Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage à Robert Badinter

Gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (Procédure accélérée - suite)

Explications de vote

M. Patrick Chaize

M. Aymeric Durox

M. Cédric Chevalier

M. Pascal Martin

Mme Antoinette Guhl

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Jean-Yves Roux

Mme Nadège Havet

M. Sébastien Fagnen

Scrutin public solennel sur le projet de loi Gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

Scrutin public solennel sur le projet de loi organique Modification de la loi organique du 23 juillet 2010

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Mise au point au sujet d'un vote

Avenir de notre modèle agricole

M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains

M. Pierre Médevielle

M. Franck Menonville

M. Daniel Salmon

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Henri Cabanel

M. Bernard Buis

M. Jean-Claude Tissot

M. Christian Klinger

M. Jean-François Longeot

M. Lucien Stanzione

M. Olivier Rietmann

Mme Laurence Garnier

M. Stéphane Ravier

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains

Mises au point au sujet de votes

Sûreté dans les transports (Procédure accélérée)

M. Philippe Tabarot, auteur de la proposition de loi

Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois

M. Hervé Reynaud, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, saisie pour avis

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports

M. Pierre Jean Rochette

Mme Isabelle Florennes

M. Guy Benarroche

M. Pierre Barros

Mme Véronique Guillotin

M. Olivier Bitz

M. Christophe Chaillou

Mme Marie-Claire Carrère-Gée

M. Joshua Hochart

M. Olivier Jacquin

Mme Else Joseph

Discussion des articles

Article 1er

M. Thomas Dossus

Mise au point au sujet de votes

Sûreté dans les transports (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 2

M. Marc Laménie

Article 3

Après l'article 3

Article 5

Après l'article 5

Article 6

Article 7

Après l'article 7

Article 8

Article 8 bis

Après l'article 8 bis

Article 8 ter

M. Marc Laménie

Article 9

Après l'article 9

Article 10 (Supprimé)

Article 11 (Supprimé)

Article 12

Article 13

Article 14

M. Olivier Jacquin

Après l'article 15

Chapitre V : Création d'un fichier administratif pour centraliser les auteurs d'infractions dans les transports

Article 17

Article 18

Après l'article 18

Article 19

Après l'article 19

Vote sur l'ensemble

M. Philippe Tabarot

Mme Maryse Carrère

M. Jacques Fernique

M. Christophe Chaillou

M. Jean-François Longeot

M. Guy Benarroche

Ordre du jour du mercredi 14 février 2024




SÉANCE

du mardi 13 février 2024

62e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Hommage à Robert Badinter

M. le président.  - (Mmes et MM les sénateurs se lèvent, ainsi que MM. les ministres.) C'est avec une profonde émotion et une grande tristesse que nous avons appris, le 9 février dernier, la disparition de notre ancien collègue Robert Badinter.

Robert Badinter fut un homme d'État au parcours exceptionnel qui marqua de son empreinte non seulement notre assemblée, mais notre histoire tout entière. Chacun de nous sait ce que nous devons à cet homme à l'engagement sans faille.

Robert Badinter vécut la justice avec exaltation. Quand il l'évoquait, il vibrait de toute son âme. Les Français retiendront ses brillantes plaidoiries, la force de ses discours à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Robert Badinter connaissait la magie des mots, capable à elle seule de donner du souffle à son idéal républicain. Toute sa vie il s'en servit pour défendre les libertés publiques.

Son combat le plus emblématique fut bien entendu celui en faveur de l'abolition de la peine de mort. En 2016, il avait souhaité remettre aux Archives du Sénat l'exemplaire - que vous pouvez voir sur les écrans de l'hémicycle - corrigé de sa main du discours qu'il avait prononcé trente-cinq ans auparavant, en sa qualité de garde des sceaux à la tribune de notre assemblée, le 28 septembre 1981, à 15 heures. Lors de cette cérémonie, il souligna que « l'essentiel du débat ne s'était pas déroulé à l'Assemblée nationale, qui était alors de gauche », mais bien ici au Sénat !

Ce discours, qu'il nous a confié en dépôt, fut l'un des moments importants de l'histoire parlementaire française de la seconde moitié du XXe siècle. En cela, ce fut un moment politique, au sens le plus noble du terme.

Les Français restaient majoritairement attachés à la peine de mort en 1981. Elle avait été prononcée à huit reprises dans les années précédentes. Et pourtant, Robert Badinter savait que l'honneur du Parlement n'est pas de suivre systématiquement l'opinion, mais au contraire de l'éclairer. Un propos à méditer, pour aujourd'hui et demain...

Il termina son discours dans notre hémicycle par ces mots : « si vous considérez, en conscience, qu'aucun homme n'est totalement coupable, qu'il ne faut pas désespérer de lui pour toujours, que notre justice, comme toute justice humaine, est nécessairement faillible et que tout le progrès de cette justice a été de dépasser la vengeance privée et la loi du talion, alors vous voterez pour l'abolition de la peine de mort. »

Plusieurs sénateurs exprimèrent au cours de ce débat une véritable émotion et des sentiments personnels, presque intimes. Robert Badinter déclara alors : « J'ai entendu des propos qui traduisaient souvent des convictions, parfois aussi des émotions respectables et même profondes. »

Mais l'émotion réelle ne l'a pas emporté sur la réflexion et la détermination des votes. Et après trois jours de débat, c'est la responsabilité politique qui l'emporta. Les sénateurs « ont eu pour conscience de voter en leur âme et conscience et ils ont aboli la peine de mort. »

Celui qui fit abolir la peine de mort, après un discours inscrit à jamais dans les annales du Parlement, plaida dans les prétoires, des années durant, jusqu'à la limite de ses forces.

Il milita avec la même détermination aux côtés de François Mitterrand et de Pierre Mauroy.

Il fut aussi celui qui dépénalisa l'homosexualité.

Garde des sceaux exigeant, puis président du Conseil constitutionnel, il incarna une autorité morale et politique que nul n'a jamais songé à contester.

Il fut un républicain exigeant vouant, au-delà de ses propres convictions, un respect sans faille à la loi, toujours attentif aux plus vulnérables.

Quatorze ans plus tard, Robert Badinter siégera dans cet hémicycle. Sénateur des Hauts-de-Seine, il fut un membre éminent du groupe socialiste et de la commission des lois. Chacune de ses interventions était écoutée avec respect.

Avec Josselin de Rohan, Robert Badinter fut à l'origine de notre comité de déontologie parlementaire, qu'il me proposa à l'automne 2008 et dont il fut le premier président, de 2009 à 2011.

Il a construit l'indépendance et l'impartialité de cet organe pluraliste, dans lequel tous les groupes politiques du Sénat sont représentés. Il s'attacha à dégager les grands principes déontologiques - indépendance, laïcité, assiduité, dignité, probité, intégrité - qui forment le socle de nos valeurs.

En 2007, il fut naturellement désigné rapporteur du projet de loi constitutionnelle relative à l'interdiction de la peine de mort. L'inscription, sur l'initiative du président Jacques Chirac, de cette interdiction dans la Constitution ferma définitivement la porte à la peine capitale.

Jusqu'à son dernier souffle, Robert Badinter continua sans relâche de se battre en faveur de l'abolition universelle de la peine de mort, avec la même conviction que dans l'hémicycle de notre Haute assemblée.

En 2011, au cours d'une séance exceptionnelle consacrée ici même au 30e anniversaire du vote définitif par le Sénat du projet de loi portant abolition de la peine de mort, il déclarait : « ma conviction est absolue : comme la torture, dont elle est l'expression ultime, la peine de mort est vouée à disparaître de toutes les législations. Et les générations nouvelles verront un monde libéré de la peine de mort. »

Et en relisant l'original de son discours de 1981, chaque sénatrice et chaque sénateur se verront transmettre cette force qui l'a animé toute sa vie. Ils et elles pourront ainsi reprendre le flambeau de l'humanisme et de la liberté.

Conscient qu'il fallait dans certains cas aller au-delà de la simple coopération traditionnelle entre États, il défendit au nom de la commission des lois des textes instaurant des tribunaux universels. Il se prononça ainsi en faveur de la création d'un tribunal international en vue de juger les actes de génocide commis au Rwanda.

Il plaida ensuite pour la création de la cour pénale internationale, estimant qu'une juridiction permanente serait « un progrès considérable dans la lutte contre l'impunité des criminels contre l'humanité ».

Il fut le rapporteur de la proposition de loi proposant d'édifier, dans « la Clairière des fusillés », au mont Valérien, un monument qui porterait le nom des résistants et des otages fusillés dans ces lieux de 1940 à 1944. Il s'agissait selon lui d'un « acte de piété, un acte de mémoire », de lever un « voile de silence et d'oubli ».

Robert Badinter souhaitait ainsi que les jeunes générations puissent se souvenir qu'étaient ainsi morts des femmes et des hommes aux « convictions politiques, philosophiques, religieuses différentes, mais qui, tous, étaient unis dans le même amour de la France et de la liberté et qui ont donné leur vie pour qu'elles-mêmes puissent vivre libres. »

Le 9 juin 2022, nous étions tous les deux au Sénat, échangeant avec des élèves d'une école élémentaire de Schiltigheim à propos d'un ouvrage que Robert Badinter avait préfacé, intitulé Abécédaire républicain, suite au drame de l'assassinat de Samuel Paty, rappelant que « la laïcité c'est d'abord l'expression de notre liberté. »

Jusqu'au bout, il défendit les valeurs de la République, ces valeurs auxquelles sa grand-mère Idiss était si attachée. Dans le beau livre qu'il lui a consacré, il évoque le sentiment de trahison ressenti par sa famille, par son père surtout, si fier d'être devenu citoyen français, de la patrie des droits de l'Homme, après avoir fui les pogroms d'Europe orientale et qui mourut, comme tant d'autres membres de sa famille, exterminé par la barbarie nazie, avec la complicité du régime de l'État français.

Au fond, Robert Badinter restera cet éternel écorché vif qui aura gardé à jamais ses blessures d'enfant juif. Il restera cet infatigable combattant de la liberté. Robert Badinter marquera à jamais notre assemblée et notre pays.

Je me souviens de son discours d'adieu, en septembre 2011. Après quinze ans passés au Sénat, il résumait son action, ses grands combats et concluait : « la fonction qui, à mon sens, doit être celle de tout Parlement dans une démocratie : être le phare qui éclaire les voies de l'avenir, et non le miroir qui reflète les passions de l'opinion publique. »

À ses anciens collègues, j'exprime notre sympathie. À tous ceux qui l'ont connu, même au-delà de cet hémicycle, j'adresse mes pensées. À son épouse, Élisabeth Badinter, pour laquelle j'ai un immense respect et qui a rejoint notre Marche le 12 novembre dernier, à ses enfants, à toute sa famille et à tous ceux qui ont partagé ses engagements, je souhaite redire la part que le Sénat prend à leur chagrin. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que MM. les ministres, observent un moment de recueillement.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.  - En quelques mots et sans préempter les autres cérémonies prévues pour Robert Badinter, je rends hommage à un honnête homme, un juste, un Mensch.

Je rends hommage à l'avocat, au sens le plus noble du terme, à l'homme des grandes causes humanistes ; à l'homme de l'abolition de la peine de mort et de l'abrogation du délit d'homosexualité, au défenseur du droit des victimes et à la conscience des conditions carcérales.

Je rends hommage aussi au serviteur de l'État et au politique, qui fut garde des sceaux, président du Conseil constitutionnel et, comme sénateur, éclaboussa votre hémicycle de son talent oratoire.

Je rends hommage enfin à l'intellectuel, à l'enseignant engagé pour les Lumières, au biographe de Condorcet.

Nous perdons une conscience française, l'un de ces hommes pour qui le progrès n'est pas un vain mot, car il en a été un artisan inébranlable ; qui ont parlé au coeur de la France, patrie des droits de l'homme, avec les mots et les valeurs qui nous rassemblent ; qui ont donné à la politique ses lettres de noblesse - car la politique est toujours noble quand elle défend la justice.

Robert Badinter n'hésitait pas à nous mettre face à nos démons, nos bassesses, nos renoncements collectifs. Il était une vigie de la justice. Nous nous souvenons de son exclamation : « Vous m'avez fait honte ! ». À cet avertissement, ce rappel que le pire dans l'histoire est toujours possible, la France ne peut que répondre : « Monsieur Badinter, vous nous avez rendus fiers ! »

Gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (Procédure accélérée - suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutins publics solennels sur le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n°2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Explications de vote

M. Patrick Chaize .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) Ce projet de loi et ce projet de loi organique opèrent trois réformes techniques pour accompagner la relance de notre filière nucléaire entérinée par la loi Nouveau nucléaire du 22 juin dernier.

D'abord, il s'agit de fusionner l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) au sein d'une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) ; ensuite, de simplifier la commande publique pour les projets nucléaires ; enfin, de repositionner le haut-commissariat à l'énergie atomique (HCEA).

Les commissions de l'aménagement du territoire et du développement durable et des affaires économiques étaient saisies au fond, respectivement, de la première et des deux autres. Je remercie leurs présidents et mon collègue rapporteur, Pascal Martin.

Lors de la loi Nouveau nucléaire, le Gouvernement avait déposé à l'Assemblée nationale des amendements de fusion de l'ASN et de l'IRSN. Cette fusion a été expurgée du texte en commission mixte paritaire. L'ancienne présidente de notre commission des affaires économiques a saisi l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opecst), pour remettre le Parlement au centre du jeu. Proposée à la hâte, cette réforme était mal anticipée et mal évaluée.

Las, le Gouvernement n'a pas vraiment revu sa méthode : il affiche un souverain mépris pour la représentation nationale. Entre la nomination du nouveau Premier ministre et l'examen de ces textes, un mois s'est écoulé sans ministre identifié ni direction compétente. Le Gouvernement a refusé d'être auditionné, contre tous les usages, et l'absence de cabinet a empêché les échanges. Tout cela a porté atteinte à la clarté et à la sincérité de nos débats.

La semaine dernière, monsieur le ministre, vous avez évoqué la simplification normative : nous partageons cet objectif, mais simplifier ne signifie pas enjamber le Parlement. Nos amendements ne sont pas des obstacles à vos réformes, mais des gages d'exigence juridique, d'expérience politique et d'acceptabilité sociale. On a tout à gagner à se frotter à la contradiction, à rechercher le compromis.

Sur le fond, le nouveau projet de réforme est plus abouti que le précédent, grâce au travail de l'Opecst et à un an de concertations. Au moment crucial de la relance du nucléaire et alors que s'annonce un projet de loi de programmation pluriannuelle de l'énergie, nous le soutenons dans son principe pour fluidifier les procédures d'instruction, à sûreté inchangée.

Certes, des défis sont devant nous : continuité des procédures, valorisation des compétences, maintien des standards. Mais cette réforme renforcera la confiance du public, la nouvelle ASNR étant une autorité administrative indépendante.

Rapporteur de la commission des affaires économiques, je me suis efforcé de consolider la gouvernance de la filière, de simplifier la commande publique, de prolonger la loi Nouveau nucléaire et de conforter la nouvelle autorité de sûreté.

Plus précisément, j'ai renforcé le Haut-Commissariat et prévu que le Parlement puisse le saisir pour avis et se prononcer sur sa désignation. Je sais que le recours à la procédure de l'article 13 de la Constitution a agacé le ministre, mais il n'a rien d'inédit : cette procédure s'applique déjà à des instances similaires et au secteur nucléaire. Soixante-dix-neuf ans après sa création par le Général de Gaulle, nous voulons faire du Haut-Commissariat la vigie de la relance nucléaire.

Pour simplifier la commande publique, j'ai notamment conforté les dérogations en matière d'allotissement, de durée des accords-cadres et de publicité. Ces souplesses sont nécessaires pour prévenir les risques de rupture et de surcoûts - un mois de retard sur un réacteur coûte 100 millions d'euros.

Prolonger la loi Nouveau nucléaire passe par le suivi des recommandations de l'Opecst et la réintroduction de règles de parité dans le collège de l'ASNR et de publicité au sein de sa commission des sanctions.

Enfin, pour conforter la nouvelle autorité de sûreté, nous avons renforcé son indépendance et sa déontologie, séparé nettement l'expertise et le contrôle et prévu la publication de ses rapports et décisions. Nous avons sanctuarisé sa dimension régalienne en prohibant le recours à des personnels étranger.

Je vous invite à adopter ce projet de réforme, amendé par nos travaux. Le Gouvernement devra, dans d'autres véhicules, concrétiser enfin la relance du nucléaire. Monsieur le ministre, vous pourrez compter sur la vigilance du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Aymeric Durox .  - Ce projet de fusion arrive à échéance avec bien du retard, après que l'incident de Fukushima a fait reculer le président Sarkozy - coutumier du fait.

L'IRSN s'est peu à peu transformée, jouant les Cassandre de l'apocalypse nucléaire et instillant le doute dans la population, outrepassant souvent ses prérogatives. Sur la surveillance des rejets à la centrale de Chinon, son étude a duré deux ans et coûté 650 000 euros. Il a joué un rôle central dans l'arrêt de quatre réacteurs du Tricastin et le retard pris à Flamanville, toujours pour des motifs fortement contestés. Les pertes se chiffrent en dizaines de millions d'euros.

Le plus dommageable a été l'obligation faite à EDF de fermer un grand nombre de réacteurs pour corrosion, alors que l'opérateur proposait de mener de front contrôles et production. L'obstination de l'IRSN a entraîné plus de 30 milliards d'euros de pertes et un renchérissement considérable de notre facture électrique.

La majorité présidentielle n'est évidemment pas en reste dans cette série de mauvaises décisions. La fermeture de Fessenheim, en 2017, s'est faite en vertu d'un principe de précaution excessif et pour des raisons bassement électoralistes. Sept ans plus tard, la majorité présidentielle retourne sa veste, redécouvrant l'un des rares avantages comparatifs de notre industrie.

Que de temps perdu depuis sept ans, depuis vingt-sept ans même et l'arrêt dramatique de Superphénix, en 1997. Les défis ne manquent pas pour retrouver notre place de leader du nucléaire, une énergie décarbonée, pilotable et sûre : EPR2, SMR, soutien aux programmes de recherche, dont Iter, qui devrait conduire à la maîtrise de la fusion d'ici à la fin du siècle. Les décroissants antiscience seront définitivement mis au placard !

Nous voterons ce projet de loi, en espérant que la macronie gardera ce cap pronucléaire dont notre pays a tant besoin. (M. Joshua Hochart applaudit.)

M. Cédric Chevalier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Voilà deux ans, Emmanuel Macron présentait sa feuille de route énergétique dans son discours de Belfort.

M. Mickaël Vallet.  - On aurait préféré il y a sept ans...

M. Cédric Chevalier.  - Cette vision équilibrée doit s'accompagner d'actes et d'un plan de navigation clairs. Les lois votées depuis février 2022 en dessinent les contours. Nous attendons la prochaine étape avec impatience...

Le développement de technologies nouvelles et le maintien des installations existantes en toute sécurité représenteront un effort financier important pendant des décennies. La sûreté nucléaire est un enjeu essentiel de la relance. Nos concitoyens ont besoin d'être rassurés, d'autant plus dans un département comme le mien, frontalier de départements à enjeux nucléaires - Aube, Ardennes, Haute-Marne.

Travailler à la gouvernance de la sûreté est au fondement de la relance nucléaire. Je salue l'engagement du Gouvernement, les travaux de l'Opecst et la qualité de nos débats.

La nouvelle ASNR aura une tâche immense. À cet égard, ce texte prévoit un cadre pour assurer la réussite de la fusion. Le recours à des groupes permanents d'experts et la création d'une commission de déontologie sont également positifs.

Comme le disait Jean Bodin, célèbre Angevin, il n'est de richesse que d'hommes. Fusionner, c'est réunir des professionnels qui ne partagent pas forcément la même culture ou la même approche du travail. Certes, il faut aller vite, mais ayons soin de prévenir les difficultés qui pourraient survenir pour les personnels. Sans eux, la fusion échouera, et nous perdrons du temps, de l'argent et des compétences.

Nous devrons veiller à l'attractivité des professions de la future structure. Nous formons des profils d'excellence : l'enjeu est de les conserver au service de la France - il y va de notre souveraineté.

La transparence est essentielle à l'acceptation. Le nucléaire fait peur à beaucoup. Il faut donc assurer la transparence dans les faits, pour que les Français adhèrent à la relance du nucléaire. La nouvelle agence sera un exemple en la matière.

Le lien avec la filière est important pour connaître les innovations et développer la recherche. Veillons toutefois à prévenir les conflits d'intérêts - le texte y pourvoit.

La mise en place de la nouvelle agence est source de défis, mais elle est nécessaire dans un contexte où l'indépendance énergétique est une question de survie. Nous devons garantir aux Français des énergies bas-carbone et sûres. Nous voterons ce texte qui va dans ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Pascal Martin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'était fixée comme priorité essentielle le maintien de notre sûreté nucléaire au niveau le plus élevé possible, en l'adaptant aux enjeux des décennies à venir.

L'excellence de notre système de sûreté est reconnue, mais celui-ci fait face à une charge sans précédent.

Dans les années 1970, le plan Messmer avait permis la construction d'un parc nucléaire en quelques années. Le défi actuel est tout autre : adapter la sûreté au chantier inédit du programme nucléaire gouvernemental, poursuivre l'exploitation du parc, prévenir les risques liés au changement climatique.

Tout en garantissant le niveau d'exigence le plus élevé possible, cette réforme doit renforcer l'efficacité des procédures, s'adapter à l'essor de nouveaux acteurs, améliorer la réponse en cas de crise, clarifier la communication auprès du public et renforcer l'attractivité des métiers de la sûreté.

Le texte initial du Gouvernement atteignait-il cet objectif ? Non. Comme rapporteur, j'ai donc proposé des ajustements pour aboutir à un équilibre qui me paraît aujourd'hui satisfaisant. Je regrette toutefois que nous n'ayons pas pu auditionner le ministre en commission.

D'abord, nous avons bien distingué expertise et décision. Le texte initial renvoyait le sujet au règlement intérieur de la future autorité et ne prévoyait une séparation des processus qu'en cas de prise de décision par le collège - soit 10 % des dossiers. Un redémarrage de centrale n'aurait plus fait l'objet d'une expertise distincte.

La version amendée du texte garantira à la fois la fluidité des procédures et la sûreté, qui suppose la confrontation des doutes. Les procédures d'expertise et de décisions seront distinctes dans tous les dossiers à enjeu, et le signataire de l'expertise ne sera pas celui de la décision. Pour un dossier donné, les agents chargés des deux missions seront bien identifiés. Nous avons aussi renforcé l'expertise tierce, en donnant une assise juridique forte aux groupes permanents d'experts.

Nous maintenons un niveau exigeant de transparence. Le renvoi au règlement intérieur des modalités de publication des travaux d'expertise et le projet de loi initial comportaient des risques de recul. Suivant le rapport de l'Opecst, nous avons inscrit dans la loi le principe de publication des résultats d'expertises.

Nous maintenons les activités de recherche au sein de la nouvelle autorité. Là aussi, le projet de loi initial comportait des risques. Nous avons renforcé la prévention des conflits d'intérêts et créé une commission de déontologie.

Nous avons renforcé l'association du Parlement et de la société civile. L'Opecst sera associé à l'élaboration du règlement intérieur, mais aussi le HCTISN, l'Association nationale des commissions et comités locaux d'information (ANCCLI) et les commissions permanentes compétentes des deux assemblées.

Enfin, nous améliorons la gestion de crise et clarifions la communication.

Je salue le président Longeot, mon collègue rapporteur Patrick Chaize et Stéphane Piednoir, président de l'Opecst. Sans oublier le ministre Béchu, qui s'est approprié ce dossier complexe en un temps record...

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Rachid Temal.  - Quel talent...

M. Pascal Martin.  - Nous aurions toutefois préféré travailler en amont sur ce dossier essentiel.

J'espère que notre texte prospérera rapidement à l'Assemblée nationale, l'application de la réforme étant prévue au 1er janvier 2025. Le groupe UC votera ces deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

Mme Antoinette Guhl .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le 11 mars 2011, l'horreur : un séisme, un tsunami dévastateur qui provoque à Fukushima une catastrophe nucléaire de niveau 7, le plus élevé. Quelque 154 000 personnes ont été évacuées, et la catastrophe a coûté des centaines de milliards de dollars - sans parler des impacts sur les populations et l'environnement, avec des contaminants radioactifs libérés dans l'air, l'eau et les sols, de manière étendue et irréversible.

La sûreté nucléaire est une affaire sérieuse. Nous avons la chance de disposer de 1 750 femmes et hommes qui ont pour mission l'expertise, la recherche, la protection et le partage d'informations dans ce domaine. Je parle de l'IRSN, un établissement singulier, une exception française fondée sur une sûreté nucléaire adaptative et un système dual séparant l'expertise de la décision.

Cette force, monsieur le ministre, vous avez décidé de la démanteler. Vous muselez la recherche qui vous met en garde contre les coups d'accélérateur insensés qui menacent notre sécurité.

Vous accélérez, mais le débat parlementaire est entravé : pas d'audition de ministre en commission, débats expédiés en six heures trente. Vous êtes prêts à dégrader la sécurité collective au nom d'impératifs hors-sol. Qui peut imaginer une mise en oeuvre de la réforme au 1er janvier prochain ? Fusionner deux organisations essentielles pour la sûreté en moins de dix mois, ce n'est pas sérieux.

Flamanville est un gouffre financier, une débâcle. La prolongation des centrales actuelles, vieillissantes, est un défi en soi. Nous devons être prudents pour éviter la catastrophe.

Nous sommes profondément opposés à cette réforme dangereuse, même si nos rapporteurs ont tenté de l'améliorer.

Lors de la navette, nous veillerons à prévenir tout recul, notamment sur la séparation entre expertise et décision, l'obligation de publication des résultats d'expertise avant les décisions, le maintien des partenariats de recherche avec les industriels du secteur et l'information du Parlement et des citoyens. Nous n'approuvons pas les renvois au règlement intérieur, qui excluent le premier comme les seconds.

L'Opecst vous a avertis que la transition vers une nouvelle organisation pourrait poser des difficultés. Mais vous imposez sans écouter, au détriment de la sûreté.

La recherche est mise sous tutelle, les corps intermédiaires sont muselés, les associations, syndicats, ONG et élus locaux piétinés, comme, parfois, le Parlement. C'est le coeur de la pensée jupitérienne : pour avancer, écraser - comme pour la réforme des retraites ou la mise en pause du plan Écophyto, à rebours de ce que préconisent les scientifiques. C'est irresponsable !

Nous sommes contre le nucléaire, mais pour la sûreté nucléaire. La relance nucléaire est une impasse financière ; les risques associés doivent être démocratiquement débattus. La souveraineté énergétique que vous appelez de vos voeux est un leurre, alors que la dernière mine française d'uranium a fermé en 2001. (On signale sur certaines travées à droite et au centre que l'oratrice a épuisé son temps de parole.)

