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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Pratiques des centrales d'achat de la grande distribution implantées hors de France

Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe UC

Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement

M. Serge Mérillou

Mme Sophie Primas

M. Pierre Jean Rochette

M. Guislain Cambier

M. Guillaume Gontard

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Michel Masset

M. Didier Rambaud

M. Jean-Claude Tissot

M. Laurent Burgoa

M. Yves Bleunven

Mme Marie-Do Aeschlimann

M. Franck Menonville, pour le groupe UC

Dépistage des troubles du neuro-développement

Discussion générale

Mme Jocelyne Guidez, auteure de la proposition de loi

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

M. Laurent Burgoa

Mme Marie-Claude Lermytte

M. Olivier Henno

Mme Anne Souyris

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Véronique Guillotin

Mme Solanges Nadille

Mme Corinne Féret

M. Philippe Mouiller

Discussion des articles

Article 1er

Article 2

Après l'article 4

Article 7

Après l'article 7

Droit applicable aux collectivités locales

Mme Nathalie Delattre, rapporteure de la commission des lois

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

Discussion des articles

Article 15

Article 17 (Réservé - LEC)

Vote sur l'ensemble des articles examinés, en application de l'article 47 ter du Règlement, selon la procédure de législation en commission (articles 1er à 14 et 16 à 19)

Explications de vote

M. Pierre Jean Rochette

M. Vincent Delahaye

M. Guy Benarroche

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Michel Masset

Mme Patricia Schillinger

M. Christophe Chaillou

Mme Marie-Do Aeschlimann

Ordre du jour du mardi 30 janvier 2024




SÉANCE

du jeudi 25 janvier 2024

56e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Pratiques des centrales d'achat de la grande distribution implantées hors de France

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur les pratiques des centrales d'achat de la grande distribution implantées hors de France, demandé par le groupe UC.

Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe UC .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Depuis 2018, après les états généraux de l'alimentation, quatre lois ont été promulguées, pour une plus juste rémunération des agriculteurs.

Mais elles ont été rapidement contournées. Les grandes enseignes de distribution ont ouvert des centrales d'achat à l'étranger, ce qui est leur droit selon le droit européen, mais ce qui a servi de support à des pratiques commerciales contraires aux lois Égalim - facturation excessive de certains services, pressions pour un retour au prix d'avant inflation, menaces de déréférencement, dénigrement des fournisseurs...

Leclerc est en affaires avec Eurelec, Carrefour avec Eureca, Intermarché et Casino avec Global Retail Services et Système U avec Everest et Epic. Nous ne disposons pas de chiffres, mais leur importance grandit manifestement.

L'article 1er de la loi Descrozaille dispose que la législation française s'applique à tout contrat portant sur des produits commercialisés sur le sol français - d'où les 117 millions d'euros demandés par l'État à Eurelec pour non-respect de la réglementation.

Mais à la suite de l'arrêt du 22 décembre 2022 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), la mobilisation de Bercy a faibli et les enseignes se sont alignées sur les mauvaises pratiques d'Eurelec.

La CJUE ne s'est pas prononcée sur la compétence du juge français. Rien n'empêche donc le Gouvernement d'exercer sa mission de police du commerce.

Eurelec respecte-t-elle désormais la loi Égalim ? Combien de contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a-t-elle menés en 2023 ?

Seul Everest semble avoir respecté les dates butoirs des 15 et 31 décembre, mais ni Eureca ni Eurelec. La date butoir du 15 janvier pour les PME a-t-elle été respectée ?

Il semblerait que les marques distributeurs prospèrent, ce qui pose la question de la concentration, les distributeurs se faisant industriels. C'est pourquoi le Sénat avait étendu le champ des lois Égalim aux marques distributeurs. Sauf action de votre part, ce sera peine perdue.

Cerise sur le gâteau : la demande, par le ministre de l'économie, d'une baisse des prix à tout prix crée un sentiment d'impunité.

Ce phénomène n'est pas spécifique à la France : vingt parlementaires européens ont demandé à la Commission européenne d'agir contre les alliances de distributeurs. Mais ce sujet ne sera à l'ordre du jour que fin 2025...

La grande distribution contre-attaque sans vergogne, en déposant un recours contre la loi Descrozaille, qui serait protectionniste, car elle empêcherait les alliances européennes de distributeurs... Elle ne les empêche nullement, mais demande le simple respect du droit français.

Que comptez-vous faire pour faire respecter le droit français ? Des sanctions immédiates seront-elles prises si les dates butoirs n'ont pas été respectées ?

Les normes écologiques ont un coût et ne peuvent être supportées par les seuls agriculteurs et entreprises agroalimentaires. Le sens des lois Égalim est de reconnaître la valeur ajoutée de chaque maillon de la chaîne. Mais la dernière loi sur les négociations commerciales, portée par le ministre de l'économie, remet tout en cause en visant une baisse des prix coûte que coûte. Une nouvelle guerre des prix entre distributeurs aurait des conséquences désastreuses pour nos entreprises agroalimentaires, nos agriculteurs, notre alimentation et notre balance commerciale.

Comment ferez-vous respecter le droit français par les centrales d'achat établies à l'étranger ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)

Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement .  - Depuis 2017, le Gouvernement est pleinement engagé pour la protection du revenu des agriculteurs. Le Sénat est attentif à ce sujet difficile, qui s'exprime dans l'actuelle mobilisation des agriculteurs.

Nous devons d'abord appliquer les lois votées.

Les agriculteurs nous nourrissent ; c'est stratégique dans un contexte où des puissances étrangères font de l'alimentation une arme. Mais le partage de valeur est encore insatisfaisant. La loi Égalim 2 constitue une avancée majeure pour la défense de notre pouvoir d'achat et la protection du revenu des agriculteurs : le prix est construit selon une marche en avant et la matière première agricole est sanctuarisée.

La loi repose sur deux piliers ; en amont, elle impose la contractualisation écrite entre l'agriculteur et le premier acheteur, avec une prise en compte de l'évolution des coûts ; en aval, entre l'industriel et le distributeur, elle prévoit le soclage du coût de la matière première agricole, qui ne peut plus être renégocié.

Chaque année depuis trois ans, plus de 120 agents de la DGCCRF sont mobilisés pour assurer le contrôle de ces dispositions. En cas de manquement, des leviers juridiques puissants sont utilisés contre les principales enseignes : injonctions sous astreintes financières, sanctions administratives, assignations en justice. C'est ainsi qu'en 2019, la DGCCRF a demandé au juge civil de prononcer une amende de 117,3 millions d'euros à l'encontre d'Eurelec.

En outre, chaque année, plus de 600 sanctions sont prononcées pour non-respect de l'indication d'origine française.

L'articulation entre le droit européen et le droit français peut interroger. Mais le recours à des centrales situées hors de France n'interdit nullement l'application de la loi française. Ainsi, ces deux dernières années, plusieurs distributeurs français ont fait l'objet de sanctions atteignant parfois plusieurs dizaines de millions d'euros.

Notre agriculture joue un rôle majeur pour notre souveraineté alimentaire, notre activité économique, notre transition écologique et la cohésion de nos territoires. En cette période de forte mobilisation, cette contribution essentielle doit être rappelée. Il faut donner aux agriculteurs les moyens de réaliser leur activité dans de bonnes conditions et leur garantir une juste rémunération.

M. Serge Mérillou .  - Ce débat tombe à point nommé au regard de la mobilisation des agriculteurs. La situation nous oblige à une meilleure reconnaissance du travail et à une meilleure rémunération des agriculteurs. Elle nous oblige au respect de la lettre et de l'esprit des lois Égalim, qui, pour l'instant, sont un échec cuisant.

Eurelec, Eureca, Everest : ces centrales inconnues des Français mènent une guerre des prix qui se répercute sur les producteurs, usant de stratagèmes aux limites de la légalité. Leurs profits sont sacrés et rien, aucune considération éthique, ne les arrête - peu importe si les agriculteurs en meurent.

Pour y remédier, le Parlement a adopté la loi Descrozaille, critiquée par les distributeurs qui l'estiment contraire au droit européen.

Madame la ministre, que comptez-vous faire pour améliorer la rémunération des agriculteurs et réguler cette guerre des prix ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Sachons reconnaître le travail réalisé : le paquet Égalim, qui a permis de sécuriser la rémunération des agriculteurs, entre progressivement en application.

Depuis Égalim 1 qui appelait à la structuration des filières, le revenu des agriculteurs s'est amélioré. Le cadre législatif est solide, renforcé par la loi Descrozaille. En outre, Bruno Le Maire s'apprête à lancer une mission sur la sécurisation de la rémunération des agriculteurs.

M. Serge Mérillou.  - En prônant la baisse des prix en supermarché, votre gouvernement aggrave les difficultés des agriculteurs.

Mme Sophie Primas .  - Les négociations commerciales sont en cours, et les Français subiront des hausses de prix dès février. La petite musique du Gouvernement sur la baisse des prix s'est étonnamment tue ces derniers jours...

Certaines centrales d'achat européennes demandent en préambule à toute négociation un prix unique - le plus bas, bien entendu - dans toute l'Europe. Dès Égalim 1, Mme Loisier avait alerté sur ce risque de contournement.

Madame la ministre, comment Bercy fera-t-il appliquer la loi française ? Comment sécuriser les contrats en cours de conclusion ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - La lutte contre l'inflation engagée par Bruno Le Maire n'est pas antinomique avec la recherche d'une juste rémunération des agriculteurs. (MmeAnne-Catherine Loisier et Sophie Primas se montrent dubitatives.)

Il ne suffit pas de négocier hors de France pour contourner la loi française. Dès lors que le contrat s'exécute en France, le droit français s'applique : soclage des prix des matières premières agricoles et interdiction des pratiques restrictives de concurrence.

En 2023, la DGCCRF a mené une cinquantaine de contrôles auprès de centrales d'achat européennes.

M. Pierre Jean Rochette .  - Le monde agricole est en feu, car il veut vivre dignement de son travail. Ces travailleurs stakhanovistes sont dépouillés de leurs marges : où sont-elles passées ?

Une partie de la réponse doit se trouver dans ces centrales d'achat situées hors de France. Leurs pratiques condamnables poussent le monde agricole à l'agonie, avec pour seul objectif de serrer le kiki des agriculteurs et les conduire dans la spirale infernale du travail à perte.

