SÉANCE

du mercredi 24 janvier 2024

55e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Véronique Guillotin, M. Philippe Tabarot.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole.

Crise agricole (I)

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur des travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Alors que la colère des agriculteurs se propage de façon très inquiétante, je tiens, avant tout, à exprimer une pensée émue pour Alexandra Sonac et sa fille, qui ont tragiquement perdu la vie dans l'Ariège.

La colère des agriculteurs ne tombe pas du ciel : elle sanctionne une explosion, année après année, tant des attentes écologiques et sociétales pesant sur le monde agricole que des charges administratives et financières. À cela s'ajoutent des politiques publiques françaises et européennes inadaptées aux réalités quotidiennes des agriculteurs.

De moins en moins compétitive, notre agriculture est déclassée : nous importons 2,2 fois plus de produits agricoles qu'en 2000, et risquons même de perdre notre indépendance laitière à l'horizon 2027.

Monsieur le ministre, il faut agir vite et fort.

À court terme, défiscalisez le gazole non routier (GNR), accordez une année blanche aux agriculteurs les plus fragiles, allégez les charges, supprimez les surfaces non productives. Veillez aussi à l'application stricte de la loi Égalim.

À long terme, alignez les réglementations françaises sur les standards européens et mettez en oeuvre un choc de simplification.

Comptez-vous intégrer dans le projet de loi d'orientation agricole des mesures fortes pour restaurer notre compétitivité agricole et soutenir une profession désespérée ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur des travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Je m'associe à votre hommage à la jeune agricultrice et sa très jeune fille qui, hier, ont été victimes d'un accident terrible. Je mesure combien l'émotion est vive dans l'Ariège et dans la communauté agricole, mais aussi dans tout le pays.

Cette jeune femme défendait la fierté de son métier, la nécessité d'un revenu et le besoin de mettre un terme à ce que nombre d'agriculteurs vivent comme des incohérences.

Nous travaillons à apporter des réponses, à court comme à moyen et long termes.

En matière de rémunération, la loi Égalim doit être respectée dans son entièreté et les détournements auxquels se livrent certains opérateurs, combattus. Les distributeurs, notamment, doivent prendre leurs responsabilités. Nous répondrons aussi sur les enjeux fiscaux.

Nous le ferons dans la continuité de l'action menée ces dernières années, que ce soit sur la crise viticole ou la crise de la maladie hémorragique épizootique.

Il faut aussi nous projeter dans l'avenir. Au niveau européen, une cohérence doit être retrouvée entre la nécessaire transition et la réaffirmation de notre souveraineté commune. L'Union européenne a importé l'an dernier 40 millions de tonnes de céréales : nous devons nous interroger sur les moyens de défendre notre souveraineté dans ce domaine, comme nous le faisons en matière énergétique ou sanitaire.

Au niveau national, plus de 1 milliard d'euros supplémentaires sont prévus pour accompagner nos agriculteurs dans les transitions. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Crise agricole (II)

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le monde agricole est endeuillé : je m'associe pleinement à la peine des proches de l'agricultrice et de sa fille décédées.

L'agriculture française est en crise. Le malaise est palpable depuis des décennies, mais, aujourd'hui, la coupe est pleine.

Le revenu agricole chute inexorablement, alors que les prix alimentaires flambent : jamais la question du partage de la valeur n'a été aussi aiguë. Les marges de l'agro-industrie atteignent 48 % !

Le Gouvernement et le syndicat majoritaire font diversion en montrant du doigt les normes environnementales. Le second agite l'écologie comme un épouvantail pour masquer l'échec sinistre des politiques menées depuis des décennies : concurrence déloyale, confiscation de la PAC par une minorité, dérégulation. Le résultat ? Malnutrition pour de plus en plus de consommateurs modestes, désespoir pour les agriculteurs.

Ce système craque de toutes parts. Quand allez-vous agir pour que paysans et paysannes soient rétribués à la hauteur de leur travail ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Oui, il y a des enjeux de rémunération. Je le répète, nous devons faire respecter la loi Égalim. Nous appelons à la responsabilité de l'ensemble des opérateurs.

Vous dites : on a fait de l'écologie un épouvantail... Pardon, mais c'est une responsabilité collective ! Quand on accumule les normes et les contraintes, comment voulez-vous que les agriculteurs le perçoivent ? (« Bravo ! » et vifs applaudissements au centre et à droite ; protestations sur les travées du GEST)

M. Thomas Dossus.  - C'est vous qui êtes au pouvoir ! Assumez !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Nous devons réconcilier, mais, aujourd'hui, les agriculteurs ressentent une mise en accusation permanente.

M. Yannick Jadot. - Nous n'accusons personne !

M. Marc Fesneau, ministre. - Cessons, dans les médias, de dire à longueur de temps du mal de l'agriculture. Parlons de la réalité de l'agriculture française, une agriculture vertueuse et performante ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements au centre et à droite)

Une transition est nécessaire, je l'ai toujours dit. Mais envisageons-la à l'aune de la souveraineté nécessaire et de la capacité des agriculteurs à la mener, sinon nous bloquerons tout ! (Applaudissements nourris au centre et à droite)

M. Daniel Salmon.  - L'avez-vous oublié ? Voilà sept ans que vous êtes au pouvoir... Qu'avez-vous fait pour les clauses miroirs, pour la transition écologique, pour les oubliés de la PAC ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur de nombreuses travées du groupe SER)

Qu'avez-vous fait pour accompagner massivement la transition agroécologique dont nous avons absolument besoin ? (Protestations à droite et sur certaines travées au centre)

M. Guillaume Gontard.  - Très bien !

M. Daniel Salmon.  - Les agriculteurs sont en première ligne : ils savent parfaitement que nous devons agir sans tarder pour limiter le réchauffement climatique et nous y adapter. Mais vous ne leur proposez qu'un accompagnement insignifiant. On comprend, dès lors, l'émoi de la profession. Il vous reste trois ans : agissez ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER)

M. Yannick Jadot. - Bravo !

Crise agricole (III)

M. Laurent Duplomb .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées des groupes UC et INDEP) Monsieur le Premier ministre, entendez-vous le cri de colère de nos agriculteurs ?