Toutes nos décisions devraient être fondées sur la maîtrise du risque d'accident nucléaire.

M. le président.  - Il faut conclure...

Mme Antoinette Guhl.  - Malgré les efforts pour atténuer certains risques, nous voterons contre ce texte inachevé et dangereux. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Marie-Claude Varaillas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) La relance de la filière nucléaire exige la plus grande transparence et la confiance de nos concitoyens. La crédibilité du système de contrôle de la sûreté en est une condition essentielle. L'article 7 de la Charte de l'environnement et des conventions internationales nous impose des obligations en la matière.

Les doutes légitimes sur la fusion ASN-IRSN subsistent. Pourquoi remettre en cause un système qui a fait ses preuves et qui fait référence à l'étranger ? Le HCTISN regrette que la réforme n'ait pas été précédée d'une analyse des forces et faiblesses du système actuel ; le comité de déontologie de l'IRSN estime ses motivations trop peu explicites.

Pourquoi prendre le risque de déstabiliser la gouvernance de la sûreté, à l'heure où les chantiers sont énormes : poursuite de l'exploitation des réacteurs actuels, construction de nouveaux réacteurs, apparition de nouveaux acteurs privés avec les SMR ?

Quel sera le sort réservé aux agents de l'IRSN et de l'ASN ? Notre amendement visant à garantir une proportion de fonctionnaires au moins égale à l'existant a été déclaré irrecevable. La préservation d'une culture administrative est pourtant indispensable à l'exercice de ces missions régaliennes. L'IRSN connaît une hémorragie de départs, car le Gouvernement est incapable de dialoguer et d'éclairer ses motivations.

Quels moyens pour la nouvelle entité ? Nous n'en savons rien, alors que la charge de travail sera considérable dans les années à venir. L'indépendance de l'expertise en son sein n'est pas assurée, et vous avez refusé un pilotage de la recherche via un conseil scientifique.

La transparence n'est pas davantage assurée. Le texte fait peu de cas de la société civile, qui a pourtant toute sa place dans cette relance historique. Vous refusez de consacrer la publication des avis avant la décision et la mention explicite à la Charte d'ouverture à la société, qui compte l'Anses, l'Inrae ou Santé publique France parmi ses signataires.

Le Gouvernement et la majorité sénatoriale ont refusé de nommer, et don de reconnaître, les sous-traitants, ces nomades du nucléaire, surexposés aux risques.

Enfin, la séparation des expertises des installations civiles de celles de défense entraîne un risque de divergence des approches.

La sûreté nucléaire est un contrat de confiance entre la société, les exploitants et les instances de contrôle que vous risquez de rompre.

Nous avons besoin d'une véritable autorité publique indépendante de l'autorité de l'État, qui veille aux droits des citoyens. Or vous avez été réticents à qualifier l'ARSN d'indépendante...

Ce texte va à rebours de notre exigence d'une gouvernance de la sûreté au service de l'intérêt général, et non de la seule relance nucléaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

M. Jean-Yves Roux .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le Sénat a été saisi en premier de ce texte essentiel, qui engage notre souveraineté énergétique et l'atteinte de nos objectifs de développement durable.

Le RDSE apprécie le débat et les propos nuancés sur un tel sujet. Le Sénat s'était déjà prononcé à une large majorité, voilà quelques mois, sur la relance de la filière.

Notre système dual de sûreté nucléaire a acquis une reconnaissance nationale et internationale. Il sert avec indépendance et transparence l'intérêt général. Il bénéficie de la confiance de nos concitoyens.

Cette transparence n'était pas au rendez-vous quand cette réforme a été proposée, par amendement, l'an dernier. Je suis heureux que le Parlement ait repris sa place aux côtés de l'exécutif.

Ces débats sont essentiels, car démontrer la sûreté d'un système, c'est aussi le confronter au doute.

Nous comprenons l'intention de cette réforme, alors que le nombre de dossiers à traiter va augmenter de façon inédite, mais avons eu du mal à nous forger une conviction quant à la pertinence de ce projet de loi. Malgré le travail exigeant en commission, des questions demeurent.

Il faut veiller à ne pas ébranler un système qui bénéficie d'un lien de confiance avec les Français, condition sine qua non de la relance de la filière. Le Sénat a érigé des garde-fous en imposant une séparation claire entre experts et décideurs. Nous avons atteint une position d'équilibre qui préserve la fluidité et l'efficience des processus décisionnels, tout en garantissant la confrontation des doutes.

Gare toutefois à ne pas recréer un système bicéphale au sein de l'entité fusionnée, au risque de la paralysie, et à ne pas désorganiser ces deux organismes qui travaillaient en bonne intelligence !

Quelles sont les alternatives ? Une augmentation substantielle des ressources et des moyens humains de l'ASN et de l'IRSN, un renforcement de l'attractivité de leurs métiers - ce qui suppose un engagement budgétaire constant.

Nous attendons des réponses sur la perte du statut d'Épic de l'IRSN, qui privera la recherche en sûreté nucléaire des financements issus des partenariats autorisés. Quid de la sous-traitance ? L'ASN a déjà publié un rapport très critique vis-à-vis d'EDF qui ne ferait pas respecter les standards de construction de haute qualité par ses sous-traitants.

Enfin, si nous entendons la volonté de simplification, la nouvelle architecture ne doit pas entamer la confiance. Nous ne parlons pas ici de normes applicables aux haies, mais bien de sûreté nucléaire ! La fusion est-elle la réponse la plus appropriée, vu l'urgence ? L'intégration prendra des années, or le prochain EPR est prévu pour 2035.

Le nucléaire joue un rôle clé dans notre politique énergétique, pour un mix qui nous assure une énergie décarbonée, pilotable et sûre.

Le RDSE partage la volonté commune d'une sûreté nucléaire renforcée, indépendante et transparente, dans le contexte hors norme lié à la relance historique de notre filière nucléaire. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP)

Mme Nadège Havet .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Faire de la France le premier grand pays industriel à sortir des énergies fossiles, qui représentent encore les deux tiers de la consommation d'énergie finale : pour relever ce défi, il nous faut accélérer la production d'énergies décarbonées, nucléaire et renouvelable. C'est tout le sens des deux lois d'accélération votées l'année dernière et de la réforme du marché européen de l'électricité portée par Agnès Pannier-Runacher.

Au Sénat, nous n'avons pas le nucléaire honteux. La délégation de programme interministérielle au nouveau nucléaire, les investissements massifs de France Relance et France 2030, la tenue du conseil de politique nucléaire sont des signaux positifs.

Cette relance du nucléaire répond à plusieurs enjeux : réduire nos émissions, baisser la facture des ménages, tenir nos engagements de sortie des énergies fossiles, participer à la réindustrialisation, renforcer notre souveraineté énergétique dans un contexte géopolitique instable.

La confiance envers le nucléaire tient à un cadre de sûreté qui repose sur la responsabilité des exploitants et un contrôle indépendant.

Nous abordons un contexte hors norme : prolongation du parc existant, développement des EPR2 et des SMR, nouvelles solutions de stockage des déchets. C'est un changement de paradigme, qui requiert un niveau de sûreté optimal, mais aussi un enjeu industriel, avec cent mille emplois à créer en dix ans, nécessitant des compétences rares.

Après la loi d'accélération, qui a simplifié les procédures administratives des nouvelles installations nucléaires, il fallait réformer la gouvernance de notre sûreté nucléaire.

Ce projet de loi fait suite à l'amendement gouvernemental au projet de loi d'accélération, qui n'avait pas été soumis au Sénat. Le RDPI se félicite qu'une réflexion d'ampleur ait pu avoir lieu, avec un rapport de grande qualité de Stéphane Piednoir et Jean-Luc Fugit pour l'Opecst. (« Ah ! » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) De nombreuses consultations publiques ont été menées avant la présentation du texte en conseil des ministres.

Le Gouvernement a fixé quatre objectifs, quatre principes : efficience des procédures, indépendance vis-à-vis des exploitants et du Gouvernement, transparence renforcée, attractivité des métiers.

Notre commission a apporté des précisions sur la séparation entre expertise et décision et sur la publication des avis d'expertise. Elle a introduit une commission d'éthique et de déontologie comme il en existe une à l'IRSN, chargée de suivre la rédaction et l'application du règlement intérieur et de prévenir les conflits d'intérêts. Nos deux rapporteurs ont également proposé de pérenniser les groupes permanents d'experts.

Trois points nécessiteront une attention particulière : l'engagement d'un rattrapage des salaires, l'accompagnement des changements dans les procédures de travail, la mise en oeuvre des dispositions sociales.

Le RDPI salue les évolutions intervenues au Sénat et votera ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Sébastien Fagnen .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis la tentative avortée de fusion brutale et cavalière menée par le Gouvernement l'an dernier, que s'est-il passé ? L'Opecst a rendu un rapport de qualité, mais reste muet sur l'option consistant en un renforcement du système dual actuel. L'absence d'audition ministérielle a été dénoncée avec force par la présidente Estrosi Sassone en ouverture de nos débats la semaine dernière. (« Excellent ! » sur quelques travées du groupe Les Républicains) Ces lacunes ont justifié le dépôt de deux motions par les groupes de gauche, démarche peu commune qui illustre le parcours chaotique de ce texte.

Notre opposition à cette réforme n'est nullement un rejet du nucléaire et de sa relance - c'est un parlementaire de la Manche, département façonné par l'industrie nucléaire, qui vous le dit.

Loin d'être raisonnée, cette réforme précipitée est à rebours de l'histoire du nucléaire français. La précipitation est mauvaise conseillère lorsqu'il s'agit de la sûreté d'une industrie non conventionnelle, à la veille d'une relance sans précédent... Elle serait justifiée par la quête d'une fluidité présentée comme indispensable à la réussite de la relance de la filière. Or à aucun moment du débat parlementaire, y compris lors de l'audition du président de l'ASN, pourtant partisan de la fusion, cette fluidité ne sera apparue comme autre chose qu'un voeu pieux.

Alors que le système dual actuel a fait toutes ses preuves et que nous entrons dans une décennie décisive pour la filière, pouvons-nous nous offrir le luxe, et le risque, d'une déstabilisation durable de la sûreté nucléaire ? Non ! Pas de relance sans confiance, pas de confiance sans transparence.

Avec cette réforme, le compte n'y est pas. Le rejet de nos amendements sur la publication des expertises en amont de la décision ou sur la garantie d'indépendance fonctionnelle est un mauvais signal.

C'est aussi le sens de l'avis de l'ANCCLI, qui craint la remise en cause de la confiance acquise, sur laquelle repose l'adhésion au nucléaire. La Cour des comptes, le Haut-Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire, la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement et de nombreux experts ont fait part de leurs réserves, voire de leur opposition au projet de loi. Personne ne perçoit les bénéfices de cette réforme, mais chacun en identifie les méfaits. Les salariés de l'IRSN et de l'ASN s'y opposent, non par conservatisme, mais au nom de l'exigence.

La multitude des avis négatifs doit nous interroger. La seule voie envisageable est celle d'une décision mûrement réfléchie et concertée. Ne cédons pas à l'urgence, confortons les missions des deux entités, confortons la triangulation avec l'exploitant et dotons-les des ressources adéquates pour faire face à la montée en charge programmée.

La seule certitude à ce jour est celle de la désorganisation qui découlerait d'une fusion à marche forcée.

Le groupe SER votera résolument contre cette réforme inutile et néfaste. (Applaudissements à gauche ; M. Jean-Luc Brault applaudit également.)

Scrutin public solennel sur le projet de loi Gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°118 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption 228
Contre  98

Le projet de loi est adopté.

(Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Scrutin public solennel sur le projet de loi organique Modification de la loi organique du 23 juillet 2010

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°119 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 319
Pour l'adoption 222
Contre   97

Le projet de loi organique est adopté.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Je salue les deux présidents de commission et les deux rapporteurs.

Vous venez d'adopter un texte important, en votre âme et conscience. Vous avez remis d'aplomb une démarche qui, je le dis sans langue de bois, n'avait pas été bien engagée par le Gouvernement.

M. Stéphane Piednoir.  - Là, nous sommes d'accord !

M. Christophe Béchu, ministre.  - À la suite du rejet de l'amendement gouvernemental, un nouveau travail a été mené. Je salue la présidente Sophie Primas (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) et le président de l'Opecst, Stéphane Piednoir (mêmes mouvements), grâce auxquels nous bénéficions d'un regard transpartisan.

Le nucléaire français est un objet de fierté et d'indépendance.

M. Mickaël Vallet.  - C'est bien récent !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Je connais la liberté et l'exigence du Sénat. J'ai entendu, lors de nos débats, des arguments de fond. J'en ai entendu d'autres, invoqués pour défendre le statu quo, qui avaient été employés naguère pour refuser la création de l'ASN !

Dès lors que nous avons engagé un programme de relance, nous ne pouvons nous satisfaire d'instances de sûreté façonnées pour l'existant. La poursuite de l'exploitation de 56 réacteurs, la construction d'EPR2, l'essor des SMR, la consolidation du cycle de combustible, tout cela suppose de réinterroger notre modèle. La dualité entraînait des complexités d'interface, un risque de concurrence pour attirer les compétences, des processus et outils distincts, sources de lourdeur.

Vos rapporteurs ont amélioré le texte, sur la distinction entre expertise et décision, sur la transparence de l'activité d'expertise interne au sein de la future ASNR, sur la clarification entre agents et salariés.

Parmi nos points de divergence : la place du règlement intérieur, le Gouvernement souhaitant conserver la souplesse dont bénéficie l'ASN, ou le statut du haut-commissaire à l'énergie.

Vu la qualité de nos débats en séance, je ne doute pas que nous trouverons un chemin au cours de la navette. Nous le devons aux milliers de personnes qui travaillent aujourd'hui à l'ASN et à l'IRSN.

Ce texte témoigne de notre détermination à donner au pays les moyens de la relance nucléaire, en maintenant la sûreté et la sécurité de nos installations. Cette relance est plébiscitée par nos concitoyens et dictée par l'urgence climatique.

Après vous avoir entendu réclamer - de façon insistante et parfois touchante (sourires) - un ministre dédié, et ayant fait amende honorable en expliquant les circonstances qui m'ont empêché d'être celui-là dès l'entame de vos travaux, je ne suis pas venu seul cet après-midi. (« Ah ! » sur plusieurs travées) Je suis accompagné du ministre de l'industrie et de l'énergie, Roland Lescure. (« Ah ! ») Il sera votre interlocuteur pendant la navette. (« Ah ! ») Vous aurez non pas une, mais deux portes que vous pourrez pousser.

M. Yannick Jadot.  - Merci à vous !

M. Christophe Béchu, ministre.  - C'est le signe, non d'un désengagement, mais d'un réarmement ! (Exclamations sur les travées du GEST ; applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP et UC)

La séance, suspendue à 16 heures, reprend à 16 h 10.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Nathalie Goulet.  - Lors du scrutin n°118, je souhaitais voter pour.

Acte en est donné.

Avenir de notre modèle agricole

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'avenir de notre modèle agricole, à la demande du groupe Les Républicains.

Je salue Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, dont c'est la première intervention au Sénat dans le cadre de ses nouvelles fonctions. Nous lui souhaitons le meilleur. (Mme Agnès Pannier-Runacher remercie.)

M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) Je ne suis pas d'accord avec le ministre de l'agriculture quand il dit que les problèmes de l'agriculture remontent à plus de trente ans. Ils se sont démultipliés depuis 2015, avec la loi d'avenir pour l'agriculture et la loi Biodiversité, caisses de résonance du triptyque : peur, culpabilité, interdits. Le tout amplifié, depuis 2017, par la loi Égalim, les zones de non-traitement (ZNT), les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), l'Office français de la biodiversité (OFB)... C'est votre politique qui a conduit les agriculteurs dans la rue !

N'en déplaise à la gauche qui invoque un problème de revenu et de charge de travail, les agriculteurs ne demandent pas à travailler moins, mais à retrouver de la liberté pour travailler plus ! (M. Daniel Salmon le conteste.)

M. Jean-Claude Tissot.  - On ne vit pas dans le même pays...

M. Laurent Duplomb.  - Dans un « en même temps » schizophrène, marque de fabrique de la macronie, vous posez le bon diagnostic - concurrence déloyale, suradministration, normes abusives - mais n'apportez aucune solution. Le Premier ministre, qui flatte son public, promet de placer l'agriculture au-dessus de tout. Mais chassez le naturel, il revient au galop. Sitôt les barrages levés, les ministres se relaient sur les médias pour apaiser la minorité qui les terrorise : rassurez-vous, rien ne changera !

La méthode est mortifère : on identifie l'erreur qu'est la surtransposition, et ses conséquences, mais, par lâcheté, on ne change rien ! Ne pas revenir en arrière se paiera « cash » : vous en serez comptables. Les annonces ne calmeront pas durablement la colère, car le mal n'est pas guéri.

Les solutions sournoises, comme faire du préfet le délégué territorial de l'OFB - disposition qui aurait dû être effective il y a deux ans, ne charmeront les paysans que peu de temps, et le réveil sera dangereux.

Les agriculteurs ne supportent plus cette stigmatisation, cette vindicte, ce harcèlement. Il faut donc agir vite et fort.

Arrêter la stigmatisation, cette folie française qui consiste à surveiller les agriculteurs plus que les dealers, c'est arrêter la plateforme de délation phyto-vigilance, employée par des ONG bien-pensantes pour dénoncer la moindre maladresse de l'agriculteur et transformer l'OFB en police religieuse de l'environnement. (M. Jacques Fernique secoue la tête.) Le procureur, pour éviter d'engorger les tribunaux, demandera aux agriculteurs d'accepter un compromis avec les parties civiles, c'est-à-dire de verser des dommages et intérêts aux ONG elles-mêmes. C'est sans fin - sauf pour les paysans !

Arrêter la suradministration, c'est arrêter le système de suivi des surfaces agricoles en temps réel (3STR), avec la prise de photos satellites deux fois par semaine ! (M. Michel Savin renchérit.) Épié par les satellites, l'agriculteur qui laboure une terre argileuse avant le 15 février sera pénalisé, alors qu'il agit par bon sens, et d'expérience !

Arrêter les surtranspositions, c'est accepter de revenir en arrière : si vous ne revenez pas sur l'interdiction de la cinquième famille des néonicotinoïdes, ce sera la fin de la betterave en France. (Protestations sur les travées du GEST) Puis ce sera au tour de la pomme et de la poire, quand on aura interdit le spirotétramate ! Les Polonais, eux, continueront d'inonder le marché, car l'acétamipride, autorisé chez eux, leur permettra de lutter contre le puceron cendré.

M. François Bonhomme.  - Et le balanin des noisettes !

M. Laurent Duplomb.  - Vous nous répondrez : clauses miroirs. Miroir aux alouettes ! Comment contrôler tous les interdits dans les produits importés ? Lisez mon rapport de 2020 sur le sésame bio importé d'Inde, qui contient plus de 5 000 fois la dose d'oxyde d'éthylène autorisée en Europe ! Nous interdisons ou réglementons 1 498 molécules, mais l'autocontrôle n'en cible que 450 au mieux. Un millier passe sous les radars ! Et combien de semaines aura-t-il fallu à l'administration pour retrouver la méthode d'analyse de l'oxyde d'éthylène, interdit depuis 1992 ? (Mme Sophie Primas renchérit.) Vos contrôles aux frontières se limitent à un contrôle administratif des certificats et à un contrôle visuel. Qui peut croire que les clauses miroirs nous protégeront ? Le sucre ukrainien, dont les importations sont passées en deux ans de 20 000 à 700 000 tonnes, est produit à partir de betteraves traitées avec des néonicotinoïdes interdits chez nous, sans que l'on puisse en détecter la trace dans le produit fini. Cessons cette fumisterie, qui conduit à nous inonder de produits étrangers qui ne respectent pas nos normes ! Courir après un hypothétique changement de modèle conduit le pays à sa « faim » !

Redonnons de la liberté à nos paysans, madame la ministre. Acceptez de revenir en arrière : mes 42 propositions le permettent. C'est à ce prix que vous comprendrez, enfin, le mal-être paysan. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur quelques travées des groupes UC, INDEP et du RDSE)

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le 25 octobre, j'alertais sur l'épidémie de MHE (maladie hémorragique épizootique) qui frappe les éleveurs du Sud-Ouest. Après la grippe aviaire, le gel et la sécheresse, cette crise de trop a été à l'origine du grand mouvement de protestation parti de mon département de Haute-Garonne, mais la crise couvait depuis longtemps.

Depuis des années, l'agriculture française supporte un bashing permanent et la multiplication des normes et surtranspositions. Le Gouvernement a annoncé des mesures de compensation, dont le gel du gazole non routier (GNR), et de simplification. C'est bienvenu, mais il faut aller plus loin. Le projet de loi d'orientation et d'avenir de l'agriculture devra nous donner les moyens de retrouver notre première place européenne. Mettons fin au démantèlement de la ferme France !

Certaines mesures dites vertes partent d'un bon sentiment mais s'avèrent mortifères. L'écologie punitive qui ne sait qu'interdire ou supprimer n'a plus sa place. Cessons d'écouter les Khmers verts et les adeptes de la lampe à huile : la France a besoin d'une agriculture puissante qui produit et procure un revenu décent. Rendements et environnement ne sont pas incompatibles, à condition de faire confiance à la science. En autorisant l'utilisation encadrée des nouvelles variétés de plantes dites NBT, le Parlement européen reconnaît l'importance de l'innovation.

Que les hauts fonctionnaires déconnectés cessent d'empiler les réglementations et les surtranspositions qui créent des distorsions de concurrence au sein même de l'Union européenne. Quand celle-ci parlera d'une même voix, nous serons plus crédibles !

Que dire des programmes Écophyto ou Farm to Fork ? L'agriculture à zéro phyto relève du fantasme ! Il faut d'abord trouver des solutions de remplacements et s'adapter.

Cette crise structurelle révèle aussi les disparités géographiques de notre agriculture. Difficile d'adapter les textes sans différenciation territoriale : la hausse du GNR n'a pas les mêmes effets partout !

Revenons au pragmatisme écologique et administratif afin d'accompagner la transformation de nos exploitations.

Il faudra aussi revoir la copie sur la formation et l'installation des jeunes agriculteurs. Les seuils de rentabilité augmentent. Dans notre beau Sud-Ouest, il faudra regrouper les propriétés. Les chambres d'agriculture, trop timides, devront porter ce modèle.

D'ici à dix ans, un tiers des agriculteurs sera à la retraite. Facilitons la transmission, regroupons les exploitations pour donner aux jeunes les moyens de vivre leur passion. La France sans ses paysans ne sera plus la France : il est urgent d'agir pour retrouver notre souveraineté. (« Bravos ! » et applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.  - J'ai plaisir à vous retrouver sur ce sujet de l'agriculture. Je reprends à mon compte certains éléments de l'intervention de Pierre Médevielle. Vous avez raison : il n'est plus question d'écologie punitive, mais bien de concilier souveraineté alimentaire et transition écologique. Il y va de la qualité de notre nourriture, de la santé de nos agriculteurs, du bien-être des Français.

M. François Bonhomme.  - Une fois qu'on a dit ça...

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - C'est une politique fondée sur la science, qui investit dans la recherche, l'innovation, le transfert vers les agriculteurs.

Les règles européennes doivent être aussi proches que possible, et l'Europe doit savoir se défendre face à des productions qui ne respectent pas les mêmes contraintes.

La simplification, encore : les agriculteurs doivent se concentrer sur ce qu'ils savent faire, non se prendre dans un maquis complexe de réglementations. Notre ambition sera de simplifier. (M. Guillaume Gontard s'exclame ; on ironise sur quelques travées du groupe Les Républicains.) Un projet de loi sera prochainement présenté, et nous procéderons également à des simplifications réglementaires.

Enfin un service, France Service Agriculture, facilitera le renouvellement des générations et les installations, dans leur diversité.

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe INDEP) Madame la ministre, je vous félicite pour vos nouvelles fonctions. (On ironise à droite.)

Il y a des agricultures - différents modèles en fonction des filières et des territoires, que je ne veux pas opposer.

Il y a néanmoins des fondamentaux : compétitivité, souveraineté, nécessité de produire pour des marchés et des consommateurs.

Or notre agriculture perd des parts de marché : nous importons 2,2 fois plus qu'en 2000 ; nous sommes devenus le sixième exportateur - nous étions deuxièmes en 2000. Notre déficit commercial général atteint 100 milliards d'euros en 2023, le deuxième plus gros de notre histoire.

Nous décrochons en matière de capacité productive, résultat de nos dépendances accrues et de notre perte de compétitivité. Nous sommes au pied du mur : il faut donner un nouvel élan à notre agriculture. Elle a besoin d'un choc de compétitivité et de simplification.

Trois chantiers sont prioritaires : d'abord, faciliter la transmission des exploitations agricoles. Un dispositif d'accompagnement des agriculteurs en fin de carrière doit être instauré, via des incitations fiscales et des prêts bonifiés.

Ensuite, la souveraineté alimentaire doit devenir un intérêt fondamental de la nation, afin que l'agriculture ne soit pas sacrifiée au nom d'autres politiques publiques. J'avais présenté un amendement en ce sens lors de l'examen de la proposition de loi Ferme France. Il faut appliquer les lois Égalim et contrôler la grande distribution.

Enfin, la compétitivité. Depuis vingt ans, on demande à l'agriculture de répondre à de nombreuses attentes sociétales et environnementales, sans lui en donner les moyens. Un choc de simplification s'impose : les normes franco-françaises ont créé des distorsions de concurrence. Tenons-nous en aux normes européennes.

Il faut une véritable complémentarité entre énergies renouvelables et agriculture, sur la base d'un juste partage de la valeur. C'est une opportunité et un levier de résilience économique.

Faisons de notre agriculture un outil de souveraineté nationale, européen, mais aussi une force exportatrice et créatrice de richesses.

La prochaine loi d'orientation agricole devra promouvoir le redressement de notre agriculture, madame la ministre ; nous serons à vos côtés. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Ludovic Haye applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Le pacte d'orientation pour le renouvellement des générations contient des mesures fortes. La garantie de l'État permettra de déployer jusqu'à 2 milliards d'euros de prêts pour les jeunes agriculteurs. Nous sommes en train d'expertiser le prêt bonifié. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoira une exonération des plus-values sur les droits de succession. Le Premier ministre a également évoqué l'exonération de droits de succession et de donation en cas de transmission de biens ruraux en bail à long terme ou de part de groupements fonciers agricoles.

Nous accompagnerons la montée en charge de France Services Agriculture avec l'augmentation de la taxe affectée installation-transmission, de 20 millions d'euros au moins en 2025.

Nous procèderons à des simplifications dans le prochain projet de loi d'orientation agricole et par règlement.

Nous souscrivons à l'objectif d'une concurrence loyale, via les clauses miroirs, et voulons éviter les surtranspositions. Le partage de la valeur figurera également dans la future loi d'orientation.