Le monde agricole souffre et les centrales d'achat enfoncent le clou. Le ministre demande des sanctions, les parlementaires veulent l'application stricte des lois Égalim.

Allons-nous réviser les règles et sanctions aux niveaux français et européen ? Allons-nous activer les leviers européens ? Le monde agricole attend des mesures rapides.

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Les tensions sont parfois violentes entre agriculteurs, industriels et distributeurs. Mais parfois, les relations commerciales sont bonnes : Lidl a ainsi trouvé une solution avec les éleveurs.

Le Gouvernement est ouvert à un durcissement des sanctions. Des contentieux sont en cours, car nous ne voulons aucune impunité.

Des difficultés juridiques doivent cependant être aplanies : comment imposer une sanction dans un cadre transfrontalier ? Nous voulons travailler à une meilleure harmonisation du droit européen.

M. Guislain Cambier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Eurelec pour Leclerc à Bruxelles, Eureca pour Carrefour à Madrid, Everest pour Système U aux Pays-Bas, imposent un rapport de force déséquilibré.

Cette délocalisation de la négociation est une forme d'évasion juridique pour les distributeurs. Comment justifiez-vous l'existence de telles pratiques ? Ne s'agit-il pas d'un contournement de la loi française ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Vous avez cité les trois principales centrales d'achat : Eurelec pour Leclerc et 43 fournisseurs français en Belgique, Eureca pour Carrefour et 15 fournisseurs français en Espagne, Everest pour Système U et 44 fournisseurs français aux Pays-Bas.

Des contentieux sont en cours entre l'État français et ces centrales pour faire respecter notre droit.

Il existe pourtant des industriels qui travaillent bien avec nos agriculteurs, comme Mondelez. Inspirons-nous-en !

M. Guislain Cambier.  - Il ne faut pas viser le prix bas à tout prix. Un peu plus de colbertisme, et moins de libéralisme à tout crin, ne nuirait pas.

M. Guillaume Gontard .  - Leurs noms sont inconnus du grand public, mais ces centrales d'achat font la pluie et le beau temps. Leurs chiffres d'affaires se comptent en centaines de milliards d'euros ; leur marge brute a atteint 48 % en 2023. Le résultat net d'Avril, présidé par M. Rousseau, président de la FNSEA, a augmenté de 45 % en 2022... Ce racket des agriculteurs ne peut plus durer.

Les lois Égalim, en renonçant aux prix planchers et aux quotas de production, ont échoué. Leclerc, Carrefour, Intermarché et Système U ont délocalisé leurs centrales d'achat en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse et en Espagne, pour passer outre à la loi française.

Agecore a été condamnée à 151 millions d'euros d'amende, mais la CJUE l'en a exemptée en raison de son implantation hors de France. La loi Descrozaille devrait cependant y remédier.

Allez-vous rendre obligatoire la publication des marges ? Infliger des sanctions en cas d'achat en dessous du prix de revient ? Défendre à l'échelle européenne des accords tripartites de répartition de la valeur entre agriculteurs, industriels et distributeurs ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - L'article 1er de la loi Descrozaille prévoit que le droit français s'applique à tout contrat de distribution en France. La DGCCRF, très vigilante, a diligenté 50 contrôles en 2023.

EuroCommerce, représentant les intérêts des distributeurs, a entamé un contentieux pour remettre en question cet article 1er - ce qui prouve son utilité... Pour le Gouvernement, il est conforme au droit européen : il évite les contournements du droit français, sans imposer la loi Égalim aux autres États membres ni empêcher les fournisseurs d'autres États de commercialiser leurs produits en France.

La publication des marges n'est pas prévue.

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Depuis des années, mon groupe dénonce les pratiques des centrales d'achat qui s'accordent des marges indécentes et alimentent la vie chère.

Les lois Égalim 1, 2, 3 ne fonctionnent pas, car elles sont contournées par la délocalisation des centrales d'achat.

La commission d'enquête l'a montré : la guerre des prix imprègne toute la stratégie de la grande distribution française.

Le droit national doit s'applique à tous les produits vendus en France, comme le prévoit la loi Descrozaille qui vise à lutter contre l'évasion juridique.

Quand allez-vous enfin plaider pour une exception agricole française au niveau européen ? Que comptez-vous faire pour mettre un terme à ce phénomène ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Nous voulons une Europe ouverte, forte, qui protège son agriculture, car nos producteurs aussi ont besoin d'exporter. L'accord de libre-échange avec le Canada a permis de telles exportations et démontré la très grande qualité de nos productions. Nous défendons ainsi nos indications géographiques protégées (IGP), qui protègent notre exception agricole française et européenne.

La France est un acteur agroalimentaire mondial. Un groupe comme Carrefour est aussi présent dans d'autres pays. Mais nous devons demeurer vigilants afin de ne pas affaiblir notre capacité de production européenne.

Le Gouvernement rappelle ainsi régulièrement à la Commission européenne qu'il faut tenir compte du cumul des concessions octroyées sur les produits agricoles sensibles. La France est ainsi favorable aux clauses miroirs, comme dans l'accord avec la Nouvelle-Zélande.

M. Michel Masset .  - Je salue l'initiative de ce débat alors que nos agriculteurs luttent pour vivre décemment de leur travail. Le Lot-et-Garonne est un pays agricole, marqué par le combat contre la grande distribution qui impose des prix bas.

En décembre 2022, la CJUE a donné raison aux centrales établies hors de France contre Bercy. Mais la loi, votée à l'unanimité au Sénat, doit s'appliquer. Que se passera-t-il si, demain, des centrales d'achat hors d'Europe s'exonèrent de toute règle ? Nous sommes face à un cartel européen de la grande distribution.

Que faites-vous pour lutter contre cette délocalisation des négociations commerciales ? Comment allez-vous surveiller ces oligopoles de la distribution pour protéger nos agriculteurs et l'industrie agroalimentaire ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Les lois Égalim 2 et Descrozaille permettent de mieux structurer les filières, d'améliorer le revenu agricole, de protéger l'industrie agroalimentaire, en luttant contre le contournement des normes françaises.

Nous devons les appliquer : nous accompagnons ainsi la structuration des filières bovine et porcine ; Égalim 2 est entrée en vigueur il y a un an ; nous imposons la contractualisation écrite avec les agriculteurs et le soclage des prix des matières premières agricoles.

La loi Descrozaille permet de lutter contre les contournements. Elle s'applique aux transactions qui concernent la France sans s'imposer aux autres pays. Nous intensifierons les contrôles cette année.

M. Didier Rambaud .  - Quelle coïncidence : nous débattons ce matin de l'agriculture, profession qui crie sa colère partout en France.

Oui, les lois Égalim ont permis un rééquilibrage du rapport de force et la protection des acteurs vulnérables. Mais force est de constater que les centrales d'achat installées à l'étranger échappent à nos lois. La commission d'enquête de l'Assemblée nationale a montré en 2019 comment ce système opaque servait à contourner la réglementation.

Or la protection de nos agriculteurs est cruciale : ils veulent vivre de leur métier. La loi Descrozaille étant insuffisante pour établir un rapport de force, comment pouvons-nous contrer ces pratiques déloyales et rééquilibrer les relations entre acteurs ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - L'article 1er de la loi Descrozaille prévoit que le droit français s'applique à tout contrat ayant pour finalité la distribution de produits en France, même si celui-ci est négocié dans une centrale internationale d'achat. Les contrôles de la DGCCRF et les actions en justice permettent de s'assurer du respect du cadre législatif.

Des dates butoirs pour les PME et ETI avaient été fixées au 15 janvier - au 31 janvier pour les grands groupes. Des contrôles seront lancés pour s'assurer de leur respect.

Une réflexion a été lancée par Bruno Le Maire en vue de lutter contre ces distorsions de concurrence.

M. Jean-Claude Tissot .  - Merci au groupe UC d'avoir proposé ce débat sur ce sujet opaque (M. Michel Canévet remercie à son tour l'orateur), certainement l'un des facteurs d'échec des lois Égalim.

Indéniablement, la tension permanente vers le prix bas pousse les agriculteurs à mener une course aux coûts qui menace leur santé et celle des consommateurs. La crise actuelle trouve ses origines dans les agissements de cette oligarchie des industriels et de la grande distribution agroalimentaire.

Il est indispensable que les pouvoirs publics reprennent le contrôle. La solution est européenne. Il faut donc mettre ces sujets au coeur de la prochaine élection, de manière non pas dogmatique, mais réfléchie. La France doit pousser à un encadrement des pratiques des centrales d'achat européennes à Bruxelles. Prenons conscience des terribles conséquences de ce système pour les plus petits acteurs de la distribution et pour les acteurs locaux.

Concrètement, comment comptez-vous agir sur ce phénomène qui pèse sur toute la filière et sur les agriculteurs ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - La recherche de la compétitivité ne doit pas être un gros mot pour nos agriculteurs, qui sont des chefs d'entreprise particulièrement complets, compte tenu de la diversité de leurs fonctions.

Égalim 2 a démontré qu'elle était nécessaire pour protéger leurs revenus. Nous devons la mettre en oeuvre sans condition et lancer des contrôles pour vérifier qu'elle est bel et bien appliquée. C'est d'autant plus important alors que le monde agricole nous fait part de son mécontentement.

Après un an d'application, la loi a porté ses fruits : le revenu des agriculteurs s'est globalement amélioré - même si ces progrès ne touchent pas toutes les filières uniformément. Elle corrige des inégalités, même si elle n'efface pas des facteurs structurels et conjoncturels qui l'affaiblissent.

La contractualisation est la clé de voûte de la loi. Les sanctions les plus fermes doivent être prises contre ceux qui ne respectent pas Égalim 2.

M. Laurent Burgoa .  - À mon tour de remercier le groupe UC. (M. Michel Canévet remercie l'orateur à son tour.) Je fais part de tout mon soutien aux agriculteurs gardois qui manifestent. Ils attendent un vrai plan Marshall de la ruralité. Ils ne veulent plus être présentés comme des pollueurs, mais comme des aménageurs du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Le Sénat s'est fortement impliqué dans la loi Descrozaille, notamment son article 1er. Mais certaines grandes enseignes n'ont pas mis un terme à leurs pratiques antérieures et continuent de contourner le droit français.

