Violences intrafamiliales (Deuxième lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.
Discussion générale
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Marie Mercier applaudit également.)
MM. Michel Savin et Damien Michallet. - Ah !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je ne saurai jamais si ce sont des « ah ! » d'encouragement... (« Bien sûr ! » sur les travées du groupe Les Républicains)
Le Président de la République a fait de la protection de l'enfance l'une de nos priorités. Je me réjouis donc de voir cette proposition de loi arriver en deuxième lecture devant votre assemblée.
Au fil des lectures, le texte arrive à maturité. Apparaissent clairement les points où les assemblées se rejoignent. Le seul article faisant encore l'objet de débats est le premier : il modifie l'article 378-2 du code civil afin d'étendre le mécanisme de suspension de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite ou d'hébergement du parent poursuivi ou condamné. Dans la continuité des travaux de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), qui a rendu son rapport en novembre dernier, la rédaction de votre commission des lois limite cette extension aux cas de poursuite ou de condamnation si un crime est commis sur l'autre parent, d'agression incestueuse ou de crime commis sur l'enfant. Cette rédaction ne manque pas d'intérêt ; je salue chaleureusement le travail de la rapporteure. Il aurait été impensable d'établir une hiérarchie entre les crimes subis par un enfant.
Nous pouvons nous féliciter que le fait de viser tous les crimes commis sur l'enfant ait été entendu.
Inversement, il aurait été inopportun de viser n'importe quel délit. La suspension automatique de l'autorité parentale dès le stade des poursuites doit être réservée aux infractions les plus graves, au nom de la constitutionnalité et de la conventionnalité du dispositif. Il faut le limiter aux agressions incestueuses. Il faut donc préciser que les poursuites émanent du procureur ou du juge d'instruction afin de prévenir les constitutions de partie civile et les citations directes abusives par l'autre parent.
Ces dispositions font consensus entre les assemblées, je m'en réjouis, mais la rédaction de votre commission maintient le caractère provisoire du mécanisme de suspension automatique de l'autorité parentale. Cette suspension dure jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales (JAF) et pour une durée maximale de six mois. L'Assemblée nationale, quant à elle, a souhaité que la suspension se poursuive jusqu'à la décision du JAF, saisi par la personne poursuivie, ou jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou l'arrêt pénal.
Ces approches traduisent une recherche d'équilibre entre droits des parents et protection des enfants. Il faut protéger au maximum l'enfant, en laissant aux parents la possibilité de saisir le JAF.
Votre commission a supprimé l'alinéa 2 de l'article 1er, qui vise à créer un dispositif de suspension automatique de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement du parent condamné pour violences conjugales ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque les faits se sont déroulés en présence de l'enfant. Ce dispositif étant réservé aux faits les plus graves, nous avions atteint, il me semble, un point d'équilibre.
Ces deux dispositions sont les seules à faire objet d'un désaccord.
L'article 2 fait consensus dans une rédaction marquant une avancée : le juge pénal aura l'obligation - et non plus la simple faculté - de retirer l'autorité parentale en cas de condamnation du parent pour les infractions les plus graves commises sur l'enfant ou l'autre parent.
L'article 2 ter fait aussi consensus : le parent privé de l'exercice de l'autorité parentale à la suite d'une condamnation ne pourra saisir le JAF afin de se voir restituer cet exercice avant l'expiration d'un délai de six mois. Il est conforme à l'esprit de la proposition de loi qui vise à protéger les enfants.
L'article 3, lui aussi consensuel, a pour objet de simplifier le code pénal avec un article unique regroupant toutes les dispositions sur le retrait de l'autorité parentale.
Au-delà de ces quelques divergences entre les deux Chambres, ce texte, qui renforce la protection des plus vulnérables, est attendu par nos concitoyens. Il est de notre devoir de protéger l'enfant victime d'un parent agresseur. Le foyer doit rester un lieu sûr pour l'enfant. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Marie Mercier et M. Francis Szpiner applaudissent également.)
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Laure Darcos applaudit également.) La navette a permis l'adoption conforme de quatre articles de la proposition de loi. La commission des lois en ajoute quatre supplémentaires pour se concentrer sur l'article 1er.
L'article 2 modifie l'article 378 du code civil pour rendre plus automatique, sans toutefois l'imposer au juge, le retrait de l'autorité parentale ou de l'exercice de l'autorité parentale en cas de condamnation pour crime. Les députés ont conservé notre rédaction, distinguant trois situations pour rendre la disposition plus intelligible.
La commission a accepté cette formulation : les juridictions moduleront leurs décisions en fonction de l'intérêt de l'enfant.
Les députés ont repris dans l'article 3 le fait de réunir toutes les dispositions relatives au retrait de l'autorité parentale.
