Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Augmentation du coût des assurances pour les communes

Mme Marie-Arlette Carlotti , rapporteur.  - Lors des émeutes de juin 2023, les maires concernés, estimant qu'une minorité d'individus ne devait pas porter préjudice à l'ensemble de la population, ont très rapidement entrepris des travaux de réparation.

Or les assurances ne prennent plus en charge les contrats des collectivités, sinon à des tarifs indécents ; certains contrats ont même été résiliés. Une mauvaise nouvelle supplémentaire pour les communes.

Le 26 octobre 2023, Élisabeth Borne, alors Première ministre, avait annoncé une enveloppe de 100 millions d'euros destinée à compenser le reste à charge des collectivités. Une estimation aurait été menée fin 2023. Quelles seront les modalités d'accès à ce fonds ? Sera-t-il suffisant ? Le Sénat a créé une mission d'information sur les difficultés que rencontrent les communes pour s'assurer et lancé une consultation en ligne des élus locaux. Quelles sont les réponses du Gouvernement ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le Gouvernement a agi rapidement pour contribuer à la réparation des dégâts causés lors des émeutes. Sur le plan législatif d'abord, via la loi du 25 juillet 2023 et les ordonnances prévues par ce texte, adoptées dès le 13 septembre. Sur le plan financier, ensuite, avec, dès le 7 juillet, une circulaire créant un fonds exceptionnel visant à compléter les remboursements accordés par les assurances, pour un total de 106 millions d'euros.

En 2023, près de 20 millions d'euros ont été engagés au profit des collectivités qui n'étaient pas assurées ou qui connaissaient déjà le montant de leur indemnité d'assurance. Celles qui ne disposent pas de cette information n'ont pas encore reçu de subventions, mais l'État a vocation à compenser le reste à charge.

Les crédits non consommés à la fin de l'année 2023 au titre de ce fonds exceptionnel seront reportés.

Ligne ferroviaire Abbeville  -  Le Tréport

M. Laurent Somon .  - Voilà cinq ans que les promesses se multiplient au sujet de la réouverture de la ligne TER entre Abbeville et Le Tréport. Dernier épisode de cette saga poussive le 23 novembre dernier, avec le vote du volet mobilité du contrat de plan État-région (CPER), sans rénovation de la ligne.

Le devis est passé de 40 millions d'euros en 2018 à 140 millions, pour 35 kilomètres de voie, 900 voyageurs par jour et douze allers-retours quotidiens.

Le vent de jeunesse des mobilités soufflera-t-il enfin dans le nord du pays ? Les Hauts-de-France sont la première région éolienne, malgré la contestation des élus et des habitants. S'y ajoutent deux réacteurs EPR et des lignes à haute tension.

L'État est responsable du financement des infrastructures. Ce ping-pong sans fin devient incessant. Quelle est la réponse officielle du Gouvernement ? Les usagers de la Somme et de la Seine-Maritime reprendront-ils cette ligne un jour ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Cette ligne figure dans le protocole d'accord conclu le 18 mars 2022 entre l'État et la région sur l'avenir des lignes ferroviaires de desserte fine du territoire. Sa régénération sera financée par la région à 80 % et par la sphère État pour 20 %.

Des études d'avant-projet sommaire ont été menées lors du CPER 2015-2022. Le 23 novembre dernier, la région a délibéré sur un projet de protocole d'accord pour intégrer le volet mobilité 2023-2027 au CPER 2021-2027 ; ce projet n'en fait pas partie.

Néanmoins, un accord entre l'État et la région visant à rouvrir la ligne a été conclu fin 2023. Il traduit le soutien constant de l'État en faveur d'une offre de transport pertinente. Il revient toutefois à la région, en tant qu'autorité organisatrice de la mobilité, de définir l'offre de transport.

M. Laurent Somon.  - La région s'est engagée à financer la rénovation de cette ligne : nous attendons seulement la réponse du Gouvernement. Imputer le retard pris à la région est un mensonge ! Celle-ci est prête à agir.

Indemnisation des dommages liés aux prédateurs d'Amazonie

M. Georges Patient .  - La Guyane importe chaque année les deux tiers des produits qu'elle consomme. Le développement de l'agriculture y est insuffisant face à la forte croissance démographique. Les freins sont connus : difficulté d'accès au foncier, réglementation phytosanitaire européenne inadaptée, non-accès aux aides européennes, notamment.

Aux difficultés des éleveurs s'ajoutent les attaques de grands félins tels que les jaguars et les pumas, qui ont tué 442 animaux en 2022 - deux fois plus qu'en 2021. Pas moins de 60 % des éleveurs en sont victimes. Or ces derniers ne sont pas indemnisés, contrairement à leurs collègues de l'Hexagone en cas d'attaque de loup, d'ours ou de lynx.

Le programme COexistence FÉlins Élevage (Cofeel), testé depuis 2018, ne donne pas satisfaction. Dès lors, l'instauration d'un régime d'indemnisation s'impose, mais cela suppose de réviser le régime-cadre des aides d'État. Que comptez-vous faire pour aider les éleveurs de Guyane ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le Gouvernement est sensible à leurs difficultés. Le régime d'indemnisation des dommages dus aux grands prédateurs, qui constitue une aide d'État au sens du droit européen, se cantonne actuellement aux loups, aux ours et aux lynx, qui sont des espèces protégées.

Ce n'est pas le cas des prédateurs que vous évoquez : ces espèces, qui, en théorie, peuvent être chassées, font l'objet d'un quota zéro. Leur éventuel changement de statut, qui soulève des questions de droit international, est en cours d'examen. Le jaguar et le puma sont considérés comme quasi menacés et figurent à ce titre sur la liste rouge des mammifères de Guyane.

Depuis 2022, le Gouvernement soutient financièrement l'association Humans Initiatives to Save Animals (HISA), qui aide les éleveurs en cas d'attaque de félin ; des mesures de protection sont actuellement testées au sein d'un réseau de fermes pilotes.

Prise en compte des logements de fonction dans le calcul SRU

M. Jean-Baptiste Blanc .  - La commune de Robion a été déclarée carencée en matière de logements sociaux et soumise à une amende annuelle de plus de 100 000 euros au titre de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).

Elle a pourtant démontré un engagement concret en faveur de l'habitat public, notamment par la construction de logements pour les gendarmes. Mais ceux-ci ne sont pas pris en compte au regard des obligations de la loi SRU.

Plutôt que de sanctionner, mieux vaudrait valoriser les efforts des communes. Le Gouvernement compte-t-il modifier les critères de la loi SRU et intégrer les logements de fonction dans le calcul ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - L'article 55 de la loi SRU vise à satisfaire les besoins en logement des ménages modestes et à favoriser la mixité sociale via la construction d'un parc abordable réparti de manière équilibrée sur le territoire.

Le décompte des logements sociaux s'appuie principalement sur le conventionnement APL. Certains logements du parc privé y sont également intégrés ; les logements sociaux faisant l'objet d'un droit de réservation du ministère de l'intérieur sont bien comptabilisés dans l'inventaire. La loi 3DS prévoit que les logements concédés par nécessité absolue de service, tels les logements de fonction des gendarmes, sont déduits du calcul prévu par la loi SRU.

Enfin, la décision d'un préfet de prononcer la carence d'une commune n'est jamais une simple lecture automatique du nombre de logements sociaux. Robion ne compte que 7,23 % de logements sociaux et a atteint seulement 30 % de ses objectifs pour la période 2020-2022.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Dont acte, madame la ministre. Cela dit, le manque de souplesse de la loi SRU attise les tensions, alors que les élus s'efforcent de produire des logements.

Application de la loi visant à limiter l'engrillagement

M. Laurent Burgoa .  - Le Gouvernement doit publier d'urgence le décret nécessaire à l'application de l'article L. 428-21 du code de l'environnement, lui-même modifié par la loi du 2 février 2023 visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée. En effet, l'article R. 428-27 du code n'est plus conforme à la loi.

La cour d'appel de Nîmes a récemment relaxé quatre chasseurs qui avaient participé à une battue au petit gibier : ils étaient poursuivis sur le fondement d'un constat dressé par les agents de développement des fédérations départementales des chasseurs. La Cour a fait droit à la demande en nullité soulevée par les contrevenants, au motif que les agents n'étaient pas compétents pour les verbaliser.

Le Gouvernement présentera-t-il un projet de décret au Conseil national de la chasse et de la faune sauvage (CNCFS) avant le début de la prochaine campagne de chasse, le 1er juillet 2024 ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Les agents de développement des fédérations départementales des chasseurs jouent un rôle essentiel en matière de police de la chasse. L'article 7 de la loi du 2 février 2023 renforce leurs compétences. Mais il n'appelle pas de décret d'application : la nouvelle rédaction de l'article L. 428-21 du code de l'environnement, postérieur, n'entre pas en contradiction avec l'article R. 428-27.

L'action des agents de développement n'est nullement entravée et leurs prérogatives ont été étendues. Le Gouvernement ne prévoit donc pas de modification réglementaire.

M. Laurent Burgoa.  - Merci pour réponse, que vous devriez transmettre au garde des sceaux, afin que celui-ci publie une circulaire. Au vu de la décision de la cour d'appel de Nîmes, un effort de pédagogie s'impose auprès de certains magistrats !

Service public d'information de France Télévisions

M. Christian Redon-Sarrazy .  - La réforme des journaux télévisés de France 3, dictée par des considérations budgétaires, est jugée insatisfaisante par les personnels sur le plan éditorial. La suppression des éditions nationales reporte la charge sur les antennes régionales - d'où les mouvements sociaux fin 2023.

Le service public de proximité est en danger, alors que les téléspectateurs plébiscitent l'information locale.

Les restrictions budgétaires ont des conséquences sur la qualité du travail. Dans le contexte actuel, un travail journalistique rigoureux au plus près du terrain est plus que jamais indispensable.

Toute réforme suppose de la concertation et des moyens humains. Un dialogue doit être ouvert entre les personnels et la direction de France Télévisions, sur la base d'une évaluation des moyens nécessaires à une information de qualité.

Comptez-vous agir dans cette perspective, madame la ministre, vous qui avez déclaré sur une radio du service public vouloir faire une nouvelle réforme, et la faire vite ?

Mme Rachida Dati, ministre de la culture .  - Je suis attachée à la proximité de l'audiovisuel public, gage de cohésion sociale et de mise en valeur des événements de proximité. C'est parce qu'il assure cette mission essentielle que les Français le soutiennent très largement.

