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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Crise agricole (I)

M. Franck Menonville

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Crise agricole (II)

M. Daniel Salmon

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Crise agricole (III)

M. Laurent Duplomb

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Situation à Mayotte

M. Saïd Omar Oili

M. Gabriel Attal, Premier ministre

Crise de la pêche (I)

M. Pierre Médevielle

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Crise agricole (IV)

M. Henri Cabanel

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Crise agricole (V)

M. Jean-Claude Tissot

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Moyens de l'enseignement

M. Pierre Ouzoulias

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques

Finances publiques

M. Jean-François Husson

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Hôpital public

Mme Annie Le Houerou

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Crise agricole (VI)

Mme Kristina Pluchet

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Crise de la pêche (II)

Mme Annick Billon

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Transport des céréales sur la Seine pendant les jeux Olympiques

M. Pierre Cuypers

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques

Lyon-Turin

Mme Florence Blatrix Contat

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Violences envers les élus, les pompiers, les policiers

Mme Catherine Belrhiti

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Crise de la pêche (III)

Mme Florence Lassarade

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Modification de l'ordre du jour

Nationalisation du groupe Électricité de France (Deuxième lecture)

Discussion générale

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des finances

M. Christian Bilhac

M. Didier Rambaud

M. Victorin Lurel

Mme Catherine Belrhiti

M. Christopher Szczurek

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Michel Canévet

M. Thomas Dossus

M. Pascal Savoldelli

M. Franck Montaugé

M. Laurent Somon

Discussion des articles

Article 2

Article 3 bis

Vote sur l'ensemble

M. Mickaël Vallet

M. Victorin Lurel

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune

Discussion générale

M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi

Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Mme Solanges Nadille

Mme Annie Le Houerou

Mme Agnès Evren

Mme Corinne Bourcier

Mme Nadia Sollogoub

Mme Anne Souyris

M. Ian Brossat

M. Philippe Grosvalet

M. Marc Laménie

Discussion des articles

Article 1er

Article 2

Vote sur l'ensemble

M. Rémi Féraud

Conférence des présidents

Ordre du jour du jeudi 25 janvier 2024




SÉANCE

du mercredi 24 janvier 2024

55e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Véronique Guillotin, M. Philippe Tabarot.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole.

Crise agricole (I)

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur des travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Alors que la colère des agriculteurs se propage de façon très inquiétante, je tiens, avant tout, à exprimer une pensée émue pour Alexandra Sonac et sa fille, qui ont tragiquement perdu la vie dans l'Ariège.

La colère des agriculteurs ne tombe pas du ciel : elle sanctionne une explosion, année après année, tant des attentes écologiques et sociétales pesant sur le monde agricole que des charges administratives et financières. À cela s'ajoutent des politiques publiques françaises et européennes inadaptées aux réalités quotidiennes des agriculteurs.

De moins en moins compétitive, notre agriculture est déclassée : nous importons 2,2 fois plus de produits agricoles qu'en 2000, et risquons même de perdre notre indépendance laitière à l'horizon 2027.

Monsieur le ministre, il faut agir vite et fort.

À court terme, défiscalisez le gazole non routier (GNR), accordez une année blanche aux agriculteurs les plus fragiles, allégez les charges, supprimez les surfaces non productives. Veillez aussi à l'application stricte de la loi Égalim.

À long terme, alignez les réglementations françaises sur les standards européens et mettez en oeuvre un choc de simplification.

Comptez-vous intégrer dans le projet de loi d'orientation agricole des mesures fortes pour restaurer notre compétitivité agricole et soutenir une profession désespérée ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur des travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Je m'associe à votre hommage à la jeune agricultrice et sa très jeune fille qui, hier, ont été victimes d'un accident terrible. Je mesure combien l'émotion est vive dans l'Ariège et dans la communauté agricole, mais aussi dans tout le pays.

Cette jeune femme défendait la fierté de son métier, la nécessité d'un revenu et le besoin de mettre un terme à ce que nombre d'agriculteurs vivent comme des incohérences.

Nous travaillons à apporter des réponses, à court comme à moyen et long termes.

En matière de rémunération, la loi Égalim doit être respectée dans son entièreté et les détournements auxquels se livrent certains opérateurs, combattus. Les distributeurs, notamment, doivent prendre leurs responsabilités. Nous répondrons aussi sur les enjeux fiscaux.

Nous le ferons dans la continuité de l'action menée ces dernières années, que ce soit sur la crise viticole ou la crise de la maladie hémorragique épizootique.

Il faut aussi nous projeter dans l'avenir. Au niveau européen, une cohérence doit être retrouvée entre la nécessaire transition et la réaffirmation de notre souveraineté commune. L'Union européenne a importé l'an dernier 40 millions de tonnes de céréales : nous devons nous interroger sur les moyens de défendre notre souveraineté dans ce domaine, comme nous le faisons en matière énergétique ou sanitaire.

Au niveau national, plus de 1 milliard d'euros supplémentaires sont prévus pour accompagner nos agriculteurs dans les transitions. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Crise agricole (II)

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le monde agricole est endeuillé : je m'associe pleinement à la peine des proches de l'agricultrice et de sa fille décédées.

L'agriculture française est en crise. Le malaise est palpable depuis des décennies, mais, aujourd'hui, la coupe est pleine.

Le revenu agricole chute inexorablement, alors que les prix alimentaires flambent : jamais la question du partage de la valeur n'a été aussi aiguë. Les marges de l'agro-industrie atteignent 48 % !

Le Gouvernement et le syndicat majoritaire font diversion en montrant du doigt les normes environnementales. Le second agite l'écologie comme un épouvantail pour masquer l'échec sinistre des politiques menées depuis des décennies : concurrence déloyale, confiscation de la PAC par une minorité, dérégulation. Le résultat ? Malnutrition pour de plus en plus de consommateurs modestes, désespoir pour les agriculteurs.

Ce système craque de toutes parts. Quand allez-vous agir pour que paysans et paysannes soient rétribués à la hauteur de leur travail ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Oui, il y a des enjeux de rémunération. Je le répète, nous devons faire respecter la loi Égalim. Nous appelons à la responsabilité de l'ensemble des opérateurs.

Vous dites : on a fait de l'écologie un épouvantail... Pardon, mais c'est une responsabilité collective ! Quand on accumule les normes et les contraintes, comment voulez-vous que les agriculteurs le perçoivent ? (« Bravo ! » et vifs applaudissements au centre et à droite ; protestations sur les travées du GEST)

M. Thomas Dossus.  - C'est vous qui êtes au pouvoir ! Assumez !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Nous devons réconcilier, mais, aujourd'hui, les agriculteurs ressentent une mise en accusation permanente.

M. Yannick Jadot. - Nous n'accusons personne !

M. Marc Fesneau, ministre. - Cessons, dans les médias, de dire à longueur de temps du mal de l'agriculture. Parlons de la réalité de l'agriculture française, une agriculture vertueuse et performante ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements au centre et à droite)

Une transition est nécessaire, je l'ai toujours dit. Mais envisageons-la à l'aune de la souveraineté nécessaire et de la capacité des agriculteurs à la mener, sinon nous bloquerons tout ! (Applaudissements nourris au centre et à droite)

M. Daniel Salmon.  - L'avez-vous oublié ? Voilà sept ans que vous êtes au pouvoir... Qu'avez-vous fait pour les clauses miroirs, pour la transition écologique, pour les oubliés de la PAC ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur de nombreuses travées du groupe SER)

Qu'avez-vous fait pour accompagner massivement la transition agroécologique dont nous avons absolument besoin ? (Protestations à droite et sur certaines travées au centre)

M. Guillaume Gontard.  - Très bien !

M. Daniel Salmon.  - Les agriculteurs sont en première ligne : ils savent parfaitement que nous devons agir sans tarder pour limiter le réchauffement climatique et nous y adapter. Mais vous ne leur proposez qu'un accompagnement insignifiant. On comprend, dès lors, l'émoi de la profession. Il vous reste trois ans : agissez ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER)

M. Yannick Jadot. - Bravo !

Crise agricole (III)

M. Laurent Duplomb .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées des groupes UC et INDEP) Monsieur le Premier ministre, entendez-vous le cri de colère de nos agriculteurs ?

Je partage tous les jours leurs angoisses, leurs incompréhensions et leurs révoltes. Ils ne comprennent plus ce que le Gouvernement veut : nourrir sans produire, cultiver sans culture, élever sans élevage...

Ils n'acceptent plus les condamnations des pseudo-experts Caron, Clément ou Rousseau. Ils n'acceptent plus d'être verbalisés pour écobuage, alors que, durant les émeutes, des milliers d'incendiaires sont restés impunis. (Marques d'approbation sur des travées à droite ; protestations sur les travées du GEST) Ils n'acceptent plus les interdictions qui les empêchent de travailler et les contrôles acharnés quand ils traitent pour protéger leurs cultures, alors que toujours plus d'accords de libre-échange sont signés.

MM. Yannick Jadot et Thomas Dossus. - Par qui ?

M. Laurent Duplomb. - Ils n'acceptent plus qu'on les bassine avec les mégabassines, stigmatisées par une minorité qui terrorise la majorité. (M. André Reichardt acquiesce.) Bref, ils n'acceptent plus la folie administrative et la technocratie abrutissante, qui tuent les paysans petit à petit. L'accumulation des problèmes que l'agriculture rencontre résume le mal français.

Les mots ne suffiront plus, il faut des actes. Pour mettre un terme à une pression insupportable, retenez vos tigres des Dreal, des DDT, de l'OFB, de l'inspection du travail ou de la police de l'eau ! (Applaudissements à droite et sur certaines travées au centre ; M. Christian Bilhac applaudit également.) Faites taire par vos arbitrages tous ces soldats verts du ministère de l'écologie punitive ! Et faites cesser le « en même temps » de votre majorité, dans laquelle un Canfin promeut la décroissance et le Green Deal ! (Mêmes mouvements ; M. Yannick Jadot proteste.) Faites confiance au bon sens plutôt qu'à la gauche bobo, qui n'a de cesse de donner des leçons et de produire des interdits ! (Marques d'impatience à gauche)

M. le président. Il faut conclure.

M. Laurent Duplomb. - Détendez la situation normative, arrêtez la surtransposition ! (Nombre de sénatrices et sénateurs à gauche font claquer leur pupitre en réclamant que l'orateur soit interrompu.)

M. le président. - Veuillez conclure.

M. Laurent Duplomb.  - Libérez les paysans des contraintes et laissez-les travailler ! Ils ne demandent pas à travailler moins, mais à pouvoir, sans entraves, travailler plus ! (« Bravo ! » et applaudissements nourris et prolongés sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC ; M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Nous n'employons pas les mêmes mots, mais il faut entendre le ras-le-bol que vous exprimez, fruit de dizaines d'années de réglementations sédimentées - chacun y a sa part de responsabilité, et j'assume la mienne.

Mais ne jetez pas à la vindicte populaire les administrations de l'État. (Marques d'approbation sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER) Prenons nos responsabilités : dans la loi, dans les réglementations, nous devons prévoir les bons outils. J'entends parfois des contrôleurs dire : je ne comprends même pas la réglementation...

Je salue le travail mené au Sénat sur la compétitivité. Nous avons repris certaines de vos propositions, notamment dans le plan fruits et légumes, mais aussi sur les garanties d'emprunt.

Nous irons plus loin dans le projet de loi d'orientation agricole, notamment en matière de souveraineté alimentaire et sur les normes.

M. Jean-François Husson.  - Et le budget ?

M. Marc Fesneau, ministre.  - Dans le budget de cette année, 1,2 milliard d'euros supplémentaires sont prévus pour accompagner la transition et la modernisation de l'agriculture. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)

Situation à Mayotte

M. Saïd Omar Oili .  - Avec Thani Mohamed Soilihi, nous avons alerté le Gouvernement sur le climat social dégradé à Mayotte. Aujourd'hui, nous tirons la sonnette d'alarme.

Notre île, de 374 kilomètres carrés, subit depuis des années des vagues d'immigration en provenance des Comores et de Madagascar. S'y est ajouté récemment un flux venant de l'Afrique des Grands Lacs et de Somalie. Un camp s'est installé dans le stade de Mamoudzou où vivent plus de 700 Africains, dont des enfants, dans des conditions indignes.

Ressource en eau, insécurité, intempéries : crise après crise, le désarroi s'installe et la guerre civile menace. Sur les réseaux sociaux, on évoque le risque d'affrontements entre la population et les migrants.

Nous ne sommes pas de ceux qui soufflent sur les braises, mais il est de notre responsabilité de vous alerter sur cette situation dramatique, qui peut dégénérer. Services publics fermés, routes barrées : Mayotte est au bord du chaos.

Quelles actions concrètes le Gouvernement entend-il mener pour évacuer le camp formé au coeur de Mamoudzou et enrayer les flux migratoires ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-François Longeot applaudit également.)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Mayotte est une terre de défis. C'est une jeunesse qui veut prendre son destin en main, une biodiversité exceptionnelle, mais aussi des difficultés immenses, en matière de sécurité, d'accès à l'eau, d'école, d'immigration.

Nous sommes déterminés à continuer d'agir pour l'avenir de Mayotte, avec vous et avec l'ensemble des élus mahorais.

L'île connaît une forte immigration, source de tensions très graves. Notre objectif premier est de prévenir les arrivées irrégulières en luttant contre les filières d'immigration illégale. Une antenne de l'Office de lutte contre le trafic de migrants a été ouverte sur place début 2023 : six filières ont été démantelées, et de lourdes condamnations prononcées.

Notre deuxième objectif est de traiter bien plus rapidement les demandes d'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) dispose désormais d'une antenne sur l'île. Nous avons aussi accru les capacités d'hébergement.

Notre troisième objectif est d'expulser plus rapidement les déboutés de l'asile. L'enjeu est de pouvoir exécuter les décisions d'éloignement dans les meilleurs délais. Nous sommes pleinement mobilisés et obtenons de premiers résultats encourageants. Nous menons des échanges internationaux pour être plus efficaces.

Ces mesures seront renforcées dans le cadre du plan interministériel de lutte contre l'immigration irrégulière Shikandra, en cours de refonte.

L'État est déterminé à évacuer le campement du stade de Cavani. Les démolitions démarreront demain et se poursuivront jusqu'à la disparition complète du camp. Nous apporterons une réponse adaptée à chacune des personnes qui y vit. Ce démantèlement doit permettre le retour à un fonctionnement normal de toutes les activités.

Par ailleurs, les violences contre les migrants sont inacceptables. Onze auteurs de violences ont été interpellés et seront jugés.

Mayotte, c'est la République. Avec mon gouvernement, je suis déterminé à agir pour les Mahorais. Je me rendrai prochainement sur place. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du RDSE)

Crise de la pêche (I)

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) Mes pensées vont vers la famille Sonac, durement éprouvée.

Comme prévu, les blocages se généralisent à tout le pays. Les agriculteurs ne peuvent plus vivre de leur métier. Envisagez-vous de geler le prix du GNL ? Le bashing agricole et l'inflation normative, ça suffit ! L'agriculture doit devenir une grande cause nationale en 2024.

Que dire de la décision hallucinante du Conseil d'État interdisant la pêche dans le golfe de Gascogne pendant trente jours ? Après les tempêtes, c'est une nouvelle punition pour nos pêcheurs ! La gestion des quotas de pêche a pourtant été déléguée à Bruxelles : en quoi le Conseil d'État est-il compétent ?

Il n'y a jamais eu autant de dauphins dans le golfe de Gascogne. Faut-il sacrifier une filière pour plaire à Sea Shepherd, France Nature Environnement et à la Ligue pour la protection des oiseaux ? Tournons la page de l'écologie punitive, qui a déjà fait suffisamment de dégâts. (M. Yannick Jadot soupire.)

Nos territoires et nos ports sont en détresse absolue. Il faut les sauver, sous peine de renoncer à notre souveraineté alimentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Sur l'agriculture, Marc Fesneau vous a répondu. Nous attendons de connaître l'ensemble des revendications - vous en citez une. Nous veillerons à éviter l'hypocrisie écologique qui consiste à imposer à nos agriculteurs des normes qui ne s'appliquent pas à nos importations.