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) La colère des agriculteurs a révélé l'impasse du système actuel. (M. Laurent Duplomb proteste.) Le revenu agricole est le sujet central : en 2022, plus de 11 000 agriculteurs perçoivent le RSA, 40 000 la prime d'activité, avec un non-recours évalué à plus de 50 %.

L'avenir de nos agriculteurs dépend de notre capacité à analyser et à agir sur les causes de cette faible rémunération et des inégalités qui empêchent la transition vers un système équitable et durable.

Les lois Égalim n'ont rien changé : les industries agroalimentaires ont vu leurs profits augmenter de 132 % en un an, avec une marge de 48 % en 2023. L'amont agricole n'est pas en reste : selon la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur le plan Écophyto, le secteur phytosanitaire réalise des marges indécentes. Ces acteurs doivent prendre toute leur part !

Le monde paysan est le plus inégal des univers professionnels, écrivait Thomas Piketty dans Le Monde : 10 % des agriculteurs gagnent moins de 15 000 euros, alors que les 10 % les mieux rémunérés dépassent 150 000 euros - dont nombre de dirigeants de la FNSEA. La moyenne est de 19 000 euros pour les éleveurs bovins, de 124 000 euros pour les éleveurs porcins. Ce système inéquitable, injuste et inacceptable est aussi un frein majeur à la transition.

Dernière inégalité : 16 % des Français déclarent ne pas manger à leur faim. La consommation alimentaire a chuté de 17 % en un an et demi, surtout celle des plus précaires, qui se tournent vers des produits importés de faible qualité, ce qui ne bénéficie ni à nos agriculteurs ni à l'environnement.

Libre-échange et pesticides ne sont pas la solution ! Pis, ils conduisent à un effondrement des écosystèmes dont dépend notre agriculture. Miser sur ces fuites en avant revient à nier la réalité.

Mme Sophie Primas.  - Ce n'est pas vrai !

M. Daniel Salmon.  - La pause dans le plan Ecophyto, le mépris de l'agriculture biologique ne répondent en rien à la crise du revenu agricole. Il nous faut plus de régulation des relations commerciales et des marchés, plus de protection face à l'importation de produits ne respectant pas nos normes, plus d'équité dans les aides et l'accompagnement des paysans. Ce n'est pas là de l'écologie punitive ! Nous devons assurer l'accès de tous à une alimentation de qualité, en instaurant une sécurité sociale de l'alimentation.

Quand le Gouvernement abandonnera-t-il ce système qui appauvrit la grande majorité des agriculteurs ? Attendez-vous l'extinction du dernier insecte, du dernier oiseau des champs ? Changer d'indicateur ne change pas la réalité. Ce que veulent les agriculteurs, c'est un juste prix pour leurs produits et ne pas tomber malade du fait des pesticides.

M. Laurent Duplomb.  - Vos agriculteurs !

M. Daniel Salmon.  - Ils ne veulent pas des printemps silencieux, ils veulent des printemps bruissant de vie ! (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et CRCE-K)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Nous voulons tous une politique ambitieuse en matière de biodiversité. Les agriculteurs sont les premières victimes des produits phytosanitaires. Cela dit, examinons leur innocuité ou leur absence d'innocuité. La consommation des produits phytosanitaires qui ont un impact prouvé sur le cancer a baissé de 93 %. Il y a eu un mouvement. (M. Laurent Duplomb proteste.)

Il faut le bon thermomètre, fondé sur la science. (Protestations sur les travées du GEST)

M. Guillaume Gontard.  - Et les néonicotinoïdes ?

M. Daniel Salmon.  - On va casser le thermomètre !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Souveraineté alimentaire, revenus des agriculteurs et ambition écologique : il faut tout concilier. Telle est notre ligne.

M. Laurent Duplomb.  - Avec ça, on va aller loin...

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Nous mettons sur la table 1,3 milliard d'euros supplémentaires pour la transition écologique des agriculteurs. Nous poursuivons le soutien à l'agriculture biologique : encore faut-il que les Français et les cantines puissent acheter ces produits. (M. Daniel Salmon proteste.) Le code des marchés publics doit permettre d'acheter en circuits courts.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Nous multiplions les contrôles.

M. le président.  - Il faut veiller au respect du temps de parole. Pas trop de TVA ! (Sourires)

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Nos paysans lancent un cri détresse. Le prix payé au producteur et le poids des normes pèsent sur le revenu agricole.

Le monde agricole subit des mutations depuis plusieurs années. Nous les voulons à la fois gardiens de la biodiversité, chefs d'entreprise, comptables, ingénieurs...

La concentration dans la filière agroalimentaire a exercé une pression insurmontable. Les agriculteurs vivent plus des aides que de leur production ! Cette concentration capitaliste pose la question de la transmission, car il faut davantage investir qu'auparavant.

On assiste à l'apparition d'une agriculture de firme, avec une hausse du salariat et de nouvelles formes de travail. Le vieillissement des agriculteurs pose la question de notre sécurité alimentaire - nous avons perdu cent mille exploitations en dix ans ! Les agriculteurs sont les premières victimes du changement climatique. Ils ont fait évoluer leurs pratiques. Il faut continuer à les accompagner.

Les traités de libre-échange imposent des standards inférieurs aux normes européennes. Comment garantir la pérennité des exploitations face au changement climatique et à la concurrence déloyale ? Comment aller vers modèle agroécologique permettant à chacun de se nourrir sainement ? Comment garantir un juste niveau de rémunération et un juste partage de la valeur ?

L'Union européenne s'est lancée dans des traités de libre-échange qui ne répondent pas à nos exigences sanitaires et sociales ; 80 % des fonds de la PAC sont attribués aux 20 % des agriculteurs les plus riches ; avancées contractuelles des lois Égalim 1 et 2 ont déçu les agriculteurs. Seule une remise en cause des rapports de force dans la chaîne de valeur changera la donne. L'État doit fixer un prix plancher.

Mme Sophie Primas.  - Plancher et plafond ?

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Il faut une exception agricole aux règles de concurrence intra-européenne. Nous ne remettons pas en cause la PAC : au contraire, il en faut davantage, pour mieux protéger les agriculteurs et pour une alimentation de qualité.

Il faut rétablir les prêts bonifiés pour l'aide à l'installation, simplifier les procédures. Renforçons les effectifs des chambres d'agriculture et restaurons une administration déconcentrée avec de vrais moyens au service des agriculteurs.

Agissons contre la fragmentation du monde agricole et la délocalisation. Il est urgent de redonner de l'espoir au monde agricole, qui sera très attentif au futur projet de loi d'orientation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Vous avez cité de nombreux maux du monde agricole : revenus insuffisants, concurrence déloyale, normes, difficultés d'installation.

La PAC 2023-2027 prévoit des conditionnalités sociales. Nous avons une occasion historique de faire évoluer ces règles européennes. La présidente de la Commission européenne a évolué sur la question de la jachère. (M. Laurent Duplomb proteste.)

La souveraineté alimentaire européenne est clairement à l'agenda.

Les prêts bonifiés sont en cours de réexamen. La création de France Services agriculture offrira un point d'accueil unique, adapté à la diversité des territoires et des projets. (Mme Christine Bonfanti-Dossat s'impatiente.)

Pour concilier projet d'entrepreneur et transition climatique, nous proposerons des stress tests climatiques aux futurs agriculteurs.

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La colère des agriculteurs a enfin été entendue, mais ils n'ont pas été totalement écoutés. Pourquoi faut-il toujours attendre la fronde pour agir ? Nous ne découvrons pas les défis de l'agriculture, les suicides d'agriculteurs...

Cessons d'opposer les modèles entre agriculture conventionnelle et bio, réjouissons-nous de cette agriculture plurielle.

Notre agriculture est la plus saine au monde et nos paysans se sont engagés dans un modèle vertueux. Pourtant, la nation ne les récompense pas à leur juste valeur.

Grâce à leurs 120 propositions, j'espère que vous pourrez étoffer votre texte, madame la ministre. Vous avez votre feuille de route pour votre loi d'orientation agricole et pour la PAC.

Vous avez apporté des réponses dans l'urgence : ce sont des rustines. Ne confondez pas vitesse et précipitation ! Certes, nous ne pouvons pas imposer des normes plus contraignantes à nos agriculteurs, mais l'arrêt du plan Écophyto est un signal désastreux.

Les normes environnementales ne sont pas un obstacle, mais une réponse, qui doit être choisie et non subie. Donner le choix, c'est s'assurer de l'acceptabilité du monde agricole. Il faut encourager les agriculteurs dans leur engagement via des paiements pour services environnementaux (PSE). C'est la seule façon de répondre aux besoins d'une agroécologie tout en leur assurant un revenu décent. Irrigation raisonnée, coupe-feux, haies, cépages résistants sont autant de réponses à la crise climatique.

Il faut un diagnostic territorial, en fonction des enjeux, sans prendre les mesures environnementales pour cible.

Faisons le pari du consensus et d'une vision de long terme ! (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Oui, il faut valoriser les initiatives agricoles en faveur de l'environnement. Les agriculteurs jouent un rôle essentiel en matière de préservation de la biodiversité et de l'agroécologie. La PAC 2023-2027 promeut ces écorégimes, avec des paiements découplés, uniformes et annuels aux exploitants qui s'engagent à adopter de telles pratiques. Ainsi du bonus haies, par exemple. Nous voulons 1,5 million de kilomètres de haies à l'horizon 2050. Au total, 1,7 milliard d'euros sont consacrés à ces écorégimes.

Outre le volet formation et transmission, le projet de loi d'orientation contiendra un volet souveraineté et simplification.

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Les manifestations récentes nous obligent à rajuster notre modèle. Pour avoir une France fière de ses paysans et souveraine, il faut affronter le défi du juste revenu, de la transmission et de la transition environnementale.

Or le constat est sans appel : nombre de paysans ne peuvent vivre de leur travail. Le problème vient du détournement des lois Égalim. Il faut agir contre les fraudes, notamment en doublant les contrôles, avec 150 agents supplémentaires pour la DGCCRF.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Très bien !

M. Bernard Buis.  - Quel est le calendrier ? Faut-il créer des réseaux de contrôle européens ? Quid des centrales d'achat hors de France ?

Les négociations commerciales doivent être rééquilibrées. Comment préserver notre agriculture en vendant des fruits produits hors de l'Union européenne, avec des exigences environnementales moins élevées ? Jusqu'où souveraineté alimentaire et libre-échange sont-ils compatibles ? Nous sommes opposés au traité avec le Mercosur. En toute cohérence, ne faut-il pas renforcer les clauses miroirs, comme pour la volaille, les oeufs et le sucre ukrainien ?

Sur l'Europe, il ne faut pas se tromper de combat. Ne cédons pas aux sirènes europhobes et préservons les 9 milliards d'euros de la PAC !

L'échelle européenne est décisive, mais nous devons agir en France. L'État et les collectivités territoriales doivent être exemplaires et acheter français, selon des circuits courts. Il faut faire preuve de patriotisme agricole et alimentaire. Encore faut-il pouvoir compter sur les agriculteurs. C'est le défi de la transmission : selon Agreste, il y avait un million d'exploitations en 1988, 380 000 en 2022. La Drôme a perdu 18 % de ses exploitations, particulièrement dans l'élevage. Dans le Diois, nous avons perdu 30 % d'ovins !

Qu'est-ce qu'un métier attractif ? Certainement pas un métier physiquement éprouvant, où l'on travaille 70 heures par semaine pour un revenu modeste, avec des injonctions environnementales. Tout est lié : revenu, considération, concurrence, simplification.

Les aides-bergers sont embauchés de juin à septembre. L'agriculteur fait l'avance et les subventions arrivent avec douze mois de retard. Cela n'incite pas à poursuivre l'activité. De même, en cas de prédation sporadique par le loup, les pertes de brebis ne sont pas toujours aisées à recenser. Sur 97 brebis perdues par le groupement pastoral de Villaret La Pare, seules six ont été indemnisées.

Les agriculteurs seront des alliés pour la transition climatique. Erik Orsenna et Julien Denormandie posent la question de comment nourrir 68 millions de Français sans dévaster nos sols, notre biodiversité, notre santé et notre patrimoine, afin que la France reste le pays de la gastronomie.

Une voix à droite - Très bien !

M. Bernard Buis.  - Les agriculteurs ont su s'adapter. Aidons-les, au lieu de les délaisser. Favorisons la coopération pour créer un modèle agricole souverain et plus juste !

Dire qu'on aime les agriculteurs, c'est bien ; le montrer, c'est mieux ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Frédérique Puissat et M. Patrick Chauvet applaudissent également.)

M. Olivier Rietmann.  - Il y a du travail !

Mme Nathalie Goulet.  - Il faut des preuves d'amour !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - La question des contrôles me tient à coeur. Secrétaire d'État à Bercy, j'ai transmis un dossier sur la francisation des kiwis ; ministre déléguée à l'industrie, j'ai fait infliger une amende de 100 millions d'euros à une centrale d'achats.

Nous avons fixé un objectif de 10 000 contrôles en 2024 - sur les règles d'étiquetage, l'origine des produits, la restauration hors domicile, et depuis 2022, l'obligation d'indiquer l'origine des viandes porcines et de volaille, notamment.

La francisation fait souvent l'objet de pratiques trompeuses : je pense aux fruits et légumes, mais aussi aux vins.

Il faut agir au niveau européen et porter l'esprit d'Égalim à ce niveau. Vous avez mentionné l'Ukraine, je veux rappeler les avancées obtenues sur les oeufs, la volaille et le sucre. (M. Laurent Duplomb s'exclame.)

Mme Nathalie Goulet.  - Cela va nous consoler !

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Faisons en sorte que l'agriculture n'évoque pas que la sueur et la souffrance, mais aussi le désir !

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Souveraineté, autonomie, transmission, dérèglement climatique... Nous débattons de l'avenir de ce modèle, et aurons à examiner prochainement une loi d'orientation agricole.

L'avenir passera par une formation agricole à la hauteur des nouveaux enjeux. Au-delà de la création d'un bachelor agricole, il faut créer une agrégation propre, assurer la pluralité des équipes pédagogiques et dégager des moyens supplémentaires pour les expérimentations.

Il y a aussi l'enjeu des installations, dans un contexte de renouvellement des générations. L'idée d'un guichet unique est positive, mais il faudra aussi accompagner des installations hors cadre familial. Nous réclamons depuis des années une grande loi sur le foncier agricole. Il faut donner plus de moyens aux Safer, tout en renforçant la transparence des transactions pour lutter contre les agrandissements excessifs et contre la mainmise de certaines sociétés privées.

Nous voulons une commission d'enquête sur le revenu agricole, avec des données actualisées. Les agriculteurs veulent avant tout vivre de leur production. Malgré les lois Égalim, la question répartition de la valeur ajoutée n'est toujours pas résolue. On peut citer les difficultés de l'agriculture biologique. (M. Laurent Duplomb s'exclame.) Selon l'UFC-Que Choisir, les surmarges des distributeurs atteignent 46 % du « surcoût du bio » !

L'idée d'un Égalim européen est intéressante, mais nécessiterait une coordination pour assurer les contrôles et les sanctions.

La France doit porter un plafonnement des aides de la PAC, pour plus de justice sociale, et surtout proposer des aides contracycliques, comme aux États-Unis.

Il faut accompagner les agriculteurs dans la transition de notre modèle. Agriculteur pendant vingt ans, je sais que les injonctions ne sont pas toujours faciles. Il faut accompagner la transition agroécologique : il y va de la santé des agriculteurs et de la biodiversité. Le succès des mesures agroenvironnementales et le nombre d'installations en bio témoignent de cette volonté de changement, mais l'État doit suivre, avec des moyens suffisants. (M. Laurent Duplomb s'exclame.) Il faut également rémunérer les services environnementaux rendus par les agriculteurs via les PSE.

Bien que le crédit d'impôt remplacement ait été amélioré, nous appelons à une prise en charge à 100 %.

Enfin, les accords de libre-échange seront au coeur des débats. Nous demandons des clauses miroirs sur les aspects environnementaux et sociaux. Les négociations doivent être claires et la France doit être ferme pour ne pas accepter un accord dangereux pour nos agriculteurs.

L'avenir de notre modèle passe par des exploitations à taille humaine, une juste rémunération, la révision de la PAC et l'accompagnement vers une indispensable transition.

Madame la ministre, j'espère que vous entendrez nos propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - La loi Descrozaille prévoit la remise d'un rapport sur les marges, particulièrement celles des produits bio. Selon les premières remontées, il n'y a, a priori, pas de surmarge sur les produits sous signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine (Siqo) : le taux est le même, même si le montant est plus élevé, car le prix de base l'est aussi.

Nous voulons favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs, faire connaître ces métiers et renforcer leur attractivité, ce qui suppose de travailler sur le cursus de formation. Le budget de l'enseignement agricole augmente de 10 % en 2024.

Sur le foncier, des groupements fonciers agricoles investisseurs (GFAI) existent, de même qu'un fonds Entrepreneurs du vivant de 400 millions d'euros, dont une première tranche de 70 millions d'euros sera déployée prochainement.

M. Christian Klinger .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Notre nation a une longue histoire d'agriculture prospère. « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France », disait-on ! Mais la France n'est plus ni le grenier à blé de l'Europe, ni le deuxième exportateur mondial. On est passé de 1,2 million d'exploitations agricoles il y a cinquante ans à moins de 440 000.

J'ai entendu quantité de promesses, mais la crise est toujours là. Alors que 20 % des agriculteurs français sont sous le seuil de pauvreté, ils souhaitent vivre de leur travail. Il y a un an, le Sénat vous avait déjà alerté : vous nous promettiez alors une grande loi, mais vous avez finalement attendu que la marmite déborde.

Nous devons apporter une réponse multiple : renouvellement des générations, baisse des charges et de la fiscalité, compétitivité internationale, transition écologique. Le vieillissement est un défi majeur, alors que la transmission implique un fort coût fiscal pour les héritiers.

Les agriculteurs font face à des charges importantes - coûts de production, matériel, salaires - et à une fiscalité complexe. Leur revenu ne doit pas être la variable d'ajustement de la compétitivité.

Une petite musique vitupère notre modèle agricole. En 2017, le Président de la République défendait la montée en qualité, l'orientation vers des marchés de niches plus rémunérateurs. Mais telle Perrette, les gouvernements successifs ont trébuché sur les réalités. Les agriculteurs français doivent produire de manière compétitive et s'intégrer au marché mondial. Il est possible de nous protéger des distorsions de concurrence, européennes et mondiales. Hélas, le texte adopté par le Sénat l'an dernier s'est perdu dans la tuyauterie de l'Assemblée nationale depuis...

Préférons la carotte au bâton. L'avenir de notre modèle agricole suppose que nous délaissions les postures politiciennes. Mais vous n'avez jamais saisi les véhicules législatifs... Espérons que cette fois, vous saurez vous en inspirer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Présidence de M. Mathieu Darnaud, vice-président

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Vous avez raison, il est nécessaire d'assurer la compétitivité de la ferme France.

La loi de finances pour 2024 contient des mesures fiscales pour les agriculteurs ; le prochain projet de loi de finances comportera des incitations fiscales à la transmission pour les jeunes agriculteurs. Nous avons maintenu la compensation de la réduction de l'avantage fiscal appliqué au GNR, même si l'avantage fiscal est finalement maintenu.

Nous avons porté de 41 000 euros à 50 000 euros le plafond de la déduction pour épargne de précaution, qui est indexé sur l'inflation depuis la loi de finances initiale pour 2023.

Le seuil du régime de micro-bénéfices agricoles, relevé de 91 900 à 120 000 euros, fait l'objet d'une fiscalité allégée et de simplifications. De même, le seuil d'exonération des plus-values a été relevé de 250 000 à 300 000 euros pour une exonération totale, et à 450 000 pour une exonération partielle. Le Premier ministre a annoncé la pérennisation du dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE) et le rehaussement du seuil de dégressivité de 1,2 à 1,25 fois le SMIC. (M. Laurent Duplomb proteste.) Je ne peux vous laisser dire que nous n'avons rien fait pour les agriculteurs !

M. Laurent Duplomb.  - S'il en reste !

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Madame la ministre, je vous félicite pour votre nomination. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) Ce débat est d'actualité. La profession traverse des difficultés que Franck Menonville a détaillées. Nos agriculteurs travaillent dur pour nous nourrir sans avoir la juste reconnaissance de leur travail. Ils sont accusés de tous les maux, ce qui est injuste.

M. Laurent Duplomb.  - Très bien !

M. Jean-François Longeot.  - Il faut appliquer le droit européen sans surtransposer.

M. Laurent Duplomb.  - Il y a du travail !

M. Jean-François Longeot.  - Exiger une production toujours plus vertueuse conduira à une hausse des importations et une baisse de notre production. Ni l'écologie, ni les agriculteurs ne seront gagnants sur le long terme. Je salue la suspension du plan Écophyto. (M. Laurent Duplomb ponctue l'intervention de marques d'approbation.) Il nous faut travailler avec nos partenaires européens, sans foire d'empoigne.

Face au réchauffement climatique, nous devons faire des choix stratégiques, sans déni. Il ne faut pas avoir peur d'accompagner les agriculteurs vers des cultures moins gourmandes en eau, notamment dans le sud de la France. Au cas par cas, je crois au stockage d'eau par bassine, mais il faut adapter nos cultures à une pluviométrie plus faible. Il faudra être innovants, particulièrement en matière de captation d'eau, comme par exemple à Port Grimaud.

Il faut alléger les contraintes dans les zones de non-traitement, qui prolifèrent. (MM. Laurent Duplomb et Michel Savin acquiescent.) Il faut de la souplesse, voire une nouvelle classification.

Autant de sujets sur lesquels je suis persuadé que nous pouvons faire confiance à la profession. À quelques jours du Salon de l'agriculture, soyons concrets, pragmatiques, ouverts à la discussion, retrouvons le bon sens paysan ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)

M. Laurent Duplomb.  - Bravo !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Je suis tout à fait d'accord : il faut retrouver le bon sens paysan. (« Ah ! » s'exclame M. Laurent Duplomb.)

Il n'y aura pas d'agriculture sans eau. Ainsi, le Varenne agricole de l'eau a abouti à 24 mesures, dont 23 sont lancées et 14 réalisées. (M. Laurent Duplomb s'exclame à nouveau.)

Les décrets sur l'irrigation ont été publiés ; ils apporteront de la souplesse.

Le plan Eau crée un fonds hydraulique doté de 20 millions d'euros en 2024, 30 millions dès 2025, pour financer des ouvrages de stockage, mais aussi de réalimentation des nappes ou d'accès à l'eau.

Quant à la simplification, le projet de loi d'orientation agricole comprendra des mesures pour faciliter le stockage de l'eau et construire des bâtiments d'élevage.

Le travail de remise à plat des zonages est entamé.

M. Lucien Stanzione .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le monde agricole français et européen traverse une crise profonde. Les viticulteurs attendent des mesures d'urgence. Des mois durant, le groupe SER n'a cessé d'interpeller le Gouvernement. Hélas, celui-ci a rejeté toutes nos propositions.

Mais voilà que le ministre de l'agriculture multiplie les annonces pour éteindre les braises de la colère, avec notamment un fonds d'urgence de 80 millions d'euros. Dont acte, mais ce geste est tardif et insuffisant : 4,8 millions d'euros seulement pour le Vaucluse pour indemniser 1,2 million d'hectolitres de Côtes-du-Rhône...

Quelles sont les perspectives de restructuration du vignoble ? Espérons que les négociations avec la Commission européenne permettront de sortir du carcan des règles de minimis et de la moyenne olympique. Nous attendons encore des réponses sur l'aide au stockage privé, l'année blanche bancaire et le rééchelonnement des prêts garantis par l'État (PGE) pour les caves coopératives.

La lavandiculture est une autre source de mécontentement : 4 des 10 millions d'euros d'aides n'ont toujours pas été versés !

La filière de la cerise est en péril absolu, alors que la protection par filet est insuffisante. (M. Laurent Burgoa renchérit.)

Pourquoi ne pas soutenir la culture de la truffe, avec un statut des exploitants ?

Le plan Loup ne répond pas aux attentes des éleveurs.

Dans mon territoire, tous les instituts de recherche plaident pour la recherche d'alternatives aux produits phytosanitaires, retirés trop rapidement.

Madame la ministre, il faut des crédits massifs de recherche et une politique agricole beaucoup plus ambitieuse.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Le Gouvernement ne découvre pas la situation de la viticulture...

M. Michel Savin.  - Si !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Le Premier ministre Jean Castex avait déployé 600 millions d'euros de soutien lors des périodes de gel. Nous ne sommes pas les bras croisés face au dérèglement climatique.

En 2023, 200 millions d'euros ont été déployés pour la distillation, 38 millions pour l'arrachage. Citons également les 80 millions d'euros du fonds d'urgence et les 150 millions d'euros d'appui structurel de l'État.

Il s'agit d'apporter des réponses conjoncturelles et structurelles, avec une perspective de diversification pour l'avenir.

Les crédits de recherche que vous demandez sont prévus au plan Écophyto, avec notamment 250 millions d'euros au profit de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae). Il s'agit de molécules qui nuisent à la santé humaine et à la biodiversité, dont l'effondrement est un sujet pour les agriculteurs.

M. Laurent Duplomb.  - C'est pour cela que nous mangeons des cerises turques !

M. Olivier Rietmann .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « On marche sur la tête ! » : ce slogan du mouvement agricole est loin d'être anecdotique, alors que la simplification administrative est au centre des revendications. Président de la délégation aux entreprises, cela ne me surprend pas : le secteur agricole est le plus touché par la frénésie normative, qui obère notre potentiel productif.

Quel secteur connaît autant de contrôles ? L'éligibilité des parcelles aux aides de la PAC est vérifiée tous les trois jours par satellite ! Quelle autre profession ne peut jamais revenir en arrière ni faire un pas de côté ? La réglementation sur les haies pénalise les bons élèves.

La conditionnalité est une bonne chose, mais l'usine à gaz, c'est autre chose ! Les effets des normes sont souvent pires que ceux de la fiscalité, car elles découragent la volonté de bien faire.

Simplifier ne veut pas dire abandonner toute ambition environnementale. Mais il est temps de faire le ménage dans nos codes. Les annonces du Premier ministre vont plutôt dans le bon sens : curage des cours d'eau, délais de recours, seuil d'évaluation environnementale. Mais des zones d'ombre subsistent : en quoi consistera l'unification du régime des haies ? Plus inquiétant, les syndicats déplorent que les dossiers de simplification n'avancent pas au rythme prévu.

Quant à nous, parlementaires, nous devrons veiller aux textes à venir, afin que l'on ne complexifie pas, sous couvert de simplification...

L'avenir de notre modèle dépend de notre capacité à faire confiance à nos 400 000 agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Je vous sais attentif à la simplification, monsieur Rietmann, comme président de délégation et auteur d'une proposition de loi sur les normes et la compétitivité des entreprises.

