales permet au maire d'interdire l'accès à certaines voies aux poids lourds, mais la restriction est l'exception : un maire ne peut leur fermer l'agglomération de manière permanente. En revanche, il peut motiver des mesures restrictives, selon des critères non énumérés.

De 2021 à 2023, la gendarmerie a relevé une nette hausse des infractions liées au non-respect des restrictions de circulation dans l'Oise, dont le nombre est passé de 301 à 598. Elle a consacré 1 570 heures à la coordination des transports en 2021, 2 670 heures en 2023.

La vidéoverbalisation permet de constater l'infraction sans interception. Le ministère étend le périmètre des infractions constatables par ce biais aux infractions aux interdictions de circulation, et l'accès au système d'immatriculation des véhicules aux policiers municipaux.

Trimestres de retraite des sapeurs-pompiers volontaires

M. Patrice Joly .  - À l'occasion de la loi portant réforme des retraites, le Sénat, unanime, a accordé aux sapeurs-pompiers volontaires trois trimestres supplémentaires à compter de dix années d'engagement, puis, au-delà, un trimestre tous les cinq ans.

Nous marquons ainsi notre reconnaissance envers l'engagement citoyen de ces hommes et de ces femmes qui assument des missions dangereuses au bénéfice de la collectivité, en sus de leur activité professionnelle. La mesure vise également à soutenir le recrutement de volontaires face aux événements climatiques et aux carences sanitaires : sans eux, la sécurité de nos concitoyens ne pourrait être assurée.

En cette période de Sainte-Barbe, les sapeurs-pompiers volontaires s'inquiètent de l'absence de décret d'application, dont il se dit qu'il établirait une distinction entre les volontaires selon qu'ils exercent ou non une activité professionnelle.

Quand le décret sera-t-il publié ? Confirmez-vous que tous les sapeurs-pompiers volontaires, sans exception, en bénéficieront ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - Issu d'un amendement transpartisan, l'article 24 de la loi du 14 avril 2023 permet aux sapeurs-pompiers volontaires justifiant d'une durée minimum d'engagement de valider des trimestres de retraite, au titre de la reconnaissance de leur engagement au service de nos concitoyens.

Ainsi, le projet de décret en Conseil d'État permet l'octroi de trois trimestres pour dix ans d'engagement, continus ou non, puis d'un trimestre par tranche de cinq ans d'engagement supplémentaire. Il adapte également la mesure aux régimes des marins et des fonctionnaires.

Après avoir été soumis à l'avis des différentes caisses de retraite, il est en cours d'étude au Conseil d'État, qui devrait rendre son avis demain, mercredi 20 décembre. Sa publication devrait intervenir d'ici à la fin de l'année. La mesure s'appliquera aux liquidations de pensions qui interviendront dès le lendemain de son entrée en vigueur.

M. Patrice Joly.  - Vous ne m'avez pas répondu sur une éventuelle distinction en fonction de la situation professionnelle. Consultez-les, rassurez-les, levez les inquiétudes : nous avons besoin d'eux !

Attribution du label Quartier prioritaire de la ville

M. Jean-Baptiste Lemoyne, en remplacement de Mme Dominique Vérien .  - Je partage la préoccupation de Dominique Vérien concernant les critères d'attribution des subventions relatives aux quartiers prioritaires de la ville (QPV), notamment quant au seuil de population. Pour rentrer dans le dispositif, il faut que l'aire urbaine ait une population d'au moins 10 000 habitants. Or les élus ne partagent pas toujours l'appréciation de l'Insee !

Le classement en QPV a des conséquences importantes en termes de subventions : pour la ville de Joigny, cela représente 715 000 euros par an. Il a aussi un effet levier auprès d'autres financeurs, comme la région. Or le dernier recensement a fait passer la ville de Joigny sous la barre des 10 000 habitants - non qu'elle ait perdu des habitants, mais parce que nombre d'entre eux ne se sont pas fait recenser. Peut-on espérer une certaine souplesse dans l'appréciation des seuils de population pour éviter de faire sortir la ville de la carte des QPV qui est en cours d'élaboration ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - La mise à jour du zonage, qui date de 2014, est en cours de finalisation. Deux décrets seront publiés avant le 31 décembre : un décret méthode, qui définit les modalités particulières des critères prévus par la loi Lamy de 2014, et un décret liste.

Les échanges étroits entre les élus et les préfets, menés tout au long de l'année, ont fait remonter plusieurs sujets, dont celui que vous évoquez. En effet, des habitants ont pu refuser de se faire recenser, ou avoir été temporairement relogés dans une commune voisine le temps de programmes de renouvellement urbain, faisant passer une unité urbaine sous le seuil des 10 000 habitants.

Le décret méthode, qui doit prendre en compte ces situations, est actuellement devant le Conseil d'État ; je ne pourrai vous répondre précisément sur le cas de Joigny qu'une fois son avis rendu. Comptez sur ma détermination pour que le nouveau zonage soit au plus proche de chaque territoire et réponde aux besoins des plus fragiles. Les préfets travailleront étroitement avec les élus et les habitants, dans le cadre de concertations citoyennes. Je vous ferai une réponse écrite précise, dès l'avis du Conseil d'État rendu.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Votre prédécesseur s'était engagé à ce qu'on fasse preuve de souplesse. Tant le préfet de département que de région se sont montrés ouverts au maintien de Joigny dans le zonage ; j'espère que cela pourra être concrétisé.

Écoles supérieures d'art territoriales

M. Max Brisson .  - Constituées en établissements publics de coopération culturelle (EPCC), les écoles supérieures d'art territoriales délivrent des diplômes nationaux labellisés par le ministère de la culture. Pour autant, l'État ne les finance qu'à hauteur de 10 % en moyenne, avec de grandes variations entre établissements : la moyenne est de 1 960 euros par étudiant, mais certaines écoles touchent moins de 1 000 euros, et sont en grande difficulté. Cette dotation n'a pas évolué depuis douze ans, ce qui représente une baisse de 14 % en euros constants, alors qu'elles font face aux exigences croissantes de l'enseignement supérieur, à l'inflation, à la revalorisation des salaires. Sous-financées, ces écoles ne parviennent plus à équilibrer leur budget.

La ministre de la culture a annoncé en mars dernier une aide d'urgence de 2 millions d'euros, répartie entre les 33 établissements et reconduite dans le dernier projet de loi de finances. Mais cela ne répond ni à la gravité de la situation ni à la question structurelle de la responsabilité de l'État.

Alors que le gouvernement a donné un avis défavorable à l'amendement du Sénat au projet de loi de finances, pourtant défendu par les élus et les professionnels, quelle mesure envisage-t-il pour garantir la pérennité des écoles supérieures d'art territoriales ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - Anciennes régies municipales, ces écoles relèvent des collectivités locales et bénéficient d'un soutien financier du ministère de la culture à hauteur d'environ 11 % de leurs ressources. Ce soutien est passé de 16,2 millions d'euros en 2012 à 21 millions en 2022, soit une hausse de 30 % en dix ans.

Afin de répondre aux difficultés dues à l'inflation et, dans certains cas, à la baisse des contributions des collectivités locales, la ministre de la culture a débloqué une aide d'urgence de 2 millions d'euros. L'école de Pau-Tarbes a bénéficié d'une augmentation du soutien de l'État de 42 %.

Rima Abdul-Malak a en outre soclé cette aide dans le budget et décidé un effort supplémentaire de 3 millions d'euros en investissement. Un rapport rendu public a formulé quatre préconisations : revoir la gouvernance en impliquant davantage les régions et les intercommunalités ; cartographier l'ensemble de l'offre de formation artistique, publique et privée ; objectiver la dépense de l'État par étudiant ; mieux faire connaître ces écoles.

À l'appui de ce travail et des rapports de la Cour des comptes et du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, ses services élaborent un plan d'action en faveur de ces écoles, dans une logique de dialogue et de concertation.

M. Max Brisson.  - Les états généraux de l'enseignement supérieur artistique doivent rapidement se réunir pour fixer de nouveaux équilibres financiers et garantir la pérennité des EPCC. Pour mettre fin aux inégalités entre établissements, pourquoi ne pas mettre en place un forfait fixe par étudiant, au lieu du saupoudrage actuel ?

Pénurie de médicaments

M. Henri Cabanel .  - À l'hiver 2022-2023, 75 000 passages aux urgences ont été enregistrés pour des cas de bronchiolite. Depuis septembre, il est possible d'administrer aux bébés un traitement préventif. Malgré la commande de 200 000 doses de Beyfortus, plus aucune dose n'était disponible une semaine après le lancement d'une campagne de communication incitant à la vaccination.

Plus généralement, le nombre de patients se disant confrontés à une pénurie sur un médicament a bondi de 29 à 37 % en une année : amoxicilline, paracétamol, médicaments liés à la cardiologie... Cette situation, qui inquiète légitimement les Français, s'explique notamment par des délocalisations massives de laboratoires pharmaceutiques en quête de rentabilité, et par la concentration quasi monopolistique de la production, certains médicaments n'étant fournis que par une seule entreprise.

Madame la ministre, quand les doses de Beyfortus seront-elles disponibles pour éviter les hospitalisations ? Plus généralement, quelle est votre stratégie pour augmenter les stocks de médicaments ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - En juillet 2023, les autorités françaises ont réservé 200 000 doses de Beyfortus, en prévision des épidémies de l'hiver. La France a été le premier pays à déployer de façon aussi large cet outil de prévention. La campagne d'immunisation des nourrissons contre la bronchiolite a débuté le 15 septembre et a rencontré une forte adhésion de la part des professionnels et des parents. On ne peut que s'en réjouir. Dans un contexte de très forte demande, les discussions avec les laboratoires ont permis de sécuriser 50 000 doses additionnelles pour prolonger la campagne en cours.

Plus généralement, la feuille de route adoptée en 2023 a posé les premiers jalons d'une nouvelle stratégie en matière de prévention et de gestion des pénuries. Le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale contient trois mesures sur le sujet. La première vise à prévenir les ruptures d'approvisionnement à la suite de l'arrêt de commercialisation de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur mature. La deuxième limite la vente directe entre les laboratoires pharmaceutiques et les officines et renforce des leviers d'épargne en cas de rupture d'approvisionnement. La troisième élargit les dispositifs de production alternative aux spécialités pharmaceutiques.

En parallèle et à la demande d'Aurélien Rousseau, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, en lien avec l'Ordre des pharmaciens, a présidé à la signature, le 22 novembre dernier, d'une charte destinée à fluidifier la chaîne de distribution.

M. Henri Cabanel.  - La pénurie montre que l'impact de la compagne de communication n'a pas été maîtrisé. Dans l'Hérault, les pharmaciens mènent une action afin que les patients envoient un courrier au Président de la République, en espérant une réponse favorable.

Psychiatrie dans le Loiret

Mme Pauline Martin .  - Selon l'observatoire régional de la santé (ORS) du Centre-Val de Loire, le Loiret ne dispose que de 12,7 psychiatres pour 100 000 habitants, contre 15,4 au niveau régional. Sa dotation financière en psychiatrie est de 140 euros par habitant, contre 160 euros au niveau régional et 170 euros au niveau national. L'établissement public de santé mentale (EPSM) Georges Daumézon, qui prend en charge plus de 17 000 patients dans un bassin de population de 600 000 habitants, doit fermer des lits, faute de moyens, notamment en personnels.

Comment répondre aux difficultés de cet établissement et de l'ensemble du département pour mettre fin à cette inégalité criante entre les territoires ? Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour répondre à la crise de la psychiatrie publique, qui affecte particulièrement l'aide sociale à l'enfance ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Le Gouvernement a augmenté le nombre de postes d'internes en psychiatrie depuis 2018. La psychiatrie a, en outre, été reconnue en 2022 parmi les spécialités en tension, et le taux d'étudiants hospitaliers de deuxième cycle dans ce service a été augmenté.

Des objectifs ambitieux ont été inscrits dans le projet régional de santé pour les cinq prochaines années : améliorer la formation des professionnels de santé, renforcer l'attractivité du secteur, fidéliser les professionnels, déployer la télémédecine. L'ouverture d'une faculté de médecine à Orléans accroîtra le nombre d'internes en psychiatrie.

Je salue l'engagement des professionnels de l'EPSM Georges Daumézon. Le Gouvernement a soutenu cet établissement, notamment par la mise en place d'une équipe mobile psychiatrie précarité (EMPP) et d'une équipe mobile d'intervention et de crise (Emic) pour enfants et adolescents. Nous avons également renforcé les centres médico-psychologiques (CMP) pour enfants et adolescents.

Mme Pauline Martin.  - Il faut une mobilisation générale pour répondre à cet appel au secours !

Maternités dans le Cher

M. Rémy Pointereau .  - Le projet régional de santé de la région Centre-Val de Loire risque d'avoir de graves conséquences en matière d'accès aux soins, notamment obstétriques, dans le Cher, car il fait mention de suppressions de maternité inacceptables à Vierzon et Saint-Amand-Montrond. Supprimer une maternité, c'est risquer d'engorger les autres et de mettre en danger les femmes enceintes et leurs bébés. Garantissez le maintien des maternités dans un territoire où le désert médical, tel le Sahara, s'agrandit au fil des années !

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Face aux fortes tensions subies par les maternités françaises, le Gouvernement oeuvre pour que les femmes enceintes aient une prise en charge de qualité au plus près de leur domicile, jusqu'à l'accouchement. Si une fermeture ne peut être évitée du fait d'un manque de professionnels de santé, des hébergements non médicalisés sont déployés à proximité des maternités de référence. Nous soutenons aussi la création de centres périnataux de proximité (CPP), qui offrent une large palette de services.

Dans le Cher, quatre maternités sont en activité, dont trois dans les centres hospitaliers de Bourges, Vierzon et Saint-Amand-Montrond et une en clinique, à Bourges. Des équipes complètes de gynécologues et d'anesthésistes sont présentes sept jours sur sept et 24 heures sur 24. Aucune maternité ne sera remise en cause. Notre objectif est de maintenir l'offre existante et d'accompagner les transformations si cela devient nécessaire.

M. Rémy Pointereau.  - Vous me rassurez, mais je ne compte plus le nombre d'interventions faites sur le problème de l'accès aux soins, qui relève du droit de vivre ! Il s'agit ici de préserver le droit de naître, qui ne saurait faire l'objet de logiques rentables, même si nous entendons les difficultés liées au manque de personnel. Ne touchons pas au maillage actuel : c'est une question d'égalité devant l'accès à la santé.

Associations d'aide alimentaire

Mme Monique de Marco .  - Les associations d'aide alimentaire sont dans une situation dramatique, malgré les mesures prises. En Gironde, le nombre de personnes reçues par le Secours populaire français a augmenté de 10 % en 2023. Les publics concernés sont de plus en plus nombreux. Les Restos du coeur ont distribué 47 % de repas en plus en France cette année.

Dans le même temps, les dotations du soutien européen à l'aide alimentaire (SEAA) ont diminué de 25 % par rapport à 2022. Les montants prévus pour 2024 ne compenseront pas les effets de l'inflation sur les produits alimentaires. Les 1 500 bénévoles des antennes girondines du Secours populaire français, qui se sentent démunis, s'inquiètent de ne pouvoir répondre aux besoins des nouveaux arrivants.

Il faut renforcer les dispositifs européens et nationaux, hors appels à projets, pour garantir aux associations les moyens financiers nécessaires à leur mission d'aide sociale, et mettre en oeuvre des aides spécifiques.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Le Pacte des solidarités, qui vise à garantir à tous l'accès à une alimentation de qualité, se distingue par un engagement financier sans précédent. Un budget exceptionnel de 156 millions d'euros a été alloué par le Gouvernement en 2023 pour soutenir les associations de l'aide alimentaire nationale - les Restos du coeur, le Secours populaire, la Croix-Rouge, les banques alimentaires ; soit plus du double de l'année 2021, dans le cadre du programme « Mieux manger pour tous ». Quelque 66 millions d'euros sont en outre dédiés aux associations locales. Le programme « Mieux manger pour tous » recevra 100 millions d'euros par an d'ici à 2027. Le Gouvernement a par ailleurs sollicité de grandes entreprises pour des dons en nature : les Restos du coeur recevront ainsi une aide équivalente à 2,5 millions d'euros. Il a également obtenu 80 millions d'euros de fonds européens supplémentaires pour la période 2024-2027.

Antennes d'officines pharmaceutiques

M. Jean-Jacques Lozach .  - Le décret relatif aux territoires fragiles en matière d'offre pharmaceutique, déterminant pour le lancement de l'expérimentation des antennes d'officines inscrite par le Sénat dans la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) de 2020, se fait toujours attendre. Un seul projet d'antenne de pharmacie, autorisé en octobre 2023 dans les Alpes-Maritimes, n'a pas abouti du fait de plusieurs obstacles juridiques et de difficultés de recrutement.

La proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels permettra-t-elle de lever les obstacles identifiés ? Le Gouvernement prévoit-il d'étendre le champ des dérogations et de clarifier le statut juridique des antennes ? Les pharmaciens pourront-ils assurer l'éducation thérapeutique et l'accompagnement des patients, délivrer des conseils et prestations, prescrire et administrer certains vaccins ? La facturation sera-t-elle autorisée dans les antennes pour les pharmaciens adjoints ne disposant pas d'une carte de professionnel de santé (CPS) ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - - Dans le cas où la seule officine d'un village cesse son activité sans avoir trouvé de repreneur, l'agence régionale de santé (ARS) pourra autoriser l'ouverture d'une antenne rattachée à une pharmacie située à proximité. Toutefois, des difficultés juridiques et techniques ont compromis la mise en oeuvre de cette expérimentation, d'où sa réintroduction dans la proposition de loi susmentionnée.

Le champ des dérogations nécessaires sera étendu. Les antennes proposeront l'intégralité des missions réalisées habituellement dans les officines, facturation incluse. L'expérimentation sera prochainement lancée. Elle est à distinguer du décret sur les territoires fragiles, dont une nouvelle version sera présentée début 2024. Les ARS fixeront par arrêté la liste des territoires concernés.

Infirmières libérales en milieu rural dans les Alpes-Maritimes

M. Philippe Tabarot .  - Depuis le 1er septembre dernier, les infirmières libérales exerçant dans les vallées de la Roya, de la Bévéra, de la Tinée et de La Vésubie ont cessé d'assurer les prises de sang. Jusqu'ici, elles percevaient 3 euros par prise de sang, du fait d'accords passés avec les laboratoires d'analyse. Or l'État et la sécurité sociale ont mis un coup d'arrêt à ce système.

Leurs conditions de travail sont pourtant difficiles en raison des nombreux kilomètres à parcourir.

Les patients doivent dorénavant se rendre dans des laboratoires ; ceux qui ne peuvent se déplacer subissent des retards.

Le montant des indemnités kilométriques en montagne est inégalitaire. Les indemnités kilométriques entre hameaux séparés à l'intérieur d'une même commune ne sont pas prises en compte. Que comptez-vous faire face à cette situation intenable ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Un protocole d'accord national signé le 6 mai 2021 prévoit que les partenaires conventionnels peuvent conclure des accords locaux sur les modalités de facturation des indemnités kilométriques. L'accord du 16 juin 2023 augmente par ailleurs de 10 % l'indemnité forfaitaire de déplacement et généralise à partir d'octobre 2023 le bilan de soins infirmiers pour les patients dépendants de moins de 85 ans suivis à domicile.

Dans le cadre d'un travail mené par l'ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur et la caisse primaire d'assurance maladie, l'adaptation des horaires de ramassage par les coursiers des laboratoires a été étudiée, ainsi qu'une subvention institutionnelle pour prise en compte de la pénibilité et des contraintes en zone de montagne. Le ministre vous informera de la suite donnée à ces travaux.

M. Philippe Tabarot.  - Ce n'est pas suffisant. Ces différences de traitement infondées alimentent la précarité des infirmiers libéraux, pourtant essentiels au bon fonctionnement de notre système de soins, et pénalisent les patients.

Sectorisation du transport d'urgence en Seine-et-Marne

Mme Marianne Margaté .  - La sectorisation du transport d'urgence dans le nord-ouest seine-et-marnais, secteur frontalier de trois départements, est totalement inadaptée.

Les communes de Mauregard, Compans, Marchémoret, Villeneuve-sous-Dammartin, Othis, Le Mesnil-Amelot, Dammartin-en-Goële, Villeparisis et Mitry-Mory, soit plus de 60 000 habitants, sont à proximité de l'hôpital de Senlis, dans l'Oise, du centre Robert Ballanger, en Seine-Saint-Denis, et de l'hôpital de Gonesse, dans le Val-d'Oise. Pourtant, les pompiers doivent acheminer les victimes vers d'autres établissements.

Ainsi, à Mitry-Mory, ils sont contraints de solliciter la structure mobile d'urgence et de réanimation (Smur) de Meaux et de transporter la victime à l'hôpital de Jossigny, à plus de 30 kilomètres, alors que l'hôpital Ballanger n'est qu'à 10 kilomètres. Les retards de prise en charge qui en résultent peuvent avoir des conséquences vitales. La volonté de de la victime est ignorée ; la disponibilité des véhicules de secours et des personnels est également affectée.

Élus, représentants des hôpitaux et du Sdis de Seine-et-Marne demandent que les patients soient acheminés vers l'hôpital le plus proche, sans considération de frontières déconnectées des réalités territoriales. La seule préoccupation qui vaille, c'est de sauver des vies ! Le Gouvernement compte-t-il agir en ce sens ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Les patients de Mitry-Mory sont, en effet, plus proches des établissements de Seine-Saint-Denis que de l'hôpital de Jossigny.

Les urgences des hôpitaux publics et privés de Seine-Saint-Denis ne sont pas fermées aux patients du territoire Roissy-Pays de France : 10 % des patients reçus à Robert Ballanger viennent de Seine-et-Marne, de même que 34 % des patients reçus aux urgences du Vert-Galant, à Tremblay-en-France. Le centre du Raincy-Montfermeil fait actuellement l'objet de travaux qui réduisent la superficie des urgences ; la restriction d'accueil des transports sanitaires est temporaire.

Une réforme majeure de la garde et des transports sanitaires urgents a été engagée en 2022 pour renforcer l'organisation et la réponse des entreprises de transport intervenant à la demande du Samu ; elle est déclinée dans chaque département. Désormais, il y a au moins un véhicule de garde en permanence par secteur. Les secteurs de Jossigny, Meaux et Melun, plus denses, bénéficient d'un second moyen de garde pendant tout ou partie de la journée. Au total, entre neuf et onze ambulances de garde sont à la disposition du Samu 77.

Désengagement de l'État de TZCLD

Mme Amel Gacquerre .  - C'est désormais acté : l'expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée (TZCLD) se poursuivra presque normalement en 2024, une nouvelle rassurante pour ce dispositif qui donne des résultats probants sur les 58 territoires habilités. Dans ce cadre, une soixantaine d'entreprises de l'économie sociale et solidaire (ESS) emploient près de 2 200 personnes éloignées de l'emploi.

Ce dispositif a bénéficié, depuis 2016, d'un réel soutien de l'État. Or un premier coup lui a été asséné par la réduction, au 1er octobre dernier, de la participation de l'État au financement de l'emploi des salariés de 102% à 95 % du Smic.

Le financement insuffisant prévu par le projet de loi de finances 2024, de 69 millions d'euros, risquait de stopper net les embauches. Je me réjouis que le Gouvernement l'ait finalement porté à 80 millions d'euros, même si les acteurs de l'insertion chiffrent les besoins à 89 millions.

Pour permettre à cette expérimentation de se développer d'ici à son évaluation en 2026, le Gouvernement s'engage-t-il à rouvrir la discussion l'année prochaine, si les 80 millions d'euros annoncés s'avèrent insuffisants ? Peut-il donner aux territoires concernés de la visibilité en leur garantissant un engagement stable jusqu'en 2026 ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Le soutien du Gouvernement à l'expérimentation TZCLD est constant. Nous avons soutenu la prolongation de l'expérimentation en 2020 et habilité cinquante nouveaux territoires. Les moyens qui lui sont consacrés seront en nette hausse en 2024 : 11 millions d'euros supplémentaires ont été votés à l'Assemblée nationale, portant l'augmentation totale à plus de 35 millions d'euros, l'une des plus fortes au sein du ministère du travail.

Ce montant paraît suffisant pour assurer une montée en charge ambitieuse du dispositif. Il n'y a pas de recul de l'État. Par ailleurs, deux nouveaux territoires ont été habilités ; l'objectif est d'en habiliter 85 d'ici à la fin de l'expérimentation.

Le rapport définitif du comité scientifique éclairera sur l'utilité du dispositif et la durabilité de son modèle économique.

Subvention au CRJS de Petit-Couronne

M. Didier Marie .  - Le centre régional jeunesse et sports (CRJS) de Petit-Couronne, en Seine-Maritime, subit cette année une baisse de 28 000 euros de sa subvention de la Délégation régionale académiques à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (Drajes). Ses responsables redoutent sa suppression totale en 2024.

Cette structure majeure au sein de la métropole de Rouen accueille pourtant 150 sportifs dans sept disciplines olympiques. Elle a été sélectionnée comme centre de préparation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris dans ces sept disciplines, du badminton au basketball fauteuil. Elle est, en outre, terre d'accueil de la solidarité olympique.

Malgré la qualité de ce centre, confirmée par le label « Grand Insep » et le passage de champions comme Teddy Riner, son avenir paraît de plus en plus flou. Une nouvelle baisse de sa subvention, voire sa suppression, dégraderait les services qu'il propose et son attractivité.

Ces décisions vont à rebours de la volonté du Gouvernement de faire du sport la grande cause nationale de 2024. Nous devrions soutenir le sport pour toutes et tous, partout ! Pouvez-vous rassurer les sportifs professionnels et bénévoles qui fréquentent le CRJS de Petit-Couronne sur le maintien d'une subvention au niveau des besoins ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Malgré la restructuration du Creps d'Houlgate, en 2008, l'État a poursuivi son soutien au développement de la haute performance en Normandie. En particulier, trois cadres d'État ont été mis à disposition des sites de Petit-Couronne, Le Havre et Caen. Une subvention moyenne de 70 000 euros par an est versée.

La nouvelle organisation territoriale de l'État liée aux Drajes a conduit à installer en 2022 une maison régionale de la performance. Le ministère des sports y a financé trois postes, pour 230 000 euros, complétés par 14 000 euros de l'Agence nationale du sport (ANS). Au total, près de 400 000 euros sont garantis annuellement pour le sport de haut niveau en Normandie.

En outre, l'ANS accompagne les structures du territoire en matière d'équipements et d'emplois, et les fédérations sportives sont aidées au titre des programmes d'accès au sport de haut niveau.

Avec près de 700 000 euros alloués à la Normandie en 2022, l'État est pleinement mobilisé.

Menaces sur la maternité de Guingamp

Mme Annie Le Houerou .  - La maternité de Guingamp est confrontée à une menace persistante de fermeture qui nuit à son attractivité.

Depuis avril dernier, les accouchements sont suspendus pour un an. En dépit des engagements du Président de la République et des ministres successifs pour le maintien d'un centre hospitalier de plein exercice, aucun projet concret n'est envisagé. La population n'accepte pas cette dégradation de l'offre de soins - les élus non plus.