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre.  - S'agissant de la pêche, le point de départ est une décision de justice, à partir d'un fait incontestable : 1 482 dauphins échoués cet hiver. D'après les spécialistes, la survie de l'espèce est en jeu. (M. Pierre Médevielle le conteste.)

Une conciliation avait prévu des dérogations - que le Conseil d'État a annulées. J'ai annoncé aux pêcheurs toute une batterie de mesures d'indemnisations, d'équité - afin d'éviter que des navires étrangers ne viennent pêcher dans nos eaux - et de contrôle. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Pierre Médevielle.  - Ne laissons pas la situation s'envenimer. Il est temps d'apporter des réponses concrètes. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Crise agricole (IV)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Alexandra et Camille sont décédées hier en défendant l'une des agricultures les plus sûres au monde. Le monde paysan et la France les pleurent. Nous assurons leur famille de toute notre compassion.

Stop à la politique politicienne. J'évoquais déjà le mal-être paysan dans mon rapport de 2021. On connaît depuis longtemps les problèmes de revenus - 4,80 euros de l'heure ! -, de normes, de dénigrement par une minorité, alors que 85 % des Français aiment les agriculteurs !

N'opposons pas les agricultures entre elles : la diversité est une force. Les mutations prennent du temps et ne doivent pas entraîner de concurrence déloyale. Les politiques publiques doivent être pensées avec, par et pour les agriculteurs.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé plus de contrôles pour l'application des lois Égalim - c'est un minimum. Des moyens supplémentaires sont-ils prévus pour la DGCCRF ? Comment comptez-vous simplifier ?

Demain, je serai auditionné au Parlement européen et je réaffirmerai l'intérêt des clauses miroirs. Comment en convaincre vos homologues ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Je m'associe à votre hommage aux victimes de l'Ariège.

D'abord, nous devons accélérer les procédures, qui prennent jusqu'à dix ans, sur l'eau ou les bâtiments d'élevage, et qui visent parfois à bloquer les projets.

Nous avons aussi besoin de cohérence. Si nous demandons à un éleveur d'agrandir son élevage, n'imposons pas des procédures trop lourdes ; si nous voulons maintenir le pastoralisme, trouvons des réponses à la prédation du loup. Parfois, les injonctions faites aux agriculteurs sont contradictoires.

Nous devons répondre aux crises, comme celle de la viticulture dans votre région.

Nous devons travailler sur les transitions ; c'est l'objet des 200 millions d'euros inscrits au projet de loi de finances pour 2024.

Enfin, au niveau européen, nous devons travailler sur les clauses miroirs, mais surtout sur les normes, afin qu'elles n'entravent pas le travail des agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

Crise agricole (V)

M. Jean-Claude Tissot .  - Depuis quelques semaines, un mouvement agricole a émergé en Europe. En France, il a été terriblement endeuillé. Il existe non pas un malaise, mais des malaises agricoles. Or le Gouvernement apporte des réponses d'urgence plus qu'il ne porte un véritable projet - on le voit encore dans votre projet de loi d'orientation agricole.

Ne nous trompons pas de diagnostic : la crise est d'abord économique, face aux géants de l'agroalimentaire. Ce n'est pas en cédant au lobby industriel sur l'abaissement des normes que nous y répondrons. (Mme Sophie Primas proteste.)

Rémunérons les services environnementaux, revoyons les aides de la politique agricole commune (PAC), adoptons une loi foncière favorable aux installations et aux transmissions, défendons l'agroécologie, reprenons la main sur la fixation des prix après l'échec des lois Égalim, encadrons les traités de libre-échange.

Comment comptez-vous engager cette indispensable évolution de notre modèle agricole ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Oui, il y a une diversité des problèmes - nous n'éludons pas celui des normes.

Les agriculteurs demandent l'application des lois Égalim, que l'on doit à ce gouvernement. (Mme Sophie Primas proteste.)

Il faut accélérer sur les transitions. Qui l'a fait, sinon nous ? Le gouvernement que vous souteniez a interdit les néonicotinoïdes, sans mettre un sou pour la recherche d'alternatives ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Nous avons mis 250 millions d'euros. Sus au déclaratif, il faut agir. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Nous devons travailler à l'échelle européenne. Il faut préserver une diversité des modèles, à la fois exporter et satisfaire nos besoins domestiques.

Ce gouvernement, singulièrement sur ces sujets de rémunération et de transition, a agi. Faisons-le, plus loin et plus vite. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean-Claude Tissot.  - Oui, allons plus loin : c'est pourquoi nous proposons une commission d'enquête sur la construction du revenu agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Moyens de l'enseignement

M. Pierre Ouzoulias .  - L'enseignement privé sous contrat perçoit chaque année 13 milliards d'euros de subventions publiques. La Cour des comptes a dénoncé des défaillances dans le contrôle de cet argent public et alerté sur l'accroissement des disparités sociales entre privé et public.

Les dérives d'un établissement privé parisien - que je ne nommerai pas pour vous permettre de me répondre - ont montré que certains établissements ne respectaient ni la loi ni leur contrat d'association ; que certains ne respectaient pas la liberté de conscience des élèves et des professeurs ni les valeurs de la République ; que des propos contre la contraception, l'avortement ou l'homosexualité y étaient parfois tenus ; que certains refusaient d'organiser la vaccination contre le papillomavirus ou les hommages à Samuel Paty et Dominique Bernard, nos martyrs de la laïcité ; que certains se dédouanaient des règles de Parcoursup ; que certains n'accueillaient que les enfants des familles les plus favorisées et pas les enfants en situation de handicap.

M. Max Brisson.  - Caricature !

M. Pierre Ouzoulias.  - Alors que le Président de la République appelle au réarmement civique de la nation, ces établissements subventionnés par l'État organisent un séparatisme social et scolaire. Il faut mettre fin à ces dérives. L'école doit être le coeur du projet républicain ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du GEST et sur quelques travées du RDSE)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques .  - Depuis quelques jours, j'entends parler de ce séparatisme scolaire ; mais n'opposons pas l'école publique et l'école privée, qui concourent toutes deux au service public de l'enseignement. (Vives protestations à gauche)

M. Hussein Bourgi.  - C'est la réalité ! Ouvrez les yeux !

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Vous stigmatisez les choix de millions de parents. (Les protestations redoublent.) La République ne tolère aucun séparatisme. Ses règles s'appliquent aux établissements privés et je serai intransigeante sur le respect de la laïcité et de la liberté de l'enseignement. (Nouvelles protestations à gauche)

Nous contrôlons l'enseignement dispensé et travaillons pour améliorer la mixité sociale et scolaire. Les dispositifs d'excellence comme les sections internationales doivent désormais respecter un critère de mixité sociale. Nous développons le dispositif Devoirs faits. Nous privilégions l'école publique en termes de moyens. Un protocole a été signé avec le Secrétariat général de l'enseignement catholique qui comprend des engagements précis en termes de mixité.

Pas de procès d'intention (exclamations ironiques à gauche et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) : jugez-moi sur mon action de ministre, sur mon ambition pour l'école publique, sur mes résultats, au service de la réussite de tous les enfants et de toutes les écoles. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Pierre Ouzoulias.  - Je ne fais pas de procès d'intention. (M. Max Brisson ironise.) De nombreux établissements privés sont hors la loi : vous devez les contrôler. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du GEST, ainsi que sur quelques travées du RDSE)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Je le fais !

Finances publiques

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'économie, lors de vos voeux aux acteurs économiques, vous avez recyclé l'idée du désendettement de la France.

M. Albéric de Montgolfier.  - Vaste programme !

M. Jean-François Husson.  - Quels seront la méthode, le calendrier et le contenu de ce désendettement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Rachid Temal.  - Et avec quelle croissance ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - (« Ah ! » sur de nombreuses travées)

M. Rachid Temal.  - Bienvenue au Sénat !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je suis toujours très heureux d'être au Sénat...

Mme Sophie Primas.  - Répondez à la question !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je vous retourne la question, monsieur Husson.

M. Jean-François Husson.  - Vous n'allez pas être déçu !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Car l'attitude des Républicains me perd...

Nous annonçons des milliards d'euros d'économies en sortant du bouclier tarifaire sur l'électricité. Nous tenons parole et prenons des décisions. (On en doute sur les travées du groupe Les Républicains.)

J'aimerais pouvoir compter sur l'engagement ferme des Républicains. Mais accordez vos violons avec vos amis députés ! (M. Jean-François Husson s'exclame.)

En décembre 2023, Olivier Marleix dépose un amendement au projet de loi de finances pour 2024...

Plusieurs voix à droite.  - Vous êtes au Sénat !

Mme Sophie Primas.  - Mais que faites-vous, vous ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... pour rétablir l'intégralité de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), à 32 euros le mégawattheure. C'est trop selon nous, mais nous saluons l'effort.

Un mois plus tard, le même Olivier Marleix...

Nombreuses voix à droite.  - Vous êtes au Sénat !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... déclare qu'il faut surseoir à ce rétablissement ! Où est la cohérence des Républicains ? Où habitez-vous ? Au Sénat ou à l'Assemblée nationale ? (M. Yannick Jadot s'exclame.)

Plusieurs voix à droite.  - Au Sénat !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Cela coûterait 9 milliards !

Quand on est perdu, une seule solution : s'en remettre à la sagesse du Président du Sénat, Gérard Larcher (rires), qui reconnaissait le bien-fondé de nos décisions, hier matin, sur France Info. Merci, monsieur le Président. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe UC ; M. Franck Montaugé applaudit également.)

M. Jean-François Husson.  - Vous multipliez les déclarations contradictoires. Mais l'ardoise n'est pas magique, elle est salée. Depuis 2017 et votre arrivée à Bercy, la France est devenue le bonnet d'âne de l'endettement en Europe. Six pays étaient derrière nous en 2016, dont Chypre... Désormais, seules la Grèce et l'Italie font pire !

M. Rachid Temal.  - Même Chypre !

M. Jean-François Husson.  - Vous accélérez le déclassement de la France : depuis 2016, la dette est passée de 33 000 à près de 50 000 euros par Français. Votre majorité en a fait le premier poste de dépenses de l'État.

Vous vous moquez des Français et du Parlement. Vous vous êtes fait l'apôtre des économies et du dialogue avec le Parlement, or le Sénat a voté 7 milliards d'euros d'économies !

M. Max Brisson.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Vous n'avez rien accepté, pas même l'euro symbolique. Assez de ce double langage ! (Acclamations et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Hôpital public

Mme Annie Le Houerou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dès sa prise de fonctions, le Premier ministre a annoncé 32 milliards d'euros pour le système de santé. Cela a suscité de grandes attentes. S'agit-il de crédits supplémentaires ou des 31,5 milliards déjà engagés par la loi de programmation des finances publiques, c'est-à-dire du recyclage de crédits déjà alloués, et donc un flop qui ne fait qu'accentuer le désarroi des soignants ?

La santé mérite mieux que des coups de com'. Médecine de ville et hôpitaux font face à une pénurie inquiétante de soignants. Pas une semaine sans manifestation à Lannion, à Pontivy, à Carhaix, face au risque de naître sur les routes ou de ne plus être pris en charge pour un AVC. Patients et soignants dénoncent la perte de chances et les prises en charge tardives.

Quelle est votre stratégie pour garantir l'accès aux soins à tous, partout ? Vous évoquerez à coup sûr le Ségur de la santé, mais il faut aller plus loin.

Quelles sont vos « propositions intelligentes », madame la ministre, pour reprendre les mots du Premier ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Ces milliards d'euros, c'est l'argent de nos concitoyens ! (Marques d'ironie et protestations sur les travées du groupe SER) Les 55 milliards d'euros correspondent à l'augmentation de nos dépenses d'assurance maladie, dont la moitié va aux établissements de santé.

Premièrement, le Ségur a apporté une réponse forte. En fonctionnement, il y a 8 milliards d'euros pour les personnels de santé. C'est du concret.

Plusieurs voix sur les travées du groupe SER.  - Et les 32 milliards ?

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Nous prenons en charge les week-ends et les gardes de nuit. C'est fait.

Deuxièmement, les 19 milliards d'euros d'investissements...

M. Rachid Temal.  - Cela ne fait toujours pas 30 milliards !

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - ... profiteront à l'ensemble du territoire, avec des rénovations et des constructions. Depuis dix jours que je suis en fonction, tous, vous m'interpellez sur les projets d'hôpitaux.

Nous avons besoin de ces crédits pour agir sur le terrain au plus tôt. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

M. Rachid Temal.  - Pour combien, à la fin ?

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - On vous attend !

M. Rachid Temal.  - Et les 32 milliards ?

Mme Annie Le Houerou.  - Les conditions de travail des professionnels se dégradent. Plus de blabla, mais des actes ! La santé n'est pas gratuite...

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Eh non !

Mme Annie Le Houerou.  - Chaque mois, via la CSG et les cotisations sociales, les Français contribuent à l'assurance maladie et attendent un service public à la hauteur de leur engagement. Or les listes d'attente s'allongent et les déprogrammations d'opérations se multiplient.

La désertification médicale conduit à recruter des médecins hors de l'Union européenne, qui risquent de perdre leur poste (Mme la ministre le nie) en raison de la perte de leur statut. (Mme la ministre le conteste ; applaudissements à gauche.)

Crise agricole (VI)

Mme Kristina Pluchet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.) Monsieur le Premier ministre, j'entends depuis plusieurs années les déclarations du Président de la République et des ministres successifs promettant, la main sur le coeur, de défendre l'agriculture française. Mais j'entends surtout le monde agricole qui gronde : les agriculteurs se sentent oubliés, asphyxiés, méprisés.

Depuis dix ans, nous vous alertons sur les inepties idéologiques de votre majorité et de nos institutions - même la Cour des comptes est devenue compétente en déjections bovines...

Monsieur le Premier ministre, qui a soutenu Farm to Fork au Parlement européen ? Renaissance ! Qui a voté le règlement sur la restauration de la nature, qui prévoit 10 % de jachère agricole ? (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.) Qui a refusé d'activer la clause de sauvegarde sur le poulet ukrainien ? Ce gouvernement ! Qui, au Sénat, a refusé de voter sur l'accord économique et commercial global avec le Canada (Ceta) ? Toujours Renaissance !

Cette crise braque le projecteur sur les effets délétères du « en même temps ». Comment pouvez-vous dire une chose à Paris et le contraire à Strasbourg ? (Bravos et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Quand soutiendrez-vous réellement les agriculteurs français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le groupe du parti populaire européen (PPE), qui comprend vos représentants au Parlement européen, a voté une grande partie des textes que vous évoquez ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

M. Yannick Jadot.  - Et tous les accords de libre-échange !

M. Marc Fesneau, ministre.  - En effet, il ne faut pas de double discours, madame Pluchet ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Vous vous défaussez des votes de votre groupe !

M. Max Brisson.  - Non !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Il faut avancer différemment. Personne n'a dit grand-chose lors du Green Deal, sur sa compatibilité entre capacité productive et exigences environnementales.

La présidente de la Commission européenne est - je le rappelle - d'une obédience proche de la vôtre...

M. Bruno Retailleau.  - Proche de Macron !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Qui s'est opposé au traité australien et au traité avec le Mercosur ? La France.

Notre agriculture exporte massivement, notamment les céréales, les fromages ou les vins. Nous avons besoin de commercer, mais avec des règles mieux coordonnées : nous avons besoin de plus d'Europe, pas de moins d'Europe. Nous n'avons pas besoin d'autarcie et de dénoncer des choses que l'on soutient par ailleurs. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE, ainsi que sur quelques travées des groupes INDEP et UC)

Mme Kristina Pluchet.  - La délégation française a défendu avec force l'agriculture au Parlement européen. Les agriculteurs en ont ras le bol du bal des faux-culs, voilà ce que j'entends sur les barrages ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Marc Fesneau, ministre.  - On va vous montrer les votes.

Crise de la pêche (II)

Mme Annick Billon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe à ma question le président Marseille et les 52 cosignataires de notre lettre ouverte sur l'interdiction de la pêche dans le golfe de Gascogne, censée protéger les dauphins, qui a mis au chômage les pêcheurs de la région : depuis deux jours, 500 navires français restent à quai à la suite d'une décision du Conseil d'État. Cela s'ajoute au covid, au Brexit, à la crise de l'énergie et aux réglementations. Le mois de fermeture représentera une perte de 14 millions d'euros.

