Nationalisation du groupe Électricité de France (Deuxième lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à protéger le groupe Électricité de France (EDF) d'un démembrement, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Discussion générale

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Il n'a jamais été question du démembrement d'EDF. Nous avons définitivement abandonné le projet Hercule. Avec le Président de la République, nous avons décidé, radicalement, de prendre le contrôle à 100 % d'EDF, ce qui nous laisse les mains libres pour une politique ambitieuse.

Lors de mon premier déplacement comme ministre de l'énergie, à Gravelines, centrale nucléaire la plus importante d'Europe, j'ai dit être le garant de l'unité d'EDF dont dépend une grande partie de notre avenir.

Que voulons-nous pour EDF, pour la nation et pour les Français ?

Nous voulons qu'EDF produise davantage. Ses difficultés sont connues, comme la corrosion sous contrainte, qui est résolue. L'objectif est qu'EDF produise 400 térawattheures d'ici à 2030.

Ensuite, nous demandons à EDF d'investir, dans le nucléaire avec six nouveaux EPR en construction et huit à l'étude, mais aussi dans les énergies renouvelables et ses capacités de production. Les six nouveaux EPR sont un défi industriel qui se compte en dizaines de milliards d'euros : il s'agit de creuser des fondations et d'installer des piliers en acier longs de dizaines de mètres, supportant deux millions de tonnes... Cela n'a pas été fait depuis un demi-siècle en France.

Enfin, nous voulons la stabilité financière d'EDF. Si EDF est ruinée, le contribuable français devra recapitaliser, et nous ne serons pas plus avancés. Avec 65 milliards d'euros de dette et les premières émissions de dette en Europe, la soutenabilité financière d'EDF doit être garantie.

Que voulons-nous pour la nation, ensuite ? Nous en discuterons en étudiant la programmation pluriannuelle de l'énergie et du climat, ce qui ne saurait se faire dans la précipitation : son retrait du texte sur l'énergie était non pour la glisser sous le tapis, mais pour la mettre en lumière. Il s'agit de choix technologiques, industriels et financiers, mais aussi territoriaux. Ainsi, un tiers de l'éolien terrestre est concentré dans le Nord et l'Est de la France. On agit non pas contre, mais avec les Français.

M. Mickaël Vallet.  - Et les retraites ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - La France doit être la première économie décarbonée européenne d'ici à 2040, ce qui passe par la sobriété et la souveraineté. Je salue à cet égard les efforts des ménages et des entreprises : nous avons gagné la bataille de la sobriété pendant l'hiver 2022-2023. Nous devons faire plus attention et récupérer l'énergie d'industries comme les cimenteries pour chauffer les ménages.

Pour la souveraineté, nous devons construire des réacteurs nucléaires, mais le renouvelable est aussi partie intégrante de notre stratégie : il sera indispensable d'ici à l'ouverture des premiers réacteurs, en 2035.

Pour les Français, enfin, nous voulons garantir la sécurité énergétique. La guerre en Ukraine a montré que la dépendance est la plus terrible des folies économiques. Il y a effectivement 70 % de nucléaire dans la production d'électricité, mais 60 % de notre mix énergétique repose sur le fossile. D'ici à 2050, la part de l'électricité - qui est aujourd'hui de 27 % - doit doubler.

Nous devons aussi garantir aux Français un coût bas de l'électricité, en limitant l'augmentation de la taxe intérieure de consommation sur l'électricité (TICFE). Il faut sortir du bouclier tarifaire qui existait depuis deux ans : la contribution aux énergies renouvelables ne peut pas reposer que sur l'État. Nous remontons progressivement la TICFE, à 21 euros au 1er février, et nous sortirons définitivement du bouclier à compter du 1er février 2025. L'engagement est de disposer d'un prix le plus bas en Europe.

Aucun démantèlement n'est prévu : je suis le garant de l'unité de ce grand service public énergétique. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Delahaye applaudit également.) Voilà neuf mois, notre rapporteur de l'époque Gérard Longuet soulignait l'enthousiasme général suscité par cette proposition de loi de Philippe Brun. Aujourd'hui, il est toujours là, du moins à gauche, d'où provient la demande d'inscription à l'ordre du jour de cette deuxième lecture.

Les choses ont évolué, avec la disparition de la cote d'EDF. Certaines dispositions du texte initial n'ont plus lieu d'être.

Demeure l'article 3 ter, sur Électricité de Mayotte (EDM), qui ne pose pas de difficultés.

L'article 3 bis prévoit l'extension des tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE) à toutes les PME. Le Sénat demande, depuis longtemps, de revenir sur cette surtransposition. Pourquoi introduire une différence en fonction du seuil de puissance de 36 kilovoltampères ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Tout à fait.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Ce déplafonnement aurait eu du sens lors de la crise énergétique. Le Gouvernement n'aurait pas eu à déployer tant de moyens. Aujourd'hui, cela a moins de sens : les offres de marché sont compétitives.

L'article 2 est le sujet le plus sensible. La crainte du démembrement d'EDF pose des questions en creux sur l'avenir du marché. Le marché européen est ouvert depuis 2002, personne ne remet en cause ce principe. En revanche, en raison du monopole, multiplier les réseaux de transports serait une gabegie. Enedis et Réseau de transport d'électricité (RTE) doivent être indépendants d'EDF, qui reste actionnaire, tout en demeurant 100 % publics, en application de l'alinéa 9 du protocole de 1946.