Cette suspension est une violence de plus faite aux femmes et aux enfants. Elle nourrit un sentiment d'abandon au sein de la population la plus vulnérable de Bretagne et aggrave le renoncement aux soins. Depuis, plusieurs femmes ont accouché sur la route : en novembre, Nathalie a accouché de Margaux entre une pizzeria et un garage... La perspective d'accoucher devient une angoisse.

La discussion avec l'ARS est un dialogue de sourds. Il est urgent de sortir de l'impasse et de préparer une solution viable. Allez-vous lever l'incertitude persistante autour de l'avenir de la maternité de Guingamp ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - La situation de cette maternité est bien connue du ministère, qui la suit régulièrement, en liaison avec les professionnels, les élus et l'ARS.

Les accouchements ont été suspendus à compter du 26 avril du fait de risques liés à un manque de professionnels. Les tensions sur les ressources humaines sont en partie liées aux problématiques d'attractivité et à la charge de la permanence des soins. Le Gouvernement apporte des réponses adaptées pour garantir sur tout le territoire la santé maternelle, néonatale et infantile. Un équilibre doit être trouvé entre proximité et sécurité.

À Guingamp, la suspension a été plusieurs fois reconduite pour des raisons de sécurité. L'ARS est pleinement mobilisée pour aider la maternité à reconstituer les équipes nécessaires, mais les difficultés persistent. Le cabinet d'Aurélien Rousseau a organisé hier un temps d'échanges auquel vous-même et de nombreux élus avez participé. (Mme Annie Le Houerou le dément.) Nous poursuivrons dans cette voie pour trouver des perspectives partagées.

Mme Annie Le Houerou.  - Si une réunion s'est tenue, c'est sans les élus et les représentants des professionnels et des usagers.

Puisqu'il y a un problème d'attractivité, nous demandons un engagement clair sur la reconstruction, promise, d'un hôpital de plein exercice. Il faut aussi bonifier les rémunérations des soignants. Enfin, dans les établissements en tension, des postes d'interne doivent être ouverts aux futurs médecins, fussent-ils étudiants à l'étranger. Des médecins français qui étudient à l'étranger sont demandeurs...

Organisez une table ronde avec l'ensemble des parties prenantes. Les solutions existent !

La séance est suspendue à midi trente.

Présidence de M. Mathieu Darnaud, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Projet de loi de finances pour 2024 (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Discussion générale

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Ce projet de loi de finances s'inscrit dans la droite ligne de la loi de programmation des finances publiques (LPFP).

Nous sommes sur une ligne de crête (Mme Christine Lavarde s'en amuse), devant financer les investissements pour la transition écologique, déployer une politique de l'offre favorable à l'emploi et à la croissance, et soutenir les services publics prioritaires -  éducation, justice, armées  - , sans dégrader notre trajectoire budgétaire, tout en poursuivant une politique de justice fiscale et de lutte contre la fraude.

Malgré des points de désaccord, vous avez voté un budget en ce sens. La réduction du déficit public, à 4,4 % du PIB en 2024, est une étape qui doit nous mener sous la barre des 3 % en 2027. Nous sommes d'accord sur la priorité accordée à la maîtrise des finances publiques.

Les dépenses de l'État baisseront en 2024 : 14 milliards d'euros seront économisés grâce à la sortie des dispositifs de crise.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances.  - Ce ne sont pas des économies, c'est de l'affichage !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Nous économisons aussi 350 millions d'euros sur la politique de l'emploi et 500 millions d'euros sur la politique de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Ces économies sont ciblées : pas de grands coups de rabot...

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Allez !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - ... qui seraient contreproductifs en amoindrissant nos recettes.

Nous n'augmentons pas les impôts.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Ce sera l'an prochain !

M. Claude Raynal, président de la commission des finances.  - Hélas !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Nous ne changeons pas de cap, car notre politique produit des résultats.

Nous nous sommes également accordés sur le financement de la transition écologique, pour 10 milliards d'euros supplémentaires. Vous avez soutenu le budget vert pour les collectivités territoriales et les opérateurs.

Je suis convaincu que nous n'atteindrons notre trajectoire de baisse des émissions qu'avec une boussole commune. Vous avez été favorables à des choix politiques ambitieux : sortie du gazole non routier (GNR), taxe sur les gestionnaires d'infrastructures, malus sur les véhicules polluants, accompagnement du nouveau modèle agricole.

Vous avez aussi conservé nos grandes orientations en faveur de l'emploi et de la croissance : suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et nouveau crédit d'impôt pour l'industrie verte. Nous nous sommes retrouvés sur le soutien à nos grands services publics au travers des budgets de l'éducation, des armées et de la justice, et vous avez validé les grandes orientations de politique fiscale comme le pilier 2, qui permettra une imposition minimale des sociétés à 15 % dès le 1er janvier 2024.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Et la Fifa, c'est de la justice fiscale ? Allô !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - La France a été leader dans cette initiative.

Vous avez voté l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation, un manque à gagner de 6 milliards d'euros pour l'État, au profit de 18 millions de foyers.

La lutte contre la fraude est une mesure de cohésion sociale

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Pas moins de 250 agents supplémentaires y seront affectés. Nous renforçons nos techniques d'enquête sur internet et les sanctions contre les fraudeurs.

Vous avez aussi fait de très nombreuses propositions...

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Pour quels résultats ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - ... que nous avons retenues. Au cours de nos 150 heures de débat, les sénateurs ont proposé 3 760 amendements, dont 663 ont été adoptés.

Mme Frédérique Puissat.  - Pour rien !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Contrairement à ce que j'ai pu entendre, nous vous avons écoutés ! (Protestations et vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Thomas Dossus s'en amuse.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Que dalle ! C'est de la provocation !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Ce texte est riche de nos débats. Dans le 49.3, nous avons retenu 120 amendements. (Exclamations redoublées sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Loïc Hervé.  - Ce n'est pas beaucoup !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Un record historique.

D'abord des amendements transpartisans : prolongement de la garantie de l'évolution de dotation particulière « élu local » (DPEL) pour les communes nouvelles - chère à Françoise Gatel -, gel de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) outre-mer, augmentation de l'objectif d'incorporation d'énergies renouvelables dans les gazoles pour le calcul de la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (Tiruert).

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - C'est pour qui, tout ça ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué, rapporteur général.  - Des amendements de la majorité sénatoriale et du rapporteur général : taxe sur les plateformes de streaming, aménagement de l'éligibilité des fonds de capital d'investissement aux dispositifs d'apport-cession - porté par Christine Lavarde -, aide aux départements du Nord et du Pas de Calais.

Des amendements du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : ajustement des règles de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) en cas de fusion d'EPCI - porté par Thierry Cozic -, suppression du critère de potentiel financier dans la DPEL - portée par Éric Kerrouche.

Des amendements du groupe Union Centriste : dégrèvement en faveur des logements ayant fait l'objet de travaux de réhabilitation, fonds de compensation des pertes de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) - porté par François Bonneau -, bonification de la dotation de solidarité rurale (DSR) des communes classées France Ruralités Revitalisation (FRR) - portée par Bernard Delcros.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - À chacun, une sucette !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Des amendements du RDPI : exonération des aides versées aux entreprises touchées par la crise de l'eau à Mayotte, soutien au département de Mayotte et au syndicat de gestion de l'eau - portés par Thani Mohamed Soilihi.

Des amendements du groupe CRCE-Kanaky, comme la suppression de la redevance d'eau dans le calcul du coefficient d'intégration fiscale des communautés de communes - portée par la présidente Cukierman.

Des amendements du GEST, comme le doublement du montant des amendes prononcées par l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires -  porté par Ghislaine Senée.

Des amendements du groupe Les Indépendants, comme le renforcement de l'assouplissement des règles de lien des taux d'impôts locaux - porté par Emmanuel Capus.

Je pourrais continuer cette énumération... (Vives exclamations sur toutes les travées)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Continuez !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Je préfère parler des mesures anti-abus sur les dons de sommes d'argent en nue-propriété et de la TVA sur les locations de biens meublés - portés par le groupe RDPI et le sénateur Rambaud - ; des 2 millions d'euros pour les épiceries solidaires - portés par le Président Mouiller, la sénatrice Micouleau, la sénatrice Canalès et le sénateur Lemoyne - ; du 1 million d'euros pour la lutte contre les scolytes qui menacent nos forêts - portés par la sénatrice Loisier.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Il n'y aura bientôt plus assez de sénateurs !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Nous avons aussi avancé sur les collectivités territoriales, car nous vous écoutons.

Mme Françoise Gatel.  - Ah !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Ajustement des règles de la Tascom en cas de fusion d'EPCI - porté par le sénateur Cozic - ; neutralisation à 100 % de la réforme de l'effort fiscal en 2024 - porté par les sénateurs Sautarel et Cukierman - ; création de 15 ETP pour le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) - porté par le sénateur Capo-Canellas.

Tous les groupes sont concernés. Nous avons dialogué, écouté.

Nous avons aussi eu des points de désaccord. (« Ah ! » sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Si peu...

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - D'abord la suppression de plusieurs missions : « Cohésion des territoires », « Plan de relance », « Immigration, asile et intégration », « Administration générale et territoriale de l'État » et « Avances à l'audiovisuel public ». Le Sénat a ramené le déficit sous les 3 %, mais c'est un trompe-l'oeil.

Vous avez augmenté les recettes de collectivités territoriales - de 3 milliards d'euros en première partie et de 200 millions d'euros dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales » - au-delà du 1,15 milliard d'euros déjà prévu dans le texte du Gouvernement. Nous voulons soutenir celles qui sont en difficulté et demander à celles qui se portent bien de participer.

M. Olivier Paccaud.  - Celles qui font des efforts !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Nous avons privilégié une sortie progressive des boucliers et vous proposons une rédaction de compromis avec un plafonnement à 10 % - c'est déjà un effort important pour les Français.

J'espère vous convaincre que nous vous avons écoutés.

Mme Christine Lavarde.  - Et la Fifa ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La CMP n'a pas abouti. C'est bien votre opposition au redressement des finances publiques qui l'a rendue impossible.

Mme Frédérique Puissat.  - Bravo !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Les dépenses nettes sont en hausse de 700 millions d'euros par rapport au texte initial. Où le Gouvernement a-t-il fait des économies ? (M. André Reichardt renchérit.) Le déficit s'est creusé de 2,4 milliards ! Pas un centime des 7 milliards d'euros d'économies proposés par le Sénat n'est conservé.

M. André Reichardt.  - Ce n'est pas bien.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Les aides sur l'électricité restent non ciblées. Celles qui portent sur l'apprentissage sont conservées, y compris pour les grandes entreprises. Aucun effort sur l'audiovisuel public, en dépit de vos annonces, monsieur le ministre. Les sous-budgétisations sont toutes réintégrées.

Ce même gouvernement qui invite le Parlement à proposer des économies ne les reprend pas quand le Parlement les vote. Ce jeu de dupes décrédibilise le monde politique et donc la démocratie. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Vous n'avez repris que les dispositifs que vous aviez vous-même transmis aux sénateurs... (M. Thomas Cazenave le conteste.)

Le Sénat a travaillé sérieusement durant 150 heures. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub et M. Thomas Dossus applaudissent également.)

M. Michel Canévet.  - C'est vrai !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Vous nous dites que la taxe streaming est un apport du Sénat, mais pourquoi ne pas avoir repris notre dispositif ? Vous avez réécrit un dispositif de trois pages, alors que je rappelle votre avis défavorable !

Mme Frédérique Puissat.  - Exactement !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - C'était un avis de sagesse.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Le peu qu'il reste des apports du Sénat relève non du ministre des finances, mais du ministre délégué aux collectivités locales -  je pense à l'aménagement des zones FRR.

Deux autres apports : la niche Airbnb, avec la réduction à 30 % de l'abattement fiscal sur les locaux meublés de tourisme.

M. Loïc Hervé.  - Quelle folie !

M. Max Brisson.  - Très bien !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Mais allez-vous l'appliquer ?

Je me réjouis aussi de l'affectation aux communes et aux départements de 100 millions d'euros de la taxe sur les autoroutes et les aéroports. La commission des finances souhaite être associée à la rédaction du décret d'application.

Les quelques « accords trouvés » sont des écrans de fumée, car l'exécutif s'exonère de toute validation parlementaire. Il n'y a eu aucun débat en séance publique à l'Assemblée nationale - ce qui n'est pas conforme à l'esprit de la Constitution (M. André Reichardt renchérit) - et les principaux votes du Sénat n'ont pas été conservés - sur le prêt à taux zéro (PTZ), sur les aides à l'électricité, sur le fonds d'urgence climatique, sur les dotations aux collectivités territoriales, sur les quotas carbone pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de province....

Le Gouvernement ne veut pas être constructif et revient sur des dizaines d'avis favorables que vous avez vous-même rendus ici, à ce banc.

Une voix à droite.  - C'est nul !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Quelle est donc la crédibilité de votre parole politique ?

M. Michel Canévet.  - Bonne question !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Vous revenez sur le bornage à trois ans des niches fiscales que nous venons d'adopter dans la LPFP, avec un autre 49.3... La trajectoire d'emplois de ce PLF fait fi de l'objectif de stabilité établi en LPFP. On n'y comprend plus rien !

Cerise sur le gâteau, vous introduisez dans le texte en nouvelle lecture des dispositions sans lien direct avec celles restant en discussion et qui n'auront donc été examinées par aucune des deux assemblées : réécriture du Madelin à l'article 5 quindecies, réforme de la TGAP à l'article 16 quater A, réforme de la compensation des compétences des régions en matière de formation professionnelle continue à l'article 25.

Le Gouvernement se laisse de plus en plus de marges fiscales, en violation des compétences parlementaires. Vous vous autorisez à augmenter de 1,9 milliard d'euros les accises sur le gaz et déplafonnez la taxe sur le transport aérien de passagers.

Vous réintroduisez l'article sur les reports de crédits, qui supprime tout plafond non pas pour 12, ni pour 37, mais bien pour 43 programmes ! Mais la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) impose un plafond par programme et une justification précise. C'est le principe même de l'autorisation budgétaire qui est ici piétiné.

L'article sur les fédérations olympiques est un condensé de tous ces défauts. (Plusieurs sénateurs Les Républicains renchérissent.)

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - C'est le paradis fiscal pour la Fifa ! Ni impôt sur les sociétés, ni cotisation foncière des entreprises (CFE), ni impôt sur le revenu pour ses salariés...

M. Loïc Hervé.  - Une honte.

M. Philippe Bas.  - C'est lamentable.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Cette disposition n'a pas été examinée à l'Assemblée nationale et a été supprimée ici à l'unanimité. C'est une véritable provocation pour les Français.

M. Olivier Paccaud.  - Du mépris...

Une voix à droite.  - Carton rouge !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Monsieur le ministre, pourquoi cet aveuglement coupable et cet acharnement forcené ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Guislain Cambier applaudit également.)

M. Max Brisson.  - Très bien.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - La commission des finances a déposé une question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La CMP n'a pas abouti et le 49.3 a balayé la quasi-totalité des apports du Sénat.

Votre name dropping, monsieur le ministre, fait plaisir, mais pas illusion : 120 amendements retenus, sur 3 800...

Le déficit reste à 4,4 % du PIB. La dépense publique augmente de plus de 100 milliards d'euros par rapport à 2022. Nous aurions pu sortir du « quoi qu'il en coûte » : il faut calibrer autrement qu'au doigt mouillé.

Le Sénat vous a pourtant fait de nombreuses propositions d'économies, qui auraient permis de réduire le solde public de 0,3 point - compte non tenu des cinq missions non adoptées. Mon groupe déplore le rejet de certaines d'entre elles.

Nous devons rationaliser les niches fiscales - 40 % des articles de la première partie... Sur toutes les travées, nous avons rejeté la super niche fiscale de la Fifa.

M. Michel Canévet.  - C'est un scandale !

Mme Nathalie Goulet.  - Ses recettes se sont élevées à 4,6 milliards de dollars en 2022 ! Comment expliquerons-nous aux infirmiers et aux enseignants qu'ils devront payer leurs impôts ? La rupture d'égalité devant l'impôt est évidente.

M. André Reichardt.  - Impensable !

M. Olivier Paccaud.  - Des amateurs !

Mme Nathalie Goulet.  - D'autres mesures adoptées par le Sénat auraient dû attirer l'attention du Gouvernement, sur le PTZ, la taxe foncière du logement social, la fraude fiscale, les FRR, la redevance pour pollution diffuse, la taxe affectée aux chambres d'agriculture, l'abondement de la DGF, la taxe streaming, les crédits pour les scènes de musiques actuelles (Smac).

Compte tenu de l'échec de la CMP, nous voterons la question préalable.

Monsieur le ministre, nous avons travaillé dans des conditions détestables. Le Gouvernement n'est pas pour grand-chose dans les 3 800 amendements. Mais il faut travailler en amont...

M. André Reichardt.  - À quoi ça sert ?

Mme Nathalie Goulet.  - ... avec le rapporteur général et les groupes.

Vous avez montré de la bonne volonté pour avancer sur la fraude fiscale : prenons l'argent dans la poche des voleurs plutôt que dans celle des contribuables. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et du RDSE)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Il y a un mois, l'approche du Gouvernement était la suivante : à l'Assemblée nationale, taisez-vous, au Sénat, cause toujours. J'aurais pu emprunter la formule du président Larcher, mais nous avons l'habitude de laisser la vulgarité à la porte de l'hémicycle. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Rémy Pointereau.  - Elle est de tous les côtés, la vulgarité !

M. Thomas Dossus.  - L'effort parlementaire paie peu. Rembobinons ce mauvais film d'un parlementarisme non pas rationalisé, mais piétiné. Lors des dialogues de Bercy, vous aviez annoncé le verdissement de la fiscalité. À l'époque, j'avais exprimé des doutes, tant nous n'étions pas à la hauteur de nos engagements. Mais 150 heures de débat n'ont permis aucune ouverture : taxation des comportements les plus polluants ou des plus aisés, tout a été balayé, avec le mépris habituel !

Le Parlement ne tient pas le stylo et le Gouvernement n'est pas guidé par le respect du débat parlementaire. Lorsque, par miracle, un amendement transpartisan survit, c'est un oubli... Vous avez refusé nos propositions sur le PTZ, les aides sur l'énergie, la DGF ou le financement des transports publics -  rien n'a trouvé grâce à vos yeux. La seule AOM gagnante est, comme toujours, Île-de-France Mobilités.

Cela dit, nous nous réjouissons des 250 millions d'euros pour aider les collectivités dotées d'un plan Climat. La persévérance de Ronan Dantec a fini par payer.

Je conclus avec un message de colère : monsieur le ministre, l'État n'est pas à la hauteur de ses obligations en matière d'hébergement. Des milliers d'enfants dorment dans la rue. Nous avons voté 6 000 places d'hébergement d'urgence, mais vous les avez supprimées d'un trait de plume. Vous dites sans cesse que les comptes se redressent, mais que valent ces paroles lorsque des gamins dorment à la rue ? Vous êtes le comptable qui a préféré laisser dormir des gamins dehors pour rassurer les banquiers : nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et CRCE-K)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - C'est un peu excessif...

M. Éric Bocquet .  - Le débat budgétaire est un long chemin et le 49.3 son mur ultime.

La copie du Gouvernement prévoit 4,4 % de déficit, alors que le Gouvernement s'entête dans le solisme et supprime les apports des parlementaires. Le paradis fiscal accordé aux fédérations sportives internationales est contraire à l'esprit de Pierre de Coubertin : l'important c'est de participer, mais surtout pas au financement des services publics !

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Éric Bocquet.  - Le solisme budgétaire conduit à des erreurs matérielles. L'amendement de Ian Brossat remédiait à une injustice : le taux d'imposition devrait être plus favorable en louant à un travailleur qu'à un touriste en Airbnb. Le Gouvernement a annoncé que ce point serait modifié, au plus tard dans le budget pour 2025 et que d'ici là, il n'aurait pas vocation à s'appliquer... Imaginez un gouvernement qui fait fuiter dans la presse que la loi ne s'appliquera pas ! Ouvrez les yeux : tous les élus locaux réclament l'imposition des Airbnb.

Notre taxe sur les rachats d'actions, modeste avec son taux de 2 %, et son produit de 400 millions d'euros, irait trop loin pour le rapporteur général de l'Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve. Peu importe que les rachats d'actions aient doublé -  à plus de 20 milliards d'euros  - , que les États-Unis aient institué une telle taxe de 1 %. Il botte en touche et nous renvoie à la prime Macron. Le solisme budgétaire, au service des plus riches, fait fi des comparaisons internationales.

Notre taxe sur le streaming a été dévitalisée, en abaissant son taux de 1,75 à 1,2 %. Les multinationales en sont quittes pour la déstructuration de la création.

Les collectivités territoriales pâtissent également du solisme budgétaire : pas de fonds exceptionnel pour les catastrophes climatiques, un fonds de compensation de la baisse des DMTO pour les départements réduit à sa portion congrue - 53 millions d'euros -, une DGF sous l'inflation. Les collectivités territoriales ne sont pas à la fête.

Nous rejetons ce budget. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)

M. Christian Bilhac .  - La CMP n'a pas été conclusive. L'examen de ce PLF a été marqué par le sceau du mépris, notamment pour le travail du Sénat, avec ses 150 heures de débat et ses 3 800 amendements. Certes, il revient à l'exécutif d'arbitrer. Mais enfin, il y a des limites !

L'exonération fiscale accordée à la Fifa est emblématique : elle a été rejetée par tous les groupes. Restent quelques amendements rescapés : l'augmentation du plafond de la taxe affectée aux chambres d'agriculture...

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Ce n'est pas rien !

M. Christian Bilhac.  - ... et des dispositions en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Beaucoup de nos dispositions de seconde partie ont disparu, sur le logement des gendarmes ou la santé scolaire. Il nous reste la protection des cétacés, mais ni la régénération du réseau ferroviaire ni le chèque énergie. Les crédits pour l'expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée, l'Institut national du cancer, les maladies de Lyme et de Charcot ont disparu. Vous avez refusé 2 millions d'euros pour la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Civiise).

Le texte retire 1,4 milliard aux collectivités territoriales par rapport aux propositions du Sénat. PTZ pour le neuf, aide d'urgence aux départements, fraction des quotas carbone pour les AOM, fonds d'urgence climatique : tout est supprimé ! Vous avez même supprimé des amendements pour lesquels vous aviez donné un avis favorable. (M. Thomas Cazenave le reconnaît.)

Saluons toutefois le maintien de nos propositions sur les FRR, les pourboires, l'imposition minimale et la taxe streaming, sans oublier le taux réduit de TVA sur les préservatifs. Mais toutes ces avancées ne sont que des pièces jaunes jetées avec mépris à la représentation nationale. À l'Assemblée nationale, avec le 49.3, c'est ferme ta gueule - pour ne paraphraser personne. Au Sénat, c'est cause toujours...

Le déficit se creuse de 2,4 milliards d'euros et vous bafouez le principe d'annualité budgétaire, en reportant massivement des crédits d'une année à l'autre.

Le RDSE ne votera pas la question préalable : c'est une question de principe. Mais ce n'est pas pour autant que nous n'avons pas de réserves, bien au contraire... (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Jean-François Husson applaudit également.)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Mes chers collègues...

Plusieurs voix sur les travées du groupe Les Républicains.  - Bon courage !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Le bouclier !

M. Olivier Paccaud.  - Avec le sourire !

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Le Sénat a adopté un texte, que notre groupe juge déséquilibré. (« Oh ! » sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Plus de politique du logement, plus de crédits pour le sport l'année des jeux Olympiques, plus de crédits pour la politique migratoire -  alors que la droite sénatoriale a fait de la radicalité son marqueur politique ces derniers jours. Des réformes fiscales de grande ampleur ont été adoptées, sans concertation ni étude.

Dès lors, le sort du texte à l'Assemblée nationale était écrit : il fallait rétablir les crédits essentiels, corriger les incohérences fiscales et revenir à un budget qui puisse être exécuté pour financer nos services publics, quand le texte issu du Sénat se contentait de messages politiques.

Le Gouvernement a donc mené un travail de réécriture. Je me réjouis que l'exonération fiscale pour les entreprises mahoraises ait été préservée, de même que les mesures pour les chambres de commerce et d'industrie.

Nous déplorons toutefois que nous ne puissions en débattre : nous ne voterons pas la question préalable. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Quelques voix sur les travées du groupe Les Républicains.  - Dommage !

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Sénatrice depuis 2020, j'ai bien compris que les marges de manoeuvre des parlementaires sont réduites. Cela vaut pour le budget...

La réforme constitutionnelle de 2008 n'a pas mis fin au parlementarisme rationalisé : l'initiative gouvernementale demeure totale en matière de lois de finances. Cela dit, nous ne ressentons jamais de déception. Malgré des centaines d'heures de séance publique et des milliers d'amendements examinés, je n'ai pas eu le sentiment de perdre mon temps...

Ce moment est l'occasion pour nous, la gauche, de présenter nos propositions pour rééquilibrer l'effort en faveur des classes populaires et moyennes et pour engager le chantier de la transition écologique.

Le Sénat a joué son rôle. Nous avons amélioré le zonage de FRR. Nous avons tiré la sonnette d'alarme sur les budgets verts des collectivités. Nous avons pointé les incohérences de l'exécutif : la France est à l'euro prêt pour transformer une réduction d'impôt en crédit d'impôt pour les résidents des Ehpad, mais pas pour les transports de chevaux. (Mme Nathalie Goulet proteste.)

Après trois semaines de débat, cette dernière mouture est toujours aussi injuste et en décalage avec les attentes de nos concitoyens. Le texte a été remanié par le Gouvernement, via un énième 49.3. Or la fonction première du Parlement est bien de voter l'impôt !

L'article Fifa promet de multiples exonérations aux fédérations qui s'installeraient en France -  mais certaines sont loin d'être exemplaires.

M. Olivier Paccaud.  - C'est Noël !

Mme Isabelle Briquet.  - Cette vision est symptomatique : le rapporteur général de l'Assemblée nationale, lors de la nouvelle lecture, ne voulait pas revenir sur sa suppression. Pourtant, le Gouvernement l'a réintroduite, la jugeant sans doute fondamentale. (M. Laurent Burgoa ironise.) L'exécutif gouvernera-t-il ainsi jusqu'en 2027 ? La fiscalité doit être consentie par les parlementaires. L'attitude du Gouvernement envers le Parlement pose un problème démocratique.

Nous voterons la question préalable. C'est regrettable, mais c'est de la seule responsabilité du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Une question : qui dans cette assemblée sait qu'à partir du 1er janvier, toutes les communes devront envoyer le budget douze jours avant la convocation du conseil municipal ?

M. Emmanuel Capus.  - Ceux qui ont suivi les débats !

Mme Christine Lavarde.  - Personne, sauf ceux qui ont assisté à notre débat. Voilà la différence entre une approche technocratique et pragmatique. Le Gouvernement a choisi la première, nous pensons que la deuxième est meilleure.