L'article 2 ter institue une période de stabilité minimale de six mois pour l'enfant après le retrait de l'exercice de l'autorité parentale. Nous sommes attachés à ce répit : le temps de l'enfant n'est pas celui de l'adulte.
Dans le même esprit de concorde, nous avons renoncé à supprimer l'article 4, bien qu'il s'agisse d'une demande de rapport et de modification de l'intitulé de la proposition de loi.
L'article 1er tend à modifier l'article 378-2 du code civil pour élargir la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement. Nous avons un désaccord sur le régime : en cas de poursuite ou de condamnation sur un crime sur l'autre parent ou d'inceste sur l'enfant, les droits de visite et d'hébergement pourraient être suspendus sans limite de temps jusqu'à la décision du JAF ou du juge pénal. Le JAF serait peut-être saisi par le parent poursuivi, et non plus systématiquement par le procureur de la République dans les huit jours.
Un régime spécifique serait instauré en cas de violence ayant entraîné 8 jours d'incapacité totale de travail (ITT), si l'enfant en a été le témoin.
Nous avons accepté d'étendre le mécanisme de suspension provisoire. Il y a là un manque de l'article 378 du code civil : il faut le combler. Je félicite Isabelle Santiago pour son initiative.
Nous voulons maintenir le caractère provisoire de la suspension, pour une durée maximale, jusqu'à la décision du JAF. Nous savons que les JAF sont débordés. Monsieur le ministre, vous avez donné plus de moyens à la justice : continuez ! (M. Éric Dupond-Moretti sourit.)
Il faut respecter la présomption d'innocence tout en protégeant l'enfant : une suspension automatique de six mois nous semble pertinente.
Nous avons écarté le dispositif spécifique relatif aux violences dont l'enfant a été témoin. Les enfants témoins sont des co-victimes.
Nous devons nous prononcer sur cet équilibre. Ce n'est pas, comme ce que disent certains de manière simpliste, choisir le camp des victimes contre celui des bourreaux. Nous cherchons tous à protéger absolument les enfants. Nous sommes tous le reflet des enfants que nous étions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Laure Darcos et Jocelyne Guidez applaudissent également.)
Mme Evelyne Corbière Naminzo . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Cette proposition de loi est nécessaire. Édouard Durand, ancien président de la Ciivise, la dit conforme à la fois aux principes et à la raison.
Les chiffres sont édifiants : 400 000 enfants vivent dans un foyer où s'exercent des violences, 60 000 sont victimes de violences sexuelles. À La Réunion, sept enfants sont identifiés chaque jour comme étant en danger. Les signalements directs ont augmenté de 60 % depuis 2019.
Cette proposition de loi comble un vide juridique sur l'autorité parentale des personnes ayant commis des violences criminelles. La saisine du JAF n'est pas toujours effective, les délais sont longs : le retrait et la suspension de l'autorité parentale sont peu appliqués. La loi doit urgemment rappeler que tout enfant doit être protégé, y compris de ses parents.
Le lien parents-enfants devant être maintenu à tout prix irrigue trop souvent la pensée des magistrats. Oui, cette certitude doit être remise en question. Non, un parent qui viole son enfant ne peut conserver l'autorité parentale. L'intérêt supérieur de l'enfant doit primer.
Les témoignages recueillis par la Ciivise en attestent : des mères sont inquiètes de voir l'enfant se rendre chez un père incestueux. L'enfant cessera de parler des violences, en étant toujours victime.
Ôter l'autorité parentale protégera les enfants. Plus qu'écouter, il faut préserver la construction de l'enfant et éviter les conséquences de ces violences dramatiques : dissociation, troubles de la mémoire... Celles-ci représentent le premier facteur de risque en matière de suicide et de précarité.
Selon l'ONU, une femme victime de violences durant l'enfance a 19 fois plus de risques de subir des violences sexuelles à l'âge adulte, et un homme victime a 14 fois plus de risques d'en commettre à l'âge adulte. Tout plaide pour une mise en sécurité rapide des enfants. Tout retard équivaut à une perte de chances !
Nous voterons donc cette proposition de loi, en regrettant que la commission l'ait affaiblie en revenant sur son article 1er. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Dans son rapport de novembre dernier, la Ciivise soulignait la difficulté des victimes à être entendue : seule une sur dix révèle des violences au moment des faits. Sur 160 000 enfants victimes de violences sexuelles chaque année, seuls 19 % des cas donnent lieu à une plainte, 12 % pour l'inceste. Selon une étude du ministère de l'intérieur publiée en décembre 2023, 5 % des femmes victimes de violences sexuelles ont déposé plainte ; la moitié connaissait leur agresseur.