Les agriculteurs attendent des simplifications. Le Premier ministre a été clair et nous avons un programme de travail. Le projet de loi d'orientation agricole traitera des haies, des contentieux sur les projets d'ouvrages hydrauliques et de bâtiments d'élevage, de la sécurisation juridique des travaux agricoles et forestiers -  il est vrai que les réglementations se contredisent parfois... (MLaurent Duplomb le déplore.)

Un important travail réglementaire est en cours, pour traduire les annonces du Premier ministre, notamment en Haute-Garonne. Nous avons transmis les projets de texte aux parties prenantes agricoles, afin de respecter le calendrier fixé par le Premier ministre -  avant le Salon de l'agriculture.

M. Laurent Duplomb.  - C'est la semaine prochaine...

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Cela tombe bien, car nous les avons transmis !

Enfin, attention à ne pas compliquer en voulant simplifier : j'ai vu, lors de l'examen de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique, qu'il n'est pas toujours aisé de simplifier la loi.

Mme Laurence Garnier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les agriculteurs sont retournés au travail, mais rien n'est réglé. Les paysans français restent enserrés dans un double corset de réglementations nationales contraignantes et de stratégie européenne décroissante.

Notre pays importe la moitié de ses fruits et légumes : dans mon département de Loire-Atlantique, les producteurs de radis souffrent des atermoiements de la loi Agec. Un premier décret a interdit les emballages plastiques, annulé par le Conseil d'État. Un deuxième décret a été suspendu à la demande de la Commission européenne, dans l'attente d'une réglementation européenne. Un troisième décret a été publié... (M. Laurent Duplomb ironise.)

La stratégie Farm to Fork s'apparente de plus en plus au suicide annoncé de notre agriculture. Pas moins de quatre études en cinq ans nous ont alertés, mais vous les ignorez. Trois risques sont identifiés : d'ici à 2050, baisse de 12 à 15 % de la production, hausse de 12 à 17 % du prix des produits agricoles et division par deux de nos exportations.

Avec trois conséquences : paupérisation de nos agriculteurs, alors que 125 000 exploitations agricoles ont un chiffre d'affaires annuel inférieur à 25 000 euros ; alimentation à deux vitesses : du local pour les riches, de l'importation pour les pauvres ; insécurité alimentaire pour 200 millions de personnes supplémentaires dans le monde.

Nous ne ferons pas la transition écologique contre les agriculteurs, les Français modestes et les plus pauvres en Afrique et en Asie. (M. Daniel Salmon ironise.)

Battons-nous pour l'avenir de nos agriculteurs. Les chiffres sont là : on ne pourra pas dire qu'on ne savait pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - La stratégie « de la ferme à la table » pose la question de l'équilibre entre production - l'alimentation est une arme de guerre -, d'une part, et biodiversité et enjeux climatiques - qui sont une menace certaine, notamment pour nos agriculteurs -, d'autre part. Vous-même, madame Garnier, cherchez un juste équilibre entre transition écologique et revenu des agriculteurs.

Je rappelle les succès de la France et du ministre Fesneau sur les jachères en 2024. La présidente de la Commission européenne a annoncé le retrait du règlement SUR.

M. Laurent Duplomb.  - Et nous, on continue !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Nous continuons à travailler au niveau européen pour que les États membres puissent accompagner les filières agricoles dans leur transition, mais également lutter contre la concurrence déloyale d'autres pays : c'est l'enjeu des clauses miroirs, des négociations avec l'Ukraine et de l'instauration d'une force de contrôle aux frontières de l'Union.

S'agissant de la filière maraîchère, cinq guichets permettent de mobiliser 100 millions d'euros. C'est du concret pour nos agriculteurs !

M. Stéphane Ravier .  - Si rien ne change, les prochains interlocuteurs de nos agriculteurs seront les huissiers de justice. Si vous faisiez campagne - pas seulement électorale -, vous auriez senti ce dernier cri du coeur d'une paysannerie française qui ne veut pas mourir.

Les caisses des fermes sont vides, les matériels sont à la banque, l'imposition est abusive. L'agriculture française est asséchée par une chape de plomb administrative et pseudo-environnementale.

Notre pays a tout ce qu'il faut pour produire, mais vos députés européens, madame la ministre, font le choix de la déproduction. En trente ans, l'écolo-gauchisme a eu raison de notre civilisation paysanne. À Bruxelles comme à Paris, nos gouvernants ont ligoté les paysans de normes, tout en laissant prospérer le libre-échange, la concurrence déloyale, les surtranspositions...

L'agriculture est le plus grand plan social des trente dernières années : 1,6 million d'agriculteurs dans les années 1980, 400 000 aujourd'hui. Combien de ces dépossédés ont perdu la vie au champ, au champ d'honneur de l'épuisement ?

Refusons la hausse de la redevance pour pollutions diffuses et de celle pour prélèvement en eau, et pratiquons la politique de la chaise vide à Bruxelles. Il y a des milliards pour l'Ukraine, il en faut d'abord pour nos paysans.

Le ministre de l'agriculture est désormais celui de la souveraineté alimentaire, et en même temps vous prônez la souveraineté européenne : doxe et paradoxe. Aucune cohérence, aucune émancipation de la doxa, vous jouez la montre électorale, mais les agriculteurs sont de retour.

Il faudrait pourtant anticiper les défis des big data agricoles : cette bataille est en train de nous échapper.

Que pensez-vous de la viande de synthèse, vantée par le ministre de l'économie ?

Votre gouvernement en marche n'est celui d'aucun territoire. De la Corrèze au Zambèze, vous ignorez qu'une majorité de Français reste attachée au triptyque pays, paysans, paysages, indissociables de liberté, égalité, fraternité et, bien sûr, souveraineté.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Certains de vos propos sont faux : ainsi, il n'y aura pas de hausse de la redevance pour pollutions diffuses. (M. Laurent Duplomb s'exclame.) Quant à la chaise vide, j'ai rappelé nos victoires auprès de l'Union européenne, sur les jachères notamment. (Mme Sophie Primas s'exclame.)

Vous affirmiez que nous ne pourrions pas réformer le marché de l'énergie : nous l'avons fait. La France sera forte dans une Europe forte, face aux États-Unis et à la Chine. Dire le contraire, c'est mentir aux Français et aux agriculteurs.

Nous avons contribué à réformer la PAC, avec les écorégimes et le paiement des services environnementaux.

Enfin, le ministre Fesneau, lors du Conseil du 23 janvier 2024, a rappelé notre opposition de principe à la viande cellulaire. Le bilan scientifique est en cours : ce n'est sans doute pas la meilleure façon de faire de l'agriculture responsable.

M. le président.  - Madame la ministre, je vous invite à conclure ce débat.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Je vous remercie pour la qualité de ces débats et salue l'engagement constant du Sénat sur ces enjeux. Des points de convergence émergent, sur la souveraineté agricole comme sur l'exigence climatique et environnementale.

Notre cap est celui de la souveraineté alimentaire : tel sera l'objet du futur projet de loi, attendu avant le Salon de l'agriculture. Souveraineté alimentaire, mais aussi souveraineté énergétique, via la biomasse.

Nous avons quatre chantiers prioritaires.

Premièrement, il faut relever le défi du renouvellement des générations : il faudra 30 % d'apprenants supplémentaires dans les lycées agricoles en 2030 par rapport à 2022. Il faut former plus, mais aussi former différemment, car les métiers évoluent. Les moyens de l'enseignement agricole augmentent de 10 % et un pacte d'orientation pour le renouvellement des générations en agriculture a été annoncé par le ministre. Le futur projet de loi traitera de la rénovation des missions de l'enseignement agricole, de la création d'un bachelor agro et des contrats territoriaux pour ouvrir des classes.

Deuxièmement, le défi des transitions agroécologique et climatique. En décembre, le Sénat a voté 1,3 milliard d'euros supplémentaires en faveur de la planification écologique. Il ne saurait y avoir de souveraineté alimentaire qui ne soit durable et résiliente. Les contraintes climatiques pèsent déjà, notamment dans le sud du pays : le statu quo serait mortifère. Nous agirons donc en faveur des haies, du renouvellement forestier et de la réduction des produits phytosanitaires. Pas d'interdiction sans solution : cela suppose des investissements pour la recherche.

M. Laurent Duplomb.  - Cela ne veut rien dire !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Troisièmement, la compétitivité. Le Premier ministre a pris une décision forte en annulant la hausse de la fiscalité sur le GNR. Là encore, nous allons plus loin avec un volet simplification dans le projet de loi.

Quatrièmement, nous voulons un cadre européen et international protecteur. À court terme, une clause de sauvegarde concernera les produits agricoles contenant des résidus de thiaclopride et, à plus long terme, nous demandons la création d'une force de contrôle sur la concurrence déloyale en agriculture aux frontières de l'Union.

M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.) Ce débat est essentiel pour notre société, car l'agriculture est le fondement de la sécurité et du bien-être de notre population.

Deux dates : à six, l'Europe avait faim. Le traité de Rome a incité les paysans à produire, en contrepartie d'un revenu décent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les années 1960, ensuite, avec le renouvellement des générations, la modernisation de l'agriculture, et le rôle de l'État aux côtés des agriculteurs.

La France a la chance d'avoir des exploitations à taille humaine, et une diversité d'hommes et de femmes qui concourent à nous nourrir. Mais, au fil des ans, nous avons perdu leur confiance. (Protestations sur les travées du GEST)

Premier point : il faut sortir des carcans administratifs. Une vache n'y retrouve plus son veau !

M. Laurent Duplomb.  - Il y en a marre des technos !

M. Daniel Gremillet.  - Ces contradictions sont mal vécues au quotidien dans les territoires. Or le Sénat, c'est la France des territoires, la France de la proximité.

Deuxième point : vous avez parlé d'une transition écologique fondée sur la science, mais l'agriculture a toujours été fondée sur la science ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guy Benarroche.  - Eh oui, le phytosanitaire, c'est la science !

M. Daniel Gremillet.  - Le développement durable est une expression prétentieuse. Il faut que la science soit en capacité d'apporter des réponses à l'agriculture, mais à son rythme, pas plus vite.

Troisième point : il faut respecter le travail des hommes. Vous voulez renforcer les contrôles, mais arrêtons de mentir aux gens et aux consommateurs ! Tout ne passe pas par les contrôles. Ayons le courage d'aborder les questions du libre-échange, notamment au Parlement.

Dernier détail : nous avons pris nos responsabilités, avec les 42 propositions du texte de Laurent Duplomb. Imprégnez-vous-en, car l'agriculture française a besoin d'un chemin, elle ne peut rester dans les broussailles comme c'est le cas actuellement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

La séance est suspendue quelques instants.

Mises au point au sujet de votes

M. Jean Hingray.  - Lors du scrutin public n°119, je souhaitais voter pour.

Mme Cécile Cukierman.  - Lors du scrutin public n°118, Jérémy Bacchi voulait voter contre et lors du scrutin public n°119 Jérémy Bacchi et Ian Brossat souhaitaient voter contre.

Acte en est donné.

Sûreté dans les transports (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, présentée par M. Philippe Tabarot et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Philippe Tabarot, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Le 1er octobre 2017, sur le parvis de la gare Saint-Charles, Mauranne, 20 ans, et Laura, 21 ans, mourraient à l'occasion d'une terrible attaque islamiste. Ce drame a été pour moi une prise de conscience, d'où cette proposition de loi.

Malheureusement, l'assassinat d'un chauffeur de bus à Bayonne et les attaques à la gare de Lyon, à la station Stalingrad, ou d'une conductrice de bus à Nice ce week-end me renforcent dans ma conviction : les transports en commun démultiplient les risques.

Je sais que le risque zéro n'existe pas et je ne fais aucun procès en inaction. En 2016, la loi des députés socialistes Bruno Le Roux et Gilles Savary a apporté un socle solide, complétée par la loi Sécurité globale. Mais ce n'est plus suffisant : chers collègues de gauche, la réalité est implacable et il n'y a plus de place pour les espérances angéliques et les clichés dépassés.

Comment inciter les usagers à privilégier les transports en commun si certaines femmes les évitent en raison de leur insécurité ? Ne vous laissez pas aveugler par une idéologie d'un autre temps et améliorons utilement l'arsenal de sécurité dans les transports.

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

M. Philippe Tabarot.  - La police nationale, dont je salue le dévouement, ne peut être partout. Les transports sont vulnérables au terrorisme, aux violences sexuelles, aux atteintes aux biens et aux personnes, à la fraude.

En 2022, 124 570 personnes ont fait l'objet de vols ou de violences dans les transports en commun ; une personne sur deux s'y sent en insécurité (M. Guy Benarroche proteste) ; les agressions sexuelles y ont augmenté de 13 %. Il faut une nouvelle étape.

Je remercie Bruno Retailleau d'avoir fait inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour. Ce texte, cosigné par 140 sénateurs de quatre groupes différents, part du terrain. Il a été travaillé avec les acteurs du secteur - agents, syndicats, autorités organisatrices de la mobilité (AOM).

Les constats sont partagés : le régime particulier des agents de la Surveillance générale (Suge) de la SNCF et du groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) de la RATP leur permet de protéger les usagers et les agents. Mais il se heurte à des obstacles ubuesques : la confiscation des hachoirs de boucher ou des pics à glace n'est pas possible ; on ne peut pas empêcher une personne au comportement dangereux d'entrer dans une gare. Jean Castex et Jean-Pierre Farandou nous l'ont confirmé.

Ma proposition de loi est bâtie sur cinq axes : renforcer les prérogatives de la Suge et du GPSR ; améliorer le continuum de sécurité dans les transports, en permettant l'utilisation des caméras-piétons ; recourir davantage à la technologie, notamment algorithmique ; lutter efficacement contre la fraude pour un meilleur recouvrement - sur les 2,4 millions de procès-verbaux établis par la SNCF pour un montant de 275 millions d'euros, seuls 22 millions d'euros ont été recouvrés dans des délais légaux ; enfin, mieux réprimer les délits, en étendant notamment le délit d'habitude. Cracher, uriner, souiller, détériorer... Tu menaces la quiétude ou la sécurité des voyageurs, tu es sanctionné. (« Très bien ! » s'exclame Mme Sophie Primas.) Nous créons aussi une interdiction de paraître dans les transports.

Tant que nombre de concitoyens éviteront les transports en raison de l'insécurité, tous les financements en faveur des transports resteront sans résultat. Alors dépassons nos clivages !

En commission, le texte a évolué et nous allons continuer à l'améliorer. Il ne s'agit pas de nourrir la chimère du risque zéro, mais d'agir pour une sécurité concrète.

En France, l'histoire du transport en commun et des chemins de fer accompagne celle de la Nation.

La séparation des tâches en matière de sécurité n'a pas résisté à l'épreuve du temps. Il faut un nouveau choc pour protéger les citoyens usagers : c'est notre devoir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; Mme Nadège Havet applaudit également.)

Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte répond à des drames récents, à Marseille et à Paris notamment. Il vise à combler des lacunes de notre législation pénale et à octroyer aux services de sécurité de la RATP et de la SNCF les moyens nécessaires pour sécuriser les transports en commun.

Sur le fond, la commission accueille favorablement ce texte, fruit d'une réflexion approfondie et nourrie des observations des acteurs de terrain, notamment la Suge et le GPSR.

Le législateur a régulièrement renforcé les moyens de ces acteurs, mais en se concentrant sur la répression de la fraude tarifaire et la lutte contre le terrorisme : il n'a pas répondu aux incivilités et à la délinquance spécifique du transport. En 2023, le ministère de l'intérieur a recensé plus de 111 000 actes de violence dans les transports.

Depuis longtemps, la SNCF et la RATP se sont dotées de services internes de sécurité. Mais la situation actuelle est peu satisfaisante et paradoxale : ces acteurs, essentiels, disposent d'un cadre juridique inefficace, source de difficultés opérationnelles, et inadapté aux nouvelles formes de délinquance. Comment expliquer que les agents doivent interrompre la poursuite d'un individu qui s'échappe d'une gare ? Pourquoi monter sur le toit d'un bus ou d'un train ne constitue pas un délit ? Ces mesures sont indispensables, à l'approche des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de surcroît. Cette proposition de loi ne bouleversera pas les équilibres actuels, mais apportera des réponses concrètes et opérationnelles pour renforcer la sécurité dans les transports.

La commission a approuvé l'économie générale de la proposition de loi. Elle a examiné l'équilibre entre opérationnalité des mesures, garantie des droits et libertés constitutionnels et respect du continuum de sécurité. Elle a ainsi retenu de nombreuses mesures : interdiction d'entrer en gare, interdiction de paraître, intervention de la Suge dans les bus de substitution, pérennisation de la caméra-piéton, élargissement du délit d'habitude, délictualisation de l'oubli volontaire de bagages, création d'un délit de bus ou de train surfing, simplification des procédures de recrutement des agents de sécurité, facilitation du recouvrement de l'amende forfaitaire.

Lorsque cela était nécessaire, la commission s'est attachée à assurer l'efficacité des outils proposés, avec par exemple la centralisation de la procédure d'édiction des arrêtés sur les palpations en Île-de-France ou le droit de poursuite des agents de la Suge et du GPSR sur la voie publique.

À l'inverse, faute de gains opérationnels évidents, la commission a supprimé quatre dispositions : les palpations inopinées, la collecte de données sensibles en dehors des flagrances, la captation du son et l'intervention sans condition des équipes cynotechniques de la SNCF.

La commission a introduit la prolongation des certificats cynotechniques, l'expérimentation des caméras-piétons pour les chauffeurs de bus, le numéro d'appel unique pour le signalement des voyageurs présentant un risque.

Enfin, certaines initiatives m'ont semblé particulièrement pertinentes, comme les amendements de Louis Vogel et Marie-Claire Carrère-Gée prolongeant d'un an l'expérimentation du recours au traitement algorithmique et celui de Philippe Tabarot sur l'élargissement de l'interdiction de paraître, ou encore celui de Marie Mercier sur la consultation du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais).

Je présenterai un amendement autorisant les agents de la Suge et du GPSR à immobiliser des objets dangereux pouvant être des armes par destination et, en cas de refus, d'interdire l'accès aux véhicules. Je me félicite que nous ayons trouvé une voie juridiquement robuste.

Pour terminer, je partage avec vous une réflexion plus générale : nous aurons beau nous contorsionner pour améliorer les prérogatives des agents, bien des choses ne changeront pas tant que les gares resteront des lieux publics. Avec Philippe Tabarot, je souhaite une réflexion sur leur statut : elles pourraient devenir des lieux privés, comme en Espagne.

Par esprit de responsabilité, nous devons collectivement adopter ce texte. Nous ne saurions rester passifs s'agissant de la sécurité des Français. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)

M. Hervé Reynaud, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, saisie pour avis .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La proposition de loi permet de compléter l'arsenal législatif existant et de renforcer la loi Savary-Le Roux de mars 2016, dont Gilles Savary lui-même dressait, dans La Gazette des communes en 2020, un bilan mitigé.

Je remercie Philippe Tabarot pour sa force de conviction et sa volonté d'avancer en levant des obstacles sur le terrain. Les violences sexistes et sexuelles ont progressé : on dénombre 2 407 victimes en 2023, dont 62 % en Île-de-France. Pas moins de 1 342 personnes ont été signalées pour port d'objets dangereux.

Les auditions de Jean Castex et Jean-Pierre Farandou ont été instructives ; je cite : « l'utilité de cette loi ne fait aucun doute. »

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Nos débats en commission ont été riches. Nous devons garder en tête que la plus grande restriction de liberté a lieu lorsque des Français renoncent à l'utilisation des transports en commun -  or, en Île-de-France, 51,5 % des femmes craignent agressions ou vols. Laisser s'installer l'idée que les transports en commun sont des espaces criminogènes, c'est renoncer à inciter au report vers le mode de transport le plus décarboné !

Il ne me semble pas saugrenu de donner aux agents de la Suge ou du GPSR la possibilité, sous certaines conditions, d'interdire à un individu d'entrer en gare. Pour l'instant, ils n'ont qu'un pouvoir d'éviction, et sont obligés, si le contrevenant revient, d'attendre une nouvelle infraction pour raccompagner son auteur vers la sortie ! (Mme Sophie Primas s'en amuse.) Il est nécessaire d'adapter notre législation aux modes opératoires des contrevenants.

Ce texte apporte notamment trois avancées : protéger ceux qui sont en première ligne, les agents de sécurité, avec des caméras-piétons ; améliorer le continuum de sécurité en ne multipliant pas les plateformes de signalement ; veiller à réprimer plus efficacement les délits comme le bus surfing ou le train surfing, mais aussi les oublis de bagages.

La proposition de loi répond à une demande des opérateurs et de nos concitoyens. Au-delà des craintes liées aux JOP, cette proposition de loi contribue à apporter un supplément d'efficacité dans l'action, comme le disait Jean-Pierre Farandou. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports .  - Je salue l'initiative de cette proposition de loi, dont je remercie l'auteur Philippe Tabarot. L'actualité nous rappelle que ces dispositifs sont nécessaires pour permettre à nos concitoyens de voyager en sécurité dans nos transports publics, condition indispensable au report modal.

Le récent attentat à la gare de Lyon nous invite à rechercher les mesures juridiques et opérationnelles pour améliorer la sécurité et permettre aux agents d'intervenir le plus rapidement possible, en coopération avec les forces de l'ordre et dans le respect des libertés publiques.

Le nombre de vols et d'actes de violence diminue : moins 10 % par rapport à 2022, moins 15 % par rapport à 2016 ; ce n'est sans doute pas étranger aux mesures prises, même s'il faut poursuivre les efforts. Ainsi, cette proposition de loi s'inscrit dans la lignée des précédentes lois comme la LOM, la loi sur la sécurité globale ou celle sur les JOP.

Généralisation des arrêts à la demande, obligation d'étiquetage des bagages à bord des cars express, expérimentation des caméras individuelles pour les agents assermentés, possibilité de visionner en direct des images de vidéoprotection, la proposition de loi rappelle les grands enjeux de la sécurité dans les transports publics.

Elle renforce les pouvoirs des agents de sécurité, le continuum de sécurité, accentue le dispositif anti-fraude. Certains dispositifs nous aideront à organiser les JOP, comme le droit de visionner les images de vidéoprotection au centre de commandement de la préfecture de police, ou une plus grande mise à disposition des équipes cynophiles.

Le Gouvernement a décidé de compléter le texte et d'engager la procédure accélérée pour que les effets soient réels au moment des JOP. (Mme Isabelle Florennes s'en réjouit.) Je compte sur le débat parlementaire pour continuer à l'enrichir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions)

M. Pierre Jean Rochette .  - Nos concitoyens sont toujours plus nombreux à emprunter les transports en commun, contribuant à la lutte contre le dérèglement climatique. Mais l'attractivité des transports ne dépend pas que des infrastructures : la moitié de nos concitoyens s'y déclare en insécurité. Nous ne pouvons nous en satisfaire.

Les JOP seront une épreuve pour les opérateurs des transports et les services de sécurité ; nous devons leur donner les moyens de la franchir. Plus de 15 millions de touristes sont attendus à cette occasion. Beaucoup a été fait, mais ce n'est pas suffisant.

La proposition de loi renforce les peines applicables aux délits dans les transports. Je salue l'auteur et la rapporteure, pour leur excellent travail qui correspond aux attentes du terrain - j'en sais quelque chose.

Le message essentiel est que les transports publics ne doivent pas être dégradés, que les règles doivent être les mêmes pour tous - ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Les actes d'incivilité - fumer, être en état d'ivresse, tirer le signal d'alarme sans raison - doivent être mieux sanctionnés et les récidivistes punis plus sévèrement.

La peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports est un dispositif nouveau qui nous paraît efficace, notamment pour les auteurs d'infractions sexuelles.

Il suffit de prendre les transports après 22 heures pour se rendre compte qu'il y a peu de femmes seules ou avec enfants. N'auraient-elles pas besoin de mobilité ? Non, c'est qu'elles ont peur. Notre responsabilité est de leur rendre leur liberté de déplacement.

La commission a supprimé deux articles relatifs aux données personnelles et à la captation du son dans le train. Nous la suivrons, mais ces dispositions avaient pour objet d'améliorer la sécurité. La captation de sons peut être importante dans le cadre d'une enquête : à titre personnel, cela me semblait intéressant.

La proposition de loi pose le problème des oublis de bagages, qui causent des troubles coûteux. Distinguons abandon volontaire et oubli et punissons sévèrement le premier, qui n'est rien d'autre que du sabotage.

Les transports en commun luttent contre le dérèglement climatique et sont des instruments de développement pour nos territoires. Il est de notre devoir de les rendre sûrs. Le groupe Les Indépendants votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Isabelle Florennes .  - Face à la multiplication des actes violents et des incivilités, doit-on faire preuve d'angélisme ou ajuster le cadre juridique actuel pour réprimer les comportements mettant en cause la sécurité et le bien-être des usagers ? La multiplication des attaques au couteau suppose de réviser les possibilités des services de sécurité, même si ces nouvelles mesures doivent être encadrées. Tout est question de proportionnalité : c'est là que se situe la frontière entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas.

Le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel fournissent une jurisprudence à respecter en matière de respect des libertés - cela devrait aller de soi. La Cnil veille également au respect de nos libertés. Notre ancien collègue Robert Badinter, dont je salue la mémoire, avait donné un long entretien à la revue Le Débat en 2007, évoquant le juge à la Cour suprême américaine Félix Frankfurter, qui, confronté aux demandes du FBI pour des moyens supplémentaires, demandait systématiquement si les textes existants ne suffisaient pas. Je n'ai aucun doute : Philippe Tabarot s'est posé la question. Sa proposition de loi s'inscrit dans le prolongement de la loi Savary-Le Roux et de la loi Sécurité globale de 2021. En 19 articles, elle comble des lacunes et lutte contre les nouvelles formes de délinquance et d'incivisme.

Les oublis de bagage, jadis rarissimes, se sont multipliés, intentionnels ou non. En 2010, lors de la création du code des transports, les surfings - bus, train, métro - ne sont pas mentionnés, car, nés en Indonésie et en Russie, ils n'avaient pas cours en Europe avant de se répandre sous l'effet des réseaux sociaux.

Sur l'usage des fichiers, le contrôle de la Cnil est nécessaire. Mais rassurons-nous : en Chine, l'accès aux transports en commun est conditionné à la reconnaissance faciale, non bien sûr pour fluidifier, mais pour contrôler les déplacements des usagers.

Je n'entrerai pas dans la bataille des chiffres sur la progression des actes de délinquance ou de violence. Leur hausse est avérée du fait de la hausse du nombre de passagers et de l'apparition de nouvelles formes de violences et elle continuera si aucune mesure n'est prise.

Je salue le choix du ministre d'activer la procédure accélérée en vue des JOP. Le groupe UC votera cet excellent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) L'exposé des motifs de la proposition de loi rappelle que le report modal a un rôle à jouer dans la lutte contre le changement climatique. J'ai un plaisir non feint à constater l'engagement du Sénat pour les transports collectifs, mais ce texte n'échappe pas à certains écueils. (On feint la déception sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je partage le diagnostic de Philippe Tabarot, mais sa proposition de loi ne s'appuie sur aucune étude d'impact, comme l'a rappelé Jacques Fernique. (Mme Sophie Primas proteste.)