M. Olivier Paccaud.  - Le nouveau monde !

Mme Christine Lavarde.  - C'est pourquoi le Sénat a rejeté unanimement le paradis fiscal pour la Fifa.

Une idée toute simple pour améliorer la procédure parlementaire : abandonner les 70 jours, consacrer un jour à l'Assemblée nationale et un autre au Sénat et envoyer tous les articles au Conseil d'État. De toute façon, le rôle du Parlement se limite à une simple discussion générale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Ce PLF s'affranchit de la LPFP, que la majorité a elle-même écrite grâce au 49.3. Il foule aux pieds le Parlement et même vos avis favorables, monsieur le ministre.

M. Olivier Paccaud.  - Circulez, il n'y a rien à voir !

Mme Christine Lavarde.  - Nos amendements avaient pour seul défaut de ne pas avoir été déposés par votre majorité. Je pense au non-assujettissement des locaux d'enseignement privé à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) : le ministre de l'éducation nationale y était favorable. Rien n'a été retenu du Sénat, hormis les amendements puisés à bonne source...

Seule exception : le FRR. Heureusement, car la ministre Faure avait travaillé sur le sujet pendant 18 mois... Même si on aurait pu en douter en raison d'un léger flottement en séance. (Sourires)

Il ne reste que des traces des amendements du groupe Les Républicains ou de la commission des finances. La taxe sur le streaming a été supprimée au profit d'une nouvelle rédaction. Ce n'est donc pas le texte du Sénat !

M. Michel Savin.  - Oh !

Mme Christine Lavarde.  - Le Gouvernement a partiellement entendu notre demande d'appliquer le principe « qui décide, paye » en matière d'exonération de taxe sur le foncier bâti : l'exonération des logements individuels sera à la discrétion des communes ; en revanche, celle des logements sociaux sera obligatoire. Certes, l'État a introduit un nouveau prélèvement sur recettes pour compenser les communes, mais pour combien de temps ? Chat échaudé... Les exonérations ont une durée de quinze ans. Les maires du Val-de-Marne défilaient la semaine dernière contre cette mesure...

Idem pour l'exonération de TGAP outre-mer, bien éloignée des ambitions sénatoriales, ainsi que pour la résidence secondaire des Français résidant à l'étranger - le Gouvernement a repris l'amendement du RDPI sur la résidence de repli.

Seules trois mesures du groupe Les Républicains ont été reprises, mais elles ne révolutionneront pas la fiscalité : l'aménagement de l'éligibilité des fonds de capital investissement aux apports-cessions, la déduction de TVA pour les véhicules de transport de chevaux et l'ajustement de l'écotaxe alsacienne.

Je n'ai pas cité l'amendement sur les locations de courte durée, car j'ai bien compris que c'était une erreur de navette... Dommage, c'était la seule mesure sur le logement de ce PLF. Exonération temporaire de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) sur les dons pour l'acquisition et la construction de résidences principales ou pour les travaux de rénovation énergétique, remplacement de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) par un impôt sur la fortune improductive, recentrage du PTZ sur le neuf : rien n'a été repris, alors que le secteur du logement va mal et que 150 000 emplois sont menacés. La fiscalité du logement est incohérente et inégalitaire, mais la future loi voit son périmètre se réduire constamment.

Le Sénat avait proposé 7 milliards d'euros d'économies : ce n'étaient pas des coups de rabot à l'aveugle !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Eh non !

Mme Christine Lavarde.  - Pis, le déficit de l'État se creuse de 2,5 milliards d'euros, les dépenses publiques augmentent, les recettes fiscales aussi, avec le relèvement des accises sur le gaz, par arrêté. Vous l'avez caché !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Je l'ai dit ici.

Mme Christine Lavarde.  - Oui, mais combien de personnes nous écoutent, malheureusement ? Cela pèsera sur le budget des ménages, alors que le Sénat voulait épargner les plus fragiles. Dans votre introduction, vous avez osé évoquer la justice fiscale...

M. André Reichardt.  - Ce n'est pas bien !

M. Olivier Paccaud.  - La Fifa !

Mme Christine Lavarde.  - En 2022, nous étions le pays le plus taxé de l'OCDE, avec des recettes fiscales à 46,1 % du PIB.

Le déficit risque de se creuser, car le Gouvernement n'a pas modifié son hypothèse de croissance, alors que les dernières estimations s'écartent de la cible. Ce PLF devait être un retour au sérieux budgétaire, selon Bruno Le Maire. C'est complètement raté !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Il est où ?

Mme Christine Lavarde.  - Vous vous donnez tous les moyens de ne pas revenir devant le Parlement. Le relèvement des plafonds de report de crédits - pour 43 programmes ! - est un déni de notre rôle.

Le groupe Les Républicains votera cette question préalable et se mettra dès demain au travail pour contrôler l'action du Gouvernement : c'est désormais notre dernière prérogative ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Christian Bilhac et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Personne ici ne souhaite priver l'État de son budget... Le Gouvernement a donc engagé sa responsabilité pour faire adopter le PLF 2024, seule issue possible. Vouloir qu'il en soit autrement serait inquiétant...

Cependant, cette volonté ne doit pas dévaloriser les débats parlementaires. C'est grâce à ce même débat parlementaire que le projet de loi immigration a été enrichi. (Marques de stupéfaction à gauche)

Mme Monique Lubin.  - Ouf...

M. Hervé Gillé.  - Dépouillé !

M. Emmanuel Capus.  - Au cours de ce budget, nous avons débattu pendant 150 heures, avec plusieurs mesures fortes pour les collectivités territoriales. La commission des finances a été force de proposition pour réaliser des économies importantes. Mais une large partie de ces propositions n'a pas été retenue.

Mme Christine Lavarde.  - C'est un euphémisme...

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Ah !

M. Laurent Burgoa.  - Très bien.

M. Emmanuel Capus.  - Je pense notamment à la mission « Travail et emploi ». J'espère que notre proposition d'économie de 600 millions d'euros sera retenue, pour un meilleur ciblage des aides, et donc de la dépense publique.

Le déficit est redescendu à 4,4 % du PIB, en phase avec la LPFP, mais loin de nos engagements européens. Il ne s'agit pas de subir un diktat bruxellois, mais de tenir notre parole. La dette publique reste à 110 % du PIB, ratio trop élevé. Réduire son poids est essentiel à la pérennité de notre modèle social. La croissance n'y suffira pas, il faut réduire les dépenses publiques pour préserver notre souveraineté économique.

Le Gouvernement aurait pu intégrer davantage de propositions du Sénat. Vous avez su conserver quelques points intéressants. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) C'est le cas pour le zonage FRR...

M. André Reichardt.  - Après négociation...

M. Olivier Paccaud.  - Encore heureux !

M. Emmanuel Capus.  - ... et la rénovation du patrimoine religieux, avec l'intégration des communes nouvelles dans le dispositif de souscription, voulue par le Président de la République et suggérée dans le rapport de nos collègues Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon.

Mme Françoise Gatel.  - Absolument.

M. Emmanuel Capus.  - Traditionnellement, le groupe Les Indépendants ne vote pas les questions préalables. Ne nous privons pas de débat.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°I-1, présentée par M. Husson, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat ;

Considérant que les sous-jacents macroéconomiques sur lesquels repose le projet de loi de finances pour 2024 ne sont pas suffisamment réalistes, en particulier la prévision de croissance de 1,4 % du produit intérieur brut (PIB) pour 2024, deux fois plus élevée que celle du consensus des économistes, et qui sous-estime fortement l'effet du relèvement historique des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) ;

Considérant qu'aucun effort de maîtrise de la dépense publique n'est proposé dans le texte renvoyé en nouvelle lecture, qui présente un déficit de l'État dégradé de 2,4 milliards d'euros supplémentaires par rapport au texte initial, maintenant la France à des niveaux de déficits historiques, proches ou au-delà de 150 milliards d'euros par an, contre en moyenne 90 milliards d'euros par an avant 2020 ;

Considérant que, dans ce contexte, le Gouvernement, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, n'a pourtant repris aucune des économies votées par le Sénat, qui totalisaient plus de sept milliards d'euros et permettaient d'engager le redressement des comptes publics de la France : ciblage des baisses d'impôt sur l'électricité, aides à l'apprentissage, réforme de l'audiovisuel public, aide au développement ou encore aide médicale d'État ;

Considérant ainsi que le Gouvernement n'a pas pris la mesure de l'effort à faire et des priorités d'action à fixer malgré la hausse des taux directeurs et l'accroissement massif de la charge de la dette qu'elle entraîne et entraînera dans les années à venir ;

Considérant qu'à l'heure où les autres pays de l'Union européenne ont, dans leur très grande majorité, engagé le nécessaire rétablissement de leurs comptes publics après la période de crise qui s'est achevée, la France est désormais identifiée comme faisant partie des pays de l'Union qui se signalent par leur mauvaise gestion budgétaire, caractérisée par les déficits et la dette publics parmi les plus élevés des États membres ;

Considérant que le seul apport significatif du Sénat, conservé par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en nouvelle lecture en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution est l'article 7 du présent projet de loi, pour sa partie relative à la création des zones « France ruralités revitalisation » ;

Considérant que le Gouvernement est, à l'inverse, revenu sur la quasi-totalité des apports du Sénat, y compris ceux pour lesquels il avait rendu un avis favorable en séance publique et ceux qui ne faisaient que traduire les engagements pris par ce même Gouvernement et votés dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ;

Considérant en particulier que le Gouvernement ne retient aucun des dispositifs fiscaux votés par le Sénat en faveur de la transmission de patrimoine et du logement, qu'il ne maintient pas le prêt à taux zéro (PTZ) en l'état sur tout le territoire, qu'il ne cible pas les aides pour l'électricité, qu'il supprime le fonds d'urgence climatique pour les collectivités territoriales, qu'il ne prend pas en compte les votes du Sénat sur les dotations aux collectivités territoriales, en particulier la dotation globale de fonctionnement (DGF) et l'aide d'urgence aux départements, et que, enfin, aucune fraction du produit de la mise aux enchères des quotas carbone ne viendra financer les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de province, dont le financement reste dans l'impasse ;

Considérant en conséquence, malgré la multiplication des déclarations du Gouvernement enjoignant les parlementaires à lui proposer des économies budgétaires, le peu de cas que celui-ci fait des plus de 150 heures de débat en séance publique au Sénat et des votes de notre assemblée, qui s'ajoute à l'absence quasi totale de discussion du présent projet de loi de finances par l'Assemblée nationale en séance publique ;

Considérant en particulier que cette procédure budgétaire dégradée conduit le Gouvernement à maintenir dans son texte, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, l'article 3 sexvicies, qui prévoit de très larges exonérations fiscales pour les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique, alors même que le Sénat, seule assemblée ayant été en mesure de se prononcer sur cet article, l'a supprimé à l'unanimité, et que l'Assemblée nationale n'a jamais pu en débattre, et qu'il apparaît extrêmement fragile au regard des impératifs constitutionnels d'égalité devant l'impôt, l'avantage ainsi procuré apparaissant injustifiable ;

Considérant, de manière générale, la mauvaise qualité du texte transmis, qui présentait déjà en première lecture un nombre important de scories, d'erreurs et de doublons et qui comporte en nouvelle lecture de nouvelles incohérences, sur lesquelles le Gouvernement annonce d'ores et déjà qu'il compte revenir alors que le texte est encore en discussion ;

Considérant la persistance de pratiques de mauvaise gestion budgétaire qui portent préjudice à l'autorisation parlementaire, notamment les surbudgétisations récurrentes, auxquelles il n'est pas mis fin, la pratique des reports de crédits, qui n'est pas conforme à la loi organique relative aux lois de finances, ou encore la multiplication des articles transférant au profit de l'exécutif le pouvoir fiscal dévolu au Parlement ;

Considérant, enfin, au regard de ce qui précède, que l'examen en nouvelle lecture par le Sénat de l'ensemble des articles restant en discussion du projet de loi de finances pour 2024 ne conduirait vraisemblablement pas à faire évoluer le texte ;

Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture n° 219 (2023 2024).

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - Je me suis déjà exprimé sur ce sujet. Monsieur le ministre, vous assumez la responsabilité des finances de ce pays, avec un grand absent...

Plusieurs voix à droite.  - Qui est-ce ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Pour le déficit, nous sommes le dix-neuvième pays sur vingt dans la zone euro.

Pour la dette, seules la Grèce et l'Italie sont derrière nous... mais ces pays remontent la pente, contrairement à nous. (On s'en désole à droite.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Et la crise ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - La crise concerne tous les pays !

Le Gouvernement prévoit une croissance de 1,4 %, contre 0,9 % pour la Banque de France. Je souhaite que le Gouvernement ait raison, mais la dynamique s'émousse.

On nous a beaucoup invités à dialoguer, lors des assises des finances publiques, lors des dialogues de Bercy. On demande aux parlementaires de faire 1 milliard d'euros d'économies...

Je vais vous donner la position du Sénat : arrêtez d'aller dialoguer à l'extérieur pour faire un fond de carte inutile ! C'est beaucoup de temps perdu. (On le confirme à droite.) Engagez un véritable dialogue avec l'Assemblée nationale. Au Sénat, sur le temps de débat, nous avons fait carton plein, mais pour un résultat décevant.

Je nous avais alertés sur notre responsabilité : nous sommes la seule chambre à avoir débattu du PLF 2024. Nous avons eu des échanges sereins, constructifs, dans une véritable ambiance de travail. Le signal du Gouvernement est regrettable.

Christian Bilhac l'a dit : il y a une sorte de mépris du travail du Parlement (M. Olivier Paccaud renchérit), mais aussi vis-à-vis des Français, qui trouvent votre manière de procéder aussi critiquable que dangereuse.

La Première ministre a fait deux annonces problématiques, hors du temps de débat au sein du Parlement : premièrement, la dotation supplémentaire de 53 millions d'euros pour les départements, sans qu'on en connaisse les détails ; deuxièmement, la suppression des redevances pour pollution diffuse, à l'issue de son entretien avec la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et les Jeunes Agriculteurs à Matignon.

Mais lorsque j'ai proposé, à l'article 16 du PLF, la suppression de ce dispositif, que n'ai-je entendu ! J'avais rappelé le manque de concertation avec les élus locaux. Vous avez eu des propos relativement accusateurs à mon endroit. Cela dénote une certaine cacophonie au sein du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Avis défavorable. (On feint de s'en émouvoir à droite.) Comment enrichir un texte dans de telles conditions - 3 700 amendements ?

J'aurais aimé vous voir, monsieur le rapporteur général, aux dialogues de Bercy !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - J'étais en campagne sénatoriale.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Mme Lavarde, elle, y était... Ces dialogues de Bercy ont été utiles : nous avons repris des amendements qui en sont issus.

Avec 3 700 amendements, on ne peut restreindre nos échanges à ce moment dans l'hémicycle. Oui à un travail très en amont, où l'on puisse choisir certains sujets, pour échanger davantage. Il est matériellement impossible, en si peu de temps, d'examiner à fond autant de propositions différentes.

Mme Cécile Cukierman.  - C'est le travail de la démocratie.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - C'est la vérité !

Mme Christine Lavarde.  - Nous nous sommes vus au mois d'octobre !

Mme Cécile Cukierman.  - Supprimez la démocratie !

M. Pascal Savoldelli.  - Un contraste saisissant se fait jour. Le Gouvernement écrit le projet de loi Immigration sous la dictée du groupe Les Républicains.

M. Laurent Burgoa.  - Et alors ?

M. Pascal Savoldelli.  - Et là, le groupe Les Républicains se fait balader. Le Gouvernement ose écrire que la crise est « achevée »... Comment ? La crise est installée ! Elle est angoissante !

Cette motion montre que le Sénat est impuissant à peser sur la procédure budgétaire et que le Gouvernement est sourd à ses demandes. Elle montre aussi que la majorité Les Républicains est incapable de bâtir un budget alternatif solide. (Murmures désapprobateurs à droite)

Toutes les mesures de recettes nouvelles ont reçu un avis défavorable : augmentation de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, taxe sur les rachats d'action, non et non...

Vous prétendiez améliorer le solde budgétaire de 0,2 point de PIB... Ce n'est dû qu'au cantonnement de la dette covid : un simple jeu de passe-passe, et un jeu de dupes !

La prolongation des niches fiscales coûte cher. Les profits des entreprises ne sont partagés ni avec les salariés ni avec la population.

Nous nous abstiendrons. Mettons fin au simulacre de la procédure budgétaire à coups de 49.3. La majorité sénatoriale propose un rejet du texte bien trop tard. Nous le proposions dès le début...

Le retour à la réalité est brutal. Vous aggravez la dette et le déficit, au profit de qui ? Des prêteurs, qui sont des profiteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. le président.  - En application de l'article 59 du Règlement, le scrutin public ordinaire est de droit sur la motion n°I-1.

Voici le résultat du scrutin n°108 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 306
Pour l'adoption 251
Contre   55

La motion n°I-1 est adoptée.

En conséquence, le projet de loi de finances pour 2024 est considéré comme rejeté.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration est parvenue à l'adoption d'un texte commun. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC ; huées à gauche)

La séance est suspendue quelques instants.

Erasmus de l'apprentissage (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l'apprentissage ».

Ce texte est examiné selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du Règlement du Sénat.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Ce texte est très attendu par les acteurs de l'apprentissage et par les jeunes alternants. Il offre à ces derniers la possibilité de s'enrichir de cultures et de compétences diverses, dans une Union européenne ouverte. À l'heure où les replis nationalistes emportent les espoirs de paix pour toute une génération, il offre la possibilité de développer les échanges, rendant concrète la promesse de mobilité européenne.

Nous avions déjà pris deux décisions fortes : les centres de formation d'apprentis (CFA) doivent désormais se doter d'un référent mobilité, pour accompagner les apprentis dans la constitution de leurs projets. Nous avons aussi développé les parcours de mobilité et renforcé les financements. L'an dernier, il y a eu 25 000 mobilités, contre 7 800 par an auparavant.

Nous devons aller plus loin. Le Président de la République a posé une ambition forte : que la moitié d'une classe d'âge ait passé au moins six mois à l'étranger avant ses 25 ans.

Des efforts sont faits en amont. Par exemple, nous professionnalisons le réseau, grâce aux référents mobilité. Nous travaillons avec Erasmus+ et l'association Euro App Mobility pour favoriser un réseau européen de l'apprentissage. Nous avons renouvelé notre convention avec l'association du ministre Jean Arthuis pour une plateforme européenne de l'apprentissage. Nous travaillons avec les opérateurs de compétences, interfaces privilégiées des entreprises, dans le cadre de conventions d'objectifs et de moyens. Cette proposition de loi s'inscrit donc dans ces multiples démarches pour lever les derniers freins à la mobilité internationale des apprentis.

L'article 1er favorise les mobilités de plus de quatre semaines. Une des causes de non-recours est la suspension du contrat de travail, qui prive le jeune de sa rémunération et de sa protection sociale. Des lourdeurs administratives s'y ajoutent. Ce manque de souplesse doit être corrigé, et cette proposition de loi y pourvoit.

L'article 2 sécurise le développement des partenariats. Le droit en vigueur fait obligation aux écoles étrangères de signer toutes les conventions individuelles, alors que des conventions-cadres existent. Dans ce dernier cas, le texte en dispense l'école étrangère.

Du point de vue de l'employeur, laisser partir son apprenti n'est pas anodin. Nous faisons en sorte qu'il puisse en retour accueillir un apprenti étranger. L'Union européenne est construite sur le principe de réciprocité. Nous levons donc la limite de 29 ans, car dans des pays comme l'Allemagne, cette limite n'existe pas : l'apprentissage n'y est pas réservé aux jeunes.

L'article 3 garantira la prise en charge par les opérateurs de compétences (Opco) des frais de sécurité sociale. C'est la correction d'une véritable inégalité pour les apprentis, qui renoncent à cause de coûts de protection sociale parfois très élevés à l'étranger. L'article permettra aussi d'oeuvrer par voie réglementaire pour la prise en charge des frais de transport, d'hébergement et de restauration à l'étranger. Enfin, il ratifie l'ordonnance relative à l'apprentissage transfrontalier, tout en oeuvrant pour de meilleures possibilités pour nos outre-mer en Amérique et en Afrique.

Le Gouvernement répondra avec diligence aux demandes de rapport incluses dans ce texte pragmatique, qu'il soutient, car il lève les freins identifiés par les acteurs. Je remercie les sénateurs, en particulier la rapporteure Patricia Demas. Ce texte technique est une preuve de l'attachement à notre Union européenne et à ses valeurs.

Cette proposition de loi naît de la conviction que les voyages forment la jeunesse, ses compétences et son ouverture d'esprit. À rebours des nationalismes et du repli sur soi, elle aide à former une jeunesse ouverte. Vous qui croyez en l'Europe et ses vertus pour nos jeunes, je sais pouvoir compter sur vous. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe UC ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.)

Mme Patricia Demas, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.) Acquisition de compétences, découverte d'une nouvelle culture, apprentissage d'une langue étrangère : autant d'atouts pour une meilleure employabilité et un meilleur développement personnel. Or 17 % des étudiants bénéficient d'une mobilité internationale, contre seulement 2,1 % des alternants, dont le contrat, lorsqu'ils partent, est mis en veille. Pour les mobilités de moins de quatre semaines, il continue d'être exécuté si l'apprenti est en mise à disposition.

Chaque CFA nomme un référent, financé par les Opco. Les alternants sont aussi soutenus par des aides de l'Union européenne dans le cadre de Erasmus+ ou par les collectivités territoriales. Mais la mobilité des alternants n'a pas suivi la dynamique des contrats d'apprentissage, qui étaient 800 000 en 2022. La durée moyenne de séjour est de 41 jours, et la médiane de 18 jours.

La mobilité rencontre des obstacles structurels : coût et perturbation pour l'employeur, statut qui ne convient pas à toutes les situations, mise en veille du contrat qui reporte les responsabilités sur le CFA, obligations administratives complexes, coût pour les apprentis - en 2023, Erasmus+ n'a satisfait que 53 % des demandes -, soutien financier très hétérogène des Opco, manque d'information, absence de reconnaissance de la mobilité, ou encore barrières linguistiques et psychologiques.

Notre collègue député Sylvain Maillard a voulu y remédier par le biais de cette proposition de loi.

Elle crée un droit d'option à l'article 1er : la mise à disposition de l'alternant ne sera plus limitée à des mobilités à moins de quatre semaines. L'article 2 supprime l'obligation d'une convention avec l'organisme d'accueil, s'il existe une convention-cadre. L'article 3 oblige les Opco à s'acquitter des frais de protection sociale. Les apprentis venant en France pourront déroger à la limite d'âge. Le texte procède enfin à la ratification de l'ordonnance du 21 décembre 2022 relative à l'apprentissage transfrontalier.

La commission a adopté la proposition de loi sans modification. Pour insuffler une véritable dynamique, ce texte devrait être assorti de mesures complémentaires. Le financement des référents mobilités doit être conforté, et celui des Opco doit être plus compréhensible. La mobilité doit être promue, grâce à une sensibilisation des TPE et PME par les Opco, et reconnue dans les diplômes et certifications.

Cela nécessite une large mobilisation des acteurs publics. La proposition de loi y contribue en levant certains freins. La commission des affaires sociales vous invite donc à l'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC et du RDSE)

M. Bernard Buis .  - Cette proposition de loi pose le socle d'une grande ambition du Président de la République : que la moitié d'une classe d'âge ait passé au moins six mois à l'étranger avant ses 25 ans - c'est l'esprit d'Erasmus. Ce programme portant le nom d'un érudit néerlandais du XVIe siècle, humaniste voyageur, a fait ses preuves, mais il ne concerne qu'une partie de notre jeunesse.

Malgré son ouverture aux alternants, un rapport de l'Igas de décembre 2022 a présenté un constat alarmant d'Erasmus+ : 7 820 apprentis seulement ont effectué une mobilité entre 2018 et 2019, loin des 17 % d'étudiants. Nous devons donc lever des obstacles. Ainsi, le droit d'option entre la mise en veille du contrat et la mise à disposition de l'alternant ne sera plus limité aux séjours de moins de quatre semaines. L'article 2 permettra au CFA de conclure une convention de partenariat avec son homologue étranger.

Les voyages forment la jeunesse : le RDPI votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.)

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi concerne toutes les alternances : aussi bien les CAP que les Bac+5. Elle encourage la mobilité dans le cadre d'Erasmus+. Elle fait converger les prises en charge financières et rend obligatoire la compensation des coûts de la protection sociale. Pour ce faire, elle lève des contraintes administratives.

Pragmatique, ce texte s'inscrit dans le développement de l'alternance en France, voulu par le Gouvernement, en faisant le choix de la libéralisation, illustrée par la loi Liberté de choisir son avenir professionnel. Nous insistions lors de son examen sur le fait que le développement de l'apprentissage ne devait pas se faire au détriment de la qualité de la formation.

Le bilan de la Cour des comptes, dans sa note de juillet 2023, est mitigé : la loi de 2018 incite à recourir à l'apprentissage et encourage l'usage du compte personnel de formation (CPF), mais elle ne pose aucune limite, ce qui crée des dépenses très dynamiques. Le dispositif devrait être orienté vers les moins qualifiés. Un rapport du Sénat pointe ainsi la soutenabilité d'un modèle qui engendre des créances sans limites pour l'opérateur.

Nous sommes préoccupés par la possible solitude des alternants, en cas de mise en veille du contrat. La solution de développer les mises à disposition est bénéfique, même si elle se comprend plutôt pour les grands groupes, qui ont des filiales à l'étranger.

Cette proposition de loi technique propose des solutions cohérentes. Nous espérons que la demande de rapport au Parlement sur les bourses et aides financières destinées aux apprentis, prévue à l'article 3, sera bien suivie d'effets. (Mme Caroline Grandjean acquiesce.) Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Frédérique Puissat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.) Merci, madame la rapporteure, pour votre travail sur votre premier texte (Mme Patricia Demas apprécie) ; vous vous inscrivez dans la lignée de Jean Arthuis et d'Alain Milon...

M. Philippe Bas.  - Très juste.

Mme Frédérique Puissat.  - ... lequel est à l'origine d'un article additionnel incitant toutes les parties à profiter des opportunités offertes par Erasmus+, première pierre de l'édifice. Je remercie également Michel Forissier, alors sénateur du Rhône, d'avoir aménagé le dispositif dans la loi de 2018 - deuxième pierre de l'édifice.

Malgré l'augmentation du nombre d'apprentis bénéficiant d'Erasmus+, l'Igas note que cette mobilité est faible et de court terme en comparaison avec celle des étudiants de l'enseignement supérieur. Le nombre d'apprentis est ainsi passé de 320 000 en 2018 à plus de 800 000 en 2022.

Vos travaux, madame la rapporteure, lèveront des freins ; nous vous suivrons pour cette troisième pierre de l'édifice. (M. Philippe Bas applaudit.)