Le renforcement de l'offre de proximité de France TV et Radio France figurait parmi les priorités définies en 2018, formalisées dans le contrat d'objectifs et de moyens 2020-2022, prolongé d'un an. Cette dynamique a vocation à être amplifiée dans le cadre du prochain contrat, en cours de négociation. Elle s'est déjà traduite par plusieurs réalisations, dont le lancement de « Ici 12/13 » et « Ici 19/20 », pilotées depuis les régions.

Ce projet répond aux objectifs fixés par le Gouvernement et je reste attentive à ses modalités de mise en oeuvre, en particulier au respect du dialogue social. Nous sommes conscients des vives tensions au sein de France 3. La direction a pris des mesures pour les apaiser, notamment à travers un protocole d'accord signé par quatre organisations syndicales. Elle est engagée pour améliorer les conditions de travail. Un bilan sera dressé au printemps. D'ores et déjà, il est prévu de déployer 60 ETP supplémentaires dans les antennes régionales cette année.

Comme vous le savez, le ministère de la culture n'a pas vocation à se substituer à la direction de l'entreprise.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Ni le regard que vous portez sur la situation dégradée par la précédente réforme, ni la manière dont vous envisagez la prochaine ne sont de nature à rassurer. Ce week-end, vous avez déclaré à la une d'un journal : « Le service public doit donner sa place à toutes les opinions ». J'ajouterai : « et à tous les territoires » !

Réforme de la taxe d'aménagement

Mme Sylviane Noël .  - Jusqu'à présent, la taxe d'aménagement perçue par les communes était exigible 12 mois après l'obtention de l'autorisation d'urbanisme pour les montants inférieurs à 1 500 euros, et, pour les montants supérieurs, en deux fois, 12 et 24 mois après l'autorisation.

Depuis septembre 2022, cette taxe n'est exigible qu'à l'achèvement des travaux, ce qui met les communes en difficulté. Certains redevables tardent à déposer la déclaration d'achèvement, voire omettent de le faire. Et je ne parle pas des retards dans l'exécution des chantiers.

Lors du projet de loi de finances pour 2024, le Sénat a largement adopté mon amendement tendant à revenir au système antérieur. Hélas, il n'a pas été retenu dans le texte définitif.

Envisagez-vous de revenir sur cette réforme pénalisante et injustifiée d'une taxe essentielle pour les budgets communaux ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Pour avoir été longtemps maire et président d'intercommunalité, je connais ce sujet.

La liquidation des taxes d'urbanisme a été transférée à la DGFiP, sans remise en cause de l'économie générale de la taxe d'aménagement. La date d'exigibilité de la taxe a été décalée à l'achèvement des travaux pour faciliter sa gestion et favoriser les synergies avec les impôts fonciers.

La déclaration s'effectue 90 jours après l'achèvement des travaux, comme pour tous les changements fonciers. La réalisation définitive s'entend au sens fiscal, soit lorsque l'avancement des travaux permet une utilisation du local conforme à l'usage prévu - sans attendre les finitions. Une construction est ainsi considérée comme achevée même si la déclaration d'achèvement n'a pas encore été déposée. En outre, l'achèvement des projets de faible ampleur intervient le plus souvent en moins de 24 mois, donc avant l'émission du second titre de perception dans le système antérieur.

Bref, la réforme sauvegarde les recettes locales, et les études confirment l'absence d'effet négatif sur la trésorerie des communes. Si des décalages sont malgré tout constatés, je m'engage à réexaminer le dispositif avec vous.

Mme Sylviane Noël.  - Venez sur le terrain rencontrer les maires : vous verrez que cette réforme crée de nombreux désordres. Les communes n'arrivent plus à percevoir cette taxe. Impossible de construire un budget dans ces conditions. Il faut revenir au système antérieur, beaucoup plus simple pour les élus locaux.

Déploiement des ombrières photovoltaïques

M. Didier Mandelli .  - Les articles 101 de la loi Climat et résilience et 40 de la loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables imposent à certains parcs de stationnement d'intégrer des ombrières produisant de l'énergie renouvelable ou végétalisées. Ces obligations sont reprises aux articles L. 171-4 du code de la construction et de l'habitation et L. 111-19-1 du code de l'urbanisme ; elles varient selon la date de la construction et le type de gestion de l'espace concerné.

Or certaines prescriptions courantes dans les règlements d'urbanisme sont incompatibles avec l'installation d'ombrières sur les parcs de stationnement : règles d'implantation par rapport aux limites séparatives, caractéristiques de toiture, limitation du coefficient d'emprise au sol... Les échéances légales étant peu conciliables avec une procédure de révision des documents d'urbanisme ou de contestation d'un éventuel refus d'autorisation, les pétitionnaires concernés sont dans l'impasse ; beaucoup ont différé le dépôt de leur demande, en attendant que la primauté de la loi sur les règlements d'urbanisme soit réaffirmée.

Comment comptez-vous résoudre cette difficulté, que j'espère passagère ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - L'article 40 de la loi Énergies renouvelables prévoit l'installation d'ombrières comportant des panneaux solaires sur la moitié des parcs de stationnement supérieurs à 1 500 m2.

Un PLU peut préciser l'affectation des sols et prévoir une interdiction de construire. Les ombrières sont nécessairement rattachées à un parc de stationnement : si ces règles permettent la construction du second, elles ne font pas obstacle à l'implantation des premières.

La loi Alur a supprimé le coefficient d'occupation des sols pour favoriser la densification. En revanche, les règles d'emprise au sol peuvent, en effet, limiter l'implantation ou les caractéristiques dimensionnelles des ombrières. J'ai demandé à mes services d'examiner si ces difficultés de gabarit peuvent faire obstacle à l'application l'article 40 de la loi Énergies renouvelables.

Par ailleurs, je vous rappelle que les porteurs de projet peuvent demander à bénéficier des dérogations prévues aux règles des PLU.

M. Didier Mandelli.  - J'espère que cette clarification contribuera à l'accélération de la mise en oeuvre des ombrières photovoltaïques sur les parkings.

Dotation biodiversité et terrains militaires

M. Rémy Pointereau .  - La dotation dite biodiversité, instaurée par la loi de finances pour 2024, vise à soutenir les communes rurales dont au moins 350 hectares sont dans un parc naturel. Louable, ce dispositif omet toutefois les communes abritant des terrains militaires.

Ainsi, Bengy-sur-Craon, comme d'autres communes du polygone de tir de Bourges - 10 000 hectares à la biodiversité très riche -, n'en bénéficie pas, le terrain militaire n'étant pas pris en compte pour le calcul de la surface minimale. Ces communes subissent une double peine : elles perdent des ressources de taxe foncière sur les terrains non bâtis appartenant à l'État et ne peuvent percevoir la dotation biodiversité.

Envisagez-vous de revoir les critères d'attribution de celle-ci pour inclure les communes comprenant un terrain militaire ou, du moins, d'intégrer ces terrains dans le calcul de la superficie prise en compte ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Passée de 40 à 100 millions d'euros, la dotation biodiversité est un pilier de notre stratégie de préservation de la biodiversité, mais aussi un instrument de soutien au monde rural.

La loi de finances pour 2024 ne prévoit aucune exclusion des communes comportant un terrain militaire. Bien plus, 20 % des terrains militaires métropolitains font partie du réseau Natura 2000.

Bengy-sur-Craon n'est pas couverte par une aire protégée. Le terrain militaire pourrait faire l'objet d'un classement, mais cette discussion doit avoir lieu avec le ministère de la défense.

Un décret en Conseil d'État est en préparation pour préciser les conditions d'éligibilité des communes à cette dotation et les modalités de prise en compte des aires protégées. Peut-être faut-il que le ministère des armées augmente la part des terrains militaires inscrite dans la stratégie de classement, ce qui permettrait aux communes concernées de bénéficier de la dotation. Que le maire de Bengy-sur-Craon prenne contact avec le ministère des armées ; je ferai de même de mon côté.

M. Rémy Pointereau.  - Merci pour cette ouverture. Non seulement les pertes de taxe foncière ne sont pas compensées, mais ces communes sont exclues de la dotation biodiversité : il faut trouver une solution.

Friches minières et transition écologique

M. Jean-François Rapin .  - L'Union européenne a fixé l'objectif de 42,5 % d'énergies renouvelables en 2030. Les mines de charbon, acteurs énergétiques historiques, entendent contribuer à cette transition écologique, notamment en développant le photovoltaïque et la biomasse.

Dans le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais, le classement de l'Unesco combiné à celui de la chaîne des terrils paralyse 127 friches et 41 sites recensés. Les contraintes paysagères bloquent ainsi 1 411 hectares - un tiers du bassin.

Comment le Gouvernement compte-t-il donner à ce territoire les moyens de prendre sa part de l'atteinte de nos objectifs énergétiques ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Je ne suis pas satisfait de la réponse onctueuse qui m'a été préparée. (M. le ministre repose ostensiblement ses fiches sur le banc du Gouvernement.) Il est normal de se demander comment les friches peuvent concourir à l'atteinte de nos objectifs. Je mandaterai donc un inspecteur de mon ministère pour identifier la façon de résoudre les contraintes dont vous parlez.

Nous n'y arriverons pas en additionnant les textes sources de difficultés. Plutôt que constater que beaucoup de choses ne sont pas possibles, nous devons travailler à rendre possible ce qui est nécessaire. (Applaudissements sur plusieurs travées)

M. Pierre Jean Rochette.  - Bravo !

M. Jean-François Rapin.  - Merci pour votre engagement. J'ai soulevé ce problème après avoir rencontré le président de l'Association nationale des communes minières, Jean-Pierre Kucheida. Les difficultés sont réelles, alors que nous devons atteindre nos objectifs au plus vite. En effet, le cumul des textes fait que, parfois, on n'y comprend plus rien ; et il y a parfois loin des objectifs aux moyens...

Titularisation des secrétaires de mairie contractuels

M. Cédric Chevalier .  - La loi du 30 décembre 2023 visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie ne bénéficie pas à tous les secrétaires de mairie contractuels en poste.

En effet, un secrétaire de mairie ayant le grade d'adjoint administratif territorial principal de deuxième classe, comptant dix ans d'expérience dans différentes communes, ne peut être « stagiairisé » en vue d'une titularisation - cette possibilité étant réservée au grade d'adjoint administratif territorial.

Or nombre de petites communes ne fonctionnent que grâce à ces contractuels, souvent l'unique collaborateur du maire.

La récente loi a suscité beaucoup d'attentes. Au regard du manque d'attractivité de ce métier, allez-vous rendre possible une « stagiairisation » en prenant en compte le nombre d'années d'expérience, quel que soit le grade ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - La loi du 30 décembre 2023 est encore chaude ! Ce sujet, sur lequel le Sénat a braqué les projecteurs, nous a rassemblés. Il y a bien un binôme à la tête d'une commune : le maire et le secrétaire de mairie.

La récente loi comporte des avancées en matière de recrutement, de reconnaissance, de formation et de promotion des agents, mais elle s'applique exclusivement aux fonctionnaires exerçant ou ayant vocation à exercer les fonctions de secrétaire de mairie ; elle n'a pas créé de nouvelles procédures de titularisation des contractuels. Elle a au contraire élargi la possibilité de recours à des contractuels, pour laisser une plus grande liberté de choix aux employeurs territoriaux.

Un secrétaire de mairie contractuel peut toujours intégrer la fonction publique territoriale en passant un concours, comme tout contractuel, en fonction de son ancienneté.

Nous prendrons les mesures réglementaires d'application de la loi au plus vite, mais ne pouvons créer une procédure qu'elle n'a pas prévue.

M. Cédric Chevalier.  - Merci pour ces précisions. Il reste donc du travail au législateur !

Transport d'instruments de musique par la SNCF

M. Jean-Raymond Hugonet .  - N'ayant reçu aucune réponse de Clément Beaune à ma question écrite du 29 décembre 2022, je retente ma chance...

Depuis quelques années, la SNCF interdit l'accès aux TGV aux musiciens transportant des instruments volumineux : contrebassistes, harpistes ou tubistes se voient, au mieux, infliger de lourdes amendes, et, au pire, interdire l'accès au train.

En effet, selon le règlement actuel, les dimensions de l'étui ne doivent pas dépasser 130 par 90 centimètres. Aucune autre société de chemin de fer en Europe n'applique une telle limitation !

Compte tenu de la valeur des instruments, un service de livraison de bagage n'est pas envisageable. Au vu du faible nombre de personnes concernées, le plus simple serait d'émettre un avis de tolérance.

Monsieur le ministre, pouvez-vous obtenir de la SNCF qu'elle arrête de persécuter les saltimbanques, qu'ils soient harpistes, contrebassistes ou encore batteurs-percussionnistes, comme votre serviteur ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Le musicien affleure sous le sénateur Hugonet ! Je salue au passage vos prestations dans le Collaro Show et ailleurs...

La réponse qu'on me suggère de vous lire précise que la complexité du sujet réside dans l'emport d'objets volumineux - ce qui ne vous apprend rien - et envisage des possibilités de réservation dédiée et de tarifs adaptés - façon élégante de vous éconduire.

Or je veux vous apporter des réponses dans des délais plus compatibles avec l'impatience naturelle que vous exprimez. Vous avez raison, nous devons lutter contre la discrimination dont sont victimes les instruments de musique volumineux. Nous ne pouvons nous soucier uniquement des guitares et des flûtes traversières ! (M. Jean-Michel Arnaud approuve.)

Nous devons nous attacher à réparer une partie des injustices subies par les instrumentistes qui ont choisi des instruments imposants - d'autant que leur poids est aussi facteur de troubles musculo-squelettiques. Merci de me faire découvrir cette réalité.

Vous ne pouvez guère reprocher à Clément Beaune de ne pas être là pour vous répondre. Mais soyez assuré que le président Farandou sera officiellement saisi pour que l'on vous apporte une réponse rapide.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Excellent !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Ravi d'avoir égayé votre journée, monsieur le ministre. Je vous remercie pour votre réponse détaillée. Ce sujet n'est pas anecdotique. Je ne reproche nullement à Clément Beaune son absence, mais je déplore la fâcheuse habitude de ne pas répondre aux questions écrites !

Modalités de transfert de la compétence eau et assainissement

M. Olivier Rietmann .  - Monsieur le ministre, ma question porte sur vos annonces relatives à la gestion différenciée des compétences eau et assainissement.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Beau sujet !

M. Olivier Rietmann.  - En décembre dernier, vous indiquiez ici-même que, compte tenu de la taille de certaines intercommunalités, un véhicule législatif serait trouvé en 2024 afin de répondre à deux impératifs : ne conserver aucun système de commune isolée ; et faire preuve de souplesse pour trouver un système de coopération, de type syndicat mixte, sans transfert obligatoire de la compétence à l'intercommunalité. Cette évolution, que le Sénat appelle de ses voeux, avait été esquissée par le Président de la République lors de la présentation du plan Eau en mars 2023.

Les élus des intercommunalités engagées dans les études de transfert ont besoin de clarification dès aujourd'hui. Qu'entendez-vous par commune isolée ? Ces assouplissements seront-ils limités aux territoires hyper-ruraux et de montagne ? Permettront-ils la création de nouveaux syndicats regroupant uniquement des communes, de type syndicat intercommunal à vocation unique (Sivu) ? Confirmez-vous le report de la date butoir du 1er janvier 2026 ? (M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)

M. le président.  - Merci pour cette excellente question, sur un sujet qui préoccupe de nombreux maires et sénateurs...

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Monsieur Rietmann, je m'adresse au sénateur mais aussi à l'exploitant agricole - sous la pression presque physique du sénateur Arnaud, qui s'est beaucoup battu pour la proposition de loi modifiant l'obligation d'intercommunalisation de la gestion de l'eau. Je pense à mon département du Maine-et-Loire et à certaines de ses communes - Angers, Beaucouzé -, conscient que l'intercommunalisation n'est pas achevée partout et que les choses sont parfois complexes, parce que la France est diverse.

Le Gouvernement s'est engagé à tenir en 2024 l'engagement pris par le Président de la République à Savines-le-Lac, le 30 mars dernier. Convenez que nous n'avons pas encore dépassé l'échéance. Nous cherchons le bon levier, les initiatives parlementaires n'ayant pas abouti.

Une commune isolée, c'est une commune seule. La montagne doit-elle être le seul critère ? Ne faut-il pas tenir compte des distances, dans certaines intercommunalités XXL ayant plusieurs cours d'eau, où il n'y a pas les mêmes interconnexions, les mêmes solidarités naturelles que sur des territoires plus compacts ?

On ne peut continuer à gérer l'eau avec 11 000 systèmes différents, alors qu'elle va se raréfier : pour la sécuriser, il faut des interconnexions. Mais on ne peut pas non plus imposer partout le même système, de Paris à Vesoul. Il faut trouver une voie de passage. Nous tâtonnons, mais nous avançons, et tiendrons cet engagement avant la fin de l'année. Le texte devra aussi sécuriser les compétences des départements.

M. Olivier Rietmann.  - Votre réponse manque de précisions.

M. Christophe Béchu, ministre.  - Elles vont arriver !

M. Olivier Rietmann.  - Les communes et intercommunalités rurales attendent des réponses. Elles vont devoir prendre rapidement des décisions, car 2026 arrive très vite. Il faut nous présenter un véhicule législatif au plus vite.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Très bien !

Hausse des tarifs des péages ferroviaires

M. Hervé Gillé .  - Chaque année, les régions s'acquittent auprès de SNCF Réseau des péages ferroviaires pour faire rouler les TER. Pour la région Nouvelle-Aquitaine, ce coût passera de 69 millions d'euros l'année dernière à 82 millions cette année. Cette augmentation, insuffisamment justifiée, a été validée par l'Autorité de régulation des transports (ART) en février 2023 - décision que sept régions ont contestée devant le Conseil d'État.

Lors du débat budgétaire, votre gouvernement a écarté la piste d'un versement mobilité additionnel levé par les régions, qui aurait été une source de financement supplémentaire. Les régions n'ont aucune visibilité sur les montants réinvestis par territoire dans le réseau ferroviaire.

Allez-vous demander plus de transparence à SNCF Réseau ? Comment sécuriser le développement de l'offre ferroviaire régionale ? Quelles assurances quant à l'affectation des recettes issues des péages ? Le choc d'offre de mobilité se heurte au mur budgétaire !

M. le président.  - Monsieur le ministre, nous accueillons en tribune des élèves du conseil municipal des enfants de Beaucouzé, dans votre département.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - C'est la commune que j'ai citée il y a quelques instants, sans le savoir ! Je les salue, en espérant que cette expérience suscitera parmi eux des vocations...

Le sous-investissement dans notre réseau ferroviaire depuis les années 1980 a été plus que maladroit : désastreux. Faute d'avoir suffisamment investi pour la régénération de nos 29 000 kilomètres de voie, la qualité s'est dégradée. Le Gouvernement a repris la dette de la SNCF et engagé un plan d'investissement de 100 milliards d'euros, avec 3 milliards par an pour la régénération.

Les tarifs des péages sont nécessaires à l'équilibre budgétaire de la SNCF, qui doit continuer de développer son offre. Ils sont fixés non par le Parlement, mais par l'ART, autorité indépendante. Les sept régions qui ont attaqué sa décision ont été déboutées par le tribunal : l'épisode est donc clos.

Votre question, en creux, est celle du financement de nos réseaux de transports en commun. La rénovation énergétique, par exemple, obéit à un équilibre économique, puisqu'il y a un retour sur investissement. Ce n'est pas le cas des transports en commun : nous dépensons collectivement pour améliorer la qualité de l'air, diminuer le stress, etc. Nous allons devoir mettre les autorités organisatrices autour de la table et poser en effet la question, légitime, du versement mobilité.

M. Hervé Gillé.  - Merci pour votre réponse. Il faudra en effet aller plus loin dans la planification financière, en parallèle des programmes pluriannuels d'investissement.

Sur la ligne Paris-Bordeaux, malgré le succès du TGV, la SNCF perd 70 millions d'euros par an, car les péages sont bien trop chers. Notre système est déséquilibré. Or les collectivités territoriales font face à un mur budgétaire, avec des taux d'endettement élevés. Comment faire ? Essayons de nous retrouver autour de ce sujet.

Alerte de crue en temps réel

Mme Anne Ventalon .  - Avec le dérèglement climatique, les phénomènes de crues gagnent en fréquence, en violence, en soudaineté. Ainsi, le 3 octobre 2021, la Beaume, qui traverse Vernon, a connu une crue sans précédent. Les dispositifs d'alerte existants - carte de zones d'inondation potentielle, application Vigicrues, service Avertissement pluies intenses à l'échelle des communes (Apic) - sont hélas trop imprécis. En effet, la commune de Vernon n'a reçu qu'une alerte de niveau orange, pour se retrouver frappée par une crue de quatre mètres, quatre heures après les fortes précipitations tombées en amont.

Pourtant, si les prévisions s'étaient fondées sur les quantités de pluie tombant sur le haut du bassin-versant, l'intensité et l'heure de survenue de la crue auraient pu être annoncées avec précision au moins deux heures à l'avance, ce qui aurait conduit le maire à prendre des mesures adaptées afin de limiter les dégâts.

Les services de l'État disent ne pas disposer des moyens techniques permettant une évaluation en temps réel ; ils invitent les élus à consulter les intensités de précipitation en amont afin d'évaluer eux-mêmes le risque encouru.

Avec les formidables progrès de l'intelligence artificielle, ne pourrait-on créer un dispositif d'alerte des crues fondé sur les précipitations tombant sur les bassins-versants ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Le site Vigicrues, géré par le ministère de l'écologie, informe sur les risques de débordement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. En 2021, il avait déclenché une alerte de niveau orange, synonyme de risque de débordement très important, 24 heures après la crue.

Depuis 2021, nous avons beaucoup progressé, tant sur les données disponibles que sur les capacités de modélisation. Surtout, nous avons désormais FR-Alert, qui permet de prévenir les habitants d'un territoire par SMS. Le système a été activé dans la vallée de La Vésubie - où les inondations record sont directement corrélées au dérèglement climatique, la neige tombant désormais sous forme de pluie - ou encore dans le Pas-de-Calais. Il y a désormais une connexion entre ce système d'alerte par SMS et nos dispositifs de prévention.

Pour autant, je ne me satisfais pas de la situation. Nous continuons d'augmenter le nombre de stations ZIP (zones inondées potentielles) et d'améliorer la modélisation, en nous servant de supercalculateurs pour toujours plus de précision, alors que le risque augmente avec le dérèglement climatique.

Mme Anne Ventalon.  - Il y a effectivement des améliorations à apporter aux dispositifs pour une meilleure sécurisation des populations.

Souplesse de l'administration

M. Stéphane Piednoir .  - J'attire l'attention de M. le ministre sur les difficultés que rencontrent les élus de Chenillé-Champteussé, dans le département - qui lui est cher - du Maine-et-Loire.

Afin d'engager des travaux de sécurisation du pont situé sur leur commune, les intéressés ont signé un devis le 15 septembre dernier, avant de prendre connaissance du programme national Ponts, lancé seulement cinq jours plus tard, et de solliciter une subvention auprès du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Or la signature du devis valant engagement des travaux, la subvention leur a été refusée, même si la sécurisation n'avait pas commencé.

Je demande que l'administration fasse preuve de souplesse à l'égard d'élus vertueux.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Quand l'ancien maire de Montreuil-Juigné questionne l'ancien édile d'Angers devant des enfants de Beaucouzé sur une situation qui concerne Chenillé-Champteussé, il faut trouver une solution !

Théoriquement, si vous ne demandez pas une subvention au moment où vous lancez les travaux, expliquer que vous ne pourrez pas les réaliser sans elle est un peu compliqué. Toutefois, cette aide vise précisément à aider de telles communes. Je me rapprocherai donc de notre préfet et des services de l'État pour accompagner Chenillé-Champteussé sur la partie de l'ouvrage qui n'a pas débuté.

Ce qui sera bon pour ce territoire sera bon pour l'Anjou ; et ce qui est bon pour l'Anjou est bon pour la France !

M. Stéphane Piednoir.  - Les élus seront attentifs, d'autant qu'ils se sont engagés sur un devis, mais que la nature des travaux a nécessité une enveloppe budgétaire supplémentaire. Ils ont donc la légitimité pour obtenir cette subvention - modeste au regard de l'urgence. Nous connaissons les drames qui peuvent survenir lorsque les élus ne prennent pas le taureau par les cornes !

Taxe foncière

M. Hervé Reynaud. Pour les immeubles locatifs sociaux de plus de 40 ans dont la performance énergétique est de niveau F ou G, l'article 71 de la loi de finances pour 2024 prévoit qu'une opération de rénovation lourde donne droit à une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ans à compter de la fin des travaux.

L'effet pervers est identifié : plus le parc de logements est vieillissant, plus il est composé d'habitat social, plus la commune est pénalisée par ces exonérations. Le Sénat avait entendu l'appel des associations d'élus en votant un amendement, non retenu, qui remplaçait l'exonération par un dégrèvement et en formulant une quinzaine de propositions pour rendre aux élus locaux leur pouvoir d'agir.

La mission sur la décentralisation confiée à M. Woerth travaille-t-elle sur le réexamen du droit à compensation ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Vous êtes au fait de cette exonération grâce à votre autre vie à Saint-Étienne Métropole. Une rénovation énergétique coûte si cher qu'il n'est pas illogique qu'on lui donne les mêmes avantages qu'au neuf via le dispositif « Seconde vie », d'autant qu'on en reprend pour trente ou quarante ans ! D'un point de vue écologique, il n'est pas malin de démolir pour reconstruire. La rénovation de l'habitat social massifiera la filière : il est plus simple d'obtenir l'accord de copropriétés où une seule personne décide - patron de l'office d'HLM ou élu.

Or nous ne pouvons laisser à la charge des communes cette mesure. Je vous annonce que le manque à gagner en résultant sera bien compensé par l'État, par la voie d'un prélèvement sur recettes prévu dans l'article indiqué de la loi de finances. Je reviendrai vers vous pour préciser le dispositif.

M. Hervé Reynaud. Valorisons les maires-bâtisseurs. Le Sud-Loire est résilient : l'agglomération stéphanoise et la ville de Saint-Chamond mènent des opérations lourdes de résorption de friches, grâce au fonds dédié.

Remorques agricoles

M. Bernard Buis .  - Aux termes de l'article R. 322-1 du code de la route, les appareils agricoles remorqués dont le poids total en charge est supérieur à 1,5 tonne doivent être immatriculés, affectant une tradition rurale historique associée à la fête des bouviers et des laboureurs, très présente dans la Drôme : les corsos.

Ces défilés qui ont lieu depuis 1870 sont reconnus au patrimoine culturel immatériel. Les chars fleuris étant tractés par des engins agricoles, les organisateurs bénévoles de corsos font face à la suppression des cartes vertes des assurances sous format papier au 1er avril 2024, obligeant les véhicules immatriculés à figurer sous forme numérique au fichier des véhicules assurés. La fédération des festivals, carnavals et fêtes Drôme-Ardèche m'a alerté sur les difficultés financières liées à ces contraintes, qui risquent d'être fatales à une tradition représentant un danger très limité : les remorques sont tractées à une vitesse de défilé d'environ 1,5 km/h, ou de 10 à 15 km/h pour le parcours d'approche, généralement un seul week-end par an.

La réglementation peut-elle être aménagée ou des autorisations préfectorales délivrées en ce sens ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - J'ignorais à peu près tout, en me levant ce matin, des conséquences éventuelles de la réglementation des remorques agricoles sur les défilés !

L'obligation d'immatriculation a été étendue par un décret de février 2009 aux véhicules ou appareils agricoles rattachés à une exploitation mis en circulation après le 1er janvier 2013. Un arrêté du 19 décembre 2016 précise les modalités de réception de ces véhicules. Conformément au code de la route, les propriétaires de véhicules soumis à immatriculation doivent en faire la demande avant la mise en circulation sur la voie publique.

Toutefois, les véhicules ou appareils agricoles remorqués dont le poids total en charge est supérieur à 1,5 tonne et mis en service avant le 1er janvier 2013 ne sont pas soumis à cette obligation, non plus que les véhicules dont le poids en charge est inférieur à 1,5 tonne.

Difficultés à s'assurer

Mme Else Joseph .  - À la suite de l'embrasement d'une partie de nos territoires, la difficulté des communes à s'assurer prend de l'ampleur. La résiliation anticipée de leur contrat est perçue comme une épée de Damoclès : malheur à qui refuse la hausse des cotisations !

Alors que la sinistralité augmente, des compagnies se retirent. Le marché, soumis à monopole, est défavorable aux communes, tenues d'assurer la flotte automobile, les personnes, les musées... Les coûts supplémentaires mènent à des arbitrages douloureux. Par exemple, Ardenne Métropole a constaté une cotisation en hausse de 50 %, et Bogny-sur-Meuse de 15 % sur sa seule flotte automobile. Ces comportements unilatéraux et soudains laissent les communes devant le fait accompli, en contradiction avec le principe assurantiel.

Monsieur le ministre, sans assurance, la libre administration des collectivités locales est compromise. Qu'envisagez-vous pour que nos communes s'assurent dans des conditions sereines et non exorbitantes et pour faire face aux résiliations anticipées ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Vous vous faites la porte-parole légitime du problème auquel Ouest-France consacre son premier titre : les « communes dans l'impasse de l'assurance ».

Une mission sur le sujet a été confiée au maire de Vesoul, Alain Chrétien. Avant l'été, elle dressera un état de l'art complet. De plus, nous avons sollicité la médiation de l'assurance pour voir comment aider certaines collectivités. Enfin, en valorisant des actions de prévention, nous devons être capables de revenir à des niveaux de prime antérieurs. J'attends avec impatience les conclusions du rapport Chrétien.

J'ai demandé à des sociétés d'assurances internationales de nous faire remonter les dispositifs pouvant exister chez nos voisins. Le problème est devant nous, du point de vue tant du climat, comme le montre la catastrophe naturelle à Vernon, que des comportements.

Mme Else Joseph.  - Il faut rassurer les collectivités : elles sont en plein désarroi.

Secrétaires de mairie

M. Hervé Maurey .  - Les secrétaires de mairie jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement de nos communes, mais leurs traitement et évolution de carrière sont tout à fait insuffisants. D'où les difficultés à recruter, qui s'aggravent : il en manque 2 000.

Pour renforcer l'attractivité de la profession, la loi du 30 décembre 2023, adoptée sur l'initiative du Sénat, améliore la formation initiale et la promotion interne. Des mesures plus ambitieuses doivent être prises, mais les communes ne peuvent supporter seules l'effort financier. Le Gouvernement compte-t-il y participer ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Ceux qui connaissent M. Maurey savent son attachement à accompagner les maires. Le binôme maire-secrétaire oeuvre dans l'ombre pour régler les problèmes du quotidien. J'ai en tête ce qui se faisait à Angers Loire Métropole quand M. Capus en était vice-président. (MM. Emmanuel Capus et Cédric Chevalier renchérissent.)

Monsieur Maurey, vous avez pris toute votre part dans l'adoption de la loi du 30 décembre 2023. (MM. Emmanuel Capus, Cédric Chevalier et Pierre-Jean Rochette acquiescent.) Rendant justice à ces héros du quotidien, elle ouvre l'accès à la fonction de secrétaire général de mairie, à compter du 1er janvier 2028, aux agents des catégories A et B.

Nous avons engagé des travaux pour sa traduction réglementaire, notamment au sujet du plan de requalification, pour que les secrétaires de mairie de catégorie C puissent être promus d'ici au 31 décembre 2027 par une voie interne exonérée de tout contingentement. Nous créons aussi une voie de promotion pour que les secrétaires de catégorie B exercent ce métier sur la base d'une formation qualifiante. (MM. Emmanuel Capus, Cédric Chevalier et Pierre-Jean Rochette applaudissent.)

M. Hervé Maurey.  - Votre aimable réponse confirme que vous connaissez le terrain, ce qui n'est pas toujours le cas des ministres. Néanmoins, la loi est insuffisante. Il faut un accompagnement financier de l'État.

Hôpital de Redon-Carentoir

M. Daniel Salmon .  - Le centre hospitalier de Redon-Carentoir vieillit, ce qui nuit aux conditions de travail et d'accueil et génère un surcoût de fonctionnement de 2 millions d'euros par an. Or cet hôpital dessert un territoire de 150 000 habitants, à une heure de route des hôpitaux de recours de Nantes, Rennes et Vannes, avec une importante surmortalité et un taux d'affections de longue durée supérieur à la moyenne.

L'audit d'il y a deux ans préconisait non une réhabilitation, mais une reconstruction, sur une surface de 22 000 m² pour un budget de 105 millions d'euros - revue à 16 000 m² pour 70 millions. Finalement, le Conseil national d'investissement en santé (Cnis) prévoit 5 900 m² pour 40 millions d'euros : élus et usagers ont le sentiment d'un hôpital au rabais...

Après tant d'atermoiements et de mépris, à quelle hauteur l'État s'engagera-t-il pour un établissement sans investissement public depuis vingt ans ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Il n'y a pas de santé au rabais : tel est l'engagement de l'État, qui apportera 20 millions d'euros à ce projet dans le cadre du Ségur. Cela permettra un nouvel hôpital, avec de meilleures conditions d'accueil et de travail.

Au printemps 2023, les études ont souligné les difficultés techniques, financières et environnementales de la reconstruction du bloc central, d'où la sollicitation du Cnis par l'agence régionale de santé (ARS) Bretagne. Ses conclusions ont abouti aux propositions soumises le 5 décembre 2023 au conseil de surveillance de l'établissement, qui les a accueillies favorablement. La maîtrise d'ouvrage devrait conclure ses évaluations en janvier.

M. Daniel Salmon.  - Vingt millions, c'est tout à fait insuffisant. Le Gouvernement va de crise en crise et n'anticipe rien ! Il y avait 1 000 personnes le 27 janvier, il y en aura bien plus à la prochaine mobilisation. Votre budget d'austérité ignore l'investissement, alors que cet hôpital n'a pas d'autofinancement. Il faut le triple !

Contamination par le chlorothalonil-R471811

Mme Nicole Bonnefoy .  - Le 6 avril dernier, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) révélait la présence de chlorothalonil-R471811 dans plus d'un prélèvement sur deux. Ce métabolite, issu d'un fongicide interdit en 2019, demeure très présent. Or l'eau ne peut plus être bue au-delà de 3 µg par litre, seuil qui faisait référence jusqu'à ce que l'Anses ait mis fin à la réévaluation de la pertinence du chlorothalonil-R471811 et statué sur une valeur sanitaire maximale si nécessaire. Où en est-on, madame la ministre ?

Dans mon département de Charente, 49 captages sur 56 révèlent sa présence : dès qu'on le cherche, on le trouve, alors qu'il est classé cancérogène probable. Prendrez-vous des mesures d'urgence sanitaire et de soutien aux collectivités pour la dépollution de l'eau ? Il y a un risque de fracture territoriale autour de cette potentielle crise de l'eau.

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - L'ARS agit sur l'ensemble de la région Nouvelle-Aquitaine, dont la Charente. Sur les 89 captages analysés, aucun ne présente de trace de la molécule mère chlorothalonil et aucun ne présente une concentration supérieure à 3 µg. Les évaluations sont donc claires.

M. Daniel Salmon.  - Tout va bien !

Mme Nicole Bonnefoy.  - Alors que toutes les filières agricoles demandent la levée massive des interdictions de pesticides, le Gouvernement doit revenir à la raison - et ne pas laisser les collectivités seules !

Fermetures répétées des urgences en Gironde

Mme Monique de Marco .  - Depuis avril 2023, les fermetures d'urgences hospitalières sont récurrentes dans les quinze services de Gironde, où il manque 30 % de médecins, avec des conséquences sur les conditions d'accueil et de travail. Les centres d'Arès, Blaye, Langon, Lesparre et Sainte-Foy-La-Grande ferment régulièrement. Dans ce dernier, la situation est gravissime : plus de 17 jours de fermeture entre avril et mai 2023, avec des redirections vers le CHU de Bordeaux, à une heure de route, lui aussi contraint de réguler son accès.

À l'été, avec le tourisme et le manque de personnel, l'agence régionale de santé (ARS) envisage de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Le plan rose est prévu à la maternité de Langon ; les urgences seront-elles fermées en 2024 ? Quelles mesures d'urgence et de moyen terme envisagez-vous, madame la ministre ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Malheureusement, cette situation n'est pas unique, du fait de la démographie médicale et de situations qui se dégradent dans l'hôpital public. Pour autant, la régulation n'est pas malvenue : c'est une attente forte des praticiens, si le fléchage correspond à la nature des urgences.

En outre, la semaine dernière, le Premier ministre s'est engagé, devant vous, sur les services d'accès aux soins (SAS).

Enfin, le Gouvernement a publié, fin 2023, des décrets ouvrant des outils territoriaux complémentaires de gradation des prises en charge extrahospitalières, pour réserver les médecins urgentistes aux situations médicales évaluées. Elle est parfois vécue comme une difficulté, mais ce sont souvent les praticiens eux-mêmes qui demandent cette régulation.

Mme Monique de Marco.  - Réguler et graduer les prises en charge ne résoudra les problèmes ni à moyen ni à long terme. Il faut des solutions pérennes !

Parcours de soins et désertification

M. Fabien Genet .  - La pertinence du parcours de soins coordonnés n'est pas certaine dans les territoires touchés par la désertification médicale - notamment la Saône-et-Loire. Je témoigne du désespoir des familles face au départ non remplacé d'un médecin : 2 000 patients cherchent alors un nouveau médecin traitant sur un territoire déjà en tension, d'où une saturation de l'hôpital public.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) prévoit bien de neutraliser les pénalités de remboursement, mais les jeunes et les nouveaux arrivants, sans médecin traitant, voient leurs remboursements minorés de 30 %.

Ce parcours de soins représente donc une double peine. Pour des raisons d'égalité de traitement, le Gouvernement reverra-t-il ce dispositif avec, à tout le moins, le remboursement complet pour les patients sans médecin traitant ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Cette question a déjà été posée et plusieurs propositions de loi ont été déposées, ces derniers mois, pour un accès direct à certains spécialistes, comme les podologues et les kinésithérapeutes. Le parcours, enjeu de santé publique, a parfois représenté des pertes de chances. La loi Rist l'a corrigé.

Le fond du problème est la démographie médicale. C'est pourquoi nous formons plus de professionnels de santé : 10 000 chaque année, peut-être plus encore en 2025. Le Premier ministre s'est engagé sur le temps médical : 10 % de temps libéré, ce sont 500 000 patients reçus en plus.

Nous avons levé plusieurs tabous ces dernières années. Reste celui des rendez-vous non honorés, qui ne doivent pas pénaliser ceux qui attendent un accès.

M. Fabien Genet.  - Vous reconnaissez qu'il serait injuste de pénaliser le patient auquel le système de santé n'a pas fourni de médecin. Plus largement, c'est un symptôme du mal qui ronge notre système. Il faut réarmer notre système de santé : il y a beaucoup de travail.

Prise en charge de l'autisme

Mme Laurence Harribey .  - Faute de place dans le public, bien des familles se tournent vers des associations et des professionnels non conventionnés pour la prise en charge de leurs enfants atteints d'un trouble du spectre de l'autisme, ce qui fait faire de grands progrès aux enfants, mais à des frais importants. Le reste à charge, après les aides de la caisse d'allocations familiales (CAF), demeure élevé, ce qui pousse certaines associations à fermer, comme Etape, en Gironde, qui y sera contrainte en juillet, laissant 21 enfants et leur famille sans solution.

Les parents lancent un appel au secours. Les politiques publiques doivent encourager le travail remarquable de ces associations. Que ferez-vous d'ici à l'été ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - C'est un sujet déterminant. Le droit commun doit prévaloir. Le PLFSS prévoit un repérage précoce, avec la formation de ceux qui sont en contact avec les enfants afin de limiter les pertes de chance - notamment pour ceux qui ne sont détectés qu'à l'âge adulte.

Le bond spectaculaire et nécessaire de l'inclusion scolaire doit se poursuive : 325 nouveaux dispositifs de scolarisation d'élèves autistes au sein de l'école ordinaire ont été ouverts, et les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) sont désormais le deuxième métier de l'éducation nationale. L'effort d'inclusion doit se poursuivre tout au long de la vie.

Repérage précoce - de 0 à 6 ans - pour éviter les pertes de chance et continuité sont prioritaires.

Mme Laurence Harribey.  - Vous parlez de l'école inclusive là où je vous parle des structures non conventionnées. Le plan autisme n'aboutit pas, alors que la liste d'attente va de deux à huit ans pour les enfants, et jusqu'à dix ans pour les adultes. La stratégie prête depuis juillet n'est toujours pas en application. Il faut un vrai plan de santé publique et aider les structures existantes à ne pas fermer, comme celle que j'ai mentionnée.

Collecte de sang en Guyane

Mme Marie-Laure Phinera-Horth .  - Karen n'a que 8 ans et combat une leucémie aiguë. Chaque jour de vie est une victoire. Sa vie a failli basculer, faute de plaquettes disponibles. La Guyane est confrontée à une épidémie de dengue, qui complique la gestion du stock de plaquettes, déjà sensible : la collecte de sang est suspendue depuis vingt ans en raison de la maladie de Chagas. Depuis 2005, le sang transfusé provient des Antilles ou de l'Hexagone.

Cela pose des problèmes de santé publique, notamment de disponibilité des stocks. La Guadeloupe n'est pas autosuffisante en produits sanguins labiles. L'Hexagone et les Antilles sont à respectivement 8 et 3 heures de vol.

Enfin, du fait de sa diversité, la Guyane dispose de groupes sanguins rares. L'utilisation d'autres groupes multiplie les risques d'incompatibilité et de réaction transfusionnelle.

Il y a deux ans déjà, j'avais interpellé le Gouvernement. Un rapport de Santé publique France ne ferme pas la porte à la collecte de sang en Guyane, mais en souligne les contraintes. Les actifs de l'Établissement français du sang ont été transférés en Guadeloupe. Les Guyanais en ont assez d'être sacrifiés. Quand reprendra la collecte de sang en Guyane ? Vous pouvez déjà autoriser le prélèvement de plaquettes, car un traitement rend inactifs les virus. Ce serait un premier pas...

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Je connais votre engagement. Quel que soit le territoire, c'est uniquement pour des raisons épidémiologiques que les collectes peuvent être interdites. Il y a des risques pour la santé publique en Guyane et à Mayotte. Un arrêté préfectoral de 2005 interdit cette collecte en raison de la maladie de Chagas, qui infecte 15 à 20 millions de personnes en Amérique du Sud.

À ce stade, il n'est pas possible de reprendre la collecte, mais j'en reparlerai au sein du Gouvernement. Nous pourrions notamment réaliser une nouvelle étude, la dernière datant d'août 2021.

Mineurs non accompagnés

M. Cédric Perrin .  - Le Sénat, à plusieurs reprises, a proposé des solutions pour l'accueil des mineurs non accompagnés (MNA) et leur entrée dans le dispositif spécifique, en amont de leur prise en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE). Les cris d'alerte des travailleurs sociaux et des départements sont restés sans réponse. Certaines collectivités, comme celles du Territoire de Belfort, du Jura ou de la Vienne, adoptent des motions visant à limiter la prise en charge directe de ces MNA.

Elles se heurtent à deux difficultés : lors de la phase d'évaluation, le placement en accueil provisoire d'urgence n'est pas toujours effectif ; ensuite, les établissements d'accueil sont saturés. Dans le Territoire de Belfort, il y a 61 places pour 90 MNA. Selon le ministère de la justice, les arrivées ont crû de 30 % en 2022 par rapport à 2021. Il est indispensable de transférer à l'État la mise à l'abri des mineurs non accompagnés, comme le demande également l'Assemblée des départements de France (ADF). Quand le Gouvernement soulagera-t-il les départements au bord de l'asphyxie ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - L'Assemblée des départements de France (ADF) ne demande pas que cette compétence revienne à l'État, mais cela pourrait être remonté dans la mission Woerth. J'entends les difficultés de procédures et les recours. Il y a parfois des difficultés croissantes dans les départements frontaliers.

Depuis 2022, le fichier national permet d'assurer une meilleure fluidité, et doit être renforcé. Avec Elisabeth Borne, en 2023, nous avons annoncé à l'ADF une enveloppe supplémentaire de 100 millions d'euros pour soutenir les départements, dont les finances sont fragilisées.

M. Cédric Perrin.  - Les flux migratoires sont de la responsabilité de l'État. Dans le Territoire de Belfort, certains enfants ayant une ordonnance de placement doivent rester dans leurs familles faute de place en foyer. C'est inacceptable. J'espère que notre demande sera entendue par le Gouvernement.

Difficultés d'accès aux soins infirmiers et rééducation dans la ruralité

M. Jean-Yves Roux .  - Des maires m'alertent sur les difficultés à faire venir des infirmiers pour des soins quotidiens, notamment de suite. De nombreux soins prescrits ne peuvent être assurés, faute d'infirmiers acceptant des déplacements réguliers, surtout en territoire rural ou de montagne, où les temps de déplacement sont accrus. C'est coûteux pour l'assurance maladie et crée des ruptures de soins. Les cabinets libéraux regrettent que le plafonnement des indemnités kilométriques, dans un contexte inflationniste, ne permette pas d'assurer une permanence des soins quotidienne.

Il faut traiter les inégalités d'accès aux soins de manière moins technocratique, dès la prescription des soins, pour le rétablissement du patient. « Supprimer des normes, réduire les délais, faciliter encore les embauches, augmenter tous les seuils de déclenchement d'obligation. C'est au fond la France du bon sens, plutôt que la France des tracas. » Ces propos sensés du Président de la République, tenus le 16 janvier dernier, résonnent tout particulièrement aux oreilles des habitants de la ruralité.

Dans un souci de différenciation territoriale et de pragmatisme, envisagez-vous d'augmenter la compensation de frais kilométriques dans les zones rurales concernées, en particulier les zones de revitalisation rurale ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Les infirmiers et aides à domicile sont essentiels pour l'hospitalisation et le maintien à domicile. Les professionnels de santé bénéficient d'une aide à l'installation de 27 500 euros, et même de 37 000 euros pour une première installation. Les indemnités kilométriques représentent 20 % du revenu annuel des infirmiers. Un avenant signé en 2021 a prévu 217 millions d'euros pour une meilleure prise en charge des indemnités kilométriques. Faut-il aller au-delà ? Les indemnités sont liées au kilométrage. Les professionnels de santé ont également bénéficié d'une majoration de 15 centimes, payée par l'assurance maladie, à la remise à la pompe de 30 centimes.

M. Jean-Yves Roux.  - Je suivrai avec attention l'application de ces mesures.

Avenir du centre hospitalier du Centre Bretagne

M. Simon Uzenat .  - Le centre hospitalier du Centre Bretagne (CHCB) couvre un bassin de vie de 140 000 habitants, classé comme désert médical. Le Centre Bretagne est une île verte nécessitant des moyens spécifiques. Or l'espérance de vie est plus faible et les pertes de chances plus importantes pour les citoyens ruraux. Nous ne pouvons l'accepter dans notre République garante de l'égalité.

Depuis de nombreuses années, le CHCB fait face à une pénurie de moyens liée notamment à un modèle de financement de l'hôpital public à bout de souffle. Il a été l'un des grands oubliés du Ségur, avec seulement 1,5 million d'euros accordés sur 42 millions demandés. Il rencontre des difficultés majeures de recrutement, dégradant le fonctionnement des services. Toutes les composantes de l'hôpital sont touchées, de la maternité aux Ehpad.

Malgré un objectif initial louable, la loi Rist a amplifié le phénomène en réduisant considérablement le vivier des intérimaires -  40 % des médecins et jusqu'à 70 % aux urgences. Le CHCB est en péril et la mobilisation locale, générale. Je salue l'engagement sans faille et le dévouement des équipes de direction, des soignants et des praticiens hospitaliers qui portent le centre à bout de bras.

Quels moyens humains et financiers l'État déploiera-t-il dans les plus brefs délais pour permettre à chacun de naître, de bien vivre et de bien vieillir en centre Bretagne ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - L'accès aux soins est une des premières préoccupations des Français. L'hôpital public est souvent la première porte d'entrée dans le système de soins.

L'accès des urgences du CHCB est désormais régulé, répondant à la demande de sécurisation du personnel. Le Smur fonctionne bien : 7,5 urgentistes accueillent en moyenne 88 patients chaque jour.

Compte tenu des difficultés, l'ARS a diligenté une mission d'appui pour analyser les difficultés d'organisation rencontrées, qui a débuté le 3 décembre dernier. Elle devrait apporter des améliorations.

La loi Rist, très attendue, évite les dysfonctionnements trop importants lorsque les établissements ne reposaient quasiment plus que sur des intérimaires, avec d'importants surcoûts et une concurrence entre professionnels de santé. Elle est bien déployée.

M. Simon Uzenat.  - Nous ne pouvons partager votre constat : 40 lits de Smur et 30 lits d'Ehpad ont été fermés, avec des urgences devenant un service d'hospitalisation. Il faut cesser les audits et donner les moyens aux services de bien fonctionner. Le rapport aurait dû être rendu en janvier. Il y a un plan blanc aux urgences, mais il n'y avait pas de Smur hier soir. Il faut des mesures spécifiques et pérennes, revaloriser les praticiens hospitaliers et le personnel soignant, travailler avec les médecins militaires. Il y a urgence pour le centre Bretagne !

Assistantes maternelles impayées

M. Henri Cabanel .  - En octobre 2022, en réponse à ma question sur les impayés subis par certaines assistantes maternelles, le ministre avait annoncé un état des lieux et la création d'un éventuel fonds de garantie, afin de lutter contre la fraude et d'indemniser les assistantes maternelles lésées. Où en est-on ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Dans le cadre de mes précédentes fonctions, j'ai réuni le comité de filière de la petite enfance sur la question des impayés. C'est d'abord un sujet de fraude, mais c'est aussi un problème pour les assistantes maternelles concernées. Nous avons repris toutes les préconisations du comité de filière, notamment celle prévoyant qu'en cas d'impayé l'État verse la rémunération pendant deux mois. La loi pour le plein emploi a également prévu des dispositions sur les relais petite enfance, car la relation entre les parents et les assistantes maternelles est aussi une relation employeur-employé, qui peut être parfois tendue.

M. Henri Cabanel.  - Ce problème est ancien. Pour certaines assistantes maternelles, il peut s'agir de dizaines de milliers d'euros. Oui à la prise en charge par l'État de deux mois d'impayés, mais quand cela sera-t-il opérationnel ?

Il semblerait que les fraudeurs n'aient pas encore fait l'objet de poursuites. La CAF doit recouvrer ces indus, afin que cela ne se reproduise pas.

Implantation des pharmacies

Mme Marianne Margaté .  - Pour l'autorisation d'ouverture d'une pharmacie, seule la population de la commune d'implantation est prise en compte, avec un minimum de 2 500 habitants. C'est préjudiciable pour des villages comme Saint-Cyr-sur-Morin ou Jossigny, en Seine-et-Marne.

Il faudrait qu'un décret permette aux agences régionales de santé (ARS) de déterminer les territoires au sein desquels l'accès au médicament est insatisfaisant. La situation actuelle est absurde : à Saint-Cyr, on compte sept professionnels de santé ; et Jossigny accueille le grand hôpital de l'Est parisien, avec 250 000 actes de soin par an.

Une réglementation est nécessaire pour éviter le développement anarchique des pharmacies, mais elle doit tenir compte des bassins de vie et de l'implantation des infrastructures de santé.

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - C'est un enjeu d'accès à la santé. Notre réseau de pharmacies est une chance, mais il est précaire, avec désormais moins de 20 000 officines. Un projet de décret pour revoir les modalités d'implantation avait été préparé, mais des parlementaires et les représentants des pharmaciens s'y sont opposés. Une nouvelle concertation est en cours, notamment sur l'idée de prendre en compte la population de plusieurs communes limitrophes pour le calcul du seuil de 2 500 habitants.

Mme Marianne Margaté.  - J'espère que cette concertation aboutira dans des délais raisonnables. N'ajoutons pas des déserts pharmaceutiques aux déserts médicaux !

Eau potable et chlorothalonil

M. Daniel Laurent .  - Ma question porte sur la présence d'un métabolite du chlorothalonil dans les eaux brutes et les eaux distribuées. Les traitements sont coûteux, avec un impact négatif sur l'environnement. Tout est mis en oeuvre pour assurer la distribution d'une eau potable conforme, comme en Charente-Maritime, mais à quel prix ? Les demandes de dérogation ne résoudront rien.

L'État demande aux collectivités de trouver des solutions pour dépolluer, alors qu'aucune recherche sur la toxicité n'a été faite en cinquante ans.

Qui va supporter le coût de cette dépollution ? L'État ? Les groupes de l'agro-chimie ? L'usager ? Je rappelle que les agriculteurs n'utilisent pas la chimie par plaisir, mais faute d'alternative.

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Cette question m'a déjà été posée, concernant la Charente. La direction générale de la santé a missionné les institutions d'expertise et établi des consignes claires pour la recherche de ce métabolite.

Les résultats de la dernière campagne de mesures de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) montrent une contamination importante et généralisée des ressources en eau potable. Des mesures de restriction sont donc parfois nécessaires. Depuis 2023, les métabolites sont intégrés dans les programmes de contrôle sanitaire des ARS.

Je le confirme : nos agriculteurs n'utilisent pas ces pesticides par plaisir, mais faute d'alternative. Pas d'interdiction sans solution.

M. Daniel Laurent.  - Ma question était précise : qui va payer ? Vous n'y avez pas répondu, et je crains que ce ne soit l'usager...

Nouveau siège social de l'AFD

Mme Antoinette Guhl .  - Ma question, qui concerne le nouveau siège social de l'Agence française de développement (AFD) à Paris, n'est aucunement une remise en question de son action : l'AFD est un établissement indispensable pour un monde plus juste et durable.

Mais je déplore que l'AFD ait signé en 2020 une promesse d'achat d'un bien immobilier de 924 millions d'euros - plus de 18 500 euros du mètre carré... - pour établir son siège social sur l'un des rares terrains non bâtis de Paris. Nous sommes nombreux à nous en étonner.

Le Conseil de l'immobilier de l'État a regretté le choix d'une acquisition d'un nouveau bâtiment plutôt que d'optimiser l'existant. Il a aussi souligné le décalage par rapport à la tendance à la baisse des surfaces de bureaux depuis le covid.

En commission des finances, nous avons appris que sur les 50 000 m2 qui seraient acquis par l'AFD, 20 000 seraient loués ou vendus, ce qui n'entre pas dans l'objet social de l'AFD.

Êtes-vous prête à dénoncer cette promesse d'achat, quitte à payer des pénalités ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - L'AFD est reconnue pour son action, ses missions se développent. C'est dans cet objectif que son conseil d'administration a souhaité rationaliser ses emprises immobilières, afin de réduire les charges d'exploitation immobilières à partir de 2026. Cela sera sans impact direct sur le budget de l'État et cela a été validé par la justice.

Création d'une assurance publique pour les collectivités

M. Rachid Temal .  - L'assurance est un sujet de préoccupation pour les collectivités territoriales qui sont nombreuses à avoir reçu, en fin d'année, des lettres de rupture de contrat ou de doublement, voire triplement, des primes - ce qui est problématique dans un contexte de budgets très contraints. J'ai écrit à Bruno Le Maire, qui m'a répondu ; mais les actions tardent à se concrétiser. Je propose donc la création d'une assurance publique pour les collectivités territoriales. Soutenez-vous cette proposition ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Ce matin même, dans une interview, le maire de Dinan indiquait que sa commune n'était plus assurée.... C'est un enjeu de préoccupation majeure. Peu d'assurances ont une offre en direction des collectivités territoriales. En septembre dernier, un accord a été conclu avec les assureurs pour permettre le recours à la médiation de l'assurance. Les conclusions de la mission de MM. Alain Chrétien et Jean-Yves Daguès, qui pourraient vous auditionner, sont attendues avant l'été prochain. Nous avons déjà des premières pistes d'amélioration : une meilleure prévention des risques notamment climatiques, une meilleure connaissance de la valeur assurée des biens, et une réflexion sur le code de la commande publique. Je prends note de votre proposition.

M. Rachid Temal.  - Le médiateur intervient en cas de litige, mais pas lorsque la collectivité n'a plus d'assureur. Nous avons besoin d'un pôle public.

Entraves au développement de la petite hydroélectricité

Mme Martine Berthet .  - La petite hydroélectricité est une énergie décarbonée qui fournit l'équivalent d'un réacteur nucléaire, mais les collectivités territoriales s'engageant dans ces projets se heurtent à d'innombrables obstacles, dont l'augmentation croissante du nombre de cours d'eau classés en très bon état écologique sans étude préalable : sur les 345 cours d'eau ainsi classés dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) Rhône-Méditerranée, 337 l'ont été sans inventaire de terrain.

Le dialogue est parfois impossible : en Savoie, le projet de centrale hydroélectrique du Nord-Rouge, sur le territoire de Crest-Voland et de Notre-Dame-de-Bellecombe, lauréat de l'appel d'offres de la commission de la régulation de l'énergie (CRE) en 2021, est aujourd'hui bloqué par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) Auvergne-Rhône-Alpes, alors que des analyses de bureaux d'études indépendants concluent à un autre classement. Une circulaire sera-t-elle envoyée, comme prévu, pour que les études de terrain des cours d'eau versées aux dossiers des projets de petite hydroélectricité soient reconnues ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - En 2022, l'hydroélectricité a couvert 11 % de la demande d'électricité par l'hydroélectricité - la moitié de l'électricité renouvelable. La meilleure réponse à votre question est celle qu'a faite le Premier ministre ici la semaine dernière : désormais, l'ensemble des administrations déconcentrées seraient placées sous la direction du préfet. Cela permettra de résoudre les problèmes d'enchevêtrement, les situations comme celles que vous évoquez devant être débloquées au niveau local.

Mme Martine Berthet.  - J'espère que cette promesse sera effective. Effectivement, dans le cas d'espèce, la direction départementale des territoires (DDT) valide ce que la Dreal refuse. Nous, parlementaires, réclamons depuis longtemps que le préfet décide, car il connaît le terrain.

Maisons d'assistants maternels et taxe d'habitation

M. Olivier Paccaud .  - Lors de sa conférence de presse, le Président de la République a évoqué l'un des maux qui rongent silencieusement notre Nation depuis une dizaine d'années : la crise de la natalité. Elle est liée à la fertilité, certes, mais surtout à une politique familiale fragilisée, et à un accueil insuffisant de la petite enfance. Alors que les 4 500 maisons d'assistants maternels (MAM), qui permettent à ces derniers d'exercer en commun dans des locaux partagés, notamment en zone rurale où les crèches et micro-crèches sont rares, devraient être soutenues par la puissance publique, elles sont assujetties à la taxe d'habitation, comme s'il s'agissait d'une résidence secondaire - contrairement aux assistantes maternelles à domicile. C'est injuste par rapport à d'autres structures qui en sont exemptées sur des critères dont la pertinence et l'équité sont douteuses. Dans ce contexte de chute de la natalité, ne serait-il pas pertinent de les délester de cette charge fiscale ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - La natalité est un enjeu déterminant : le désir d'enfant ne baisse pas, mais la natalité décroche. Le premier frein est le mode de garde. Les MAM sont bien sûr une réponse. Les aides dont elles bénéficient vont ainsi être doublées dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion (COG) avec la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). J'imagine que vous proposerez de les exonérer de taxe d'habitation dans la prochaine loi de finances ; mais il y a un risque que d'autres professions réclament le même avantage...

M. Olivier Paccaud.  - Je pose cette question à la demande d'un élu local. Il y a effectivement des aides, parfois abondées par le département, comme c'est le cas dans l'Oise. Je parle de territoires qui se trouvent dans des zones de revitalisation rurale (ZRR), où la plupart des entreprises sont donc exonérées. Évidemment, je déposerai un amendement en ce sens au prochain projet de loi de finances.

Exploitation du gaz lorrain

Mme Catherine Belrhiti .  - Il y a un an, la crise ayant mis en évidence la dépendance énergétique de la France, j'interrogeais Agnès Pannier-Runacher sur la possibilité d'exploiter les réserves de gaz lorrain. Plutôt que de saisir cette occasion historique, le Gouvernement a rejeté le 26 avril 2023 la demande de concession formulée par la Française de l'énergie - décision annulée le 25 juillet 2023 par le tribunal administratif de Strasbourg. En résulte le décret du 24 novembre dernier autorisant la concession Bleue Lorraine jusqu'au 1er janvier 2040 et permettant l'exploitation d'un gisement équivalent à cinq années de consommation de gaz en France. Mais il reste deux menaces : le recours contre le décret formé par plusieurs associations jugeant à tort que le projet présentait des risques écologiques et l'appel non suspensif interjeté par le ministère contre la décision du tribunal administratif.

Le méthane du gisement lorrain a une empreinte carbone vingt fois inférieure à celle du gaz de schiste fracturé importé des États-Unis. Le Gouvernement envisage-t-il de retirer son appel ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - La société détentrice du permis exclusif de recherche Bleue Lorraine a sollicité en novembre 2018 une demande de concession pour une exploitation de gaz de couche sans faire usage de techniques non conventionnelles comme la fracturation hydraulique - de toute manière interdite par la loi. Mais les tests de production menés au cours de l'enquête publique n'ont pas permis à la société titulaire de démontrer sa maîtrise technique pour exploiter le gaz par cinq forages ayant des configurations différentes ; c'est ce qui explique le rejet. Sur le contentieux en cours, je ne peux m'exprimer. Les réserves de l'État sur le projet n'ont pas changé.

Mme Catherine Belrhiti.  - Je me doutais de votre absence de réponse. Il vaut mieux exploiter ce gaz plutôt que d'en importer. Ne nous privons pas d'une réserve de cinq années.

Crise de l'apiculture française

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Après la colère de nos agriculteurs, voici celle de nos producteurs de miel. Hier, dans plusieurs départements, les apiculteurs se sont levés pour dénoncer la concurrence déloyale de miels d'assemblage, parfois frelatés du fait de contrôles lacunaires et dont la provenance est difficilement traçable. À cela s'ajoute une inflation qui cause une baisse de la demande alors que la France est l'un des principaux pays consommateurs, avec 45 000 tonnes de miel par an, et une crise de la production, qui a été divisée par trois en vingt ans, notamment à cause de la sécheresse.

Certes, le trilogue européen a bien prévu fin janvier l'instauration de nouvelles règles d'étiquetage, mais cet accord ne sera effectif que dans deux ans. Comment comptez-vous soutenir l'apiculture française d'ici-là ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Nous sommes les principaux consommateurs mais aussi l'un des principaux producteurs de miel - en 2022, 31 387 tonnes, soit un taux d'auto-approvisionnement de 54 %. Les apiculteurs nous alertent en effet sur les miels frelatés et des tromperies sur l'étiquetage, notamment des drapeaux bleu-blanc-rouge sur des produits importés. La France a donc soutenu au niveau européen le renforcement des exigences pour l'information du consommateur et la lutte contre la fraude. Il y a eu un accord en ce sens le 31 janvier dernier entre le Parlement européen et le Conseil. Le miel français ne devrait donc plus être mis sur le même plan que des miels d'importation qui ne sont pas soumis aux mêmes exigences sociales, environnementales, ou de qualité.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Il y a urgence à aider cette filière qui ne l'est guère - sauf quelques dizaines d'euros par ruche - alors que les abeilles jouent un rôle essentiel dans la préservation des écosystèmes. Il faut promouvoir un miel de qualité, en particulier le miel de Provence. (M. Lucien Stanzione applaudit.)

Statut des chiens de troupeaux dans les Pyrénées

M. Jean-Jacques Michau .  - Le nouveau plan national d'actions sur le loup et les activités d'élevage 2024-2029 prévoit un nouveau statut de chiens de travail, qui serait utile pour les chiens protégeant les troupeaux des attaques d'ours dans les Pyrénées, en réglant les conflits liés à la divagation et aux aboiements des chiens qui perturbent la vie des communes, les difficultés des éleveurs confrontés à la réglementation des chenils et en les rassurant sur les incidents avec les randonneurs dans les estives et au sein des villages.

Madame la ministre, confirmez-vous que ces chiens sont aussi concernés par ce changement de statut ? Si oui, dans quel délai et au moyen de quel véhicule législatif ou réglementaire ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Monsieur le sénateur, la question de la sécurité juridique est importante, notamment pour votre territoire. Elle concerne les détenteurs de tels chiens et les maires, régulièrement sollicités pour des conflits entre voisins ou avec des touristes.

Aussi, dans le cadre du nouveau plan Loup, le statut de ces chiens doit-il être adapté. Les travaux ont été engagés de manière anticipée afin de sécuriser les propriétaires et les éleveurs, au regard des évolutions envisagées pour encadrer le régime de responsabilité ou pour adapter la réglementation en matière d'installation classée pour la protection de l'environnement.

Je confirme donc que ces chiens bénéficieront de ces avancées, mais je ne peux encore répondre sur le véhicule choisi, en cours d'étude. Son avancée sera rapide et portée par le ministre de l'agriculture.

M. Jean-Jacques Michau.  - Je vous remercie de votre réponse. Cela n'épuise pas pour autant le sujet, particulièrement dans l'Ariège. J'espère que le Gouvernement se saisira davantage du problème : il y va de la vie du pastoralisme.

Mobilisation des médecins militaires au sein des établissements hospitaliers

M. Lucien Stanzione .  - Chaque année, les services d'urgence hospitaliers publics accueillent plus de 20 millions de patients, les centres 15 régulent 36 millions d'appels et les services mobiles d'urgence et de réanimation (Smur) prennent en charge plus de 760 000 patients. Or 80 % des services d'urgence connaissent des difficultés majeures.

Le manque de médecins urgentistes a entraîné la fermeture des urgences la nuit ou le week-end dans le Vaucluse, mais ce problème concerne toute la France. La continuité des soins d'urgence doit être garantie ! Le décès récent du jeune Lucas aux urgences d'Hyères en est l'exemple même. Or la désaffection de l'hôpital public complexifie la situation.

Une des solutions serait la réquisition des médecins militaires et, éventuellement, des médecins pompiers, afin d'assurer la première urgence souvent essentielle.

Comment souhaitez-vous mettre en place ce dispositif et dans quel délai ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - La mission première du service de santé des armées (SSA) est de garantir le soutien médical de nos forces armées et des formations qui leur sont rattachées.

Le SSA déploie une chaîne médicale opérationnelle pour la prise en charge de nos militaires blessés. Sur le territoire national, il assure des missions de soins physiques, psychiques, d'aptitude médicale, d'expertise et de conseil aux commandements. Il participe au système de santé grâce aux hôpitaux des armées, qui accueillent environ 70 % de civils. Il peut donc être amené à mettre ses capacités au service de l'ensemble de notre pays, comme lors de la pandémie de covid.

Mais le SSA n'a pas vocation à et n'est pas dimensionné pour couvrir l'offre de soins des établissements hospitaliers civils. Alors que les personnels militaires augmentent, le SSA doit toujours soutenir en priorité nos forces armées et les formations rattachées.

Conditions de la rentrée scolaire de 2024 en Seine-Maritime

Mme Céline Brulin .  - En Seine-Maritime, 60 à 70 % des élèves sont en difficulté à leur entrée en sixième, ce qui plaide pour un investissement dans les écoles primaires. Or des classes risquent d'être fermées.

En outre, au collège, le choc des savoirs suscite de nombreux mécontentements, concernant les groupes de niveau en français et en maths comme les moyens accordés. Les insuffisantes dotations horaires se traduiront par des classes surchargées et les collèges devront sacrifier des dispositifs en place, comme des heures d'accompagnement personnalisé ou des dédoublements de classes à Fécamp ou à Saint-Étienne-du-Rouvray.

Les réformes se succèdent sans être évaluées, suscitant l'incompréhension et le mécontentement des enseignants, parents d'élèves, personnels de direction ou élus locaux. Ils doivent être entendus !

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Des moyens ont été déployés et la baisse attendue du nombre d'élèves doit permettre d'avoir un meilleur taux d'encadrement.

Pour votre département, la Seine-Maritime, le premier degré public a connu une baisse de 7 509 élèves entre 2017 et 2023 faisant passer le nombre d'élèves par classe de plus de 23 à la rentrée 2017 à un peu plus de 21 à la rentrée 2023. La Seine-Maritime devrait perdre encore 1 468 élèves à la rentrée 2024, mais ne restituera que quatorze emplois, ce qui garantit la pérennité des enseignements que vous avez cités. Dans le second degré, les prévisions d'effectifs sont stables et les moyens déployés permettront la mise en place des groupes de niveau, l'ouverture de dix classes unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) et la mise en oeuvre des évolutions prévues pour le lycée et la voie professionnelle.

L'objectif est de garantir un bon taux d'encadrement : là où l'évolution démographique est à la baisse, on maintient le nombre d'encadrants et là où les effectifs sont stables, on continue les efforts, notamment en matière d'école inclusive. Je sais que vous y êtes particulièrement sensible.

Évolution outre-mer des programmes Petites Villes de demain et Villages d'avenir

M. Frédéric Buval .  - Les collectivités des outre-mer rencontrent des difficultés pour bénéficier des programmes gouvernementaux de revitalisation des territoires ruraux comme Petites Villes de demain (PVD) et Villages d'avenir. J'ai été alerté par le président de la communauté d'agglomération du Pays Nord Martinique, Bruno Nestor Azerot, qui propose plusieurs pistes de réflexion : le renforcement de l'impact socio-économique des programmes PVD et Villages d'avenir, la bonification des aides financières de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), notamment dans les secteurs d'intervention des opérations de revitalisation de territoire (ORT), la prolongation et le renforcement des incitations fiscales et la création d'un réseau d'échanges et de formation entre les communes des Antilles et de la Guyane labellisées PVD et Villages d'avenir.

Quelles sont les dispositions envisagées par le Gouvernement pour répondre aux attentes des élus d'outre-mer ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Le programme PVD concerne 35 des 129 communes des cinq départements et régions d'outre-mer : sept en Guadeloupe, dix en Martinique, quatre en Guyane, onze à La Réunion, trois à Mayotte.

Les différents programmes ont pu être signés. Les postes de chef de projet déployés auprès des collectivités sont pris en charge jusqu'à 75 % par l'État jusqu'en 2026, l'outre-mer pouvant bénéficier d'une majoration.

Près de 29 millions d'euros y sont déployés, quinze opérations de revitalisation des territoires ont été signées, et quinze communes labellisées dans le cadre du programme Villages d'avenir, dont cinq en Martinique.

L'engagement du Gouvernement est donc fort en matière à la fois d'ingénierie et de financement, puisque les communes labellisées sont prioritaires dans certains cas.

M. Frédéric Buval.  - Je vous remercie pour les collectivités des outre-mer qui font face à des contraintes différentes de celles de l'Hexagone.

Continuité territoriale dans les outre-mer

Mme Solanges Nadille .  - La continuité territoriale est un principe visant à faciliter le déplacement de 2,7 millions de citoyens ultramarins.

Depuis la fin de la crise sanitaire, la hausse du prix des billets d'avion et du fret maritime entraîne des difficultés. Or à l'enclavement entre les outre-mer et l'Hexagone, s'ajoutent un enclavement régional lié au peu de connexions existant entre les outre-mer et les États voisins et un enclavement intérieur lié à une desserte inter-îles peu diversifiée et onéreuse. En Guadeloupe, les traversées pour relier les îles du Sud à Basse-Terre et Grande-Terre durent entre trente minutes et une heure et aucune compagnie aérienne n'assure ces liaisons. Les coûts de transport sont dissuasifs et la fréquence des navettes est limitée.

La politique de continuité territoriale reste très insuffisante. Que compte faire le Gouvernement pour donner enfin une vraie ambition à cette politique, en particulier concernant la desserte inter-îles ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - La continuité territoriale est un enjeu majeur d'équité territoriale entre nos concitoyens, y compris ultramarins. Le comité interministériel des outre-mer se réunit régulièrement, notamment pour faciliter la mobilité, avec et entre les outre-mer et en leur sein, avec le passeport pour le retour, celui pour la mobilité des actifs salariés, celui pour la mobilité des entreprises innovantes et en élargissant les bénéficiaires de certaines aides.

Ainsi, le bon de continuité territoriale a été revalorisé en mars 2023, comme le plafond de ressources pour l'aide à la continuité territoriale, puisque le quotient familial est passé de 12 000 à 18 000 euros et les étudiants de première année peuvent avoir un deuxième passeport mobilité.

En revanche, la continuité territoriale à l'intérieur des collectivités ultramarines relève de la compétence de ces dernières. Certaines, comme la Guadeloupe ont mis en place des aides, mais les efforts sont peut-être à renforcer.

La séance est suspendue à midi trente-cinq.

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.