Vous connaissez notre réticence face au désengagement de l'État s'agissant des compétences régaliennes - que vous appelez « continuum de sécurité ». Il s'agit en réalité d'un continuum sécuritaire : mon collègue Thomas Dossus nous avait alertés sur cette confusion des genres lors de l'examen de la loi Sécurité globale.

La frontière est ténue entre opportunité et opportunisme. Les JOP alimentent les questionnements sur les enjeux de sécurité, mais ne doivent pas servir de justification à des mesures faisant l'objet de réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel, dangereux gardien, selon certains, des droits et libertés...

Ce texte a été toiletté par les rapporteurs, qui ont limité les risques de censure. Ce texte renforce les prérogatives des agents dans les gares et crée de nouveaux délits. C'est un marronnier sécuritaire, qui néglige prévention et dissuasion, et ignore le besoin de mieux former et de mieux rémunérer les forces de l'ordre.

Le pragmatisme, oui, mais pas au prix de la multiplication des fichiers par exemple.

La commission a rectifié le tir sur les saisines. Désormais, les autorisations de palpations seront soumises à autorisation du préfet - c'est mieux.

Nous proposerons des mesures de bon sens, telles que l'obligation pour les agents de rappeler aux personnes ciblées qu'elles ne peuvent être fouillées sans leur consentement.

Que dire aussi de l'article 12, catalogue à la Prévert de nouvelles infractions : transport d'armes, tapage, ou mendicité... Quelqu'un qui oublie un bagage et une personne détentrice d'armes à feu risquent les mêmes amendes... Moi qui oublie souvent ma casquette...

L'article sur les algorithmes comprend un risque d'arbitraire trop important. Thomas Dossus et Jacques Fernique présenteront des amendements à ce sujet.

Ce texte, quoiqu'amélioré par la commission, ne permet pas de prévenir les délits. Faute de l'adoption de nos amendements, nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Pierre Barros .  - Nous examinons la troisième loi sur la sécurité des transports en quelques années. Je regrette aujourd'hui l'absence d'étude d'impact et d'avis du Conseil d'État ; ce n'est pas un détail alors que nous parlons du quotidien de millions d'usagers, dans un contexte sécuritaire tendu, quelques jours après une attaque à la gare de Lyon. S'y ajoute la prochaine ouverture des JOP et ses 15 millions de visiteurs...

Ce texte est moins une proposition de loi qu'un catalogue de mesures qui acte, une fois encore, le désengagement de l'État du secteur régalien de la sécurité. Ainsi, sur décision du préfet de police, agents de la Suge et du GPSR pourront effectuer des palpations. Mais ils ne sont ni policiers ni gendarmes : quelles formations auront-ils ? Sur quelles données le préfet fondera-t-il sa décision ?

Comme l'avait dit Éliane Assassi lors de l'examen de la loi Savary, « cette proposition de loi oublie la spécificité de la mission de sûreté, à savoir la sécurité des infrastructures et la nécessité d'assurer la fluidité et la continuité de la circulation ». Sur ce point, votre texte est muet.

Le renforcement du continuum de sécurité reposerait sur la police municipale, dont les agents pourraient accéder aux véhicules. Au détour de ce texte, voilà une nouvelle prérogative pour les communes ! Et comment le pouvoir de police du maire sera-t-il appliqué - à moins de retenir le train en gare ? Les usagers apprécieront.

Quant au traitement algorithmique des images de vidéoprotection et de la captation du son, il relève d'une justice prédictive aux biais discutables. Même chose concernant le fichage des auteurs d'infractions dans les transports, retoqué par le Conseil d'État en 2016, et réécrit ici.

Depuis des années, les politiques de réduction du personnel ont conduit à fermer la plupart des guichets en gare, voire les gares elles-mêmes. La première agression que rencontrent les voyageurs le matin, c'est la saleté des trains, la promiscuité, les retards et suppressions, les portiques coincés, sans oublier le parcours du combattant des voyageurs avec bagages ou des parents avec poussettes ! Toute cette tension peut amener un sentiment d'insécurité.

La priorité est donc de réintroduire de l'humain dans les transports. La sécurité est un sujet important, notamment pour faciliter la transition vers les transports décarbonés. Débattons avec sérieux, sans créer de sécurité spécifique à un lieu. Le groupe CRCE-K votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Olivier Jacquin applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cette proposition de loi rencontre l'actualité de façon dramatique, après l'attaque à la gare de Lyon du 3 février dernier. Outre la menace terroriste, 111 531 personnes ont été victimes de violences ou de vols dans les transports. La RATP a ainsi été amenée à généraliser l'arrêt à la demande après 22 heures. Pas moins de 87 % des femmes déclarent avoir été victimes de violences sexistes et sexuelles dans les transports.

Cette proposition de loi octroie donc aux agents des moyens supplémentaires et comble certaines lacunes - le RDSE y souscrit. Les agents pourront agir aux abords des gares si la situation le justifie : c'est du bon sens, comme la possibilité d'intervenir sur les réseaux de transport urbain qui leur sont connectés.

Même chose pour la possibilité offerte au maire ou au président d'EPCI de signer une convention prévoyant l'accès libre des policiers municipaux et des gardes champêtres aux transports.

La création d'une interdiction d'entrer en gare est opportune. Nous espérons toutefois plus de retenue sur la fouille des bagages, et l'amende de 7 500 euros pour mendicité nous semble inapplicable. Si ces espaces publics nécessitent des comportements adaptés, priorité doit être donnée au traitement des comportements dangereux.

Nous saluons l'expérimentation des caméras-piétons pour les chauffeurs de bus et de cars, qui sont en première ligne, comme le rappelle l'agression de Bayonne de 2020. Les arrêts de travail dus à des agressions ont ainsi été 14 % plus nombreux en 2022.

Le RDSE est attaché aux libertés publiques, mais regarde le sujet avec pragmatisme. Nous saluons le travail d'équilibre de la rapporteure, qui a supprimé plusieurs mesures, dont la saisie d'objets sensibles et la captation sonore.

Nous proposerons de supprimer l'amende de 2 500 euros pour oubli de valise, disproportionnée - je pense à une mère de famille chargée d'enfants et de bagages. On ne peut la sanctionner pour une telle inattention...

Si l'avis du Conseil d'État et l'étude d'impact eussent été bienvenus, le RDSE partage les préoccupations des auteurs de la proposition de loi et la votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Olivier Bitz .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nathalie Goulet et M. Franck Dhersin applaudissent également.) Plusieurs millions de personnes prennent chaque jour les transports en commun, dont la sécurité est un enjeu majeur ; car pas d'attractivité sans sécurité. L'État et les opérateurs doivent donc la garantir.

Les agents de sûreté de la Suge et du GPSR, aux côtés des forces de police et de gendarmerie nationales, sont des vigies opérationnelles. Dans notre pays touristique, la grande majorité des touristes empruntent les transports en commun. Cette proposition de loi a le mérite d'ouvrir le débat. Ainsi, la persistance des violences sexistes et sexuelles, des vols, de la menace terroriste alourdit le climat.

Le législateur a ainsi accordé des prérogatives spécifiques à la SNCF et à la RATP avec la loi du 12 juillet 1983. À l'avenir, il faudra réfléchir à étendre ces prérogatives au-delà de la région parisienne et de la SNCF.

Je salue le travail minutieux de Nadine Bellurot, nécessaire, car la version initiale suscitait des réserves, notamment sur la captation du son.

Certaines avancées sont pertinentes, comme l'usage des caméras-piétons par les conducteurs de bus, qui sont parfois l'objet de violences revendiquées inacceptables. Cette délinquance en sera mieux quantifiée, donc prévenue et réprimée.

Nous saluons aussi le droit de communication des données fiscales, pour fiabiliser le recouvrement des amendes.

En revanche, nous nous interrogeons sur la proportionnalité de l'article 14, qui délictualise l'abandon de bagage. S'il faut lutter contre ce phénomène, cette solution n'est ni la plus évidente ni la plus opérationnelle.

Desserrer l'étau autour des agents de la Suge et du GPSR part d'une intention louable, mais une extension du périmètre d'intervention trop large fragiliserait l'équilibre entre polices spéciale et générale.

L'enjeu principal est d'améliorer les moyens juridiques et opérationnels. Les intentions ne suffisent pas. Nous saluons donc l'intention de cette proposition de loi, mais nous arrivons au bout de ce que l'on peut faire, par petites touches, sans refondre le droit existant.

Le RDPI votera cette proposition de loi. (Mme Frédérique Puissat s'en réjouit ; applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Christophe Chaillou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Notre cadre législatif a évolué face aux dangers que rencontrent nos concitoyens dans les transports : les lois Savary-Le Roux et Sécurité globale ont octroyé de nouvelles prérogatives aux acteurs de la sécurité. Mais le terrible drame de la gare de Lyon montre qu'il faut toujours être vigilant.

Cette proposition de loi, largement amendée en commission, va encore plus loin en étendant la surveillance par de nouvelles technologies. L'engagement de Philippe Tabarot est connu, il faut le saluer, comme la qualité du travail de la commission et de la rapporteure. Si le texte est ainsi plus équilibré, il faut raison garder, et avoir comme boussole la sécurité des citoyens comme l'État de droit.

Nous sommes tous attachés à la sécurité dans les transports : la plupart d'entre nous ont eu des responsabilités dans les collectivités - monsieur le ministre, la ville de Dunkerque a de belles réalisations... (M. Patrice Vergriete sourit.) Nous ne faisons pas preuve d'angélisme.

M. Olivier Jacquin.  - Exactement !

M. Christophe Chaillou.  - Mais il faut maintenir un équilibre avec les libertés publiques. Le texte initial allait bien trop loin : limitations floues, efficacité douteuse. Sa réécriture est plus équilibrée et améliore le continuum de sécurité. Je souligne en particulier le chapitre premier, qui renforce les prérogatives des agents de sécurité. Les polices municipales doivent pouvoir accéder aux véhicules.

Nous saluons également la pérennisation des caméras-piétons pour les agents de contrôle. Enfin, l'article 8 bis crée un numéro d'appel unique bienvenu.

En revanche, nous avons des doutes sur d'autres dispositions : l'article 9, qui introduit des traitements algorithmiques ; l'article 12 qui ne semble pas proportionné ; l'article 13, qui souffre de paradoxes, la peine complémentaire d'interdiction de paraître étant inadaptée ; le baroque article 14, dont nous demanderons la suppression.

Le groupe SER ne votera le texte que si les articles 9, 12 et 14 sont supprimés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Pierre Barros et Jacques Fernique applaudissent également.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Dhersin applaudit également.) Rapporteure spéciale chargée des transports à la commission des finances, c'est aussi comme élue de Paris, femme et mère que j'interviens. L'Île-de-France représente deux tiers des victimes de violence dans les transports en commun. Comme femme, je revendique l'égalité des droits à les emprunter, tôt le matin comme tard le soir. (M. Pascal Martin approuve de la tête.) À ces heures extrêmes, des femmes, souvent parmi les plus modestes, craignent de devoir les emprunter, non pour sauver le climat, mais parce qu'elles n'ont pas le choix. Plus l'heure avance, et moins les femmes sont nombreuses dans les transports : on les comprend, puisqu'elles représentent 60 % des victimes de violence.

Comme mère, je partage la colère de tant de mères dont l'enfant a été agressé. Ce sentiment d'impuissance crée de la colère. Les adolescents, car ils vivent en milieu urbain, ne devraient pas être la proie de petits délinquants. Ce n'est pourtant pas faute d'une réaction vigoureuse de Valérie Pécresse, présidente d'Île-de-France Mobilités (IDFM), de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), et du professionnalisme des agents des transports.

Mais pour restaurer la confiance, les opérateurs doivent avoir tous les moyens juridiques de s'adapter. Je remercie donc Philippe Tabarot et la centaine de signataires de cette proposition de loi, laquelle vient directement du terrain.

Ainsi, près de 4 000 agents de sûreté pourront procéder à des palpations et poursuivre un délinquant en fuite au-delà de la porte de la gare. Les policiers municipaux pourront intervenir, les caméras-piétons amélioreront la sécurité des agents.

Enfin, le délit d'incivilité d'habitude est attendu par tous : ces comportements nuisibles pourrissent le quotidien. Je salue aussi l'interdiction de paraître dans les transports - nous l'avions fait pour les stades, il fallait l'étendre.

Je défendrai des amendements étoffant encore l'arsenal juridique et salue le travail de la commission : non, on ne peut conditionner les palpations à un arrêté du préfet. Des situations d'urgence justifient une intervention. On ne peut pas non plus priver les agents de l'écoute de ce qui se passe dans une rame. La liberté d'aller et venir s'applique, en outre, aux voyageurs, non pas aux objets, parfois dangereux même s'ils ne sont pas des armes.

Les transports sont essentiels à la qualité de vie des Français comme à celle des millions de touristes. Il faut donc aller aussi loin que possible, car rien n'est pire que l'impuissance et l'insécurité permanente. Il n'y a pas de liberté d'aller et venir sans transport sûr : je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Joshua Hochart .  - Quel voyageur n'a jamais été confronté à des actes de violence dans les transports en commun ? En 2021, 8 000 vols violents, 905 agressions sexuelles recensées en Île-de-France ! Partout sur le territoire, la violence devient une habitude. À Lille, le nombre de victimes a augmenté de 17 %.

Mme Audrey Linkenheld.  - Selon quelle source ?

M. Joshua Hochart.  - Des milliers de personnes se croisent chaque jour dans les gares, les métros. Au milieu de cette diversité, une constante : l'insécurité, la peur. Peur des agressions physiques, de la violence verbale, des propos sexistes, racistes, homophobes.

Mme Audrey Linkenheld.  - Racistes ?

M. Joshua Hochart.  - Certains diront que la violence est inévitable, un phénomène de société. Nous ne pouvons nous y résoudre. En 2019, 13 % des vols ont fini en violences, comme dans ce bus caillassé près de Bagneux, faisant trois blessés. C'est la réalité.

Pour résoudre ce fléau, il faut donner plus de pouvoir aux autorités de sûreté et recruter massivement des agents de la sûreté ferroviaire ou de la RATP. Il faut aussi une réflexion sur les compétences de la police municipale, troisième force de sécurité publique au contact des citoyens.

La violence dans les transports est un problème urgent qui nécessite une réponse collective. Ne restons pas des témoins passifs, il faut agir ! Nous voterons naturellement cette proposition de loi.

M. Olivier Jacquin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Ce texte est intéressant. (« Ah ! » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cela commence mal...

M. Olivier Jacquin.  - Je salue Philippe Tabarot, mon complice sur les sujets ferroviaires. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Philippe Tabarot sourit.) En tant que spécialiste des transports, je pourrais presque valider cette proposition de loi - mais du point de vue des libertés publiques, elle pose de sérieuses questions.

Point d'angélisme, d'idéologie d'un autre âge : nous ne minimisons pas la réalité des violences et des incivilités dans les transports collectifs, dont nous sommes tous usagers. Je salue le professionnalisme reconnu des agents de la Suge et du GPSR, qui ont fait la preuve de leur efficacité. Ne déshabillons pas les uns pour habiller les autres !

Prenons garde à ne pas ouvrir sans condition l'intervention de la police municipale dans ces lieux sensibles. Prenons garde au recours étendu à des agents privés, sans condition de formation, pour compenser le manque d'effectifs de la Suge et du GPSR ou pour des raisons financières - donnons plutôt à ceux-ci des moyens en adéquation avec leurs missions ! Prenons garde à ne pas créer du mal-être parmi les agents de nos entreprises publiques, à quelques mois des JOP et de l'ouverture à la concurrence, alors que l'État leur délègue déjà une partie de ses responsabilités, sans contractualisation ni transfert des moyens correspondants...

Prenons garde au risque de dumping social, d'autant que l'ouverture à la concurrence complexifiera la lisibilité des responsabilités et donc du continuum de sécurité : la dispersion des effectifs de contrôle entre différents lots, donc différents opérateurs, rendra plus difficile la constitution de brigades.

Alors que d'aucuns parlent de réarmement, vous dites vouloir réarmer la Suge et le GPSR ? Mais ils sont déjà armés ! (Applaudissements à gauche)

Mme Else Joseph .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À la veille des JOP, nous avons besoin d'un cadre adéquat pour la sécurité de nos transports publics, qui répondent aux exigences de la transition énergétique et satisfont aux besoins de mobilité de millions de voyageurs chaque jour.

Je salue le travail de terrain de Philippe Tabarot qui a abouti à ce texte important, cosigné par de nombreux collègues, ainsi que celui de la rapporteure Nadine Bellurot.

Les agressions, crimes et délits récents interrogent sur l'efficacité de nos dispositifs de sécurité. Gares et rames attirent violences et incivilités. La sécurité est une exigence primordiale, mais il est difficile de mobiliser en tout temps et en tous lieux une police nationale déjà fort sollicitée, et elle intervient généralement en dernier. Pour assurer le continuum de sécurité, il faut donc s'appuyer sur les agents de la Suge et du GPSR, formés et compétents, qui ont une connaissance précieuse du terrain.

Il existe cependant des trous dans la raquette. Lors de la récente attaque gare de Lyon, c'est un agent privé qui est intervenu le premier, avant la Suge, puis la police.

S'ils bafouent la loi, les délinquants savent parfaitement en invoquer les faiblesses dans les prétoires. Or la compétence des agents de la Suge et du GPSR pour constater et poursuivre les infractions sur les seules emprises immobilières et véhicules de transport soulève la question du périmètre d'intervention. Philippe Tabarot a cherché à répondre au cas du contrevenant se réfugiant sur une emprise extérieure. N'encourageons pas les criminels avec des querelles picrocholines de périmètres administratifs. La commission des lois a précisé que l'intervention aux abords immédiats est bien un droit de poursuite ; à ce titre, des caméras-piétons pourront être utilisées sur la voie publique par les agents des services internes de sécurité.

Il fallait aussi renforcer l'arsenal répressif. Le bus ou le train surfing n'a rien de ludique et fait parfois des victimes. Je me réjouis donc de la création d'un nouveau délit. Les retards dus à des bagages oubliés sont une véritable nuisance : là encore, le nouveau délit d'oubli des bagages est bienvenu. Le code pénal permet de sanctionner la négligence. Les contrevenants se font rarement prendre et le taux de recouvrement est calamiteux : désormais, les adresses pourront être vérifiées.

Ce texte est attendu par les usagers, et particulièrement les femmes, qui ont droit à la sécurité. Nous le voterons, tel qu'amendé par la commission. Je félicite Philippe Tabarot pour cette initiative essentielle à la coopération entre les forces de sécurité de l'État et des opérateurs. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicainet UC)

Discussion des articles

Article 1er

M. Thomas Dossus .  - Les propos de l'auteur du texte étaient inutilement clivants : à gauche l'angélisme, à droite le pragmatisme ? (« O! » sur les travées du groupe Les Républicains) Ce matin-même, la préfète du Rhône se félicitait de la baisse de 28 % de la délinquance dans les transports de la métropole de Lyon - dirigée par les écologistes !

Nous pourrions examiner les textes en sortant de nos clivages partisans. (« Chiche ! » à droite) Nous abordons ce texte avec pour boussole le nécessaire équilibre entre libertés publiques et sécurité. (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE-K)

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Fernique, Gontard, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Dossus, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Supprimer cet article.

M. Guy Benarroche.  - Cet article 1er permet aux agents de la Suge et du GPSR de procéder à des palpations de sécurité et au retrait d'objets dangereux - or seul un officier de police judiciaire (OPJ) a cette compétence. On risque d'exacerber les tensions et délits de faciès.

La palpation de sécurité est exclusivement une mesure de sûreté ; elle ne revêt pas de caractère systématique. En ouvrant cette possibilité à un large spectre de personnes, sans garantie de formation, cet article fait courir un risque de dérives sécuritaires.

M. le président.  - Amendement identique n°61, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Pierre Barros.  - Cet article introduit un dangereux mélange des genres. Chacun doit faire son travail, et seulement son travail. N'étendons pas les compétences des uns aux autres. Lors des émeutes, ce sont les dysfonctionnements de coordination qui ont créé des risques de sécurité. Chacun son boulot !

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis défavorable, car cela revient à supprimer les prérogatives des agents de la Suge et du GPSR en matière de palpation de sécurité.

En l'état du droit, de telles palpations sont conditionnées à un arrêté préfectoral instituant un périmètre de sécurité ou constatant l'existence de menaces graves pour la sécurité publique. Le texte initial permettait des palpations inopinées, en l'absence d'autorisation préfectorale. La commission a opté pour une autorisation au niveau de la préfecture de police de Paris. C'est une mesure d'efficacité et de simplicité pour les acteurs concernés, qui ne remet pas en cause l'autorisation préfectorale.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Avis défavorable. Le Gouvernement soutiendra l'amendement n°33 rectifié qui rétablit la rédaction de l'article 1er. Les agents de la Suge et du GPSR, assermentés, doivent pouvoir procéder à des palpations de sécurité si des éléments laissent à penser qu'une personne pourrait détenir des objets dangereux, et saisir des objets dangereux, gênants ou incommodants, susceptibles d'être introduits dans les véhicules.

Les amendements identiques nos41 et 61 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°33 rectifié, présenté par Mmes Florennes et Gatel et MM. Marseille et Longeot.

Rédiger ainsi cet article :

Le chapitre Ier du titre V du livre II de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article L. 2251-9 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent procéder à l'inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille.

« Les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent, en cas de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique ou lorsqu'un périmètre de protection a été institué en application de l'article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure, procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité. Dans ce cas, la palpation de sécurité doit être faite par une personne de même sexe que la personne qui en fait l'objet. En l'absence d'arrêté instituant un périmètre de protection, ces circonstances particulières sont constatées par un arrêté du représentant de l'État dans le département ou, à Paris, du préfet de police, qui en fixe la durée et détermine les lieux ou catégories de lieux dans lesquels les contrôles peuvent être effectués. Cet arrêté est communiqué au procureur de la République.

« Si des éléments objectifs laissent à penser qu'une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des personnes ou des biens, les agents mentionnés à l'alinéa précédent peuvent procéder, avec le consentement exprès de la personne, à des palpations de sécurité en l'absence de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique ou de périmètre de protection. » ;

2° Il est ajouté un article L. 2251-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 2251-10.  -  Lorsque des objets autres que des armes qui, par leur nature, leur quantité ou l'insuffisance de leur emballage, peuvent être dangereux, gêner ou incommoder les voyageurs sont découverts à l'occasion des mesures de contrôles réalisées en application de l'article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure ou dans le cadre des missions de prévention des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, ces agents peuvent retirer lesdits objets avec le consentement de leur propriétaire.

« En cas de refus, les agents mentionnés au 5° du I de l'article L. 2241-1 du présent code peuvent mettre en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 2241-6. Il est rendu compte à l'officier de police judiciaire compétent de la saisie des objets mentionnés au premier alinéa du présent article.

« Les modalités d'application du présent article sont définies dans un décret en Conseil d'État. »

Mme Isabelle Florennes.  - Cet amendement rétablit la rédaction initiale autorisant les agents à procéder à des palpations de sécurité lorsqu'existent des éléments objectifs laissant penser qu'une personne détient des objets présentant un risque pour la sécurité des voyageurs, et à appréhender ces objets.

Le danger pouvant survenir de manière inattendue, subordonner ces palpations à une autorisation administrative préalable n'est pas pertinent.

Actuellement, les agents peuvent saisir des armes classifiées, mais pas d'autres objets dangereux - couteau de boucher, pic à glace, batte de baseball, etc. Faute d'OPJ sur place, l'individu est laissé libre avec l'objet en sa possession.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Je comprends qu'il soit tentant de rétablir le texte initial, mais celui-ci ne répond pas aux exigences constitutionnelles. Il est attentatoire à la liberté d'aller et venir, au droit à la vie privée, à l'interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative inhérentes à la force publique. C'est pourquoi nous avons proposé plutôt que le préfet de police de Paris accorde une autorisation générale de palpation sur l'ensemble du territoire de l'Île-de-France.

Comme je m'y étais engagée en commission, je proposerai un amendement pour permettre une immobilisation temporaire des objets dangereux, car la saisie et la confiscation sont des prérogatives exclusives de l'autorité judiciaire. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Avis favorable.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Je voterai l'amendement n°33 ; mon amendement est de repli.

M. Jean-François Longeot.  - Je voterai cet amendement.

Ce texte est important, et nous devons aller au bout de la démarche. Trop souvent, on regrette trop tard de ne pas avoir pu agir. Pour une fois, nous avons l'occasion de faire les choses dans le bon ordre. Je n'ai pas entendu en audition les présidents de la RATP et de la SNCF s'opposer à cette proposition - bien au contraire ! Le bon sens commande de voter cet amendement.

M. Christophe Chaillou.  - Nous sommes très défavorables à cet amendement qui autoriserait la palpation hors de tout cadre administratif. Quant au retrait d'objet, c'est une compétence exclusive de l'autorité judiciaire !

M. Philippe Tabarot.  - Je ne peux m'opposer à cet amendement, même s'il en fait tomber deux des miens...

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Et le mien !

M. Philippe Tabarot.  - L'amendement du rapporteur traite de la saisie des armes dans les véhicules, mais pas dans les gares.

Je reste persuadé que les agents doivent pouvoir opérer des palpations de sécurité préventives, avec l'accord de la personne, sans arrêté préalable. C'est d'ailleurs le cas dans les stades de football, par des agents qui n'ont pas la même formation ni le même agrément que ceux de la Suge et du GPSR.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois.  - J'entends ces propos mais je veux rappeler le contexte. Si vous votez cet amendement, vous autorisez les palpations sur toute personne, pour tout objet, sans cadre juridique. Attention aux conséquences !

Je préfère la solution de la commission, avec un arrêté préfectoral général qui fournit un cadre juridique. Je rappelle notre avis très défavorable à l'amendement n°33 rectifié. (Marques d'incompréhension sur quelques travées du groupe Les Républicains)

À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°33 rectifié, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

M. Olivier Jacquin.  - Anticonstitutionnel !

L'article 1er est ainsi rédigé et les amendements nos71 rectifié bis, 53 rectifié, 79, 42, 72 rectifié bis, 80 et 55 rectifié n'ont plus d'objet.

La séance est suspendue à 20 heures.

Présidence de Mme Sophie Primas, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.

Mise au point au sujet de votes

M. Laurent Burgoa.  - Lors des scrutins publics nos118 et 119, Sylvie Goy-Chavent et Philippe Tabarot souhaitaient voter pour.

Acte en est donné.

Sûreté dans les transports (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 2

M. Marc Laménie .  - Philippe Tabarot est, comme plusieurs d'entre nous, passionné par le rail. Marie-Claire Carrère-Gée l'a rappelé, beaucoup de dames n'osent pas utiliser les transports en commun pour des raisons de sécurité. Alors que nous parlons d'égalité femmes-hommes, la tâche est immense.