Nous faisons face à quelques difficultés : premièrement, l'équilibre financier de France Compétences, sur lequel nous avons fait des propositions lors de l'examen du PLF, qui n'ont pas été retenues ; deuxièmement, l'apprentissage dans la fonction publique territoriale ; troisièmement, la dette de l'Unédic, qui est liée aux frontaliers, ne doit pas se creuser davantage.

Pour être véritablement fiers de cette loi, il nous faut un éclaircissement sur ces trois points. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Élisabeth Doineau et Véronique Guillotin applaudissent également.)

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC) Les voyages, c'est la découverte, l'inconnu. Nous connaissons tous un jeune qu'une mobilité Erasmus a fait grandir.

Ce programme a permis à de nombreux jeunes de gagner en autonomie. La loi de 2018 a été la première pierre pour ouvrir la mobilité aux alternants ; mais les freins restent forts, malgré le développement de l'apprentissage au cours du quinquennat, qui a largement contribué à la baisse du taux de chômage. Terminer ses études en ayant acquis une expérience professionnelle est une force.

Nous devons continuer à soutenir ce dispositif. Actuellement, le contrat est mis en veille durant la période de mobilité. Dans ce cas, l'employeur est libéré de toutes ses obligations, ce qui inquiète l'apprenti et son CFA - sauf pour les mobilités de moins de quatre semaines. Il existe également des freins financiers, car la prise en charge diffère entre opérateurs. Enfin, autre frein : la méconnaissance de cette possibilité de séjour à l'étranger.

Cette proposition de loi y remédie en supprimant la limite de quatre semaines pour les mises à disposition et la durée minimum de six mois pour effectuer une mobilité. Les CFA pourront souscrire des conventions de partenariat, ce qui va dans le bon sens. Le texte rend obligatoire la prise en charge par les Opco des cotisations sociales liées à la mobilité des apprentis. Sans doute serait-il nécessaire de procéder à une véritable harmonisation entre les Opco, mais ce texte est un premier pas.

L'apprentissage est une force, Erasmus est une chance. Il faut les concilier. Le groupe INDEP soutient pleinement l'esprit de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Élisabeth Doineau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.) Je me réjouis de voir inscrite cette proposition de loi à l'ordre du jour.

Jean Arthuis, combattant acharné en faveur de l'apprentissage et des idéaux européens, n'est pas étranger à ce texte, ni à ma présence à la tribune...

Je remercie la rapporteure Patricia Demas de sa rigueur et de sa sensibilité.

Lors de son discours à la Sorbonne en 2017, le Président de la République avait pour objectif que la moitié d'une classe d'âge ait effectué un séjour dans un pays européen. Or on compte 10 000 Erasmus+ pour 837 000 contrats d'apprentissage, et seulement 933 départs d'alternants selon le rapport de Sylvain Maillard : la marge à la progression est immense.

Ce texte lève des freins et apporte dynamisme, flexibilité et simplification.

Dynamisme : un séjour à l'étranger permet d'acquérir de nouvelles compétences, alors que 60 % des jeunes issus d'un lycée professionnel sont sans emploi six mois après leur sortie. La mobilité s'inscrit pleinement dans les prérogatives de l'Union européenne. Permettons à ces jeunes d'en profiter : l'Europe appartient à tous. Le référent mobilité est pertinent.

Flexibilité, ensuite : facilitons le séjour des apprentis à l'étranger. La proposition de loi crée un droit d'option : la mise à disposition permettrait à l'entreprise de conserver ses responsabilités vis-à-vis des jeunes, tout en les sécurisant, ce qui favorise le sentiment d'un destin commun européen.

Simplification, enfin : celle-ci ne signifie pas déconvention. En effet, la proposition de loi supprime l'obligation d'une convention individuelle de mobilité si une convention de partenariat existe entre le CFA et l'organisme étranger.

Ce texte fait de la démocratisation de la mobilité une priorité. C'est une véritable avancée politique. Saisissons cette chance : le groupe UC le votera sans réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, du RDSE et du RDPI)

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je salue cette proposition de loi. Le programme Erasmus a profité à 13 millions de jeunes. Mais il reste inégalitaire : les apprentis représentent 28,5 % des étudiants et 10 % des bénéficiaires d'Erasmus. Ce texte lève des obstacles administratifs, ce qui est une bonne chose. Nous croyons en l'Europe : le GEST le votera.

Il faut toutefois un soutien financier renforcé aux étudiants. Tel était le sens de notre proposition de loi visant à créer une allocation autonomie universelle d'études, qui, malheureusement, n'a pas été adoptée. Toutefois, elle a ouvert le débat : nous devons travailler sur le sujet au Sénat. Mais le Gouvernement doit faire de même, compte tenu du peu de réponses apportées par Sylvie Retailleau.

Les séjours longs à l'étranger s'adressent surtout aux plus favorisés. Je salue le rapport demandé à l'article 3 par le groupe écologiste à l'Assemblée nationale : nous y verrons plus clair sur les aides financières réservées aux apprentis. Il faut augmenter les bourses de mobilité, sans quoi nous laisserons les trois quarts des étudiants à nos frontières. Qui sait, peut-être le Gouvernement utilisera-t-il à ces fins les 160 millions d'euros prévus pour le service national universel ? Ce serait un usage plus raisonnable des deniers publics...

Le programme Erasmus est une chance : tous les jeunes doivent en bénéficier, quelle que soit leur condition sociale. Comme le dit Mme Doineau, la marge de progrès est immense. Cette année à l'étranger serait salutaire, alors que nous vivons un moment de repli. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Mme Silvana Silvani .  - Ce projet est très positif, car il est une alternative à la logique de marché de l'Union européenne : j'ai nommé Erasmus. Cet outil d'émancipation et de brassage culturel est l'antithèse des discussions en cours sur le projet de loi Immigration...

Cette proposition de loi me met mal à l'aise : selon une députée du même groupe que son auteur, l'exécutif offre un plateau d'argent à l'extrême droite.

Le communiqué de France universités est clair : une « caution retour » condamnerait les étudiants hors Union européenne à se détourner de la France. Pourtant, ils sont indispensables à notre industrie. Ce « en même temps », combiné à la facilitation du séjour à l'étranger des apprentis, est profondément contradictoire.

Vous démantelez l'enseignement professionnel public pour répondre aux demandes du patronat. Avec la réforme Attal, des jeunes de 15 ans sont formés aux métiers les plus pénibles, à 2,80 euros par heure.

Certes, ce texte a le mérite d'améliorer l'accès à Erasmus, mais nous ne sommes pas dupes : la réforme de la voie professionnelle, qui cautionne la ségrégation sociale, avec des exécutants mal payés d'une part, et les métiers requérant des études supérieures et moins accessibles, d'autre part.

Je suis réservée sur le tout apprentissage, au coût abyssal : 5,9 milliards pour France Compétences en 2022. Ce système est peu favorable aux jeunes et nombre de jeunes sortent sans diplôme. Comme le souligne Gilles Moreau, l'apprentissage n'accueille que 30 % de filles et peu de jeunes issus de l'immigration. C'est pourquoi nous nous abstiendrons.

Nous sommes bien sûr favorables à la mobilité des jeunes en Europe, mais aussi ailleurs. Cela dit, nous préférerions un renforcement de la voie professionnelle, notamment de l'enseignement des langues, pertinent pour un déplacement à l'étranger, et privilégierions une aide à la mobilité au mécanisme complexe qui nous est proposé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.) Infatigable défenseur de la mobilité des apprentis en Europe, Jean Arthuis dit que les apprentis doivent aussi aller à la rencontre du monde. Créé en 1987, Erasmus est l'un des symboles de la construction européenne, avec près de 600 000 départs chaque année.

Mais les apprentis, qui y ont théoriquement droit depuis 1995, n'en bénéficient que trop peu, les législations de l'apprentissage différant selon les pays. Les freins sont aussi financiers - au-delà de quatre semaines, l'apprenti perd son salaire -, académiques et psychologiques, avec la peur de mal maîtriser la langue.

La proposition de loi lève certains obstacles. Avec une immersion de plusieurs mois, les apprentis gagnent en confiance. Comme le dit Thierry Marx, la mobilité offre une clef sur le monde. Elle permet d'acquérir des compétences transversales, des savoir-faire et des savoir-être.

Jadis, l'apprentissage était considéré comme une voie de garage. Il pâtit encore d'une mauvaise image, même si les choses s'améliorent. Donner à ces jeunes les moyens de partir leur apporte une valeur ajoutée indéniable. Selon le rapport de l'Igas, les pertes de salaires limitent la mobilité. Cela n'a pas lieu en Allemagne ou au Danemark.

Le texte assouplit l'obligation d'une convention individuelle de mobilité en cas d'existence préalable d'une convention de partenariat. Il permet aux apprentis de bénéficier d'une couverture sociale minimale. La limite d'âge de 29 ans, pour les apprentis de l'Union européenne, est levée.

Peu d'apprentis luxembourgeois effectuent une mobilité en France, notamment dans la zone frontalière. Je regrette que le flux aille dans un seul sens, de la France vers le Luxembourg. Or nos entreprises auraient beaucoup à apporter aux apprentis luxembourgeois - je pense à Renault, à Batilly, et à Le Bras Frères, qui restaure le toit de Notre-Dame.

Ce texte est une étape importante, mais il faudra poursuivre les efforts, notamment sur les financements ou sur la pérennisation des référents mobilité. Le RDSE le votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe UC ; Mme Anne-Marie Nédélec applaudit également.)

La proposition de loi est définitivement adoptée.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales.  - Je remercie Patricia Demas pour la qualité de son travail.

Il revient au Gouvernement et aux organisations professionnelles de faire vivre cette proposition de loi. Il faut généraliser les référents mobilité. Les jeunes apprentis doivent être informés de cette chance. Rendez-vous dans un an ou deux pour que la commission fasse le bilan de l'application de cette loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC)

M. Michel Savin.  - Très bien !

La séance est suspendue quelques instants.

Respect du droit à l'image des enfants (Nouvelle lecture - Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants.

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Nous débattons à nouveau du sujet primordial de la protection des enfants et du respect de leur droit à l'image. Nous reconnaissons tous qu'il faut protéger leur vie privée dans une société où les réseaux sociaux occupent une place prépondérante. Nous n'avons pas mesuré les implications du tsunami du numérique.

Avant ses 13 ans, un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne ; ses parents partagent en moyenne 71 photos et 29 vidéos par an. Un cinquième des parents ont un profil Facebook et la moitié d'entre eux partagent des photos avec des gens qu'ils ne connaissent pas vraiment. En 2020, la moitié des images qui s'échangent sur les sites pédopornographiques ont été publiées par les parents en premier lieu.

Identité numérique et droit à l'oubli : on comprend mieux l'urgence de voter cette proposition, dont le député Bruno Studer est à l'origine. Elle est pédagogique : elle ne bouleverse le droit, mais sensibilise les parents sur l'utilisation nocive des images des enfants, dont ils doivent préserver le droit à l'image, au même titre que leur sécurité ou leur santé.

Le débat porte non pas sur les principes, mais sur les modalités d'application. La CMP n'a pas abouti - cela arrive... (Mme Charlotte Caubel s'en amuse.) Au mois de mai dernier, la proposition de loi a été adoptée de manière transpartisane à l'Assemblée nationale. En dépit des efforts des deux chambres, des points de discordance demeurent.

Je salue le travail de convergence de la rapporteure Isabelle Florennes, que je suis heureux de retrouver sur ces travées, après avoir travaillé avec elle à l'Assemblée nationale. Dans son premier rapport parlementaire, elle démontre son attachement au dialogue parlementaire : qu'elle en soit chaleureusement remerciée.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Bravo !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il appartient aux parents de s'assurer de la moralité de la vie privée : être parent au XXIe siècle n'est pas la même chose qu'au siècle dernier. Les vidéos sont conservées indéfiniment : je regrette que la commission ait supprimé l'article 1er.

À l'article 2, la commission des lois ne conserve que le rappel du principe selon lequel les parents protègent en commun le droit à l'image de leur enfant. Il est dommage d'abandonner le renvoi à l'article 9 du code civil. Il n'est pas inutile de rappeler que les parents associent les enfants à l'exercice de leur droit à l'image selon leur âge et leur degré de maturité, même si l'article 371-1 dudit code en dispose déjà ainsi.

L'article 3 de la proposition de loi ne comporte plus qu'un II, puisque vous avez pris acte de la suppression par l'Assemblée nationale d'un dispositif inapplicable : subordonner à l'accord des deux parents la diffusion de contenus relatifs aux enfants. La commission des lois entend ouvrir la saisine du juge aux affaires familiales (JAF) en cas de publication de contenu relatif à la vie privée des enfants. Mais le JAF n'est pas le juge des enfants. S'il veille à la sauvegarde de leurs intérêts, son office est de résoudre un conflit d'exercice de l'autorité parentale.

La commission des lois a de nouveau supprimé l'article 4, qui complétait les conditions dans lesquelles l'autorité parentale peut faire l'objet d'une délégation totale ou partielle. Elle a déjà lieu en cas de désintérêt pour l'enfant, de crime d'un parent sur l'autre ou d'incapacité d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale. Cet article prévoyait une délégation partielle lorsque la diffusion de l'image porte atteinte à son intégrité, une avancée significative que vous ne conservez pas.

Vous avez aussi modifié l'article 5 pour en étendre l'application à l'outre-mer, ce qui uniformisera le nouveau régime de saisine du juge des référés par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Je suis réservé sur ce nouveau régime, mais le cas échéant, il faut évidemment l'étendre à l'outre-mer.

Je ne doute pas de la possibilité d'obtenir un compromis rédactionnel pour adapter nos règles à la société.

Mme Audrey Linkenheld.  - C'est facile...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est elle qui fait le droit, pas l'inverse. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mmes Isabelle Florennes et Olivia Richard applaudissent également.)

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance .  - Les droits de l'enfant sont trop souvent virtuels dans le monde numérique. Les réseaux sociaux portent souvent atteinte à leur santé, leur moralité et leur vie privée, parfois du fait de l'usage des parents. Pourtant, dans la vie réelle, écoles et clubs demandent une autorisation au droit à l'image. Personne n'aurait l'idée de présenter des photos dans la rue ou à des pédocriminels. De même, le monde numérique doit être régi par le droit, et notamment le droit à l'image, qui est fondamental. La responsabilité des parents est primordiale.

Cette proposition de loi insère dans le code civil le droit à l'image numérique des enfants, en intégrant l'autorité parentale, c'est-à-dire l'ensemble des droits et devoirs pour l'intérêt de l'enfant. Tout est dit.

Le numérique et les réseaux sociaux donnent l'impression, l'illusion que les droits y sont infinis : celui d'être fiers de ses enfants, mais aussi le droit de se moquer, de jouer avec cette image, de gagner de l'argent avec. Or les parents ont le devoir de protéger leurs enfants.

Je sais que vous êtes effarés, comme moi, par les parents influenceurs utilisant l'image de leur enfant pour obtenir plus de likes. Or 50 % des images d'enfants retrouvés sur les ordinateurs des pédocriminels sont des images du quotidien, détournées. Elles peuvent être utilisées à des fins abominables.

Avec la Première ministre et le ministre de l'intérieur, nous avons inauguré ce 20 novembre le nouvel Office des mineurs. Les images de sites pédopornographiques sont bien souvent détournées des réseaux sociaux ; les parents ne mesurent pas le risque.

Exposer son enfant quand il n'a pas l'âge de prendre des décisions autonomes est dangereux : aucun enfant ne veut retrouver des images ridicules prises lorsqu'il avait 4 ans, voire constater qu'elles sont détournées. Avec cette proposition de loi, les adultes pourront être sanctionnés et les différends tranchés.

Nous comptons sur vous. Nous devrons poursuivre encore le travail, après avoir renforcé le contrôle parental ou encore instauré la majorité numérique à 15 ans. Le Sénat est de tous les combats, soyez de celui-là. Vous serez cohérents avec les principes que vous avez soutenus depuis 2020 et défendrez la protection des enfants, dans la vie réelle comme virtuelle. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Michel Masset et Mme Olivia Richard applaudissent également.)

Mme Isabelle Florennes, rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées des groupeUC et Les Républicains ; M. Michel Masset applaudit également.) Comme l'avait relevé Valérie Boyer, rapporteure du texte en première lecture, l'ouverture du monde numérique aux enfants est un défi majeur pour les familles et les institutions, notamment en faveur de la santé publique. Le ministre de l'éducation nationale en a parlé.

Le Sénat, constructif, a voté des apports que je vous invite à conserver. Lors de la CMP, les divergences se sont cristallisées sur deux points principaux, à commencer par l'accord des deux parents pour la diffusion de contenu sur internet. Valérie Boyer voulait inviter les parents à réfléchir ensemble avant de publier une photo sur un réseau social.

L'autre divergence porte sur l'article 4, qui crée une délégation de l'autorité parentale en cas d'atteinte claire à la dignité morale de l'enfant. Le Sénat l'avait supprimée, mais l'Assemblée nationale a maintenu sa position sur ces dispositions problématiques.

La commission des lois a supprimé l'article 1er, car elle ne souhaite pas ériger la vie privée de l'enfant au même niveau que la protection de la sécurité et de la santé ; c'est d'autant moins justifié que l'article 9 du code civil garantit déjà le droit de chacun au respect de sa vie privée.

Il faut que les parents réfléchissent ensemble. Serait inscrit pour la première fois dans le code civil le droit à l'image.

La commission a renoncé à introduire à l'article 3 l'accord des deux parents pour la diffusion d'images, en cohérence avec le vote du Sénat de la loi du 7 juillet 2023, qui prévoit l'accord d'un seul titulaire de l'autorité parentale pour l'inscription sur un réseau social avant les 15 ans de l'enfant.

La commission des lois a précisé les pouvoirs du JAF. Les parents n'ont pas tant l'exercice du droit à l'image de l'enfant que le devoir de le protéger.

La commission des lois a maintenu la suppression de l'article 4, comme en première lecture, car il n'est pas opérant.

L'article 5 a été conservé dans sa nouvelle rédaction issue de l'Assemblée nationale, pour que la Cnil, agissant en référé, protège plus efficacement les données personnelles des mineurs.

Je vous propose d'adopter cette proposition de loi dans la rédaction de notre commission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

M. Hussein Bourgi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le recours accru aux réseaux sociaux expose davantage chacun d'entre nous. Lorsque l'exposition est consentie, cela ne soulève aucune difficulté de principe. Mais il faut protéger les victimes, surtout lorsqu'elles sont mineures.

Le dernier texte gouvernemental sur ce sujet remonte à 2016, sous François Hollande, sur l'initiative d'Axelle Lemaire, avec l'amélioration du droit à l'oubli. Ces travaux avaient abouti à la loi pour une République numérique.

Depuis, le cyberenvironnement a beaucoup évolué. La commissaire des enfants pour l'Angleterre montre qu'un enfant apparaît sur 1 300 publications en ligne avant ses 13 ans. Si poster des photos de ses enfants sur les réseaux sociaux paraît anodin, certains usages sont sordides : la moitié des photos d'enfants s'échangeant sur des réseaux pédophiles avaient été publiées initialement par les parents, selon le Centre national pour les enfants disparus et exploités aux États-Unis.

Face à ce risque de détournement, ce texte a une portée normative limitée. Elle est davantage déclarative : son auteur Bruno Studer lui-même l'a décrite comme une loi de pédagogie à destination des parents.

Je salue Valérie Boyer et Isabelle Florennes pour leur travail dans un esprit de consensus. Nous ne sommes pas réfractaires aux articles 2 et 3, dans leur nouvelle rédaction, et la suppression de l'article 1er va dans le bon sens.

En revanche, nous sommes défavorables à la suppression de l'article 4, et le référé prévu à l'article 5 semble peu adapté pour des mesures ni urgentes ni imminentes.

Le groupe SER votera malgré tout cette proposition de loi, parcellaire et lacunaire, au champ d'application restreint, mais qui a pour mérite de mettre en évidence les risques de l'univers numérique au XXIe siècle. Espérons qu'elle ouvre de nouveaux débats, si possible à l'initiative du Gouvernement.

Nous savons que ce n'est pas tant la législation que sa mise en oeuvre qui compte. Or convaincre les Gafam à retirer des images compromettantes, à respecter le droit à l'oubli est un combat qu'aucun État ne semble avoir entrepris.

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, entreprenez sans tarder ce difficile chantier. Vous nous trouverez à vos côtés. (M. Denis Bouad applaudit.)

Mme Elsa Schalck .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La protection des mineurs dans l'univers numérique omniprésent est un enjeu pour les parents, mais aussi pour les institutions. Avec 300 millions de photos diffusées chaque jour, la surexposition est une réalité.

Diffuser une photo, un contenu sur la toile, c'est s'exposer à un risque de détournement, avec des conséquences parfois dramatiques : harcèlement scolaire, usurpation d'identité ou pédocriminalité. Je salue donc l'initiative de Bruno Studer, député du Bas-Rhin. Il faut trouver une voie de passage.

La commission des lois a supprimé l'article 1er, qui mettait la vie privée au même niveau que la sécurité, alors que protéger son enfant suppose parfois une atteinte à sa vie privée.

L'article 2, symbolique, a une vertu : rappeler aux parents leur obligation conjointe de protéger le droit à l'image de leurs enfants. Les parents doivent être conscients de leur responsabilité. L'inscription expresse du droit à l'image dans le code civil est une avancée.

La commission des lois n'a pas réintroduit, à l'article 3, l'accord des deux parents pour la diffusion d'un contenu. C'est un choix de cohérence avec la loi du 7 juillet 2023. Ne complexifions pas le droit.

La commission des lois a confirmé la suppression de l'article 4, inefficient.

Nous partageons le constat et l'objectif de ce texte. La navette parlementaire a été bénéfique et constructive. Je souhaite que cette loi puisse voir le jour.

Madame et monsieur les ministres, j'ai toutefois un regret : le manque d'une véritable politique publique en la matière. Le Parlement s'est prononcé sur plusieurs textes ces derniers mois -  majorité numérique, haine en ligne, protection contre les écrans, droit à l'image. Il serait cohérent et pertinent d'avoir une véritable politique sur le sujet.

Le groupe Les Républicains votera ce texte ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Alain Marc .  - La numérisation progressive de la société est inéluctable. Or les enfants sont mis en danger par leur surexposition sur internet, et notamment sur les réseaux sociaux. Il faut repenser leur protection, car les chiffres sont terrifiants : 300 millions d'images sont diffusées chaque jour sur les réseaux sociaux. À 13 ans, l'enfant apparaît déjà sur 1 300 photos publiées en ligne. Un tiers ont même une diffusion avant même leur naissance, avec la publication de leur échographie.

Or cela peut donner lieu au harcèlement scolaire, à l'intimidation, à la pédocriminalité. En raison de la surexposition grandissante de l'enfant et des usages malveillants, il faut adapter notre arsenal juridique.

Cette proposition de loi ne réglera pas tous les problèmes, même si elle rappelle que l'enfant est titulaire de droits fondamentaux pour sa propre construction. Nécessaire, elle n'est pas suffisante. Faisons appel à l'éducation, à la prévention ou à la sensibilisation.

Je regrette que le Gouvernement n'ait pas mobilisé tous les acteurs ayant les pouvoirs d'agir, comme l'éducation nationale ou la santé, pour une véritable politique. Il faut une vision plus globale.

Plusieurs initiatives parlementaires ont vu le jour dans le domaine de la protection des mineurs dans l'univers numérique, mais agir au coup par coup est moins efficace. Accordons-nous sur un texte opérant. Notre groupe soutient toute démarche en faveur de la protection des enfants et votera ce texte avec conviction, tout en appelant à une véritable mobilisation pour alerter sur les dangers. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI et du RDSE)

Mme Olivia Richard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Après une CMP non conclusive, nous examinons à nouveau cette proposition de loi. Les chiffres sont sidérants : 13 000 images en moyenne diffusées sur internet avant les 13 ans de l'enfant !

La surexposition des enfants sur les réseaux sociaux et l'usage malveillant qui peut en être fait inquiète. L'enfant n'est pas l'objet de ses parents mais un sujet détenteur de droits. Il ne peut pas être dans son intérêt d'être ainsi surexposé. Mais certains parents sont défaillants quand il s'agit de protéger leurs enfants en ligne.

Comme nous l'apprend la fable, tout influenceur vit aux dépens de celui qui l'écoute. Voir des vidéos d'enfants sur internet est devenu normal. Je le comprends : chacun est fier de ses enfants et veut vanter leurs exploits - qui valorisent les parents. C'est une dérive narcissique d'exposer ainsi des enfants. Quelle confiance en soi aura un enfant en voyant les milliers de likes sur des vidéos humiliantes publiées par ses propres parents pour distraire une invisible galerie, en se rendant compte, une fois adulte, que ses amis, ses collègues ont accès à toute son enfance ?

Ce qui relève de l'intime doit être préservé du regard de l'autre, même bienveillant. Il faut faire oeuvre de pédagogie envers les parents. Qui, partageant les premiers pas de son enfant à la plage, a conscience que la moitié des images sur les sites pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents ? Qui, annonçant la naissance de son enfant, sait que ces informations peuvent être utilisées pour usurper son identité ? Qui, en publiant vidéos ou photos de ses enfants, se doute qu'elles nourriront de potentiels harceleurs au collège ?

Je n'ose imaginer quelle aurait été la tonalité de ma campagne si des photos de mes enfants avaient été utilisées pour me déstabiliser. Je suis trop âgée pour que des images de moi barbouillée circulent sur internet ; j'aurais peut-être dû renoncer à me présenter !

Je salue le travail constructif de notre rapporteur, qui a réaffirmé la voix du Sénat.

Nous avions déjà adopté, il y a trois ans, un texte de Bruno Studer pour mieux lutter contre l'exploitation commerciale des enfants influenceurs. L'appât du gain n'est pas la seule motivation : le simple fait de devenir visible peut pousser des parents à des excès, incitant leurs enfants à aller toujours plus loin. Éphémère lumière qui brûle l'enfance...

Si cette proposition de loi va dans le bon sens, je regrette l'absence de politique générale sur le rapport des familles au numérique. Le sujet mérite une vision d'ensemble, qui aborde la globalité du problème.

Espérons que le vote de ce texte sera l'occasion d'ouvrir une discussion plus large. Le groupe UC votera ce texte tel qu'amendé par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Grégory Blanc .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Guy Benarroche, retenu à l'Assemblée nationale pour une autre réunion...

Comme en première lecture, notre groupe salue l'initiative de Bruno Studer, qui permettra d'adapter notre législation à l'omniprésence des réseaux sociaux. Le partage de photos et de vidéos se fait en une fraction de seconde. Un tiers des échographies est partagé. Neuf parents sur dix diffusent des images de leurs enfants sur les réseaux sociaux avant leurs 5 ans. En moyenne, ils diffusent 71 photos et 29 vidéos par an de leur enfant de moins de 13 ans.

Or loin d'être un acte banal, la diffusion de photos peut être lourde de conséquences. Chaque image laisse une trace et peut être détournée.