L'État doit donc être intraitable, sous peine de manquer de cohérence entre les discours et les actes. Madame la ministre, combien de contrôles ont-ils été faits par la DGCCRF depuis l'adoption de la loi et quel a été le montant des sanctions ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Il existe encore des difficultés juridiques sur la détermination des tribunaux compétents. Le Gouvernement conduit une action résolue contre le contournement du droit français par ces centrales d'achat européennes.

Quelques sanctions me semblent emblématiques. Une amende de 6,34 millions d'euros a été infligée à Eurelec, rattachée à Leclerc. Cette dernière a aussi été assignée en juillet 2019 pour déséquilibre significatif - en effet, elle avait voulu soumettre ses fournisseurs au droit belge. En janvier 2022, Intermarché a fait l'objet d'une amende administrative de 19,2 millions d'euros, au vu des pratiques de la centrale Agecore.

En 2021, Agecore a été assignée sur le fondement de l'avantage sans contrepartie en raison de l'inconsistance des services de coopération commerciale fournis par la centrale. Des sanctions sont donc prises. (Mme Anne-Catherine Loisier s'exclame.)

M. Laurent Burgoa.  - Merci. Continuez : nos agriculteurs ne sont pas des voyous. Ils ne comprennent pas que les agences de l'eau viennent les contrôler armés alors qu'ils respectent les lois de la République.

M. Guislain Cambier.  - Bravo !

M. Yves Bleunven .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La situation économique des agriculteurs explique leur colère actuelle. De plus, la France s'est dotée d'un arsenal législatif important pour améliorer leur rémunération, mais le compte n'y est pas : nulle révolution dans la construction des prix, comme l'a montré le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale.

Les centrales d'achat cultivent une grande discrétion et sont donc inconnues du grand public. Elles s'affranchissent du droit français et donc des garde-fous que nous avons votés avec les lois Égalim. Or, cette année, les négociations commerciales ont été particulièrement difficiles. Samedi, le Premier ministre a promis plus de contrôles pour que ces négociations ne se fassent pas au détriment des agriculteurs.

La loi Descrozaille a pourtant soumis au droit français les négociations commerciales dès lors que les produits sont vendus en France. Quel est le nombre de contentieux ? Peut-on envisager un encadrement de la création et de la fonction de ces centrales d'achat via une directive européenne ? Où en sont les discussions à ce sujet ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Bruno Le Maire lancera une mission sur le cadre à appliquer aux négociations commerciales annuelles, afin de bâtir un cadre de confiance et de s'adapter aux crises. Nous visons une relation plus apaisée entre les agriculteurs, la grande distribution et les industriels. Nous souhaitons valoriser ce que la France sait faire de mieux.

Le contrôle des négociations qui viennent de s'achever va démarrer. Effectivement, le Gouvernement s'est engagé à ce que des discussions soient menées avec la prochaine Commission européenne. (Mme Anne-Catherine Loisier proteste.)

Madame Loisier, les amendes administratives que j'ai mentionnées tout à l'heure ont bien été payées.

Mme Marie-Do Aeschlimann .  - Les négociations commerciales entrent dans leur dernière phase et des agriculteurs manifestent inquiétude et désarroi.

Nos agriculteurs ont droit à une juste rémunération de leur travail. Je les soutiens pleinement.

Dans un maquis de règles tatillonnes et infantilisantes, l'interdiction de négocier le prix de la matière première agricole a suscité un grand espoir. Mais le développement des centrales d'achat à l'étranger affaiblit la portée de cette clause de bon sens. Il faut veiller à la mise en échec des contournements du droit français et se battre pour une harmonisation européenne.

Quelle action la France mènera-t-elle à l'échelle européenne en ce sens ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Vous avez raison, les règles sont trop peu harmonisées au niveau européen.

La directive de 2019 sur les pratiques commerciales déloyales est le seul cadre existant actuellement. Elle recense, entre autres, les retards de paiement de plus de trente jours pour produits périssables et de plus de soixante jours pour les autres. Ces règles sont bien moins protectrices que le droit français.

C'est pourquoi la France prépare une stratégie de défense de plus grande harmonisation européenne et mènera ce combat auprès de la prochaine Commission, installée cet été. Nous le devons à nos agriculteurs.

M. Franck Menonville, pour le groupe UC .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Burgoa applaudit également.) À l'heure où la voix des agriculteurs s'élève partout sur notre continent, il nous revient de les aider.

Je remercie Anne-Catherine Loisier d'avoir demandé l'inscription de ce débat à notre ordre du jour. Ce sujet est important pour l'équilibre des négociations commerciales et la juste rémunération des agriculteurs.

Eureca, Eurelec, Everest : autant de centrales d'achat inconnues du grand public. Pourtant, ce sont des acteurs majeurs de l'industrie agroalimentaire. Les vagues d'alliances des distributeurs comme celle de Carrefour et Système U ont renforcé leur poids. Le cas d'Eurelec est symptomatique ; cette centrale d'achat installée à Bruxelles organise une extraterritorialité juridique et réglementaire.

Ces alliances soulèvent deux problèmes majeurs. Premier problème : ces centrales d'achat échappent trop souvent au droit français. Or les lois Égalim doivent s'appliquer à l'ensemble des acteurs et personne ne doit pouvoir s'en affranchir. C'est une question de justice sociale et d'équité économique.

Deuxième problème : la transparence et l'asymétrie des informations. Les fournisseurs doivent fournir des informations privilégiées aux distributeurs, et ils ont alors des marges de négociation réduites. Nous devons rééquilibrer et réguler au plus vite ces relations, dont l'asymétrie grandit avec la puissance des centrales d'achat. Cette réflexion doit s'inscrire dans la volonté de bâtir une meilleure protection globale.

Un débat sur les marques de distributeurs doit avoir lieu, c'est un défi global. Le Gouvernement doit être à l'unisson ; les injonctions contradictoires sont trop nombreuses. L'Europe doit aussi imposer ce débat pour harmoniser les réglementations.

Madame la ministre, il faut passer des mots aux actes et protéger nos agriculteurs et nos industries pour sortir de cette guerre des prix destructrice pour notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La séance est suspendue quelques instants.

Dépistage des troubles du neuro-développement

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à améliorer le dépistage des troubles du neuro-développement (TND), l'accompagnement des personnes qui en sont atteintes et le répit de leurs proches aidants, présentée par Mme Jocelyne Guidez et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe UC.

Discussion générale

Mme Jocelyne Guidez, auteure de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions) L'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour me réjouit et je remercie mes collègues pour leur soutien. Je salue Annick Jacquemet, rapporteure de la première proposition de loi que j'avais déposée en 2021, et Anne-Sophie Romagny, rapporteure du présent texte. Je remercie également Corinne Féret et Laurent Burgoa, avec qui j'avais rédigé le rapport Prise en charge des troubles du neuro-développement : le compte n'y est pas. Les victoires ne sont belles que si elles sont partagées.

La notion de repérage est préférable à celle de dépistage. Pour ma part, mon petit-fils de six ans a été diagnostiqué TDAH (trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité) haut potentiel et bénéficie d'un suivi depuis trois ans. J'ai donc multiplié les rencontres sur le terrain.

Je suis heureuse qu'une partie des conclusions de notre rapport aient été reprises par le Gouvernement dans la stratégie nationale pour l'autisme et les troubles du neuro-développement 2023-2027. Les objectifs sont ambitieux, j'espère que les mesures concrètes suivront.

Depuis vingt ans, les efforts ont été concentrés sur les troubles du spectre autistique (TSA). Le passage à une stratégie étendue à l'ensemble des TND était indispensable : c'est ce qu'a fait le Gouvernement en 2017, je m'en réjouis.

Les facteurs de risques sont l'existence d'antécédents dans la famille et les bébés nés prématurés, dont le nombre augmente. Selon des études internationales, un enfant sur six, soit 18 % des naissances, présente un risque. En France, les TDAH concerneraient 5 % des enfants et 2,5 % des adultes, et les TSA 1 % de la population. Mais les données récentes laissent penser que ce taux est plus proche de 2 % des naissances.

Face à ce constat alarmant, il faut garantir la scolarisation de ces élèves en milieu ordinaire. Or, trop souvent, les acteurs pointent un décalage entre les objectifs et la réalité.

Dans mon département, j'ai été sidérée de constater les difficultés d'une enseignante et d'une accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH) : toutes deux devaient s'occuper de dix enfants atteints de TSA, qui ne parlaient pas, criaient et leur donnaient des coups de pied. L'enseignante était d'une patience extraordinaire, mais elle était épuisée. En ce cas, il ne s'agit pas d'inclusion.

Faute de places disponibles dans les instituts médico-éducatifs (IME), on rend tout le monde malheureux, tant les enseignants que les parents. Il faut un accueil de qualité pour ces enfants.

Le handicap n'est pas dans la personne, mais dans l'environnement qui ne sait pas l'accueillir, disait Albert Jacquard.

Les insuffisances constatées lors du passage d'une unité d'enseignement en maternelle autisme (UEMA) à une unité d'enseignement en élémentaire autisme (UEEA) m'ont poussée à rédiger l'article 1er : les familles, les enseignants et les soignants sont terriblement déçus lorsqu'on leur annonce que l'enfant doit revenir chez lui en début d'école élémentaire alors qu'il a fait tant de progrès en maternelle.

Certes, la scolarisation des enfants atteints de handicap progresse constamment - entre 2004 et 2022, ce nombre est passé de 134 000 à 430 000. Mais les efforts sont largement insuffisants : les situations sont très hétérogènes, les parcours entre maternelle et primaire manquent de fluidité et la scolarisation de nombreux enfants est loin d'être effective. La nouvelle stratégie nationale pour les TND n'est pas muette à ce sujet, mais les dispositifs supplémentaires ne répondent pas aux besoins.

Je souscris à la proposition de la rapporteure de créer un dispositif consacré à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves présentant un TND dans chaque circonscription académique, outre-mer inclus, au 1er septembre 2027 au plus tard.

Le Gouvernement prévoit l'extension du champ des dispositifs d'autorégulation (DAR) aux troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA) et aux TDAH.

Nous ne pouvons que le soutenir et l'inciter à faire davantage en créant des unités d'enseignement secondaire autisme (UESA).

Faire reconnaître un handicap par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) est un parcours du combattant. L'article 4 vise à fluidifier les procédures applicables. Il faut que toutes les MDPH notifient pour trois ans les mesures d'inclusion scolaire, au lieu de remplir des formulaires et de multiplier les examens, pour lesquels il y a des files d'attente de plusieurs mois dans certains territoires.

Je salue l'amendement de la rapporteure visant à améliorer l'articulation entre les acteurs du diagnostic et les MDPH, en prévoyant que les premiers soient informés des délais de traitement des secondes.

Il est temps de mieux former les équipes pédagogiques : c'est l'objet de l'article 2.

Il faut aussi sensibiliser les professionnels de santé pour les inciter à se former.

Il n'existe pas aujourd'hui d'atelier de sensibilisation pour les parents d'enfants affectés d'un TDAH ; pourtant, ceux-ci sont démunis.

L'article 6 instaure deux examens obligatoires de repérage, à 18 mois et à 3 ans ; ceux-ci seront intégralement pris en charge par la sécurité sociale.

Enfin, je soutiens la pérennisation immédiate de relayage prévue à l'article 7 : le répit des proches aidants est un enjeu majeur.

Je déplore que la prise en charge des adultes TND avance peu, car c'est une question cruciale.

Quelles que soient nos convictions politiques, nous sommes tous sensibles au handicap.

Certes, la prévention a un coût. Mais l'absence de prévention aussi. (Mme Catherine Vautrin acquiesce.) Un coût humain, car les enfants, les parents, les enseignants sont fragilisés. Un coût politique, car la lutte contre le décrochage pèse. Un coût social, car l'addiction, la délinquance et les suicides représentent aussi une charge pour la société.

Il faut investir aujourd'hui pour que toute la société soit renforcée demain. « Notre richesse est faite de notre diversité. "L'autre", individu ou société, nous est précieux dans la mesure où il nous est dissemblable », disait Albert Jacquard dans son Éloge de la différence. Si elle est adoptée, cette proposition de loi favorisera l'accompagnement des personnes concernées. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et CRCE-K, du RDPI et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - Au printemps dernier, nos collègues ont rendu leur rapport sur la prise en charge des TND, qui toucheraient près de 10 % de la population. Ils recouvrent les TSA, les TDAH, les TSLA, les troubles dys et les troubles dissociatifs de l'identité (TDI).

Les conclusions sont formelles : malgré les efforts du Gouvernement, le compte n'y est pas. Notre collègue Jocelyne Guidez a donc déposé une proposition de loi pour y remédier.

Après le pain, l'éducation est le premier besoin d'un peuple, disait Danton. Nous devons donc garantir à tous les élèves l'accès à un parcours scolaire aussi ordinaire que possible.

La France compte 516 dispositifs spécifiques pour les élèves présentant un TND : les UEMA, les UEEA et les DAR. Si les objectifs sont atteints, il y aura un peu moins de 900 structures en 2027, sachant que 7 000 enfants autistes naissent chaque année en France. Nous devrions plutôt porter leur nombre à 1 300.

Il faut au moins un dispositif pour les TND par circonscription académique d'ici à la rentrée 2027 : tel est le sens de la réécriture de l'article 1er. En outre, nous vous proposerons d'adopter le principe d'une ouverture par circonscription et d'un DAR par département.

Madame la ministre, nous ne disposons que de 319 UEMA pour 128 UEEA. Par conséquent, les élèves des premières sont sans solution à leur sortie de maternelle. De même, il n'existe pas d'équivalent à ces dispositifs dans l'enseignement secondaire, c'est pourquoi nous vous invitons à créer des UESA.

Autre point saillant du rapport : le parcours du combattant des parents. La loi ne peut pas tout. J'appelle les MDPH à simplifier et à harmoniser leurs pratiques - parfois, des parents sont contraints de déménager dans un autre département !

Un allongement des droits notifiés, c'est une charge administrative allégée et pour les professionnels, moins de diagnostics à faire.

J'ai proposé d'amender l'article 4 pour informer les professionnels sur le délai de diagnostic des TDAH.

Madame la ministre, la qualité des contenus proposés aux enseignants sur les TND est parfois perfectible, et certains instituts sont incapables d'assurer l'intégralité des 25 heures de formation obligatoires.

La commission a supprimé l'article 3, visant à renforcer la formation des professionnels de santé ; ces dispositions sont satisfaites par le droit en vigueur.

La formation n'en demeure pas moins un enjeu essentiel. L'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) souligne la faible participation des enseignants sur la sensibilisation aux TND. Le Gouvernement devrait les encourager à suivre ces formations.

Le repérage précoce des TND est un enjeu crucial. Malgré une prévalence importante et un sous-diagnostic avéré, le dépistage des TND ne figure pas au programme des dix-sept examens obligatoires.

L'article 6 crée donc deux examens médicaux obligatoires pour tous les enfants à 18 mois puis à 6 ans, deux âges charnières.

L'article 5, réécrit par la commission, complète le service de repérage créé par la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Celui-ci s'appuiera non seulement sur des examens obligatoires de l'enfant, mais aussi sur des examens complémentaires, si nécessaire.

Un dernier volet du texte a trait aux proches aidants. La commission a décidé de pérenniser les dispositions de la loi pour un État au service d'une société de confiance (Essoc) sur les proches aidants, dont la durée de l'expérimentation est suffisante ; le bilan est globalement positif. Cela peut préserver la santé du proche aidant, en partie si la personne aidée a besoin d'une assistance permanente. Un amendement prévoit que les partenaires sociaux puissent adapter ce dispositif aux réalités du terrain.

Je salue l'engagement de longue date de Jocelyne Guidez et vous invite à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que du RDPI et du RDSE)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Merci, madame Guidez, de nous permettre d'évoquer ce matin cet important sujet. Au sein de mon vaste ministère, j'aurai une attention toute particulière pour les personnes en situation de handicap et leurs familles. Il est de notre devoir, de notre honneur d'être attentifs à toutes les vulnérabilités.

C'est à l'école, coeur battant de la promesse républicaine d'émancipation, que nous devons agir d'abord. Avec la ministre de l'éducation nationale, je souhaite faire de la scolarisation en milieu ordinaire un axe fort. L'inclusion scolaire suppose des prérequis : formation, accompagnement spécifique. Votre proposition de loi y répond, s'agissant des TND.

Élue locale depuis de longues années, je partage votre approche fondée sur l'accès au bon accompagnement sur tous les territoires.

Il faut mieux accompagner les familles dans leurs démarches, complexes et souvent épuisantes, pour éviter le non-recours. Le Gouvernement est favorable à ce que les mesures accordées par les MDPH le soient pour un cycle scolaire.

La France est très bonne sur le volet curatif ; moins sur la prévention. Il nous faut mieux dépister. En revanche, il ne semble pas utile d'ajouter des examens supplémentaires à un parcours de détection précoce déjà lourd, qui comprend vingt examens obligatoires entre 0 et 6 ans. Mettons plutôt l'accent sur la détection des TND au cours du parcours existant.

L'article 7 facilitera le relayage des proches aidants, dont je connais l'épuisement. Il est temps de leur apporter des réponses de longue durée en adaptant notre droit du travail. Au passage, on voit là tout l'intérêt d'un ministère qui englobe les métiers du médico-social, de la santé, mais aussi le droit du travail... L'expérimentation a fait ses preuves, sa pérennisation est un espoir pour ces millions de personnes.

Comptez sur ma détermination totale à agir, à vos côtés, pour améliorer les conditions de vie des personnes en situation de handicap.

Les porteurs de TND méritent une attention particulière, que l'État consacre par sa stratégie en la matière. Je suis ravie de votre engagement sur ce sujet, et du large soutien à cette proposition de loi. Le Gouvernement sera à vos côtés. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Laurent Burgoa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Quelle société souhaitons-nous ? Le législateur doit être non seulement un penseur, mais un faiseur. Nos concitoyens se détournent d'une vie politique qui se paie de mots, de parlementaires plus prompts à prendre des postures que des décisions.

Je remercie Jocelyne Guidez pour cette proposition de loi. Le rapport d'information que nous avions cosigné ensemble, avec Corinne Féret, mettait en lumière le manque de moyens pour la prise en charge des TND. Les voeux pieux ne suffisent pas. Je me réjouis de l'adoption en commission de ce texte qui améliorera le repérage et l'accompagnement des TND et favorisera le répit des proches aidants.

Les enfants porteurs d'un TND doivent pouvoir être scolarisés dans les meilleures conditions, dans tous les territoires. Les dispositifs favorisant leur inclusion ne sont pas assez nombreux, et les familles doivent parfois déménager pour espérer y accéder.

L'article 1er, réécrit en commission, crée au moins un dispositif dédié à la scolarisation en milieu ordinaire par circonscription académique.

Avec l'article 4, nous limitons la charge administrative qui mine l'énergie des familles, en prévoyant la notification des aides scolaires pour la durée d'un cycle pédagogique, soit trois ans. Cet article prévoit également une information sur les délais des MDPH, pour une mise en oeuvre plus rapide des mesures d'inclusion.

L'article 2 vise à renforcer la formation des équipes pédagogiques.

L'article 6 prévoit deux examens obligatoires, à 18 mois et à 6 ans, car le repérage précoce est décisif pour l'efficacité de la prise en charge.

Nous permettons aux partenaires sociaux d'ajuster les dispositifs de répit pour les aidants aux réalités du terrain.

Nous encourageons le Gouvernement à renforcer la sensibilisation et la formation, notamment auprès des médecins libéraux, pour réduire les pertes de chance, et serons attentifs à la stratégie 2023-2027.

Si cette proposition de loi ne résout pas tout, elle facilitera la vie des familles. Nous la soutenons sans réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et du RDPI)

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) TND : l'acronyme est de plus en plus connu de l'opinion publique. Naguère, on pointait du doigt le mauvais élève, le fainéant, les parents fautifs : on ignorait qu'il pouvait être atteint de troubles de l'attention, du langage ou de l'apprentissage.

En la matière, la France accuse un fort retard par rapport à l'Allemagne, au Québec ou à la Belgique. Merci à Mme Guidez de sensibiliser sur ce sujet, qui concernerait 10 % des enfants.

Le dépistage systématique, recommandé par la Haute Autorité de Santé, n'est pas obligatoire. C'est l'objet de l'article 6 de cette proposition de loi, qui instaure deux nouveaux examens obligatoires, à 18 mois et 6 ans. C'est un pas de géant - qui pourrait devenir un pas de côté, faute de médecins dûment formés aux TND : on en compte 300, quand il en faudrait 3 000.

Pourquoi aussi peu d'appétence ? Les TND exigent des compétences transversales qui relèvent de la pédiatrie, de la neurologie, de la pédopsychiatrie, mais ne sont pas reconnues par un diplôme. Qui plus est, la sécurité sociale ne rembourse pas à sa juste valeur des consultations particulièrement longues. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.) Le forfait d'intervention précoce, qui permet la prise en charge pendant un an, est limité à certains professionnels. Encore faut-il obtenir un rendez-vous : deux ans d'attente pour un rendez-vous avec un orthophoniste ! L'orientation vers des prises en charge inadaptées, faute de spécialistes, conduit parfois à développer des pathologies plus lourdes, dépression ou addictions.

Il ne suffit pas de dépister si l'on ne peut pas soigner. C'est pourquoi il faut porter nos efforts sur la formation des médecins, la sensibilisation des enseignants, comme le propose l'article 2, et la prévention. Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue l'engagement énergique de Mme Guidez, et le travail de Mme Romagny, pour son premier rapport.

Mme la ministre a raison de dire que les difficultés tiennent à un système de soins orienté vers le curatif et non le préventif. L'errance thérapeutique entraîne une vraie perte de chances.

Pathologie mal connue, les TND non diagnostiqués ont maintenu trop de vies dans la souffrance. Mme Guidez propose un texte pour que ces troubles soient mieux repérés et accompagnés. Nous espérons qu'il recevra un large soutien.

La catégorie des TND intègre les troubles du spectre autistique, les TDAH, les troubles dys, mais aussi les troubles oppositionnels avec provocation (TOP), très lourds à vivre pour les familles. Au total, les TND concerneraient une personne sur dix.

Selon la Revue neurologique, les TND perdurent souvent tout au long de la vie même s'ils peuvent être masqués par des mécanismes de compensation. Leur reconnaissance et leur prise en charge adaptée favorisent une intégration sociétale de bonne qualité.

D'où la nécessité d'un maillage de classes dédiées sur tout le territoire national. Selon la présidente d'une association de mon département, il faut à ces enfants fatigables une scolarisation de proximité, sans quoi la fatigue des transports fait perdre le bénéfice d'une scolarité adaptée.

Pour les familles, la lourdeur administrative constitue une double peine. Simplifions ! C'est l'objet de l'article 4.

Le respect effectif des plans d'éducation personnalisés éviterait parfois de faire appel à des AESH. Il faut faciliter le dialogue, la formation des soignants et des enseignants.

Voir que l'autre est différent, voilà qui évitera d'envoyer ces enfants dans une voie de garage. « Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m'enrichis », nous dit Saint-Exupéry : ce pourrait être la devise d'une société qui accueillerait la différence et laisserait éclore les talents.

Les aidants doivent être reconnus également. Cette proposition de loi a une dimension humaine et sociétale. Je salue à nouveau le travail de son auteure et de la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Anne Souyris .  - Je remercie Jocelyne Guidez pour cette proposition de loi, ainsi que pour son rapport cosigné avec Laurent Burgoa et Corinne Féret, que je cite : « Concernant l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement, le compte n'y est pas ».

Les moyens pour la scolarisation en milieu ordinaire des élèves en situation de handicap ne sont pas au rendez-vous. Comme tant d'autres professeurs des écoles, je puis témoigner du nombre d'enfants qui ne disposent pas d'un accompagnement adéquat.

Nos amendements pour améliorer les conditions de travail des AESH ont été jugés irrecevables. Dont acte. La proposition de loi de Cédric Vial, adoptée cette semaine, va dans le bon sens, mais, le président Mouiller l'a dit, il faut doter les AESH d'un véritable statut.

Madame la ministre, l'État doit faire un effort sur cet accompagnement pour la scolarisation en milieu ordinaire.

Malgré la prévalence des TND, aucun des vingt examens obligatoires pour les enfants n'est dédié à leur repérage. Ce parcours ne suffit pas, d'où l'intérêt des deux examens spécifiques prévus par ce texte.

Enfin, l'article 7 permet une meilleure mise en oeuvre du droit au répit pour les proches aidants. Je salue la pérennisation de l'expérimentation.

Le GEST votera cette proposition de loi, qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe UC)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Je salue la constance du groupe UC sur les TND : il y a deux ans, nous débattions déjà, sur son initiative, du TDAH.

Nous constatons tous sur le terrain l'insuffisance des moyens alloués aux TND et la nécessité de mieux former enseignants et soignants. Les TND exigent une prise en charge globale. Les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) n'ont pas les moyens d'organiser les actions de prévention, de diagnostic et de soins. Les parents attendent un premier rendez-vous pendant des mois - parfois deux ans ! C'est inacceptable, d'autant que les frais sont souvent prohibitifs. Le manque de professionnels, notamment d'orthophonistes, retarde les prises en charge.

Il faut mieux former les AESH, qui se mobilisent en ce moment pour de meilleures conditions de travail et de salaire ; en grande majorité des femmes, elles subissent une précarité liée aux temps partiels et à la succession de CDD. Depuis l'instauration des pôles inclusifs d'accompagnement localisés, elles accompagnent de plus en plus d'élèves, au détriment de la qualité du suivi.

L'absence de classes spécifiques dédiées aux enfants porteurs de TND nécessite une réponse urgente - et des moyens supplémentaires. Le Gouvernement s'est engagé à ouvrir dans chaque département un dispositif dédié dans le secondaire d'ici 2027. Nous attendons que les actes suivent.

Le groupe CRCE-K votera évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements)

Mme Véronique Guillotin .  - TND, TSA, TDAH, TSLA, TDI : ces acronymes divers recouvrent des difficultés similaires. Un enfant sur six en est atteint, et le trouble persiste à l'âge adulte dans 70 % des cas.

Notre pays a du retard à rattraper dans ce domaine. Cette proposition de loi tend à y répondre : elle renforce le repérage, améliore la scolarisation et prévoit des solutions de répit pour les aidants.

Je remercie Jocelyne Guidez, dont nous connaissons la pugnacité sur ces sujets, ainsi que la rapporteure, qui a amélioré le dispositif.

Les familles et les enseignants, souvent épuisés, ont besoin d'aide. Certes, 11 000 dispositifs existent, principalement des unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis). La stratégie nationale 2023-2027 en prévoit davantage, mais cela reste insuffisant pour les 7 000 enfants autistes qui naissent chaque année. Nous saluons la mise en place d'un dispositif de scolarisation en milieu ordinaire dans chaque circonscription académique.

Il convient aussi de renforcer la formation des enseignants sur l'école inclusive, en quantité comme en qualité. Nous encourageons le Gouvernement à y veiller dans sa prochaine réforme de la formation des enseignants.

Nous soutenons la généralisation de la pratique de certaines MDPH consistant à notifier les aides pour trois ans.

Pour améliorer le repérage des troubles et éviter des années d'errance diagnostique, la proposition de loi prévoit deux mesures intéressantes : deux examens obligatoires et une détection encore plus précoce pour les enfants à risque. Il s'agit d'éviter les pertes de chances et des années de souffrance.

Les proches aidants ne sont pas oubliés. Sous réserve d'un accord de branche, la proposition de loi permettra de pérenniser l'expérimentation menée en matière de relayage, pour soulager les aidants sur les plans physique et psychique.

C'est avec enthousiasme que le RDSE dans son ensemble votera la proposition de loi. (Applaudissements)

Mme Solanges Nadille .  - Onze millions : c'est le nombre de Français atteints de TND, des troubles variés - du spectre de l'autisme jusqu'aux troubles dys - qui altèrent la socialisation, l'attention, la motricité, le raisonnement ou encore la mémoire.

Lors du comité interministériel du handicap du 6 octobre 2022, Élisabeth Borne a annoncé la poursuite de la politique menée pour les personnes qui en sont atteintes. Le Gouvernement a lancé une nouvelle stratégie nationale pour les TND en novembre dernier. Dotée de 680 millions d'euros pour la période 2023-2027, un montant en nette hausse, elle vise notamment à renforcer la recherche, à repérer plus tôt les troubles, à adapter la scolarité à tous les âges, à faciliter la vie des familles et à mieux faire connaître les TND.

En complément de cette stratégie, la présente proposition de loi comporte des mesures utiles, en particulier pour la scolarisation en milieu ordinaire, la formation des enseignants et la pérennisation du répit des aidants. Le RDPI la votera, mais sans enthousiasme débordant, sa portée étant limitée. Nous voterons les amendements du Gouvernement pour apporter des précisions bienvenues, notamment sur le relayage des aidants.

Enfin, je regrette que le texte n'aille pas plus loin en matière d'autisme, un trouble mal quantifié ; je défendrai un amendement à cet égard. Par ailleurs, la connaissance et la prise en charge des TND en outre-mer, parfois plus lacunaires, nécessitent une attention particulière. (Applaudissements)

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les travées des groupeSER et UC) La question des TND me tient à coeur depuis mon entrée au Sénat.

Ces troubles sont avant tout des handicaps, chez l'enfant comme l'adulte. Ils prennent des formes variées et ont des conséquences plus ou moins sévères. Leurs prévalences sont en augmentation, notamment grâce à un meilleur repérage.

La loi de 2005 a permis la reconnaissance des troubles dys et des TDAH comme handicaps : ce fut une avancée, malheureusement pas assez suivie d'effets.

Je ne suis pas toujours à l'aise avec la notion de TND, tant elle recouvre des réalités diverses, parfois invisibles.

Quoi qu'il en soit, je regrette que notre pays ait pris tant de retard dans ce domaine. Nous manquons toujours de données, notamment épidémiologiques.

La littérature internationale montre que 10 à 15 % des enfants sont atteints d'un tel trouble. Il faut donc construire une prise en charge globale à la bonne dimension.

La proposition de loi va dans le bon sens. Je me félicite de la réécriture en commission de son article 1er, que son imprécision rendait peu applicable. Il convient de répartir équitablement sur le territoire les dispositifs consacrés à la scolarisation en milieu ordinaire.

Les enfants atteints de TDAH ou d'un trouble dys ont toute leur place dans les classes ordinaires, avec un accompagnement adapté. Les chefs d'établissement et les enseignants doivent être mieux formés : il faut une montée en compétences et non une simple sensibilisation. Ils doivent notamment pouvoir orienter les familles vers un diagnostic. L'amélioration de la formation des professionnels de santé est aussi un enjeu décisif. Combien d'adultes souffrent de n'avoir jamais été diagnostiqués, victimes d'une errance médicale douloureuse en même temps que de difficultés personnelles et professionnelles ?

Ces sujets ne sont pas mineurs. Dans le Calvados comme ailleurs, nombre de familles sont bouleversées par le handicap d'un enfant. Tout doit être fait pour faciliter leur vie. En particulier, je souscris à la mesure étendant à trois ans la notification des mesures par les MDPH.

Je me félicite aussi de la simplification du relayage pour les proches aidants. Je prends acte de la volonté de la rapporteure de permettre aux partenaires sociaux de répondre au mieux aux réalités du terrain.

Le groupe SER votera ce texte, avec une pensée particulière pour toutes les familles qui souffrent, car leur MDPH refuse, malgré les diagnostics posés, de reconnaître le handicap de leur enfant. (Applaudissements)

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue Jocelyne Guidez pour la qualité de son travail et félicite Anne-Sophie Romagny pour son premier rapport.

Le rapport de Jocelyne Guidez, Laurent Burgoa et Corinne Féret plaidait pour qu'une stratégie englobe tous les TND : pas seulement les TSA, mais aussi les TDAH et les troubles du langage et de l'apprentissage. Ces troubles, en effet, sont souvent associés chez les mêmes personnes.

La présente proposition de loi traduit plusieurs recommandations issues de ce rapport, visant à améliorer le repérage, la scolarisation et la situation des aidants. Malgré la progression du nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire, il n'y a pas d'unité pour le cycle secondaire et les parcours manquent de fluidité.

La commission des affaires sociales souhaite être associée à la nouvelle stratégie pour l'autisme et les TND. Si nous saluons les efforts accomplis par le Gouvernement, nous savons tous que les difficultés n'ont pas disparu. L'accompagnement est souvent insuffisant, et les places manquent dans les structures, notamment pour l'autisme lourd. Je pense aussi aux 7 000 Français accueillis en Belgique, faute de places dans notre pays.

Sur ce sujet essentiel, qui requiert des budgets importants, il faut un suivi particulier. Nous considérons que le handicap doit être traité dans la perspective globale d'un parcours de vie, de la naissance à la fin de vie. Nous serons à vos côtés pour y travailler, madame la ministre. (Applaudissements)

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Merci pour votre proposition, monsieur Mouiller.

La cohorte Marianne, dédiée à la recherche dans le domaine de l'autisme, permettra notamment de mieux cerner les facteurs impliqués.

Madame Souyris, le statut des AESH évoluera.

Madame Apourceau-Poly, nous orientons les enfants vers des séances de psychomotricité et d'orthophonie sans reste à charge.

Madame Guillotin, nous avons commencé à renforcer la formation des enseignants.

Madame Nadille, merci pour votre engagement en faveur du relayage. Les outre-mer, en effet, nécessitent une attention particulière.

Monsieur Henno, je vous rejoins sur la nécessité d'un continuum : c'est le sens de notre démarche.

Les quelques amendements du Gouvernement sont le signe que nous accompagnons votre démarche, pour laquelle nous remercions Mmes Guidez et Romagny.

Discussion des articles

Article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par Mme Romagny, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

Au plus tard le 1er septembre 2027, sont créés, dans chaque circonscription académique métropolitaine et académie d'outre-mer, au moins un dispositif dédié à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves de l'enseignement primaire présentant un trouble du neuro-développement avec l'appui de personnels des établissements et services mentionnés aux 2° et 3° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles et, dans chaque département, au moins un dispositif dédié à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves de l'enseignement secondaire présentant un tel trouble avec l'appui de personnels des mêmes établissements et services.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure.  - Le Gouvernement prévoit la création d'un dispositif au moins dédié aux élèves ayant besoin d'un accompagnement particulier, tous niveaux confondus, dans chaque circonscription académique. La réécriture que nous proposons a été élaborée en liaison avec le Gouvernement.

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Cette rédaction clarifie notre ambition. Un travail complémentaire pourra être mené sur la maille territoriale. Avis de sagesse.

L'amendement n°7 est adopté et l'article 1er est ainsi rédigé.

Article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

À l'article L. 112-5 du code de l'éducation, les mots : « et qui comporte notamment » sont remplacés par les mots : « , et notamment de ceux qui présentent un trouble du neuro-développement, et qui comporte ».

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Amendement rédactionnel.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure.  - Avis favorable.

L'amendement n°4 est adopté et l'article 2 est ainsi rédigé.

L'article 4 est adopté.

Après l'article 4

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'accès et l'accompagnement des enfants et adolescents présentant des troubles du neuro-développement dans les activités périscolaires mentionnées à l'article L. 551-1 du code de l'éducation.

Mme Anne Souyris.  - Cet amendement vise à favoriser l'accès des enfants atteints de TND aux activités périscolaires. Tous les enfants doivent avoir le même accès à ces activités, dont l'intérêt est majeur d'un point de vue pédagogique comme pour l'épanouissement des enfants. Une formation et un accompagnement doivent être proposés à tous les professionnels concernés - je pense, par exemple aux professeurs de conservatoire. Cet amendement d'appel vise à attirer l'attention du Gouvernement sur ce sujet.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure.  - Je ne méconnais pas le rôle des acteurs périscolaires ni l'intérêt de ces activités pour le développement des élèves. Il est urgent de prendre des mesures utiles à l'inclusion. Je soutiens l'esprit de cet amendement, mais, s'agissant d'une demande de rapport, l'avis de la commission est défavorable.

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Lors de la conférence nationale du handicap d'avril dernier, le Président de la République a insisté sur l'objectif d'accompagner les enfants sur tous les temps de la vie.

Le Gouvernement a prévu que les AESH pourraient intervenir sur les temps périscolaires. Le déploiement par les caisses d'allocations familiales (CAF) d'un bonus périscolaire pour financer les adaptations et l'encadrement nécessaires à l'accueil des enfants de 3 à 17 ans en situation de handicap est également prévu.

Avis défavorable à un rapport qui ne tiendrait pas compte des effets de ces nouvelles mesures.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Les communes doivent être accompagnées pour former les animateurs d'activités périscolaires. (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.) Je sais, madame la ministre, que vous êtes sensible à la formation : n'oubliez pas cet enjeu. (Mme Catherine Vautrin acquiesce.)

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté, de même que l'article 6.

Article 7

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

I.- Alinéa 2 

1° Remplacer les mots :

et 7° 

par les mots :

, 7° , 11° et 12° 

et les mots :

 sont autorisés

par le mot :

 peuvent

2° Après les mots :

surveillance permanente 

insérer les mots :

 , définie selon des critères fixés par décret

3° Supprimer les mots :

dont la liste est fixée par décret 

II.- Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

III.- Alinéa 5

1° Remplacer les mots :

 aux articles L. 3121-13

par les mots :

aux articles L. 3121-16 

2° Supprimer les mots :

 aux régimes d'équivalence,

IV.- Alinéa 6

1° Supprimer les mots :

aux régimes d'équivalence, 

2° Remplacer les mots :

des salariés du particulier employeur 

par le mot :

applicable 

V.- Alinéa 7 

Supprimer les mots :

 mentionnée au II

VI.- Alinéa 9

Remplacer les mots :

et 7° 

par les mots :

, 7° , 11° et 12° 

VII.- Alinéa 10

1° Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

 , et, au terme de chaque séquence de six heures de travail, d'une pause de vingt minutes consécutives

2° Seconde phrase

Remplacer les mots :

peut être soit supprimée, soit réduite 

par les mots :

 et ce temps de pause peuvent être supprimés ou réduits

VIII.- Alinéa 13

Remplacer les mots :

l'aide à domicile 

par les mots :

le salarié 

IX.- Alinéa 17

Supprimer cet alinéa.

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Cet amendement ne modifie pas l'esprit de l'article 7, relatif au relayage, mais ajuste certaines dispositions.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°8 à l'amendement n°5 du Gouvernement, présenté par Mme Romagny, au nom de la commission.

Alinéas 10 à 15

Supprimer ces alinéas.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure.  - La commission avait souhaité qu'un accord de branche définisse des équivalences en cas de prestations de relayage.

Autre point de divergence, l'amendement prévoit la définition par décret de critères pour les prestations de relayage, qui pourraient être restrictifs. D'où notre sous-amendement supprimant le renvoi au décret. Avis favorable à l'amendement, s'il est sous-amendé.

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Dès ma prise de fonction, j'ai eu à coeur de vous rencontrer pour trouver une solution. La confiance n'a jamais exclu le contrôle, mais il faut que le périmètre soit le plus pertinent possible et il n'est pas possible d'énumérer limitativement des critères dans la loi. Le Gouvernement préférerait le maintien du décret, mais sagesse.

Le sous-amendement n°8 est adopté.

L'amendement n°5, sous-amendé, est adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

Après l'article 7

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par Mme Nadille.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi puis tous les trois ans, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la prise en charge de l'autisme en général, en particulier sur l'accès à l'éducation des enfants autistes, intégrant une évaluation quantitative et qualitative de cet accès.

Mme Solanges Nadille.  - Nous demandons un rapport sur la prise en charge de l'autisme, en particulier sur l'accès à l'éducation des enfants autistes. Plusieurs associations déplorent l'absence d'indicateurs chiffrés dans ce domaine. Vingt ans après la première condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), ce travail est nécessaire.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure.  - Il s'agit d'une demande de rapport : avis défavorable.

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - La stratégie nationale autisme a permis des avancées. Depuis 2020, elle fait l'objet d'une étude d'impact annuelle. Votre demande est donc satisfaite. Avis défavorable.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

À la demande du groupe UC, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°113 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 339
Contre    0

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements)

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure.  - Je ne puis que me réjouir de cette adoption à l'unanimité. C'est un signal fort pour les familles. Je remercie l'ensemble des groupes pour cet accord transpartisan : au Sénat, les clivages politiques peuvent s'effacer au service des citoyens. Je renouvelle mes remerciements à Mme Guidez pour son engagement sans faille en faveur des personnes atteintes de TND et de leurs aidants. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 13 h 10.

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

La séance reprend à 14 h 45.

Droit applicable aux collectivités locales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités locales, présentée par M. Vincent Delahaye et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe UC.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure de la commission des lois .  - Pour la troisième fois depuis 2019, notre assemblée examine un texte dit balai, issu des travaux du Bureau d'abrogation des lois anciennes et inutiles (Balai), créé par Vincent Delahaye en 2018.

Déjà rapporteure du précédent texte, j'avais pu mesurer à quel point la complexité du droit est susceptible d'égarer les administrés : en 2016, Jean-Marc Sauvé estimait que la simplification et la qualité du droit sont l'un des ressorts de la confiance de nos concitoyens dans la légitimité de l'action publique.

Malgré cela, en 2023, 347 017 dispositions législatives et réglementaires étaient en vigueur, soit 27 000 de plus que lors de l'examen de la loi Balai 1, qui avait abrogé 48 lois obsolètes, votées entre 1819 et 1940 ; la loi Balai 2 en a supprimé 115, adoptées entre 1941 et 1980.

La présente proposition de loi Balai 3 diffère sur deux points : son ampleur et sa nature. Elle obéit à une logique sectorielle, ciblée sur les collectivités territoriales. Son étendue est large : elle touche des articles adoptés entre 1942 et très récemment : ainsi, elle supprime les articles 55 et 58 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec).

Elle comporte 19 articles ; le seul article 15 abroge une soixantaine de lois obsolètes. De manière inédite, elle codifie, abroge des articles du code général des collectivités territoriales (CGCT) ou les corrige.

De très nombreux rapports insistent sur les désavantages d'un droit trop complexe. À chaque examen, nous devrions avoir le réflexe d'abroger des lois antérieures devenues caduques.

Attention cependant à ne pas abroger des dispositions qui sont le fondement légal d'un acte ou d'une situation actuelle. C'est pourquoi la commission a fait preuve de la plus grande prudence ; le doute l'a toujours conduite à renoncer.

De plus, les modifications de fond méritant un débat spécifique, elle a agi à droit constant. Nous avons travaillé main dans la main avec le Conseil d'État et les administrations centrales concernées.

La commission a adopté 50 amendements : soit ceux-ci reviennent sur des dispositions caduques, soit ils procèdent à des coordinations manquantes, soit ils reviennent sur des dispositions initiales du texte lorsque leur caractère obsolète n'était pas évident.

Je vous proposerai un amendement supplémentaire à l'article 15, afin de corriger une erreur matérielle.

Enfin, il est temps d'évaluer les trois lois Balai et d'en tirer une méthodologie.

Sous réserve de l'adoption de mon amendement, la commission des lois vous propose d'adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI, et des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », disait Montesquieu. La clarté de la loi est seule à même de garantir l'effectivité et la légitimité de l'action publique. Je salue donc votre travail, monsieur Delahaye.

Devant le Congrès, le Président de la République avait indiqué dès 2017 que la loi trop complexe perdait de sa vigueur.

La loi Essoc, la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) ont permis de supprimer plusieurs comités Théodule.

Le 16 mars dernier, Christophe Béchu a signé avec Gérard Larcher et Françoise Gatel une charte pour la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales.

Nous devons passer d'une culture de production de la norme à une culture de résultat.

Je sais la commission des lois du Sénat appliquée à un travail d'archéologie législative, qui doit toutefois s'en tenir au strict nécessaire, sous peine de créer de l'insécurité juridique. Le Conseil d'État, saisi de la proposition de loi initiale, a émis des réserves et des recommandations le 25 mai dernier. Le texte a été amendé en ce sens par Mme la rapporteure, dont je salue la méthode rigoureuse.

Nous émettons un avis favorable sur ce texte, dont nous partageons pleinement la philosophie.

M. le président.  - Ce texte est examiné selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du Règlement du Sénat.

Par courrier en date du 18 janvier, M. Hervé Marseille, président du groupe UC, a demandé le retour à la procédure normale pour l'examen de l'article 15.

Le vote sur les autres articles de la proposition de loi est donc réservé.

Discussion des articles

Article 15

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme N. Delattre, au nom de la commission.

Alinéa 52

Après la référence : 

84, 

insérer la référence : 

95,

Mme Nathalie Delattre, rapporteure.  - Cet article tend à rectifier une erreur matérielle. L'article 95 de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, votée en 2004, ne doit pas être abrogé, car il sert de base légale à l'inventaire général du patrimoine culturel.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Avis favorable.

L'amendement n°3 est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

M. le président.  - Nous examinons à présent les articles qui font l'objet de la procédure de législation en commission.

En application de l'article 47 quater, alinéa 1, de notre Règlement, seuls sont recevables en séance sur ces articles les amendements visant à assurer le respect de la Constitution ; opérer une coordination avec une autre disposition du texte en discussion, avec d'autres textes en cours d'examen ou avec les textes en vigueur ; procéder à la correction d'une erreur matérielle.

Article 17 (Réservé - LEC)

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme Saint-Pé, MM. Bitz, Bonnecarrère, Buis, Capo-Canellas, Cazabonne et Chauvet, Mme de La Provôté, MM. Delcros, Dhersin, Duffourg et Hingray, Mme Jacquemet, MM. Kern, Laugier et Maurey, Mmes Perrot, Romagny, Sollogoub et Vermeillet et M. Wattebled.

Alinéa 34

Après les mots :

en tant

insérer les mots :

qu'autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité et de gaz et en tant

Mme Denise Saint-Pé.  - Cet amendement assure la cohérence du CGCT avec l'article 111-51 du code de l'énergie. Il est indispensable de conserver la notion d'autorité organisatrice de la distribution d'énergie (AODE), pour l'électricité et le gaz.

Si le développement des réseaux relève bien de la mission concédée, les concessions de distribution ne sont pas des affermages.

La mission de service public de distribution du gaz est bien plus étendue selon les termes de l'article 322-8 du code de l'énergie que dans le CGCT : le premier expressément que les AODE sont chargées de la fourniture d'électricité au tarif réglementé et de la distribution d'électricité.

Substituer la notion d'autorité concédante à celle d'autorité organisatrice se ferait au détriment de la lisibilité du droit applicable aux collectivités territoriales - objectif de cette proposition de loi.

L'amendement identique n°2 n'est pas défendu.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure.  - Avis tout à fait favorable. Cette simplification pourrait créer une insécurité juridique : il n'y a pas que la concession, il y a aussi l'exploitation. Nous réintroduisons donc la notion d'AODE.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°1 rectifié est adopté.

Vote sur l'ensemble des articles examinés, en application de l'article 47 ter du Règlement, selon la procédure de législation en commission (articles 1er à 14 et 16 à 19)

M. le président.  - Avant d'en venir aux explications de vote sur l'ensemble, conformément à l'article 47 quinquies, alinéa 2, du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble des articles ayant fait l'objet de la procédure de législation en commission.

Les articles 1er, 2, 4, 6, 7, 9, 11, 13, 14, 17 à 19 sont adoptés.

Les articles 3, 5, 8, 10, 12 et 16 demeurent supprimés.

Explications de vote

M. Pierre Jean Rochette .  - Trop de textes, trop de normes, trop de contraintes : nous dénonçons tous l'inflation réglementaire et législative. Pas moins de cinq groupes ont ainsi cosigné cette proposition de loi.

Les acteurs de mon territoire me disent souvent que la loi est trop complexe -  même pour les fonctionnaires, comme le ministre Fesneau l'a dit hier aux questions d'actualité.

Tout cela est un véritable frein à l'attractivité de notre pays : le sac à dos législatif et normatif est trop lourd pour les entreprises. Les maires se retrouvent démunis : comme nos concitoyens, ils ont besoin de lisibilité.

Cette proposition de loi s'inscrit dans la lignée de la mission balai créée en 2018 pour chasser les fossiles législatifs.

Deux premiers textes ont permis d'abroger 163 lois. Le Conseil d'État a souligné l'ampleur du présent texte, qui modifie vingt codes différents. Il poursuit des objectifs constitutionnels de clarté de la loi.

Je salue le travail de notre rapporteure, dont les amendements permettent de mieux répondre aux remarques du Conseil d'État. Notre groupe votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Vincent Delahaye .  - Je suis sénateur depuis treize ans : depuis le début de mon mandat, je plaide pour la simplification. Je suis ravi que l'Union européenne ait adopté la même démarche.

Je me suis d'abord attaqué à des textes anciens, de 1819 à 1980. C'était plus facile que le travail mené sur ce texte sectoriel. Nous y avons passé beaucoup de temps, avec l'aide du Conseil d'État.

Nous devons nous interroger sur la suite. Le président Larcher a repris dans son programme pour les trois prochaines années l'objectif de simplification.

Merci à Denise Saint-Pé pour sa vigilance : une erreur matérielle s'était glissée dans la proposition de loi. En tout état de cause, le groupe UC votera ce texte.

Deux pistes sont à creuser. Premièrement, supprimer au moins deux textes anciens pour chaque nouveau texte ; cela nécessite un travail en amont. Nous allons bientôt examiner un texte sur le logement ; nous pourrions commencer par là. Deuxièmement, réactualiser les textes, par le biais d'amendements portant sur des dispositions pouvant encore être utiles.

Ce travail peut être utile et apprécié de nos compatriotes. Si nul n'est censé ignorer la loi, bien peu de gens savent s'y retrouver.

Nul n'est capable de dire combien de textes sont en vigueur - j'estime à 11 000 le nombre de lois.

Je suis disponible pour poursuivre ce travail ; je sais que l'une des clés de la réussite est la persévérance. (Mme Nathalie Delattre le confirme.)

Merci pour vos propos agréables sur cette initiative et à mon endroit. (Applaudissements)

M. Guy Benarroche .  - La démarche de voter une loi balai honore le Sénat. Elle poursuit les objectifs constitutionnels d'accessibilité, de lisibilité et d'intelligibilité de la loi.

Nous avons salué la création de la mission Balai. Depuis 2018, par deux fois, nous avons procédé à un toilettage nécessaire.

Nul n'est censé ignorer la loi, mais la frénésie du législateur ne permet plus aux collectivités territoriales de s'y retrouver entre les textes qui ne s'appliquent plus ou ceux qui n'ont jamais été appliqués - trop de lois sont plus adoptées par affichage que pour modifier le droit...

Je remercie Mme Delattre et les services - c'est un travail important ! (Mme Nathalie Delattre le confirme.)

Le Parlement et le Gouvernement sont responsables de l'inflation législative. Nous devons sortir du cycle infernal qui nous conduit à adopter trop de textes inutiles.

Nous sommes loin de la circulaire du 26 juillet 2017, qui prévoyait la compensation de toute nouvelle norme réglementaire par la suppression d'au moins deux normes existantes, ou de la promesse d'insérer dans chaque projet de loi un volet dédié à la simplification !