Je partage tous les jours leurs angoisses, leurs incompréhensions et leurs révoltes. Ils ne comprennent plus ce que le Gouvernement veut : nourrir sans produire, cultiver sans culture, élever sans élevage...

Ils n'acceptent plus les condamnations des pseudo-experts Caron, Clément ou Rousseau. Ils n'acceptent plus d'être verbalisés pour écobuage, alors que, durant les émeutes, des milliers d'incendiaires sont restés impunis. (Marques d'approbation sur des travées à droite ; protestations sur les travées du GEST) Ils n'acceptent plus les interdictions qui les empêchent de travailler et les contrôles acharnés quand ils traitent pour protéger leurs cultures, alors que toujours plus d'accords de libre-échange sont signés.

MM. Yannick Jadot et Thomas Dossus. - Par qui ?

M. Laurent Duplomb. - Ils n'acceptent plus qu'on les bassine avec les mégabassines, stigmatisées par une minorité qui terrorise la majorité. (M. André Reichardt acquiesce.) Bref, ils n'acceptent plus la folie administrative et la technocratie abrutissante, qui tuent les paysans petit à petit. L'accumulation des problèmes que l'agriculture rencontre résume le mal français.

Les mots ne suffiront plus, il faut des actes. Pour mettre un terme à une pression insupportable, retenez vos tigres des Dreal, des DDT, de l'OFB, de l'inspection du travail ou de la police de l'eau ! (Applaudissements à droite et sur certaines travées au centre ; M. Christian Bilhac applaudit également.) Faites taire par vos arbitrages tous ces soldats verts du ministère de l'écologie punitive ! Et faites cesser le « en même temps » de votre majorité, dans laquelle un Canfin promeut la décroissance et le Green Deal ! (Mêmes mouvements ; M. Yannick Jadot proteste.) Faites confiance au bon sens plutôt qu'à la gauche bobo, qui n'a de cesse de donner des leçons et de produire des interdits ! (Marques d'impatience à gauche)

M. le président. Il faut conclure.

M. Laurent Duplomb. - Détendez la situation normative, arrêtez la surtransposition ! (Nombre de sénatrices et sénateurs à gauche font claquer leur pupitre en réclamant que l'orateur soit interrompu.)

M. le président. - Veuillez conclure.

M. Laurent Duplomb.  - Libérez les paysans des contraintes et laissez-les travailler ! Ils ne demandent pas à travailler moins, mais à pouvoir, sans entraves, travailler plus ! (« Bravo ! » et applaudissements nourris et prolongés sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC ; M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Nous n'employons pas les mêmes mots, mais il faut entendre le ras-le-bol que vous exprimez, fruit de dizaines d'années de réglementations sédimentées - chacun y a sa part de responsabilité, et j'assume la mienne.

Mais ne jetez pas à la vindicte populaire les administrations de l'État. (Marques d'approbation sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER) Prenons nos responsabilités : dans la loi, dans les réglementations, nous devons prévoir les bons outils. J'entends parfois des contrôleurs dire : je ne comprends même pas la réglementation...

Je salue le travail mené au Sénat sur la compétitivité. Nous avons repris certaines de vos propositions, notamment dans le plan fruits et légumes, mais aussi sur les garanties d'emprunt.

Nous irons plus loin dans le projet de loi d'orientation agricole, notamment en matière de souveraineté alimentaire et sur les normes.

M. Jean-François Husson.  - Et le budget ?

M. Marc Fesneau, ministre.  - Dans le budget de cette année, 1,2 milliard d'euros supplémentaires sont prévus pour accompagner la transition et la modernisation de l'agriculture. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)

Situation à Mayotte

M. Saïd Omar Oili .  - Avec Thani Mohamed Soilihi, nous avons alerté le Gouvernement sur le climat social dégradé à Mayotte. Aujourd'hui, nous tirons la sonnette d'alarme.

Notre île, de 374 kilomètres carrés, subit depuis des années des vagues d'immigration en provenance des Comores et de Madagascar. S'y est ajouté récemment un flux venant de l'Afrique des Grands Lacs et de Somalie. Un camp s'est installé dans le stade de Mamoudzou où vivent plus de 700 Africains, dont des enfants, dans des conditions indignes.

Ressource en eau, insécurité, intempéries : crise après crise, le désarroi s'installe et la guerre civile menace. Sur les réseaux sociaux, on évoque le risque d'affrontements entre la population et les migrants.

Nous ne sommes pas de ceux qui soufflent sur les braises, mais il est de notre responsabilité de vous alerter sur cette situation dramatique, qui peut dégénérer. Services publics fermés, routes barrées : Mayotte est au bord du chaos.