Le cadre juridique actuel est inapproprié pour protéger efficacement le droit à l'image des enfants, qui relève du droit à la vie privée, de valeur constitutionnelle. Commençons par responsabiliser les parents. C'est ce que fait l'article 2, qui consacre le principe d'exercice en commun du droit à l'image de l'enfant par ses parents. Je me félicite que la rapporteure ait permis son rétablissement. Le juge pourra interdire la diffusion d'images à un parent qui a manqué à son obligation.

Mais il faut aussi renforcer la lutte contre le partage illicite de contenus. L'article 5 permettrait à la Cnil de saisir la justice pour faire bloquer un site en cas d'absence de réponse à une demande d'effacement. Malheureusement, cette disposition n'a pu être rétablie à l'Assemblée nationale, malgré un amendement de notre collègue Jérémie Iordanoff, très engagé sur le sujet.

Nous avons encore du travail pour avancer sur le troisième volet : pour responsabiliser les parents, il faut mieux les informer. Cet accompagnement relève de la responsabilité des pouvoirs publics. Compléter les informations sur le site jeprotegemonenfant.gouv.fr serait un début.

Nous voterons ce texte bienvenu, en remerciant la rapporteure pour son travail constructif. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

Mme Michelle Gréaume .  - Nous déplorons le désaccord entre les deux chambres sur un objectif qui aurait dû faire consensus : la protection de nos enfants. D'autant que la position de la commission des lois du Sénat sur l'article 3 a évolué ; c'est désormais l'article 4 qui est à la source du différend. Il permet une délégation forcée de l'autorité parentale dans des situations où l'intérêt des parents entre en conflit avec celui de l'enfant dans l'exercice du droit à l'image. Nous y étions favorables.

Plus globalement, nous aurions souhaité que ce texte aille plus loin, notamment sur la sensibilisation des parents, qui ne passe pas uniquement par la loi. Même si les parents ne sont pas mal intentionnés, il faut les informer des risques inhérents à l'exposition de leurs enfants et du droit en vigueur - je pense au droit à l'oubli au bénéfice des mineurs.

Ce travail de sensibilisation, qui doit s'effectuer en amont, relève d'un cercle vertueux : un parent plus conscient des dangers saura alerter autour de lui.

Malgré ces réserves, et comme en première lecture, nous soutiendrons ce texte. Il semble que nous nous acheminions vers une lecture définitive par les députés. Nous saluons la réintroduction de l'article 5, contre l'avis du Gouvernement, qui permettra à la Cnil de saisir la justice en vue de sauvegarder les droits des mineurs en cas d'absence de réponse à une demande d'effacement, et espérons le retrouver dans le texte définitivement adopté.

C'est un texte qui comble un vide, mais aussi un appel à faire mieux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Grâce à la dynamique volontariste du Parlement, l'impunité sur les réseaux sociaux s'amenuise. Mais le chemin reste long.

Parmi nos anciens travaux, la loi du 19 octobre 2020 a traité du sujet des enfants influenceurs et rappelé l'importance d'établir des règles et de sensibiliser sur les conséquences que peuvent avoir ces publications. Lors des débats sur la présente proposition de loi, le RDSE avait regretté que ce sujet n'ait pas été traité d'un seul tenant.

En plus de manquer un objectif de clarification de la réglementation, ces initiatives successives empêchent tout regard d'ensemble - mais cela ne saurait faire obstacle à ce que le RDSE approuve une protection accrue des enfants.

Sur le fond, la suppression de l'article 1er n'emporte pas de conséquences juridiques, bien que cette mesure eût consacré la protection de la vie privée de l'enfant comme partie de l'autorité parentale. Notre commission des lois a également supprimé l'article 4 qui prévoyait une délégation forcée de l'exercice du droit à l'image des enfants dans certaines conditions. Si c'est bien aux parents de protéger le droit à l'image de leurs enfants, il ne faut pas exclure a priori une régulation plus forte et une protection par l'État.

L'article 3 modifié est également le symptôme du désaccord entre Sénat et Assemblée nationale. Si nous regrettons que la commission ait renoncé à réintroduire l'exigence d'un accord de chacun des parents, nous nous satisfaisons du rôle du juge aux affaires familiales.

Nous saluons l'inscription du droit à l'image dans le code civil, disposition qui semble faire consensus entre nos deux chambres.

Nous saluons l'accord trouvé sur l'article 5 pour inclure la Cnil dans la protection des droits et libertés des mineurs. Malgré nos réserves, nous voterons pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous avons tenté de nous accorder avec l'Assemblée nationale en juin dernier. Malheureusement, la CMP a échoué sur deux points : l'exigence d'un accord des deux parents pour toute diffusion d'une image de leur enfant, ajoutée par le Sénat à l'article 3, avec lequel mon groupe était en désaccord, mais également la création à l'article 4 d'une délégation forcée de l'exercice du droit à l'image de l'enfant à un tiers, à laquelle tenaient les députés.

Le travail réalisé ces dernières années par le Parlement pour protéger le droit à l'image des enfants sur internet montre l'existence d'un consensus pour adapter notre droit en la matière.

L'Assemblée a fait évoluer sa position en modifiant l'article 2, que le Sénat avait supprimé, et en conservant un apport important de notre assemblée permettant à la Cnil d'agir en référé. Je remercie Mme la rapporteure d'avoir accepté de faire évoluer la position de la commission sur la question de l'accord des deux parents - en première lecture, le RDPI avait déposé un amendement en ce sens. Cela s'inscrit dans la continuité de la position du Sénat lors du vote de la loi du 7 juillet 2023.

Ce texte contribuera à façonner un socle solide mais évolutif dans un monde où les technologies évoluent rapidement.

Le Sénat et l'Assemblée nationale ont fait un pas l'un vers l'autre. Le RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Discussion des articles

L'article 2 est adopté, de même que les articles 3 et 5.

La proposition de loi est adoptée.

CMP (Nominations)

M. le président.  - Des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

La séance est suspendue quelques instants.

Lutte contre les dérives sectaires (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires. La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - Le 12 juin 2001, la loi About-Picard créait le régime juridique de la lutte contre les dérives sectaires, et le délit d'abus de faiblesse lié à un état de sujétion psychologique ou physique. C'est un acquis à préserver.

L'État doit aujourd'hui adapter son organisation et sa réponse pénale pour tenir compte des transformations du phénomène des dérives sectaires intervenues depuis.

Le Gouvernement est déterminé à mener ce combat et à venir en aide aux victimes. C'est tout le sens de la stratégie nationale diffusée en novembre dernier, qui comporte treize objectifs et quarante mesures opérationnelles - dont ce projet de loi.

Je serai claire : l'État ne lutte pas contre les croyances, les opinions ou les religions, mais bien contre les dérives sectaires. La République garantit la liberté de conscience : c'est l'article X de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Nous y sommes profondément attachés. Mais l'État protège ses citoyens de ces dérives sectaires, qui menacent la cohésion sociale et font des milliers de victimes.

Dans son dernier rapport, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) alerte sur les solutions miracles proposées par certains pseudo-thérapeutes contre les cancers, avec des injections de gui ou de jus de citron, voire des interruptions de soins. Or ces pratiques peuvent être très dangereuses. (Mme Nathalie Goulet renchérit.) Face à ces charlatans, nous ne pouvons laisser les victimes seules, nous devons les protéger.

Les dérives sectaires prennent de l'ampleur : les signalements à la Miviludes ont doublé depuis 2010. Les difficultés sociales et la crise sanitaire ont accru les vulnérabilités de certains de nos concitoyens - et ce n'est que la pointe émergée de l'iceberg.

Le phénomène s'est transformé en tirant profit du numérique, avec des gourous 2.0 fédérant de véritables communautés d'adeptes en ligne.

Citons aussi le développement préoccupant de la sphère complotiste, notamment à l'occasion de la crise du covid-19.

Face à ce constat, le Gouvernement a mené une large concertation en mars dernier. Je remercie Sonia Backès pour son engagement dans cette cause qui lui tient à coeur.

La stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires 2024-2027 est le fruit de ce travail. Elle comporte trois axes : la prévention, l'accompagnement de proximité des victimes, le renforcement de l'arsenal juridique.

Ce projet de loi vise à réformer le dispositif juridique actuel : il aura des effets importants tant sur la répression des auteurs que sur l'indemnisation des victimes. Nous proposons de créer deux nouveaux délits : à l'article 1er, le fait de placer ou de maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique ; à l'article 4, la provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins, ou à l'adoption de pratiques qui exposent manifestement à un risque grave pour la santé.

En effet, 25 % des signalements à la Miviludes concernent désormais la santé. Ma collègue Agnès Firmin Le Bodo détaillera ce second délit.

En sus d'un nouveau délit d'assujettissement psychologique et physique prévu à l'article 1er, nous avons proposé une circonstance aggravante pour plusieurs crimes et délits commis dans un environnement sectaire : meurtre, torture, actes de barbarie, violences, escroquerie, notamment.

Nous souhaitons renforcer l'accompagnement des victimes : les associations spécialisées pourront se porter partie civile, après une procédure d'agrément par l'État.

Nous prévoyons également une transmission obligatoire des condamnations et des décisions de contrôle judiciaire aux ordres professionnels de santé, pour faciliter les sanctions disciplinaires à l'encontre de praticiens déviants.

Enfin, les services de l'État, notamment la Miviludes, pourront être sollicités par les parquets ou les juridictions judiciaires pour les éclairer.

Le nouveau délit d'assujettissement physique ou psychologique doit permettre d'agir en amont de l'abus de faiblesse. Il ciblera l'embrigadement sectaire qui détruit des personnalités, coupe les personnes de leur environnement familial et ruine leur santé.

La disproportion entre le faible nombre de procédures engagées et la recrudescence des signalements doit alerter. Trop d'affaires sont classées sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée. Entre 2017 et 2022, seulement 95 condamnations sur 361 affaires instruites ! Ce n'est pas satisfaisant.

Il s'agit également d'améliorer l'indemnisation des victimes en reconnaissant mieux le préjudice qui résulte de l'altération de la santé psychologique ou mentale des personnes sous emprise sectaire. Les séquelles sont nombreuses : syndrome post-traumatique, dépression, perte d'autonomie, isolement social ou affectif extrême. En l'état, la réparation par les tribunaux est plus qu'aléatoire. Nous devons mieux protéger les victimes. Tel est l'ambition de l'article 1er.

Madame la rapporteure, vous avez enrichi le texte en commission : renforcement de la protection des mineurs, consécration de la Miviludes dans la loi, entre autres. Attachée au travail parlementaire, je salue ces évolutions qui complètent utilement le texte du Gouvernement.

Je remercie également Nicolas About et Catherine Picard, auteurs de la loi de 2001. Je salue aussi Georges Fenech, ancien président de la Miviludes, acteur central de ce combat, ainsi que les associations spécialisées. Ce texte marque une étape importante dans notre combat contre les dérives sectaires, un sujet qui nous rassemble, et qui nous concerne tous, car nous avons tous nos faiblesses et nos fragilités.

Le sage Sénèque disait, dans De la colère : « Tous les hommes ne sont pas vulnérables de la même façon. Aussi faut-il connaître son point faible pour le protéger davantage. » (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - La menace des dérives thérapeutiques et sectaires se diversifie à la faveur d'évolution de notre société mais aussi des difficultés de notre système de santé ou du développement du numérique. Les Français sont 70 % à avoir une image positive des pratiques non conventionnelles en santé (PNCS), alors que dans le même temps, le nombre de signalements à la Miviludes est passé de 214 en 2015 à 892 en 2021.

Ce constat appelle à mieux encadrer ces pratiques et à mieux réprimer les dérives les plus dangereuses. Le 28 juin dernier, j'ai installé un comité d'appui à l'encadrement des PNCS, rassemblant acteurs de la santé et société civile. Ses travaux serviront de base à l'information des patients, à l'évaluation, et à la formation des professionnels. Ce matin, un programme de travail a été établi pour 2024.

Mais nous ne pouvons pas faire l'économie d'un débat sur notre arsenal pénal, car des gourous continuent de sévir : les professionnels de santé sont impuissants face à des patients qui ont suivi les conseils irresponsables de charlatans, avec des conséquences dramatiques.

L'article 4 vise à réprimer la provocation à s'abstenir de suivre un traitement. D'aucuns estiment qu'il ne serait pas nécessaire au regard des incriminations existantes, notamment du délit d'exercice illégal de la médecine. Or ce délit ne concerne que le colloque singulier, et doit être réitéré pour être caractérisé : il ne couvre donc pas les discours en ligne ou dans le cadre d'un collectif. Idem pour les médecins déviants en exercice régulier. L'article 4 initial apportait donc une réelle plus-value.

Certains craignent qu'il porte atteinte à la liberté d'expression ou conduise à condamner tout propos s'éloignant du discours scientifique « officiel ». Nous prévoyons pourtant quatre critères cumulatifs : que les personnes visées soient atteintes d'une pathologie, que l'abandon du traitement soit présenté comme bénéfique pour la santé, que les conséquences pour la santé soient graves, que le risque pour la santé soit avéré au regard des connaissances médicales.

Circonscrite aux discours présentant un danger concret, la nouvelle incrimination ne saurait être considérée comme une interdiction de toute critique des traitements recommandés ou comme un obstacle à la controverse scientifique. C'est pourquoi le Gouvernement a déposé un amendement visant à réintroduire l'article 4, encouragé par les ordres.

L'article 5 vise à faciliter les procédures disciplinaires des ordres, qui ne sont informés qu'à l'issue des procédures en appel, après de longs mois pendant lesquels les patients n'ont pas été protégés.

Je suis convaincue qu'il faut nous doter de nouveaux outils en matière pénale pour faire face à une menace d'un genre nouveau. Le Gouvernement a travaillé dans un esprit de responsabilité à une rédaction exigeante, dans le souci de ne pas porter atteinte aux libertés fondamentales. ?uvrons ensemble dans l'intérêt des patients.

Mme Lauriane Josende, rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements et « Bravo » sur les travées du groupe Les Républicains) Issu des assises organisées en mars dernier, ce texte poursuit une intention louable : lutter efficacement contre les dérives sectaires. Il marque un regain d'intérêt bienvenu, après des années de relatif désengagement.

Le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur les dérives sectaires a dix ans. Il n'a été suivi d'aucun effet. Pis, la Miviludes a été remise en cause. Les acteurs décrivent deux évolutions majeures : d'une part, le développement des réseaux sociaux ; d'autre part, les polémiques autour de l'épidémie de covid-19, avec une remise en cause du discours des autorités mais aussi des données scientifiques sur l'efficacité et les risques des traitements.

Plutôt que de renforcer les moyens de la justice, la formation des professionnels ou de mener une politique de prévention, le Gouvernement a opté pour de nouvelles dispositions répressives.

Mieux vaudrait avant tout d'appliquer les lois existantes et renforcer les moyens budgétaires et humains. Évitons les effets d'annonce et les solutions de façade pour des problèmes trop réels.

Le Gouvernement a maintenu certaines dispositions en dépit de l'avis négatif du Conseil d'État, qui a soulevé l'absence de nécessité de légiférer ou les risques constitutionnels.

La gravité du sujet et la difficulté à lutter contre des acteurs très organisés nous appellent à la responsabilité et à la vigilance. Depuis la loi About-Picard, le Sénat n'a pas dévié : inutile de légiférer si la nécessité n'est pas avérée, au risque de fragiliser l'arsenal pénal existant, et gare aux effets de bord de règles qui auront une portée générale.

La commission des lois a donc supprimé les articles 1er, 2 et 4. L'article 1er double des infractions existantes et risque d'entraîner des confusions dommageables s'agissant des violences faites aux femmes ou des violences intrafamiliales. En miroir, l'article 2 crée la circonstance aggravante de mise sous sujétion.

Bien que restreint dans sa portée depuis les critiques sévères du Conseil d'État, l'article 4, qui réprime les provocations à l'abstention ou à l'arrêt d'un traitement, demeure attentatoire aux libertés, sans garantie d'efficacité. Gare à ne pas discréditer notre cause en laissant les tenants des dérives sectaires se draper dans le manteau des libertés !

D'autres dispositions, en revanche, vont dans le bon sens. L'article 3 permettra aux associations de se porter partie civile plus facilement. Cela reconnaît leur rôle majeur.

L'article 5 renforce l'information des ordres professionnels sur les décisions judiciaires à l'encontre de leurs membres, ce qui facilitera les décisions ordinales.

L'article 6 octroie à la Miviludes le rôle d'amicus curiae en tant qu'expert dans les procès.

Enfin, la commission des lois a souhaité enrichir ce texte des recommandations des rapports parlementaires, notamment celui de la commission d'enquête de 2013. Nous avons doté la Miviludes d'un statut législatif, afin de l'inscrire dans la durée et de conforter sa vocation interministérielle, et de la protéger contre les procédures abusives.

Je m'étonne de l'absence dans le texte du Gouvernement de disposition pour réprimer les infractions commises en ligne. Nous avons donc renforcé les délits d'exercice illégal de la médecine, de pratiques commerciales trompeuses et d'abus de faiblesse dès lors qu'ils seraient commis en ligne ou au moyen de supports numériques.

Pour prendre en compte la situation des victimes mineures, nous avons prévu que le délai de prescription ne coure qu'à partir de leur majorité. Je remercie Nathalie Delattre, avec qui j'ai travaillé sur ce sujet tristement d'actualité.

Des amendements émanant de tous les groupes pourraient utilement compléter ce texte, notamment ceux de Martine Berthet, Corinne Imbert et François Bonneau sur l'exercice illégal de la pharmacie et de la biologie, et de Guy Benarroche sur le maillage territorial : j'émettrai un avis favorable sur ces amendements.

Nous aurons alors pu faire oeuvre utile sans créer ce qui existe déjà, mais en portant à leur terme des travaux parlementaires réfléchis et transpartisans. Je vous propose d'adopter ce texte complété par la commission des lois et expurgé de ses principales fragilités juridiques. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Baptiste Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'actualité illustre la pertinence de nos travaux, avec un groupe sectaire exploitant des femmes sous couvert de tantrisme et un groupe nomade ayant enlevé un enfant, deux structures transnationales qui ont échappé aux radars des années durant.

La loi de 2001 procède du constat que de tels mouvements portent atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Faut-il rappeler, avec Lacordaire, que, « entre le faible et le fort, entre le pauvre et le riche, [...] c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » ?

Nous espérions un texte plus ambitieux. Les assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires annonçaient une feuille de route à dix ans. Elles avaient été précédées par de nombreux rapports parlementaires, dont celui de la commission d'enquête présidée par mon collègue de Vaucluse, Alain Milon.

Seulement voilà : j'ai l'impression que la feuille de route se réduit à la taille d'un confetti, du fait notamment du choix restrictif du Gouvernement de se concentrer sur la réponse pénale. Faut-il voir un lien avec le rattachement de la Miviludes au ministère de l'intérieur il y a quatre ans ? Je le pense et souhaite que le Gouvernement redonne à celle-ci l'interministérialité nécessaire. Je fais mienne la proposition de notre commission de lui donner un statut législatif.

Le renforcement matériel et humain de la mission est également plus nécessaire que jamais pour une prévention efficace de la menace sectaire, dans laquelle prédominent désormais les réseaux sociaux et des gourous 2.0 qui opèrent de manière souvent conspirationniste. À l'inverse, le Gouvernement abandonne l'accompagnement à la société civile, qui, bien qu'engagée, n'a pas nécessairement la compétence professionnelle nécessaire.

Il faut une législation spécifique contre les dérives sectaires. Le volet pénal, en particulier, doit être amélioré, car la loi de 2001 a montré ses limites. La Miviludes doit être informée dès l'ouverture du dossier lorsqu'une dérive sectaire est liée à une infraction ordinaire.

L'abandon de l'article 1er, qui crée une infraction d'abus frauduleux de la situation de faiblesse de personnes placées en état de sujétion, viderait de sa portée le texte. L'article 223-15-2 du code pénal resterait difficile à appliquer, et les victimes en pâtiraient.

Rappelons que cet article vise plusieurs catégories de personnes considérées comme particulièrement vulnérables : le mineur, la personne âgée, la personne atteinte d'une maladie ou d'une déficience physique ou psychique et la femme enceinte. La loi de 2001, votée à l'unanimité, a ajouté la catégorie de personne « en état de sujétion psychologique ou physique ». L'alinéa 2 de l'article 223-15-2 prévoit une circonstance aggravante lorsque l'infraction est commise par un dirigeant du groupement à l'origine de la sujétion.

La difficulté à distinguer les personnes vulnérables par nature de celles dont la vulnérabilité est provoquée par les pressions d'un dirigeant du groupe abusif a été mise en évidence par des décisions de justice. Certaines exigent de démontrer une vulnérabilité préexistante, alors que la loi indique clairement que cet état peut être créé. C'est le déplacement de l'ancien article du code pénal du titre relatif à la protection des biens vers celui qui porte sur la protection des personnes qui a entraîné cette confusion. L'article 1er venait clarifier la situation des personnes assujetties en instaurant le délit autonome réclamé par ceux qui assurent leur défense.

Caractériser l'emprise sectaire suppose une dimension de groupe. Il s'agit d'une forme archaïque de gouvernement où le manipulateur cumule les trois pouvoirs. Il en résulte une toute-puissance légitimant la soumission de l'adepte. Je vous mets en garde contre l'édulcoration de la spécificité de l'emprise de groupe dans le texte en discussion.

Si les apports de la commission vont dans le bon sens, l'instauration de l'infraction de mise en état de sujétion ou d'assujettissement me paraît indispensable.

Ce projet de loi est un rendez-vous manqué : précipité, il n'est pas à la hauteur des enjeux. L'histoire d'Alex, jeune Anglais retrouvé après six ans d'errance, souligne la nécessité d'agir. Le Sénat a travaillé avec sérieux en commission et continuera en séance. Reste qu'il faut aller plus loin pour protéger les 500 000 adeptes de mouvements sectaires et les 80 000 enfants élevés dans un contexte sectaire, ainsi que ceux, plus nombreux encore, qui sont approchés chaque jour. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Vincent Louault .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Renforçant des dynamiques déjà à l'oeuvre, la crise sanitaire a accru l'utilisation des réseaux sociaux. Les algorithmes et les bulles des filtres fragmentent notre société. Les individus sont de plus en plus seuls, et la désinformation prospère comme jamais.

Les réseaux sociaux devaient nous réunir, mais ils nous isolent. L'arrestation récente de plusieurs responsables d'une secte de yoga à l'échelle européenne rappelle la réalité des menaces qui pèsent sur nos concitoyens. Nous devons renforcer le contrôle des mouvements qui abusent de la vulnérabilité des personnes, en commençant par accroître les moyens de la Miviludes.

La commission des lois a enrichi le texte par la création de circonstances aggravantes en cas d'utilisation de moyens de communication en ligne. Nous comprenons l'objectif de la rapporteure de ne pas ajouter de nouvelles dispositions à notre droit, mais craignons que certaines mesures soient insuffisantes. À l'instar des associations d'aide aux victimes, nous regrettons la suppression de l'article 1er, qui aurait donné la possibilité de condamner des actes échappant encore à la justice.

L'article 4 visait à mieux réprimer les dérives relatives aux médecines alternatives, alors que la Miviludes fait état d'une hausse importante des signalements dans ce domaine. La pandémie a libéré les détracteurs de la science, parfois même au sein de cette assemblée. Nous voulons croire que la suppression de l'article 1er a été motivée par les réserves du Conseil d'État plutôt que par les centaines de mails envoyés par les intéressés. Il faudra lutter contre ces dérives en matière de santé.

L'article 5 est une avancée : il est important que les ordres professionnels soient informés des dérives de leurs membres et puissent prendre des mesures à leur égard.

Dans un monde de plus en plus numérique, il est à craindre que les dérives sectaires ne continuent à prospérer. Nous devons accentuer la prévention pour protéger nos concitoyens vulnérables. Mais il faudra aussi adapter notre arsenal répressif pour que la justice puisse agir avant les drames.

Notre groupe soutient les objectifs de ce texte du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI)

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les dérives sectaires se multiplient, notamment du fait des réseaux sociaux. Cette menace a grandement évolué : aux groupes à prétention religieuse s'ajoutent des individus dans les champs de la santé, de l'alimentation et du bien-être. Le nombre de signalements est en hausse de 86 % depuis 2015.

Notre mission est de nous protéger d'individus qui mettent des personnes sous contrôle pour accaparer leurs biens. Derrière l'ouverture des chakras ou le traitement de la calvitie à base de jus de betterave, ils s'intéressent surtout aux comptes en banque : « tout bien que tu détiens est un lien qui te retient », font dire Les Inconnus à Skippy, le grand gourou...

Au regard des chiffres et des rapports, les mesures actuelles ne suffisent pas. Nous sommes face à une menace difficile à appréhender, protéiforme et discrète, qui s'abrite derrière la liberté de conscience pour isoler ses victimes. Nous devons doter l'État, nos magistrats et nos forces de l'ordre des outils juridiques adéquats.

Une réécriture plus fine aurait été préférable à la suppression des articles 1er et 3. Espérons que la navette permettra d'améliorer le texte.

Les acteurs de la lutte contre les dérives sectaires se sont inquiétés du changement de tutelle de la Miviludes. Nous souhaitons que ce texte lui donne un nouveau souffle et qu'elle puisse mener des missions de prévention ambitieuses.

Si nous regrettons que le texte du Gouvernement ne traite pas du financement, mieux lutter contre les dérives sectaires est nécessaire, car nous avons du retard en la matière. Nous voterons ce texte, en espérant pouvoir l'enrichir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) L'affaire de ce jeune Britannique de 17 ans nous rappelle la réalité des dérives sectaires. Emprise psychologique, explosion de la cellule familiale, isolement social, parfois exploitation sexuelle : ces dangers sont peu pris en compte par les pouvoirs publics - la disparition de la Miviludes a même été évoquée.

Malgré les assises nationales du début de l'année et les nombreux rapports parlementaires récents, seule une ébauche de réflexion sur de nouvelles dispositions pénales transparaît dans ce texte pauvre.

Les dérives sectaires investissent de plus en plus les champs de la santé, du bien-être ou du coaching. Si l'escroquerie financière est toujours au coeur de ces pratiques, les dangers psychiques sont également importants.

Nous soutenons le statut législatif de la Miviludes pour conforter ses missions et saluons la prise en compte de la dimension numérique du phénomène. Des personnes vulnérables peuvent être convaincues par des margoulins des prétendus bienfaits de pratiques dangereuses pour leur santé : le Gouvernement doit développer des politiques de prévention.

Les associations sont un pilier de la lutte contre les dérives sectaires, et il est juste de renforcer leur reconnaissance.

Dans la lignée des travaux de Jacques Mézard et Alain Milon, nous déplorons les insuffisances d'un texte composé de petites mesures, qui n'agit pas sur les causes des phénomènes.

Je salue toutefois l'important travail de notre commission pour rendre plus efficace la lutte contre les dérives sectaires. Si cet équilibre est maintenu, le GEST votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Pierre Ouzoulias .  - Les dérives sectaires sont augmentées par l'irrationalisme, la perte de légitimité des institutions politiques et scientifiques, le complotisme et l'idée que chacun pourrait se constituer sa propre vérité sans médiation ni vérification. C'est à raison que le Gouvernement considère ces processus comme particulièrement nuisibles à nos concitoyens, notamment en matière de santé.