Cet article 2 permet aux agents de la Suge et du GPSR d'intervenir sur la voie publique aux abords immédiats des emprises immobilières des transports. Je parle comme modeste usager, notamment du métro, du RER et du rail. La commission a soulevé les problèmes juridiques. Je voterai l'article.

M. Laurent Burgoa.  - Excellent !

Mme la présidente.  - Amendement n°54 rectifié, présenté par Mmes Carrère-Gée et Aeschlimann, MM. Anglars et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Dumas, Evren, Goy-Chavent et Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mmes Lassarade et Lavarde, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Pellevat et Piednoir, Mme Primas et MM. Sautarel et Somon.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Ils peuvent également intervenir momentanément aux abords immédiats de ces emprises immobilières pour prévenir en urgence la réalisation d'un acte terroriste, jusqu'à l'arrivée des forces de sécurité. »

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Je remercie la commission pour la réécriture très satisfaisante de cet article. Mon amendement tient compte de situations heureusement rares mais avérées, afin de permettre aux agents des transports d'intervenir aux abords des gares en cas de risque d'incident terroriste même hors des gares, en attendant l'arrivée des forces de l'ordre.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - À titre exceptionnel et sur autorisation préfectorale, ces agents peuvent déjà agir sur la voie publique, selon le code de sécurité intérieure. Cet amendement franchit un palier, en leur confiant une mission de prévention d'actes de terrorisme même en l'absence d'autorisation préfectorale. Or il s'agit d'une prérogative de police administrative générale, qui ne peut être déléguée à une personne privée. Avis défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - L'article 73 du code de procédure pénale prévoit déjà qu'en cas de crime ou délit flagrant puni d'emprisonnement, toute personne peut appréhender l'auteur et le conduire devant l'OPJ le plus proche. L'amendement est satisfait. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Guy Benarroche.  - Je ne puis que reprendre les propos du ministre. Il y a l'article 73. On nous répète toujours qu'il y a trop de normes, que ce soit pour les paysans ou sur le logement par exemple. Et voilà que vous en proposez une nouvelle, uniquement pour répondre à une idéologie sécuritaire !

M. François Bonhomme.  - Arrêtez de caricaturer !

M. Guy Benarroche.  - Les textes permettent déjà d'intervenir. Ne renforçons pas l'arsenal sécuritaire.

M. Olivier Jacquin.  - Je salue la clarté des explications du ministre et de la rapporteure. Hier soir, j'ai rencontré les agents de la Suge de la gare de l'Est, qui m'ont confirmé qu'ils peuvent déjà sortir des gares pour poursuivre un délinquant. Nous ne voterons pas cet amendement.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Certes, toute personne apercevant quelqu'un muni d'un gilet pare-balles et d'explosifs peut intervenir.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Personne n'intervient...

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Mais les agents de sécurité, eux, peuvent être armés. La question est celle de leur capacité à intervenir.

M. Olivier Jacquin.  - Superfétatoire !

L'amendement n°54 rectifié n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°56 rectifié, présenté par Mmes Carrère-Gée et Aeschlimann, MM. Anglars et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Dumas, Evren, Goy-Chavent et Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mmes Lassarade et Lavarde, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Pellevat et Piednoir, Mme Primas et MM. Sautarel et Somon.

Alinéa 3

Remplacer la seconde occurrence du mot :

et

par le mot :

ou

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Amendement quasi rédactionnel. Il faut des conditions alternatives et non cumulatives à la fouille de bagages.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Sagesse. La proposition de loi initiale prévoyait deux conditions cumulatives. Votre amendement aligne le texte sur le droit existant en matière d'éviction des emprises.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Avis défavorable : c'est disproportionné.

M. Christophe Chaillou.  - Nous voterons contre. Les conditions de refus d'accès à la gare doivent être plus exigeantes que celles de l'accès au train.

L'amendement n°56 rectifié est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

Après l'article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par M. Rochette, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. Houpert, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2241-11 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de faciliter les contrôles, les entreprises de transport ferroviaire subordonnant le voyage de leurs passagers à la détention d'un titre de transport nominatif assurent la mise en place d'un système de portiques de contrôle pour l'accès aux zones dont l'accès est réservé aux personnes munies d'un titre de transport ». 

M. Pierre Jean Rochette.  - Cet amendement vise à systématiser les portiques d'accès aux gares.

Mme la présidente.  - Amendement n°22 rectifié bis, présenté par M. Rochette, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. Houpert, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2241-11 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de faciliter les contrôles, les entreprises de transport ferroviaire subordonnant le voyage de leurs passagers à la détention d'un titre de transport nominatif assurent la mise en place d'un système de portiques de contrôle pour l'accès aux zones dont l'accès est réservé aux personnes munies d'un titre de transport dans les emprises immobilières correspondant aux dix principaux noeuds ferroviaires de chaque département ». 

M. Pierre Jean Rochette.  - Amendement de repli, pour installer les portiques sur les dix noeuds ferroviaires principaux du département.

Mme la présidente.  - Amendement n°23 rectifié bis, présenté par M. Rochette, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. Houpert, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, MM. Daubet et Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2241-11 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de faciliter les contrôles, les entreprises de transport ferroviaire subordonnant le voyage de leurs passagers à la détention d'un titre de transport nominatif assurent la mise en place d'un système de portiques de contrôle pour l'accès aux zones dont l'accès est réservé aux personnes munies d'un titre de transport dans les emprises immobilières correspondant aux cinq principaux noeuds ferroviaires de chaque département. »

M. Pierre Jean Rochette.  - Repli encore : cet amendement se focalise sur les cinq noeuds principaux du département.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - On déplacerait le risque soit à l'extérieur, soit à l'intérieur de la gare, du fait des files d'attente, ou sur les autres modes de transport. En outre, le temps de trajet serait rallongé, alors que nous voulons favoriser le report modal.

Enfin, cela ferait peser une charge sur les opérateurs, qui ont besoin de souplesse. Avis défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Avis défavorable. Ces portes d'embarquement visent à lutter contre la fraude et sont installées à la demande des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ou par SNCF Gares & Connexions. Elles se justifient si le flux de voyageurs les rentabilise, et doivent donc rester à la libre appréciation des régions : faisons confiance aux élus locaux.

M. Pierre Jean Rochette.  - Il y a un paradoxe à dénoncer les embouteillages provoqués par les portiques et à recommander leur installation là où l'affluence est la plus forte ! Les grandes gares ont déjà ces installations. La réalisation technique est simple : Gares & Connexions en a les moyens. (M. le ministre fait non de la tête.)

M. Christophe Chaillou.  - Nous y sommes défavorables. Au-delà du coût, il faut un minimum de concertation, alors que nous dénonçons souvent les charges imposées aux collectivités.

M. Pierre Jean Rochette.  - Ce ne sont pas les collectivités qui paieront !

M. Jacques Fernique.  - On ne peut faire la sécurité dans les trains du quotidien comme on le fait dans les aéroports.

M. Pierre Jean Rochette.  - Il faut des contrôles !

M. Jacques Fernique.  - Les portiques d'accès compliquent l'organisation des métros - je renvoie à ce qui se passe chez nos voisins européens. Les regroupements en amont des portiques créent une vulnérabilité, et il faut pouvoir sauter d'un train à l'autre lorsqu'on voyage au quotidien. C'est une fausse bonne idée.

M. Philippe Tabarot.  - Je l'ai expérimentée il y a six ans sur le TER Provence-Alpes-Côte d'Azur, mais la difficulté de mettre en place ces portiques, de les sécuriser, les queues et les risques d'attentats nous y ont fait renoncer. Les gares pourront-elles rester des espaces totalement publics ?, a demandé la rapporteure, à raison. Dans la majorité des gares, l'instauration de tels portiques me parait compliquée.

Les amendements nos21 rectifié bis, 22 rectifié bis et 23 rectifié bis sont retirés.

L'article 4 est adopté.

Article 5

Mme la présidente.  - Amendement n°7 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. L. Vogel, Houpert, Chevalier, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing.

I.  -  Alinéa 6, au début

Remplacer les mots :

Dans les

par les mots :

Sur décision du gestionnaire SNCF Gares & Connexions, dans les

II.  -  Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« SNCF Gares & Connexions doit être le maitre d'oeuvre dans la délimitation du périmètre de sécurité autour des gares, y compris si celui-ci compte de la voie publique sans limite de distance autour des gares afin que Gares et Connexions puisse définir le périmètre le plus efficace pour un fonctionnement sûr des gares. »

M. Pierre Jean Rochette.  - J'espère ne pas être encore déçu, en cette veille de la Saint-Valentin... (Sourires)

Gares & Connexions doit définir le périmètre d'intervention des forces de sécurité, dont les Suge. Les amendements suivants visent l'Île-de-France et le GPSR.

Mme la présidente.  - Amendement n°8 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. L. Vogel, Houpert, Chevalier, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing.

I.  -  Alinéa 6, au début

Remplacer les mots :

Dans les

Par les mots :

Sur demande du gestionnaire SNCF Gares & Connexions et en concertation avec les gestionnaires concernés, dans les

II.  -  Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« SNCF Gares & Connexions doit être le maitre d'oeuvre dans la délimitation du périmètre de sécurité autour des gares, y compris si celui-ci compte de la voie publique sans limite de distance autour des gares afin que Gares et Connexions puisse définir le périmètre le plus efficace pour un fonctionnement sûr des gares. »

M. Pierre Jean Rochette.  - Même principe, mais Gares & Connexions est simplement associé à la définition du périmètre.

Souvent, les gares routières sont séparées des gares ferroviaires par des espaces publics : il faut une définition rigoureuse des périmètres et une bonne coordination.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - La Saint-Valentin n'est pas pour tout de suite : avis défavorable.

En confiant à une filiale de la SNCF la définition de son propre périmètre de compétence, nous risquerions une censure du Conseil constitutionnel pour incompétence négative : c'est au législateur de fixer le périmètre d'intervention des acteurs du continuum de sécurité. Vous introduiriez en outre une différence de traitement selon la filiale à laquelle les agents de la Suge sont rattachés. Enfin, certains agents de la Suge auraient les mêmes prérogatives que les forces de sécurité intérieure, ce qui entraînerait une rupture de cohérence du continuum de sécurité. Préservons la hiérarchie.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Même avis.

Les amendements nos7 rectifié ter et 8 rectifié ter sont retirés.

L'article 5 est adopté.

Après l'article 5

Mme la présidente.  - Amendement n°9 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. L. Vogel, Houpert, Chevalier, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa de l'article L. 2251-1-2 du code des transports, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« ...° Sur décision de la Régie autonome des transports parisiens ou d'Ile-de-France Mobilités, dans les emprises immobilières nécessaires à l'exploitation des services de transport routier interurbains interconnectés avec les réseaux et infrastructures mentionnés au 1° du présent article, et dans les véhicules de transport public de personnes qui y sont affectés.

« La Régie autonome des transports parisiens ou Ile-de-France Mobilités doivent être maitres d'oeuvre dans la délimitation du périmètre de sécurité autour des gares, y compris si celui-ci compte de la voie publique sans limite de distance autour des gares afin qu'elles puissent définir le périmètre le plus efficace pour un fonctionnement sûr des gares. »

M. Pierre Jean Rochette.  - Même chose, pour l'Île-de-France. Je les retire...

Les amendements nos9 rectifié ter et 10 rectifié ter sont retirés.

Mme la présidente.  - Amendement n°19 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. Houpert, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article L. 2241-1 du code des transports, sont complétés les mots : « et jusqu'à cinq agents non assermentés placés sous l'autorité d'un agent assermenté ».

M. Pierre Jean Rochette.  - Il s'agit de permettre à un agent assermenté d'encadrer des agents non assermentés, afin de décupler les capacités de contrôle.

Mme la présidente.  - Amendement n°20 rectifié bis, présenté par M. Rochette, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. Houpert, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article L. 2241-1 du code des transports, sont complétés les mots : « et un agent non assermenté placés sous l'autorité d'un agent assermenté ».

M. Pierre Jean Rochette.  - Repli.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis défavorable. Vous visez l'ensemble des agents de sécurité, parfois moins formés que les agents de la Suge et du GPSR. Le niveau de formation justifie l'assermentation, et ne permet pas la délégation.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Avis défavorable. Le 31 mars 2023, le Conseil constitutionnel a rappelé que les agents contractuels de droit privé doivent être commissionnés et assermentés pour procéder à un procès-verbal. Vos amendements sont contraires à l'article 66 de la Constitution.

M. Pierre Jean Rochette.  - La SNCF dispense déjà ce type de formation. Ainsi les conducteurs de car faisant office de TER contrôlent les titres à l'entrée des cars. Il s'agit de pouvoir verbaliser en cas d'abus.

Mes amendements nos28 rectifié bis et 29 rectifié bis visaient la RATP, je les retire.

L'amendement n°19 rectifié ter n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°20 rectifié bis.

Les amendements nos28 rectifié bis et 29 rectifié bis sont retirés.

Article 6

Mme la présidente.  - Amendement n°40, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Dossus, Fernique, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Supprimer cet article.

M. Guy Benarroche.  - Je remercie la rapporteure pour la qualité de ses arguments, et j'espère beaucoup de son avis, en cette veille de St Valentin ! (Sourires)

Nous nous opposons à l'extension du fameux continuum de sécurité. En effet l'article 6 introduit une confusion des compétences, avec le libre accès de la police municipale aux matériels roulants et espaces de circulation.

Lors de sa décision sur la loi Sécurité globale, le Conseil constitutionnel a émis des réserves d'interprétation et censuré des dispositions similaires. Confier des pouvoirs généraux à des agents relevant des autorités communales, et non de la police judiciaire, méconnaîtrait l'article 66 de la Constitution.

En outre, les agents devraient suivre une formation et un examen technique, sans garantie quant aux exigences requises des OPJ.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°69, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Pierre Barros.  - Un train en mouvement peut passer d'une commune à une autre. Difficile à gérer pour la police municipale...

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Des synergies doivent être trouvées. Il appartient aux acteurs publics de veiller à ce que les contrevenants ne puissent jouer avec les frontières administratives. La commission a réaffirmé l'autorité du maire sur la police municipale : cet article 6 prévoit donc une convention avec les exploitants. Avis défavorable, malgré la Saint-Valentin.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Réconcilions les amoureux : avis favorable. (Sourires)

L'article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure permet déjà une convention locale de sûreté dans les transports collectifs - j'en ai été le témoin privilégié à Dunkerque.

M. Philippe Tabarot.  - Ces deux amendements qui s'opposent au continuum de sécurité laissent transparaître votre idéologie. (On renchérit sur les travées du groupe Les Républicains ; protestations sur les travées du GEST) Comment faire accepter aux Français que nous avons des moyens mais que nous ne voulons pas les consacrer à la sécurité ? La décision du 20 mai 2021 concernait l'extension des prérogatives de police judiciaire aux policiers municipaux ; il s'agit ici de prérogatives de sécurisation de véhicules de transport.

Le Conseil a accepté en 2017 que les organisateurs d'événements sportifs puissent en refuser l'accès aux personnes ayant contrevenu au règlement intérieur. Pourquoi ne pas le faire ici ? (MM. Laurent Burgoa et François Bonhomme applaudissent.)

M. François Bonhomme.  - Très juste.

Les amendements identiques nos40 et 69 ne sont pas adoptés.

L'article 6 est adopté.

Article 7

Mme la présidente.  - Amendement n°62, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Supprimer cet article.

M. Pierre Barros.  - Dans la même veine, cet article confie des missions de police à des personnels dont ce n'est pas le métier. Sortons des postures : nous parlons de cas précis, de métiers, d'outils. Le mélange des genres est dangereux et source de désorganisation.

Mélanger la question des transports avec la sécurisation d'événements sportifs est tendancieux. C'est en faisant travailler les uns avec les autres que l'on pourra mieux occuper le terrain.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Il s'agit d'accorder un accès à IDFM aux seules fins d'exercice de ses compétences actuelles - à compétences constantes donc.

L'audition d'IDFM a mis en évidence la nécessité d'un tel renforcement. Avec l'ouverture à la concurrence, certaines lignes de bus sortiront de la compétence du GPSR. Il s'agit donc d'organiser la coordination des services de sécurité avec les forces de sécurité intérieure. La préfecture de police y souscrit. Avis défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°62 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

Après l'article 7

Mme la présidente.  - Amendement n°52 rectifié bis, présenté par MM. Bas, Khalifé, Sol et Daubresse, Mme Jacques, M. Somon, Mme Di Folco, MM. J.P. Vogel, Bacci, Sautarel et Frassa, Mme M. Mercier, MM. Piednoir, D. Laurent et Anglars, Mme Imbert, M. Milon, Mmes Lopez et Gosselin, MM. Pellevat, Lefèvre et Bouchet, Mme Aeschlimann, M. Burgoa, Mmes Belrhiti, Evren, Primas et Dumas, MM. Rapin, Belin, Panunzi et Cadec, Mme Malet et MM. Klinger et Szpiner.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2251-1-2 du code des transports est ainsi modifié :

1° Le huitième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'avis émis ne s'applique pas aux conditions de réalisation de ces prestations. » ;

2° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le document de référence et de tarification des prestations de sûreté, mentionné au huitième alinéa, ne s'applique pas aux prestations réalisées en application des quatre premiers alinéas du présent article. » ;

3° Après le dixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'ensemble des prestations énumérées à cet article, Île-de-France Mobilités, les autorités organisatrices à qui cette autorité a délégué sa compétence ou les exploitants de services de transport transmettent leurs besoins à la Régie autonome des transports parisiens pour lui permettre d'assurer sa mission de prévention. Cette dernière exécute les prestations de sûreté. Tout refus de fournir une prestation de sûreté est dûment motivé. »

Mme Catherine Di Folco.  - Défendu.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Il s'agit de limiter l'application du document de référence et de tarification des prestations de sûreté aux prestations réalisées à la demande par la RATP. La tarification des prestations réalisées en monopole par le GPSR serait, elle, déterminée dans le cadre de la convention bilatérale entre IDFM et RATP.

Ce texte n'est pas le bon véhicule pour traiter des relations financières entre IDFM et la RATP. Ce sujet complexe n'a pas été abordé lors des auditions. Avis défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Même avis.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cet amendement tombe clairement sous le coup de l'article 45 de la Constitution. Le président Buffet l'a d'ailleurs dit en commission, avant de transformer cet avis en avis défavorable.

M. Jacques Fernique.  - Peut-être Philippe Bas pourra-t-il nous expliquer plus tard le sens de son amendement...

L'amendement n°52 rectifié bis n'est pas adopté.

Article 8

Mme la présidente.  - Amendement n°63, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Supprimer cet article.

M. Pierre Barros.  - L'article 8 a trait aux caméras-piétons. Les trains, les gares et les bus disposent déjà d'un arsenal important de caméras, or les 50 000 caméras installées en Île-de-France n'empêchent personne de se faire agresser.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis défavorable. Les opérateurs ont unanimement mis en avant les aspects positifs de ces caméras-piétons pour les agents de contrôle. Ainsi, 80 % des contrôleurs de la RATP qui ont expérimenté ce dispositif estiment qu'il joue un rôle dissuasif, et 60 % se sentent en sécurité avec.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°63 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°45, présenté par MM. Dossus, Benarroche et Fernique, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

I.  -  Alinéa 3

1° Après les mots :

dans le cadre

insérer les mots :

de l'amélioration de la sécurité et du service public ainsi que

2° Remplacer les mots :

peuvent procéder

par les mots :

procèdent

3° Après le mot :

interventions

supprimer la fin de cet alinéa.

II  -  Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L'enregistrement est permanent durant toute l'intervention des agents.

III - Alinéa 6, deuxième et troisième phrases

Supprimer ces phrases.

IV  -  Alinéas 11 et 12

Supprimer ces alinéas.

M. Thomas Dossus.  - Il s'agit d'améliorer le dispositif en prévoyant des caméras qui enregistrent en permanence, sans déclenchement par l'agent, ce qui permet un contexte plus grand d'intervention. En Californie, les plaintes contre la police ont ainsi baissé de 87 %.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - La caméra ne serait plus un outil ponctuel de sécurité, mais un dispositif de surveillance des agents de contrôle. C'est envoyer un mauvais message aux contrôleurs.

L'expérimentation a montré que la caméra a pu être activée à la demande de la personne contrôlée. Avis défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Même avis.

M. Thomas Dossus.  - Lors de l'examen de la loi Sécurité globale, nous avions reçu un avis défavorable sur un amendement similaire. Mais nous continuons de défendre cette idée.

L'amendement n°45 n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté.

Article 8 bis

L'amendement n°64 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°46, présenté par MM. Dossus, Benarroche et Fernique, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

I.  -  Alinéa 1

1° Remplacer les mots :

peuvent procéder

par le mot :

procèdent

2° Après le mot :

voyageurs

supprimer la fin de cet alinéa.

II.  -  Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

L'enregistrement est permanent durant tout le service des conducteurs.

III.  -  Alinéa 3, première phrase

Après le mot :

finalité

insérer les mots :

l'amélioration de la sécurité et du service public ainsi que

IV.  -  Alinéa 4, deuxième et troisième phrases

Supprimer ces phrases.

M. Thomas Dossus.  - Coordination avec le précédent amendement. Je le retire.

L'amendement n°46 est retiré.

L'article 8 bis est adopté.

Après l'article 8 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°17 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. L. Vogel, Houpert, Chevalier, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, MM. Daubet et Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing.

Après l'article 8 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 2251-4-2 du code des transports, il est inséré un article L. 2251-4-2-... ainsi rédigé :

« Art. L. 2251-4-2-... - Dans le cadre du maintien global de la sécurité ferroviaire par l'État et, lorsque cela est raisonnablement réalisable, de son amélioration constante prévus par l'article L. 2201-2 du présent code, les images des systèmes de vidéo-protection captées par la SNCF et la Régie autonome des transports parisiens depuis les véhicules et emprises immobilières des transports de voyageurs dont elles assurent la gestion peuvent être transmises en temps réel aux salles d'information et de commandement relevant de l'État de leur ressort territorial. »

M. Pierre Jean Rochette.  - Les positions s'adoucissent, peut-être aurais-je un meilleur accueil ? Il s'agit de permettre au Centre de supervision urbain (CSU) d'avoir une prise directe sur les caméras présentes sur les lieux de transports, notamment les gares.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Cet amendement est en pratique pleinement satisfait en Île-de-France où le Centre de coordination opérationnelle de sûreté (Cecos) joue ce rôle. Cela ne requiert pas d'intervention législative, mais dépend de moyens techniques et humains.

Le dispositif n'a pas de portée normative c'est pourquoi retrait, sinon avis défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°17 rectifié ter est retiré.

Article 8 ter

M. Marc Laménie .  - (« Ah ! » sur plusieurs travées) Cet article instaure un numéro d'alerte unique pour les usagers des transports ferroviaires.

Je salue le travail des rapporteurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des lois, ainsi que de leurs présidents.

La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), que vous avez citée, mérite écoute et attention.

Un tel numéro serait visible dans les TER, les Intercités et les TGV, mais la présence humaine reste primordiale. Or dans les gares, il n'y a plus grand monde. Certes, dans les TGV et les Intercités, il y a encore des contrôleurs, mais pas dans tous les TER.

Je voterai cet article. (« Ah ! » et applaudissements sur diverses travées)

L'article 8 ter est adopté.

Article 9

Mme la présidente.  - Amendement n°47, présenté par MM. Dossus et Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Supprimer cet article.

M. Thomas Dossus.  - Avec cet article, la majorité sénatoriale veut continuer d'avancer à marche forcée vers la surveillance algorithmique - voyez nos débats sur la loi relative aux JOP.

La commission a réduit le champ de l'expérimentation, mais il s'agit d'un traitement automatisé de l'information par l'intelligence artificielle, avec les biais et risques que l'on sait.

En l'absence d'étude d'impact et d'avis du Conseil d'État ou de la Cnil, attendons d'avoir un peu de recul sur l'expérimentation des JOP, car la technologie n'est pas encore mature.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°65, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Pierre Barros.  - Toutes ces caméras doivent être reliées à un centre de supervision, où l'intelligence artificielle fait le boulot à la place des gens - M. Laménie a rappelé l'importance de la présence humaine. Je n'ai pas confiance dans ces traitements : on peut craindre des dérives en matière de libertés individuelles. D'où notre amendement de suppression.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°76 rectifié, présenté par M. Chaillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Christophe Chaillou.  - La commission a certes borné le dispositif, mais nous pouvons être inquiets, notamment parce que l'auteur du texte a regretté de n'avoir pas pu y inclure la reconnaissance faciale dans le texte... (M. Philippe Tabarot s'exclame.) Ces modifications, en apparence inoffensives, risquent d'attenter à nos libertés fondamentales.

Soyons raisonnables et équilibrés : attendons de voir les effets de ces techniques pendant les JOP, avant de statuer, sereinement.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Le traitement algorithmique permet une réponse plus rapide aux réquisitions judiciaires. Comme j'ai pu le constater sur place, il faut des dizaines d'heures de visionnage pour répondre à une réquisition -  50 jours pour reconstituer le parcours d'un terroriste du Bataclan !

La commission a apporté des garanties en prévoyant une expérimentation et en limitant le rôle du logiciel à l'exportation des données et non à la sélection des images. Pour ces raisons, cet article nous semble utile et juridiquement robuste. Avis défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Cet article 9 soulève plusieurs difficultés. Plus l'analyse de l'image est sophistiquée et automatisée, plus on bascule dans un acte d'enquête qui est une prérogative des OPJ. En outre, le dispositif est disproportionné au regard de situations de la vie de tous les jours. Enfin, l'autorisation par le préfet est inadaptée s?agissant de réquisitions judiciaires. Sagesse.

Les amendements identiques nos47, 65 et 76 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°81, présenté par Mme Bellurot, au nom de la commission des lois.

I.  -  Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Alinéa 2, au début

Supprimer la référence et les signes :

« Art. L. 2251-4-3.  -

III.  -  Alinéa 18, première phrase

Supprimer cette phrase.

L'amendement rédactionnel n°81, sur lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié septies, présenté par MM. L. Vogel et Rochette, Mmes Bourcier et Lermytte, M. A. Marc, Mme L. Darcos et MM. Brault, V. Louault, Chevalier, Wattebled, Verzelen, Capus, Chasseing et Malhuret.

Alinéa 2

Remplacer l'année :

2026

par l'année :

2027

M. Pierre Jean Rochette.  - Louis Vogel propose de prolonger l'expérimentation d'un an, jusqu'en 2027, afin de tenir compte des délais de mise en place du nouveau dispositif.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°59 rectifié, présenté par Mmes Carrère-Gée et Aeschlimann, MM. Anglars et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Dumas, Evren, Goy-Chavent et Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mmes Lassarade et Lavarde, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Pellevat et Piednoir, Mme Primas et MM. Sautarel et Somon.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Défendu.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis favorable.

M. Pierre Jean Rochette.  - Enfin ! (Sourires)

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Sagesse.