Criées, maraîchage, coopératives, maintenance : tous seront touchés. Un pêcheur en mer, c'est quatre emplois à terre ; tout l'écosystème est en cale sèche, alors que les pêcheurs ont investi 30 millions d'euros dans les systèmes répulsifs contre les prises accidentelles.

Les pêcheurs ne réclament pas l'obole, ils veulent faire leur métier. Sans capitaine à bord, comment éviter le naufrage de la filière ? Comment s'assurer que les poissons consommés respecteront les normes contraignantes imposées à nos pêcheurs ? À l'instar des agriculteurs, ils sont en colère : c'est notre souveraineté alimentaire qui est en jeu. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Nous sommes dans l'urgence. J'aurais préféré plus de temps, comme les pêcheurs, mais nous sommes contraints par la décision du Conseil d'État du 22 décembre dernier.

Personne ne souhaite de pêche accidentelle ; il faut un équilibre avec la biodiversité. À court terme, nous compensons 85 % des pertes de chiffre d'affaires des bateaux concernés par cette interdiction. Nous soutenons aussi les mareyeurs, les collectivités -  qui gèrent souvent les ports  - , les criées avec le chômage partiel. Au nom de l'équité, nous avons activé l'article 13 de la politique commune des pêches : ainsi, les navires non français ne pourront venir dans le golfe, la marine nationale assurant les contrôles.

Notre souveraineté alimentaire en matière de pêche, malheureusement, est un concept : nous importons 70 % de notre consommation de produits de la mer. Comment cette sidération, provoquée par cette fermeture spatiotemporelle, nous amènera-t-elle à décider ce qu'il faut faire d'ici à un an ? (MMFrançois Patriat et Louis Vogel applaudissent.)

Mme Annick Billon.  - Ce n'est pas interdire la pêche qui améliorera l'équilibre. Une stratégie de long terme, portée par un capitaine, est urgente. La filière pêche coule : nous en sommes responsables ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Transport des céréales sur la Seine pendant les jeux Olympiques

M. Pierre Cuypers .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 26 juillet, nous ouvrirons les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) sur la Seine. D'un claquement de doigts, on ferme le fleuve à toute navigation. Les touristes peuvent bien se passer de bateaux-mouches. Mais la mairie, la préfecture et les ministères concernés ont oublié que 60 % des flux sur la Seine correspondent au transport de 600 000 tonnes de céréales vers Rouen, plus grand port céréalier d'Europe.

La haute administration propose de décaler les moissons et les récoltes. (Marques d'hilarité à droite) Pourquoi ne pas aussi décaler l'été ?

Quelle solution le Gouvernement entend-il apporter à cette situation, alors que les agriculteurs souffrent ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Annick Jacquemet et Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques .  - Le déroulement sur la Seine de la cérémonie d'ouverture est une première hors d'un stade : son organisation impose de prendre des mesures. La fermeture à la navigation est nécessaire pour le déminage des ponts, des quais et des bateaux et pour monter le décor du spectacle.

Une concertation approfondie a été menée avec les représentants des céréaliers...

M. Jean-François Husson.  - Pour décaler l'été ?

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - ... non pour décaler l'été ou les moissons, mais pour trouver des solutions.

Cette fermeture a déjà été réduite de huit à sept jours... (On ironise sur plusieurs travées.)

Un, les négociations se poursuivent.

Deux, l'allongement des horaires d'ouverture des écluses est d'ores et déjà satisfait.

Trois, l'identification de plus de zones de stockage en aval et en amont a été partagée avec la profession.

M. Jean-François Husson.  - Cela ne sert à rien.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Quatre, un point d'entrée unique pour traiter les difficultés a été décidé.

Cinq, une méthode de travail est en place pour le traitement des éventuels préjudices.

Les épreuves sur la Seine, comme la natation ou le triathlon, ne poseront pas les mêmes difficultés puisque les bateaux pourront circuler après le 26 juillet.

M. Rachid Temal.  - Ah !

M. Jean-François Husson.  - Ils nageront entre les péniches.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - L'impact sur la vie économique et le quotidien sera pris en compte. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Alors là...

M. Pierre Cuypers.  - J'entends vos explications, mais les JOP sont dans quatre mois. Encore une fois, notre souveraineté alimentaire et énergétique est menacée. Dans un contexte de colère, les agriculteurs en ont ras le bol.

Un arrêt complet du 18 au 27 juillet serait une erreur fatale. Je comprends que trois jours soient nécessaires pour le déminage et le montage des installations. Mais les autorités refusent la circulation fluviale, même partielle, par peur des collisions. Il ne faut pas prendre les bateliers pour des marins d'eau douce ! (Sourires)

Pas moins de 500 millions d'euros de pertes sont en jeu. Chaque jour de retard prend des proportions énormes. Nous sommes les stockeurs de nos clients. Si ceux-ci ne sont pas livrés, les conséquences humaines seront dramatiques.

Il faut trouver des solutions dans les quinze jours. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Lyon-Turin

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La liaison transalpine Lyon-Turin revêt une importance capitale : en reliant Lisbonne à Kiev, elle réduira les émissions de CO2, elle éliminera un million de poids lourds des routes, notamment dans nos vallées alpines, et désengorgera l'Est lyonnais.

D'ici à 2032, le tunnel de base international sera achevé : avec ses 57,5 km, il sera le plus long du monde. L'Italie est prête à fournir ses 60 km d'accès. Et la France ? Ses hésitations risquent de faire dérailler le projet. Le financement de l'étude des 150 km d'accès français n'est toujours pas bouclé. Pourtant, la date limite pour la demande de subvention auprès de l'Union européenne est fixée au 30 janvier ! Des élus de toutes sensibilités tirent le signal d'alarme. Mais les négociations ont encore échoué le 18 juillet dernier : il manque toujours 40 millions d'euros. Nous regrettons l'absence d'un ministre des transports et les atermoiements de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

La France va-t-elle rester à quai, renier sa parole et rater son rendez-vous avec l'Europe et ses territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Lyon-Turin, c'est une liaison majeure pour le report modal, pour diminuer la pollution dans les vallées alpines, pour les liens entre nos pays.

Au 30 janvier, nous devons notifier à la Commission européenne le bouclage de la part française des financements pour les études permettant à la fois les accès alpins et le raccordement au contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise.

Le coût global de ces études s'élève à 220 millions d'euros. L'Union européenne en finance 50 %, soit 90 millions d'euros - puisque 38 millions ne sont pas éligibles. Restent donc 130 millions d'euros à financer. L'État s'est engagé sur 50 % de cette somme. Sur les 65 millions restant, les collectivités territoriales en apportent 25 : le delta est donc de 40 millions d'euros.

M. Yannick Jadot.  - Et 30 milliards derrière !

M. Christophe Béchu, ministre.  - La contribution de la région Auvergne-Rhône-Alpes, de 13 millions d'euros, est faible au regard de sa capacité financière et des retombées économiques attendues.

M. Loïc Hervé.  - Prenez votre téléphone !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Vous dites que les négociations ont échoué ? Disons qu'elles n'ont pas abouti. Ce qui se joue, c'est la réalisation d'un projet qui permettra de bénéficier de subventions importantes de l'Union européenne et de porter une ambition écologique concrète. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Loïc Hervé.  - Trouvez une solution, enfin !

Mme Florence Blatrix Contat.  - Réussir cette étape est un impératif si l'on veut éviter la gabegie - un tunnel sans train, ou à la moitié de sa capacité.

M. Loïc Hervé.  - Évidemment !

Mme Florence Blatrix Contat.  - Ce serait un échec pour la décarbonation de nos transports, ce serait l'échec de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Loïc Hervé et Laurent Somon applaudissent également.)

Violences envers les élus, les pompiers, les policiers

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le caillassage de pompiers à Mantes-la-Jolie, les agressions d'enseignants à Angoulême ou de policiers à Marseille témoignent de la crise de l'autorité que nous vivons.

Les agressions contre les pompiers ont augmenté de 30 % depuis 2020. Pour les enseignants, il ne s'agit plus seulement de dispenser un savoir, mais de préserver sa liberté d'expression face aux menaces. Policiers et gendarmes démissionnent par milliers chaque année face au manque de reconnaissance, de moyens et de respect.

Je n'oublie pas les élus locaux, de plus en plus menacés dans leur intégrité physique.

En octobre dernier, le Sénat a voté à l'unanimité une proposition de loi sur la sécurité des élus et la protection des maires, qui aligne les peines sur le régime existant pour les dépositaires de l'autorité publique.

Ces maux ont une même racine : le rejet croissant de l'autorité de l'État par une partie de la population.

À quelques mois des jeux Olympiques, comment l'État compte-t-il empêcher de tels incidents ? Quand nos élus bénéficieront-ils de la protection renforcée voulue par le Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - En 2023, on a enregistré cent agressions de moins sur les pompiers - mais comment s'en réjouir, quand le chiffre atteint 1 400 ? Pire, 70 % des agresseurs sont ceux à qui les pompiers portaient secours ! Ces agressions irrationnelles traduisent une déconstruction mentale, une absence de bon sens, de cohérence, de respect.

À la suite du texte voté à l'unanimité par le Sénat et par l'Assemblée nationale, les présidents Retailleau, Marseille et Gatel viennent de déposer une proposition de loi portant création d'un statut de l'élu. Il y a un ras-le-bol normatif, mais aussi des conséquences sur la vie personnelle des élus, qui doivent pouvoir concilier leur engagement avec une vie familiale normale.

Dans la continuité des travaux de Dominique Faure, 3 400 policiers et gendarmes sont aujourd'hui référents « élus ». Le centre d'analyse et de suivi a enregistré l'inscription de 2 500 élus. Les formations se poursuivent, les instructions aux préfets se multiplient : le ministre de l'intérieur vous présentera bientôt un bilan plus complet.

Mme Catherine Belrhiti.  - Vous faites le même constat que moi, mais n'apportez aucune réponse concrète - seulement des promesses sans lendemain. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Crise de la pêche (III)

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La pêche est désormais interdite dans le golfe de Gascogne pendant un mois à tous les bateaux de plus de huit mètres, au nom de la protection des dauphins. Il en sera de même pour les hivers 2025 et 2026 : plus de 450 navires resteront à quai au moment le plus prolifique. Cette décision radicale du Conseil d'État menace toute une filière.

Pourtant, des dérogations avaient initialement été prévues, et les pêcheurs se sont équipés de dispositifs de dissuasion acoustique ou de caméras embarquées. D'autres solutions existaient, comme la fermeture tournante des zones de pêche.

L'extension de l'interdiction à tous les navires européens a conduit l'Association européenne des organisations de producteurs de poissons à saisir la Commission européenne, au motif que cette jurisprudence française, qui pénalise toute la filière, ne devrait s'appliquer qu'aux navires français. En attendant la décision de la Commission, les pêcheurs espagnols peuvent, eux, continuer à pêcher...

Comble de l'absurde, la communauté scientifique estime que la population des dauphins communs est stable et nullement menacée dans le golfe de Gascogne. Avec cette interdiction, les prix sur les étals vont s'envoler, la part des importations aussi.

Face à cette décision injuste et dispendieuse, que comptez-vous faire pour sauvegarder la filière et laisser les pêcheurs exercer leur profession ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - La décision que vous contestez n'est pas politique : c'est une décision du Conseil d'État. Vous êtes libre de dénoncer le consensus scientifique sur lequel elle se fonde, mais dans mes fonctions, je me dois d'appliquer les décisions de justice.

Il a déjà eu des arrêts temporaires pour la sole, ou pour les civelles, assortis d'interdictions.

Le Gouvernement a travaillé avec les pêcheurs pour éviter une fermeture spatio-temporelle pure et obtenir des dérogations - que le Conseil d'État a annulées. Notre responsabilité est de soutenir la filière, de l'amont à l'aval, mais aussi de se projeter dans le temps long.

S'agissant de la nationalité des bateaux, l'article 13 a été appliqué sans délai : l'interdiction vaut pour tous les navires de plus de huit mètres, français ou étrangers. Elle est contrôlée par les préfectures maritimes et par des navires et des avions de la marine nationale. Tous ceux qui croiseront dans les eaux du golfe de Gascogne s'exposent à des sanctions.

Cette mesure est effective depuis lundi, première heure. Nous pouvons discuter des délais, de l'indemnisation, mais pas du respect ou de l'étendue de cette fermeture. Le Gouvernement a pris ses responsabilités.

Mme Florence Lassarade.  - Comme pour l'agriculture, avec les arguments erronés des ONG anti-pêche, vous conduisez le pays à l'insurrection, ni plus ni moins ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Mickaël Vallet.  - C'est une décision de justice !

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - Mercredi prochain, à 15 heures, nous entendrons une déclaration du Gouvernement suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution. La Conférence des présidents confirmera cet après-midi même ce point de l'ordre du jour.

La séance est suspendue à 16 h 15.

Présidence de Mme Sophie Primas, vice-présidente

La séance est reprise à 16 h 30.

Nationalisation du groupe Électricité de France (Deuxième lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à protéger le groupe Électricité de France (EDF) d'un démembrement, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Discussion générale

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Il n'a jamais été question du démembrement d'EDF. Nous avons définitivement abandonné le projet Hercule. Avec le Président de la République, nous avons décidé, radicalement, de prendre le contrôle à 100 % d'EDF, ce qui nous laisse les mains libres pour une politique ambitieuse.

Lors de mon premier déplacement comme ministre de l'énergie, à Gravelines, centrale nucléaire la plus importante d'Europe, j'ai dit être le garant de l'unité d'EDF dont dépend une grande partie de notre avenir.

Que voulons-nous pour EDF, pour la nation et pour les Français ?

Nous voulons qu'EDF produise davantage. Ses difficultés sont connues, comme la corrosion sous contrainte, qui est résolue. L'objectif est qu'EDF produise 400 térawattheures d'ici à 2030.

Ensuite, nous demandons à EDF d'investir, dans le nucléaire avec six nouveaux EPR en construction et huit à l'étude, mais aussi dans les énergies renouvelables et ses capacités de production. Les six nouveaux EPR sont un défi industriel qui se compte en dizaines de milliards d'euros : il s'agit de creuser des fondations et d'installer des piliers en acier longs de dizaines de mètres, supportant deux millions de tonnes... Cela n'a pas été fait depuis un demi-siècle en France.

Enfin, nous voulons la stabilité financière d'EDF. Si EDF est ruinée, le contribuable français devra recapitaliser, et nous ne serons pas plus avancés. Avec 65 milliards d'euros de dette et les premières émissions de dette en Europe, la soutenabilité financière d'EDF doit être garantie.

Que voulons-nous pour la nation, ensuite ? Nous en discuterons en étudiant la programmation pluriannuelle de l'énergie et du climat, ce qui ne saurait se faire dans la précipitation : son retrait du texte sur l'énergie était non pour la glisser sous le tapis, mais pour la mettre en lumière. Il s'agit de choix technologiques, industriels et financiers, mais aussi territoriaux. Ainsi, un tiers de l'éolien terrestre est concentré dans le Nord et l'Est de la France. On agit non pas contre, mais avec les Français.

M. Mickaël Vallet.  - Et les retraites ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - La France doit être la première économie décarbonée européenne d'ici à 2040, ce qui passe par la sobriété et la souveraineté. Je salue à cet égard les efforts des ménages et des entreprises : nous avons gagné la bataille de la sobriété pendant l'hiver 2022-2023. Nous devons faire plus attention et récupérer l'énergie d'industries comme les cimenteries pour chauffer les ménages.

Pour la souveraineté, nous devons construire des réacteurs nucléaires, mais le renouvelable est aussi partie intégrante de notre stratégie : il sera indispensable d'ici à l'ouverture des premiers réacteurs, en 2035.

Pour les Français, enfin, nous voulons garantir la sécurité énergétique. La guerre en Ukraine a montré que la dépendance est la plus terrible des folies économiques. Il y a effectivement 70 % de nucléaire dans la production d'électricité, mais 60 % de notre mix énergétique repose sur le fossile. D'ici à 2050, la part de l'électricité - qui est aujourd'hui de 27 % - doit doubler.

Nous devons aussi garantir aux Français un coût bas de l'électricité, en limitant l'augmentation de la taxe intérieure de consommation sur l'électricité (TICFE). Il faut sortir du bouclier tarifaire qui existait depuis deux ans : la contribution aux énergies renouvelables ne peut pas reposer que sur l'État. Nous remontons progressivement la TICFE, à 21 euros au 1er février, et nous sortirons définitivement du bouclier à compter du 1er février 2025. L'engagement est de disposer d'un prix le plus bas en Europe.

Aucun démantèlement n'est prévu : je suis le garant de l'unité de ce grand service public énergétique. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Delahaye applaudit également.) Voilà neuf mois, notre rapporteur de l'époque Gérard Longuet soulignait l'enthousiasme général suscité par cette proposition de loi de Philippe Brun. Aujourd'hui, il est toujours là, du moins à gauche, d'où provient la demande d'inscription à l'ordre du jour de cette deuxième lecture.

Les choses ont évolué, avec la disparition de la cote d'EDF. Certaines dispositions du texte initial n'ont plus lieu d'être.

Demeure l'article 3 ter, sur Électricité de Mayotte (EDM), qui ne pose pas de difficultés.

L'article 3 bis prévoit l'extension des tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE) à toutes les PME. Le Sénat demande, depuis longtemps, de revenir sur cette surtransposition. Pourquoi introduire une différence en fonction du seuil de puissance de 36 kilovoltampères ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Tout à fait.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Ce déplafonnement aurait eu du sens lors de la crise énergétique. Le Gouvernement n'aurait pas eu à déployer tant de moyens. Aujourd'hui, cela a moins de sens : les offres de marché sont compétitives.

L'article 2 est le sujet le plus sensible. La crainte du démembrement d'EDF pose des questions en creux sur l'avenir du marché. Le marché européen est ouvert depuis 2002, personne ne remet en cause ce principe. En revanche, en raison du monopole, multiplier les réseaux de transports serait une gabegie. Enedis et Réseau de transport d'électricité (RTE) doivent être indépendants d'EDF, qui reste actionnaire, tout en demeurant 100 % publics, en application de l'alinéa 9 du protocole de 1946.

La commission des finances a substitué à la liste des activités de l'entreprise une convention décennale revue tous les trois ans. Il faut une visibilité à moyen et long termes sur la position de l'État actionnaire. Le besoin en est criant : comment avons-nous pu décider de fermer Fessenheim, juste avant d'augmenter l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) et de rouvrir une centrale à charbon ? (M. Thomas Dossus proteste.)

M. Jean-François Husson.  - C'est vrai !

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - EDF devra répondre à trois grands défis. Tout d'abord, la décarbonation de l'électricité, qui ne peut reposer que sur une politique nucléaire ambitieuse. Ensuite, la maîtrise des prix : quelles seront les suites de la fin de l'Arenh ? Enfin, l'adaptation de la production aux usages : le stockage est difficile, les batteries posent des questions en termes d'impact sur l'environnement et la production s'individualise. Ce contrat doit réaffirmer l'importance de l'indépendance énergétique. Vous semblez partager ces objectifs, monsieur le ministre.

Sur l'ouverture du capital aux salariés et anciens salariés d'EDF, la commission a décidé de revenir à la rédaction sénatoriale de l'article, l'usage d'un verbe à l'indicatif montrant qu'elle devra se faire. Nous voulons favoriser l'actionnariat salarié.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Très bien !

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Cette ouverture ne doit pas se faire n'importe quand et n'importe comment. La rédaction de l'Assemblée nationale soulève des difficultés en termes de valorisation des actions et de nouvelles ouvertures du capital. À plus court terme, EDF aura intérêt à mettre en place un intéressement pour les salariés.

Le marché de l'énergie est en plein bouleversement : les règles du jeu des décennies à venir s'écrivent maintenant. Nous en débattrons prochainement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christian Bilhac .  - (M. Bernard Fialaire applaudit.) L'électricité augmente de 9 % le 1er février prochain, après 10 % de hausse en août 2023 - et les Français ne voient pas l'inflation s'arrêter. Peut-être trouvent-ils nos débats futiles, mais EDF assure l'indépendance énergétique de la France.

La liste explicite d'activités d'EDF inscrite dans la loi se heurte à la position de la Commission européenne. Ne pas laisser EDF sous la forme d'une société anonyme aurait clarifié les choses.

Depuis un an, les actions de l'exécutif ne sont pas plus claires, en dépit de l'abandon du projet Hercule. Mais il ne faudrait pas que ce pauvre Hercule soit recueilli demain par un gouvernement compatissant...

En deuxième lecture, le texte de la commission a été largement modifié. La vente par appartement n'est pas pleinement exclue : il ne faudrait pas socialiser les pertes et privatiser les profits. La convention décennale va donc dans le bon sens.

Les besoins en énergie vont augmenter sous l'effet d'activités énergivores, comme le numérique et ses serveurs, mais aussi le tout électrique pour les voitures et le chauffage. Dans un contexte international tendu, l'État doit garder la maîtrise des infrastructures et assurer la coordination entre les centrales nucléaires et les barrages hydroélectriques. C'est quand les rivières sont au plus bas que la production photovoltaïque est au plus haut.

Mon groupe proposera plusieurs amendements, dans le respect de la règle de l'entonnoir. Le RDSE avait voté majoritairement contre le texte en première lecture. Nous nous positionnerons en fonction du sort des amendements. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Jean-François Husson.  - On progresse !

M. Didier Rambaud .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Après une longue et électrique navette parlementaire, nous sommes de nouveau réunis pour examiner cette proposition de loi. Créé en 1946, le fleuron EDF est un maillon essentiel, d'autant plus avec la relance du nucléaire engagée par le Président de la République.

L'État a pris la décision historique de nationaliser à nouveau EDF, le 23 mai 2023. Depuis le 8 juin 2023, l'État en est le seul actionnaire, pour un coût de 9,7 milliards d'euros. Nous sommes tous inquiets pour son avenir, mais l'État a annoncé préserver l'avenir du groupe. Le démantèlement est à des années-lumière.

Notre groupe votera contre cette proposition de loi, tout d'abord parce qu'elle avait pour objet de nationaliser EDF. C'est chose faite.

M. Jean-François Husson.  - Dommage !

M. Didier Rambaud.  - Deuxièmement, elle introduit un dispositif coûteux pour nos finances publiques.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Le Gouvernement est d'accord, il l'a déjà dit !

M. Jean-François Husson.  - Sept milliards d'économies !

M. Didier Rambaud.  - Sur les quatre articles initiaux, trois ont été supprimés et deux ont été ajoutées. Par cohérence, mon groupe votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Victorin Lurel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous voici bientôt au terme de la navette d'un texte « puissant » et examiné en un temps record. Après l'offre publique d'achat (OPA) simplifiée, notre détermination à préserver EDF et le pouvoir d'achat des Français a conduit notre groupe à réinscrire le texte de Philippe Brun. J'espère que nous parviendrons au compromis. Je tiens à saluer le travail légistique de la rapporteure, peut-être trop précautionneux toutefois à l'égard du droit européen.

Fidèle à son positionnement en première lecture, le groupe SER défendra plusieurs amendements, notamment pour l'extension de l'éligibilité du périmètre d'accès aux TRVE.

Cette proposition de loi ne tranchera pas le débat idéologique et philosophique, mais elle doit nous rassembler autour de choix stratégiques pour qu'EDF soit le moteur de notre indépendance. Optimiste, j'espère une convergence pour sauvegarder notre service public de l'énergie et protéger nos concitoyens de l'inflation. Je crois à notre sagesse. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) EDF, fleuron de l'économie française, répondait au besoin d'une production massive et centralisée d'électricité pour alimenter un pays exsangue après la Seconde Guerre mondiale. C'est le deuxième producteur d'électricité au monde, le premier en Europe. Les exportations d'électricité ont battu un nouveau record en 2023.

L'État a engagé une OPA simplifiée pour détenir 100 % du capital. Mais rigidifier le cadre d'action d'EDF, comme l'a fait l'Assemblée nationale, est une erreur. Elle doit pouvoir se départir des filiales les moins rentables pour fournir une énergie bon marché à tous. Christine Lavarde a prévu qu'Enedis ne pourrait jamais être cédée, demeurant propriété de la collectivité, conformément au préambule de la Constitution de 1946. Ainsi, ce texte laisse EDF fidèle à son histoire tout en lui donnant les marges de manoeuvre nécessaires.

La commission des finances n'oublie pas les TPE et les petites communes. En Moselle, beaucoup ont subi des augmentations de 50 à 80 % des prix de l'électricité. Dans un territoire rural, boulangers et petits restaurateurs jouent un rôle essentiel à la survie d'un territoire avec, bien souvent, une consommation d'électricité importante. Or jusqu'à présent, les TRVE ne bénéficient qu'aux petites communes ou TPE ayant un compteur inférieur à 36 kVA. Le texte prévoit donc de lever cette condition, solution proposée dès l'automne 2022 par la Commission de régulation de l'énergie (CRE)...

Le groupe Les Républicains prendra ses responsabilités en votant un texte qui, s'il n'est pas révolutionnaire, préservera au moins les TPE et les petites communes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christopher Szczurek .  - Cette proposition de loi ne manque pas de mérite.

Nous devons aux gouvernements successifs l'effondrement de notre système énergétique, alors qu'EDF assurait une énergie bon marché grâce au nucléaire, symbole du génie français, qui nous assurait un avantage compétitif.

L'ouverture insensée à la concurrence, en 1996, d'un monopole naturel a été suivie par la loi de 2010, qui a enfoncé le dernier clou du cercueil de notre système énergétique souverain, enrichissant les traders de l'énergie, endettant EDF et aggravant la facture des consommateurs.

Cette proposition de loi, incomplète, devrait être améliorée. Nous regrettons ainsi la suppression de la mention explicite de nationalisation et le manque de sécurisation contre un futur saucissonnage. Certes, la proposition de loi étend les TRVE à de nouvelles entreprises et collectivités territoriales, mais cela ne suffira pas au renouveau énergétique. Le nucléaire est, plus que jamais, nécessaire.

La proposition de loi laisse au seul pouvoir réglementaire la définition de l'actionnariat salarié. Nous regrettons cet abandon du gaullisme social. Face à la crise du pouvoir de vivre, garantir un réel partage de la valeur est un impératif.

Nous voterons ce texte par pragmatisme. Nous défendons une énergie souveraine et durable, « base pour un développement nouveau de l'énergie, et, par conséquent, du progrès », comme le disait le général de Gaulle.

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - Il n'y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités, disait aussi de Gaulle... Le législateur doit agir sur le réel. L'ignorer, c'est verser dans l'hybris. Les auteurs de la proposition font, eux, preuve d'humilité, en écrivant dans la loi ce qui existe déjà... (Sourires)

L'essentiel du texte est contenu dans l'article 2. Il y a quelques mois, l'État possédait 84 % du capital d'EDF, au-delà des 70 % déjà prévus par la loi. Il en détient désormais la totalité : à présent, la loi l'y obligerait ? Dont acte. Mais il est plus facile de modifier la loi que de construire un réacteur nucléaire. L'industrie ne se paie pas de mots.

Les acteurs privés contribuent déjà à la décarbonation, grâce à leur innovation, leurs capitaux et leur agilité. Grâce à l'atome, notre mix énergétique est l'un des moins carbonés au monde. Cependant, la France reste gravement dépendante du pétrole. Il faudra donc augmenter la production nucléaire et les transferts d'usage, investir massivement pour innover sur le stockage et les réacteurs à fusion.

Le site de Nogent-sur-Seine, dans l'Aube, a été conçu pour accueillir quatre réacteurs et n'en compte que deux. Sa maire, Estelle Bomberger-Rivot, est volontaire pour accueillir de nouveaux réacteurs. Notre département, qui a tant souffert des délocalisations, sait ce que cela apporte, et est prêt à former. Vu l'acceptation sociale des réacteurs, il n'est pas inutile de compter sur des collectivités territoriales volontaires.

Sceptiques sur la proposition de loi, nous sommes attachés à l'actif industriel. Toutefois, la rapporteure a considérablement amélioré le texte, avec des dispositions sur le TRVE. Monsieur le ministre, les tarifs de l'électricité vont augmenter de presque 10 %. Cela nous rappelle qu'une énergie stable, décarbonée et compétitive est un atout stratégique pour notre pays.

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi n'est pas majeure, mais elle nous offre l'occasion, monsieur le ministre, de vous recevoir au Sénat, j'espère jusqu'à la fin du texte.

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

M. Michel Canévet.  - Nous avons en effet des messages à faire passer du terrain. Ce sujet est majeur : le groupe UC a créé une commission d'enquête sous la houlette de Vincent Delahaye pour examiner les perspectives et le prix de l'électricité à échéance 2035 et 2050.

La France dispose d'un élément de compétitivité : cette énergie doit continuer à être décarbonée et peu chère. Mais nos concitoyens ont vu une augmentation du prix de l'électricité de 25 %, et on leur annonce encore 10 % de hausse, alors qu'il faudrait juguler l'inflation.

En France, tout n'est pas simple. Je travaillais sur un dossier d'extension d'un méthaniseur, déposé le 13 octobre ; trois mois après, aucun retour de l'administration...

La décarbonation de la production énergétique dans les îles est un enjeu, car ce sont des espaces naturels particulièrement précieux. À Ouessant, nous faisons face au dépôt de bilan de Sabella, dont l'hydrolienne évite la production d'électricité fossile. J'invite le Gouvernement à s'y pencher.

Ce texte n'est pas majeur, mais il comprend des dispositions importantes. Le groupe UC est attaché aux TRVE. Évitons la surtransposition ou le manque de transposition et allons jusqu'où les autorités européennes nous le permettent, alors que de nombreuses corporations se sont plaintes de ne pas pouvoir payer leurs factures.

Le groupe UC appelle à la modération pour les particuliers, puisque les rémunérations n'augmentent pas à due mesure du coût.

La participation des salariés est essentielle. Dans l'esprit de la loi Pacte, vous avez souhaité poursuivre l'ambition du général de Gaulle d'accroître la participation des salariés à la création de richesse.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Tout à fait.

M. Michel Canévet.  - Nous partageons cette ambition. Il n'y a pas de raison que les salariés d'EDF ne participent pas autant à la création de valeur. Ce serait un gage de réussite future. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. Thomas Dossus .  - Le contexte de cette deuxième lecture est particulier, avec une hausse de 9,8 % du prix de l'électricité alors que les prix de gros sont revenus à ceux de 2021. Vous voulez faire payer de façon uniforme les Français. Après avoir balayé toutes les solutions d'une transition plus juste, vous faites payer tout le monde pour des investissements hasardeux.

Cette proposition de loi poursuit un objectif qui rassemble largement : l'intégrité du groupe EDF. Ce besoin n'est pas un fantasme : le projet Hercule saucissonnait l'entreprise pour privatiser les profits et socialiser les pertes. Il faut un actionnariat étatique de 100 %, mais la version actuelle du texte est un compromis qui l'affaiblit.

La santé financière d'EDF interroge : nous voyons l'impasse économique du tout-nucléaire, avec un gouffre de dizaines de milliards d'euros, résultat d'un mix énergétique français complètement défaillant. Ainsi, le coût de Flamanville est estimé à 17,1 milliards d'euros, au lieu des 9 milliards prévus, sans parler des douze ans de retard qui ont nécessité la réouverture de centrales à charbon. Le grand carénage : 49,4 milliards d'euros ; Hinkley Point est passé de 21 milliards d'euros à 42 milliards d'euros in fine, un surcoût assumé à 100 % par EDF. Le contribuable va payer l'énergie des Anglais : applaudissons l'expertise française !

Et le Président de la République veut multiplier par quatorze ce fiasco atomique, alors que l'industrie de l'atome est en recul, avec des investissements de 36 milliards dans le monde contre 495 pour les énergies renouvelables, un rapport de un à quatorze. Mettons un terme à la prédation du nucléaire sur la recherche dans les énergies renouvelables. Il faut revenir à la raison.

Ce texte ne nous enthousiasme pas, mais nous le voterons par esprit de compromis.

M. Pascal Savoldelli .  - Face aux annonces gouvernementales, la renationalisation d'EDF est une énigme. Derrière ce rideau, la détention du capital n'est qu'un voile insuffisant à éviter le démembrement. Le projet Hercule s'avance tel un drame en deux actes.

Le fil conducteur de ce texte dépasse la simple nationalisation et s'érige en rempart, une sentinelle vigilante contre tout projet futur de réforme opéré en coulisses, échappant au dialogue social, aux travailleurs, aux usagers, au débat parlementaire. Il comprend aussi l'extension des TRVE à toutes les PME et ETI.

Le Sénat, en première lecture, a fait preuve d'une myopie regrettable en oubliant les missions essentielles d'EDF. Il a réduit l'impact positif de l'extension des TRVE en la limitant aux TPE et aux petites collectivités. Pourtant, il faut insuffler une véritable ambition de reconquête énergétique. Le préambule de la Constitution de 1946 dispose que tout monopole naturel et tout service public doivent appartenir à la collectivité.

Détailler les activités d'EDF dans la loi aurait été une mesure de défense cruciale, mais on cherche à affaiblir l'opérateur historique au profit d'une logique mercantile. Or ni les prix ni le service rendu n'ont été améliorés. La hausse de 40 % en deux ans est la conséquence d'une logique structurelle. Alors que, l'année dernière, le Gouvernement implorait des mesures d'austérité, la hausse de 10 % est un nouvel empêchement. Avec les grands froids, et la croissance du nombre de travailleurs au Smic, se chauffer est un défi insurmontable pour de nombreuses familles.

Que faudra-t-il sacrifier sur l'autel de la folie de la dérégulation ? Exclure ETI, PME et collectivités territoriales des TRVE va à l'encontre des discours sur la réindustrialisation.

Cette proposition de loi se présente comme le prélude d'une symphonie législative plus vaste. Il faudra poursuivre la mélodie de la réflexion et orchestrer une loi d'ampleur pour une renationalisation de l'ensemble du secteur de l'énergie. La transition, l'électrification et le retrait de 15 millions de Français de la précarité énergétique supposent une partition législative plus étendue. Nous voterons cette proposition de loi, bien que nous regrettions qu'elle s'éloigne de sa visée initiale. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) EDF doit garder une place centrale et stratégique au bénéfice de tous les consommateurs. Cette proposition de loi de Philippe Brun est décisive : elle y contribue en protégeant l'unité de l'entreprise. Nous actons l'incessibilité de RTE, par la loi.

ETI, collectivités territoriales de taille moyenne et organismes HLM doivent bénéficier des tarifs régulés de l'électricité.

La proposition de la commission des finances d'un contrat décennal révisé tous les trois ans est nécessaire et bienvenue, comme le rapport d'exécution du contrat. Mais l'État doit aussi assumer sa responsabilité. Les grands programmes d'investissement, comme le nouveau nucléaire ou le grand carénage, sont importants. Alors que l'État augmente les TRVE, il faut maîtriser les prix de l'électricité dans le temps long.

Ces programmes coûteront plus ou moins cher à la nation selon que l'État apportera ou non sa garantie. Ainsi, lever des fonds sur les obligations assimilables du Trésor (OAT) sera pour la France la solution la moins coûteuse. Recourir à une base d'actifs régulés voire aux contrats pour différence ou aux PPA (contrats d'achat d'électricité) sera plus onéreux.

La trajectoire financière et la maîtrise des prix de l'électricité dont il est question dans le contrat décennal résulteront du rôle des gouvernements. L'État dispose de 100 % du capital : quels outils de financement mettrez-vous en place ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les chiffres sont aussi vertigineux qu'éloquents : avec 17,9 milliards d'euros de déficit d'exploitation en 2022, EDF prenait l'eau, entre crise énergétique et obligation de vente à la concurrence à un tarif inférieur au prix de marché. Sa dette atteint le niveau record de 65 milliards d'euros.

Le 1er février, les tarifs d'EDF augmenteront de 9,8 % pour les ménages en raison de la réinstallation de la TICFE.

Alors que le projet Hercule a été abandonné, le Sénat a à coeur d'offrir à EDF un cadre de développement stable et sécurisé.

Il est temps d'expliquer aux Français le pourquoi du comment, d'autant qu'il est question de subventions publiques massives... EDF doit augmenter ses investissements de l'ordre de 25 milliards d'euros par an, pour la maintenance du parc nucléaire et la construction de nouveaux réacteurs.

En 1946, la nationalisation visait à moderniser l'existant, favoriser l'indépendance énergétique et reprendre le contrôle de la stratégie de la France. Ces objectifs sont toujours au goût du jour.

En ce début de troisième millénaire, EDF doit développer des solutions innovantes et moins polluantes et nos gouvernements négocier avec Bruxelles une refonte globale du secteur énergétique français et des conditions du marché européen.

Nous devons permettre à EDF de retrouver des marges de manoeuvre financières pour garantir la fourniture d'une électricité bon marché et décarbonée. Le travail de la commission des finances a permis d'aboutir à un texte équilibré.

À l'occasion de ses voeux, Gérard Larcher a souhaité que 2024 conduise à un dialogue plus interactif entre le Parlement et l'exécutif. L'énergie est un sujet essentiel du débat politique : il doit être traité avec le Parlement.

EDF doit pouvoir céder, au besoin, certaines activités, à l'exception du réseau de distribution publique Enedis. Il en va de sa capacité à atteindre ses objectifs pour les consommateurs, particuliers, collectivités, ou entreprises.

La commission des finances a prévu un contrat décennal entre l'État et les entreprises, révisé tous les trois ans, pour fixer les objectifs : décarbonation, prix et évolution de la demande d'électricité.

Pour les foyers français, 200 euros vont s'ajouter à une facture moyenne de 1 622 euros. La flambée des factures s'invite dans nos campagnes, alors que les élections européennes approchent. Dommage que notre proposition d'une différenciation de l'aide à l'approvisionnement des ménages selon les déciles de revenu n'ait pas été retenue...

Comme dans d'autres domaines où les productions n'ont pas la valeur marchande de biens de consommation usuels - je pense à l'eau -, il est temps de mettre en place des stratégies de long terme. C'est ainsi que nous garantirons notre auto-approvisionnement, un prix acceptable et que nous permettrons à notre industrie de redevenir compétitive.

Monsieur le ministre, donnons-nous rendez-vous pour débattre des transformations nécessaires, des grilles tarifaires et de la fiscalité - avec de la part du Gouvernement, nous l'espérons, une oreille plus attentive que lors du dernier projet de loi de finances... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Discussion des articles

Article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.

Après l'alinéa 3

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés : 

« Le groupe EDF assure : 

« 1° La production, le transport, la distribution, la commercialisation, l'importation et l'exportation d'électricité ; 

« 2° Le développement, la construction, l'exploitation et la maintenance des sources d'énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique ; 

« 3° La prestation de services énergétiques. »

M. Christopher Szczurek.  - Nous rétablissons en partie l'article 2 du texte initial, afin que seule la loi puisse modifier les compétences et missions du groupe.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 5

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« L'entreprise Électricité de France propose une opération permettant à ses salariés et aux anciens salariés d'accéder à son capital. Cette opération doit porter au minimum sur 2 % du capital de l'entreprise, pour un prix de souscription hors rabais qui ne peut être supérieur à 12 euros. Elle a lieu dans les quatre mois suivant la date de publication de la loi n ° ... du ... visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement. 

« Un rabais est octroyé aux salariés et anciens salariés éligibles si les titres acquis ne peuvent être cédés avant une période de cinq ans. 

« Un arrêté du ministre chargé de l'économie précise les critères d'éligibilité des anciens salariés, le nombre de titres proposés aux personnes éligibles et le prix de souscription ainsi que, le cas échéant, la durée de l'offre, les modalités d'ajustement de l'offre si la demande est supérieure à l'offre, le rabais, les mécanismes assurant la liquidité des titres et la partie des coûts pris en charge par l'État.

M. Victorin Lurel.  - Les anciens actionnaires salariés d'EDF doivent pouvoir revenir au capital à un niveau équivalent à celui de l'indemnité perçue lors de leur expropriation, en juin dernier. C'est une mesure d'équité, sans implication patrimoniale pour l'État.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°12 rectifié, présenté par M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet et Cabanel, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

M. Christian Bilhac.  - En effet, la référence au prix de 12 euros doit être conservée.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Un arrêté du ministre chargé de l'économie fixe les modalités de l'opération d'actionnariat salarié permettant de mettre en place cette détention minoritaire. Une première opération d'actionnariat salarié est initiée dans les quatre mois suivant la publication de la loi n ° ... du ... visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement à un prix de souscription maximal de 12 euros.

M. Victorin Lurel.  - Amendement de repli : le prix serait fixé par arrêté.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°11 rectifié, présenté par M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet et Cabanel, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

M. Christian Bilhac.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°9 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mmes N. Goulet et Guidez, MM. Longeot et Folliot, Mmes Jacquemet, Florennes et Carrère-Gée, MM. Bleunven, J.M. Arnaud et Cazabonne, Mme Havet, M. Duffourg, Mmes O. Richard et de La Provôté et M. Hingray.

Après l'alinéa 6

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Une opération d'actionnariat salarié par le biais d'une offre réservée aux salariés d'EDF ou de ses filiales et aux anciens salariés justifiant d'un contrat ou d'une activité rémunérée d'une durée accomplie d'au moins cinq ans avec EDF ou ses filiales est mise en oeuvre dans le délai de trois mois à compter de la publication de la loi n ° ... du ... visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement et, en tout état de cause, avant le 1er octobre 2024. Au moins 2 % du capital d'EDF sera proposé aux salariés et anciens salariés éligibles.

« Le prix de souscription hors rabais ne peut dépasser 12 euros.

« Un rabais est octroyé aux salariés et anciens salariés éligibles si les titres acquis ne peuvent être cédés avant une période de cinq ans.

« Un arrêté du ministre chargé de l'économie précise le nombre de titres proposés aux personnes éligibles et le prix de souscription ainsi que, le cas échéant, la durée de l'offre, les modalités d'ajustement de l'offre si la demande est supérieure à l'offre, le rabais, les mécanismes assurant la liquidité des titres et la partie des coûts pris en charge par l'État.

M. Michel Canévet.  - Cet amendement est de même nature. Il est nécessaire de mobiliser les salariés d'EDF pour contribuer à la bonne marche de l'entreprise.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements nos 1 rectifié ter et 12. La commission se considère comme incompétente pour fixer le prix, le moment d'ouverture du capital et pour valoriser une entreprise non cotée.

Même avis sur les amendements nos2 et 11, comme sur l'amendement n° 9 rectifié bis.

Si le texte issu des travaux de la commission satisfait le Gouvernement, les amendements qui vont plus loin n'ont pas lieu d'être. Si le Gouvernement est contre, nous légiférons un peu à l'aveugle. Le ministre peut-il nous éclairer ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Même avis défavorable.

Je suis un grand défenseur de l'actionnariat salarié, comme gaulliste.

M. Mickaël Vallet.  - Que celui qui n'est pas gaulliste lève la main...

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le Gouvernement prévoit qu'EDF aura la faculté d'ouvrir son capital aux salariés, en lui laissant une entière liberté sur la date, le montant et les modalités de l'opération. C'est l'option la plus souple.

De son côté, la commission prévoit que l'ouverture du capital est une obligation.

L'amendement de M. Canévet me paraît aller trop loin en prévoyant une fraction minimale du capital. Au cours actuel, cette fraction de 2 % représente 1 milliard d'euros : c'est beaucoup, et il faut trouver les souscripteurs.

Mme Marion Canalès.  - Nous voulons rendre à la France un service public de l'électricité auquel elle n'aurait jamais dû renoncer. Mais la nationalisation ne peut se réduire à une étatisation bureaucratique. Démocratisons la vie de l'entreprise de toutes les manières possibles.

M. Christian Bilhac.  - Monsieur le ministre, imaginez que vous êtes salarié d'EDF et qu'on vous a racheté vos actions à 12 euros. Trouveriez-vous normal qu'on vous les revende 15, 16 ou 17 euros ? Je continue de penser que le prix doit être le même : c'est une question de justice.

Mme Émilienne Poumirol.  - Nous sommes d'accord.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Dans les propos du ministre, j'ai entendu une ouverture.

Ce qui pose problème, c'est de fixer le moment et le prix de l'opération, dans un contexte très incertain, alors que nous sommes en phase de définition du nouveau marché de l'électricité. Si un accord est intervenu au Conseil européen, le trilogue est encore en cours.

Je suis, moi aussi, pour l'actionnariat salarié. Il ne me semble pas antagoniste d'être favorable à une ouverture du capital aux salariés et de refuser d'en fixer les modalités dans la loi.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Il y a un problème de principe. On ne peut pas fixer une obligation de souscription pour les salariés, surtout à 2 500 euros par personne. Le texte de la commission me semble raisonnable, mais n'empiétons pas sur la liberté des salariés : ce n'est pas à la loi de leur dire comment placer leur argent.

M. Victorin Lurel.  - Il s'agit d'une obligation d'ouverture pour l'entreprise, pas de souscription pour les salariés, qui aviseront.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos1 rectifié ter et 12 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°112 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 173
Contre 168

Les amendements identiques nos1 rectifié ter et 12 rectifié sont adoptés.

(Applaudissements à gauche)

Les amendements nos2 rectifié ter, 11 rectifié et 9 rectifié ter n'ont plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°14, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

minorée, dans des proportions inférieures à une limite fixée par décret, par le capital détenu par les salariés et les anciens salariés de l'entreprise

par les mots :

le cas échéant, minorée, dans des proportions inférieures à une limite fixée par décret, par le capital détenu par les salariés de l'entreprise et par les anciens salariés adhérents du plan d'épargne groupe de l'entreprise

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je continue de trouver préférable que les modalités d'ouverture du capital relèvent de la gouvernance de l'entreprise. Ce n'est pas au législateur de fixer un montant et une date. Voudrait-il se mettre à gérer l'entreprise ?

M. Mickaël Vallet.  - Ça ne serait pas pire !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Empiéter sur la gouvernance de l'entreprise serait une marque de défiance à son égard. (M. Thomas Dossus s'exclame.)

Mme la présidente.  - Amendement n°8 rectifié quater, présenté par M. Canévet, Mmes N. Goulet et Guidez, MM. Longeot, Folliot et Kern, Mmes Jacquemet et Florennes, MM. Bleunven, J.M. Arnaud et Cazabonne, Mme Havet, M. Duffourg, Mmes O. Richard, de La Provôté et Carrère-Gée et M. Hingray.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

dans des proportions inférieures à une limite fixée par décret

par les mots :

jusqu'à 10 % du capital social de l'entreprise

M. Michel Canévet.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox.

Alinéa 6

Remplacer les mots : 

des proportions inférieures à une limite fixée par décret 

par les mots : 

la limite de 10 % du capital

M. Christopher Szczurek.  - Défendu.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement du Gouvernement, mais, avec le vote qui vient d'intervenir, la philosophie de l'article 2 a évolué. Mon avis personnel serait plutôt favorable...

J'émets un avis favorable sur l'amendement no 8 rectifié quater et appelle au retrait de l'amendement n°5 à son profit.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Avis défavorable aux amendements nos8 rectifié quater et 5, incompatibles avec ma position. C'est une question de principe : il n'est pas de bonne politique que la loi empiète sur la gestion d'une entreprise publique.

M. Christopher Szczurek.  - Je ne retire pas mon amendement - l'avis de la rapporteur n'est qu'un prétexte pour ne pas y être favorable. En revanche, je voterai l'amendement n°8 rectifié quater.

M. Éric Kerrouche.  - Monsieur le ministre, vous pouvez avoir une opinion personnelle, mais devez respecter le choix du Parlement. Ce que, de temps en temps, nous sommes aussi conduits à faire...

M. Victorin Lurel.  - Le ministre estime qu'il s'agirait d'une immixtion dans la gestion de l'entreprise ? Mais notre intention n'est pas de diriger à la place des dirigeants. Respectez ce que nous venons de voter. Nous sommes contre l'amendement n°14, mais voterons l'amendement n°8 rectifié quater - c'est l'esprit de la loi Pacte.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

L'amendement n°8 rectifié quater est adopté.

L'amendement n°5 n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié ter, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

est détenu 

par les mots :

du code de l'énergie et le capital des sociétés gestionnaires des réseaux de transport d'électricité sont détenus

M. Franck Montaugé.  - En commission, la rapporteure a introduit le principe d'incessibilité d'Enedis. Nous faisons de même pour RTE.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Il est impossible d'aligner le fonctionnement de RTE sur celui d'Enedis.

D'abord, vous imposeriez au groupe de payer 10 milliards d'euros pour racheter les parts de la Caisse des dépôts, au détriment de son objectif de produire une énergie décarbonée à coût raisonnable.

Ensuite, ce dispositif serait contraire au droit européen, RTE ayant le statut d'opérateur de transport indépendant (ITO).

Enfin, il n'y a aucune crainte à avoir sur l'évolution de l'actionnariat de RTE. L'avis est donc défavorable.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°3 rectifié ter n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°15, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

, l'État ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Cet amendement devrait vous rassurer. Il vise à empêcher toute cession d'Enedis. RTE comme Enedis resteront ainsi sous contrôle public.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - La commission a émis un avis défavorable, par respect pour le travail de l'Assemblée nationale. À titre personnel, toutefois, j'y suis favorable, d'autant qu'il ne fait que conforter le préambule de la Constitution de 1946.

M. Victorin Lurel.  - Je suis étonné par cet amendement du Gouvernement : mutatis mutandis, il s'agit de s'aligner sur le régime RTE. Le rapport de Mme Lavarde est excellent, mais nous ne souscrivons pas à toutes ses conclusions. Je pense qu'il est possible de faire évoluer le statut juridique de RTE. Je voterai contre l'amendement.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Article 3 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié ter, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Après l'alinéa 3

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés

...° Le même I est ainsi modifié :

a) Après le mot : « moins », la fin du 2° est ainsi rédigée : « de 250 personnes et ont un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros ainsi qu'aux collectivités et aux établissements publics de coopération intercommunale de moins de 50 000 habitants ; » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

«...° Aux organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation. » ;

II.  -  Alinéa 6

Remplacer la date

1er février 2025

par la date

1er aout 2024

M. Franck Montaugé.  - Il s'agit d'avancer la mise en oeuvre au 1er août 2024, au lieu du 1er février 2025.

Mme la présidente.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet et Cabanel, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

Après l'alinéa 3

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° Le même I est ainsi modifié :

a) Après le mot : « moins », la fin du 2° est ainsi rédigée : « de 250 personnes et ont un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros ainsi qu'aux collectivités et aux établissements publics de coopération intercommunale de moins de 50 000 habitants ; »

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Aux organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation. » ;

M. Christian Bilhac.  - Nous voulons revenir à la rédaction de l'Assemblée nationale. Il y a quelques mois, sur toutes les travées, nous alertions le Gouvernement sur la situation des boulangers, exclus du bouclier tarifaire. C'est l'une des raisons de cet amendement.

Mme la présidente.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 6

Remplacer la date : 

1er février 2025

par la date : 

1er août 2024

M. Victorin Lurel.  - L'Assemblée nationale a étendu le dispositif aux bailleurs sociaux. Nous avançons la mise en oeuvre à août 2024.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Il peut arriver que l'Assemblée nationale vote des mesures non conformes au droit européen. Celui-ci prévoit que le périmètre d'éligibilité doit être limité aux particuliers et microentreprises.

Pendant la crise de l'énergie, ces derniers ont certes bénéficié d'aides, mais la Commission européenne s'opposerait à une mesure pérenne, et les bénéficiaires seraient contraints de rembourser l'aide perçue - comme ces communes contraintes de rembourser les avances versées. Avis défavorable à l'amendement n°13 rectifié.

Pour l'amendement n°7 rectifié bis, l'échéance de février 2025 a été définie de façon réaliste. Août 2024 n'est techniquement pas possible, du fait notamment des implications sur les systèmes d'information des fournisseurs. Les TRVE, aujourd'hui, ne sont pas compétitifs. Il n'y a donc pas d'urgence.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Avis défavorable aux amendements nos4 rectifié ter et 13 rectifié. Je respecte le travail du Parlement, mais il n'est pas question de faire n'importe quoi : voter une disposition contraire au droit européen n'est jamais une bonne idée.

Les entreprises ont des profils de consommation différents selon leur taille : leur appliquer un tarif identique n'a pas de sens.

Avis défavorable à l'amendement n°7 rectifié bis.

L'amendement n°4 rectifié ter n'est pas adopté.

L'amendement n°13 rectifié est retiré.

L'amendement n°7 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 3 bis est adopté, de même que l'article 3 ter.

Vote sur l'ensemble

M. Mickaël Vallet .  - Je suis satisfait que ce texte poursuive son chemin parlementaire.

Le Parlement se saisit de ses compétences pour limiter les capacités de nuisance de l'exécutif s'agissant de nos biens communs nationaux, comme EDF : nous ne faisons pas forcément confiance aux gouvernements ordo-libéraux...

À quoi bon avoir des participations au sein de Renault pour ne pas agir à l'occasion de la délocalisation des fonderies ? Pourquoi le Gouvernement a-t-il vendu les turbines d'Alstom avant de les racheter plus cher ?

De plus en plus de citoyens et d'élus reviennent de l'européisme libéral.

Le socialisme, ce sont les soviets plus l'électricité, selon Lénine. Faisons en sorte que le macronisme ne soit pas des conventions citoyennes creuses, plus le démantèlement de l'entreprise. (M. Bruno Le Maire ironise.)

Plutôt que d'invoquer constamment le général de Gaulle par facilité, relisez les discours de Philippe Séguin en la matière : comme Jean-Pierre Chevènement, il avait compris qu'il fallait cesser de mener une guerre systémique aux monopoles publics. Référez-vous aux hommes d'État avec un peu plus d'économie...

Je voterai ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Victorin Lurel .  - Je félicite toute l'assemblée, car ce texte n'est pas mineur. Nous le voterons avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Le gaullisme n'est certainement pas le soviet plus l'électricité : c'est l'équilibre entre les intérêts des salariés et ceux du marché.

Si vous appréciez autant l'intéressement, vous auriez dû voter la loi Pacte qui en facilite l'accès ! Grâce à elle, des millions de salariés sont désormais éligibles à la participation et à l'intéressement.

Avec le Président de la République, nous avons nationalisé EDF : cela prouve que nous ne sommes pas des libéraux déchaînés... Quand l'intérêt stratégique de la nation est en jeu, nous prenons nos responsabilités.

Je me réjouis de poursuivre ce débat à l'occasion de la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

Mme la présidente.  - Comme le général de Gaulle est souvent convoqué, je salue sur nos travées le président de l'Amicale gaulliste du Sénat... (Sourires)

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements à gauche ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

La séance est suspendue quelques instants.

Décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune, présentée par M. Rémi Féraud et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Discussion générale

M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Ian Brossat applaudit également.) Cette proposition de loi prévoit un décompte annuel des sans-abri, ainsi qu'un rapport annuel. Que l'on ne se méprenne pas : le décompte ne vise qu'à mettre la question des sans-abri au premier rang de nos priorités politiques ; il s'agit de mobiliser l'État, en premier lieu.

Urgence sociale et crise du logement : le contexte est très dégradé. Soixante-dix ans après l'appel de l'abbé Pierre, plusieurs personnes sont mortes de froid dans la rue ces dernières semaines.

Les collectifs Les Morts de la rue et Les Oubliés de la République déplorent 700 décès de sans-abri chaque année. Il y a 4 millions de mal-logés, dont un million sans logement personnel, parmi lesquels 330 000 SDF, selon la Fondation Abbé Pierre.

En 2023, environ 3 000 enfants vivent dans la rue. C'est contraire à nos lois et à nos valeurs universelles. Cette réalité est révoltante, le Gouvernement ne peut continuer à le nier.

Enfants vivant dans l'incertitude de l'accès à une place d'hébergement, recrudescence de la précarité alimentaire, familles se réfugiant dans les voitures : autant de marqueurs de cette détresse.

Les associations ne sont pas assez soutenues ; elles doivent encadrer des personnes aux parcours divers.

Plusieurs facteurs de fragilisation sociale existent : inflation, insuffisance de logements sociaux, coût prohibitif des logements privés...

Face à cette crise, qui rappelle l'hiver 1954, où en sommes-nous des actions mises en oeuvre ? Je vous fais grâce des déclarations d'Emmanuel Macron, promettant en 2018 que plus personne ne dormirait à la rue, ou de l'ancien secrétaire d'État au logement qui estimait qu'il n'y avait que 50 sans-abri en Île-de-France...

En mai dernier, le ministre du logement d'alors avait annoncé la création d'un observatoire du sans-abrisme. Or rien depuis sa réunion d'installation au printemps dernier : qu'en est-il réellement ?

Un amendement du groupe UC au projet de loi de finances prévoyait la création de 6 000 places d'hébergement, mais il a disparu avec le 49.3...

Mme Nathalie Goulet.  - Et voilà !

M. Rémi Féraud.  - ... avant d'annoncer une enveloppe de 120 millions d'euros sans plus de précisions.

Cette gestion au thermomètre et à la communication ne doit pas masquer la terrible réalité. Certes, il existe 200 000 places d'hébergement, le double d'il y a dix ans. Mais c'est insuffisant !

Le plan Logement d'abord a permis à 500 000 personnes d'accéder à un logement pérenne, mais il ne saurait être un slogan justifiant de laisser des personnes dormir dehors. On estime leur nombre à 330 000, contre 160 000 il y a dix ans ; en vingt ans, le chiffre a triplé. La hausse du nombre de places d'hébergement ne suit pas celle des SDF.

Il y a un an, des maires de grandes villes et des acteurs de la solidarité ont signé une tribune appelant le Gouvernement à prendre des mesures pour lutter contre la grande pauvreté. Cette proposition de loi s'appuie sur leur initiative. Des solutions existent pour lutter contre la précarité, sans créer une concurrence entre les différents publics.

Ces solutions sont promues par des collectivités territoriales. En 2018, la Ville de Paris a lancé la Nuit de la Solidarité, opération de décompte de nuit des sans-abri afin de mieux appréhender les besoins des personnes, de faire progresser les dispositifs locaux d'accompagnement et d'alerter l'État sur les besoins.

La connaissance du sans-abrisme reste insuffisante. Ces opérations sortent les personnes de l'invisibilité et mobilisent l'ensemble de la société.

Ma proposition de loi généralise cet élan, d'autant que c'est à l'État qu'en revient la responsabilité politique.

Durant le covid, quand il fallait rester chez soi, l'État a ouvert des places avec l'aide des collectivités territoriales, pour que chaque sans-abri trouve un refuge. Même la Cour des comptes a montré l'efficacité de la dépense publique. C'est bien la preuve que nous pouvons y parvenir, à condition d'avoir une volonté politique fondée sur le réel.

En matière d'hébergement, nous avons une obligation de résultat.

Je remercie Patrick Kanner et le groupe SER d'avoir demandé l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour, ainsi que la commission des affaires sociales et la rapporteure.

Adopter cette proposition de loi constituerait un progrès important pour améliorer le diagnostic sur chaque territoire, un levier pour que l'action publique soit à la hauteur des enjeux, pour que plus personne ne dorme à la rue en 2024. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, du GEST et du groupe UC ; Mme Marie-Pierre Richer et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - Selon l'Insee, une personne est considérée comme sans domicile si elle a dormi la nuit précédente dans la rue, dans un lieu non prévu pour l'habitation ou dans un centre d'hébergement généraliste. Elle est sans-abri si elle dort régulièrement dans la rue ou dans un lieu non prévu pour l'habitation. Bien sûr, ces parcours ne sont pas figés.

La politique de l'hébergement est une compétence de l'État, gérée par la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal).

Depuis 2017, des efforts ont été accomplis. Priorité est donnée à l'accès au logement des sans-abri via le plan Logement d'abord. Le nombre de places d'hébergement a augmenté de 149 000 à 203 000. Le Gouvernement veut éviter une gestion au thermomètre.

Le plan, jugé positivement par les associations, dépend de l'offre de logement social. La crise actuelle de la construction - il n'y a jamais eu aussi peu de constructions que cette année - pèse sur le dispositif.

Le Gouvernement ne peut élaborer un diagnostic suffisamment précis, faute d'indicateurs suffisants. La remontée des services du 115, les rapports des associations et les enquêtes Insee sont irréguliers - la dernière a eu lieu en 2012, sans données territoriales ; en quinze ans, la situation s'est nettement dégradée. Les outre-mer n'y figurent pas.

On retrouve les mêmes problèmes de comptage en matière de violences faites aux femmes. En sus des enquêtes nationales, un décompte en temps réel des féminicides est réalisé soit par les associations soit à partir des données du ministère de l'intérieur : ainsi, nous disposons d'un tableau de bord régulier. Le décompte prévu par le présent texte est donc complémentaire des enquêtes de l'Insee.

En 2018, - stupéfaction - le secrétaire d'État chargé du logement déclarait qu'il n'y avait qu'une cinquantaine de sans-abri en Île-de-France. La polémique qui s'en est suivie a débouché sur l'organisation du décompte ; la Ville de Paris s'y est notamment attelée, suivant l'exemple de Madrid, Londres ou Bruxelles.

La Nuit de la Solidarité mobilise 2 000 bénévoles et travailleurs sociaux.

En 2023, 27 villes de la métropole du Grand Paris et 16 communes de plus de 100 000 habitants - sur 42 - sont volontaires. Mais le manque de bénévoles, la volonté de faire une pause réduisent parfois le nombre des opérations.

Tous les acteurs plaident pour un décompte annuel et pour une meilleure harmonisation des pratiques afin d'améliorer la connaissance des sans-abri, de renforcer leur visibilité, de mobiliser les citoyens, et de créer un vecteur d'échange entre les acteurs.

Les communes agissent déjà au quotidien envers les sans-abri, via les centres communaux d'action sociale (CCAS), notamment. Elles ont besoin de données quantitatives et qualitatives actualisées.

Selon l'Insee, les femmes représentent 1 % des sans-abri ; selon la Nuit de la Solidarité, ce taux s'élève à 9 %, ce qui a permis à la Ville de Paris de créer des lieux mieux adaptés.

Quelque 40 % des jeunes sans-abri sortiraient de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Pourquoi est-il impossible d'anticiper leur sortie de l'ASE pour éviter qu'ils se retrouvent à la rue ? Il faut compter pour prévenir et pour adapter nos moyens d'action.

L'article 1er vise à créer un décompte annuel pour toutes les communes ; un décret en prévoirait les modalités. Un diagnostic territorial serait ensuite élaboré.

La commission a adopté un amendement restreignant l'organisation d'une Nuit de la Solidarité aux communes de plus de 100 000 habitants, car les communes rurales et de taille moyenne ne disposent pas toujours des moyens nécessaires : ces dernières devraient simplement transmettre au préfet le nombre de sans-abri présents sur leur territoire, comme elles le font tous les cinq ans. La Dihal centraliserait ensuite les informations.

Certes, le sans-abrisme concerne les métropoles, mais pas uniquement : Arras, qui compte 42 000 habitants, a relevé seulement quatre sans-abri lors de son dernier comptage.

La commission a prévu que le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE) rende un avis sur le décret définissant les modalités des décomptes.

L'article 2 prévoit un rapport au Parlement sur les politiques de lutte contre les sans-abri, comprenant une présentation nationale des résultats des diagnostics, et une liste des recommandations à mettre en oeuvre.

Je me félicite que la commission des affaires sociales ait adopté cette proposition de loi ainsi amendée.

Pour bien agir, il faut connaître. C'est ce que nous proposons. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Ce texte est l'occasion de nous interroger sur la pertinence de la méthode actuelle de décompte des SDF et des sans-abri. Cette estimation est une boussole.

L'action du Gouvernement repose sur deux piliers : faire monter en puissance l'hébergement d'urgence et accélérer les efforts de l'État pour l'accès de ces personnes à un logement pérenne.

Pour l'hébergement d'urgence, 203 000 places ont été ouvertes - soit un doublement en dix ans -, auxquelles s'ajoutent 114 000 places pour le dispositif national d'accueil. Soit au total, 317 000 places - centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada), centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), hôtels.

L'activation du plan Grand froid complète ce dispositif. Début janvier, Patrice Vergriete a annoncé 120 millions d'euros supplémentaires pour créer 10 000 places d'accueil pour les publics vulnérables.

Au-delà, l'État a accéléré ses efforts : 440 000 personnes ont accédé à un logement pérenne grâce au plan Logement d'abord 1, 110 000 sont sorties du sans-abrisme via le plan Logement d'abord 2.

Je salue le travail de l'auteur du texte et de la rapporteure. Il faut connaître la réalité des besoins. Oui, actuellement, il est méthodologiquement compliqué d'avoir une méthode robuste et fiable. Par définition, un SDF ne dispose pas de lieu où il peut être recensé, et certains habitats sont inconnus des recenseurs. La méthodologie diffère selon les lieux ; le recensement de jour ne permet pas de mesurer la réalité du phénomène.

Nous ne sommes toutefois pas aveugles. Plusieurs facteurs nous permettent de quantifier les besoins. Un modèle quantitatif prend en compte les facteurs de pression, afin de dénombrer, par exemple, le nombre de personnes risquant d'être expulsées. S'y ajoutent des informations sur les flux, provenant de l'attribution de logements sociaux ou, contrario, des expulsions.

L'observation sociale est un point essentiel de Logement d'abord, pour connaître précisément les besoins. Aucun élu ne s'en tient à des chiffres : tous, nous avons en tête des visages, des parcours, des silhouettes. La Dihal coordonne nos politiques de recensement. Vous souhaitez généraliser les Nuits de la Solidarité, organisées dans une quarantaine de villes. Comment harmoniser ces méthodes de comptage avec une coordination entre les villes volontaires ?

Une nouvelle enquête de l'Insee sera lancée en 2025 afin d'améliorer la connaissance sur les SDF et leur parcours. Bien sûr, nous ne la limitons pas au comptage : son champ d'observation, plus large, nécessite des années de préparation pour trouver les bonnes questions et aller à la rencontre des SDF.

Je salue le travail du service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) qui veille à ce que tous les SDF fassent l'objet d'une évaluation. La plateforme Résorption-bidonvilles fournit également des informations sur les personnes qui y vivent.

J'émettrai un avis favorable sur ce texte qui va dans le bon sens, sous réserve de l'adoption des amendements du Gouvernement. Le chemin à parcourir entre nous ne me semble pas si long. (Mme Laurence Rossignol affiche une moue dubitative.)

On ne peut traiter les communes de plus de 100 000 habitants comme les autres.

M. Laurent Burgoa.  - Très bien.

M. Christophe Béchu, ministre.  - Les élus sont exaspérés par les contraintes qui leur sont imposées, surtout dans les petites communes : gare à ne pas les décourager.

Est-il nécessaire de réaliser une enquête annuelle ? France urbaine propose qu'elle ait lieu une fois tous les deux ans.

Entre 50 et 36 000 communes, il y a un équilibre à trouver. (M. Marc Laménie renchérit.) Il faut aller à l'essentiel, prioriser les lieux où se situent les besoins. En limitant le nombre de communes concernées, nous renforcerons plus utilement nos moyens d'accompagnement et d'accueil.

Mme Solanges Nadille .  - Depuis 2018, la politique de prévention et de lutte contre le sans-abrisme a connu un profond renouvellement.

Les plans Logement d'abord 2018-2022 et 2023-2027 ont fait de l'accès au logement des sans-abri et des mal-logés une priorité. Le nombre de places d'hébergement a augmenté de 36 % entre 2017 et 2022. La programmation pluriannuelle remplace une politique au thermomètre. La loi de finances pour 2024 consacre 2,9 milliards d'euros à l'hébergement d'urgence, soit une augmentation de 65 % depuis 2017.

Malgré ces avancées, on compte 300 000 sans-abri en France. Faute de régularité dans la collecte des données, la connaissance du sans-abrisme reste lacunaire, même si certaines villes ont organisé des Nuits de la Solidarité. La dernière enquête de l'Insee en 2012 ne permet pas d'avoir des statistiques par territoire. La prochaine fournira des données en 2027, mais sans l'outre-mer - je le regrette fortement.

La connaissance du sans-abrisme est cruciale. Si l'hébergement est une compétence de l'État, localement les communes aident les sans-abri via les CCAS. Sans données quantitatives et qualitatives, les municipalités ne peuvent adapter leurs mesures de soutien.

Les modifications en commission sont pertinentes, notamment la fixation d'un seuil de 100 000 habitants, excluant ainsi les communes rurales et les villes moyennes du décompte obligatoire

Le RDPI votera ce texte, qui sera utile à la prévention et à la lutte contre le sans-abrisme.

Afin que la charge ne pèse pas excessivement sur les communes, nous soutenons les cinq amendements du Gouvernement.

Il faudra enfin travailler sur le mal-logement, qui touche quatre millions de Français, dont trois personnes sur dix en outre-mer. Nous ne pouvons le tolérer. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Mme Annie Le Houerou .  - En ce début d'année, la vague de grand froid a fait au moins quatre morts. Le collectif Les Morts de la rue répertorie 624 décès en 2022 de personnes sans abri ou résidant dans des structures d'hébergement temporaires. Cette réalité persistante ne peut pas être ignorée. Derrière, il y a des femmes, des hommes, des enfants - 3 000, selon l'auteur.

Selon la Fondation Abbé Pierre, 330 000 personnes sont sans domicile, un nombre en hausse de 130 % depuis 2012, et 4,15 millions de personnes sont considérées comme mal logées.

La Nuit de la Solidarité lancée en 2018 par la Ville de Paris, à la suite de Madrid, Londres ou Bruxelles, mobilise 2 000 bénévoles et travailleurs sociaux ; seize villes de plus de 100 000 habitants l'ont suivie, après 27 communes du Grand Paris. Elle aura lieu demain soir à Paris. L'an dernier, 3 000 personnes sans solution d'hébergement, dont 105 mineurs, avaient été recensées à Paris.

L'hébergement est compétence de l'État, mais je salue l'action des communes, des élus locaux, des associations de solidarité.

Les femmes à la rue sont particulièrement vulnérables. Selon le Samu social de Paris, la proportion de femmes parmi les sans-abri est passée de 2 % en 2012 à près de 10 % en 2022.

Il ne faut pas négliger le milieu rural. Un recensement à l'échelle de toutes les communes permettrait une appréhension plus complète de l'exclusion. Invisibilisées, ces personnes dorment souvent dans une voiture, un garage, ou dans des bâtiments abandonnés. Dans les territoires ruraux, les structures d'hébergement manquent.

Les causes du sans-abrisme sont entremêlées : la perte d'un emploi, une rupture familiale, un accident de la vie peut conduire à la marginalisation. Le risque n'est pas le même pour tous : 23 % des sans-abri de 18 à 25 ans sont d'anciens enfants de l'ASE, 86 % ont vécu un événement douloureux dans leur environnement familial.

Face à l'urgence, l'ancien ministre du logement a proposé le recrutement de 500 personnes pour soulager le 115. Le 8 janvier 2024, il annonçait 120 millions supplémentaires pour l'hébergement d'urgence.

C'est insuffisant, faute d'ambition de long terme. Il faut construire une politique structurelle d'accompagnement, avec les associations.

Laurence Rossignol a su trouver un consensus, en limitant l'obligation d'un recensement annuel aux villes de plus 100 000 habitants, car les communes rurales manquent de moyens. En revanche, je suis réservée sur les amendements du Gouvernement, qui altèrent la nature du texte et sous-estiment l'ampleur du phénomène.

Je remercie Rémi Féraud. Avec cette proposition de loi, il s'agit de compter pour mieux connaître et mieux combattre la précarité. Il faudra tirer les conséquences de ce recensement en termes de prévention et d'offre d'accompagnement. Nous plaidons pour une revalorisation des minima sociaux, une extension du RSA aux jeunes et une vraie politique de protection de l'enfance. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

Mme Agnès Evren .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La crise du logement frappe un nombre croissant de Français. La Fondation Abbé Pierre estime le nombre de sans-abri à 40 000, contre 27 000 en 2016. En 2022, 624 sont morts dans la rue, un chiffre sans doute sous-évalué. La dernière Nuit de la Solidarité a décompté 3 015 personnes sans solution d'hébergement ; 77 % d'entre elles n'appelaient même plus le 115.

Le 115, saturé, oriente désormais des femmes vers des squats. L'État a fixé des critères de priorité aberrants, instaurant une concurrence entre publics vulnérables. Alors qu'une femme à la rue est violée en moins de 24 heures, que 84 % subissent des violences, une femme enceinte ne serait pas prioritaire ? Un bébé de 4 mois ne serait pas prioritaire ? C'est d'une violence insupportable.

L'État a été incapable de traiter les causes profondes de l'exclusion : précarisation énergétique, flambée de l'inflation, paupérisation de ménages modestes, occupation des places d'hébergement d'urgence par des personnes qui devraient être en logement social.

La lutte contre le sans-abrisme passe par l'ouverture de nouvelles places d'hébergement d'urgence, en particulier pour les femmes seules, et par une protection renforcée, mais elle doit s'inscrire dans un combat plus large contre le mal-logement.

Nous n'avons pas besoin d'un rapport pour connaître les zones tendues ! Paris a besoin d'un changement profond de fonctionnement, alors que sa population se paupérise et qu'elle devient la ville des très aidés et des très aisés. L'hébergement d'urgence ne peut être qu'une solution de première nécessité. Nous devons agir pour que chacun accède au logement, notamment via la location, et réinsérer activement les personnes en situation de grande exclusion.

Quelle sera la portée concrète de ce texte, alors que sa mise en place est subordonnée à un rapport du Gouvernement ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Rémi Féraud applaudit également.)

Mme Corinne Bourcier .  - En 2012, l'Insee recensait 12 500 personnes sans abri ; quatre ans plus tard, le recensement de la population en dénombrait 27 000, quand la Cour des comptes avance le chiffre de 40 000. Derrière cette augmentation effrayante, il y a des hommes, des femmes, des enfants, qui vivent, ou plutôt survivent, dans un grand dénuement.

Connaître leur nombre est un préalable à toute politique de prévention - d'où l'intérêt de l'organisation annuelle de la Nuit de la Solidarité. Cette proposition de loi est donc la bienvenue. Son article 1er organise un décompte systématique dans chaque commune, dont les modalités seront définies par décret. Son article 2 prévoit un rapport au Parlement comprenant un diagnostic et des recommandations.

La commission a procédé à des ajustements bienvenus. Le seuil de 100 000 habitants pour organiser une Nuit de la Solidarité est équilibré : le sans-abrisme concerne plus particulièrement les métropoles, et les petites communes ont moins de moyens. Associer le CNLE est pertinent : son avis sera annexé au rapport. Je salue la qualité des travaux de la rapporteure.

Le sans-abrisme nous concerne tous, il touche à l'humain. Ce texte pragmatique, utilement amendé en commission, concourra à des politiques publiques plus efficaces. Le groupe INDEP le votera avec conviction. (Applaudissements sur quelques travées)

Mme Nadia Sollogoub .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 1er décembre dernier, je présentais le rapport pour avis de la commission des affaires sociales sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». Les auditions avaient été sans appel : la situation, dramatique, s'aggrave. Chaque jour, sous nos yeux, des hommes, des femmes, des enfants passent la nuit dans la rue.

La Nuit de la Solidarité s'est tenue dans la nuit du 26 au 27 janvier 2023 dans 42 communes - c'est l'occasion de poser le regard sur les ombres de la rue, de les recenser, de les rendre visibles.

Je salue le travail, empreint d'humanité, des travailleurs sociaux. Ils dressent le tableau de sans-abri de plus en plus fragiles, précaires, comprenant de plus en plus de personnes âgées, de familles.

La Croix-Rouge, qui fait des maraudes dans 85 départements, a comptabilisé jusqu'à 6 200 demandes non pourvues - sachant que 87 % des personnes rencontrées déclaraient ne pas avoir appelé le 115, embolisé. Nous ne voyons qu'une partie de la réalité !

Le groupe UC votera cette proposition de loi, dès lors qu'elle n'induit pas de charge supplémentaire pour les petites communes.

Si Bercy ne comprend que les chiffres, alors produisons-en. Les milliers d'enfants qui ont fait leur rentrée scolaire dans la rue ne sont pas des statistiques, et ne pèsent donc pas bien lourd, les pauvres ! Avec ou sans chiffres, personne ne peut dire : nous ne savons pas. Nous ne devrions pas avoir besoin de compter ces malheureux pour obtenir les moyens de les mettre à l'abri.

L'écart entre l'offre et les besoins est tel qu'on a instauré un système de tri. Dans une ville, il n'y a de place que pour les femmes battues ayant porté plainte et menacées de mort ; tous les autres sont refoulés.

Le secteur du logement est en crise. Les locataires ne peuvent accéder à la propriété, ceux qui sont dans l'hébergement d'urgence ne peuvent accéder à un logement social, ceux qui sont à la rue y restent.

Il faut faire vite et se donner des moyens. Or la volonté politique fait défaut. Des places supplémentaires d'hébergement d'urgence ont été ouvertes, mais pas suffisamment. L'État n'est pas au rendez-vous. C'est pourquoi le Sénat a rejeté les crédits d'un programme 177 manifestement insincères et insuffisants.

Les associations sont le derrière filet de sécurité, mais il est en train de craquer. Renvoyer la balle aux communes n'est plus possible. Hier, des personnes tentant de venir en aide à une jeune femme dans la rue, à deux pas d'ici, appellent la mairie de Paris et s'entendent dire qu'il faut s'adresser au Gouvernement ! C'est indigne.

Je vote pour avoir un rapport chiffré à agiter comme un chiffon rouge, pour qu'on arrête de faire semblant. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Marie-Pierre Richer et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Anne Souyris .  - Demain, à la nuit tombée, avec les élus de Paris et avec 2 000 bénévoles, comme chaque année depuis 2018, je parcourrai les rues dans cet effort collectif.

La situation s'aggrave - inutile de répéter les chiffres qui ont été donnés, et qui vont tous dans le même sens.

En 2020, je maraudais avec les bénévoles, dont beaucoup travaillaient déjà dans le secteur de la solidarité. Aux urgences de l'hôpital Saint-Louis, dans le 10e, j'ai vu des gens qui venaient dormir toutes les nuits dans la salle d'attente. Ils étaient accueillis par les soignants, avec solidarité et dignité. L'hôpital demeure un refuge de dernier recours, donnant sens à la valeur de fraternité. Les soignants continuent de permettre à ces personnes de dormir quelques heures sur un brancard : c'est le « tri 5 », dans le jargon des infirmières.

De plus en plus de femmes et d'enfants dorment à la rue. Devant l'école Félix Faure, dans le 15e, j'étais avec des parents et des enseignants qui réclamaient l'hébergement d'une quinzaine d'enfants à la rue. La Ville de Paris a ouvert des centres, mais l'État doit prendre ses responsabilités et héberger tous les enfants, quel que soit leur statut administratif. Nous, parlementaires, ne cessons de vous alerter. Monsieur le ministre, réveillez-vous !

Je salue chaleureusement Rémi Féraud, la rapporteure Laurence Rossignol et le groupe SER qui a inscrit ce texte à notre ordre du jour.

Je remercie les élus locaux et les citoyens engagés qui organisent la Nuit de la Solidarité, à Paris, avec Anne Hidalgo, mais aussi à Bordeaux, à Lyon, à Grenoble, et dans de nombreuses autres villes. Le GEST votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Ian Brossat .  - Didier, 52 ans, à Paris ; Jean-Pierre, à Toulon ; Nana, à Marseille ; Elton, 44 ans, à Rosselange ; un bébé de 4 mois, à Paris : ce sont quelques-uns des 40 sans-abri qui ont perdu la vie durant la dernière vague de froid. Ces réalités ne sont certes pas nouvelles - on se souvient de l'appel de l'abbé Pierre, il y a 70 ans, mais elles prennent une ampleur inquiétante : 330 000 personnes sans domicile, contre 143 000 en 2012, un triplement depuis 2000. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Ces dernières années, et singulièrement depuis sept ans, il y a eu un aveuglement sur cette question. En 2018, alors ministre du logement, Julien Denormandie chiffrait à une cinquantaine le nombre de sans-abri en Île-de-France. Sylvain Maillard, député de Paris, président du groupe de la majorité présidentielle, a affirmé que les sans-abri l'étaient par choix ! C'est dire l'ampleur du déni.

Lors de l'examen du projet de loi de finances, certains proposaient 10 000, ou 6 000, places d'hébergement supplémentaires. Le ministre Vergriete l'avait refusé - avant d'accorder des crédits supplémentaires, quelques semaines plus tard !

Cette proposition de loi, juste et nécessaire, permettra de mesurer les besoins, territoire par territoire, et, sur cette base, d'exiger de l'État les moyens nécessaires - pour qu'un ministre ne puisse jamais plus parler comme M. Denormandie ou M. Maillard ; pour qu'ensemble, collectivités locales et État, nous mettions un terme au scandale du sans-abrisme.

Nous voterons évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Grosvalet .  - « Le petit bébé de la cité des Coquelicots à Neuilly-Plaisance, mort de froid le 4 janvier, pendant le discours ou vous refusiez les cités d'urgence, nous allons l'enterrer le 7 janvier. Pensez à lui. » C'est ainsi que l'abbé Pierre interpellait le ministre, le 5 janvier 1954.

Gouverner, c'est d'abord loger son peuple, disait-il. En 2017, le Président de la République déclarait : « la première bataille est de loger tout le monde dignement » et s'engageait à ce qu'il n'y ait plus d'hommes et de femmes à la rue. Sept ans plus tard, c'est une bérézina.

Derrière le chiffre affolant de 330 000 sans-abri, il y a des hommes, des femmes, des enfants : Sofia, à la rue après avoir perdu son emploi ; le petit Quentin, qui fait ses devoirs d'école dans les cages d'escalier et dort aux urgences avec sa maman ; Irina, qui ne trouve pas de travail, faute de toit. À ces quotidiens brisés s'ajoute une dure réalité sanitaire : 50 ans d'espérance de vie en moyenne pour un homme, 46 ans pour une femme. La rue tue : 624 morts en 2022.

Ces drames sont sous nos yeux, à deux pas de ce palais, dans nos villes et même nos villages. Terrible paradoxe, les personnes à la rue deviennent invisibles à mesure que leur nombre croît. Nous saluons l'action des associations et des ONG qui comblent les lacunes des politiques publiques et nous rappellent à notre devoir de fraternité. Nous avons échoué à garantir le strict minimum : la dignité par le logement.

Même si je n'aime pas le terme de « décompte », le RDSE soutient ce texte. Recenser les personnes sans-abri, disposer de données actualisées permettra de suivre le phénomène au plus près ; la remise d'un rapport annuel assurera que le sujet reste au coeur de nos débats.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Philippe Grosvalet.  - Jamais je n'aurais imaginé soutenir un jour une telle proposition de loi. Il est grand temps que chacun ait un toit au-dessus de sa tête. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie Rémi Féraud et ses collègues pour cette initiative de solidarité. Il n'est pas simple de recenser les sans-abri. Les métropoles sont en première ligne, mais tous les territoires sont concernés, y compris les Ardennes.

Je remercie la rapporteure et les membres de la commission des affaires sociales qui ont travaillé sur ce sujet. Oui, il est essentiel de mobiliser tous les acteurs. M. le ministre a rappelé le rôle de l'État, avec le plan Grand froid, les 317 000 places d'hébergement d'urgence.

Le sujet est bien sûr financier - Arnaud Bazin et Éric Bocquet, rapporteurs spéciaux de la commission des finances pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », le savent - mais il est avant tout humain. Je rappelle également le travail effectué au sein de la délégation aux droits des femmes, sur les violences faites aux femmes.

L'État, les collectivités territoriales, les associations, les bénévoles, chacun a un rôle à jouer. Je suivrai la commission, en remerciant toutes et tous pour leur engagement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER)

Discussion des articles

Article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les services de l'État chargés de la politique de prévention et de lutte contre le sans-abrisme coordonnent les décomptes mentionnés au premier alinéa. Chacune des communes visées au premier alinéa transmet au représentant de l'État dans le département les données collectées relatives au nombre de personnes sans abri sur son territoire.

III.  -  Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Christophe Béchu, ministre.  - En l'état du texte, toutes les communes seraient concernées, y compris celles de moins de 100 000 habitants, avec en outre un décalage sur l'harmonisation des décomptes. Actuellement, seule une quarantaine de communes pratiquent un tel recensement. Certaines grandes villes n'ont jamais organisé de Nuit de la Solidarité. Commençons par systématiser le décompte dans les communes de plus de 100 000 habitants.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - La commission remercie le Gouvernement de se préoccuper des charges des communes et l'encourage à continuer ! (Sourires sur les travées du groupe SER)

La commission a adopté un amendement qui prévoit deux systèmes parallèles : un dispositif type Nuit de la Solidarité dans les communes de plus de 100 000 habitants, un simple recensement pour les autres, qui sauront se saisir du dispositif.

Le sans-abrisme concerne désormais aussi les villes moyennes et les communes rurales. En ne ciblant que les grandes villes, on ne leur adresse pas le bon message : elles ont besoin d'être entraînées dans la dynamique nationale de comptage, de savoir que les chiffres remontés seront pris en compte, qu'il y aura un dialogue avec le préfet pour trouver des solutions de prévention...

L'amendement de la commission prend déjà en compte la différence de taille des communes.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Dans une ville moyenne, la police municipale, les gendarmes, le CCAS sauront vous dire combien il y a de SDF. Il faut juste faire remonter les chiffres. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Je voterai cet amendement du Gouvernement, qui est de bon sens. Que l'on traite à part les villes de plus de 100 000 habitants, soit. Pour les autres, on n'est pas obligé de tout écrire dans la loi ! Laissons les communes faire ce qu'elles savent faire, sans les contraindre par la loi.

Mme Catherine Di Folco.  - Monsieur le ministre, il vous reste de votre passage sur nos bancs un certain bon sens sénatorial ! Évitons en effet de rajouter des contraintes aux petites communes.

Mme Nadia Sollogoub.  - Je salue le travail de fond de la rapporteure. Nul doute que les communes de moins de 100 000 habitants sauront faire remonter les chiffres si elles en disposent. Reste que ramener la périodicité de cinq ans à un an représente une nouvelle contrainte. Je suivrai le Gouvernement sur cet amendement.

M. Rémi Féraud.  - J'apprécie l'ouverture du ministre - à condition que la proposition de loi ne soit pas dénaturée. Je souhaite que nous nous tenions au compromis trouvé par la commission : les communes de plus de 100 000 habitants organiseraient une Nuit de la Solidarité, les autres auraient une plus grande marge de manoeuvre sur le décompte.

Mme Corinne Bourcier.  - Le groupe INDEP est favorable à cet amendement de bon sens.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous sommes d'accord avec Rémi Féraud. Dans nos communes, notamment les plus petites, nous connaissons les personnes sans-abri, généralement inscrites aux CCAS.

Pourquoi un seuil de 100 000 habitants ? Dans le Pas-de-Calais, Calais ou Sangatte ne seraient pas concernées, alors que les sans-abri y sont nombreux.

Mme Anne Souyris.  - L'amendement du Gouvernement altère le texte initial. Il est nécessaire d'évaluer les besoins au plus près du terrain, y compris en milieu rural.

Mme Élisabeth Doineau.  - J'appuie l'avis de la commission. Les CCAS ont pour mission d'observer les personnes fragiles de leur commune et de les accompagner. L'obligation existe donc déjà. Nous avons besoin d'un décompte aussi exhaustif que possible.

M. Laurent Burgoa.  - Au sein de la délégation aux collectivités territoriales, nous ne cessons d'appeler à l'allègement des contraintes. Le Président de la République lui-même insiste sur la nécessité de simplifier. Commençons par ne pas créer une nouvelle contrainte pour les communes de moins de 100 000 habitants ! La secrétaire de mairie qui reçoit déjà plus de 200 mails par jour va finir par craquer... Pour une fois, je suivrai le Gouvernement.

M. Philippe Grosvalet.  - Qui peut imaginer que recenser les personnes à la rue soit une contrainte pour les maires ? (Assentiment à gauche) Dans ma ville de 70 000 habitants, je me souviens avoir tenté, avec le maire, de trouver une solution pour un jeune à la rue, sans succès. Jamais nous n'avons eu autant de problèmes de logement et autant de personnes à la rue.

M. Laurent Burgoa.  - Je parlais de la ruralité.

Mme Laurence Harribey.  - Il n'y a pas de contrainte, puisque cela se fait déjà. Ce décompte est, au contraire, un moyen de reconnaître un problème qui se développe partout, y compris en milieu rural, et qu'il faut prendre à bras-le-corps.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Je suivrai l'avis de la commission. On n'exige pas des communes qu'elles deviennent l'Insee, mais la publication annuelle d'un chiffre contribuera à une prise de conscience salutaire. C'est la vertu du rapport de la Fondation Abbé Pierre.

M. Éric Kerrouche.  - J'ai du mal à comprendre cet amendement. Il n'y a que quarante communes de plus de 100 000 habitants. (M. Christophe Béchu le réfute.) Cet échantillonnage n'est pas suffisant. Dans les communes intermédiaires, l'Insee fournit déjà des méthodologies pour faciliter les repérages. Votre amendement va à rebours de l'objectif qui est de tendre vers l'exhaustivité.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Nul doute que l'amendement du Gouvernement part d'une bonne intention, mais il envoie comme message que le sans-abrisme est un phénomène qui ne concerne que les villes de plus de 100 000 habitants.

Mme Laurence Harribey.  - Exactement !

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Or les villes petites et moyennes rencontrent les mêmes problèmes, et sont seules pour y faire face. Je crains que votre amendement n'aggrave cette solitude.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - N'importe quoi...

M. Christophe Béchu, ministre.  - Ce n'est pas le Gouvernement qui a imaginé le seuil de 100 000 habitants, mais M. Féraud.

M. Rémi Féraud.  - C'est la commission.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Pour différencier les méthodes.

M. Christophe Béchu, ministre.  - Si l'on applique des méthodes différentes, les données obtenues ne seront pas fiables. Cet amendement permet une harmonisation : il est la condition de notre soutien au texte.

N'envoyons pas un contre-message au moment où nous cherchons à simplifier. Les Nuits de la Solidarité relèvent d'une action militante qu'il convient de systématiser. Mais prévoir des méthodes différentes va à l'encontre de l'objectif de fiabilité.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Très bien !

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

une fois par an

par les mots :

tous les deux ans

M. Christophe Béchu, ministre.  - Nous relayons la proposition de France urbaine, qui propose que le recensement soit mené une année sur deux.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Avis défavorable. Personne ne prétend que les chiffres remontés seront exhaustifs. L'important, c'est le tableau de bord, et l'évolution d'une année sur l'autre - pas tous les deux ans.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

de nuit

par les mots :

une nuit donnée

M. Christophe Béchu, ministre.  - Cet amendement propose d'harmoniser la méthodologie des opérations de décompte pour éviter les doubles comptes.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Avis défavorable. Ce n'est pas cohérent avec l'amendement n°3, qui allégeait les contraintes sur les communes. Or là, vous voulez mettre tout le monde au carré.

M. Christophe Béchu, ministre.  - Pour les plus de 100 000 habitants !

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Il y a un encadrement par la Dihal. Les communes seront soutenues et encadrées. Ne fantasmez pas sur l'itinérance des sans-abri les faisant passer d'une ville à l'autre en 48 heures juste pour embêter le Gouvernement...

M. Éric Kerrouche.  - Pour plus de fiabilité, il faudrait moins de données, et des données à un seul endroit, dites-vous, monsieur le ministre ? Je ne comprends pas moi non plus l'articulation avec l'amendement n°3.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

auquel participent des travailleurs sociaux et des bénévoles

M. Christophe Béchu, ministre.  - C'est un amendement rédactionnel.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Pas tout à fait : avec d'autres acteurs, les travailleurs sociaux et les bénévoles participent aux Nuits de la Solidarité. Il est utile de le préciser dans la loi. Avis défavorable.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les données sont publiées, sous la forme d'une cartographie pour les communes de plus de 100 000 habitants.

Mme Anne Souyris.  - Nous voulons publier sur internet les données récoltées dans le cadre du dispositif prévu à l'article 1er, sous forme de cartographie pour les communes de plus de 100 000 habitants : ainsi, nous sortirons des fake news et le débat démocratique sera éclairé.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - La proposition est intéressante, mais elle ne relève pas du domaine législatif. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre.  - J'ai beaucoup de joie à dire que je suis totalement d'accord avec Laurence Rossignol ! (Sourires) Cela ne relève pas du domaine législatif. Avis défavorable.

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté.

Article 2

L'amendement n°7 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ce rapport précise le nombre de femmes et d'enfants sans-abris dans chaque commune et au niveau national.

Mme Anne Souyris.  - Nous voulons préciser dans le décompte le nombre de femmes et d'enfants parmi les sans-abri. En France, 2 822 enfants sont refusés chaque soir par le 115 - 700 au moins à Paris - et encore, le chiffre est sous-estimé.

Il faut avoir un chiffre différencié pour adapter les hébergements aux enfants et aux familles.

Les violences de la rue touchent particulièrement les femmes et les enfants. Des femmes avec des bébés de moins de trois mois tournent toute la journée dans le métro pour avoir chaud ! Ayons des chiffres précis et genrés.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Avis favorable. Ce recensement ne doit pas seulement fournir des chiffres : il doit aussi apporter des informations sur les personnes, comme leur genre. La délégation aux droits des femmes procède actuellement à un rapport sur la situation des femmes à la rue. C'eût été probablement l'une des préconisations du rapport.

M. Christophe Béchu, ministre.  - Avis très favorable. Le sujet ne se cantonne pas uniquement au nombre de personnes concernées : il faut aussi tenir compte de leurs caractéristiques, afin que nous puissions ajuster les dispositifs.

L'amendement n°1 rectifié est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Rémi Féraud .  - Je me félicite de ces débats et remercie la commission des affaires sociales de son important travail sur ce texte. J'ai entendu les restrictions que le Gouvernement voulait apporter. J'ai aussi entendu le ministre dire qu'il était ouvert et qu'il fallait un décompte annuel et des chiffres objectivés pour agir mieux.

Ce texte, qui relève d'une opposition constructive, est un soutien au ministre du logement pour qu'il dispose d'un budget à la hauteur des besoins. Nous avons essayé d'y contribuer lors du dernier projet de loi de finances.

Nous sortons les personnes de l'invisibilité et organisons un débat annuel, à l'instar des budgets. Voici un outil pour agir à la hauteur de la situation actuelle, catastrophique ; la crise du logement est devant nous. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K, ainsi que du GEST ; MM. Philippe Grosvalet et Olivier Henno applaudissent également.)

Conférence des présidents

Mme la présidente.  - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents réunie ce soir sont consultables sur le site du Sénat.

En l'absence d'observations, je les considère comme adoptées.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

Prochaine séance demain, jeudi 25 janvier 2024, à 10 h 30.

La séance est levée à 20 h 10.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 25 janvier 2024

Séance publique

De 10 h 30 à 13 heures et à 14 h 30

Présidence : Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Loïc Hervé, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne

1. Débat sur les pratiques des centrales d'achat de la grande distribution implantées hors de France

2. Proposition de loi visant à améliorer le dépistage des troubles du neuro-développement, l'accompagnement des personnes qui en sont atteintes et le répit de leurs proches aidants, présentée par Mme Jocelyne Guidez et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°246, 2023-2024)

3. Explications de vote puis vote sur la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités locales, présentée par M. Vincent Delahaye et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°261, 2023-2024) (demande du groupe UC)