À cet égard, nous regrettons que les dispositions proposées ne concernent que le code pénal et le code de procédure pénale, sans coordination avec le code de la santé publique.

Ce n'est pas le Conseil d'État qui écrit la loi, mais il est raisonnable de l'écouter pour le faire. Vous auriez dû entendre ses critiques sévères sur l'article 4, qui entraverait les libertés d'expression et académiques, ainsi que celle d'accepter ou de refuser un traitement médical spécifique. Il serait funeste qu'il soit réintroduit à l'Assemblée nationale, d'autant qu'il ne précise pas si les professionnels de la médecine sont concernés par le délit de publicité qu'il institue. Comment cette disposition s'articulerait-elle avec la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes se prêtant à des recherches biomédicales ?

Comme le rappelait Alain Fischer, président de l'Académie des sciences, il est impérieux que la démonstration des effets thérapeutiques des médicaments respecte les droits des personnes participant à la recherche. Je regrette que les dérives constatées pendant le covid n'aient pas été plus rapidement sanctionnées.

Je déplore, comme la rapporteure, la précipitation de l'élaboration de ce projet de loi. Il eût été de bonne politique qu'il s'inspirât du rapport de Jacques Mézard...

Je comprends la commission des lois, qui a supprimé quatre articles. Elle a apporté quelques ajouts utiles, dont la reconnaissance législative de la Miviludes, préconisé par Georges Fenech en 2008. Il faut également renforcer ses moyens.

En l'état actuel du texte de la commission des lois, le CRCE-K votera le projet de loi.

Mme Nathalie Delattre .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Daniel Chasseing et Mme Olivia Richard applaudissent également.) En décembre 2000, Envoyé Spécial présentait un document inédit sur la secte de Claude Vorilhon, alias Raël : après les drames de l'ordre du Temple solaire, le grand public découvrait ainsi les dérives de ce gourou.

Mais les dérives sectaires ne se limitent plus à des groupes pseudo-religieux : elles prolifèrent sur internet, sous couvert de discours aux allures de science alternative.

Le RDSE avait suscité en 2012 la création d'une commission d'enquête sur les mouvements à caractère sectaire dans le secteur de la santé, dont notre ancien collègue Jacques Mézard était le rapporteur. Son travail, toujours d'actualité, a été repris par la commission des lois. Se rendre compte qu'un rapport relativement ancien reste aussi actuel montre à quel point nous avons trop peu agi en dix ans...

Nous avons accueilli avec enthousiasme ce projet de loi, mais regrettons qu'il soit présenté en fin de session, après le marathon budgétaire, d'autant qu'il a été préparé dans un délai contraint et souffre d'une rédaction approximative. Le sujet méritait mieux.

Je pense aux articles 1er et 2, mais aussi à l'article 4, où vous proposez de réprimer la promotion de l'abstention de soins ou d'alternatives thérapeutiques dangereuses. Je regrette toutefois que la commission des lois ait fait le choix de supprimer ces articles : si le Conseil d'État avait souligné leurs insuffisances juridiques, il avait jugé incontestable la légitimité de l'objectif visé. Nous voyons dans ces suppressions un pas de côté regrettable - même si je comprends le manque de temps de la commission et salue le travail de la rapporteure. La navette pourra porter ses fruits.

Pour le reste, les apports de la commission nous satisfont. Je pense en particulier à l'article 2 bis, qui allonge le délai de prescription lorsque l'abus de faiblesse est commis sur une victime mineure. Je pense également à l'inscription au niveau législatif du statut de la Miviludes, conformément au rapport Mézard et aux préconisations de la commission d'enquête que j'ai présidée sur la radicalisation islamiste.

Si aucune des anciennes dispositions n'est rétablie, nous voterons ce texte, non sans regret au regard des enjeux. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur des travées du groupe UC et du RDPI)

M. Olivier Bitz .  - Je serai bref, car je sens qu'un autre débat est attendu... (Sourires)

Les dérives sectaires font des dizaines de milliers de victimes. Nos dispositifs législatifs ne correspondent plus à l'évolution de la menace : présence sur internet, extension des dérives au domaine de la santé... Je regrette que la commission des lois ait voté la suppression des articles 1er et 4, car il faut traiter plus en amont les dérives sectaires.

Les policiers spécialisés, les magistrats et les associations demandent ce texte. Nous y reviendrons plus en détail lors de l'examen des amendements. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

La séance est suspendue quelques instants.

Immigration et intégration (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC ; quelques huées à gauche) La CMP qui s'est tenue hier et aujourd'hui...

M. Mickaël Vallet.  - À Matignon !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - ... présentait une particularité : nous n'avions qu'un seul texte, celui du Sénat. Ces circonstances particulières impliquaient que celui-ci devait être la base, d'autant qu'il avait été adopté par 210 voix pour.

Vous n'aurez guère d'efforts à faire, sinon de mémoire, car nous avons maintenu l'architecture de notre texte : un titre nouveau relatif à la maîtrise des arrivées, un volet sur l'intégration, un autre sur l'éloignement et des dispositions plus techniques sur les demandeurs d'asile et la simplification des procédures judiciaires.

Nous avons conservé l'acquis du Sénat : un débat parlementaire fixant des quotas, un meilleur contrôle sur de nombreux titres et des améliorations sur l'aide médicale d'État (AME). La Première ministre a indiqué par écrit au président Larcher que cette dernière serait réformée sur la base du rapport Évin-Stefanini. Ce texte garantit ainsi un meilleur contrôle de l'entrée des étrangers sur notre territoire.

S'agissant de l'intégration, une meilleure maîtrise de la langue française sera demandée à tous les demandeurs, y compris au titre du regroupement familial. Un examen civique devra être réussi, et un contrat signé qui garantisse le respect de nos lois et des valeurs de la République.

L'intégration par le travail a été longuement débattue. C'est notre article 4 bis qui sera conservé : pas de prime à la fraude.

Le volet éloignement a été maintenu, afin que ceux qui troublent l'ordre public soient écartés.

Enfin, nous avons conservé le titre ajouté concernant les outre-mer. (M. Jean-Baptiste Lemoyne s'en félicite.)

Par ce texte, nous nous attaquons à un problème essentiel pour nos compatriotes, d'une manière extrêmement raisonnable et que je crois efficace. Je demande à tous ceux qui avaient voté le texte de voter à présent les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - (Applaudissements sur des travées du RDPI) Après plus d'un an de discussions, nous touchons au but. J'espère que les deux assemblées adopteront ce texte pour protéger les Français, mieux intégrer les étrangers et simplifier la vie administrative. (Murmures à gauche)

Le texte du Sénat ne remplace pas celui du Gouvernement, mais il le complète. (On ironise à gauche.) Sur 27 articles initiaux, un seul a été retiré, celui prévoyant que les demandeurs d'asile pourraient travailler avant six mois de séjour. Tous les autres ont été maintenus, parfois avec des modifications mineures, parfois des modifications substantielles, mais sans altération de l'esprit.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - CQFD.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Le Gouvernement tenait à l'équilibre de ce texte, comme la majorité de l'Assemblée nationale et, au Sénat, le RDPI et le groupe de Claude Malhuret, que je salue. (On ironise à gauche.)

De nombreuses dispositions portent sur l'intégration, notamment par la langue et le travail. Si ces conclusions sont votées par le Sénat - j'ai peu de doutes - et l'Assemblée nationale, ...

Nombreuses voix à gauche. - Il y a plus de doutes !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - ... nous aurons, pour la première fois, une disposition de régularisation qui coupe le lien entre employeur et employé, afin de sortir de l'hypocrisie dans laquelle nous plongeons collectivement ces personnes depuis si longtemps. Quand on paie des cotisations et des impôts, il est normal d'avoir un titre de séjour - la gauche regrette sans doute de ne pas l'avoir fait elle-même. (Vives protestations à gauche)

L'équilibre de notre texte repose aussi sur la fermeté à l'égard de la délinquance et la criminalité étrangères. Le Sénat et la CMP ont amélioré le texte : il devient possible d'expulser des délinquants étrangers qui adhèrent à une idéologie radicale ou sont hostiles aux lois de la République.

En même temps, si j'ose dire, nous interdisons, comme les partis de gauche le réclament, sans le faire lorsqu'ils sont aux responsabilités, le placement de mineurs en centre de rétention administrative. On devra cette avancée au Président de la République et au Gouvernement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - À la CEDH !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je regrette que la simplification des procédures n'ait pas fait florès dans les débats médiatiques et parlementaires : de douze procédures, nous passons à trois. Le droit en sera considérablement simplifié - mais cela ne fera sans doute pas la une des journaux...

Le Gouvernement prend acte du travail du Sénat - je salue tous les groupes, d'autant que nous avons retenu des amendements de chacun. Le Gouvernement s'est montré à l'écoute.

Le texte de la CMP est moins dur que celui du Sénat : l'AME n'y figure plus, non plus que la fin de l'hébergement d'urgence ; la régularisation dans les métiers en tension est bien prévue, ainsi que la fin du placement des mineurs en CRA, ou encore l'exemption de caution pour les étudiants étrangers méritants. Or je rappelle que les sénateurs du RN avaient voté contre le texte du Sénat, considérant qu'il ne servirait à rien. Et quand Mme Le Pen voit le jour se lever comme le coq Chantecler, elle se demande : quel petit coup politique pourrais-je faire ? C'est un drôle de moment parlementaire... Mais personne n'est dupe ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Comme disait le général de Gaulle, sur l'essentiel nous pouvons nous retrouver. (Exclamations à gauche) Je voudrais dire aux sénateurs de la Nupes... (Vives protestations à gauche)

Plusieurs voix à gauche.  - Il n'y a pas de Nupes ici !

M. le président.  - Laissez le ministre poursuivre.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - ... que leurs partis se sont déshonorés en votant avec le RN une motion de rejet, empêchant le débat parlementaire classique.

Le Gouvernement a présenté un texte courageux. Il a promis de ne pas utiliser le 49.3 et a tenu parole. Il a promis qu'il chercherait le plus possible un accord avec tous ceux qui voudraient travailler pour l'intérêt des Français.

Mme Corinne Féret.  - Et le RN ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Le RN a voté contre ce texte et rien n'a été négocié avec lui. (Exclamations à gauche)

M. Éric Kerrouche.  - Ce n'était pas la peine !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Le RN est contre les quotas et les régularisations, contre la fin des mineurs en CRA, contre les passeports talents, contre les mesures relatives aux étudiants... Mesdames et messieurs les sénateurs de la Nupes (vives protestations à gauche), soyez beaux joueurs : l'accord politique trouvé ne satisfait totalement personne, mais permet de se retrouver sur l'essentiel - la protection des Français.

Je ne serai pas le ministre de l'intérieur qui fait la politique du pire en désarmant les forces de l'ordre et les magistrats. (Protestations à gauche)

Ce Gouvernement, qui n'a pas utilisé le 49.3,...

M. Rachid Temal.  - Et les retraites ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - ... a tout fait pour trouver le meilleur accord possible avec le groupe centriste, les LR et les groupes de MM. Malhuret et Patriat.

Bien sûr, des améliorations restent possibles. Chacun sait que des mesures sont manifestement contraires à la Constitution.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous les avez maintenues !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Le Conseil constitutionnel fera son office. La politique, ce n'est pas être juriste avant les juristes, c'est élaborer des normes qui nous paraissent conformes.

M. Max Brisson.  - Exact !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Présenter un tel texte avec une majorité relative n'est pas des plus aisés (on feint à gauche de plaindre le ministre), mais les Français, dans leur immense majorité, voient que nous avons pris nos responsabilités.

Venant doublement de familles immigrées, élu dans un territoire de gauche, je n'ai aucune leçon de morale à recevoir. La morale ne se fait pas à Saint-Germain-des-Prés, mais dans les hémicycles du Parlement. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Bravo !

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Sur la méthode, le RDSE aime à rappeler son attachement au débat parlementaire comme essence de notre régime démocratique et républicain. En priver nos hémicycles, c'est faire un pas vers l'arbitraire. Il est regrettable que seul le Sénat ait examiné article par article ce projet de loi.

Sur le fond, nous avons majoritairement voté contre la version du Sénat.

À l'Assemblée nationale, une majorité a voté pour son rejet : la CMP aura duré plus de temps que l'examen du texte par les députés... Jeune parlementaire, je suis préoccupé par la méthode, même si la Constitution l'autorise.

Le texte initial du Gouvernement avait tendance à nous satisfaire.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Moi aussi... (Sourires)

M. Michel Masset.  - Mais la tournure de nos débats nous a conduits à voter contre ou à nous abstenir.

La suppression de l'AME n'est plus dans le texte : c'était pour nous une ligne rouge infranchissable. Les articles 3 et 4 sont des avancées utiles, certes à parfaire. Subsistent les quotas migratoires, le durcissement des règles du regroupement familial, de l'immigration étudiante, le délai pour le versement des aides sociales non contributives, le rétablissement du délit d'entrée irrégulière...

Bien sûr, le texte comprend également des mesures attendues en matière d'application des OQTF. Je pense aussi à la réforme du contentieux des étrangers ou au durcissement des sanctions en cas d'exploitation des migrants.

Cela étant, la majorité des membres du RDSE persistera à voter contre ce texte. (Applaudissements sur de nombreuses travées du RDSE et à gauche)

M. Olivier Bitz .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce projet de loi voulu par le Gouvernement répondait à l'exigence d'adaptation de notre droit aux nouvelles réalités migratoires. Il faut réguler les flux, mieux protéger les Français contre les délinquants étrangers, et mieux intégrer, notamment par la langue, les étrangers qui ont vocation à rester sur le territoire national.

En première lecture au Sénat, les débats ont été riches. Le RDPI a voté ce texte, dans une démarche de coconstruction, même si certaines dispositions ne nous convenaient pas, comme la suppression de l'AME. Le travail législatif était bien lancé. Mais une coalition aussi étrangère qu'hétéroclite a vu le jour à l'Assemblée nationale, pour mettre en difficulté le Gouvernement, provoquant ainsi une brusque accélération des échanges.

Notre groupe a toujours eu la même priorité à l'esprit : aboutir à un texte équilibré, efficace et répondant aux besoins des Français. Un accord était impératif, pour le pays tout entier. Nous avons eu ces échanges sous le regard des Français : 67 % d'entre eux étaient favorables au texte.

M. Didier Marie.  - Il y a eu un vote ?

M. Olivier Bitz.  - Sur l'AME, nous avons tenu compte du rapport sans équivoque de MM. Claude Évin et Patrick Stefanini, et de l'engagement de la Première ministre de la réformer, d'où la suppression de la disposition du Sénat.

Sur les prestations sociales, le Sénat a conditionné toutes les aides non contributives à un séjour de cinq ans. Le délai a été réduit, de même que le périmètre des aides concernées.

Nous avons supprimé cinq articles sur la nationalité, mais reste la déchéance pour les binationaux condamnés pour homicide sur les personnes dépositaires de l'autorité publique.

Le texte du Sénat sur l'hébergement d'urgence n'était pas applicable en l'état : il aurait mis à la rue 150 000 personnes, du jour au lendemain.

Sur le titre de séjour « étrangers malades », nous en restons à la rédaction de l'Assemblée nationale.

Compte tenu du résultat de la CMP, le RDPI votera, dans sa majorité, le projet de loi issu des conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Loïc Hervé et Mme Valérie Boyer applaudissent également.)

M. Patrick Kanner .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Depuis hier, nous avons eu, avec Marie-Pierre de La Gontrie et Corinne Narassiguin, l'honneur de défendre une certaine idée des valeurs de notre pays. La France s'est construite avec l'apport des populations étrangères, parfois au prix de leur sang. C'est aussi un fils d'immigrés qui vous le dit ce soir, monsieur le ministre.

Les hôpitaux, les aides à domicile, la construction des maisons, les supermarchés, rien ne peut fonctionner sans les immigrés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; murmures désapprobateurs à droite ; M. Gérard Lahellec opine du chef.) C'est à eux que je pense ce soir, à ceux qui ont choisi de s'installer sur notre sol et d'y fonder une famille. Leurs vies méritent notre considération.

Le 11 janvier, MM. Darmanin et Dussopt vantaient l'équilibre de leur projet de loi. Ce soir, le constat est amer : cette promesse était un leurre.

Ce texte est un texte de police des étrangers. Dans la quête d'un électorat perdu, le Gouvernement et Les Républicains se nourrissent d'une rhétorique que seule l'extrême droite défendait jusqu'alors : « La France aux Français ».

Mme Sophie Primas.  - Qui a fait monter le Front national ?

M. Patrick Kanner.  - La violence de ce texte nous heurte ! De marchandage en marchandage, la droite a entraîné la majorité présidentielle dans un ravin populiste, sous l'oeil gourmand de l'extrême droite. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Grosperrin.  - C'est ce qu'a fait Mitterrand !

M. Patrick Kanner.  - C'est une marée brune qui fait sauter toutes les digues ! (« Oh » à droite ; applaudissements à gauche) Que reste-t-il de nos valeurs, et de la France ? Nous espérions qu'Emmanuel Macron fasse barrage à l'extrême droite, désormais il amène ses idées au pouvoir. (Applaudissements à gauche)

Ouvrez les yeux ! En 2027, assumerez-vous d'avoir donné corps aux pires excès de l'extrême droite ? Assumerez-vous d'avoir gravé la préférence nationale dans le marbre de la loi ?

Plusieurs voix sur les travées du groupe Les Républicains.  - Faux !

M. Patrick Kanner.  - Assumerez-vous d'avoir privé les étrangers en situation régulière de moyens de subsistance ? Assumerez-vous d'avoir imposé aux étudiants des conditions inatteignables pour aller dans nos universités ? (M. Jean-Baptiste Lemoyne proteste.)

M. Patrick Kanner.  - C?est une insulte à nos Lumières ! (Protestations à droite)

M. Olivier Bitz.  - Rien que ça !

M. Patrick Kanner.  - Comment nos collègues centristes peuvent-ils accepter de se prêter à une telle dérive, à rebours de leur propre histoire ? (M. Loïc Hervé proteste.)

Non, un étranger n'est pas par essence un danger. Vous êtes submergés par des fantasmes ! Vous renoncez à nos valeurs fondatrices, et ajoutez du désordre au désordre, alors que les obligations de quitter le territoire français (OQTF) sont délivrées n'importe comment et ne sont pas appliquées.

Ce 19 décembre marque l'entrée de la droite et du centre dans la majorité présidentielle. (On le conteste à droite.)

Ce 19 décembre, le front républicain a fait long feu. Vous avez inventé la collusion du renoncement. Les Français préféreront toujours l'original à la copie. Vous êtes vainqueurs, mais serez-vous les bénéficiaires ? Vous tournez le dos à l'un des vôtres, qui disait : « Mieux vaut perdre un vote que perdre son âme. »

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Vous faites les deux !

M. Patrick Kanner.  - (Marques d'impatience à droite) Un vent mauvais souffle sur notre territoire. En gardant la nuque raide, nous voterons contre ce projet de loi. (Acclamations et vifs applaudissements, prolongés, à gauche)

M. François-Noël Buffet .  - (Applaudissements nourris et prolongés sur les travées du groupe Les Républicains) Les donneurs de leçon de ce soir, qu'ils soient de gauche ou d'extrême droite, oublient que sous la présidence Mitterrand, ils avaient fait preuve de connivence pour faire monter le Front national. (Huées à gauche ; M. Rachid Temal lève les bras au ciel ; applaudissements au centre et à droite ; Mme Nicole Duranton applaudit également.) Vous avez perdu la mémoire !

M. Alain Marc.  - Et la Francisque ?

M. François-Noël Buffet.  - Au début des débats, le Gouvernement est venu avec son texte de 27 articles. La commission des lois l'a travaillé avec d'autres collègues pour le faire progresser : il compte désormais 80 articles. Ce n'est pas la quantité qui est gage de qualité (M. Mickaël Vallet ironise.)...

M. Didier Marie.  - Et ce n'est pas la majorité sénatoriale qui est gage de qualité !

M. François-Noël Buffet.  - ... mais nous assumons les choix qui ont été faits, issus d'un travail de longue haleine dans cette maison. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

C'est le fruit d'un rapport de la commission des lois, de propositions venues d'autres collègues, d'un travail acharné, d'une vision : maîtriser l'immigration irrégulière et ne pas rester passif. La tolérance doit être zéro, ni plus ni moins.

Il faut aussi protéger la procédure d'asile, régulièrement détournée. Elle vit de sombres moments, car elle est utilisée par des réseaux mafieux au détriment de ceux qui méritent protection. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et UC)

Nous simplifions les mesures contentieuses pour que nos administrations et nos juridictions fonctionnent normalement.

Nous avons travaillé sur l'intégration, les valeurs de la République, l'apprentissage de la langue.

M. Mickaël Vallet.  - Et les moyens ?

M. François-Noël Buffet.  - Il faut aussi parler de ce qui est positif pour l'intégration des étrangers !

La CMP a une spécificité : le texte largement voté au Sénat n'a pas trouvé de contradicteur à l'Assemblée nationale, puisqu'il n'y a pas eu de texte. D'ailleurs, collègues de la gauche, vous avez allégrement mêlé vos voix à ceux que vous combattez aujourd'hui ! Vous n'avez pas hésité une seconde ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; huées à gauche)

Plusieurs voix à gauche.  - (En montrant le sol du doigt) Ici, nous sommes au Sénat !

M. François-Noël Buffet.  - Alors les leçons de morale, ça suffit ! (Vives protestations à gauche)

Nous nous sommes retrouvés à l'Assemblée nationale avec une case vide. C'est notre texte qui fait référence.

Nous avons réalisé un travail approfondi, nous avons tenu compte des demandes. Les discussions ont été longues, et alors ? Que nous aurait-on reproché si nous avions bâclé les débats ?

M. François Patriat.  - Exactement.

M. François-Noël Buffet.  - Au Sénat, le RN n'a pas voté ce texte. Nous avons entendu que ce texte était le plus abominable du monde, et ce soir vous voulez faire un hold-up. Mais ce texte est bien le nôtre ! (M. Christopher Szczurek proteste ; marques d'impatience à gauche.) C'est le résultat d'un travail de longue haleine. Je remercie les collègues Les Républicains et centristes associés à ce travail. (Acclamations et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC ; plusieurs sénateurs des groupes UC, Les Républicains et INDEP se lèvent ; huées à gauche.)

M. Christopher Szczurek .  - Nous y voilà donc. Nous le savions : nos compatriotes veulent arrêter la submersion migratoire. Ses effets ne sont plus à démontrer. (Huées à gauche)

L'absence de prise de conscience réelle du problème migratoire, depuis cinquante ans, a conduit à une situation impossible, alors que nous accueillons 500 000 étrangers par an. Loin d'être une migration de travail, c'est une charge que nous ne pouvons plus assumer économiquement, politiquement, démographiquement et moralement. (M. Mickaël Vallet proteste.)

Cette loi était une belle promesse : simplification du contentieux des étrangers, délit de séjour irrégulier... Le RN partage ces objectifs ; surtout, nos compatriotes les demandent.

Ce texte n'est pas parfait et reste en deçà, mais il met sur le devant de la scène la priorité nationale, que nous appelons de nos voeux.

M. Rachid Temal et plusieurs voix sur les travées du groupe SER.  - Raciste !

M. Christopher Szczurek.  - Le Front populaire l'avait adoptée en son temps.

M. Rachid Temal.  - Un peu de respect !

M. Christopher Szczurek.  - La priorité nationale n'est pas une exclusion, c'est faire le choix des nôtres avant tout. Ce devrait être le sacerdoce de tout élu de la République.

Monsieur le ministre, vous essayez de faire croire que vous avez encore la main, mais aujourd'hui c'est la représentation nationale qui l'emporte sur le Gouvernement, après des mois de mépris. Nous voterons ce texte.

Plusieurs voix à gauche. - (S'adressant au groupe UC et au groupe Les Républicains) Et voilà !

M. Christopher Szczurek.  - Mais seule une réforme constitutionnelle répondra aux aspirations des Français. Nous continuerons à la défendre. (Mme Christine Herzog et M. Joshua Hochart applaudissent.)

M. Louis Vogel .  - Au même titre que le reste du continent, nous faisons face à un défi majeur. La Finlande a fermé sa frontière avec la Russie, le Danemark réfléchit à renvoyer des migrants au Rwanda. La Turquie, la Biélorussie et la Russie utilisent le défi migratoire comme arme contre l'Europe.

Pas moins de 71 % des Français estiment que l'immigration est trop importante en France. Nous devions légiférer. Il fallait agir sur la base de quotas et reconduire à la frontière ceux qui n'ont pas leur place dans notre pays.

Nous nous réjouissons que la CMP soit parvenue à un accord. Le texte du Sénat a été respecté, il oriente le texte vers l'immigration choisie. Ce texte rappelle aussi que le communautarisme n'a pas sa place dans notre pays et que la finalité de l'immigration est bien l'intégration.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - C'est vrai.

M. Louis Vogel.  - Ses deux clefs sont la maîtrise de la langue française et le travail. La régularisation des étrangers dans les métiers en tension traduit notre attachement à la valeur travail, mais cela ne nous exonère pas de résoudre le problème de la pénurie de main-d'oeuvre dans certains secteurs.

La CMP a aussi affirmé ce que nous ne voulions pas. Nous ne voulons pas des étrangers qui ne respectent ni le droit ni nos valeurs. Nos concitoyens ne peuvent plus l'accepter, il était grand temps d'y remédier.

La maîtrise des flux migratoires doit être accompagnée de règles européennes efficaces, avec un contrôle strict aux frontières de l'Union européenne.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - C'est vrai.

M. Louis Vogel.  - L'Union doit faire la preuve de son efficacité. Comme tous les Européens, les Français n'acceptent plus que l'immigration soit subie. Allions justice et fermeté. Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC, Les Républicains et du RDPI)

M. Philippe Bonnecarrère .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains) J'interviens en tant que membre du groupe UC et non comme corapporteur. Je remercie Muriel Jourda, le président Buffet et tous ceux qui nous ont accompagnés durant ce temps long d'élaboration du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Marc applaudit également.)

Ce texte exprime une forme de fermeté ; il assure une autorité régalienne dans le respect de l'État de droit. Il marque aussi le retour du Parlement dans la politique migratoire. C'est en outre un texte de compromis, par exemple sur l'AME. C'est enfin un texte qui exprime la solidité de la majorité sénatoriale. Le travail en commission nous a permis de dégager un premier compromis, non acquis, sur l'article 4 bis.

M. Loïc Hervé.  - Très bien.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Nous avons ainsi adopté un texte que chacun s'est approprié au sein de la majorité. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER)

Puis nous avons obtenu un deuxième compromis - je remercie Bruno Retailleau - au service d'un Parlement qui fonctionne. Le Sénat, par les positions qu'il a portées, a permis d'éviter un vide institutionnel.