Les amendements identiques nos1 rectifié septies et 59 rectifié sont adoptés.

L'article 9, modifié, est adopté.

Après l'article 9

Mme la présidente.  - Amendement n°30 rectifié ter, présenté par MM. Rochette, Malhuret, A. Marc et Médevielle, Mme L. Darcos, MM. Brault et V. Louault, Mmes Perrot et Bourcier et MM. Maurey, Capus, Verzelen et Chasseing.

Après l'article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 2251-4-2 du code des transports, il est inséré un article L. 2251-4-... ainsi rédigé :

« Art. L. 2251-4-....  -  Dans le cadre de leurs missions de prévention des atteintes à l'ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens mentionnés à l'article L. 2251-1 peuvent, sous l'autorité d'un officier de police judiciaire, être destinataires des données à caractère personnel et des informations enregistrées dans le traitement mentionné à l'article R.142-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

« Ce droit s'exerce à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître. »

M. Pierre Jean Rochette.  - Il s'agit d'élargir l'accès au logiciel Visabio pour les interpellations dans les transports publics.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Le logiciel Visabio est utilisé en matière de visas. Les agents de la Suge ne pouvant contrôler l'identité ou la régularité du séjour, cette proposition ne nous semble pas opportune. Avis défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Même avis.

M. Pierre Jean Rochette.  - Je le retire à contrecoeur, car il pourrait éviter des drames à venir. Certes, les agents de la Suge ne peuvent contrôler l'identité, mais les abonnements et cartes de réduction sont souvent nominatifs. À tout le moins, il faudrait pouvoir contrôler la régularité du séjour des personnes entrant à bord des transports ! (Mme Audrey Linkenheld et M. Thomas Dossus protestent.)

L'amendement n°30 rectifié ter est retiré.

Article 10 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par Mmes Florennes et Gatel et MM. Marseille et Longeot.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le chapitre Ier du titre V du livre II de la deuxième partie du code des transports est complété par un article L. 2251-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 2251-11.  -  Les services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens sont autorisés à collecter et traiter des données sensibles, à l'exception des données génétiques, biométriques, ou concernant la vie sexuelle ou l'orientation sexuelle d'une personne physique, conformément à l'article 88 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Ce traitement est mis en oeuvre après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

« Ces données sont collectées pour les seuls besoins de leur mission de prévention prévue par l'article L. 2251-1 du présent code, dans la mesure où ces données sont strictement nécessaires à la poursuite de cette mission, en interface avec les services de police et de gendarmerie, dans le cadre du traitement d'infractions flagrantes punies d'une peine d'emprisonnement, et pour la durée strictement limitée au traitement en temps réel du fait de sûreté pour lequel les données sont collectées. La durée de conservation de ces données sensibles ne saurait excéder 24 heures à compter de leur collecte.

« Ces données sont transmises aux services de police et de gendarmerie.

« Ces données sensibles ne peuvent faire l'objet d'aucun traitement statistique. »

Mme Isabelle Florennes.  - Depuis le règlement général sur la protection des données (RGPD), la RATP et la SNCF ne peuvent plus collecter de données sensibles. Or leur traitement permettrait de mieux identifier les auteurs d'infractions.

Mme la présidente.  - Amendement n°24, présenté par Mme Josende.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le chapitre Ier du titre V du livre II de la deuxième partie du code des transports est complété par un article L. 2251-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 2251-11.  -  Les services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens sont autorisés à collecter et traiter des données sensibles, à l'exception des données génétiques, biométriques, ou concernant la vie sexuelle ou l'orientation sexuelle, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l'appartenance syndicale d'une personne physique, conformément aux dispositions de l'article 88 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Ce traitement est mis en oeuvre après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

« Ces données sont collectées pour les seuls besoins de leur mission, prévue par l'article L. 2251-1 du code des transports, dans la mesure où ces données sont strictement nécessaires à la poursuite de cette mission, en interface avec les services de police et de gendarmerie, dans le cadre du traitement d'infractions flagrantes punies d'une peine d'emprisonnement, et pour la durée strictement limitée au traitement en temps réel du fait de sûreté pour lequel les données sont collectées. La durée de conservation de ces données sensibles ne saurait excéder 24 heures à compter de leur collecte.

« Ces données peuvent être transmises aux services de police et de gendarmerie.

« Ces données sensibles ne peuvent faire l'objet d'aucun traitement statistique. »

Mme Lauriane Josende.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°32 rectifié bis, présenté par M. Szpiner, Mme Lavarde, MM. Pellevat et Khalifé, Mme Joseph, MM. Klinger et Burgoa, Mme Dumas, MM. Rapin, H. Leroy, Frassa, Mandelli, Brisson, Somon, Belin, J.P. Vogel et Laménie, Mmes M. Mercier et Imbert, M. Anglars, Mmes Lassarade et Belrhiti et MM. Bouchet et Meignen.

M. Didier Mandelli.  - Défendu.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - L'article 31 de la loi Informatique et libertés prévoit déjà une telle faculté.

Il n'apparaît donc pas opportun de prévoir un tel régime, qui créerait une dérogation non plus attachée à la finalité poursuivie, mais à la nature du bénéficiaire. Au surplus, par ricochet, il faudrait modifier les dérogations pour chacun des acteurs du continuum de sécurité.

Enfin, la rédaction -  qui mélange flagrance et prévention  - est inaboutie. Avis défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Même avis.

M. Philippe Tabarot.  - Je ne puis que souscrire à ces amendements. Cet article a été mal compris. En effet, la description des auteurs de méfaits peut comprendre des données dites sensibles, que le RGPD empêche de transmettre, compromettant les chances de retrouver l'auteur des faits, alors qu'il peut être encore sur place.

Certaines remarques, entendues à gauche, me donnent l'impression qu'on n'a pas trop envie d'élucider les affaires... (Marques de désaccord à gauche) Pourtant, les victimes sont de plus en plus nombreuses.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Courtoisement, je dis à notre collègue Tabarot que nous pouvons être en désaccord, mais nous accuser d'être complices de délit c'est franchir une ligne jaune.

Nous avons un désaccord sur la surveillance algorithmique, mais nul besoin de tels procès, parfaitement infondés. (M. Philippe Tabarot s'en défend en faisant un signe de la main ; M. Thomas Dossus applaudit.)

M. Jean-François Longeot.  - Philippe Tabarot a défendu un point de vue, sans mise en cause personnelle. Utiliser les nouvelles technologies est utile. Je crois que c'est vous qui faites un procès à Philippe Tabarot, et non l'inverse.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous n'avez pas écouté !

M. Jean-François Longeot.  - Chacun doit pouvoir s'exprimer en toute liberté, dans un respect mutuel. (M. Olivier Rietmann applaudit.)

L'amendement n°34 rectifié est adopté.

Les amendements identiques n°24 et 32 rectifié bis n'ont plus d'objet.

L'article 10 est ainsi rétabli.

Article 11 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié sexies, présenté par MM. L. Vogel et Rochette, Mmes Bourcier et Lermytte, M. A. Marc, Mme L. Darcos et MM. Brault, V. Louault, Chevalier, Wattebled, Capus et Chasseing.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après la section 1 du chapitre II du titre III du livre VI de la première partie du code des transports, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis

« Captation et enregistrement du son 

« Art. L. 1632-2-1. - Les opérateurs de transport public de voyageurs sont autorisés à mettre en oeuvre un système consistant en la captation, la transmission et l'enregistrement du son dans les matériels roulants qu'ils exploitent.

« La captation et l'enregistrement du son ne sont pas permanents.

« Les traitements prévus au présent article ont exclusivement pour finalité d'assurer :

« 1° Le traitement des incidents ou atteintes affectant la sécurité des personnes présentes dans les matériels roulants ;

« 2° Le secours aux personnes ;

« 3° L'analyse des accidents et incidents liés à l'exploitation des matériels roulants.

« L'accès en temps réel, par le poste de contrôle et de commandement de l'opérateur de transport ou des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, aux données sonores captées n'est autorisé qu'en cas de déclenchement d'une alarme, volontaire ou automatique.

« L'accès aux enregistrements sonores, par les agents de l'opérateur de transport et des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens individuellement désignés et dûment habilités par le représentant de l'État dans le département, ne sera possible que dans le cadre d'une réponse à une réquisition judiciaire ou dans le cadre d'une enquête technique définie par l'article L. 1621-2. 

« Les enregistrements comportant des données à caractère personnel, hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, ou d'une enquête technique prévue par l'article L. 1621-2, sont effacés au bout de trente jours.

« Ces enregistrements sont soumis selon les finalités à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ainsi qu'au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), ainsi qu'aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée transposant la directive n° 2016/680 du 27 avril 2016, dite directive « Police-Justice ».

« Le public est informé, par une signalétique spécifique, de l'équipement du moyen de transport d'un système de sonorisation. Une information générale du public sur l'emploi de ces systèmes est organisée par l'opérateur de transport.

« Les modalités d'application du présent article et d'utilisation des données collectées sont précisées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret précise les modalités d'exercice de leurs droits par les personnes concernées, ainsi que les mesures techniques mises en oeuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux enregistrements sonores. »

M. Pierre Jean Rochette.  - Les systèmes d'écoute existent déjà, notamment dans les autobus : les conducteurs peuvent actionner une pédale pour permettre l'écoute par les centres de supervision. C'est un atout pour éviter des drames.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°25, présenté par Mme Josende.

Mme Lauriane Josende.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°31 rectifié bis, présenté par M. Szpiner, Mme Lavarde, MM. Pellevat, Khalifé et Burgoa, Mme Dumas, MM. Rapin, H. Leroy, Frassa, Mandelli, Brisson et Somon, Mme Joseph, MM. Belin, J.P. Vogel et Laménie, Mmes M. Mercier et Imbert, M. Anglars, Mmes Lassarade et Belrhiti et MM. Klinger, Bouchet et Meignen.

M. Khalifé Khalifé.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°35 rectifié, présenté par Mmes Florennes et Gatel et MM. Marseille et Longeot.

Mme Isabelle Florennes.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°60 rectifié, présenté par Mmes Carrère-Gée et Aeschlimann, MM. Anglars et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Dumas, Evren, Goy-Chavent et Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mmes Lassarade et Lavarde, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Pellevat et Piednoir, Mme Primas et MM. Sautarel et Somon.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après la section 1 du chapitre II du titre III du livre VI de la première partie du code des transports, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis

« Captation et enregistrement du son

« Art. L. 1632-2-1. - Les opérateurs de transport public de voyageurs sont autorisés à mettre en oeuvre un système consistant en la captation, la transmission et l'enregistrement du son dans les matériels roulants qu'ils exploitent.

« La captation et l'enregistrement du son ne sont pas permanents.

« Les traitements prévus au présent article ont exclusivement pour finalité d'assurer :

« 1° Le traitement en temps réel des incidents ou atteintes affectant la sécurité des personnes présentes dans les matériels roulants ;

« 2° Le secours aux personnes ;

« 3° En différé, l'analyse d'un incident ou d'un accident en réponse à une réquisition judiciaire.

« L'accès en temps réel, par le poste de contrôle et de commandement de l'opérateur de transport ou des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, aux données sonores captées n'est autorisé qu'en cas de déclenchement d'une alarme, volontaire ou automatique.

« L'accès aux enregistrements sonores, par les agents de l'opérateur de transport et des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens individuellement désignés et dûment habilités par le représentant de l'État dans le département, ne sera possible que dans le cadre d'une réponse à une réquisition judiciaire. 

« Les enregistrements comportant des données à caractère personnel, hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, sont effacés au bout de trente jours.

« Ces enregistrements sont soumis selon les finalités à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ainsi qu'au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), ainsi qu'aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée transposant la directive n° 2016/680 du 27 avril 2016, dite directive « Police-Justice ».

« Le public est informé, par une signalétique spécifique, de l'équipement du moyen de transport d'un système de sonorisation. Une information générale du public sur la finalité et l'emploi de ces systèmes est organisée par l'opérateur de transport.

« Les modalités d'application du présent article et d'utilisation des données collectées sont précisées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret précise les modalités d'exercice de leurs droits par les personnes concernées, ainsi que les mesures techniques mises en oeuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux enregistrements sonores. »

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Cet amendement reprend le dispositif sur les captations sonores, mais en le limitant soit à une écoute en temps réel pour porter secours à une personne, soit a posteriori dans le cadre d'une réquisition judiciaire -  ce qui exclut les enquêtes techniques.

Mme la présidente.  - Amendement n°73 rectifié bis, présenté par M. Tabarot.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I.  -  À titre expérimental, les opérateurs de transport public de voyageurs sont autorisés à mettre en oeuvre un système consistant en la captation, la transmission et l'enregistrement du son dans les véhicules qu'ils utilisent dans le cadre de services réguliers de transport public de voyageurs par autobus et autocars.

Les enregistrements du son ont pour finalités d'assurer la prévention, la compréhension et le traitement des incidents ou atteintes affectant la sécurité des conducteurs des services mentionnés au premier alinéa du présent I et le secours à ces personnes.

La captation, la transmission et l'enregistrement du son ne sont pas permanents et sont limités à l'environnement immédiat du conducteur. Une annonce sonore indique le début de la captation, sauf si les circonstances ne le permettent pas. 

L'accès en temps réel, par le poste de contrôle et de commandement de l'opérateur de transport ou des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, aux données sonores captées n'est autorisé que pour les finalités prévues deuxième alinéa du présent I.

La consultation des enregistrements sonores, par les agents de l'opérateur de transport et des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens individuellement désignés et dûment habilités par le représentant de l'État dans le département, n'est possible que dans le cadre d'une réponse à une réquisition judiciaire.

Les enregistrements comportant des données à caractère personnel, hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, sont effacés au bout de trente jours.

Ces enregistrements sont soumis, selon les finalités, à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ainsi qu'au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).

Les modalités d'application du présent article et d'utilisation des données collectées sont précisées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret précise les modalités d'exercice de leurs droits par les personnes concernées, ainsi que les mesures techniques mises en oeuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux enregistrements sonores.

II.  -  Le I est applicable à compter du 1er juillet 2024 pour une durée de deux ans.

III.  -  La mise en oeuvre de l'expérimentation fait l'objet d'un rapport d'évaluation remis au Parlement au plus tard six mois avant la fin de la durée mentionnée au II.

M. Philippe Tabarot.  - Je remercie les collègues ayant présenté des amendements de rétablissement. Compte tenu de mes échanges avec la commission des lois, je propose un amendement de repli. Pierre Jean Rochette a rappelé l'exposition des conducteurs de bus -  voyez ce qui s'est passé à Bayonne. Je propose qu'ils puissent activer discrètement la captation, dans leur environnement immédiat, en cas de menace sur leur personne.

Combiné à l'amendement sur les caméras-piétons, cet amendement leur apportera la sécurité qu'ils méritent.

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Pierre Jean Rochette.  - Excellent !

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Sagesse sur l'amendement n°73 rectifié bis, expérimental et le plus robuste juridiquement, même si j'ai un doute sur les trente jours de conservation. Avis défavorable aux autres amendements.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Sagesse sur l'amendement n°73 rectifié bis, avis défavorable aux autres.

Les amendements nos4 rectifié sexies, 25, 31 rectifié bis, 35 rectifié et 60 rectifié sont retirés.

M. Jacques Fernique.  - Cet amendement rétablit l'article 11, mais dans une version notoirement différente : la captation concernait l'ensemble du matériel roulant, avec annonce sonore aux passagers.

M. Philippe Tabarot.  - Merci de cette précision !

L'amendement n°73 rectifié bis est adopté.

L'article 11 est ainsi rétabli.

Article 12

Mme la présidente.  - Amendement n°36, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Dossus, Fernique, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Supprimer cet article.

M. Guy Benarroche.  - L'article 12 réprime un panel de comportements, de la mendicité au vapotage en dehors des zones autorisées, en passant par l'absence de titre de transport, la détention d'une arme à feu ou le franchissement d'une voie. Tous ces faits sont punis des mêmes six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende.

Cet article contrevient au principe de proportionnalité des peines : mendier, uriner, cracher sont punis de la même peine que le port d'une arme à feu et le refus d'obtempérer... Certains comportements relèvent de l'incivilité, non de la sécurité. Le Conseil constitutionnel risque donc de censurer ces dispositions au regard du principe de proportionnalité des peines.

En outre, l'article L. 2242-4 du code des transports punit déjà certaines de ces peines, comme la circulation sur les voies.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°66, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Pierre Barros.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°77 rectifié, présenté par M. Chaillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Christophe Chaillou.  - La loi pénale doit respecter le principe de proportionnalité. Il n'est pas sérieux de faire basculer tous ces faits dans la sphère délictuelle, alors même que certains d'entre eux sont déjà sanctionnés. L'exposé des motifs mentionne des faits allant du terrorisme au fait de fumer sur les quais ou de cracher par terre... Tout est mélangé, rien n'est toléré.

Les mendiants étaient punis de trois mois de prison dans le code pénal de 1810, délit abrogé avec l'entrée en vigueur du nouveau code pénal. Vous proposez maintenant six mois de prison : on progresse...

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - L'article 12 crée un nouveau délit d'incivilité d'habitude. Avis défavorable à ces amendements, alors que la lutte contre les incivilités est un enjeu de politique publique. Il y va de l'attractivité des transports, donc du report modal et de la transition écologique. Les incivilités sont un irritant mal appréhendé par le droit pénal existant. Ainsi, 305 000 actes d'incivilité ont été recensés en 2023 sur le réseau SNCF, contre 96 000 en 2015. Leur répétition mérite une sanction dissuasive. Avis défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Ce délit d'habitude repose sur des comportements hétéroclites, de gravité variable, parfois définis en des termes très généraux... Ce délit mériterait d'être réservé aux comportements les plus graves. Sagesse.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Sagesse, pour le Gouvernement, ça veut désormais dire « défavorable ».

M. Guy Benarroche.  - Pour certains de ces délits, le code des transports prévoit déjà une peine d'amende, différente, de 3 750 euros. Qui plus est, la commission des lois appelle souvent à simplifier le droit, dans nos fameuses lois Balai. Or l'article 12 prévoit des renvois vers cet article au code des transports, hors les cas où ces faits sont intentionnels. Mais cette dernière notion est absente du code ! Tout cela est incompréhensible.

Les amendements identiques nos36, 66 et 77 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°37, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Dossus, Fernique, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés : 

...) Les mots : « de six mois d'emprisonnement et » sont supprimés ;

...) Le nombre : « 7500 » est remplacé par le nombre : « 3 750 » ;

M. Guy Benarroche.  - Repli. Il s'agit de réduire les peines prévues dans cet article fourre-tout. Faire entrer ces incivilités dans le droit pénal, c'est déjà trop. La rédaction laisse en outre trop de marge à l'arbitraire. Les peines concernent indifféremment le port d'arme et l'oubli d'étiquetage des bagages, ou encore l'ivresse ! Inclure la mendicité est, enfin, particulièrement problématique.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis défavorable. L'amendement atténue le quantum de peines, or la commission est attachée à l'effet dissuasif de ce délit.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - La peine initiale est sévère, mais votre amendement aurait pour effet de bord d'atténuer la peine existante relative à la non-validité du titre de transport. Avis défavorable.

L'amendement n°37 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié sexies, présenté par MM. L. Vogel et Rochette, Mmes Bourcier et Lermytte, M. A. Marc, Mme L. Darcos et MM. Brault, V. Louault, Chevalier, Wattebled, Verzelen, Capus et Chasseing.

I.  -  Alinéa 4

Remplacer les mots :

l'une des

par le mot :

les

II. - Alinéa 34

Remplacer les mots :

une même infraction mentionnée aux 1° à 25° du présent article

par les mots :

les infractions mentionnées aux 1° à 25° du présent article, constatées lors d'opérations de contrôle distinctes

M. Pierre Jean Rochette.  - Cet amendement fragmente les sanctions, plutôt que de les globaliser : c'est la fragmentation contre la globalisation ! (Sourires)

Mme la présidente.  - Amendement identique n°74 rectifié bis, présenté par MM. Tabarot, Belin, Bouchet, Brisson, Burgoa, Courtial et Daubresse, Mme Demas, M. Dhersin, Mmes Dumas, Dumont, Estrosi Sassone, Herzog et Joseph, MM. Karoutchi, Khalifé, Lefèvre, H. Leroy, Longeot et Maurey, Mme Muller-Bronn, M. Paccaud, Mme Pluchet, MM. Rapin, Reynaud, Sautarel, Savin et Genet, Mme Valente Le Hir, MM. Grosperrin, Mandelli, Somon, Laugier et Chaize, Mmes Gosselin, M. Mercier et Imbert, M. P. Martin, Mme Garnier, M. Capo-Canellas, Mme Evren, MM. Anglars, Sido, Chevrollier et Pellevat, Mmes Belrhiti, de Cidrac et Aeschlimann, MM. S. Demilly, Fargeot, Meignen et Pernot et Mmes Borchio Fontimp, Micouleau et Malet.

M. Philippe Tabarot.  - Je retire mon amendement au profit de l'amendement n°57 rectifié.

L'amendement n°74 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°57 rectifié, présenté par Mmes Carrère-Gée et Aeschlimann, MM. Anglars et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Dumas, Evren, Goy-Chavent et Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mmes Lassarade et Lavarde, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Pellevat et Piednoir, Mme Primas et MM. Sautarel et Somon.

Alinéa 34

Remplacer les mots :

une même infraction mentionnée aux 1° à 25 ° du présent article

par les mots : 

une même infraction, ou de plus de dix contraventions pour des infractions différentes parmi celles mentionnée aux 1° à 25° du présent article

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Le minimum de cinq répétitions de la même infraction risque d'être peu opérant : nous proposons aussi une sanction à partir de dix infractions non identiques.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - La rédaction actuelle assure la proportionnalité de la peine. La création de ce délit est déjà un pas important ; jusqu'ici, la récidive de ces infractions n'était en effet pas sanctionnée en tant que telle.

La fongibilité que vous proposez est actuellement interdite dans notre droit pénal, et sa constitutionnalité est mal assurée. Commençons par faire vivre ce nouveau délit : avis défavorable à ces amendements, prématurés.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Sagesse.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je ne sais pas si on a pleinement conscience de l'usine à gaz que l'on crée. Aujourd'hui, voyager sans titre est une contravention. Réitérer est un délit d'habitude.

Vous proposez d'identifier une liste d'infractions de gravité inégale, sanctionnées en cas de répétition. Il faudra donc un fichage : un répertoire pour ceux qui détériorent les étiquettes, un autre pour ceux qui fument, un autre encore pour qui s'assied à une place déjà réservée... Tout cela n'a aucun sens !

M. Jacques Fernique.  - Je comprends que vous soyez tentés, chers collègues, par la création de ce délit... Mais le ministre l'a dit : cette liste est hétéroclite ! Soupesez-la... Des faits relèvent de l'incivilité, d'autres mettent en cause la sécurité des transports. Aujourd'hui, ils sont sanctionnés par des avertissements et des rappels à l'ordre.

M. Philippe Tabarot.  - Et cela fonctionne bien ?

M. Jacques Fernique.  - Plus ou moins... Ce matin, un voyageur roulait à vélo dans la gare, car il avait peur de rater son train : il a suffi qu'un agent lui fasse signe de descendre pour qu'il obtempère. Imaginez que l'agent ait dû sortir son carnet, compiler la présence de cinq infractions identiques, ou de dix différentes, pour pouvoir lui appliquer la peine que vous avez prévue... Imaginez-vous une seule seconde que ce sera appliqué ? Voyez ce qu'il en est de la récidive en cas de fraude !

M. Philippe Tabarot.  - Les acteurs de terrain demandent cette mesure. Ils pensent donc être capables de le faire. (Protestations sur les travées du GEST) Bien sûr, les agents sauront quand et comment intervenir ou ne pas intervenir...

Je vais peut-être agacer Marie-Pierre de La Gontrie : vous êtes dans la culture de l'excuse ! (Protestations à gauche)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous n'avez rien compris !

M. Philippe Tabarot.  - Nous souhaitons la tolérance zéro !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Est-ce que ça marche ?

M. Philippe Tabarot.  - Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur des actes qui agacent nos concitoyens ! (Les protestations à gauche continuent ; Mme Marie-Pierre de la Gontrie montre ses oreilles pour indiquer à M. Philippe Tabarot qu'il n'a pas écouté.) Pensez-vous que cela fonctionne bien ?

Mme Audrey Linkenheld.  - Vous caricaturez ce que nous disons !

M. Philippe Tabarot.  - C'est d'un autre temps ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Pierre Jean Rochette.  - Nous devons faire confiance au terrain, comme l'a dit Philippe Tabarot. Il n'y aura pas d'ayatollah courant après les voyageurs pour les verbaliser coûte que coûte ! Sur le terrain, la bienveillance et le bon sens priment. Il n'y a donc pas de problèmes à adopter ces deux amendements.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est inapplicable ! Prenons les paris !

M. Pierre Jean Rochette.  - Votons-les, et nous verrons. Aucun agent ne fera du chiffre !

M. Guy Benarroche.  - Monsieur Tabarot, vous nous prêtez une culture que nous n'avons pas. En revanche, vous revendiquez celle de la tolérance zéro. Mais celle-ci n'a de sens que quand elle est appliquée. Sans cela, vous parvenez au résultat inverse. (Marques d'approbation sur les travées du groupe SER) Il est impossible de mettre en place des registres pour chaque type d'infraction commise. Pierre Jean Rochette, qui croyait aller dans votre sens, l'a bien involontairement démontré : les agents n'appliqueront pas cette mesure... qui aboutit finalement à augmenter la tolérance !

M. Hussein Bourgi.  - Lorsqu'on légifère, il faut voter des lois qui seront appliquées. Si, comme moi, vous prenez le TGV pour rejoindre votre circonscription, vous devez constater aussi que fumer sur le quai est très répandu, y compris de la part des contrôleurs. À la gare de Lyon, les agents de la Suge sont les premiers à en griller une avec les voyageurs ! Je regarde ces amendements avec beaucoup de perplexité. Cherchons-nous à nous faire plaisir, ou à nous donner bonne conscience ? (M. Jérôme Durain applaudit ; marques d'approbation sur les travées du groupe SER.)

M. Pierre Jean Rochette.  - Je retire mon amendement au profit de l'amendement n°57 rectifié.

L'amendement n°3 rectifié sexies est retiré.

L'amendement n°57 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°82, présenté par Mme Bellurot, au nom de la commission des lois.