La délégation aux collectivités territoriales a entendu les doléances des élus locaux, qui perdent leur énergie à naviguer dans les méandres des normes.

Les codifications sont utiles, comme l'article 10 sur la réduction de la consommation de plastiques à usage unique. À cet égard, je regrette le retrait de l'ordre du jour de la proposition de loi adoptée à l'Assemblée nationale sur ce sujet, que nous aurions eu plaisir à soutenir.

Nous serons sans doute unanimes pour améliorer la lisibilité du droit et faciliter le travail des collectivités. J'invite le Gouvernement à amplifier le processus de codification.

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Lors de sa conférence de presse du 16 janvier dernier, le Président de la République a évoqué « les complexités qui découragent les entrepreneurs, les industriels, les commerçants, les agriculteurs, les artisans, les maires ». Ce n'est pas un hasard si ces derniers sont cités en fin de liste...

Un maire sans argent est un maire sans pouvoir, démuni face à ses administrés. Or depuis 2010, le bloc communal a perdu 72 milliards d'euros de recettes du fait de la non-indexation de la DGF sur l'inflation. Dépossédés du levier fiscal, sans pouvoir de taux ni d'assiette, les maires sont mis hors-jeu. Sans autonomie financière, quelle autonomie politique ?

Le droit des collectivités territoriales est poussiéreux, c'est peu de le dire. Un nouveau coup de balai s'imposait. Cette troisième proposition de loi Balai contient 43 abrogations totales ou partielles du CGCT, et abroge entièrement ou en partie 65 lois ou ordonnances. Merci au groupe UC de faire le travail du Gouvernement ! (M. Laurent Burgoa renchérit.)

La rapporteure s'est attachée à respecter le sens de la loi. Ainsi de la loi Marcellin de 1971 sur les fusions et regroupements de communes, loi fondatrice, remplacée par celle de 2010 créant les communes nouvelles. Le remplacement d'une loi par une autre ne doit pas forcément aboutir à l'abrogation de la première : le droit est aussi affaire de symbole, le législateur doit en conserver les traces.

Le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) évalue à 2,5 milliards d'euros le coût de la réglementation entre 2019 et 2022, et a justifié 102 avis défavorables par les charges supplémentaires créées.

La tendance à légiférer pour exister mine la démocratie et entérine une impuissance à transformer la société.

Cessons pour notre part de renvoyer systématiquement au pouvoir réglementaire. Alain Lambert, ancien président du CNEN, nous alertait sur le risque qu'une mesure simple ne tombe entre les mains d'experts qui prévoiront « un contrôle à cracher le sang »...

Nous voterons ce texte, afin d'élaguer un maquis législatif qui nuit notamment aux petites communes.

M. Michel Masset .  - Voici le troisième volet de la saga Balai, après les propositions de loi de décembre 2019 et de février 2022. Le Sénat peut se féliciter de ces travaux.

Cette fois-ci, le texte vise spécifiquement le droit des collectivités territoriales, et ouvre un nouveau chantier, celui de la codification et non plus seulement de l'abrogation. Je salue le travail minutieux de Vincent Delahaye et Nathalie Delattre, qui ont abouti à un texte précis et prudent. Notre commission des lois a scrupuleusement vérifié que les abrogations n'entraîneraient pas de conséquences juridiques.

L'article 15 se lit presque avec mélancolie. C'est un voyage dans l'histoire de l'administration sous la Ve République : ordonnance du 5 janvier 1959 portant allègement du contrôle administratif sur les départements ; loi du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines ; loi du 5 juillet 1972 portant création des régions ; loi du 13 juillet 1987 sur la fonction publique territoriale ou encore loi du 27 juillet 2022 relative à la démocratie de proximité. Plus d'un demi-siècle de décentralisation, mais aussi de renforcement du millefeuille administratif, souvent au détriment des communes et des départements.

Cette proposition de loi participe à une dé-complexification du droit, mais il reste du chemin à parcourir.

La codification est un moyen de rendre le droit plus simple, plus accessible et de meilleure qualité, selon la Commission supérieure de codification. L'histoire législative a été marquée par un élan codificateur au cours des années 1990 et 2000. Nathalie Delattre s'y est récemment attelée, concernant la médiation judiciaire. Nous sommes donc sensibles à cette initiative, surtout lorsqu'il s'agit du droit des collectivités.

À ce besoin de clarification des compétences et des institutions, s'ajoute celui de préciser les règles elles-mêmes. En effet, la complexité du droit va de pair avec la complexification de la décision publique locale, dont nos concitoyens se désintéressent de plus en plus.

Notre groupe votera unanimement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Guy Benarroche.  - Bravo !

Mme Patricia Schillinger .  - Sous ses dehors techniques, ce texte poursuit une ambition républicaine : rendre le droit clair, intelligible et accessible pour le citoyen.

L'objectif de simplification fait consensus au sein de notre hémicycle. Ce texte parachève la démarche volontariste du Sénat en matière de simplification administrative, avec la mission Balai, créée en 2018, qui a déjà conduit à l'adoption de deux lois.

Je salue le travail méticuleux de Vincent Delahaye et de Nathalie Delattre, et la vigilance de la commission des lois.

Le Président de la République partage la volonté de simplification. Favorable à une maîtrise du flux législatif, il dit vouloir incarner « la France du bon sens plutôt que celle du tracas ».

Avec les lois Essoc, Pacte et Asap, le Gouvernement a supprimé des comités Théodule et simplifié les démarches administratives. Il a instauré la règle du « deux pour un » : l'abrogation de deux normes pour une norme autonome créée.

L'inflation législative et normative rend la loi illisible pour la plupart de nos concitoyens. Elle pénalise aussi les élus locaux qui se sentent dépossédés face à cette profusion de normes.

Ces difficultés sont décuplées outre-mer, et le RDPI plaide pour un travail de fond sur la question ultramarine.

Il appuie pleinement cette proposition de loi pour son ambition renforcée et pour son approche sectorielle. Elle contribuera à la clarté, à l'intelligibilité et à l'accessibilité du droit, qui sont des objectifs constitutionnels. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Guy Benarroche.  - Bravo !

M. Christophe Chaillou .  - La mission Balai, créée par le bureau du Sénat en 2018, visait à améliorer la lisibilité du droit. Après deux propositions de loi d'abrogation de textes obsolètes, en 2019 et 2022, ce troisième texte s'en distingue sur deux points : d'abord parce qu'il traite spécifiquement du droit des collectivités territoriales, ensuite parce qu'il vise la période qui va de 1980 à nos jours. Il toilette même des dispositions de la loi Agec, votée il y a à peine quatre ans ! En effet, le recours systématique à la procédure accélérée depuis sept ans nuit à la qualité du travail parlementaire.

Jusqu'à présent, nous n'avions abrogé que des lois entières. Avec cette proposition de loi, des abrogations partielles sont proposées.

Troisième différence, toujours de méthode, les auteurs de cette proposition de loi ont recodifié ou corrigé certaines dispositions.

En commission, nous avons veillé à ce que les mesures de codification ne modifient pas le sens du droit ni ne nuisent à sa lisibilité. Notre cheffe de file a ainsi défendu des amendements inspirés des préconisations du Conseil d'État, notamment concernant les territoires ultramarins. Nous avons proposé d'abroger l'article 113 de la loi Defferre I, manifestement obsolète, et manifesté notre attachement symbolique au maintien dans notre droit de la loi Marcellin de 1971.

Parce que nous soutenons ce travail de simplification, le groupe SER votera la proposition de loi.

Mme Marie-Do Aeschlimann .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En pleine crise agricole, le Premier ministre a proposé de simplifier la vie des agriculteurs face à des normes de plus en plus contraignantes.

Notre pays souffre de boulimie normative, avec 78 codes et 347 000 articles de loi en vigueur. Dans ces conditions, comment garantir l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi, objectif de valeur constitutionnelle depuis 1999 ?

Simplifier le droit est une nécessité pour nos collectivités territoriales confrontées à un empilement de normes et de contraintes, alors qu'elles réalisent 60 % de l'investissement public.

Améliorer la lisibilité du droit est une condition de l'efficacité de l'action publique locale. C'est aussi une économie : le coût de l'inflation normative entre 2017 et 2022 est évalué à 2 milliards d'euros. L'allongement du délai entre la décision et la réalisation d'un projet suscite une perte de confiance dans la parole publique. La complexité du droit est à l'origine de retards, voire de l'abandon de projets, notamment dans les petites communes qui manquent cruellement d'ingénierie.

C'est aussi une source d'insécurité juridique pour les élus, qui concourt à la crise des vocations et à la vague de démissions. Les grandes collectivités ne sont plus épargnées, au vu des difficultés croissantes de recrutement dans les filières techniques.

Cette prolifération de normes traduit la verticalité d'un État qui légifère sur tout et fait trop peu confiance aux élus locaux. Le Parlement doit prendre sa part dans cette autocritique. Citons aussi la transposition des normes européennes. Le droit des collectivités territoriales devient illisible car nos élus locaux sont soumis à des injonctions contradictoires, comme construire davantage sans artificialiser les sols -  un véritable casse-tête. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Burgoa.  - Tout va bien !

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Les élus ont besoin d'un cadre législatif simple, clair et opérationnel.

Je salue l'initiative de Vincent Delahaye et du groupe Balai. Cette approche prend tout son sens au Sénat, chambre des collectivités territoriales. C'est une étape indispensable dans la réflexion sur la qualité de la loi. Les propos du président Larcher nous invitant à « combattre les lois de pulsion » et à « moins légiférer pour mieux légiférer » sont plus que jamais d'actualité. Nous avons tous une part de responsabilité pour redonner à la loi ses lettres de noblesse. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

La proposition de loi est adoptée.

M. le président.  - Belle unanimité. (Applaudissements)

Prochaine séance, mardi 30 janvier 2024, à 15 heures.

La séance est levée à 15 h 40.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 30 janvier 2024

Séance publique

À 15 heures et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président, M. Alain Marc, vice-président, Mme Sophie Primas, vice-présidente

Secrétaires : M. Philippe Tabarot, Mme Véronique Guillotin

1. Lecture d'une déclaration du Gouvernement

2. Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, présentée par M. François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n°259, 2023-2024)

3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France (texte de la commission n°253 rectifié, 2023-2024)