Quelles actions concrètes le Gouvernement entend-il mener pour évacuer le camp formé au coeur de Mamoudzou et enrayer les flux migratoires ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-François Longeot applaudit également.)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Mayotte est une terre de défis. C'est une jeunesse qui veut prendre son destin en main, une biodiversité exceptionnelle, mais aussi des difficultés immenses, en matière de sécurité, d'accès à l'eau, d'école, d'immigration.

Nous sommes déterminés à continuer d'agir pour l'avenir de Mayotte, avec vous et avec l'ensemble des élus mahorais.

L'île connaît une forte immigration, source de tensions très graves. Notre objectif premier est de prévenir les arrivées irrégulières en luttant contre les filières d'immigration illégale. Une antenne de l'Office de lutte contre le trafic de migrants a été ouverte sur place début 2023 : six filières ont été démantelées, et de lourdes condamnations prononcées.

Notre deuxième objectif est de traiter bien plus rapidement les demandes d'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) dispose désormais d'une antenne sur l'île. Nous avons aussi accru les capacités d'hébergement.

Notre troisième objectif est d'expulser plus rapidement les déboutés de l'asile. L'enjeu est de pouvoir exécuter les décisions d'éloignement dans les meilleurs délais. Nous sommes pleinement mobilisés et obtenons de premiers résultats encourageants. Nous menons des échanges internationaux pour être plus efficaces.

Ces mesures seront renforcées dans le cadre du plan interministériel de lutte contre l'immigration irrégulière Shikandra, en cours de refonte.

L'État est déterminé à évacuer le campement du stade de Cavani. Les démolitions démarreront demain et se poursuivront jusqu'à la disparition complète du camp. Nous apporterons une réponse adaptée à chacune des personnes qui y vit. Ce démantèlement doit permettre le retour à un fonctionnement normal de toutes les activités.

Par ailleurs, les violences contre les migrants sont inacceptables. Onze auteurs de violences ont été interpellés et seront jugés.

Mayotte, c'est la République. Avec mon gouvernement, je suis déterminé à agir pour les Mahorais. Je me rendrai prochainement sur place. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du RDSE)

Crise de la pêche (I)

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) Mes pensées vont vers la famille Sonac, durement éprouvée.

Comme prévu, les blocages se généralisent à tout le pays. Les agriculteurs ne peuvent plus vivre de leur métier. Envisagez-vous de geler le prix du GNL ? Le bashing agricole et l'inflation normative, ça suffit ! L'agriculture doit devenir une grande cause nationale en 2024.

Que dire de la décision hallucinante du Conseil d'État interdisant la pêche dans le golfe de Gascogne pendant trente jours ? Après les tempêtes, c'est une nouvelle punition pour nos pêcheurs ! La gestion des quotas de pêche a pourtant été déléguée à Bruxelles : en quoi le Conseil d'État est-il compétent ?

Il n'y a jamais eu autant de dauphins dans le golfe de Gascogne. Faut-il sacrifier une filière pour plaire à Sea Shepherd, France Nature Environnement et à la Ligue pour la protection des oiseaux ? Tournons la page de l'écologie punitive, qui a déjà fait suffisamment de dégâts. (M. Yannick Jadot soupire.)

Nos territoires et nos ports sont en détresse absolue. Il faut les sauver, sous peine de renoncer à notre souveraineté alimentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Sur l'agriculture, Marc Fesneau vous a répondu. Nous attendons de connaître l'ensemble des revendications - vous en citez une. Nous veillerons à éviter l'hypocrisie écologique qui consiste à imposer à nos agriculteurs des normes qui ne s'appliquent pas à nos importations.

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre.  - S'agissant de la pêche, le point de départ est une décision de justice, à partir d'un fait incontestable : 1 482 dauphins échoués cet hiver. D'après les spécialistes, la survie de l'espèce est en jeu. (M. Pierre Médevielle le conteste.)

Une conciliation avait prévu des dérogations - que le Conseil d'État a annulées. J'ai annoncé aux pêcheurs toute une batterie de mesures d'indemnisations, d'équité - afin d'éviter que des navires étrangers ne viennent pêcher dans nos eaux - et de contrôle. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Pierre Médevielle.  - Ne laissons pas la situation s'envenimer. Il est temps d'apporter des réponses concrètes. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Crise agricole (IV)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Alexandra et Camille sont décédées hier en défendant l'une des agricultures les plus sûres au monde. Le monde paysan et la France les pleurent. Nous assurons leur famille de toute notre compassion.

Stop à la politique politicienne. J'évoquais déjà le mal-être paysan dans mon rapport de 2021. On connaît depuis longtemps les problèmes de revenus - 4,80 euros de l'heure ! -, de normes, de dénigrement par une minorité, alors que 85 % des Français aiment les agriculteurs !

N'opposons pas les agricultures entre elles : la diversité est une force. Les mutations prennent du temps et ne doivent pas entraîner de concurrence déloyale. Les politiques publiques doivent être pensées avec, par et pour les agriculteurs.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé plus de contrôles pour l'application des lois Égalim - c'est un minimum. Des moyens supplémentaires sont-ils prévus pour la DGCCRF ? Comment comptez-vous simplifier ?

Demain, je serai auditionné au Parlement européen et je réaffirmerai l'intérêt des clauses miroirs. Comment en convaincre vos homologues ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Je m'associe à votre hommage aux victimes de l'Ariège.

D'abord, nous devons accélérer les procédures, qui prennent jusqu'à dix ans, sur l'eau ou les bâtiments d'élevage, et qui visent parfois à bloquer les projets.

Nous avons aussi besoin de cohérence. Si nous demandons à un éleveur d'agrandir son élevage, n'imposons pas des procédures trop lourdes ; si nous voulons maintenir le pastoralisme, trouvons des réponses à la prédation du loup. Parfois, les injonctions faites aux agriculteurs sont contradictoires.

Nous devons répondre aux crises, comme celle de la viticulture dans votre région.

Nous devons travailler sur les transitions ; c'est l'objet des 200 millions d'euros inscrits au projet de loi de finances pour 2024.

Enfin, au niveau européen, nous devons travailler sur les clauses miroirs, mais surtout sur les normes, afin qu'elles n'entravent pas le travail des agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

Crise agricole (V)

M. Jean-Claude Tissot .  - Depuis quelques semaines, un mouvement agricole a émergé en Europe. En France, il a été terriblement endeuillé. Il existe non pas un malaise, mais des malaises agricoles. Or le Gouvernement apporte des réponses d'urgence plus qu'il ne porte un véritable projet - on le voit encore dans votre projet de loi d'orientation agricole.

Ne nous trompons pas de diagnostic : la crise est d'abord économique, face aux géants de l'agroalimentaire. Ce n'est pas en cédant au lobby industriel sur l'abaissement des normes que nous y répondrons. (Mme Sophie Primas proteste.)

Rémunérons les services environnementaux, revoyons les aides de la politique agricole commune (PAC), adoptons une loi foncière favorable aux installations et aux transmissions, défendons l'agroécologie, reprenons la main sur la fixation des prix après l'échec des lois Égalim, encadrons les traités de libre-échange.

Comment comptez-vous engager cette indispensable évolution de notre modèle agricole ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Oui, il y a une diversité des problèmes - nous n'éludons pas celui des normes.

Les agriculteurs demandent l'application des lois Égalim, que l'on doit à ce gouvernement. (Mme Sophie Primas proteste.)

Il faut accélérer sur les transitions. Qui l'a fait, sinon nous ? Le gouvernement que vous souteniez a interdit les néonicotinoïdes, sans mettre un sou pour la recherche d'alternatives ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Nous avons mis 250 millions d'euros. Sus au déclaratif, il faut agir. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Nous devons travailler à l'échelle européenne. Il faut préserver une diversité des modèles, à la fois exporter et satisfaire nos besoins domestiques.

Ce gouvernement, singulièrement sur ces sujets de rémunération et de transition, a agi. Faisons-le, plus loin et plus vite. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean-Claude Tissot.  - Oui, allons plus loin : c'est pourquoi nous proposons une commission d'enquête sur la construction du revenu agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Moyens de l'enseignement

M. Pierre Ouzoulias .  - L'enseignement privé sous contrat perçoit chaque année 13 milliards d'euros de subventions publiques. La Cour des comptes a dénoncé des défaillances dans le contrôle de cet argent public et alerté sur l'accroissement des disparités sociales entre privé et public.

Les dérives d'un établissement privé parisien - que je ne nommerai pas pour vous permettre de me répondre - ont montré que certains établissements ne respectaient ni la loi ni leur contrat d'association ; que certains ne respectaient pas la liberté de conscience des élèves et des professeurs ni les valeurs de la République ; que des propos contre la contraception, l'avortement ou l'homosexualité y étaient parfois tenus ; que certains refusaient d'organiser la vaccination contre le papillomavirus ou les hommages à Samuel Paty et Dominique Bernard, nos martyrs de la laïcité ; que certains se dédouanaient des règles de Parcoursup ; que certains n'accueillaient que les enfants des familles les plus favorisées et pas les enfants en situation de handicap.

M. Max Brisson.  - Caricature !

M. Pierre Ouzoulias.  - Alors que le Président de la République appelle au réarmement civique de la nation, ces établissements subventionnés par l'État organisent un séparatisme social et scolaire. Il faut mettre fin à ces dérives. L'école doit être le coeur du projet républicain ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du GEST et sur quelques travées du RDSE)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques .  - Depuis quelques jours, j'entends parler de ce séparatisme scolaire ; mais n'opposons pas l'école publique et l'école privée, qui concourent toutes deux au service public de l'enseignement. (Vives protestations à gauche)

M. Hussein Bourgi.  - C'est la réalité ! Ouvrez les yeux !

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Vous stigmatisez les choix de millions de parents. (Les protestations redoublent.) La République ne tolère aucun séparatisme. Ses règles s'appliquent aux établissements privés et je serai intransigeante sur le respect de la laïcité et de la liberté de l'enseignement. (Nouvelles protestations à gauche)

Nous contrôlons l'enseignement dispensé et travaillons pour améliorer la mixité sociale et scolaire. Les dispositifs d'excellence comme les sections internationales doivent désormais respecter un critère de mixité sociale. Nous développons le dispositif Devoirs faits. Nous privilégions l'école publique en termes de moyens. Un protocole a été signé avec le Secrétariat général de l'enseignement catholique qui comprend des engagements précis en termes de mixité.

Pas de procès d'intention (exclamations ironiques à gauche et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) : jugez-moi sur mon action de ministre, sur mon ambition pour l'école publique, sur mes résultats, au service de la réussite de tous les enfants et de toutes les écoles. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Pierre Ouzoulias.  - Je ne fais pas de procès d'intention. (M. Max Brisson ironise.) De nombreux établissements privés sont hors la loi : vous devez les contrôler. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du GEST, ainsi que sur quelques travées du RDSE)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Je le fais !

Finances publiques

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'économie, lors de vos voeux aux acteurs économiques, vous avez recyclé l'idée du désendettement de la France.

M. Albéric de Montgolfier.  - Vaste programme !

M. Jean-François Husson.  - Quels seront la méthode, le calendrier et le contenu de ce désendettement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Rachid Temal.  - Et avec quelle croissance ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - (« Ah ! » sur de nombreuses travées)

M. Rachid Temal.  - Bienvenue au Sénat !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je suis toujours très heureux d'être au Sénat...

Mme Sophie Primas.  - Répondez à la question !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je vous retourne la question, monsieur Husson.

M. Jean-François Husson.  - Vous n'allez pas être déçu !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Car l'attitude des Républicains me perd...

Nous annonçons des milliards d'euros d'économies en sortant du bouclier tarifaire sur l'électricité. Nous tenons parole et prenons des décisions. (On en doute sur les travées du groupe Les Républicains.)

J'aimerais pouvoir compter sur l'engagement ferme des Républicains. Mais accordez vos violons avec vos amis députés ! (M. Jean-François Husson s'exclame.)

En décembre 2023, Olivier Marleix dépose un amendement au projet de loi de finances pour 2024...

Plusieurs voix à droite.  - Vous êtes au Sénat !

Mme Sophie Primas.  - Mais que faites-vous, vous ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... pour rétablir l'intégralité de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), à 32 euros le mégawattheure. C'est trop selon nous, mais nous saluons l'effort.

Un mois plus tard, le même Olivier Marleix...

Nombreuses voix à droite.  - Vous êtes au Sénat !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... déclare qu'il faut surseoir à ce rétablissement ! Où est la cohérence des Républicains ? Où habitez-vous ? Au Sénat ou à l'Assemblée nationale ? (M. Yannick Jadot s'exclame.)

Plusieurs voix à droite.  - Au Sénat !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Cela coûterait 9 milliards !

Quand on est perdu, une seule solution : s'en remettre à la sagesse du Président du Sénat, Gérard Larcher (rires), qui reconnaissait le bien-fondé de nos décisions, hier matin, sur France Info. Merci, monsieur le Président. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe UC ; M. Franck Montaugé applaudit également.)

M. Jean-François Husson.  - Vous multipliez les déclarations contradictoires. Mais l'ardoise n'est pas magique, elle est salée. Depuis 2017 et votre arrivée à Bercy, la France est devenue le bonnet d'âne de l'endettement en Europe. Six pays étaient derrière nous en 2016, dont Chypre... Désormais, seules la Grèce et l'Italie font pire !

M. Rachid Temal.  - Même Chypre !

M. Jean-François Husson.  - Vous accélérez le déclassement de la France : depuis 2016, la dette est passée de 33 000 à près de 50 000 euros par Français. Votre majorité en a fait le premier poste de dépenses de l'État.

Vous vous moquez des Français et du Parlement. Vous vous êtes fait l'apôtre des économies et du dialogue avec le Parlement, or le Sénat a voté 7 milliards d'euros d'économies !

M. Max Brisson.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Vous n'avez rien accepté, pas même l'euro symbolique. Assez de ce double langage ! (Acclamations et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Hôpital public

Mme Annie Le Houerou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dès sa prise de fonctions, le Premier ministre a annoncé 32 milliards d'euros pour le système de santé. Cela a suscité de grandes attentes. S'agit-il de crédits supplémentaires ou des 31,5 milliards déjà engagés par la loi de programmation des finances publiques, c'est-à-dire du recyclage de crédits déjà alloués, et donc un flop qui ne fait qu'accentuer le désarroi des soignants ?

La santé mérite mieux que des coups de com'. Médecine de ville et hôpitaux font face à une pénurie inquiétante de soignants. Pas une semaine sans manifestation à Lannion, à Pontivy, à Carhaix, face au risque de naître sur les routes ou de ne plus être pris en charge pour un AVC. Patients et soignants dénoncent la perte de chances et les prises en charge tardives.

Quelle est votre stratégie pour garantir l'accès aux soins à tous, partout ? Vous évoquerez à coup sûr le Ségur de la santé, mais il faut aller plus loin.

Quelles sont vos « propositions intelligentes », madame la ministre, pour reprendre les mots du Premier ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Ces milliards d'euros, c'est l'argent de nos concitoyens ! (Marques d'ironie et protestations sur les travées du groupe SER) Les 55 milliards d'euros correspondent à l'augmentation de nos dépenses d'assurance maladie, dont la moitié va aux établissements de santé.

Premièrement, le Ségur a apporté une réponse forte. En fonctionnement, il y a 8 milliards d'euros pour les personnels de santé. C'est du concret.

Plusieurs voix sur les travées du groupe SER.  - Et les 32 milliards ?

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Nous prenons en charge les week-ends et les gardes de nuit. C'est fait.

Deuxièmement, les 19 milliards d'euros d'investissements...

M. Rachid Temal.  - Cela ne fait toujours pas 30 milliards !

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - ... profiteront à l'ensemble du territoire, avec des rénovations et des constructions. Depuis dix jours que je suis en fonction, tous, vous m'interpellez sur les projets d'hôpitaux.

Nous avons besoin de ces crédits pour agir sur le terrain au plus tôt. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

M. Rachid Temal.  - Pour combien, à la fin ?

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - On vous attend !

M. Rachid Temal.  - Et les 32 milliards ?

Mme Annie Le Houerou.  - Les conditions de travail des professionnels se dégradent. Plus de blabla, mais des actes ! La santé n'est pas gratuite...

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Eh non !