M. Max Brisson.  - Très bien !

M. Philippe Bonnecarrère.  - Que se serait-il passé si le Parlement n'avait pas réussi à voter ce texte ?

M. Didier Marie.  - Il aurait fallu le retirer !

M. Philippe Bonnecarrère.  - Nos institutions auraient été remises en cause, et nos concitoyens ne l'auraient pas accepté. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

M. Mickaël Vallet.  - Chirac, lui, savait faire...

M. Philippe Bonnecarrère.  - C'est un sujet politique. Chers collègues de gauche, chacun sera jugé pour ses idées et ses résultats. Vous n'avez pas approuvé la moindre mesure pour encadrer les flux migratoires, et vous n'avez pas manqué une mesure qui aurait désarmé notre outil régalien pour défendre nos frontières.

MM. Pascal Savoldelli et Mickaël Vallet.  - Désarmer ?

M. Philippe Bonnecarrère.  - Un pays, il faut lui donner les moyens d'assurer sa souveraineté. (M. Max Brisson renchérit ; applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDPI)

M. Pascal Savoldelli.  - Mais enfin, de quoi parle-t-on ?

M. Philippe Bonnecarrère.  - Le RN obsède les esprits. Or les centristes sont les adversaires politiques du RN. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; vives protestations à gauche)

Vous cherchez la paille dans notre regard, regardez la poutre dans le vôtre. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Au RN les peurs, à nous l'efficacité.

Nous croyons à l'État de droit, et que l'autorité régalienne va de pair avec le respect de cet État de droit. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; Mme Corinne Bourcier et plusieurs sénateurs du groupe INDEP se lèvent.)

M. Éric Kerrouche.  - Cela se voit !

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER) Nous sommes arrivés au bout du cheminement constitutionnel - ou anticonstitutionnel - de ce texte.

À tout seigneur, tout honneur : ce texte est une victoire de la majorité sénatoriale,...

Plusieurs voix sur les travées du groupe Les Républicains.  - Très bien !

M. Guy Benarroche.  - ... qui marque son intégration définitive dans la majorité présidentielle. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Grosperrin.  - Et vous dans la Nupes !

M. Guy Benarroche.  - Cette loi d'affichage est dangereuse : tout l'aspect intégration a été sacrifié, pour une victoire politicienne à la Pyrrhus. C'est bien un texte dicté par la majorité sénatoriale qui est sorti de la CMP. Mais les méthodes n'avaient rien de digne : réunions de couloir, à Matignon, à l'Élysée,...

M. André Reichardt.  - Pourquoi est-ce indigne ?

M. Guy Benarroche.  - ... comme au bon vieux temps des textes sur l'urgence sanitaire.

Il fallait donc un texte, sur injonction du Président de la République. « L'enjeu est trop important pour la nation pour faire de la politique politicienne », disait le ministre Darmanin. Vendredi, le Président de la République parlait d'un compromis intelligent.

Délit de solidarité, préférence nationale pour les allocations, délit de séjour irrégulier, caution pour les étrangers étudiants, restriction du droit du sol, limitation du regroupement familial... un équilibre, mais avec quelles mesures ? « La victoire idéologique du RN est chaque jour plus éclatante » a dit Jordan Bardella après l'accord en CMP.

Pas la peine de se cacher derrière des mesures « gentilles » : quel étranger prendra le risque de dénoncer son marchand de sommeil ? L'interdiction des mineurs en CRA n'est qu'un retour au droit (« Très bien ! » à gauche), puisque la France a été condamnée plusieurs fois par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

La régularisation dans les métiers en tension a disparu, comme le ministre Dussopt, disparu au champ d'honneur... Comment ne pas permettre à des personnes qui travaillent de s'extirper de l'incertitude, de la peur du contrôle. Personne ne peut s'intégrer dans ces conditions.

Ce discours est nauséabond, il assimile l'immigration au danger. Et il n'y a rien dans la diminution des droits qui garantisse une meilleure application des OQTF - et vous le savez ! Vous entretenez l'image de l'étranger calculateur et profiteur.

La politisation outrancière de la question migratoire est un piège qui ne profite à personne - ou à qui ? Notre groupe dénonce autant les méthodes que le fond.

M. Bruno Sido.  - C'est fini !

M. Guy Benarroche.  - Nous voterons contre ce texte et appelons les parlementaires du centre et de la droite à peser ce texte à l'aune de leurs convictions intimes et de leur engagement politique, comme le font de nombreux députés et ministres. (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et CRCE-K)

M. Ian Brossat .  - Je ne m'étendrai pas sur les conditions chaotiques dans lesquelles nous examinons ce texte, alors que la CMP vient de se terminer, que des ministres envisagent leur démission, que des élus de la majorité annoncent qu'ils voteront contre... (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du groupe CRCE-K)

Souvenons-nous de ce que vous disiez il y a quelques mois : « Nous voulons être gentils avec les gentils et méchants avec les méchants ». Manquait un codicille : aux yeux de la majorité et de la droite, la seule qualité d'étranger vous range parmi les méchants. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées des groupes CRCE -K et SER)

Vous pouvez protester, mais sinon, comment comprendre qu'un texte présenté comme un texte de lutte contre l'immigration irrégulière et la délinquance s'attaque aux prestations sociales des étrangers en situation régulière ? (« Bravo ! » et applaudissements à gauche) Comment comprendre que vous vous en preniez aux allocations de rentrée scolaire d'enfants français, qui ont pour seul tort d'être nés de parents étrangers ?

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Ce n'est pas vrai !

Plusieurs voix au centre et à droite.  - C'est faux ! C'est honteux !

M. Ian Brossat.  - C'est tout sauf un texte d'intégration : c'est un texte de stigmatisation et de discrimination.

M. Bruno Sido.  - Il radote !

M. Ian Brossat.  - C'est un texte qui accroîtra la précarité en privant de ressources des familles. Des millions de pauvres, des millions qui vivent de l'aide alimentaire, cela ne vous suffit donc pas ?

Il n'est pas surprenant que l'extrême droite vote avec vous ! (M. Loïc Hervé proteste.) Voilà le résultat de vos concessions. (Applaudissements à gauche) Quel argument vous reste-t-il ? C'est ce que veulent les Français ? Cet argument, vous l'aviez pourtant oublié pendant le mouvement contre la réforme des retraites ! (Applaudissements à gauche)

Vous oubliez aussi un peu vite vos propos lénifiants, lorsqu'Emmanuel Macron venait mendier les voix des électeurs de gauche, au nom de la défense des valeurs de la République, pour faire barrage à l'extrême droite. Le résultat, c'est qu'il a été élu, et qu'on se retrouve avec le programme de l'extrême droite ! (Applaudissements à gauche ; M. Ahmed Laouedj applaudit également.)

Chacun doit mesurer la responsabilité qui est la sienne. Le sujet n'est pas qui vote avec qui, mais qui vote quoi, notamment chez les macronistes : voteront-ils pour des mesures proposées par le FN dans les années 1980 ? Ne nous faites pas croire que vous avez des principes. (Marques d'indignation à droite)

Mme Sophie Primas.  - Vous non plus.

M. Ian Brossat.  - Nous voterons contre ce texte. (Vifs applaudissements à gauche ; Mme Raymonde Poncet Monge se lève.)

À la demande du groupe Les Républicains, du GEST et du groupe SER, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°109 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l'adoption 214
Contre 114

Le projet de loi est adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants ; huées à gauche)

La séance est suspendue à 20 h 15.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 45.

Lutte contre les dérives sectaires (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Christophe Chaillou .  - Après ce moment très particulier, être le premier à prendre la parole n'est pas un exercice simple...

Le 28 novembre, 41 personnes ont été interpellées pour appartenance à un réseau sectaire sous couvert de yoga tantrique. Ce coup de filet est dû à notre arsenal législatif, mais il aura fallu plus d'un an et demi pour mettre un terme aux agissements de cette secte.

Madame la ministre, vous l'avez rappelé : nous avons progressivement doté notre pays d'instruments juridiques contre les dérives sectaires, comme la loi About-Picard, devenue le socle de cet édifice, qui autorise les associations reconnues d'utilité publique à se porter partie civile.

Cependant, la réalité est sans appel : entre 2020 et 2021, on constate une hausse des signalements de 33 %, en particulier dans le domaine de la médecine complémentaire et alternative. Quatre Français sur dix y ont recours, 1 800 structures d'enseignement apparaissent comme à risque, de même que 4 000 psychothérapeutes autoproclamés sans formation et 3 000 médecins. Les réseaux sociaux facilitent la diffusion de telles pratiques auprès de publics en grande vulnérabilité.

Le Gouvernement lancé, en 2022, des assises rassemblant de nombreux acteurs. Saluons leur mobilisation. Cependant, ce projet de loi ne répond pas aux attentes, peut-être par précipitation et parce qu'il est une démarche de communication. (Mme Sabrina Agresti-Roubache s'en défend.) Le Gouvernement priorise les sanctions pénales en négligeant le principal : la prévention.

Vous créez ainsi deux nouveaux délits : placement ou maintien en état de sujétion psychologique, qui va dans le bon sens ; provocation à l'abandon ou à l'abstention d'un traitement susceptible de conséquences graves pour la santé, mais sa rédaction ne peut être acceptée, comme l'a noté le Conseil d'État. C'est précipité : l'arsenal législatif existe, mais sa mise en oeuvre nécessite des moyens. Or, depuis une dizaine d'années, la Miviludes a vu ses crédits et ses effectifs diminuer.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Ils remontent !

M. Christophe Chaillou.  - Mais pas au niveau de 2014, surtout si l'on compare avec l'explosion des signalements, de 86 %... C'est aussi une question de confiance. Le fait d'envisager sa dissolution n'a pas favorisé la sérénité de cette institution, et la rattacher au ministère de l'intérieur était incompréhensible vu son caractère interministériel.

Je salue l'approche pragmatique et concrète de la rapporteure. Avec elle, nous affirmons qu'il faut conforter la Miviludes.

En revanche, la suppression des articles 1er et 4, que nous regrettons, vide le texte de sa substance. La réécriture de l'article 4 ne répond toujours pas aux attentes du Conseil d'État.

Ce texte bâclé ne répond pas à la question des moyens : nous nous abstiendrons.

Mme Sylviane Noël .  - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains) À quelques jours des fêtes de Noël, ce texte aurait pu passer inaperçu, tant son titre et son objectif peuvent paraître consensuels. Qui ne s'opposerait aux dérives sectaires, qui exploitent la détresse de chacun ?

Mais la réalité est qu'il mélange les genres, traitant à la fois de ces dérives et du débat scientifique, à travers l'article 4, qui punit d'un an de prison « la provocation à abandonner ou à s'abstenir de suivre un traitement [...] lorsque cet abandon ou cette abstention [...] est, en l'état des connaissances médicales, manifestement susceptible d'entraîner pour elles, compte tenu de la pathologie dont elles sont atteintes, des conséquences graves ».

Que recouvrent ces expressions ? Les connaissances médicales sont-elles celles des laboratoires pharmaceutiques ? Souvenons-nous du vaccin AstraZeneca, d'abord recommandé pour tous, puis pour certaines catégories de personnes, avant d'être retiré. Des interprétations pourraient conduire à traiter comme une dérive sectaire toute opposition personnelle à un traitement.

Des thérapies reconnues ailleurs pourraient être criminalisées. Le syndicat des médecins libéraux s'y est d'ailleurs opposé.

Du Distilbène au Mediator, en passant par les prothèses mammaires PIP : tous ces scandales ont été révélés par les patients ou les familles. Auraient-ils eu le courage de le faire avec le risque d'être condamnés ? Quelle sera la prochaine étape ? Renoncer au secret médical ?

C'est le retour de l'État nounou, qui décide du vrai et du faux. Les citoyens sont-ils trop stupides pour se faire leur propre opinion ? Le Conseil d'État ne s'y est pas trompé, tout comme Lauriane Josende, que je félicite d'avoir supprimé cet article.

Madame la ministre, chercheriez-vous à cadenasser le débat scientifique ? (Mme Sabrina Agresti-Roubache le réfute ; M. Thomas Dossus s'exclame.)

M. Olivier Bitz.  - Ce n'est pas digne !

Mme Sylviane Noël.  - Vos propos à l'encontre d'Alain Houpert, dans L'Express, montrent votre véritable objectif : museler tous ceux qui osent exprimer un avis différent du vôtre. Pendant la crise covid, bon nombre des certitudes du Gouvernement ont été désavouées. Des médecins ont été censurés pour faire croire à un consensus scientifique qui n'existait pas. (M. Jacques Fernique s'impatiente.)

Le Gouvernement serait bien inspiré de tirer les conclusions des atteintes aux droits fondamentaux pour une réelle liberté d'expression. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Olivier Bitz applaudit également.) Mes chers collègues...

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Ah, l'Orne ! (Sourires)

Mme Nathalie Goulet.  - ... entre l'article 45 et l'article 40, mes possibilités de compléter le texte étaient fort réduites. Je voulais que la Miviludes veille à la juste indemnisation des victimes : article 40, alors que ce n'est pas la Miviludes qui indemnise. La navette y remédiera...

Depuis la fusion de la Miviludes avec le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), le document de politique transversale, dit « orange » budgétaire, n'identifie pas les missions, moyens et résultats de la Miviludes. Rapprochez-vous de Bercy pour qu'il soit complété. Manquent notamment les dispositifs financiers sur le contrôle des associations. (L'oratrice exhibe le document.)

Coordonnez donc votre texte avec la loi confortant le respect des principes de la République. Les victimes, ainsi que les moyens et l'objet de la Miviludes, noyée dans le CIPDR, seront autant de sujets à mettre en musique au cours de la navette. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE ; M. André Reichardt applaudit également.)

M. Olivier Bitz.  - Bravo !

Discussion des articles

Article 1er A

Mme Laurence Muller-Bronn .  - Je remercie la rapporteure, qui a supprimé des dispositions problématiques du point de vue du droit et des libertés. Ce texte rappelle les dérives législatives de la crise sanitaire : liberticides, imposées en urgence, nuitamment, sans que rien ne le justifie. Nous rejetons sa version initiale.

Ses motivations et son postulat reposent sur des arguments flous et anxiogènes, assimilant les pratiques non conventionnelles à des dérives sectaires, sans que rien ne soit étayé par des études statistiques. (M. Thomas Dossus secoue la tête.) On mélange saisines, signalements et autres indicateurs.

En 2013, une commission d'enquête sénatoriale avait déjà dressé un constat approfondi. Nous avons la législation nécessaire pour y répondre de manière rationnelle.

M. Pierre Ouzoulias .  - Je suis embarrassé. Nier les dérives sectaires n'est pas la bonne manière d'aborder ce texte. Comment pouvez-vous mettre sur le même pied le docteur Frachon, qui a révélé les dérives du Médiator, sur la base d'une analyse scientifique étayée, ce qui lui a permis de gagner devant les tribunaux, et les affirmations farfelues de certains médecins pendant le covid ? (Marques d'approbation sur les travées du GEST)

Il n'y a pas plusieurs sciences, mais une science prouvée. Pas besoin de statistiques pour voir que, sur de nombreux réseaux sociaux, nous sommes face à une dérive dangereuse. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du RDSE ; M. Jean-Luc Brault et Mme Nathalie Goulet applaudissent également.)

Mme la présidente.  - Amendement n°30, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés : 

Après l'article 21 de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, il est inséré un article 21 bis ainsi rédigé :

« Art. 21 bis. - Une administration désignée par décret du Président de la République est chargée de la mise en oeuvre de la politique de prévention et de lutte contre les dérives sectaires. Elle a notamment pour missions : » 

 II. - Alinéa 8

1° Première phrase

Rédiger ainsi cette phrase : 

Elle remet un rapport annuel d'activité au Premier ministre qui est rendu public.

2° Seconde phrase 

Supprimer cette phrase.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Nous voulons sécuriser juridiquement l'article pour éviter un risque d'inconstitutionnalité, en ne mentionnant pas la Miviludes et en supprimant l'immunité de son président.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Cet amendement n'a pas été déposé à temps pour que la commission puisse l'examiner. Avis défavorable, à titre personnel. L'article 34 de la Constitution ne nous empêche pas de prévoir l'immunité du président de la Miviludes. Nous voulons éviter les procédures baillons menées par les associations sectaires, alors que les avis de la Miviludes ne sont pas anonymisés.

Il faudra poursuivre le travail à l'Assemblée nationale.

L'amendement n°30 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

...° De coordonner l'action des acteurs associatifs impliqués dans la lutte contre les dérives sectaires et l'accompagnement des victimes et d'animer ce réseau associatif, y compris par le biais de formations.

M. Jacques Fernique.  - Cet amendement traduit l'objectif n°10 de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires en renforçant la coordination entre la Miviludes et les associations spécialisées.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Avis favorable. Cela conforte le rôle de coordination de la Miviludes. Nous nous réjouissons de l'implication de nombreux acteurs associatifs. Cette rédaction sur laquelle nous avons aussi travaillé nous convient.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Retrait, sinon avis défavorable. Je suis très reconnaissante au sénateur Benarroche d'avoir déposé cet amendement, une pierre à notre stratégie nationale. Cependant, cette mesure relève d'une circulaire. Ne l'inscrivons pas dans le marbre de la loi.

M. Thomas Dossus.  - Comme l'article 4 bis de la loi Immigration ?

Mme Nathalie Goulet.  - Je voterai cet amendement de bon sens. J'avais moi aussi souhaité coordonner l'accompagnement des victimes, dans un amendement frappé par l'article 40. Le GEST a été plus attentif que moi à la rédaction.

M. Jacques Fernique.  - J'ai du mal à comprendre qu'on ne puisse inscrire une pierre dans le marbre... (Sourires)

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Une circulaire suffit.

L'amendement n°9 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Elle est informée, à sa demande et après accord du maire, des travaux conduits au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance en matière de lutte contre les dérives sectaires.

M. Jacques Fernique.  - Cet amendement met en oeuvre les conclusions du rapport Milon-Mézard. La Miviludes doit pouvoir bénéficier de retours d'informations essentiels.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Nous comprenons l'objectif d'une meilleure articulation entre la Miviludes et les actions menées localement. Le service central chargé d'enquêter sur les dérives sectaires n'est doté que de huit personnes et cherche à développer un maillage territorial reposant sur des référents locaux.

Cela relève-t-il du domaine de la loi ? Sagesse.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Sagesse.

L'amendement n°13 rectifié est adopté.

L'article 1er A, modifié, est adopté.

Après l'article 1er A

Mme la présidente.  - Amendement n°10, présenté par M. Benarroche, Mme M.Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l'article L. 132-5 du code de la sécurité intérieure, après le mot : « peines », sont insérés les mots : « , à la prévention et à la lutte contre les phénomènes sectaires ».

M. Jacques Fernique.  - Cet amendement élargit les compétences des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) au traitement des faits relatifs aux phénomènes sectaires.

Il faut améliorer le pilotage local et les échanges entre préfets, élus locaux et institutions et organismes publics et privés. Cela correspond à l'objectif 7 de la stratégie nationale.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Cet amendement renforce le rôle des CLSPD. Avis favorable.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Retrait sinon avis défavorable. Je partage l'objectif d'une meilleure coordination entre élus locaux et services de l'État, mais les organisations sectaires n'ont pas toutes un rayonnement national, ou même régional : certaines vivent cachées, dans de toutes petites communes. La modification du code de la sécurité intérieure n'est pas le bon vecteur.

L'amendement n°10 est adopté et devient un article additionnel.

Avant l'article 1er B

Mme la présidente.  - Amendement n°11, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Avant l'article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'organisation des cellules de vigilance départementales au niveau préfectoral. Ce rapport détaille le nombre de ces réunions, leurs formats et le traitement de ces données par le ministère de l'Intérieur ainsi que la coordination éventuelle avec d'autres administrations.

M. Thomas Dossus.  - De nombreuses circulaires prévoient l'obligation pour les préfets de mettre en place un groupe de travail « dérives sectaires » au niveau départemental - ce qui n'est que rarement fait. La commission d'enquête sénatoriale s'était alarmée de l'absence de pilotage gouvernemental de l'action publique départementale, d'où notre demande de rapport.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - La commission est toujours défavorable aux demandes de rapport.

M. Thomas Dossus.  - Pas toujours ! (Sourires)

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - En l'espèce, elle confirme son avis.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Sagesse.

M. Thomas Dossus.  - Il y a un problème de pilotage...

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

L'article 1er B est adopté.

Article 1er (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°24 rectifié, présenté par M. Bitz et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I.  -  Le code pénal est ainsi modifié :

1° L'intitulé de la section 6 bis du chapitre III du titre II du livre II est complété par les mots : « et de la sujétion psychologique ou physique » ;

2° L'article 223-15-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement » sont supprimés ;

b) Le deuxième alinéa est supprimé ;

c) Au troisième alinéa, les mots : « par les membres d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités » sont supprimés ;

3° Les articles 223-15-3 et 223-15-4 deviennent respectivement les articles 223-15-4 et 223-15-5 et, au nouvel article 223-15-4, les mots : « du délit prévu » sont remplacés par les mots : « des délits prévus » ;

4° Après l'article 223-15-2, il est inséré un article 223-15-3 ainsi rédigé :

 « Art. 223-15-3.  -  I.  -  Est puni de trois ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende le fait de placer ou maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice direct de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement et ayant pour effet de causer une altération grave de sa santé physique ou mentale ou de conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

« Est puni des mêmes peines le fait d'abuser frauduleusement de l'état de sujétion psychologique ou physique d'une personne résultant de l'exercice des pressions ou techniques mentionnées à l'alinéa précédent pour la conduire à un acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

« II.  -  Ces faits sont punis de cinq ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende :

« 1° Lorsqu'ils ont été commis sur un mineur ;

« 2° Lorsqu'ils ont été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;

« 3° Lorsque l'infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, maintenir ou exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités.

« 4° Lorsque l'infraction est commise par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique.

« III.  -  Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende lorsque les faits :

« 1° Sont commis dans deux des circonstances mentionnées au II ;

« 2° Lorsque l'infraction est commise en bande organisée par les membres d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités. »

II.  -  Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au 1° de l'article 704, après la référence : « 223-15-2, », est insérée la référence : « 223-15-3, » ;

2° Le 20° de l'article 706-73 est remplacé par les dispositions suivantes :

« 20° Délits mentionnés au dernier alinéa de l'article 223-15-2 et au 2° du III de l'article 223-15-3 du code pénal ; ».

III.  -  Au d de l'article L. 444-6 du code de l'éducation, après la référence : « 223-15-2 », sont insérés les mots : « et à l'article 223-15-3 ».

IV.  -  Au 1° de l'article 19 de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, après la référence : « 223-15-2, », est insérée la référence : « 223-15-3, ».

M. Olivier Bitz.  - Cet amendement entend rétablir l'article 1er, supprimé par la commission des lois, qui constituait une avancée majeure du texte. S'il y a beaucoup de signalements mais peu de poursuites, c'est qu'il est difficile de caractériser l'infraction d'abus de faiblesse. Avec cet article, nous interviendrions en amont, en visant le processus d'embrigadement. Les forces de sécurité intérieure réclament des outils supplémentaires. Je regrette que la commission des lois ait balayé un peu vite cette mesure utile.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel, Daubet, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Laouedj, Masset et Roux et Mme Pantel.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I.  -  Le code pénal est ainsi modifié :

1° L'intitulé de la section 6 bis du chapitre III du titre II du livre II est complété par les mots : « et de la sujétion psychologique ou physique » ;

2° L'article 223-15-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement » sont supprimés ;

b) Le deuxième alinéa est supprimé ;

c) Au troisième alinéa, les mots : « par les membres d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités » sont supprimés ;

3° Les articles 223-15-3 et 223-15-4 deviennent respectivement les articles 223-15-4 et 223-15-5 et, au nouvel article 223-15-4, les mots : « du délit prévu » sont remplacés par les mots : « des délits prévus » ;

4° Après l'article 223-15-2, est inséré un article 223-15-3 ainsi rédigé :

« Art. 223-15-3.  -  I.  -  Est puni de trois ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende le fait de placer ou maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice direct de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement et ayant pour effet de causer une altération grave de sa santé physique ou mentale ou de conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

« Est puni des mêmes peines le fait d'abuser frauduleusement de l'état de sujétion psychologique ou physique d'une personne résultant de l'exercice des pressions ou techniques mentionnées à l'alinéa précédent pour la conduire à un acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

« II.  -  Ces faits sont punis de cinq ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende :

« 1° Lorsqu'ils ont été commis sur un mineur ;

« 2° Lorsqu'ils ont été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;

« 3° Lorsque l'infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, maintenir ou exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités.

« III.  -  Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende lorsque les faits :

« 1° Sont commis dans deux des circonstances mentionnées au II ;

« 2° Lorsque l'infraction est commise en bande organisée par les membres d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, maintenir ou exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités. »

II.  -  Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au 1° de l'article 704, après la référence : « 223-15-2, », est insérée la référence : « 223-15-3, » ;

2° Le 20° de l'article 706-73 est remplacé par les dispositions suivantes :

« 20° Délits mentionnés au dernier alinéa de l'article 223-15-2 et au 2° du III de l'article 223-15-3 du code pénal ; ».

III.  -  Au d de l'article L. 444-6 du code de l'éducation, après la référence : « 223-15-2 », sont insérés les mots : « et à l'article 223-15-3 ».

IV. - Au 1° de l'article 19 de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, après la référence : « 223-15-2, », est insérée la référence : « 223-15-3, ».

Mme Nathalie Delattre.  - Je trouve dommage d'avoir supprimé les articles 1er, 2 et 4, même si la rédaction en était maladroite - d'où cet amendement de rétablissement. Cette nouvelle incrimination donnera des outils à la police et à la justice pour qualifier les emprises sectaires spécifiques. Les assises nationales des dérives sectaires ont montré que l'incrimination d'abus de faiblesse était insuffisamment employée par les juridictions. Adoptons cette disposition, quitte à revoir la rédaction au cours de la navette.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Avis défavorable. J'ai expliqué les raisons qui nous ont conduits à supprimer l'article 1er.

L'article 222-33-2-2 du code pénal issu de la loi du 2 mars 2022 réprime déjà les comportements que la nouvelle infraction entend viser.

De plus, une telle évolution outrepasserait largement les cas où cet état de sujétion serait lié aux dérives sectaires et reviendrait à sanctionner tout type d'emprise, de manière générique, quelle qu'en soit l'origine - religieuse, idéologique, conjugale, familiale, etc. Le Conseil d'État a souligné ce risque. Gare aux effets de bord qui conduiraient à fragiliser les incriminations existantes. Prenons le temps de trouver une rédaction adéquate.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Avis favorable au rétablissement de l'article 1er, qui a été validé par le Conseil d'État. Depuis la loi About-Picard de 2001, le phénomène sectaire a évolué : nous devons faire évoluer notre législation. Les outils juridiques actuels ne permettent plus de lutter efficacement contre les dérives sectaires.

M. Pierre Ouzoulias.  - Je comprends l'esprit de cet amendement et j'adhère à l'objectif, mais votre rédaction n'apporte pas une meilleure définition de l'article 223-15-2 : vous ne faites qu'ajouter les groupements dont d'activité aurait pour but de créer une sujétion psychologique, ce qui est tautologique, puisque vous ne donnez pas de définition de celle-ci !

Il faut revoir la formulation.

Mme Nathalie Delattre.  - La rédaction n'est pas optimale, je le reconnais, mais il est nécessaire de conserver cet article dans le texte pour que la navette l'améliore. Des vies humaines sont en jeu. Nous avons besoin d'un arsenal pour caractériser la sujétion.

Mme Nathalie Goulet.  - Je rejoins Mme Delattre. La rédaction pourra être améliorée au cours de la navette. La loi About-Picard date de vingt-deux ans, le rapport Mézard-Milon, de dix ans. Depuis, les choses ont changé, et notre droit doit s'adapter. Étant souvent moi-même rédactrice d'amendements imparfaits, je crois en la navette !

L'amendement n°24 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°2 rectifié.

L'article 1er demeure supprimé.

Après l'article 1er (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°16, présenté par Mmes N. Goulet, Billon et Vérien.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 1° de l'article 1er de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, après la référence : « 223-15-2 » sont insérées les références : « 223-15-3, 223-15-4 ».

Mme Nathalie Goulet.  - On peut le considérer comme un amendement de coordination, qui intègre les infractions créées par ce texte à la loi About-Picard.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Avis défavorable : ces deux articles portent sur les peines complémentaires encourues en cas de commission d'abus de faiblesse, qui est bien prévu dans l'article 1er de la loi du 12 juin 2001.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Cet amendement sera très utile pour appréhender, parmi les condamnations susceptibles de conduire à la dissolution d'une personne morale, celles relatives au nouveau délit créé par l'article 1er, dont le Gouvernement souhaite le rétablissement. C'est une coordination opportune avec la loi About-Picard.

Cependant, l'article 223-15-4 ne comprendra plus que des peines complémentaires : je vous invite donc à supprimer la référence à cet article. Sous cette réserve, avis favorable.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Avis défavorable, puisque nous avons supprimé l'article 1er.

Mme Nathalie Goulet.  - Je rectifie mon amendement dans le sens demandé par Mme la ministre.

Mme la présidente.  - Il devient l'amendement n°16 rectifié.

L'amendement n°16 rectifié n'est pas adopté.

Article 2 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel, Daubet, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Laouedj, Masset et Roux et Mme Pantel.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Après le 3° de l'article 221-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l'article 223-15-3 connue de son auteur ; »

2° Après le 2° de l'article 222-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l'article 223-15-3 connue de son auteur ; »

3° Le premier alinéa de l'article 222-4 est complété par les mots : « ou sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l'article 223-15-3 connue de son auteur. » ;

4° Après le 2° de l'article 222-8, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l'article 223-15-3 connue de son auteur ; »

5° Après le 2° de l'article 222-10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l'article 223-15-3 connue de son auteur ; »

6° Après le 2° de l'article 222-12, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l'article 223-15-3 connue de son auteur ; »

7° Après le 2° de l'article 222-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l'article 223-15-3 connue de leur auteur ; »

8° Au premier alinéa de l'article 222-14, après le mot : « auteur », sont insérés les mots : « ou sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l'article 223-15-3 connue de leur auteur » ;

9° Après le 4° de l'article 313-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Au préjudice d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l'article 223-15-3 connue de son auteur ; ».

Mme Nathalie Delattre.  - Je le retire avec regret, puisqu'il prévoyait une circonstance aggravante au délit prévu à l'article 1er.

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°25, présenté par M. Bitz et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Olivier Bitz.  - Même chose, mais je regrette que le Sénat, en supprimant l'article 1er, ait privé la justice de moyens supplémentaires pour agir contre les phénomènes sectaires. Espérons que la navette y remédiera.

L'amendement n°25 est retiré.

L'article 2 demeure supprimé.

L'article 2 bis est adopté, de même que l'article 2 ter.

Après l'article 2 ter

Mme la présidente.  - Amendement n°12, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le taux de recours à la formation continue des magistrats aux questions relatives aux de?rives sectaires.

M. Thomas Dossus.  - Encore une demande de rapport - ou plutôt, de suivi d'un indicateur. Nous souhaitons connaître le taux de recours à la formation des magistrats sur les dérives sectaires.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Avis défavorable.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

Article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°26, présenté par M. Bitz et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 4

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

b) Après la référence : « 223-15-2, », est insérée la référence : « 223-15-3, » ;

M. Olivier Bitz.  - Je le retire, compte tenu des votes précédents.

L'amendement n°26 est retiré.

L'article 3 est adopté.

Après l'article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°17, présenté par Mmes N. Goulet, Billon et Vérien.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions de l'article 706-164 du code de procédure pénale sont applicables aux associations reconnues d'utilité publique dont l'objet est la lutte contre les dérives sectaires.

Mme Nathalie Goulet.  - Il s'agit d'accorder aux victimes, via les associations luttant contre les dérives sectaires, le produit de la vente des biens des organisations qui auraient été dissoutes.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - La juste indemnisation des victimes est un enjeu important, même si certains mouvements sectaires organisent leur insolvabilité pour éviter tout dédommagement. Inutile toutefois d'inscrire cette précision dans la loi. Ce qui compte, c'est que la justice et les associations bénéficient des moyens nécessaires. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Retrait, car satisfait par l'article 706-164 du code de procédure civile.

Le droit en vigueur autorise déjà les parties civiles qui n'ont pas bénéficié de mécanismes d'avance sur indemnisation à être payées sur les fonds et valeurs détenus par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. Depuis la loi du 2 janvier 2014, cette mesure s'applique aussi aux personnes morales.

Mme Nathalie Goulet.  - Je le retire, tout en regrettant que le sujet de l'indemnisation n'ait pas été traité dans ce texte, ce qui m'a obligée à quelques acrobaties.

L'amendement n°17 est retiré.

Article 4 A

Mme Laurence Muller-Bronn .  - L'article 4 est très préoccupant, tant pour l'avenir du débat scientifique que pour le droit à l'information et à la santé. Au mépris des principes fondamentaux du droit et des mises en garde du Conseil d'État, le Gouvernement veut passer en force.

C'est une remise en cause de la liberté du débat scientifique et des lanceurs d'alerte, une atteinte à la liberté d'expression reconnue à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Un lanceur d'alerte ne pourra plus dénoncer le scandale de la Dépakine, du Mediator ou des opioïdes. Cela aura des effets pervers sur l'acupuncture, l'ostéopathie ou l'hypnose, pourtant prises en charge par la sécurité sociale et pratiquées en médecine de ville ou à l'hôpital.

Le principal syndicat des médecins libéraux s'oppose à cet article 4. Le chef de service psychiatrique des hôpitaux de Strasbourg, vice-président du Collège universitaire des médecines intégratives et complémentaires (Cumic), regrette la position rétrograde de la France, isolée en Europe. Loin de protéger les Français des dérives sectaires, vous allez les priver de soins reconnus, accessibles partout ailleurs !

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par M. Bonneau, Mme Vérien, M. Burgoa, Mmes Guidez et Jacquemet, MM. Laménie et Laugier, Mmes N. Delattre, Billon et Sollogoub et MM. A. Marc, Kern, Hingray, Sautarel, Levi et P. Martin.

Après l'alinéa 8

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L'article L. 4223-1 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'infraction a été commise par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 € d'amende. » ;

b) Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu'ils sont commis dans les circonstances mentionnées au deuxième alinéa du présent article, les faits mentionnés sont punis d'une peine complémentaire de suspension du ou des comptes d'accès à un ou plusieurs services en ligne ayant été utilisés pour commettre l'infraction, y compris si ces services n'ont pas constitué le moyen unique ou principal de cette commission. Le présent alinéa s'applique aux comptes d'accès aux services de plateforme en ligne définis à l'article L. 111-7 du code de la consommation, aux services de réseaux sociaux en ligne et aux services de plateformes de partage de vidéo au sens du règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828. La suspension est prononcée pour une durée maximale de six mois ; cette durée est portée à un an lorsque la personne est en état de récidive légale.

« Le prononcé de la peine complémentaire mentionnée au septième alinéa du présent article et la dénomination du compte d'accès ayant été utilisé pour commettre l'infraction sont signifiés aux fournisseurs de services concernés. À compter de cette signification et pour la durée d'exécution de la peine complémentaire, ces derniers procèdent au blocage du ou des comptes faisant l'objet d'une suspension et mettent en oeuvre, dans les limites prévues à l'article 46 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, des mesures permettant de procéder au blocage des autres comptes d'accès à leur service éventuellement détenus par la personne condamnée et d'empêcher la création de nouveaux comptes par la même personne.

« Le fait, pour le fournisseur, de ne pas procéder au blocage du ou des comptes faisant l'objet d'une suspension est puni de 75 000 euros d'amende.

« Pour l'exécution de la peine complémentaire mentionnée au septième alinéa du présent article et par dérogation au troisième alinéa de l'article 702-1 du code de procédure pénale, la première demande de relèvement de cette peine peut être portée par la personne condamnée devant la juridiction compétente à l'issue d'un délai de trois mois après la décision initiale de condamnation. » ;

2° L'article L. 6242-2 est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque l'infraction a été commise par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 € d'amende.

« Lorsqu'ils sont commis dans les circonstances mentionnées au deuxième alinéa du présent article, les faits mentionnés sont punis d'une peine complémentaire de suspension du ou des comptes d'accès à un ou plusieurs services en ligne ayant été utilisés pour commettre l'infraction, y compris si ces services n'ont pas constitué le moyen unique ou principal de cette commission. Le présent alinéa s'applique aux comptes d'accès aux services de plateforme en ligne définis à l'article L. 111-7 du code de la consommation, aux services de réseaux sociaux en ligne et aux services de plateformes de partage de vidéo au sens du règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828. La suspension est prononcée pour une durée maximale de six mois ; cette durée est portée à un an lorsque la personne est en état de récidive légale.

« Le prononcé de la peine complémentaire mentionnée au troisième alinéa du présent article et la dénomination du compte d'accès ayant été utilisé pour commettre l'infraction sont signifiés aux fournisseurs de services concernés. À compter de cette signification et pour la durée d'exécution de la peine complémentaire, ces derniers procèdent au blocage du ou des comptes faisant l'objet d'une suspension et mettent en oeuvre, dans les limites prévues à l'article 46 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, des mesures permettant de procéder au blocage des autres comptes d'accès à leur service éventuellement détenus par la personne condamnée et d'empêcher la création de nouveaux comptes par la même personne.

« Le fait, pour le fournisseur, de ne pas procéder au blocage du ou des comptes faisant l'objet d'une suspension est puni de 75 000 euros d'amende.

« Pour l'exécution de la peine complémentaire mentionnée au troisième alinéa du présent article et par dérogation au troisième alinéa de l'article 702-1 du code de procédure pénale, la première demande de relèvement de cette peine peut être portée par la personne condamnée devant la juridiction compétente à l'issue d'un délai de trois mois après la décision initiale de condamnation. »

Mme Dominique Vérien.  - Cet amendement étend cet article à l'exercice illégal de la pharmacie et de la biologie médicale, en instituant une circonstance aggravante en cas de commission de l'infraction au moyen d'un support électronique ou numérique, et en introduisant une peine complémentaire de bannissement numérique.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°14 rectifié octies, présenté par Mme Imbert, M. Belin, Mmes Berthet et Puissat, MM. Perrin et Rietmann, Mmes Estrosi Sassone, Malet et M. Mercier, MM. Mouiller et J.B. Blanc, Mmes Dumont, Lassarade et Ventalon, MM. H. Leroy, Reynaud, Milon, D. Laurent, Duplomb, Anglars et Sol, Mme Micouleau et MM. Genet et Bruyen.

Mme Corinne Imbert.  - Défendu.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Avis favorable. Les circonstances aggravantes liées à l'utilisation de moyens numériques ont été introduites pour l'exercice illégal de la médecine. Il est de bon aloi de faire de même pour les exercices illégaux de la pharmacie et de la biologie médicale.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée.  - Je comprends cette volonté, mais cela correspond plus à la défense de l'exercice de professions réglementées qu'à la lutte contre les dérives sectaires. Le projet de loi Espace numérique est en cours d'examen. Pour l'heure, sagesse.

Les amendements identiques nos6 rectifié bis et 14 rectifié octies sont adoptés.

L'article 4 A, modifié, est adopté.

Article 4 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°23, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article 223-1-1 du code pénal, il est inséré un article 223-1-2 ainsi rédigé :

« Art. 223-1-2.  -  Est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende la provocation de toute personne atteinte d'une pathologie à abandonner ou à s'abstenir de suivre un traitement thérapeutique ou prophylactique, lorsque cet abandon ou cette abstention est présenté comme bénéfique pour sa santé alors qu'il est, en l'état des connaissances médicales, manifestement susceptible d'entraîner pour elle des conséquences graves pour sa santé physique ou psychique.

« Est punie des mêmes peines la provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique alors qu'il est manifeste, en l'état des connaissances médicales, que ces pratiques exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.

« Lorsque la provocation prévue aux deux premiers alinéas a été suivie d'effets, les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.

« Les délits définis au présent article ne sont pas constitués lorsque la provocation s'accompagne d'une information claire et complète permettant de garantir la volonté libre et éclairée de la personne quant aux conséquences pour sa santé, susceptibles de survenir lorsqu'une telle provocation a été suivie d'effet.

« Lorsque ces délits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée.  - Il est essentiel de réprimer des comportements qui mettent en danger de la santé des personnes, en renforçant notre arsenal pénal contre les individus les plus dangereux. Actuellement, le droit ne punit que l'exercice illégal de la médecine dans le cadre de colloques singuliers : les faits commis en ligne ou en groupe lui échappent donc.

Nous veillons à ne pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression en prévoyant quatre critères pour que l'incrimination proposée soit caractérisée : que les personnes visées soient atteintes d'une pathologie, que l'abandon du traitement soit présenté comme bénéfique pour la santé, que les conséquences pour la santé soient graves et que le risque soit avéré au regard des connaissances médicales.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel, Daubet, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Masset et Roux et Mme Pantel.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article 223-1-1 du code pénal, il est inséré un article 223-1-2 ainsi rédigé :

« Art. 223-1-2. - Est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende la provocation, résultant d'une recommandation, consultation ou injonction individuellement adressée, à abandonner ou à s'abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, lorsque cet abandon ou cette abstention est présenté comme bénéfique pour la santé des personnes visées alors qu'il est, en l'état des connaissances médicales, manifestement susceptible d'entraîner pour elles, compte tenu de la pathologie dont elles sont atteintes, des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique.

« Est punie des mêmes peines la provocation, résultant d'une recommandation, consultation ou injonction individuellement adressée, à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique pour les personnes visées alors qu'il est, en l'état des connaissances médicales, manifeste que ces pratiques les exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.

« Lorsque la provocation prévue aux deux premiers alinéas a été suivie d'effets, les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.

« Lorsque ces délits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »

Mme Nathalie Delattre.  - Cet amendement rétablit l'article 4, supprimé sur le fondement des observations du Conseil d'État - qui avait pourtant reconnu la légitimité incontestable de l'objectif visé.

Chacun constate le développement de petites structures et de gourous qui recommandent des pratiques dommageables sur les réseaux sociaux. Nous avions proposé à la commission un aménagement pour tenir compte des remarques du Conseil d'État. Nous proposons ici une version remaniée : le délit serait constitué uniquement en cas de prescription, et non de discours général.

L'Ordre national des médecins y est favorable.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°29, présenté par M. Bitz et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Olivier Bitz.  - Mme Delattre a raison : ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Ces phénomènes n'existaient pas lors de l'adoption de la loi About-Picard, mais se sont beaucoup développés.

Les médecins sont favorables au dispositif, mais aussi le mouvement associatif et les policiers qui travaillent dans ce domaine. Je regrette que notre assemblée soit aussi réticente à se saisir de ce problème. Avec un tel état d'esprit, la loi About-Picard n'aurait pas été adoptée... Certains responsables publics auraient-ils peur ? Donnons à la justice les outils indispensables !

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Le courage, c'est aussi de ne pas légiférer pour légiférer.

M. Olivier Bitz.  - Mais il y a un sujet !

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Il faut faire respecter l'État de droit.

M. Thomas Dossus. - Vous entendre dire ça ce soir...

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Le Gouvernement et nos collègues cherchent des solutions, je le concède. Mais la nouvelle rédaction proposée est trop large et serait peu efficace. Elle pourrait englober des discours tenus dans un cadre privé. En outre, de simples précautions suffiraient à se prémunir contre les poursuites.

Gare à ce que le remède ne soit pas pire que le mal. Les services enquêteurs et les magistrats nous disent qu'il n'est pas aisé de caractériser le caractère complet de l'information. Une rédaction à la hâte n'est pas satisfaisante.

Même si nous partageons l'objectif de ces amendements, avis défavorable : ils ne sont pas proportionnés, et donc inconstitutionnels.

M. André Reichardt.  - Très bien !

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée.  - Retrait des amendements nos1 rectifié et 29 au profit de celui du Gouvernement.

Nous voulons rétablir cet article, pilier du projet de loi. Il ne s'agit pas de légiférer pour légiférer, mais de tenir compte du fait que 25 % des dérives sectaires sont liées à la santé. Les ordres nous disent que cet article leur permettrait de régler une partie des problèmes.

La restriction opérée par les amendements est excessive.

M. Pierre Ouzoulias.  - La comparaison avec l'affaire du Mediator n'est pas recevable. Un médecin a découvert qu'un médicament n'avait pas l'effet escompté et pouvait en outre entraîner la mort. Or nous parlons ici d'individus qui dissuadent des patients de suivre un traitement à l'efficacité prouvée - c'est presque du suicide assisté !

La réaction proposée neutraliserait le dispositif en excluant les cas où une information claire aurait été donnée. C'est l'article du code de la santé publique sur l'exercice illégal de la médecine, qui date de 2017, qu'il faudrait modifier !

M. Alain Houpert.  - La commission a fait preuve de sagesse en supprimant l'article 4, liberticide, et d'ailleurs vivement critiqué par le Conseil d' État.

L'exemple du Mediator ne serait pas recevable ? La lanceuse d'alerte a mené un combat contre l'inertie des autorités sanitaires à une époque où le benfluorex était prescrit comme coupe-faim par tout le monde. Si cette loi avait existé, elle aurait été accusée de dissuader des patients de prendre un médicament qui a pourtant fait de nombreuses victimes.

Portalis, qui nous regarde, disait : si l'on veut faire du bien au monde, il faut voter de bonnes lois. La science évolue, et la vérité d'aujourd'hui n'est pas celle de demain !

M. Pierre Ouzoulias.  - Le charlatanisme n'est pas de la science !

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Cet article 4 représente une ingérence dans le domaine de la santé. On confond volontairement dérives en santé - que nous devons combattre - et dérives liées à des pratiques de santé non conventionnelles.

C'est ce qui a conduit le Cumic à demander à Mme Firmin Le Bodo une expertise indépendante des données collectées par la Miviludes, pour garantir une information transparente.

Devant la commission d'enquête du Sénat sur les dérives thérapeutiques et sectaires, la directrice des affaires criminelles et des grâces a confirmé la difficulté de disposer de statistiques fiables, la notion de dérives sectaires ne figurant pas dans le code pénal. Elle suggère un travail universitaire pour disposer d'une évaluation fiable. L'explosion des chiffres n'est pas confirmée.

Mme Nathalie Goulet.  - J'étais vice-présidente de la commission d'enquête sur le Médiator. Effectivement, il s'agissait d'un mésusage du médicament. Ce débat montre à quel point ce sujet est important. Dommage qu'il soit examiné selon la procédure accélérée. Arrêtons de bricoler : le Gouvernement devrait renoncer à l'urgence.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée.  - L'étude d'impact est très claire sur les dérives sectaires en santé. En 2015, il y a eu 214 signalements à la Miviludes ; en 2021, 892 !

Par ailleurs, ce n'est pas la même chose de parler d'influenceurs ou d'un professionnel de santé recommandant de ne pas prescrire un traitement...

M. Pierre Ouzoulias.  - Tout à fait !

L'amendement n°29 est retiré.

L'amendement n°23 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°1 rectifié.

L'article 4 demeure supprimé.

Article 5

M. Alain Houpert .  - Mon amendement a été déclaré irrecevable, je voterai donc contre l'article.

Le procureur décide de l'opportunité des poursuites. Ici, il s'agit de dénonciations imposées, rappelant les tristes heures de la Terreur et la loi des suspects du 12 août 1793 permettant des arrestations immédiates et sans preuve.

Le procureur peut très bien informer les ordres s'il le juge nécessaire. Cette loi d'urgence est un bricolage qui ne sert à rien.

L'article 5 est adopté.

Après l'article 5

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel, Daubet, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Masset et Roux et Mme Pantel.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  La promotion et la vente de biens et de services liés à des pratiques thérapeutiques non conventionnelles doivent faire l'objet d'un renvoi explicite vers une notice informative sur ces pratiques, élaborée par la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

II.  -  La violation des dispositions prévues au I du présent article est punie d'un an d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende.

III.  -  Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État.

Mme Nathalie Delattre.  - Il existe un décalage entre la gravité de la menace des dérives thérapeutiques ou sectaires et la réponse insuffisante des pouvoirs publics. Les pratiques thérapeutiques non conventionnelles connaissent un succès grandissant. Cet amendement prévoit que la promotion et la vente de biens et services liés à ces pratiques devront faire l'objet d'un renvoi explicite vers une notice informative, élaborée par la Miviludes.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Cet amendement soulève une vraie difficulté, car il n'y a pas de liste des pratiques non conventionnelles. En outre, l'infraction pénale est trop imprécise. Le ministre de la santé réactive le groupe d'études sur les thérapies non conventionnelles. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée.  - Avis défavorable. Les dérives thérapeutiques sont en dehors du champ de la Miviludes. Cet article pourrait donner une légitimité à des pratiques, dès lors qu'elles n'auraient pas été poursuivies. De plus, la notice deviendrait rapidement obsolète.

L'amendement n°4 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel, Daubet, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Masset et Roux et Mme Pantel.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport dressant? un suivi statistique du recours de la population aux pratiques thérapeutiques non conventionnelles. 

Mme Nathalie Delattre.  - Le danger des dérives sectaires est démultiplié par le recours à des pratiques thérapeutiques non conventionnelles. Organisons un recueil annuel de statistiques sur ces usages en France. Il y a rapport et rapport - celui-ci serait utile...

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Avis défavorable sur cette demande de rapport.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Cette proposition, intéressante, ne concerne pas le projet de loi. De plus, certaines pratiques pourraient fausser les études. Le ministre de la santé travaille sur les pratiques non conventionnelles pour aider les patients et les consommateurs à mieux les appréhender.

L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.

Article 6

L'amendement n°27 est retiré.

L'article 6 est adopté.

Article 7 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. - A l'article 711-1 du code pénal, la référence : « loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 » est remplacée par la référence : « loi n° ..... du ..... visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires ».

II. - Au premier alinéa de l'article 804 du code de procédure pénale, la référence : « loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 » est remplacée par la référence : « loi n° ..... du ..... visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires ».

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - L'article 7 prévoyait l'application des dispositions de ce texte aux outre-mer régis par le principe de spécialité législative, qui ne sont pas épargnés par les dérives sectaires. Plusieurs mesures de la stratégie nationale contre les dérives sectaires les concernent.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Avis favorable. (Mme Sabrina Agresti-Roubache s'en félicite.)

L'amendement n°22 rectifié est adopté et l'article 7 est rétabli.

Vote sur l'ensemble

Mme Nathalie Delattre .  - Malgré les retraits d'articles, le RDSE votera ce texte. Madame la ministre, vous avez rédigé ce projet de loi à la hâte. Je rejoins Mme Nathalie Goulet : il faut lever la procédure accélérée, car le sujet le mérite.

M. Olivier Bitz .  - Jeune sénateur, je poursuis mon apprentissage. Ce soir, j'aurai appris comment une ambition légitime aura pu être détricotée par la Haute Assemblée, qui a supprimé les articles les plus importants.

M. André Reichardt.  - Cela vous arrivera souvent !

M. Olivier Bitz.  - Je m'abstiendrai. Je suis triste, car j'ai l'impression d'entendre les arguments d'il y a vingt ans.

On a toujours des difficultés à concilier liberté individuelle et protection des plus fragiles. Le Sénat choisit la liberté contre la protection. Mais, comme le disait Lacordaire, entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit.

M. Alain Houpert .  - Je suis contre les phénomènes sectaires, le dogme, les charlatans et les gourous. Je suis pour les victimes. Médecin, je suis à côté du patient quand il souffre. Cette loi est mal travaillée, c'est un salmigondis d'articles, un bricolage. Je voterai contre.

Mme Laurence Muller-Bronn .  - L'usage de la peur et du risque est-il une stratégie pour justifier une politique sécuritaire, un encadrement, voire une répression ? Vous essentialisez les pratiques non conventionnelles comme des pratiques à risque, opposées à une médecine conventionnelle prétendument sans risque. L'analogie douteuse entre pratiques non conventionnelles et sectaires me gêne.

Pas moins de 80 % des Français ont, au moins une fois dans leur vie, eu recours à des pratiques non conventionnelles ; 80 % des patients atteints de cancer utilisent ces pratiques en complément de leur traitement, et 40 % de la population générale y a eu recours au moins une fois dans l'année. Beaucoup de patients sont satisfaits de ces pratiques.

En France, le discours officiel est particulièrement réservé. L'Alsace, à proximité de l'Allemagne et de la Suisse, voit souvent ses habitants se faire soigner de l'autre côté de la frontière grâce à ces pratiques non conventionnelles.

M. Alain Joyandet .  - Ce texte mériterait un peu plus de travail, et moins de bricolage. (Mme Sabrina Agresti-Roubache le conteste.) Madame la ministre, j'ai été choquée par votre interview, qui faisait des amalgames. Ce n'est pas bien.

M. Thomas Dossus.  - Pas ce soir !

M. Alain Joyandet.  - Vous prenez à partie un médecin honnête, parlementaire de surcroît. (Mme Sabrina Agresti-Roubache le conteste.)

Jusqu'à preuve du contraire, il faut être indulgent au regard des procédures. Ce parlementaire n'a pas été suspendu, il travaille auprès de ses patients. Ne jetez pas l'opprobre sur lui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Le projet de loi est adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 20 décembre 2023, à 15 heures.

La séance est levée à 23 h 25.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 20 décembre 2023

Séance publique

À 15 heures, 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Alain Marc, vice-président, M. Mathieu Darnaud, vice-président

Secrétaires : Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet

1. Questions d'actualité

2Une convention internationale examinée selon la procédure d'examen simplifié :

=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, l'Association internationale de développement, la Société financière internationale, l'Agence multilatérale de garantie des investissements et le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (texte de la commission, n°211, 2023-2024)

3Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg au protocole d'accord du 20 mars 2018 relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers et à la convention du 23 octobre 2020 relative au financement d'aménagements visant à renforcer la desserte ferroviaire et favoriser les mobilités durables (texte de la commission, n°209, 2023-2024)

4. Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (procédure accélérée) (texte de la commission, n°214, 2023-2024)