La commission des finances a substitué à la liste des activités de l'entreprise une convention décennale revue tous les trois ans. Il faut une visibilité à moyen et long termes sur la position de l'État actionnaire. Le besoin en est criant : comment avons-nous pu décider de fermer Fessenheim, juste avant d'augmenter l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) et de rouvrir une centrale à charbon ? (M. Thomas Dossus proteste.)

M. Jean-François Husson.  - C'est vrai !

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - EDF devra répondre à trois grands défis. Tout d'abord, la décarbonation de l'électricité, qui ne peut reposer que sur une politique nucléaire ambitieuse. Ensuite, la maîtrise des prix : quelles seront les suites de la fin de l'Arenh ? Enfin, l'adaptation de la production aux usages : le stockage est difficile, les batteries posent des questions en termes d'impact sur l'environnement et la production s'individualise. Ce contrat doit réaffirmer l'importance de l'indépendance énergétique. Vous semblez partager ces objectifs, monsieur le ministre.

Sur l'ouverture du capital aux salariés et anciens salariés d'EDF, la commission a décidé de revenir à la rédaction sénatoriale de l'article, l'usage d'un verbe à l'indicatif montrant qu'elle devra se faire. Nous voulons favoriser l'actionnariat salarié.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Très bien !

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Cette ouverture ne doit pas se faire n'importe quand et n'importe comment. La rédaction de l'Assemblée nationale soulève des difficultés en termes de valorisation des actions et de nouvelles ouvertures du capital. À plus court terme, EDF aura intérêt à mettre en place un intéressement pour les salariés.

Le marché de l'énergie est en plein bouleversement : les règles du jeu des décennies à venir s'écrivent maintenant. Nous en débattrons prochainement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christian Bilhac .  - (M. Bernard Fialaire applaudit.) L'électricité augmente de 9 % le 1er février prochain, après 10 % de hausse en août 2023 - et les Français ne voient pas l'inflation s'arrêter. Peut-être trouvent-ils nos débats futiles, mais EDF assure l'indépendance énergétique de la France.

La liste explicite d'activités d'EDF inscrite dans la loi se heurte à la position de la Commission européenne. Ne pas laisser EDF sous la forme d'une société anonyme aurait clarifié les choses.

Depuis un an, les actions de l'exécutif ne sont pas plus claires, en dépit de l'abandon du projet Hercule. Mais il ne faudrait pas que ce pauvre Hercule soit recueilli demain par un gouvernement compatissant...

En deuxième lecture, le texte de la commission a été largement modifié. La vente par appartement n'est pas pleinement exclue : il ne faudrait pas socialiser les pertes et privatiser les profits. La convention décennale va donc dans le bon sens.

Les besoins en énergie vont augmenter sous l'effet d'activités énergivores, comme le numérique et ses serveurs, mais aussi le tout électrique pour les voitures et le chauffage. Dans un contexte international tendu, l'État doit garder la maîtrise des infrastructures et assurer la coordination entre les centrales nucléaires et les barrages hydroélectriques. C'est quand les rivières sont au plus bas que la production photovoltaïque est au plus haut.

Mon groupe proposera plusieurs amendements, dans le respect de la règle de l'entonnoir. Le RDSE avait voté majoritairement contre le texte en première lecture. Nous nous positionnerons en fonction du sort des amendements. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Jean-François Husson.  - On progresse !

M. Didier Rambaud .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Après une longue et électrique navette parlementaire, nous sommes de nouveau réunis pour examiner cette proposition de loi. Créé en 1946, le fleuron EDF est un maillon essentiel, d'autant plus avec la relance du nucléaire engagée par le Président de la République.

L'État a pris la décision historique de nationaliser à nouveau EDF, le 23 mai 2023. Depuis le 8 juin 2023, l'État en est le seul actionnaire, pour un coût de 9,7 milliards d'euros. Nous sommes tous inquiets pour son avenir, mais l'État a annoncé préserver l'avenir du groupe. Le démantèlement est à des années-lumière.

Notre groupe votera contre cette proposition de loi, tout d'abord parce qu'elle avait pour objet de nationaliser EDF. C'est chose faite.

M. Jean-François Husson.  - Dommage !

M. Didier Rambaud.  - Deuxièmement, elle introduit un dispositif coûteux pour nos finances publiques.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Le Gouvernement est d'accord, il l'a déjà dit !

M. Jean-François Husson.  - Sept milliards d'économies !

M. Didier Rambaud.  - Sur les quatre articles initiaux, trois ont été supprimés et deux ont été ajoutées. Par cohérence, mon groupe votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Victorin Lurel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous voici bientôt au terme de la navette d'un texte « puissant » et examiné en un temps record. Après l'offre publique d'achat (OPA) simplifiée, notre détermination à préserver EDF et le pouvoir d'achat des Français a conduit notre groupe à réinscrire le texte de Philippe Brun. J'espère que nous parviendrons au compromis. Je tiens à saluer le travail légistique de la rapporteure, peut-être trop précautionneux toutefois à l'égard du droit européen.

Fidèle à son positionnement en première lecture, le groupe SER défendra plusieurs amendements, notamment pour l'extension de l'éligibilité du périmètre d'accès aux TRVE.

Cette proposition de loi ne tranchera pas le débat idéologique et philosophique, mais elle doit nous rassembler autour de choix stratégiques pour qu'EDF soit le moteur de notre indépendance. Optimiste, j'espère une convergence pour sauvegarder notre service public de l'énergie et protéger nos concitoyens de l'inflation. Je crois à notre sagesse. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) EDF, fleuron de l'économie française, répondait au besoin d'une production massive et centralisée d'électricité pour alimenter un pays exsangue après la Seconde Guerre mondiale. C'est le deuxième producteur d'électricité au monde, le premier en Europe. Les exportations d'électricité ont battu un nouveau record en 2023.

L'État a engagé une OPA simplifiée pour détenir 100 % du capital. Mais rigidifier le cadre d'action d'EDF, comme l'a fait l'Assemblée nationale, est une erreur. Elle doit pouvoir se départir des filiales les moins rentables pour fournir une énergie bon marché à tous. Christine Lavarde a prévu qu'Enedis ne pourrait jamais être cédée, demeurant propriété de la collectivité, conformément au préambule de la Constitution de 1946. Ainsi, ce texte laisse EDF fidèle à son histoire tout en lui donnant les marges de manoeuvre nécessaires.

La commission des finances n'oublie pas les TPE et les petites communes. En Moselle, beaucoup ont subi des augmentations de 50 à 80 % des prix de l'électricité. Dans un territoire rural, boulangers et petits restaurateurs jouent un rôle essentiel à la survie d'un territoire avec, bien souvent, une consommation d'électricité importante. Or jusqu'à présent, les TRVE ne bénéficient qu'aux petites communes ou TPE ayant un compteur inférieur à 36 kVA. Le texte prévoit donc de lever cette condition, solution proposée dès l'automne 2022 par la Commission de régulation de l'énergie (CRE)...

Le groupe Les Républicains prendra ses responsabilités en votant un texte qui, s'il n'est pas révolutionnaire, préservera au moins les TPE et les petites communes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christopher Szczurek .  - Cette proposition de loi ne manque pas de mérite.

Nous devons aux gouvernements successifs l'effondrement de notre système énergétique, alors qu'EDF assurait une énergie bon marché grâce au nucléaire, symbole du génie français, qui nous assurait un avantage compétitif.

L'ouverture insensée à la concurrence, en 1996, d'un monopole naturel a été suivie par la loi de 2010, qui a enfoncé le dernier clou du cercueil de notre système énergétique souverain, enrichissant les traders de l'énergie, endettant EDF et aggravant la facture des consommateurs.

Cette proposition de loi, incomplète, devrait être améliorée. Nous regrettons ainsi la suppression de la mention explicite de nationalisation et le manque de sécurisation contre un futur saucissonnage. Certes, la proposition de loi étend les TRVE à de nouvelles entreprises et collectivités territoriales, mais cela ne suffira pas au renouveau énergétique. Le nucléaire est, plus que jamais, nécessaire.

La proposition de loi laisse au seul pouvoir réglementaire la définition de l'actionnariat salarié. Nous regrettons cet abandon du gaullisme social. Face à la crise du pouvoir de vivre, garantir un réel partage de la valeur est un impératif.

Nous voterons ce texte par pragmatisme. Nous défendons une énergie souveraine et durable, « base pour un développement nouveau de l'énergie, et, par conséquent, du progrès », comme le disait le général de Gaulle.

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - Il n'y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités, disait aussi de Gaulle... Le législateur doit agir sur le réel. L'ignorer, c'est verser dans l'hybris. Les auteurs de la proposition font, eux, preuve d'humilité, en écrivant dans la loi ce qui existe déjà... (Sourires)

L'essentiel du texte est contenu dans l'article 2. Il y a quelques mois, l'État possédait 84 % du capital d'EDF, au-delà des 70 % déjà prévus par la loi. Il en détient désormais la totalité : à présent, la loi l'y obligerait ? Dont acte. Mais il est plus facile de modifier la loi que de construire un réacteur nucléaire. L'industrie ne se paie pas de mots.

Les acteurs privés contribuent déjà à la décarbonation, grâce à leur innovation, leurs capitaux et leur agilité. Grâce à l'atome, notre mix énergétique est l'un des moins carbonés au monde. Cependant, la France reste gravement dépendante du pétrole. Il faudra donc augmenter la production nucléaire et les transferts d'usage, investir massivement pour innover sur le stockage et les réacteurs à fusion.

Le site de Nogent-sur-Seine, dans l'Aube, a été conçu pour accueillir quatre réacteurs et n'en compte que deux. Sa maire, Estelle Bomberger-Rivot, est volontaire pour accueillir de nouveaux réacteurs. Notre département, qui a tant souffert des délocalisations, sait ce que cela apporte, et est prêt à former. Vu l'acceptation sociale des réacteurs, il n'est pas inutile de compter sur des collectivités territoriales volontaires.

Sceptiques sur la proposition de loi, nous sommes attachés à l'actif industriel. Toutefois, la rapporteure a considérablement amélioré le texte, avec des dispositions sur le TRVE. Monsieur le ministre, les tarifs de l'électricité vont augmenter de presque 10 %. Cela nous rappelle qu'une énergie stable, décarbonée et compétitive est un atout stratégique pour notre pays.

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi n'est pas majeure, mais elle nous offre l'occasion, monsieur le ministre, de vous recevoir au Sénat, j'espère jusqu'à la fin du texte.

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

M. Michel Canévet.  - Nous avons en effet des messages à faire passer du terrain. Ce sujet est majeur : le groupe UC a créé une commission d'enquête sous la houlette de Vincent Delahaye pour examiner les perspectives et le prix de l'électricité à échéance 2035 et 2050.