Mme Annie Le Houerou.  - Chaque mois, via la CSG et les cotisations sociales, les Français contribuent à l'assurance maladie et attendent un service public à la hauteur de leur engagement. Or les listes d'attente s'allongent et les déprogrammations d'opérations se multiplient.

La désertification médicale conduit à recruter des médecins hors de l'Union européenne, qui risquent de perdre leur poste (Mme la ministre le nie) en raison de la perte de leur statut. (Mme la ministre le conteste ; applaudissements à gauche.)

Crise agricole (VI)

Mme Kristina Pluchet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.) Monsieur le Premier ministre, j'entends depuis plusieurs années les déclarations du Président de la République et des ministres successifs promettant, la main sur le coeur, de défendre l'agriculture française. Mais j'entends surtout le monde agricole qui gronde : les agriculteurs se sentent oubliés, asphyxiés, méprisés.

Depuis dix ans, nous vous alertons sur les inepties idéologiques de votre majorité et de nos institutions - même la Cour des comptes est devenue compétente en déjections bovines...

Monsieur le Premier ministre, qui a soutenu Farm to Fork au Parlement européen ? Renaissance ! Qui a voté le règlement sur la restauration de la nature, qui prévoit 10 % de jachère agricole ? (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.) Qui a refusé d'activer la clause de sauvegarde sur le poulet ukrainien ? Ce gouvernement ! Qui, au Sénat, a refusé de voter sur l'accord économique et commercial global avec le Canada (Ceta) ? Toujours Renaissance !

Cette crise braque le projecteur sur les effets délétères du « en même temps ». Comment pouvez-vous dire une chose à Paris et le contraire à Strasbourg ? (Bravos et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Quand soutiendrez-vous réellement les agriculteurs français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le groupe du parti populaire européen (PPE), qui comprend vos représentants au Parlement européen, a voté une grande partie des textes que vous évoquez ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

M. Yannick Jadot.  - Et tous les accords de libre-échange !

M. Marc Fesneau, ministre.  - En effet, il ne faut pas de double discours, madame Pluchet ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Vous vous défaussez des votes de votre groupe !

M. Max Brisson.  - Non !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Il faut avancer différemment. Personne n'a dit grand-chose lors du Green Deal, sur sa compatibilité entre capacité productive et exigences environnementales.

La présidente de la Commission européenne est - je le rappelle - d'une obédience proche de la vôtre...

M. Bruno Retailleau.  - Proche de Macron !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Qui s'est opposé au traité australien et au traité avec le Mercosur ? La France.

Notre agriculture exporte massivement, notamment les céréales, les fromages ou les vins. Nous avons besoin de commercer, mais avec des règles mieux coordonnées : nous avons besoin de plus d'Europe, pas de moins d'Europe. Nous n'avons pas besoin d'autarcie et de dénoncer des choses que l'on soutient par ailleurs. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE, ainsi que sur quelques travées des groupes INDEP et UC)

Mme Kristina Pluchet.  - La délégation française a défendu avec force l'agriculture au Parlement européen. Les agriculteurs en ont ras le bol du bal des faux-culs, voilà ce que j'entends sur les barrages ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Marc Fesneau, ministre.  - On va vous montrer les votes.

Crise de la pêche (II)

Mme Annick Billon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe à ma question le président Marseille et les 52 cosignataires de notre lettre ouverte sur l'interdiction de la pêche dans le golfe de Gascogne, censée protéger les dauphins, qui a mis au chômage les pêcheurs de la région : depuis deux jours, 500 navires français restent à quai à la suite d'une décision du Conseil d'État. Cela s'ajoute au covid, au Brexit, à la crise de l'énergie et aux réglementations. Le mois de fermeture représentera une perte de 14 millions d'euros.

Criées, maraîchage, coopératives, maintenance : tous seront touchés. Un pêcheur en mer, c'est quatre emplois à terre ; tout l'écosystème est en cale sèche, alors que les pêcheurs ont investi 30 millions d'euros dans les systèmes répulsifs contre les prises accidentelles.

Les pêcheurs ne réclament pas l'obole, ils veulent faire leur métier. Sans capitaine à bord, comment éviter le naufrage de la filière ? Comment s'assurer que les poissons consommés respecteront les normes contraignantes imposées à nos pêcheurs ? À l'instar des agriculteurs, ils sont en colère : c'est notre souveraineté alimentaire qui est en jeu. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Nous sommes dans l'urgence. J'aurais préféré plus de temps, comme les pêcheurs, mais nous sommes contraints par la décision du Conseil d'État du 22 décembre dernier.

Personne ne souhaite de pêche accidentelle ; il faut un équilibre avec la biodiversité. À court terme, nous compensons 85 % des pertes de chiffre d'affaires des bateaux concernés par cette interdiction. Nous soutenons aussi les mareyeurs, les collectivités -  qui gèrent souvent les ports  - , les criées avec le chômage partiel. Au nom de l'équité, nous avons activé l'article 13 de la politique commune des pêches : ainsi, les navires non français ne pourront venir dans le golfe, la marine nationale assurant les contrôles.

Notre souveraineté alimentaire en matière de pêche, malheureusement, est un concept : nous importons 70 % de notre consommation de produits de la mer. Comment cette sidération, provoquée par cette fermeture spatiotemporelle, nous amènera-t-elle à décider ce qu'il faut faire d'ici à un an ? (MMFrançois Patriat et Louis Vogel applaudissent.)

Mme Annick Billon.  - Ce n'est pas interdire la pêche qui améliorera l'équilibre. Une stratégie de long terme, portée par un capitaine, est urgente. La filière pêche coule : nous en sommes responsables ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Transport des céréales sur la Seine pendant les jeux Olympiques

M. Pierre Cuypers .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 26 juillet, nous ouvrirons les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) sur la Seine. D'un claquement de doigts, on ferme le fleuve à toute navigation. Les touristes peuvent bien se passer de bateaux-mouches. Mais la mairie, la préfecture et les ministères concernés ont oublié que 60 % des flux sur la Seine correspondent au transport de 600 000 tonnes de céréales vers Rouen, plus grand port céréalier d'Europe.

La haute administration propose de décaler les moissons et les récoltes. (Marques d'hilarité à droite) Pourquoi ne pas aussi décaler l'été ?

Quelle solution le Gouvernement entend-il apporter à cette situation, alors que les agriculteurs souffrent ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Annick Jacquemet et Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques .  - Le déroulement sur la Seine de la cérémonie d'ouverture est une première hors d'un stade : son organisation impose de prendre des mesures. La fermeture à la navigation est nécessaire pour le déminage des ponts, des quais et des bateaux et pour monter le décor du spectacle.

Une concertation approfondie a été menée avec les représentants des céréaliers...

M. Jean-François Husson.  - Pour décaler l'été ?

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - ... non pour décaler l'été ou les moissons, mais pour trouver des solutions.

Cette fermeture a déjà été réduite de huit à sept jours... (On ironise sur plusieurs travées.)

Un, les négociations se poursuivent.

Deux, l'allongement des horaires d'ouverture des écluses est d'ores et déjà satisfait.

Trois, l'identification de plus de zones de stockage en aval et en amont a été partagée avec la profession.

M. Jean-François Husson.  - Cela ne sert à rien.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Quatre, un point d'entrée unique pour traiter les difficultés a été décidé.

Cinq, une méthode de travail est en place pour le traitement des éventuels préjudices.

Les épreuves sur la Seine, comme la natation ou le triathlon, ne poseront pas les mêmes difficultés puisque les bateaux pourront circuler après le 26 juillet.

M. Rachid Temal.  - Ah !

M. Jean-François Husson.  - Ils nageront entre les péniches.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - L'impact sur la vie économique et le quotidien sera pris en compte. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Alors là...

M. Pierre Cuypers.  - J'entends vos explications, mais les JOP sont dans quatre mois. Encore une fois, notre souveraineté alimentaire et énergétique est menacée. Dans un contexte de colère, les agriculteurs en ont ras le bol.

Un arrêt complet du 18 au 27 juillet serait une erreur fatale. Je comprends que trois jours soient nécessaires pour le déminage et le montage des installations. Mais les autorités refusent la circulation fluviale, même partielle, par peur des collisions. Il ne faut pas prendre les bateliers pour des marins d'eau douce ! (Sourires)

Pas moins de 500 millions d'euros de pertes sont en jeu. Chaque jour de retard prend des proportions énormes. Nous sommes les stockeurs de nos clients. Si ceux-ci ne sont pas livrés, les conséquences humaines seront dramatiques.

Il faut trouver des solutions dans les quinze jours. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Lyon-Turin

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La liaison transalpine Lyon-Turin revêt une importance capitale : en reliant Lisbonne à Kiev, elle réduira les émissions de CO2, elle éliminera un million de poids lourds des routes, notamment dans nos vallées alpines, et désengorgera l'Est lyonnais.

D'ici à 2032, le tunnel de base international sera achevé : avec ses 57,5 km, il sera le plus long du monde. L'Italie est prête à fournir ses 60 km d'accès. Et la France ? Ses hésitations risquent de faire dérailler le projet. Le financement de l'étude des 150 km d'accès français n'est toujours pas bouclé. Pourtant, la date limite pour la demande de subvention auprès de l'Union européenne est fixée au 30 janvier ! Des élus de toutes sensibilités tirent le signal d'alarme. Mais les négociations ont encore échoué le 18 juillet dernier : il manque toujours 40 millions d'euros. Nous regrettons l'absence d'un ministre des transports et les atermoiements de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

La France va-t-elle rester à quai, renier sa parole et rater son rendez-vous avec l'Europe et ses territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Lyon-Turin, c'est une liaison majeure pour le report modal, pour diminuer la pollution dans les vallées alpines, pour les liens entre nos pays.

Au 30 janvier, nous devons notifier à la Commission européenne le bouclage de la part française des financements pour les études permettant à la fois les accès alpins et le raccordement au contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise.

Le coût global de ces études s'élève à 220 millions d'euros. L'Union européenne en finance 50 %, soit 90 millions d'euros - puisque 38 millions ne sont pas éligibles. Restent donc 130 millions d'euros à financer. L'État s'est engagé sur 50 % de cette somme. Sur les 65 millions restant, les collectivités territoriales en apportent 25 : le delta est donc de 40 millions d'euros.

M. Yannick Jadot.  - Et 30 milliards derrière !

M. Christophe Béchu, ministre.  - La contribution de la région Auvergne-Rhône-Alpes, de 13 millions d'euros, est faible au regard de sa capacité financière et des retombées économiques attendues.

M. Loïc Hervé.  - Prenez votre téléphone !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Vous dites que les négociations ont échoué ? Disons qu'elles n'ont pas abouti. Ce qui se joue, c'est la réalisation d'un projet qui permettra de bénéficier de subventions importantes de l'Union européenne et de porter une ambition écologique concrète. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Loïc Hervé.  - Trouvez une solution, enfin !

Mme Florence Blatrix Contat.  - Réussir cette étape est un impératif si l'on veut éviter la gabegie - un tunnel sans train, ou à la moitié de sa capacité.

M. Loïc Hervé.  - Évidemment !

Mme Florence Blatrix Contat.  - Ce serait un échec pour la décarbonation de nos transports, ce serait l'échec de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Loïc Hervé et Laurent Somon applaudissent également.)

Violences envers les élus, les pompiers, les policiers

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le caillassage de pompiers à Mantes-la-Jolie, les agressions d'enseignants à Angoulême ou de policiers à Marseille témoignent de la crise de l'autorité que nous vivons.

Les agressions contre les pompiers ont augmenté de 30 % depuis 2020. Pour les enseignants, il ne s'agit plus seulement de dispenser un savoir, mais de préserver sa liberté d'expression face aux menaces. Policiers et gendarmes démissionnent par milliers chaque année face au manque de reconnaissance, de moyens et de respect.

Je n'oublie pas les élus locaux, de plus en plus menacés dans leur intégrité physique.

En octobre dernier, le Sénat a voté à l'unanimité une proposition de loi sur la sécurité des élus et la protection des maires, qui aligne les peines sur le régime existant pour les dépositaires de l'autorité publique.

Ces maux ont une même racine : le rejet croissant de l'autorité de l'État par une partie de la population.

À quelques mois des jeux Olympiques, comment l'État compte-t-il empêcher de tels incidents ? Quand nos élus bénéficieront-ils de la protection renforcée voulue par le Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - En 2023, on a enregistré cent agressions de moins sur les pompiers - mais comment s'en réjouir, quand le chiffre atteint 1 400 ? Pire, 70 % des agresseurs sont ceux à qui les pompiers portaient secours ! Ces agressions irrationnelles traduisent une déconstruction mentale, une absence de bon sens, de cohérence, de respect.

À la suite du texte voté à l'unanimité par le Sénat et par l'Assemblée nationale, les présidents Retailleau, Marseille et Gatel viennent de déposer une proposition de loi portant création d'un statut de l'élu. Il y a un ras-le-bol normatif, mais aussi des conséquences sur la vie personnelle des élus, qui doivent pouvoir concilier leur engagement avec une vie familiale normale.

Dans la continuité des travaux de Dominique Faure, 3 400 policiers et gendarmes sont aujourd'hui référents « élus ». Le centre d'analyse et de suivi a enregistré l'inscription de 2 500 élus. Les formations se poursuivent, les instructions aux préfets se multiplient : le ministre de l'intérieur vous présentera bientôt un bilan plus complet.

Mme Catherine Belrhiti.  - Vous faites le même constat que moi, mais n'apportez aucune réponse concrète - seulement des promesses sans lendemain. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Crise de la pêche (III)

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La pêche est désormais interdite dans le golfe de Gascogne pendant un mois à tous les bateaux de plus de huit mètres, au nom de la protection des dauphins. Il en sera de même pour les hivers 2025 et 2026 : plus de 450 navires resteront à quai au moment le plus prolifique. Cette décision radicale du Conseil d'État menace toute une filière.

Pourtant, des dérogations avaient initialement été prévues, et les pêcheurs se sont équipés de dispositifs de dissuasion acoustique ou de caméras embarquées. D'autres solutions existaient, comme la fermeture tournante des zones de pêche.

L'extension de l'interdiction à tous les navires européens a conduit l'Association européenne des organisations de producteurs de poissons à saisir la Commission européenne, au motif que cette jurisprudence française, qui pénalise toute la filière, ne devrait s'appliquer qu'aux navires français. En attendant la décision de la Commission, les pêcheurs espagnols peuvent, eux, continuer à pêcher...

Comble de l'absurde, la communauté scientifique estime que la population des dauphins communs est stable et nullement menacée dans le golfe de Gascogne. Avec cette interdiction, les prix sur les étals vont s'envoler, la part des importations aussi.

Face à cette décision injuste et dispendieuse, que comptez-vous faire pour sauvegarder la filière et laisser les pêcheurs exercer leur profession ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - La décision que vous contestez n'est pas politique : c'est une décision du Conseil d'État. Vous êtes libre de dénoncer le consensus scientifique sur lequel elle se fonde, mais dans mes fonctions, je me dois d'appliquer les décisions de justice.

Il a déjà eu des arrêts temporaires pour la sole, ou pour les civelles, assortis d'interdictions.

Le Gouvernement a travaillé avec les pêcheurs pour éviter une fermeture spatio-temporelle pure et obtenir des dérogations - que le Conseil d'État a annulées. Notre responsabilité est de soutenir la filière, de l'amont à l'aval, mais aussi de se projeter dans le temps long.

S'agissant de la nationalité des bateaux, l'article 13 a été appliqué sans délai : l'interdiction vaut pour tous les navires de plus de huit mètres, français ou étrangers. Elle est contrôlée par les préfectures maritimes et par des navires et des avions de la marine nationale. Tous ceux qui croiseront dans les eaux du golfe de Gascogne s'exposent à des sanctions.

Cette mesure est effective depuis lundi, première heure. Nous pouvons discuter des délais, de l'indemnisation, mais pas du respect ou de l'étendue de cette fermeture. Le Gouvernement a pris ses responsabilités.

Mme Florence Lassarade.  - Comme pour l'agriculture, avec les arguments erronés des ONG anti-pêche, vous conduisez le pays à l'insurrection, ni plus ni moins ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Mickaël Vallet.  - C'est une décision de justice !