Les acteurs de la lutte contre la violence intrafamiliale éprouvent des difficultés à protéger les victimes. Saluons l'action du législateur et des pouvoirs publics, mais gardons à l'esprit l'ampleur des travaux à mener.
La réponse pénale doit évoluer. La navette parlementaire a abouti à un texte commun sur presque tous les articles : je m'en réjouis et je salue le travail de notre rapporteur et des auteurs.
Nous émettons toutefois une réserve importante sur l'article 1er. Nous serions dans l'erreur si nous maintenions la rédaction issue des travaux de la commission. Tous, nous défendons l'intérêt de l'enfant, notre rapporteure au premier chef. Mais le groupe RDSE reste favorable à la rédaction de l'Assemblée nationale, d'où l'amendement que présentera tout à l'heure Nathalie Delattre pour supprimer le caractère provisoire de la mesure.
Je comprends la crainte de la rapporteure sur la longueur des procédures pénales, mais le délai de six mois me paraît trop court.
Nous attendons de voir le sort des différents amendements pour arrêter notre position. Le RDSE pourrait toutefois être favorable à cette proposition de loi complétant l'arsenal législatif. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Thani Mohamed Soilihi . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.) Des chiffres effrayants, un constat partagé et une volonté commune de changer les choses : voilà ce qui nous réunit aujourd'hui.
Cette proposition de loi, consensuelle, a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, d'abord en première lecture après une réécriture transpartisane, en lien avec le ministère, puis en seconde lecture. Les députés ont repris des apports importants du Sénat : l'exonération du parent bénéficiaire d'une ordonnance de protection d'informer de tout changement de lieu de résidence à l'autre parent, la suspension provisoire de l'autorité parentale ou la motivation par le juge.
La commission des lois a fait un pas vers les députés en adoptant quatre articles sans modification. Malheureusement, l'article 1er reste encore un point de désaccord majeur : il élargit aux faits d'agression sexuelle et de violence volontaire les modalités de suspension provisoire de l'autorité parentale, jusqu'à la décision du JAF ou du juge pénal.
La commission des lois préconisait une limite temporelle, invoquant le droit à une vie familiale normale et la présomption d'innocence. Un vote conforme aurait pourtant permis une adoption rapide de ces dispositions - nous regrettons que cela ne soit pas le cas.
Il faut sécuriser la protection de l'enfant. Le retour à la rédaction de l'Assemblée nationale est impératif. Nous avons déposé un amendement en ce sens.
Le RDPI estime que l'urgence de compléter la législation en vigueur nous oblige. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Laurence Harribey . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Près de 400 000 enfants en France vivent dans un foyer dans lequel sévissent des violences intrafamiliales. Ils en sont directement victimes dans 21 % des cas, avec de graves séquelles à la clé.
Cette proposition de loi d'Isabelle Santiago revient au Sénat après une adoption unanime à l'Assemblée nationale. C'est un pas de plus vers la protection des enfants. Le continuum législatif, peu à peu, se consolide ; à chaque fois, nous sommes au rendez-vous, mais nous attendons une grande loi sur la protection des femmes et des enfants et sur les violences intrafamiliales.
La loi du 21 avril 2021 a opéré un changement attendu dans l'appréhension des violences sexuelles sur mineurs en introduisant de nouvelles infractions autonomes en cas d'inceste.
Le groupe SER avait proposé de remonter l'âge du non-consentement de 15 à 18 ans dans le cas du crime d'inceste. De nombreuses associations avaient regretté que le Parlement n'aille pas assez loin dans le retrait de l'autorité parentale, trop souvent instrumentalisée par le parent auteur afin de garder une emprise sur la victime.
Lors de l'examen de la loi du 7 février 2022, dite loi Taquet, notre ancienne collègue Michelle Meunier avait proposé le retrait de l'autorité parentale, notamment dans le cadre de l'ordonnance de protection. Son rejet avait fait perdre de nombreux mois.
L'article 1er, qui porte sur la suspension de l'autorité parentale et du droit de visite, est le coeur du dispositif. À deux reprises, il a été voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Mais la commission des lois a vidé l'article premier de l'essentiel de son contenu. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie renchérit ; Mme Marie Mercier s'en défend.)
Nous le regrettons, comme d'autres groupes au Sénat. Un vote conforme aurait permis une application plus rapide. Une procédure judiciaire pouvant durer plusieurs années, il faut protéger l'enfant durant toute cette période. Il faut aussi prendre en compte la protection du parent victime et l'emprise de l'agresseur par l'instrumentalisation de l'enfant.
Le nombre de féminicides a augmenté de 20 % ces trois dernières années. En 2024, il y a déjà eu 14 féminicides.
Le groupe SER souhaite rétablir l'article premier dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Ce texte est équilibré, comme l'a montré le garde des sceaux. Recentrons ce texte sur son objet initial.
Nous attendons encore des évolutions sur les droits de l'enfant - droit d'être entendu ou d'être automatiquement assisté par un avocat (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
La création de pôles spécialisés va dans le bon sens, mais, au-delà des textes, se pose aussi la question des moyens.
Si l'article 1er est rétabli dans la rédaction de l'Assemblée nationale, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Xavier Iacovelli applaudit également.)
M. Francis Szpiner . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.) Je rends hommage au travail de Marie Mercier et de la commission des lois, qui a souhaité adopter un texte le plus consensuel possible.
Le débat sur l'article 1er n'est pas médiocre.
Nous sommes tous attachés à la défense des enfants. Mais la suspension provisoire ne peut rester sans contrôle.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il y a un recours !
M. Francis Szpiner. - La Convention européenne des droits de l'homme prévoit le droit à une vie familiale normale et le droit à un juge.
Il y a un recours, dites-vous, madame de La Gontrie. Mais suivant la géographie, la saisine du JAF peut atteindre huit à quatorze mois, sans compter l'appel.
L'article 1er préserve la présomption d'innocence, à laquelle je sais le garde des sceaux attaché,...
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Vous aussi !
M. Francis Szpiner. - ... et les droits de l'enfant.
Nous voulons que le JAF puisse être saisi sous le contrôle du procureur de la République. Cela ne porte pas atteinte à la protection de l'enfant ! Et cela protège ceux qui seraient innocents.
Soit nous nous inscrivons dans le cadre d'une procédure durant des années, soit il s'agit d'une enquête préliminaire, pour laquelle il n'y a pas de notification de mise en examen. Ainsi, le Sénat a souhaité protéger les libertés individuelles. Même en matière de protection des droits de l'enfant, nous ne pouvons en faire fi. Cette proposition de loi est un texte équilibré.
En quoi la mesure de la commission des lois porte atteinte aux droits de l'enfant ? Elle préserve les personnes non coupables. Certes, on peut saisir le juge, mais voyez la pratique judiciaire. Les budgets ont considérablement augmenté, mais la justice civile reste un parent pauvre.
(L'orateur martèle son pupitre.) À une suspension automatique, je préfère un débat contradictoire au cours duquel chacun s'exprime devant un magistrat indépendant ! Tel est l'objet de l'article 1e. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Alain Marc . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Pierre-Antoine Levi et Fabien Genet applaudissent également.) Les violences intrafamiliales sont un fléau de notre société.
Les enfants, victimes directes ou indirectes, porteront ce poids tout au long de leur vie, conservant une part d'ombre et une culpabilité. Entre 10 et 20 % des adultes ont subi de telles violences lorsqu'ils étaient mineurs.
Je me réjouis que ce sujet soit porté avec détermination par l'exécutif : d'ailleurs, cette proposition de loi a été inscrite sur l'ordre du jour réservé du Gouvernement.
La Ciivise, depuis trois ans, a permis d'écouter les victimes, préalable essentiel pour mieux appréhender ce problème complexe. En la matière, il faut avant tout protéger la victime en la mettant à l'abri de son agresseur.
Tenons-nous à l'intérêt supérieur de l'enfant et à la valorisation de la parole des victimes, qui doit primer toute autre considération.
Je salue des avancées. L'article 2 prévoit l'automaticité du retrait de l'autorité parentale en cas de violence ou crime contre l'autre parent ou de viol sur l'enfant. La navette a permis un dispositif efficace et équilibré.
Ce n'est pas le cas pour l'article 1er. La rapporteure, dont je salue le travail, a proposé de rétablir la version adoptée par le Sénat en première lecture. De nombreux collègues veulent une promulgation la plus rapide possible, mais ne confondons pas vitesse et précipitation dans l'écriture de la loi. Prenons le temps d'écrire une loi plus efficace et plus équilibrée.
Certes, l'unanimité de l'Assemblée nationale est un message fort, mais elle n'annule pas le bicamérisme. Le groupe INDEP votera la version de la commission, plus équilibrée. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Dominique Vérien . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Louis Vogel applaudit également.) Les chiffres sont vertigineux : 400 000 enfants vivent dans un foyer où se passent des violences conjugales. Plus de 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles. Un enfant meurt tous les cinq jours de violences intrafamiliales. Même pour l'enfant témoin, les répercussions sont graves sur la santé, la construction et la vie sociale.
L'enfant victime peut se voir contraint de maintenir des liens avec le parent violent. Trop longtemps, l'idée du mari violent mais bon père a prévalu, y compris dans les tribunaux.
Nous ne partons pas de rien, avec la loi du 28 décembre 2019 sur les violences intrafamiliales - déjà rapportée par Marie Mercier - et la loi Billon du 21 avril 2021 protégeant les mineurs de violences sexuelles.
Je salue l'action du Gouvernement, et particulièrement du garde des sceaux sur le sujet. (M. Éric Dupond-Moretti la remercie.)
Nous partageons tous cet enjeu de protection des enfants. Cette proposition de loi facilitera la suspension de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement. Les crimes concernés sont les plus graves, et la proposition de loi prévoit des limites nécessaires, comme la saisine du JAF pour réexaminer le retrait.
Cette proposition de loi instaure un cas de délégation forcée de l'autorité parentale à un tiers.
Grâce à Laurence Rossignol, elle permet au parent disposant d'une ordonnance de protection de ne pas informer l'autre parent d'un changement de résidence.
Je me félicite de l'adoption conforme de l'article 3 bis, issu de l'amendement que j'avais déposé en commission : celui-ci suspend le droit de visite et d'hébergement en cas de contrôle judiciaire avec une interdiction d'entrer en contact ou une obligation de résidence hors du domicile du couple. Le JAF devra justifier le fait de ne pas ordonner cette suspension, et non l'inverse. L'Espagne a récemment adopté cette mesure ; cette proposition figurait dans le Plan rouge vif.
Mme Annick Billon. - Très bien !
Mme Dominique Vérien. - Quatre articles ayant été adoptés conforme, il reste cinq articles en discussion, dont quatre adoptés sans modification en commission des lois. Je salue l'esprit de compromis de Marie Mercier, dont l'engagement est connu de tous.
Si je partage l'avis de la commission des lois sur l'alinéa 3 de l'article 1er, l'alinéa 1, selon lequel la saisine du JAF est facultative, doit être conservé. L'article 1er ne s'applique que dans les affaires les plus graves, pour lesquelles le parent poursuivi sera assisté d'un avocat, qui lui rappellera la nécessité de saisir un JAF. Cela peut être une solution satisfaisante.
Dans un esprit de compromis, le groupe UC votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Marie Mercier applaudit également.)
M. Jacques Fernique . - Un enfant meurt sous les coups de ses parents chaque semaine. Un enfant est victime de violences sexuelles toutes les trois minutes. Nous ne pouvons le tolérer une minute de plus !
Mais ces violences continuent à l'abri des regards : seules 12 % des victimes d'inceste portent plainte. « On te croit » est un début, mais ce n'est qu'une étape.
Bien sûr, je salue les annonces du plan 2023-2027 de lutte contre les violences faites aux enfants, mais beaucoup reste à faire : il faut aussi protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales, en augmentant les moyens, et en rendant notre législation plus protectrice.
Alors que la loi de 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes est muette sur plusieurs aspects, la proposition de loi Santiago va plus loin grâce au travail transpartisan et constructif mené en première lecture. Le GEST soutient totalement le retrait de l'autorité parentale en cas de crime contre l'autre parent ou inceste contre l'enfant.
Nous nous réjouissons de l'adoption conforme de quatre articles en commission des lois, et espérons que l'adoption de la proposition de loi renforcera la protection des enfants.
Pour autant, je regrette que l'examen en deuxième lecture ne permette pas de traduire les préconisations de la Ciivise, notamment l'interdiction de toute confrontation directe entre la victime et l'agresseur, souvent traumatique.
Sous la coprésidence de Nathalie Mathieu et d'Édouard Durand, la Ciivise a soulevé d'autres obstacles : la première vidéo de la victime est trop peu utilisée. C'est comme si le Gouvernement avait décidé d'effacer ces travaux précurseurs, certains de leurs auteurs ayant été contraints de démissionner...
Monsieur le garde des sceaux, comment mettrez-vous fin aux manquements identifiés par la Ciivise ? Nous voulons que ce texte soit le plus protecteur possible. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)
Mme Laurence Muller-Bronn . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue le travail de Marie Mercier, rapporteur, et de la Ciivise.
Chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles, a rappelé Édouard Durand. Le nombre de plaintes reste trop faible pour lutter contre l'impunité des violences intrafamiliales.
Monsieur le ministre, pourquoi avoir perdu autant de temps pour protéger ces enfants ? Pourquoi leur statut de victime a été ignoré si longtemps ?
Il faut prendre conscience de l'effet de ces violences sur le développement de l'enfant. Enfin, ce texte permet d'avancer sur le retrait de l'autorité parentale, qui doit devenir la règle, mesure de bon sens déjà proposée par Valérie Boyer en 2019 à l'Assemblée nationale. Hélas, le Gouvernement l'a toujours rejetée. Grâce au président Retailleau, une version remaniée de cette mesure a été intégrée en commission mixte paritaire dans la loi de 2019 contre les violences faites aux femmes par leur conjoint.
Nous les remercions pour le travail accompli et déplorons le temps perdu par le Gouvernement depuis lors. L'accumulation de textes a entraîné une inertie insupportable pour les victimes. Tous les jours, des conjoints violents se servent des enfants pour maintenir leur tyrannie.
Les enfants vivant dans un foyer violent sont restés trop longtemps invisibles et inaudibles. Pourtant, ces violences créent un stress post-traumatique qui les poursuit parfois toute leur vie. En les maintenant sous l'autorité de parents criminels, nous les condamnons à multiplier les atteintes sur eux-mêmes - addictions, tentatives de suicide - et sur les autres.
Un parent violent ne peut être considéré comme un bon parent, et une société qui ne sait pas protéger les enfants est une société malade. Je souhaite que ce texte provoque une prise de conscience telle que chacun se sente investi d'une responsabilité dans ce domaine, car la protection des enfants est l'affaire de tous.
Je voterai cette proposition de loi, qui replace l'enfant au centre du système judiciaire. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
Article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°9, présenté par Mme Corbière Naminzo et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Rédiger ainsi cet article :
L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. - L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit pour l'ensemble de la fratrie jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal.
« L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits, sont suspendus de plein droit pour l'ensemble de la fratrie jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l'un des parents dans un délai de six mois à compter de la condamnation. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Le groupe CRCE-K propose de rétablir la version de l'Assemblée nationale, tout en étendant la suspension de l'autorité parentale et du droit de visite à tous les enfants de la fratrie. Il s'agit ainsi d'éviter des procédures longues et coûteuses pour protéger chaque enfant. Nous devons faire cesser l'emprise d'un parent maltraitant sur tous les autres enfants, ainsi que la mise à l'écart de l'enfant qui a parlé. Protégeons autant que possible toute la famille ! (Mme Émilienne Poumirol renchérit.)
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par Mme Billon, M. Lafon, Mme Tetuanui, M. Dhersin, Mmes Sollogoub, Guidez et Antoine, M. Laugier, Mme O. Richard, MM. Longeot, Kern, Delcros, J.M. Arnaud, Levi et Folliot, Mme Herzog, MM. Maurey et Pillefer, Mme Romagny et MM. Hingray, Courtial et P. Martin.
Rédiger ainsi cet article :
L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. - L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal.
« L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits, sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l'un des parents dans un délai de six mois à compter de la condamnation. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »
Mme Annick Billon. - Nous proposons de rétablir la version de l'Assemblée nationale. L'équilibre entre protection de l'enfant et droit à une vie familiale normale n'est pas aisé à assurer. Nous devons nous demander ce qui prime. N'oublions pas qu'un enfant est tué par ses parents tous les cinq jours, ni que 160 000 enfants subissent chaque année des violences sexuelles : leur dirons-nous qu'il était disproportionné de les protéger ?
En 2020, huit femmes victimes de violence sur dix avaient des enfants. En 2021, douze enfants ont été tués dans le cadre de violences conjugales. D'où la seconde partie de notre amendement, qui prévoit la suspension de l'autorité parentale en cas de violences sur l'autre parent auxquelles l'enfant a assisté. Mais cette mesure est peut-être satisfaite - Mme la rapporteure peut-elle nous éclairer sur ce point ?
Mme la présidente. - Amendement identique n°2, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Mme Laurence Harribey. - Dans le droit fil de l'oratrice précédente, je rappelle que cette proposition de loi s'enracine dans un constat simple : les chiffres des violences faites aux enfants sont alarmants, et nous ne pouvons plus détourner le regard.
Je suis sensible aux questions soulevées par Francis Szpiner, mais la possibilité pour le parent visé par la suspension de demander au juge aux affaires familiales d'y surseoir permet d'atteindre l'équilibre nécessaire. On ne peut pas, au nom d'une liberté individuelle qui n'est pas menacée, mettre en péril la protection des enfants.
Il s'agit simplement d'une nouvelle approche, à la manière d'un renversement de la charge de la preuve.
Mme la présidente. - Amendement identique n°3 rectifié bis, présenté par Mmes N. Delattre et M. Carrère, MM. Masset, Bilhac, Cabanel, Daubet, Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Roux, Mme Pantel, M. Fialaire et Mme Girardin.
Mme Nathalie Delattre. - J'abonde dans le sens des oratrices précédentes, mais aussi de Mme Carrère, qui s'est exprimée dans la discussion générale. La suspension de l'autorité parentale dès le stade des poursuites est dans l'intérêt de la protection de l'enfant. Sur ce sujet majeur, il ne saurait y avoir de compromis. D'autant qu'un garde-fou est prévu, avec la saisine du JAF. La durée de six mois proposée par la commission correspond à un entre-deux injustifiable devant un enfant qui a subi ou vu des violences ; la surcharge de la justice n'est pas un argument recevable. Enfin, une adoption conforme accélérerait la mise en oeuvre.
Mme la présidente. - Amendement identique n°7, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Thani Mohamed Soilihi. - En complément de l'excellent travail de notre rapporteure, nous proposons de revenir sur ce point à la rédaction de l'Assemblée nationale, plus protectrice de l'enfant. Nous nous inscrivons ainsi dans une démarche de coconstruction.
Mme la présidente. - Amendement identique n°13, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
M. Jacques Fernique. - La majorité sénatoriale limite la suspension de l'autorité familiale à six mois. Or les JAF sont débordés : le délai moyen d'une décision en matière de suspension de l'autorité parentale est de sept mois. Le parent poursuivi pourrait ainsi retrouver ses droits pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, période pendant laquelle l'enfant serait exposé à des situations dangereuses. Je rappelle le vote unanime de l'Assemblée nationale, à deux reprises, sur ce point.
Mme la présidente. - Amendement n°10, présenté par Mme Corbière Naminzo et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Rédiger ainsi cet article :
L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. - L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit pour l'ensemble de la fratrie jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal. »
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - C'est un amendement de repli de notre groupe. La protection de l'enfant doit être une priorité absolue. Celui-ci ne doit en aucun cas se trouver de nouveau sous l'emprise et à la merci de son bourreau. Combien de temps croyez-vous qu'il faut à un enfant pour prendre conscience qu'il subit des violences de la part d'une personne en qui il a toute confiance ?
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Lafon et Longeot, Mme Tetuanui, M. Dhersin, Mme Antoine, MM. Pillefer, Laugier et Kern, Mme Herzog et MM. Maurey, Hingray, Courtial et P. Martin.
Rédiger ainsi cet article :
L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. - L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal. »
Mme Annick Billon. - Il s'agit d'un amendement de repli de mon amendement n°1 rectifié ter, reprenant la recommandation 52 de la Ciivise. L'intérêt supérieur de l'enfant doit être notre boussole, alors qu'un enfant sur dix est victime d'inceste, soit 5 millions de personnes. Il faut aussi protéger les frères et soeurs de l'enfant victime.
Mme la présidente. - Amendement identique n°12 rectifié, présenté par Mme Vérien, M. Bonneau, Mmes Sollogoub, Guidez et O. Richard, MM. Delcros, J.M. Arnaud, Levi et Folliot, Mme de La Provôté, MM. Capo-Canellas et Delahaye et Mmes Romagny et Jacquemet.
Mme Dominique Vérien. - Nous maintenons la suspension automatique dans les cas les plus graves. La possibilité pour le parent poursuivi de saisir le juge aux affaires familiales assure le respect des libertés tout en assurant la protection de l'enfant. Six mois ne suffisent pas, alors que, comme Francis Szpiner l'a rappelé, le traitement des affaires prend de huit à quatorze mois. Par rapport à notre premier amendement, la seconde partie, satisfaite, est supprimée.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Tous ces amendements visent à revenir au texte de l'Assemblée nationale, avec des variantes.
L'amendement n°9 ajoute que l'autorité parentale est suspendue à l'égard de tous les enfants de la fratrie.
Les amendements identiques nos1 rectifié ter, 2, 3 rectifié bis, 7 et 13 rétablissent simplement le texte de l'Assemblée.
L'amendement n°10 est un repli, tout comme les amendements identiques nos4 rectifié bis et 12 rectifié.
La commission est attachée à la saisine systématique du juge aux affaires familiales pour prolonger la suspension au-delà de six mois. Avis défavorable, donc, à l'ensemble des amendements.
À titre personnel, si le Sénat entendait voter certains de ces amendements, je lui recommanderais d'opter pour les amendements identiques nos4 rectifié bis et 12 rectifié.
Madame Corbière Naminzo, sur la question de la fratrie, tous les enfants sont déjà concernés. (M. Éric Dupond-Moretti le confirme.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Mon intervention ne sera ni brève ni longue... (Sourires)
Monsieur Szpiner, depuis le déploiement massif de contractuels, un important déstockage a eu lieu et les décisions sont plus rapides : ce sont de vieilles statistiques dont vous disposez.
La présomption d'innocence est trop importante pour être mise à toutes les sauces. Placement en détention, ordonnances d'éloignement la mettent-elles en cause ?
Madame Harribey, vous évoquez l'inversion de la charge de la preuve : comme vous y allez ! Je sais que la revendication est de plus en plus fréquente, notamment dans les affaires de moeurs. Mais le jour où nous l'inverserions, comme dirait Émile Pollak, justice serait morte et nous irions nous coucher.
M. Jean-François Husson. - Ne vous laissez pas interrompre !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Il n'est nullement question d'inverser la charge de la preuve.
Mme Laurence Harribey. - C'était un excès de langage.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Ces amendements rétablissent le texte de l'Assemblée nationale. Je vous rejoins sur l'application aux crimes et agressions sexuelles subies par un enfant : le Gouvernement y voit un moyen efficace de protéger les enfants, dans l'attente de la décision du juge. En revanche, il n'est pas nécessaire de mentionner l'ensemble de la fratrie - sa protection est déjà prévue par le droit positif.
La rédaction du Sénat est plus protectrice du droit du parent que celle de l'Assemblée nationale sur la saisine automatique du juge aux affaires familiales. La prudence impose de privilégier la protection de l'enfant, le parent pouvant toujours saisir le juge.
Quant à la suspension pour violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours lorsque l'enfant a assisté aux faits, je l'ai soutenue devant les députés.
Sagesse sur l'ensemble des amendements. (On ironise à droite ; M. Francis Szpiner applaudit.)
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. - Je demande quelques minutes de suspension de séance.
La séance est suspendue quelques instants.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. - La commission demande la priorité de vote sur les amendements identiques nos4 rectifié bis et 12 rectifié.
Mme la présidente. - En vertu de l'article 44, alinéa 6, de notre Règlement, la priorité demandée par la commission saisie au fond est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Pas d'opposition.
La priorité est ordonnée.
M. Xavier Iacovelli. - Pour protéger l'enfance, notre main ne doit pas trembler. L'enjeu mérite que nous assumions tous des positions fermes. Un enfant meurt sous les coups de ses parents tous les cinq jours, et 160 000 sont victimes de violences ou d'inceste chaque année.
La présomption d'innocence n'est pas en contradiction avec l'intérêt supérieur de l'enfant ; elle n'est nullement remise en cause, ni par les uns ni par les autres.
Dans une volonté de compromis, le RDPI rectifie son amendement pour le rendre identique à ceux de Mmes Billon et Vérien.
M. Francis Szpiner. - Vu l'intervention du président de la commission des lois, je n'ai plus de raison d'intervenir.
Mme Nathalie Delattre. - Nous rendons également notre amendement identique à celui de Mmes Billon et Vérien. Le fait majeur auquel nous tenions est conservé, et on se rapproche de la position de l'Assemblée nationale ; il ne restera que des petits pas à faire en CMP pour rétablir la rédaction initiale...
Mme la présidente. Votre amendement devient donc l'amendement n°3 rectifié ter.
Mme Annick Billon. - Je remercie le garde des sceaux pour son avis de sagesse et la commission d'avoir demandé la priorité. Mon premier amendement était surtout d'appel, la seconde partie étant satisfaite. Ce texte est une étape, qui en appellera d'autres - nous risquons de vous revoir au banc des commissions, madame Mercier, car les victimes sont très nombreuses...
Avec le garde des sceaux, nous avons mené un travail important depuis quelques années : loi sur les violences sexistes et sexuelles, loi de 2021, loi Létard, rapport « Rouge vif » de Mme Vérien. Ces textes renforcent la lutte contre les violences intrafamiliales, mais il faudra aller plus loin compte tenu du nombre de victimes, mis au jour par la Ciivise.
Mme Laurence Harribey. - Je veux bien que nous fassions des pas pour nous rapprocher du mieux que rien... Mais supprimer la mesure relative aux ITT nous paraît dangereux. Nous maintenons notre amendement inchangé.
Mme Dominique Vérien. - Madame Harribey, l'alinéa dont vous parlez affaiblit en réalité une autre mesure. Mettez-vous à la place d'un juge : vous verrez que le dispositif ne fonctionne pas vraiment. Notre amendement ouvre la voie à une application plus aisée et ne correspond aucunement à un affaiblissement du texte.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Je suis favorable, à titre personnel, à ces amendements identiques. Mais l'avis de la commission reste défavorable.
À la demande de la commission, les amendements identiques nos4 rectifié bis, 12 rectifié, 7 rectifié et 3 rectifié ter sont mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°116 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 277 |
Pour l'adoption | 276 |
Contre | 1 |
Les amendements identiques nos4 rectifié bis, 12 rectifié, 7 rectifié et 3 rectifié ter sont adoptés.
L'article 1er, ainsi rédigé, est adopté.
En conséquence, l'amendement n°9, ainsi que les amendements nos1 rectifié ter, 2, 13 et 10 n'ont plus d'objet, non plus que l'amendement n°14.
Les articles 2, 2 ter, 3 et 4 sont successivement adoptés.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
La séance est suspendue quelques instants.