La France dispose d'un élément de compétitivité : cette énergie doit continuer à être décarbonée et peu chère. Mais nos concitoyens ont vu une augmentation du prix de l'électricité de 25 %, et on leur annonce encore 10 % de hausse, alors qu'il faudrait juguler l'inflation.

En France, tout n'est pas simple. Je travaillais sur un dossier d'extension d'un méthaniseur, déposé le 13 octobre ; trois mois après, aucun retour de l'administration...

La décarbonation de la production énergétique dans les îles est un enjeu, car ce sont des espaces naturels particulièrement précieux. À Ouessant, nous faisons face au dépôt de bilan de Sabella, dont l'hydrolienne évite la production d'électricité fossile. J'invite le Gouvernement à s'y pencher.

Ce texte n'est pas majeur, mais il comprend des dispositions importantes. Le groupe UC est attaché aux TRVE. Évitons la surtransposition ou le manque de transposition et allons jusqu'où les autorités européennes nous le permettent, alors que de nombreuses corporations se sont plaintes de ne pas pouvoir payer leurs factures.

Le groupe UC appelle à la modération pour les particuliers, puisque les rémunérations n'augmentent pas à due mesure du coût.

La participation des salariés est essentielle. Dans l'esprit de la loi Pacte, vous avez souhaité poursuivre l'ambition du général de Gaulle d'accroître la participation des salariés à la création de richesse.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Tout à fait.

M. Michel Canévet.  - Nous partageons cette ambition. Il n'y a pas de raison que les salariés d'EDF ne participent pas autant à la création de valeur. Ce serait un gage de réussite future. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. Thomas Dossus .  - Le contexte de cette deuxième lecture est particulier, avec une hausse de 9,8 % du prix de l'électricité alors que les prix de gros sont revenus à ceux de 2021. Vous voulez faire payer de façon uniforme les Français. Après avoir balayé toutes les solutions d'une transition plus juste, vous faites payer tout le monde pour des investissements hasardeux.

Cette proposition de loi poursuit un objectif qui rassemble largement : l'intégrité du groupe EDF. Ce besoin n'est pas un fantasme : le projet Hercule saucissonnait l'entreprise pour privatiser les profits et socialiser les pertes. Il faut un actionnariat étatique de 100 %, mais la version actuelle du texte est un compromis qui l'affaiblit.

La santé financière d'EDF interroge : nous voyons l'impasse économique du tout-nucléaire, avec un gouffre de dizaines de milliards d'euros, résultat d'un mix énergétique français complètement défaillant. Ainsi, le coût de Flamanville est estimé à 17,1 milliards d'euros, au lieu des 9 milliards prévus, sans parler des douze ans de retard qui ont nécessité la réouverture de centrales à charbon. Le grand carénage : 49,4 milliards d'euros ; Hinkley Point est passé de 21 milliards d'euros à 42 milliards d'euros in fine, un surcoût assumé à 100 % par EDF. Le contribuable va payer l'énergie des Anglais : applaudissons l'expertise française !

Et le Président de la République veut multiplier par quatorze ce fiasco atomique, alors que l'industrie de l'atome est en recul, avec des investissements de 36 milliards dans le monde contre 495 pour les énergies renouvelables, un rapport de un à quatorze. Mettons un terme à la prédation du nucléaire sur la recherche dans les énergies renouvelables. Il faut revenir à la raison.

Ce texte ne nous enthousiasme pas, mais nous le voterons par esprit de compromis.

M. Pascal Savoldelli .  - Face aux annonces gouvernementales, la renationalisation d'EDF est une énigme. Derrière ce rideau, la détention du capital n'est qu'un voile insuffisant à éviter le démembrement. Le projet Hercule s'avance tel un drame en deux actes.

Le fil conducteur de ce texte dépasse la simple nationalisation et s'érige en rempart, une sentinelle vigilante contre tout projet futur de réforme opéré en coulisses, échappant au dialogue social, aux travailleurs, aux usagers, au débat parlementaire. Il comprend aussi l'extension des TRVE à toutes les PME et ETI.

Le Sénat, en première lecture, a fait preuve d'une myopie regrettable en oubliant les missions essentielles d'EDF. Il a réduit l'impact positif de l'extension des TRVE en la limitant aux TPE et aux petites collectivités. Pourtant, il faut insuffler une véritable ambition de reconquête énergétique. Le préambule de la Constitution de 1946 dispose que tout monopole naturel et tout service public doivent appartenir à la collectivité.

Détailler les activités d'EDF dans la loi aurait été une mesure de défense cruciale, mais on cherche à affaiblir l'opérateur historique au profit d'une logique mercantile. Or ni les prix ni le service rendu n'ont été améliorés. La hausse de 40 % en deux ans est la conséquence d'une logique structurelle. Alors que, l'année dernière, le Gouvernement implorait des mesures d'austérité, la hausse de 10 % est un nouvel empêchement. Avec les grands froids, et la croissance du nombre de travailleurs au Smic, se chauffer est un défi insurmontable pour de nombreuses familles.

Que faudra-t-il sacrifier sur l'autel de la folie de la dérégulation ? Exclure ETI, PME et collectivités territoriales des TRVE va à l'encontre des discours sur la réindustrialisation.

Cette proposition de loi se présente comme le prélude d'une symphonie législative plus vaste. Il faudra poursuivre la mélodie de la réflexion et orchestrer une loi d'ampleur pour une renationalisation de l'ensemble du secteur de l'énergie. La transition, l'électrification et le retrait de 15 millions de Français de la précarité énergétique supposent une partition législative plus étendue. Nous voterons cette proposition de loi, bien que nous regrettions qu'elle s'éloigne de sa visée initiale. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) EDF doit garder une place centrale et stratégique au bénéfice de tous les consommateurs. Cette proposition de loi de Philippe Brun est décisive : elle y contribue en protégeant l'unité de l'entreprise. Nous actons l'incessibilité de RTE, par la loi.

ETI, collectivités territoriales de taille moyenne et organismes HLM doivent bénéficier des tarifs régulés de l'électricité.

La proposition de la commission des finances d'un contrat décennal révisé tous les trois ans est nécessaire et bienvenue, comme le rapport d'exécution du contrat. Mais l'État doit aussi assumer sa responsabilité. Les grands programmes d'investissement, comme le nouveau nucléaire ou le grand carénage, sont importants. Alors que l'État augmente les TRVE, il faut maîtriser les prix de l'électricité dans le temps long.

Ces programmes coûteront plus ou moins cher à la nation selon que l'État apportera ou non sa garantie. Ainsi, lever des fonds sur les obligations assimilables du Trésor (OAT) sera pour la France la solution la moins coûteuse. Recourir à une base d'actifs régulés voire aux contrats pour différence ou aux PPA (contrats d'achat d'électricité) sera plus onéreux.

La trajectoire financière et la maîtrise des prix de l'électricité dont il est question dans le contrat décennal résulteront du rôle des gouvernements. L'État dispose de 100 % du capital : quels outils de financement mettrez-vous en place ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les chiffres sont aussi vertigineux qu'éloquents : avec 17,9 milliards d'euros de déficit d'exploitation en 2022, EDF prenait l'eau, entre crise énergétique et obligation de vente à la concurrence à un tarif inférieur au prix de marché. Sa dette atteint le niveau record de 65 milliards d'euros.

Le 1er février, les tarifs d'EDF augmenteront de 9,8 % pour les ménages en raison de la réinstallation de la TICFE.

Alors que le projet Hercule a été abandonné, le Sénat a à coeur d'offrir à EDF un cadre de développement stable et sécurisé.

Il est temps d'expliquer aux Français le pourquoi du comment, d'autant qu'il est question de subventions publiques massives... EDF doit augmenter ses investissements de l'ordre de 25 milliards d'euros par an, pour la maintenance du parc nucléaire et la construction de nouveaux réacteurs.

En 1946, la nationalisation visait à moderniser l'existant, favoriser l'indépendance énergétique et reprendre le contrôle de la stratégie de la France. Ces objectifs sont toujours au goût du jour.

En ce début de troisième millénaire, EDF doit développer des solutions innovantes et moins polluantes et nos gouvernements négocier avec Bruxelles une refonte globale du secteur énergétique français et des conditions du marché européen.

Nous devons permettre à EDF de retrouver des marges de manoeuvre financières pour garantir la fourniture d'une électricité bon marché et décarbonée. Le travail de la commission des finances a permis d'aboutir à un texte équilibré.

À l'occasion de ses voeux, Gérard Larcher a souhaité que 2024 conduise à un dialogue plus interactif entre le Parlement et l'exécutif. L'énergie est un sujet essentiel du débat politique : il doit être traité avec le Parlement.

EDF doit pouvoir céder, au besoin, certaines activités, à l'exception du réseau de distribution publique Enedis. Il en va de sa capacité à atteindre ses objectifs pour les consommateurs, particuliers, collectivités, ou entreprises.

La commission des finances a prévu un contrat décennal entre l'État et les entreprises, révisé tous les trois ans, pour fixer les objectifs : décarbonation, prix et évolution de la demande d'électricité.

Pour les foyers français, 200 euros vont s'ajouter à une facture moyenne de 1 622 euros. La flambée des factures s'invite dans nos campagnes, alors que les élections européennes approchent. Dommage que notre proposition d'une différenciation de l'aide à l'approvisionnement des ménages selon les déciles de revenu n'ait pas été retenue...

Comme dans d'autres domaines où les productions n'ont pas la valeur marchande de biens de consommation usuels - je pense à l'eau -, il est temps de mettre en place des stratégies de long terme. C'est ainsi que nous garantirons notre auto-approvisionnement, un prix acceptable et que nous permettrons à notre industrie de redevenir compétitive.

Monsieur le ministre, donnons-nous rendez-vous pour débattre des transformations nécessaires, des grilles tarifaires et de la fiscalité - avec de la part du Gouvernement, nous l'espérons, une oreille plus attentive que lors du dernier projet de loi de finances... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Discussion des articles

Article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.

Après l'alinéa 3

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés : 

« Le groupe EDF assure : 

« 1° La production, le transport, la distribution, la commercialisation, l'importation et l'exportation d'électricité ; 

« 2° Le développement, la construction, l'exploitation et la maintenance des sources d'énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique ; 

« 3° La prestation de services énergétiques. »

M. Christopher Szczurek.  - Nous rétablissons en partie l'article 2 du texte initial, afin que seule la loi puisse modifier les compétences et missions du groupe.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 5

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« L'entreprise Électricité de France propose une opération permettant à ses salariés et aux anciens salariés d'accéder à son capital. Cette opération doit porter au minimum sur 2 % du capital de l'entreprise, pour un prix de souscription hors rabais qui ne peut être supérieur à 12 euros. Elle a lieu dans les quatre mois suivant la date de publication de la loi n ° ... du ... visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement. 

« Un rabais est octroyé aux salariés et anciens salariés éligibles si les titres acquis ne peuvent être cédés avant une période de cinq ans. 

« Un arrêté du ministre chargé de l'économie précise les critères d'éligibilité des anciens salariés, le nombre de titres proposés aux personnes éligibles et le prix de souscription ainsi que, le cas échéant, la durée de l'offre, les modalités d'ajustement de l'offre si la demande est supérieure à l'offre, le rabais, les mécanismes assurant la liquidité des titres et la partie des coûts pris en charge par l'État.

M. Victorin Lurel.  - Les anciens actionnaires salariés d'EDF doivent pouvoir revenir au capital à un niveau équivalent à celui de l'indemnité perçue lors de leur expropriation, en juin dernier. C'est une mesure d'équité, sans implication patrimoniale pour l'État.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°12 rectifié, présenté par M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet et Cabanel, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

M. Christian Bilhac.  - En effet, la référence au prix de 12 euros doit être conservée.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Un arrêté du ministre chargé de l'économie fixe les modalités de l'opération d'actionnariat salarié permettant de mettre en place cette détention minoritaire. Une première opération d'actionnariat salarié est initiée dans les quatre mois suivant la publication de la loi n ° ... du ... visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement à un prix de souscription maximal de 12 euros.

M. Victorin Lurel.  - Amendement de repli : le prix serait fixé par arrêté.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°11 rectifié, présenté par M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet et Cabanel, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

M. Christian Bilhac.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°9 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mmes N. Goulet et Guidez, MM. Longeot et Folliot, Mmes Jacquemet, Florennes et Carrère-Gée, MM. Bleunven, J.M. Arnaud et Cazabonne, Mme Havet, M. Duffourg, Mmes O. Richard et de La Provôté et M. Hingray.

Après l'alinéa 6

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Une opération d'actionnariat salarié par le biais d'une offre réservée aux salariés d'EDF ou de ses filiales et aux anciens salariés justifiant d'un contrat ou d'une activité rémunérée d'une durée accomplie d'au moins cinq ans avec EDF ou ses filiales est mise en oeuvre dans le délai de trois mois à compter de la publication de la loi n ° ... du ... visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement et, en tout état de cause, avant le 1er octobre 2024. Au moins 2 % du capital d'EDF sera proposé aux salariés et anciens salariés éligibles.

« Le prix de souscription hors rabais ne peut dépasser 12 euros.

« Un rabais est octroyé aux salariés et anciens salariés éligibles si les titres acquis ne peuvent être cédés avant une période de cinq ans.

« Un arrêté du ministre chargé de l'économie précise le nombre de titres proposés aux personnes éligibles et le prix de souscription ainsi que, le cas échéant, la durée de l'offre, les modalités d'ajustement de l'offre si la demande est supérieure à l'offre, le rabais, les mécanismes assurant la liquidité des titres et la partie des coûts pris en charge par l'État.

M. Michel Canévet.  - Cet amendement est de même nature. Il est nécessaire de mobiliser les salariés d'EDF pour contribuer à la bonne marche de l'entreprise.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements nos 1 rectifié ter et 12. La commission se considère comme incompétente pour fixer le prix, le moment d'ouverture du capital et pour valoriser une entreprise non cotée.

Même avis sur les amendements nos2 et 11, comme sur l'amendement n° 9 rectifié bis.

Si le texte issu des travaux de la commission satisfait le Gouvernement, les amendements qui vont plus loin n'ont pas lieu d'être. Si le Gouvernement est contre, nous légiférons un peu à l'aveugle. Le ministre peut-il nous éclairer ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Même avis défavorable.

Je suis un grand défenseur de l'actionnariat salarié, comme gaulliste.

M. Mickaël Vallet.  - Que celui qui n'est pas gaulliste lève la main...

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le Gouvernement prévoit qu'EDF aura la faculté d'ouvrir son capital aux salariés, en lui laissant une entière liberté sur la date, le montant et les modalités de l'opération. C'est l'option la plus souple.

De son côté, la commission prévoit que l'ouverture du capital est une obligation.

L'amendement de M. Canévet me paraît aller trop loin en prévoyant une fraction minimale du capital. Au cours actuel, cette fraction de 2 % représente 1 milliard d'euros : c'est beaucoup, et il faut trouver les souscripteurs.

Mme Marion Canalès.  - Nous voulons rendre à la France un service public de l'électricité auquel elle n'aurait jamais dû renoncer. Mais la nationalisation ne peut se réduire à une étatisation bureaucratique. Démocratisons la vie de l'entreprise de toutes les manières possibles.

M. Christian Bilhac.  - Monsieur le ministre, imaginez que vous êtes salarié d'EDF et qu'on vous a racheté vos actions à 12 euros. Trouveriez-vous normal qu'on vous les revende 15, 16 ou 17 euros ? Je continue de penser que le prix doit être le même : c'est une question de justice.

Mme Émilienne Poumirol.  - Nous sommes d'accord.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Dans les propos du ministre, j'ai entendu une ouverture.

Ce qui pose problème, c'est de fixer le moment et le prix de l'opération, dans un contexte très incertain, alors que nous sommes en phase de définition du nouveau marché de l'électricité. Si un accord est intervenu au Conseil européen, le trilogue est encore en cours.

Je suis, moi aussi, pour l'actionnariat salarié. Il ne me semble pas antagoniste d'être favorable à une ouverture du capital aux salariés et de refuser d'en fixer les modalités dans la loi.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Il y a un problème de principe. On ne peut pas fixer une obligation de souscription pour les salariés, surtout à 2 500 euros par personne. Le texte de la commission me semble raisonnable, mais n'empiétons pas sur la liberté des salariés : ce n'est pas à la loi de leur dire comment placer leur argent.

M. Victorin Lurel.  - Il s'agit d'une obligation d'ouverture pour l'entreprise, pas de souscription pour les salariés, qui aviseront.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos1 rectifié ter et 12 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°112 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 173
Contre 168

Les amendements identiques nos1 rectifié ter et 12 rectifié sont adoptés.

(Applaudissements à gauche)

Les amendements nos2 rectifié ter, 11 rectifié et 9 rectifié ter n'ont plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°14, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

minorée, dans des proportions inférieures à une limite fixée par décret, par le capital détenu par les salariés et les anciens salariés de l'entreprise

par les mots :

le cas échéant, minorée, dans des proportions inférieures à une limite fixée par décret, par le capital détenu par les salariés de l'entreprise et par les anciens salariés adhérents du plan d'épargne groupe de l'entreprise

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je continue de trouver préférable que les modalités d'ouverture du capital relèvent de la gouvernance de l'entreprise. Ce n'est pas au législateur de fixer un montant et une date. Voudrait-il se mettre à gérer l'entreprise ?

M. Mickaël Vallet.  - Ça ne serait pas pire !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Empiéter sur la gouvernance de l'entreprise serait une marque de défiance à son égard. (M. Thomas Dossus s'exclame.)

Mme la présidente.  - Amendement n°8 rectifié quater, présenté par M. Canévet, Mmes N. Goulet et Guidez, MM. Longeot, Folliot et Kern, Mmes Jacquemet et Florennes, MM. Bleunven, J.M. Arnaud et Cazabonne, Mme Havet, M. Duffourg, Mmes O. Richard, de La Provôté et Carrère-Gée et M. Hingray.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

dans des proportions inférieures à une limite fixée par décret

par les mots :

jusqu'à 10 % du capital social de l'entreprise

M. Michel Canévet.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox.

Alinéa 6

Remplacer les mots : 

des proportions inférieures à une limite fixée par décret 

par les mots : 

la limite de 10 % du capital

M. Christopher Szczurek.  - Défendu.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement du Gouvernement, mais, avec le vote qui vient d'intervenir, la philosophie de l'article 2 a évolué. Mon avis personnel serait plutôt favorable...

J'émets un avis favorable sur l'amendement no 8 rectifié quater et appelle au retrait de l'amendement n°5 à son profit.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Avis défavorable aux amendements nos8 rectifié quater et 5, incompatibles avec ma position. C'est une question de principe : il n'est pas de bonne politique que la loi empiète sur la gestion d'une entreprise publique.

M. Christopher Szczurek.  - Je ne retire pas mon amendement - l'avis de la rapporteur n'est qu'un prétexte pour ne pas y être favorable. En revanche, je voterai l'amendement n°8 rectifié quater.

M. Éric Kerrouche.  - Monsieur le ministre, vous pouvez avoir une opinion personnelle, mais devez respecter le choix du Parlement. Ce que, de temps en temps, nous sommes aussi conduits à faire...

M. Victorin Lurel.  - Le ministre estime qu'il s'agirait d'une immixtion dans la gestion de l'entreprise ? Mais notre intention n'est pas de diriger à la place des dirigeants. Respectez ce que nous venons de voter. Nous sommes contre l'amendement n°14, mais voterons l'amendement n°8 rectifié quater - c'est l'esprit de la loi Pacte.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

L'amendement n°8 rectifié quater est adopté.

L'amendement n°5 n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié ter, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

est détenu 

par les mots :

du code de l'énergie et le capital des sociétés gestionnaires des réseaux de transport d'électricité sont détenus

M. Franck Montaugé.  - En commission, la rapporteure a introduit le principe d'incessibilité d'Enedis. Nous faisons de même pour RTE.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Il est impossible d'aligner le fonctionnement de RTE sur celui d'Enedis.

D'abord, vous imposeriez au groupe de payer 10 milliards d'euros pour racheter les parts de la Caisse des dépôts, au détriment de son objectif de produire une énergie décarbonée à coût raisonnable.

Ensuite, ce dispositif serait contraire au droit européen, RTE ayant le statut d'opérateur de transport indépendant (ITO).

Enfin, il n'y a aucune crainte à avoir sur l'évolution de l'actionnariat de RTE. L'avis est donc défavorable.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°3 rectifié ter n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°15, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

, l'État ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Cet amendement devrait vous rassurer. Il vise à empêcher toute cession d'Enedis. RTE comme Enedis resteront ainsi sous contrôle public.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - La commission a émis un avis défavorable, par respect pour le travail de l'Assemblée nationale. À titre personnel, toutefois, j'y suis favorable, d'autant qu'il ne fait que conforter le préambule de la Constitution de 1946.

M. Victorin Lurel.  - Je suis étonné par cet amendement du Gouvernement : mutatis mutandis, il s'agit de s'aligner sur le régime RTE. Le rapport de Mme Lavarde est excellent, mais nous ne souscrivons pas à toutes ses conclusions. Je pense qu'il est possible de faire évoluer le statut juridique de RTE. Je voterai contre l'amendement.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Article 3 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié ter, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Après l'alinéa 3

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés

...° Le même I est ainsi modifié :

a) Après le mot : « moins », la fin du 2° est ainsi rédigée : « de 250 personnes et ont un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros ainsi qu'aux collectivités et aux établissements publics de coopération intercommunale de moins de 50 000 habitants ; » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

«...° Aux organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation. » ;

II.  -  Alinéa 6

Remplacer la date

1er février 2025

par la date

1er aout 2024

M. Franck Montaugé.  - Il s'agit d'avancer la mise en oeuvre au 1er août 2024, au lieu du 1er février 2025.

Mme la présidente.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet et Cabanel, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

Après l'alinéa 3

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° Le même I est ainsi modifié :

a) Après le mot : « moins », la fin du 2° est ainsi rédigée : « de 250 personnes et ont un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros ainsi qu'aux collectivités et aux établissements publics de coopération intercommunale de moins de 50 000 habitants ; »

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Aux organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation. » ;

M. Christian Bilhac.  - Nous voulons revenir à la rédaction de l'Assemblée nationale. Il y a quelques mois, sur toutes les travées, nous alertions le Gouvernement sur la situation des boulangers, exclus du bouclier tarifaire. C'est l'une des raisons de cet amendement.

Mme la présidente.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 6

Remplacer la date : 

1er février 2025

par la date : 

1er août 2024

M. Victorin Lurel.  - L'Assemblée nationale a étendu le dispositif aux bailleurs sociaux. Nous avançons la mise en oeuvre à août 2024.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Il peut arriver que l'Assemblée nationale vote des mesures non conformes au droit européen. Celui-ci prévoit que le périmètre d'éligibilité doit être limité aux particuliers et microentreprises.

Pendant la crise de l'énergie, ces derniers ont certes bénéficié d'aides, mais la Commission européenne s'opposerait à une mesure pérenne, et les bénéficiaires seraient contraints de rembourser l'aide perçue - comme ces communes contraintes de rembourser les avances versées. Avis défavorable à l'amendement n°13 rectifié.

Pour l'amendement n°7 rectifié bis, l'échéance de février 2025 a été définie de façon réaliste. Août 2024 n'est techniquement pas possible, du fait notamment des implications sur les systèmes d'information des fournisseurs. Les TRVE, aujourd'hui, ne sont pas compétitifs. Il n'y a donc pas d'urgence.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Avis défavorable aux amendements nos4 rectifié ter et 13 rectifié. Je respecte le travail du Parlement, mais il n'est pas question de faire n'importe quoi : voter une disposition contraire au droit européen n'est jamais une bonne idée.

Les entreprises ont des profils de consommation différents selon leur taille : leur appliquer un tarif identique n'a pas de sens.

Avis défavorable à l'amendement n°7 rectifié bis.

L'amendement n°4 rectifié ter n'est pas adopté.

L'amendement n°13 rectifié est retiré.

L'amendement n°7 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 3 bis est adopté, de même que l'article 3 ter.

Vote sur l'ensemble

M. Mickaël Vallet .  - Je suis satisfait que ce texte poursuive son chemin parlementaire.

Le Parlement se saisit de ses compétences pour limiter les capacités de nuisance de l'exécutif s'agissant de nos biens communs nationaux, comme EDF : nous ne faisons pas forcément confiance aux gouvernements ordo-libéraux...

À quoi bon avoir des participations au sein de Renault pour ne pas agir à l'occasion de la délocalisation des fonderies ? Pourquoi le Gouvernement a-t-il vendu les turbines d'Alstom avant de les racheter plus cher ?

De plus en plus de citoyens et d'élus reviennent de l'européisme libéral.

Le socialisme, ce sont les soviets plus l'électricité, selon Lénine. Faisons en sorte que le macronisme ne soit pas des conventions citoyennes creuses, plus le démantèlement de l'entreprise. (M. Bruno Le Maire ironise.)

Plutôt que d'invoquer constamment le général de Gaulle par facilité, relisez les discours de Philippe Séguin en la matière : comme Jean-Pierre Chevènement, il avait compris qu'il fallait cesser de mener une guerre systémique aux monopoles publics. Référez-vous aux hommes d'État avec un peu plus d'économie...

Je voterai ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Victorin Lurel .  - Je félicite toute l'assemblée, car ce texte n'est pas mineur. Nous le voterons avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Le gaullisme n'est certainement pas le soviet plus l'électricité : c'est l'équilibre entre les intérêts des salariés et ceux du marché.

Si vous appréciez autant l'intéressement, vous auriez dû voter la loi Pacte qui en facilite l'accès ! Grâce à elle, des millions de salariés sont désormais éligibles à la participation et à l'intéressement.

Avec le Président de la République, nous avons nationalisé EDF : cela prouve que nous ne sommes pas des libéraux déchaînés... Quand l'intérêt stratégique de la nation est en jeu, nous prenons nos responsabilités.

Je me réjouis de poursuivre ce débat à l'occasion de la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

Mme la présidente.  - Comme le général de Gaulle est souvent convoqué, je salue sur nos travées le président de l'Amicale gaulliste du Sénat... (Sourires)

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements à gauche ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

La séance est suspendue quelques instants.