I.  -  Alinéa 11

Remplacer les mots : 

aux articles L. 2242-4-1 et L. 2242-4-2

par les mots : 

à l'article L. 2242-4-1 et les cas où ces faits sont commis dans les lieux et selon les circonstances prévus à l'article L. 2242-4-2

II.  -  Alinéa 17

Compléter cet alinéa par les mots :

relatives à l'entrée et à la circulation des véhicules, au stationnement et à l'arrêt d'un véhicule interdit ou gênant ou au paiement ou à la limitation de la durée autorisée du stationnement d'un véhicule

III.  -  Alinéa 30

1° Après les mots :

gaz ou

insérer les mots :

, à bord des trains dans lesquels l'acheminement des personnes et des véhicules s'effectue séparément,

2° À la fin, supprimer les mots :

, à bord des trains dans lesquels l'acheminement des personnes et des véhicules s'effectue séparément

IV.  -  Alinéa 32

Remplacer la référence :

le 10° de l'article L. 2242-4

par la référence :

l'article L. 1633-5

L'amendement rédactionnel n°82, sur lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°48, présenté par MM. Benarroche, Dossus et Fernique, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

M. Guy Benarroche.  - Je ne plaisanterai pas à propos de cet amendement supprimant l'alinéa 14 qui sanctionne la mendicité. Celle-ci est interdite dans les gares et les trains en vertu du décret du 22 mars 1942, prolongé par celui du 3 mai 2016 qui précise qu'il s'agit d'une contravention de 4e classe - disposition abrogée par le décret du 9 juillet 2019.

Vous nous proposez donc un retour en arrière en vous attaquant aux plus pauvres plutôt qu'à la pauvreté. Le législateur ne s'honore pas d'en faire même un délit. La ligue des droits de l'homme et la fondation Abbé Pierre attaquent systématiquement les arrêtés antimendicité, souvent avec succès.

La mendicité est le symptôme d'un mal que la sanction ne guérit pas. Rien dans sa délictualisation ne répond au problème de la pauvreté.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°67, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Pierre Barros.  - Cet article crée un délit de mendicité qui avait pourtant disparu en 1990. Dans la septième puissance mondiale, qui pourrait éradiquer la misère, répondre à la mendicité par la répression est un dramatique aveu d'échec : comment peut-on la considérer comme un délit ?

Mme la présidente.  - Amendement n°49, présenté par MM. Benarroche, Dossus et Fernique, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Cette mesure est mise en oeuvre de façon proportionnée en tenant compte de la vulnérabilité éventuelle de la personne, en fonction de son âge ou de son état de santé. Lorsque la personne vulnérable est sans domicile fixe, elle ne peut faire l'objet des mesures définies qu'à la condition que l'autorité dont relèvent les agents ait préalablement trouvé l'hébergement d'urgence décrit à l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles.

M. Guy Benarroche.  - Repli. Je prends souvent le train, dès que je peux, et non l'avion. À la gare Saint-Charles, il y a beaucoup de gens qui mendient ; je discute avec eux : leurs situations sont souvent dramatiques et il serait aberrant de les menacer d'amendes ou de peines de prison.

La mendicité dans les trains ne relève en rien de la sécurité, objectif de cette proposition de loi. Nous souhaitons l'application des dispositifs du code des transports, c'est-à-dire la mise à l'abri et l'accompagnement social des personnes concernées.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Nous n'avons pas créé de nouvelles infractions. Nous délictualisons leur répétition. (MM. Guy Benarroche et Jacques Fernique s'exclament.) Nous sommes donc défavorables à ces amendements.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Sur l'amendement n°49, avis défavorable.

Sur les amendements nos48 et 67, beaucoup de comportements hétéroclites sont visés par ces dispositifs. On aurait pu imaginer d'inclure la mendicité agressive, mais viser la mendicité en général est excessif. Avis favorable aux amendements de suppression.

M. Philippe Tabarot.  - Il faut éviter toute démagogie. (On ironise à gauche.) Il n'est pas question de réinstaurer un délit de mendicité.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Mais si !

M. Philippe Tabarot.  - Je rappelle que celle-ci est une contravention de 4e classe en application des articles R2241-16 et R3116-8 du code des transports. Nous voulons créer un délit d'habitude. Soyez honnête, et reconnaissez que nous ne rétablissons pas le délit.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est un délit !

M. Philippe Tabarot.  - Monsieur Benarroche, je vous conseille d'aller observer le travail des équipes de la RATP spécialisées dans le recueil des sans-abri, qui cherchent des solutions d'hébergement...

Une voix à gauche. - ... et n'en trouvent pas !

M. Guy Benarroche.  - Je le sais très bien ! J'ai vu travailler les équipes équivalentes à la Régie des transports marseillais (RTM) ! Vos propos sont contradictoires.

Si les promesses du Président de la République - plus personne dans la rue - avaient été tenues, je ne dirais rien. Mais les gens qui mendient le font nécessairement plusieurs jours d'affilée - à moins de gagner au loto ! Vous le reconnaissez : des agents de la RATP et de la RTM essaient de les mettre à l'abri ; d'autres les menaceraient de les envoyer en prison ? Ce n'est pas sérieux ! (Marques d'approbation à gauche ; Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Thomas Dossus applaudissent.)

Les amendements identiques nos48 et 67 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°49.

L'article 12, modifié, est adopté.

Article 13

Mme la présidente.  - Amendement n°75 rectifié bis, présenté par MM. Tabarot, Belin, Bouchet, Brisson, Burgoa, Courtial et Daubresse, Mme Demas, M. Dhersin, Mmes Dumas, Dumont, Estrosi Sassone, Herzog et Joseph, MM. Karoutchi, Khalifé, Lefèvre, H. Leroy, Longeot et Maurey, Mme Muller-Bronn, M. Paccaud, Mme Pluchet, MM. Rapin, Pellevat, Sautarel, Savin et Genet, Mme Valente Le Hir, MM. Grosperrin, Mandelli, Somon, Laugier et Chaize, Mmes Gosselin, M. Mercier, Imbert et Garnier, M. Capo-Canellas, Mme Evren, MM. Anglars, Sido, Chevrollier et Pernot, Mmes Aeschlimann et de Cidrac, MM. Fargeot, Meignen et Perrin et Mmes Micouleau, Malet et Borchio Fontimp.

Alinéa 4

Après les mots :

code pénal

insérer les mots :

et aux articles L. 2242-1 à L. 2242-10 du présent code

M. Philippe Tabarot.  - Cet amendement élargit la liste des délits couverts par l'interdiction de paraître dans les réseaux de transport, par exemple à l'encontre des personnes qui ont cherché à causer des collisions ou des déraillements.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis favorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Avis défavorable.

L'amendement n°75 rectifié bis est adopté.

L'article 13, modifié, est adopté.

Article 14

M. Olivier Jacquin .  - Nous voterons la suppression de cet amendement. On sait qu'il est pénible d'être dans un train en retard ; de plus, comme l'a rappelé Jean Castex, cela coûte l'équivalent d'un mois de fonctionnement de la ligne 8 !

Le délit non intentionnel d'oubli prévu dans le texte initial était disproportionné. La rapporteure a tenté de distinguer une forme d'oubli volontaire, sans préciser comment...

Ce n'est pas sérieux... pas plus que je n'étais sérieux lorsque j'ai proposé, à l'occasion de l'audition de M. Farandou, de faire exploser les bagages oubliés volontairement pour obtenir un effet pédagogique ! Si elles savent qu'elles risquent 3 750 euros d'amende, les personnes ayant oublié leur bagage ne viendront pas le chercher.

Mme la présidente.  - Amendement n°43, présenté par MM. Fernique, Benarroche et Dossus, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Supprimer cet article.

M. Jacques Fernique.  - Il faut traiter la plaie que représente l'oubli ou l'abandon de bagage, qui coûte à la RATP l'équivalent de l'interruption de fonctionnement pendant le mois de décembre de la ligne 8 du métro parisien.

Mais une telle amende est disproportionnée et contre-productive. Comment discerner le caractère intentionnel de l'abandon ? Cela ouvre la voie à des jugements discrétionnaires. En outre, le contrevenant sera d'autant moins incité à se faire connaître que l'amende est bien supérieure à la valeur de son bagage. Quelqu'un qui oublie son bagage se considère plus comme la victime de sa distraction que comme un contrevenant.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°78 rectifié, présenté par M. Chaillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Christophe Chaillou.  - Défendu !

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis défavorable. La RATP a signalé 2 269 objets abandonnés, dont 46 % ont interrompu le trafic, pour un total de 512 heures pour cette seule année. Nous ne pouvons pas rester passifs.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - L'imprudence ou la négligence est une exception dans notre droit pénal, limitée aux faits de violences. Avis favorable à la suppression. (On apprécie à gauche.)

M. Jacques Fernique.  - L'amende de 3 750 euros n'est pas une nouveauté. L'article L. 2242-4 du code des transports la permet déjà, si l'oubli a déclenché une interruption de trafic - mais M. Farandou nous a dit qu'elle n'était jamais appliquée, car disproportionnée.

Un levier efficace serait de parvenir à une culture de l'étiquetage systématique des bagages. Nous n'arriverons jamais à calquer le ferroviaire sur le fonctionnement des aéroports.

M. Philippe Tabarot.  - Cette question sur les bagages est l'objet de caricatures. Monsieur le ministre, je suis surpris par vos propos : on voit que vous êtes nouveau dans la fonction de ministre des transports ! (Sourires) Un seul oubli de bagage peut toucher 1 000 personnes ! Vous changerez d'avis après avoir reçu les nombreux courriers de voyageurs mécontents...

Par ailleurs, bien sûr qu'une personne récupérant rapidement son bagage ne sera pas concernée par les 3 750 euros. En outre, même dans ce cas, les amendes forfaitaires délictuelles sont bien inférieures.

Les oublis de bagage sont un vrai fléau ! Cette mesure est demandée par les opérateurs et les usagers.

Else Joseph l'a dit : il ne peut y avoir d'impunité totale pour les oublis, dès lors qu'ils ont de telles conséquences sur des milliers de personnes.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Je n'ai pas attendu d'être ministre des transports pour prendre le train ! (Sourires)

M. Philippe Tabarot.  - Attendez de recevoir des courriers !

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Ce qui m'intéresse, c'est l'efficacité. Ainsi, nous travaillons sur les brigades cynophiles pour les JOP.

M. Philippe Tabarot.  - Grâce à notre article 4 ! (M. Patrice Vergriete en convient.)

Les amendements identiques nos43 et 78 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°50 rectifié bis, présenté par Mme Guillotin, MM. Gold, Daubet, Guérini, Masset et Guiol, Mme Girardin, M. Roux, Mme Pantel, MM. Bilhac et Fialaire, Mme M. Carrère et M. Cabanel.

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

Mme Véronique Guillotin.  - Dans le même esprit, nous ne maintenons la sanction que si l'oubli est intentionnel. Il y a des contrôleurs bienveillants, dites-vous ? Sans doute, mais pas tous !

Il arrive à tout le monde d'oublier un bagage. Une amende de 2 500 euros reste disproportionnée.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°68, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Pierre Barros.  - Défendu !

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Avis favorable.

Les amendements identiques nos50 rectifié bis et 68 ne sont pas adoptés.

L'article 14 est adopté, de même que l'article 15.

Après l'article 15

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par MM. Capus, Rochette, Grand, Chasseing, Médevielle et Chevalier, Mmes L. Darcos et Paoli-Gagin, MM. Wattebled et A. Marc, Mme Bourcier, M. V. Louault, Mme Lermytte et MM. Brault, L. Vogel et Verzelen.

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 2241-1 du code des transports, après les mots : « la contravention d'outrage sexiste et sexuel, » sont insérés les mots : « le délit prévu à l'article L. 446-1 du code pénal, ».

M. Pierre Jean Rochette.  - Avec ses amendements nos5 rectifié et 6 rectifié, l'excellent sénateur Capus souhaite lutter contre la vente à la sauvette et la vente sans autorisation.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°51 rectifié bis, présenté par MM. E. Blanc et Lefèvre, Mme Aeschlimann, MM. Sautarel, Khalifé et Burgoa, Mmes M. Mercier et Gosselin, MM. Reichardt et Milon, Mme Imbert, MM. Sol, Genet, Somon, Reynaud, Piednoir, Paccaud et Pellevat, Mme Goy-Chavent, MM. Sido, Bouchet, de Nicolaÿ, Bruyen et Saury, Mmes Berthet, Lassarade et Primas, M. Belin, Mme Dumont, MM. Meignen et Cuypers et Mme Chain-Larché.

M. Khalifé Khalifé.  - C'est le même que le précédent.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par MM. Capus, Rochette, Grand, Chasseing, Médevielle et Chevalier, Mmes L. Darcos et Paoli-Gagin, MM. Wattebled et A. Marc, Mme Bourcier, MM. L. Vogel, Verzelen et Brault, Mme Lermytte et M. V. Louault.

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 2241-1 du code des transports, après les mots : « la contravention d'outrage sexiste et sexuel, » sont insérés les mots : « le délit prévu à l'article R. 644-3 du code pénal, ».

M. Pierre Jean Rochette.  - Défendu.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Demande de retrait. La loi de programmation et de réforme pour la justice satisfait vos amendements.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Même avis.

Les amendements identiques nos5 rectifié et 51 rectifié bis sont retirés, ainsi que l'amendement n°6 rectifié.

Chapitre V : Création d'un fichier administratif pour centraliser les auteurs d'infractions dans les transports

Mme la présidente.  - Amendement n°84, présenté par Mme Bellurot, au nom de la commission des lois.

Rédiger ainsi l'intitulé de cette division : 

Chapitre V : Transmission d'informations au ministère public

L'amendement rédactionnel n°84, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 16 est adopté.

Article 17

Mme la présidente.  - Amendement n°83, présenté par Mme Bellurot, au nom de la commission des lois.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, sans qu'une demande préalable soit nécessaire

L'amendement rédactionnel n°83, sur lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, est adopté.

L'article 17, modifié, est adopté.

Article 18

Mme la présidente.  - Amendement n°38, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Dossus, Fernique, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces agents informent expressément les personnes de leur droit de refuser la fouille et la palpation de sûreté.

M. Guy Benarroche.  - J'ai souvent défendu cet amendement... Il s'agit, en cas de fouille ou de palpation, que les agents informent les personnes de leur droit de refuser - droit dont elles n'ont pas toujours conscience. Il faut les en informer, puis s'assurer de leur consentement.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Le consentement exprès est déjà prévu. Avis défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Satisfait : retrait.

M. Guy Benarroche.  - Vous ne répondez pas à ma demande ! Il faut le consentement, mais aussi l'information du droit de refus. Je ne suis pas satisfait du tout, monsieur le ministre ! (Sourires)

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

L'article 18 est adopté.

Après l'article 18

Mme la présidente.  - Amendement n°70 rectifié bis, présenté par Mmes M. Mercier et Antoine, M. Belin, Mme Berthet, MM. Bouchet, Brisson, Bruyen, Burgoa, Cambier et Capo-Canellas, Mme Carrère-Gée, MM. Courtial et Delcros, Mmes Deseyne, Di Folco et Dumont, MM. Frassa et Genet, Mmes Guidez et Gosselin, M. Grosperrin, Mmes Imbert, Jacquemet, Josende et Joseph, M. Klinger, Mme Lassarade, MM. Lefèvre, H. Leroy et Levi, Mmes Lopez et Malet, MM. P. Martin et Maurey, Mme Micouleau, M. Pellevat, Mme Perrot, MM. Piednoir et Rapin, Mmes O. Richard et Romagny, MM. Saury, Sido et Sol, Mme Sollogoub, MM. Somon et Szpiner et Mme Vérien.

Après l'article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article 706-53-7 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;

2° après le mot : « régional », sont insérés les mots : « et les entreprises de transport public de personnes ».

Mme Marie Mercier.  - Les auteurs d'infractions sexuelles sont inscrits sur le Fijais, que les élus locaux peuvent consulter par l'intermédiaire du préfet pour s'assurer de l'honorabilité de personnes recrutées. Nous pourrions étendre ce dispositif aux entreprises de transport conduisant des mineurs. Émile Louis était conducteur de bus.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis très favorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - L'administration a déjà accès à ce fichier. Tel qu'il est rédigé, l'amendement n'est pas effectif, car les entreprises de transport ne prennent pas de « décisions administratives ». La navette y pourvoira. Sagesse.

L'amendement n°70 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

Article 19

Mme la présidente.  - Amendement n°39, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Dossus, Fernique, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Guy Benarroche.  - Supprimons le renvoi à un décret des modalités de sélection des personnes morales de droit privé collectant des données sensibles auprès des administrations publiques en vue de recouvrer les sommes dues par des contraventions.

Selon nous, cela doit dépendre d'agents assermentés. Pour le narcotrafic, aujourd'hui même, l'IGPN et les douanes nous ont montré combien ces précautions étaient importantes. Le renvoi au décret ne donne pas les garanties nécessaires. La loi doit fixer directement les conditions.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - L'amendement est inopérant, car ce décret est prévu par l'article L. 2241-2-1 du code des transports en vigueur. L'article 19 tel que rédigé par la commission se borne à en préciser le contenu, pour renforcer les garanties. Avis défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Avis favorable.

M. Olivier Jacquin.  - Selon la CFDT-sécurité, que j'ai auditionnée, les agents demandent plus de prérogatives. Je leur ai exposé les raisons constitutionnelles pour lesquelles nous ne souhaitions pas étendre le pouvoir des agents sur la voie publique. Nous voterons l'amendement.

L'amendement n°39 n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté.

Après l'article 19

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié septies, présenté par MM. L. Vogel et Rochette, Mmes Bourcier et Lermytte, M. A. Marc, Mme L. Darcos et MM. Brault, V. Louault, Chevalier, Wattebled, Verzelen, Capus, Chasseing et Malhuret.

Après l'article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code des transports est ainsi modifié :

1° L'article L. 2241-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « du contrevenant » sont remplacés par les mots : « de l'auteur de l'infraction » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « le contrevenant » sont remplacés par les mots : « l'auteur de l'infraction » et après le mot : « identité », sont insérés les mots : « et son adresse » ;

2° L'article L. 2241-10 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2241-10.  -  Les auteurs d'infractions aux dispositions du présent titre, à la contravention d'outrage sexiste et sexuel, au délit prévu à l'article 222-33-1-1 du code pénal ainsi que les contraventions prévues par les règlements relatifs à la police ou à la sûreté du transport et à la sécurité de l'exploitation des systèmes de transport ferroviaire ou guidé, doivent être en mesure de justifier de leur identité et de leur adresse à bord des véhicules de transport ou dans les espaces affectés au transport public de voyageurs, ou sur le domaine public ferroviaire. Ils doivent, pour cela, être porteurs d'un document attestant cette identité et cette adresse ; la liste des documents valables est établie par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des transports. En cas d'infractions aux règles tarifaires, l'obligation prévue au présent alinéa ne s'applique pas si les auteurs de l'infraction régularisent immédiatement leur situation. »

M. Pierre Jean Rochette.  - J'ai beaucoup souffert ce soir, mais je ne désespère pas de vous convaincre du bien-fondé de cet amendement qui étend l'obligation de justifier de son identité et de son adresse pour toute infraction liée à la police des transports.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°58 rectifié, présenté par Mmes Carrère-Gée et Aeschlimann, MM. Anglars et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Dumas, Evren, Goy-Chavent et Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mmes Lassarade et Lavarde, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Pellevat et Piednoir, Mme Primas et MM. Sautarel et Somon.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Défendu. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.)

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - L'extension nous semble très large et juridiquement fragile. Les emprises de transport restent des lieux publics ; il faut respecter l'équilibre du continuum de sécurité. Contrôleurs et agents de sûreté peuvent déjà relever l'identité des contrevenants et, en cas de refus, aviser un OPJ et obliger la personne à demeurer à disposition le temps nécessaire.

Les entreprises de transport peuvent subordonner le voyage à un titre de transport nominatif, document attestant de l'identité à l'appui.

Enfin, l'article 19 permettra de vérifier l'exactitude des adresses auprès de l'administration fiscale. Avis défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Même avis.

Mme Cécile Cukierman.  - Notre groupe ne pourra voter cette mesure, ni cette proposition de loi. L'insécurité dans les transports est une réalité à laquelle il faut s'attaquer, car il y va du droit à se déplacer - mais là, vous vendez du rêve ! Vous allez adopter un texte inapplicable ! Rien n'empêchera de mentir sur son titre de résidence, on ne réglera rien au problème ! Le meilleur moyen de sécuriser, c'est par la présence humaine. La première sécurité, c'est quand les transports sont occupés par beaucoup d'usagers.

M. Pierre Jean Rochette.  - Madame la rapporteure, les agents ont en effet le droit de relever l'identité. Cet amendement prévoit qu'ils puissent la vérifier, car les informations données sont souvent fausses !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - En réponse à Mme Cukierman, dont je partage d'ailleurs la philosophie, il s'agit ici de contraindre les auteurs d'infractions au code des transports à justifier de leur identité ! On n'empêche personne de voyager.

D'ores et déjà, vous devez pouvoir présenter une pièce d'identité si vous voyagez sans ticket de métro. C'est le seul moyen d'assurer des sanctions efficaces.

M. Marc Laménie.  - Ce texte est l'occasion d'un véritable débat de société. Les agents assermentés manquent de temps et de disponibilité. La sécurité, comme la lutte contre la fraude, exige d'importants moyens humains - je rejoins en cela la présidente Cukierman. Rien ne remplace la présence humaine dans les gares et les trains ! Je parle souvent avec les agents - c'est comme ça qu'on apprend. Avec des brigades de six ou sept, impossible pour eux d'être dans tous les trains.

Je suivrai la rapporteure, mais le sujet est important.

Les amendements identiques nos2 rectifié septies et 58 rectifié ne sont pas adoptés.

Vote sur l'ensemble

M. Philippe Tabarot .  - Je remercie mes collègues pour ce débat vivant, la commission des lois pour son travail, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable pour ses avis toujours avisés.

Je vous invite à voter cette proposition de loi, attendue par les acteurs de terrain qui risquent leur vie en première ligne, mais aussi par les usagers qui galèrent au quotidien. L'amélioration de la qualité de service passe par une offre accrue de trains, de trams et de bus ponctuels et sécurisés. Malgré nos divergences, nous avons au moins cela en partage. J'espère que cette proposition de loi voyagera jusqu'à l'Assemblée nationale, pour un vote définitif avant l'été. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Maryse Carrère .  - Face au manque d'efficacité du cadre juridique actuel, il faut octroyer aux agents les moyens de sécuriser les transports en commun.

Mais nous ne pouvons négliger l'équilibre entre sécurité et libertés publiques. La commission avait gommé des défauts du texte, supprimant les articles 10 et 11 et réécrivant l'article 1er. En revenant largement au texte initial, notre assemblée a rompu cet équilibre.

Certaines dispositions, comme l'élargissement du périmètre d'intervention aux abords immédiats des gares, sont attendues. Mais nous ne sommes plus majoritairement favorables au texte.

M. Jacques Fernique .  - Je rassure Philippe Tabarot : à défaut de voter son texte, nous partageons la volonté d'assurer la sûreté, qui contribue à l'attractivité des transports collectifs. En particulier, les violences sexistes et sexuelles doivent reculer.

Si nous divergeons, ce n'est pas que nous serions aveuglés par l'angélisme, mais parce que plusieurs des mesures proposées sont inapplicables. Après la loi Savary et la loi Sécurité globale, vous remettez l'ouvrage sur le métier - sans pour autant répondre aux réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel, en particulier sur la définition claire des délits. La proposition de loi ne reprend pas le triptyque prévention-dissuasion-répression. Le délit d'incivilité d'habitude est juridiquement confus.

Nous avons voté les articles 2, 4, 5, 8 ter, 15 et 17 : preuve que notre aveuglement n'empêche pas le discernement ! Mais notre groupe votera contre ce texte.

M. Christophe Chaillou .  - Nous sommes tous attachés à la sécurité des transports, sans angélisme ni idéologie. Nous avons abordé ce texte avec pragmatisme et salué les avancées de la commission des lois. Mais l'équilibre qu'elle avait rétabli n'existe plus. Je regrette certaines caricatures. Le texte est constitutionnellement fragile, en partie inapplicable et contraire aux libertés publiques. Avec regret, nous voterons contre.

M. Jean-François Longeot .  - Lutter contre les émissions de gaz à effet de serre suppose d'inciter nos concitoyens à emprunter les transports en commun. Pour cela, il faut qu'ils se sentent en sécurité dans les gares, dans le métro, dans les trains, dans les bus.

C'est l'objectif de cette proposition de loi, dont je remercie l'auteur. Nous avons auditionné des responsables de la SNCF et de la RATP, qui sont satisfaits. Je remercie la commission des lois de son travail, malgré nos divergences. Le groupe UC votera cette proposition de loi.

M. Guy Benarroche .  - Nous sommes pragmatiques. Et puisque nous défendons les transports en commun, nous écologistes, nous tenons à ce que la sécurité y soit assurée. Or certaines mesures votées ici, parfois contre l'avis de la commission des lois, sont de la poudre de perlimpinpin ! Les promesses ne seront pas tenues.

Les solutions sont ailleurs. Dans la communauté d'agglomération d'Aubagne, depuis que les transports en commun sont gratuits, c'est moins de contrôles, plus de fréquentation, moins d'incivilités ! Les gens ne demandent pas des mesures contre la mendicité dans les gares, mais des investissements ! Il faut aller plus vite, plus loin, plus fort !

M. Olivier Bitz.  - Les objectifs de cette proposition de loi sont louables, car la sécurité des transports en commun est une condition de leur fréquentation. Ce texte, qui va dans le bon sens, est d'ailleurs le dernier véhicule législatif susceptible d'être voté avant les JOP. Au regard du travail sérieux de la rapporteure, je suis gêné que la majorité sénatoriale ne l'ait pas suivie. Le RDPI choisit néanmoins de voir le verre à moitié plein et votera ce texte, tout en souhaitant que la navette revienne sur certaines dispositions excessives.

M. Pierre Jean Rochette.  - Ce débat riche et animé a reflété nos différentes réalités territoriales. C'est bien notre rôle.

Le faible succès de nos amendements ne m'empêche pas de saluer l'excellent travail de Philippe Tabarot. Nous sommes pressés de voir les résultats de cette proposition de loi sur le terrain, de la gare de Lyon Part-Dieu à celle de Saint-Étienne Châteaucreux. C'est une réussite et une fierté de voter ce texte, ce que feront les Indépendants.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - En guise de conclusion, le Gouvernement se réjouit du travail accompli par Philippe Tabarot et la commission des lois. La sûreté dans les transports est un sujet qui nous tient à coeur. Le Gouvernement a enclenché la procédure accélérée, afin que ce texte s'applique le plus rapidement possible. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains)

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°120 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l'adoption 227
Contre 109

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 14 février 2024, à 15 heures.

La séance est levée à minuit cinq.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 14 février 2024

Séance publique

À 15 heures, de 16 h 30 à 20 h 30, et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Patricia Schillinger

1. Questions d'actualité

2. Proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d'entreprise, présentée par M. Louis Vogel et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n°321, 2023-2024)

3. Proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales, présentée par M. Dany Wattebled, Mme Marie-Claude Lermytte et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n°325, 2023-2024)

4. Proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France, présentée par Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Sonia de La Provôté et M. Jérémy Bacchi (texte de la commission n°323, 2023-2024) (demande de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport)