SÉANCE

du mercredi 14 février 2024

63e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Patricia Schillinger.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je souhaite la bienvenue aux nouveaux ministres, qui apprendront qu'on est heureux au Sénat, où les débats sont parfois passionnés, mais toujours intéressants.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Prévisions de croissance

Mme Marie-Claire Carrère-Gée .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.) Le commerce extérieur est la mère des batailles, dites-vous ? Mais c'est la Bérézina ! Nous avons la deuxième plus mauvaise performance de l'histoire : 100 milliards d'euros de déficit, quand l'Allemagne a un excédent de 200 milliards, quand l'Italie aussi est en excédent. Nous sommes seuls à figurer sur tous les podiums : déficit extérieur, déficit public, chômage élevé.

Quelle dégringolade depuis votre arrivée au pouvoir ! Nous étions le deuxième exportateur agricole mondial, nous sommes aujourd'hui sixièmes. Nous importons désormais la plupart des molécules pharmaceutiques innovantes. Les véhicules électriques, aussi, plombent le déficit, qui a doublé.

Au nom d'une « mondialisation heureuse » illusoire, nous avons abîmé tous nos fleurons ; délibérément sacrifié le grand avantage compétitif du nucléaire. Seuls les avions et le luxe s'en sortent. Comment comptez-vous remettre debout l'économie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot et M. Franck Menonville applaudissent également.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - (« Ah ! » à droite) Depuis 2017, pour la première fois en trois décennies, les performances françaises de croissance sont supérieures à celles de l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Italie. (Marques d'ironie à droite)

M. Jean-François Husson.  - Tout va bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - La France a été la première à retrouver son niveau de croissance d'avant crise. (M. Olivier Paccaud s'exclame.)

En 2019, nous avons fait 1 % de croissance, comme prévu, alors que l'Allemagne était en récession. Pour la première fois en trente ans, nous créons de nouvelles filières industrielles. Existait-il des filières de batteries électriques en France il y a cinq ans ?

M. Jean-François Husson.  - Répondez à la question !

M. Philippe Bas.  - Et le commerce extérieur ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Aujourd'hui, nous avons quatre gigafactories. Nous avons décidé de réaliser six EPR. (M. Mickaël Vallet s'exclame ; M. Yannick Jadot ironise.) Aucune majorité ne s'était engagée dans cette voie. (Vives protestations à droite)

Certes, il y a des difficultés liées au ralentissement en Chine et à la remontée des taux d'intérêt. Mais face aux deux millions d'emplois créés, dont 100 000 emplois industriels, aux 628 usines ouvertes - une première depuis trente ans...

M. Philippe Bas.  - Et le commerce extérieur ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... je préférerais vous entendre saluer les performances des salariés, des entrepreneurs, des PME, des TPE et de tous ceux qui travaillent en France, plutôt que de les accabler. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - C'est une très bonne réponse, mais ce n'était pas ma question. (Rires à droite) Le commerce extérieur est l'épreuve de vérité. Le déclassement est en marche, les marges de manoeuvre ont été mises à mal par le « quoi qu'il en coûte ». Il est temps d'agir pour retrouver notre croissance et notre souveraineté ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Franck Menonville, Alain Duffourg et Philippe Folliot applaudissent également.)

M. Jean-François Husson.  - Bravo !

Secrétaires de mairie

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Monsieur le ministre de la fonction publique, l'attachement des Français aux communes n'est plus à démontrer.

Une voix à droite. - Allô !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Ces petites patries font notre grande nation. Nous savons combien les élus y oeuvrent d'arrache-pied, épaulés par les indispensables secrétaires de mairie. Pourtant, ces femmes et ces hommes sont isolés, malgré leur engagement, peu reconnus alors qu'ils sont connus de tous dans la commune.

Grâce au Sénat... (marques d'ironie à droite) justice leur a été rendue : grâce au rapport de Cédric Vial (acclamations à droite), à la proposition de loi de Céline Brulin, à la proposition de loi de François Patriat qui leur offre une meilleure progression indiciaire et une formation qualifiante. Mais ce n'est qu'un point de départ ! Il faut faire vivre ce texte sur le terrain par des mesures réglementaires.

Vous vous étiez engagé à associer le Parlement. Comment, et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit également.)

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - Vous connaissez ma détermination à revaloriser le métier de secrétaire général de mairie -  elle est partagée par tous ici. Leur rôle est vital, les difficultés de recrutement sont réelles.

La loi que vous avez votée acte qu'il s'agit d'un métier de catégorie B au moins et améliore le déroulement des carrières. Mais elle ne suffit pas. Je m'engage donc à faire paraître rapidement les décrets, notamment sur les plans de requalification ou l'accélération des carrières. Je réunirai un groupe de suivi parlementaire, où tous les groupes seront représentés. Nous présenterons les décrets au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale en avril.

Je m'engage à poursuivre le travail avec les employeurs territoriaux, les centres de gestion, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) pour adopter une charte d'engagement, notamment sur la mutualisation et la formation. Le combat continue ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Cédric Chevalier applaudit également.)

Interdiction de la benfluraline

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La filière de la chicorée, comme celle de l'endive, fait partie du patrimoine du Nord : nos deux cents planteurs et torréfacteurs possèdent une technologie performante garantissant des produits sains et de qualité. Ces filières assurent la quasi-totalité de la production nationale et un quart de la production mondiale.

Or le règlement d'exécution 2023/149 de la Commission européenne du 20 janvier 2023 ne renouvelle pas l'autorisation des produits à base de benfluraline, dont le Bonalan, utilisé notamment pour lutter contre l'invasion des chénopodes. L'autorisation de mise sur le marché a été retirée et les stocks pourront être utilisés jusqu'au 12 mai 2024 - demain. Il n'y a pourtant aucune alternative, sinon l'arrachage manuel, très coûteux en main-d'oeuvre. La survie de la filière est menacée.

La ministre déléguée de l'agriculture nous a promis hier qu'il n'y aurait pas d'interdiction sans solution. Ne peut-on prendre une dérogation pour surseoir à la décision en attendant une alternative ? Ne laissons pas la chicorée indienne, à mille lieues de nos exigences environnementales, prendre la place de notre chicorée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mmes Isabelle Florennes, Évelyne Perrot et Sophie Primas applaudissent également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Les filières endive et chicorée ont une valeur patrimoniale, mais aussi économique. L'inquiétude est légitime.

Cette situation ne vient pas d'une surtransposition française mais d'une décision européenne, qui ne peut être annulée que par une autre décision européenne. Or je n'ai jamais vu de retour en arrière sur ce type de sujet. (Mme Sophie Primas s'exclame.)

Nous avons toutefois fait en sorte que l'utilisation de cet herbicide soit possible pour la saison 2024.

Pour 2025, nous avons engagé des travaux avec la Direction générale de l'Alimentation (DGAL) afin de trouver des alternatives et lançons un programme de recherche avec l'interprofession. Nous savions qu'il y avait un risque d'interdiction, nous devons trouver des solutions comme le désherbage mécanique.

Il faut retrouver des perspectives pour 2025 et après. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; Mme Audrey Linkenheld s'exclame.)

Droit du sol à Mayotte (I)

M. Bernard Fialaire .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Vous avez promis la fin du droit du sol à Mayotte - une mesure « radicale », selon Gérald Darmanin. Pour un radical comme moi, comme pour tous les républicains radicaux, la question se pose : pourquoi une telle exception ? Certes la situation est difficile dans ce département dont la population exprime une colère légitime, et nous avons un devoir de solidarité envers ce territoire qui a choisi la France.

Il faudrait renforcer le partenariat avec les Comores et inscrire l'île dans son contexte régional, pour un développement concerté. Annick Girardin a ainsi proposé la création d'un hôpital extraterritorial avec un double registre de nationalité. Y ajouter la suppression du droit du sol, ce serait fracturer la République et créer un dangereux précédent.

Pour l'auteure comorienne Touhfat Mouhtare, « les petites îles de l'océan Indien ont pris des chemins séparés, mais restent des soeurs de sang ». Le droit du sol est-il vraiment le facteur d'attractivité des migrants ? S'il le faut, réinterrogeons un statut particulier pour Mayotte, avec Mayotte, sans compromettre les fondements de la République. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST, des groupes SER et CRCE-K ; plusieurs « Très bien » à gauche)

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des outre-mer .  - Mayotte sort d'une crise de l'eau et connaît une crise majeure liée à une immigration provenant tant des Comores, à 70 km, que de l'Afrique des Grands Lacs. Avec Gérald Darmanin, nous avons annoncé sur place des mesures exceptionnelles - une réponse unique à une situation unique.

En effet, ces mesures devront être complétées. C'est pourquoi nous avons déposé un projet de loi d'urgence pour Mayotte, qui portera sur l'immigration et la sécurité, mais aussi sur l'économie, l'équipement, l'éducation et la santé - nous pourrons donc examiner les propositions d'Annick Girardin.

Nous avons adressé un courrier aux élus et collectifs mahorais rencontrés dimanche.

M. Mickaël Vallet.  - Aux milices, oui !

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée.  - Nous devons lever les barrages et faire revenir le calme à Mayotte. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Une voix à droite.  - Pas qu'à Mayotte !

Droit du sol à Mayotte (II)

Mme Corinne Narassiguin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Mayotte, département le plus pauvre de France, connaît un nouveau pic de tension : barrages routiers, violence quotidienne. De nombreux jeunes, exclus du système scolaire, sans parents et sans repères, sont livrés à la délinquance.

En 2018, au mépris du principe d'indivisibilité de la République, votre Gouvernement a durci le droit du sol à Mayotte, sans que cela n'ait le moindre impact sur le nombre d'arrivées...

Une voix à droite. - Ah bon ?

Mme Corinne Narassiguin.  - Cela n'a fait qu'augmenter la précarité, comme les visas territorialisés. À rebours du choix des Mahorais pour la départementalisation, vous leur promettez de différencier encore le droit de la nationalité, comme à l'époque coloniale. (Marques d'indignation à droite)

En quoi la suppression du droit du sol à Mayotte améliorera-t-elle la situation sociale, sanitaire, économique et sécuritaire du département ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et sur quelques travées du GEST)

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des outre-mer .  - La Constitution permet d'adapter nos lois et nos règlements à nos spécificités territoriales, notamment outre-mer, y compris sur des questions d'immigration.

À Mayotte, 90 % des titres de séjour sont liés à la vie familiale. Ce message dissuadera les femmes qui quittent les Comores, parfois au péril de leur vie, pour accoucher à Mayotte et obtenir un titre de séjour. (Protestations à gauche ; Mme Cécile Cukierman s'exclame.) C'est difficile, mais à situation unique, réponse unique.

Nous avons pris d'autres engagements : opération Wuambushu II avec un décasage qui a libéré 700 habitations et l'arrestation de soixante chefs de bande ; 100 millions d'euros pour lutter contre la crise de l'eau ; 190 millions d'euros pour les établissements scolaires d'ici à 2027 ; le doublement des crédits pour les routes.

Notre réponse est plus complexe que votre caricature. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

Mme Cécile Cukierman.  - Marine Le Pen vous dit merci !

Mme Corinne Narassiguin.  - Ces femmes ne vont pas à Mayotte seulement pour accoucher, mais pour fuir la misère et parfois la répression. (Marques d'ironie à droite ; M. Stéphane Ravier s'exclame.) Lutter contre l'immigration, c'est lutter contre ses causes politiques, économiques, sociales et bientôt climatiques par la coopération et le co-développement.

Au lieu de cela, vous fracturez les principes républicains, faisant triompher les opinions xénophobes et racistes de Marine Le Pen et Jordan Bardella. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST et du groupe CRCE-K ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre.  - Scandaleux !

École publique

Mme Marie-Claude Varaillas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Après deux journées de grève et deux votes unanimes du Conseil supérieur de l'éducation contre la réforme du « choc des savoirs » et des lycées professionnels, vous persistez, madame la ministre, à vouloir remettre en cause le collège unique. Il en résultera une école à deux vitesses : celle du tri social derrière les groupes de niveau.

Ne pensez-vous pas que l'urgence est ailleurs ? Après des années de moyens insuffisants et de réformes contradictoires, l'école publique est au bord de l'effondrement. Partout, les enseignants sont en colère et les personnels de direction, fatigués. Plus de 3 000 postes n'étaient pas pourvus à la rentrée dernière et les démissions atteignent un niveau inédit. Selon le Conseil supérieur des programmes, 328 000 postes seront à pourvoir d'ici à 2030.

Je vous alerte avec gravité : c'est le maintien de la continuité du service public de l'éducation qui est en jeu. Comment comptez-vous, au vu de la situation actuelle, faire face à votre intenable promesse des groupes de niveau au collège ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER et du GEST)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. .  - Toutes les enquêtes internationales le montrent : l'efficacité de notre collège n'est pas optimale. Certes, les mesures prises depuis 2017 dans le primaire n'ont pas encore produit leurs effets, mais nous voyons bien que les résultats scolaires sont insuffisants ; pis, ils restent corrélés à l'indice socioéconomique des élèves.

C'est la raison pour laquelle mon anté-prédécesseur a décidé un choc des savoirs : je m'inscris pleinement dans cet objectif.

L'inspection générale de l'éducation nationale a rendu un rapport sur le sujet, et 230 000 enseignants ont répondu aux questions qui leur ont été adressées. Le constat est clair : les professeurs ne peuvent pas continuer à gérer une si grande hétérogénéité.

Pour traiter cette hétérogénéité, je mettrai en place au collège des groupes permettant de prendre en charge la différenciation des élèves. (M. Pierre Ouzoulias en doute.) De petits groupes seront constitués pour les élèves les plus en difficulté.

En outre, nous modifierons la formation initiale et continue des enseignants, pour recruter plus aisément. Tous nos corps d'inspection accompagneront les professeurs et les chefs d'établissement dans cette démarche. Moi-même, je serai pleinement engagée pour faire évoluer notre système éducatif dans ce sens. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; Mme Silvana Silvani s'exclame.)

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Notre école a besoin de moyens substantiels : pour que nos élèves réussissent, il faut plus d'enseignants, mieux rémunérés et devant des classes moins chargées.

Or, depuis 2017, 8 000 postes ont été supprimés. À l'heure où la mixité sociale fait cruellement défaut, votre choc des savoirs séparera les élèves et creusera davantage encore les inégalités.

Cinq ministres en moins de deux ans : la communauté éducative attend enfin une boussole pour notre école publique ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe SER et du GEST)

Piratage des numéros de sécurité sociale

Mme Nathalie Goulet .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Olivier Bitz applaudit également.) J'interroge le ministre de la santé, mais ma question concerne aussi celui des comptes publics.

Notre base de données des assurés sociaux est déjà - comment dire ? - peu fiable. D'après le dernier rapport de l'inspection générale des finances (IGF), le nombre de bénéficiaires dépasse les 73 millions, pour 60 millions de Français. Et l'IGF de préciser : « l'exploration de l'écart entre les deux dénombrements semble aporétique... »

Mais, en plus de cela, les organismes de protection sociale font l'objet d'un piratage en règle : 33 millions de données piratées sur la gestion du tiers payant, 10 millions de personnes piratées à France Travail. Arnaqueurs, fraudeurs et usurpateurs d'identité ont ainsi accès à de multiples données personnelles, dont le numéro d'inscription au répertoire des personnes physiques (NIR), le « sésame, paie-moi » de toute prestation.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour protéger les assurés et le contribuable de ce pillage ? Compte tenu de cette situation apocalyptique, allez-vous suspendre votre projet de versement automatique des prestations en attendant que la base des bénéficiaires soit sécurisée ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP ; M. Olivier Bitz applaudit également.)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Je vous remercie de soulever cette question sensible, remise en lumière par les cyberattaques ayant visé Viamedis et Almerys.

Pas moins de 33 millions d'assurés ayant contractualisé avec ces opérateurs ont vu leur compte piraté : les données liées à la carte Vitale n'ont pas été touchées, mais les dates de naissance, numéros de sécurité sociale et contrats souscris l'ont été. Ces deux opérateurs ont déposé plainte et encouragé leurs adhérents à faire de même.

La Cnil et l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) mènent une enquête ; nous en examinerons les résultats avec la plus grande attention.

Le Gouvernement ne détourne pas le regard de ce problème : un programme a été lancé en décembre dernier, commun aux ministères de la santé et des affaires numériques, pour auditer la sécurité des comptes.

Le Gouvernement n'abandonnera pas le projet de transfert de charges sur les cotisations sociales. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Nathalie Goulet.  - J'avais des raisons de ne pas être tellement rassurée... (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains)

Vous allez donc procéder à des paiements directs sans aucune vérification de la base de données. Pourtant, Gabriel Attal, alors ministre des comptes publics, avait lancé un plan ambitieux de lutte contre la fraude. (M. Gabriel Attal renchérit.) Il faut y revenir, d'autant que notre situation budgétaire n'est pas si florissante. Commençons par expertiser le service administratif national d'identification des assurés (Sandia) et le NIR.

La cerise sur le gâteau, c'est l'hébergement des données chez Microsoft, avec l'extraterritorialité américaine : difficile de faire pire ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ainsi que sur plusieurs travées des groupes INDEP, SER et CRCE-K et du GEST)

M. Mickaël Vallet.  - En effet, c'est une honte !

Crise humanitaire à Gaza

M. Akli Mellouli .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) À Gaza, on ne soigne plus : on ampute.

C'est la réalité insoutenable dont m'a fait part le médecin humanitaire Raphaël Pitti, à Rafah, il y a quelques jours. Lui qui est intervenu en Syrie, en Ukraine et sur bien d'autres fronts n'a jamais vu une telle horreur.

Dix mille orphelins, vingt-sept mille Palestiniennes et Palestiniens tués : ces chiffres interpellent notre humanité. Notre pays fait preuve d'une prudence complice devant le plus grand massacre de ce siècle. (Exclamations sur certaines travées à droite) Un peu d'humanisme, ça vous fera du bien ! (Protestations indignées à droite et sur certaines travées au centre)

Le parti pris et le double standard flagrants de notre pays lui font perdre toute légitimité à diffuser un message de portée universelle.

Alors qu'une offensive terrestre se prépare sur Rafah, comment le Gouvernement compte-t-il oeuvrer pour un cessez-le-feu et prévenir ce que la Cour internationale de justice qualifie de risque génocidaire ? Allez-vous, par exemple, décréter un embargo sur les armes ? Et alors que l'aide humanitaire est bloquée, que fera la France pour éviter la « catastrophe humanitaire indescriptible » que prévoit Josep Borrell ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE-K)

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement et des partenariats internationaux .  - Stéphane Séjourné, ne pouvant être présent, m'a chargée de vous répondre.

Nous réitérons notre grande inquiétude face aux frappes israéliennes à Rafah. La catastrophe humanitaire à Gaza doit cesser : le ministre l'a clairement dit au Premier ministre israélien début février.

Rafah est le refuge de plus de 1,3 million de personnes. Une offensive israélienne créerait une situation intenable et aggraverait la crise humanitaire de façon injustifiable.

Nous appelons de nouveau à l'arrêt des combats. Israël doit prendre des mesures concrètes pour protéger les civils.

De notre côté, nous nous mobilisons pour faciliter l'évacuation de nos ressortissants et de ceux qui ont travaillé pour la France - quarante-deux personnes supplémentaires ont pu quitter Gaza il y a quelques jours.

L'avenir des Gazaouis ne peut s'inscrire que dans un État palestinien vivant en paix et en sécurité à côté d'Israël. La détermination de la France est totale, comme le montrent les décisions que nous avons prises hier contre vingt-huit colons violents. Un cessez-le-feu est indispensable pour la libération des otages, parmi lesquels trois de nos compatriotes.

Nous ne pouvons plus attendre. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

M. Akli Mellouli.  - Commençons par reconnaître l'État de Palestine. Nous ne cessons, avec les ONG, les journalistes et les médecins, de vous alerter sur la tragédie en cours. Après le temps médiatique viendra le jugement implacable de l'histoire : vous ne pourrez pas dire, alors, que vous ne saviez pas. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe CRCE-K)

Fermeture de classes (I)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'interroge le Premier ministre, qui a « emmené la cause de l'école à Matignon »...

Si la question pédagogique est essentielle, la réussite scolaire et l'égalité des chances sont aussi des enjeux d'aménagement du territoire. Or la crise agricole en est un symptôme de plus : nos provinces, notre ruralité se sentent ignorées et abandonnées - bien souvent, hélas, à raison.

France Ruralités devait instaurer un réel dialogue avant toute suppression de classe. Dans nos petites écoles, supprimer une classe, c'est fragiliser l'école, premier des services publics.

En pratique, on en est loin : la méthode reste brutale, l'approche exclusivement quantitative et le résultat traumatisant pour tous les acteurs locaux.

Les cartes scolaires prévues pour le Cantal et l'Allier l'année prochaine dans le premier degré sont pires que jamais. Les engagements ne sont pas tenus. Pourtant, la parole publique a encore de la valeur dans un département comme le Cantal, où le sens civique reste développé - pour combien de temps ?

Monsieur le Premier ministre, entendez l'appel de notre ruralité, avant que le lien ne soit rompu.

M. Bruno Belin.  - Très bien !

M. Stéphane Sautarel.  - Allez-vous tenir les engagements de France Ruralités et surseoir à toute fermeture de classe rurale ? Êtes-vous prêt à un moratoire de trois ans pour construire un cadre de confiance pluriannuel avec les maires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Pour avoir été rectrice de l'académie de Limoges, je connais la sensibilité de la carte scolaire dans les départements ruraux.

Une voix à gauche.  - On ne dirait pas !

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Je tiens à ce que nous travaillions en amont avec les élus pour prendre en compte les réalités des territoires.

Depuis décembre dernier, une instance de concertation existe dans les territoires ruraux, pour donner de la visibilité à trois ans sur la carte scolaire. (On le conteste sur plusieurs travées à droite.) Je veillerai personnellement à ce que l'efficacité de ce dispositif soit évaluée.

La carte scolaire est le résultat d'un travail visant à répondre à l'évolution des effectifs et à la réalité des territoires. Dans le Cantal, nous devons constater une baisse démographique ; mais le taux d'encadrement, déjà l'un des meilleurs du pays, continuera de progresser, passant de 7,88 à 7,89. (Nombreuses marques d'ironie à droite)

M. Mathieu Darnaud.  - C'est Byzance !

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - C'est l'indication d'une tendance.

Nous devons élaborer des réponses mieux adaptées aux territoires. En particulier, il faut une allocation progressive des moyens, qui intègre l'indice d'éloignement et le dispositif des territoires éducatifs ruraux.

M. Laurent Burgoa.  - Gabriel, reviens !

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Je crois savoir que, dans le Cantal, ces dispositifs fonctionnent parfaitement.

Enfin, nous labelliserons aussi de nouvelles places d'internats d'excellence.

Comptez sur moi pour être très attentive à la prise en compte de la ruralité. (Ironie à droite ; applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Stéphane Sautarel.  - Nous attendons des actes ! Or la concertation promise n'a pas eu lieu. Pour tous les territoires ruraux, nous demandons un moratoire pour la rentrée prochaine. On ne peut pas classer des communes comme « villages d'avenir » et, en même temps, y fermer des classes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Fermeture de classes (II)

Mme Annie Le Houerou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Madame la ministre de l'éducation nationale, dès votre prise de fonction, vous êtes allée sur le terrain. Mais vous n'avez rien dit des fermetures de classes : 45 dans les Côtes-d'Armor, pour 125 élèves de moins ! Nos classes sont plus chargées qu'ailleurs, souvent à plusieurs niveaux.

Le réarmement de nos services publics est celui de nos écoles, clamait ici même Gabriel Attal, le 30 janvier dernier.

La vie sociale se crée autour de l'école : médecin, emplois, entreprises, agriculteurs moins isolés. L'autorité ne se décrète pas, elle se construit dans cette cohésion sociale.

Pour la réussite de nos enfants et répondre aux enseignants, allez-vous revenir sur ces suppressions de postes ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur quelques travées du GEST)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Vous êtes dans un département rural...

Mme Silvana Silvani.  - Il n'y a pas que le rural !

M. Lucien Stanzione.  - C'est comme ça partout !

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Les problématiques sont différentes dans les départements urbains. Dans les Côtes-d'Armor, la baisse du nombre d'élèves est limitée, et le taux d'encadrement des élèves est maintenu à 5,85.

Seules 19 classes ont été fermées, et non pas 45. (Mme Annie Le Houerou en doute.) Pour répondre à vos préoccupations, nous avons renoncé à des suppressions de classes et certaines ont été ouvertes au sein de regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI).

Je souhaite qu'en amont et de façon pluriannuelle, nous puissions prévoir l'évolution des classes. C'est ce qu'attendent les élus et les citoyens. Je m'y attacherai.

La qualité pédagogique doit être maintenue. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Annie Le Houerou.  - Les fermetures concernent aussi les zones urbaines. Votre rôle n'est pas d'organiser le déclin, mais de promouvoir l'attractivité des espaces ruraux et urbains.

L'école est la mère des batailles ; or nos effectifs par classe sont les plus élevés d'Europe. (M. Michel Savin renchérit.) Les remplacements ne sont pas assurés, provoquant la fuite vers le privé. L'état de violence se reflète dans les fiches d'incidents transmises au ministère.

L'inclusion suppose des classes moins chargées. Nous refusons l'école du tri social. Ne diminuez pas les moyens déjà insuffisants. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; M. Yannick Jadot applaudit également.)

Pêche dans le golfe de Gascogne

M. Alain Cadec .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le secrétaire d'État chargé de la mer vient d'arriver : est-ce lui ou le ministre de la biodiversité qui répondra ?

Ma question porte sur la fermeture spatiotemporelle de la pêche pendant un mois dans le golfe de Gascogne, théoriquement reconductible. Elle a été obtenue par les ONG devant le Conseil d'État, alors que vous vouliez renoncer à cet oukase. On veut protéger une espèce, mais ce sont les pêcheurs qui sont en voie de disparition ! (On ironise sur les travées du GEST.)

Certes, l'État indemnisera 80 % des pertes -  80 millions d'euros, mais avec quel argent ? On creuse le déficit public avec le « quoi qu'il en coûte » !

Le domaine maritime européen est le plus réglementé au monde ; nous importons 70 % de notre consommation de produits de la mer. Ce sont 450 navires et 1 500 marins qui sont touchés. Où est la souveraineté alimentaire, alors que les études montrent que la population de cétacés est stable, voire en hausse ?

Nos pêcheurs ne demandent pas l'aumône, ils demandent à vivre de leur métier. Drôle de démocratie où le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État décident à la place du Gouvernement et du Parlement ! (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Alors, monsieur le ministre, prenez vos responsabilités ! Qu'allez-vous faire pour que cette fermeture arbitraire ne soit pas reconduite en 2025 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - (« Ah ! » sur de nombreuses travées) Si le règlement du Sénat le permettait, nous répondrions en duo au sénateur des Côtes d'Armor, qui est aussi l'ancien président de la commission Pêche du Parlement européen, et qui connaît donc parfaitement ces sujets.

Mme Audrey Linkenheld.  - Quel flatteur !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Le point de départ, c'est une décision du Conseil d'État du 22 décembre, qui prend fin le 20 février.

Nous nous sommes d'abord assurés que les navires étrangers seraient aussi concernés, marine nationale à l'appui. Aucun manquement n'a été constaté.

Ensuite, je n'imagine pas que vous opposiez pêcheurs et dauphins et que vous ne soyez pas favorables à un accompagnement à la hauteur du préjudice. En effet, avec l'accord de l'Union européenne, l'accompagnement atteindra 80 à 85 %, et concernera aussi les mareyeurs et les criées.

Dès la semaine prochaine, avec Hervé Berville, nous rencontrerons les pêcheurs pour faire un bilan et voir comment éviter que cette situation se reproduise l'an prochain.

Avec 2 500 échouages, et la capture accidentelle de 5 000 à 10 000 dauphins communs, la question de la survie de l'espèce se pose. Nous croyons à la pêche, la surpêche diminue et nous devons aller encore plus loin pour accompagner la reconstitution des stocks. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)

Sauvetage d'Atos

M. Daniel Fargeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La semaine dernière, Atos renonçait à son projet d'augmentation de capital et le titre dévissait de 25 %, soit un repli de 95 % de sa valeur en trois ans. C'est la traduction boursière d'une perte de confiance dans la capacité de l'entreprise à se transformer. Le projet de scission entre ses activités d'infogérance et de cybersécurité a du mal à convaincre. Atos est bel et bien au bord de la faillite.

Le recours à un mandataire ad hoc facilitera sans doute les discussions pour refinancer ses 3,6 milliards de dettes d'ici à 2025. Cela pourrait être l'histoire ordinaire d'une entreprise, mais ce n'est pas si ordinaire : le Sénat s'apprête à lancer une mission d'information sur les raisons de cette déconfiture.

Il y a urgence, car la France est très liée à Atos, notamment en matière de défense et de nucléaire. C'est aussi un partenaire de premier plan pour les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), notamment la gestion des 63 sites.

La semaine dernière, Bruno Le Maire indiquait que l'État utiliserait tous les moyens à sa disposition pour préserver les activités stratégiques du groupe. Mais quels sont-ils ? Comment garantir la continuité de nos activités sensibles, garantir notre souveraineté et pérenniser dix mille emplois en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Rachid Temal applaudit également.)

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - Le Gouvernement est pleinement mobilisé sur ce dossier crucial pour notre pays. Atos est l'un de nos fleurons informatiques et ses technologies jouent un rôle clé dans notre défense et notre autonomie stratégique. Il joue également un rôle dans la gestion de services publics et parapublics quotidiens.

En novembre dernier, Bruno Le Maire indiquait que l'État veillerait à ce que les activités les plus sensibles -  défense et supercalculateurs notamment  - restent sous le contrôle de l'État français.

M. Rachid Temal.  - Mais comment ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État.  - Nous sommes déterminés à défendre les intérêts de la France dans ce dossier, via les mécanismes de contrôle des investissements étrangers en France.

M. Rachid Temal.  - Et les moyens ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État.  - Nous disposons aussi d'autres outils. Le comité interministériel de restructuration industrielle accompagne d'ores et déjà le groupe.

Atos est le principal intégrateur des JOP : les infrastructures développées à cette occasion ont été auditées par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) qui n'a constaté aucune dégradation. Les équipes continuent de travailler en bonne intelligence.

Nous serons très attentifs aux conclusions de la mission que vous conduirez. (MM. Rachid Temal et Pierre Barros ironisent ; applaudissements sur les travées du RDPI.)

Sécheresse dans les Pyrénées-Orientales

M. Jean Sol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les Pyrénées-Orientales connaissent une sécheresse historique - pas de pluie, pas de neige, barrages et nappes phréatiques au plus bas -, avec des conséquences sur l'agriculture et le tourisme, nos deux piliers économiques. Des maires doivent alimenter leurs administrés par des bouteilles ou des citernes.

Malgré un plan d'économies de 30 % de l'eau, nous n'y arrivons pas. Fini les comités Théodule ! Il faut agir, et vite.

La sonnette d'alarme avait été tirée par deux rapports de notre délégation à la prospective : L'eau : urgence déclarée, de Jean-Jacques Lozach et Henri Tandonnet, en 2016, puis Éviter la panne sèche, dont j'étais co-rapporteur, en 2022.

Un plan d'action doit être mis en oeuvre -  fuites, canaux d'irrigation, retenues collinaires, eaux usées, désalinisation, débits réservés...

Certes, cela a un coût, mais il y a urgence à ouvrir les vannes : chaque jour une commune n'a pas d'eau, une entreprise ferme, un incendie se déclenche, un projet s'éteint.

À quand un plan Marshall pour les Pyrénées-Orientales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Cas unique en France, depuis juin 2022 -  vingt mois !  - , le département des Pyrénées-Orientales n'est pas sorti des mesures restrictives. En Espagne, la région de Barcelone connaît aussi une sécheresse historique.

Le temps de l'adaptation est venu. Je salue l'ensemble des collectivités territoriales qui ont pris leurs responsabilités en appliquant le plan préfectoral de 30 % de baisse de leur consommation.

Il y a un an, nous ne comptions qu'un projet de réutilisation des eaux usées : aujourd'hui, il y en a sept. Ensuite, il y a les retenues collinaires, mais pour cela, il faut qu'il pleuve...

M. Yannick Jadot.  - Et pourquoi pas une mégabassine ? (Mme Cécile Cukierman proteste.)

M. Christophe Béchu, ministre.  - Nous devons poursuivre les efforts de sobriété. Le plan Eau apporte des moyens pour lutter contre les fuites et réutiliser les eaux usées.

D'ici la fin février, le préfet me fera des propositions et je me rendrai en mars dans ce département. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Jean Sol.  - Pour régler nos maux, ce ne sont pas des mots que nous attendons...

M. Christophe Béchu, ministre.  - Je le sais bien !

M. Jean Sol.  - ... mais un plan Marshall pour éviter une guerre de l'eau et garantir la survie de notre département. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

Diagnostic de performance énergétique

M. Pierre-Alain Roiron .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le Gouvernement prône un « choc d'offre » pour permettre à chacun d'accéder au logement - mais à quel logement ? La loi Climat et résilience interdit à la location les passoires énergétiques classées G dès 2025. Or lundi, vous avec annoncé sortir 140 000 logements de moins de 40 m2, soit 15 % des logements classés F et G, de cette catégorie.

Vous remettez donc sur le marché des passoires thermiques et financières - sachant que 37 % de ces logements sont occupés par des ménages sous le seuil de pauvreté, dont de nombreux étudiants. Modifier l'algorithme du diagnostic de performance énergétique (DPE) ne modifie pas la qualité énergétique du logement !

Quel signal envoyez-vous ? Comment respecter nos engagements climatiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Ne pas connaître un sujet est un avantage dont il ne faut pas abuser. Les trois fédérations de diagnostiqueurs, la Fédération nationale de l'immobilier, la Fédération française du bâtiment (FFB) ou encore la Fondation Abbé Pierre saluent une réforme limitée qui vient corriger un biais mathématique concernant les petites surfaces.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre.  - En y voyant une remise en cause de la loi Climat, vous faites le jeu de ceux qui critiquent tout le dispositif.

Si 68 % des logements de moins de 10 m2 sont classés comme passoires, contre 12 % des plus de 100 m2, c'est que le calcul repose sur la consommation d'eau chaude, divisée par la surface. Or on ne prend pas dix fois plus de douches dans un 100 m2 que dans un 10 m2 !

Mme Audrey Linkenheld.  - Qui peut habiter dans 10 m2 ?

M. Christophe Béchu, ministre.  - Assumer une franchise sur les premiers mètres carrés, comme nous le demandent tous les professionnels, c'est le bon sens ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI)

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Avec Guillaume Kasbarian, nous recevons demain la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et la FFB. C'est une chose de dire qu'il faut lutter contre les passoires, c'en est une autre de se complaire dans une complexité administrative qui dégoûte les artisans et les Français. (MM. Emmanuel Capus et Jean-Baptiste Lemoyne approuvent.)

Cela fait un an que des sénateurs m'écrivent pour demander qu'on simplifie, qu'on bouge tel ou tel curseur.

Mme Cécile Cukierman.  - Vous n'écoutez pas les Français !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Nous gardons un cap ambitieux pour le climat, avec un objectif de baisse des émissions de 4,5 % sur le logement. Dans le même temps, nous écoutons les professionnels et les Français : inflexibles sur les objectifs, souples sur les moyens. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Mme Cécile Cukierman.  - Ce sont les plus pauvres qui vont payer !

M. Pierre-Alain Roiron.  - Résorber la précarité énergétique est une nécessité sociale et environnementale. Mais vous préférez remettre en cause votre loi et précariser le logement social plutôt que d'accompagner la rénovation énergétique. Quand il s'agit des plus modestes, vous n'appliquez pas la politique que vous annoncez ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Moratoire sur les jurys rectoraux

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En France, l'enseignement supérieur est libre, aux termes de la loi du 12 juillet 1875. Cette liberté s'exerce dans le cadre du monopole de collation des grades et des diplômes, qui appartient à l'État depuis la loi du 18 mars 1880.

Le législateur a prévu deux voies d'accès aux diplômes d'État pour les étudiants des établissements privés d'intérêt général : le conventionnement avec une université publique ou le jury rectoral, composé de professeurs d'université désignés par le recteur.

Or le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a récemment annoncé un moratoire sur les jurys rectoraux, qui pénalise les établissements souhaitant ouvrir de nouvelles formations.

Confirmez-vous cette décision ? Allez-vous faire de l'avis de l'université publique un préalable à la création de toute nouvelle formation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Veuillez excuser Sylvie Retailleau, actuellement à Bruxelles.

Oui, il faut encourager la diversité d'un enseignement supérieur de qualité, public ou privé, et le ministère se réjouit du développement des établissements privés d'intérêt général.

La délivrance des diplômes nationaux obéit à deux conditions : la qualité de formation et la cohérence par rapport à la charte de formation territoriale. L'établissement peut soit conventionner avec une université, soit solliciter un jury rectoral. Le rectorat vérifie alors la qualité de la formation dont l'ouverture est sollicitée ainsi que la complémentarité avec l'offre de formation préexistante au sein de la région académique.

Cela posé, il n'y a aucun moratoire sur les jurys rectoraux. Les recteurs peuvent tranquillement reprendre leur travail. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Stéphane Piednoir.  - Je suis surpris de cette réponse. C'est un fait : il existe bien une forme de moratoire pour les nouvelles formations que proposent certains établissements privés.

Je sais la volonté de la ministre de maintenir une diversité dans l'enseignement supérieur, mais certains établissements privés d'intérêt général sont en difficulté. Je reviendrai vers vous pour plus de précision. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Transfert de compétences sociales aux départements

M. Laurent Burgoa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a annoncé la suppression de l'allocation spéciale de solidarité (ASS) et le basculement vers le RSA. Or si la première est gérée par Pôle emploi et financée par l'État, le second est pris en charge par les départements ! Alors que ces derniers doivent déjà investir dans la transition écologique, entretenir leur réseau routier, les collèges, déployer la fibre - et que leurs recettes s'érodent - ils devront assumer vos décisions, comme la mise en place, sans concertation, du montant net social, référence pour bénéficier du RSA.

Selon un adage cher au Sénat : qui décide paie !

La solidarité à la source et la suppression de l'ASS auront de lourdes conséquences sur les dépenses sociales des départements : 5,5 milliards d'euros, en sus des 10 milliards qu'ils versent déjà. L'État n'en couvre plus que la moitié, alors qu'à sa création, le RMI était couvert à 88 %.

J'en appelle à votre sens de l'État. Comment comptez-vous soutenir les départements et compenser les dépenses sociales que vous engagez, et qui relèvent de la solidarité nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Christian Bilhac, M. Pierre Barros et Mme Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Vous le savez, ce gouvernement porte une volonté de moderniser, de simplifier et donc de réformer. En matière de solidarité, nous devons apprendre à faire différemment, pour mieux accompagner les bénéficiaires des politiques d'insertion, pour mieux revaloriser le travail, pour désmiscardiser notre pays. (M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérit.)

La solidarité à la source est un chantier majeur de simplification, qui permettra de lutter contre le non-recours, mais aussi contre la fraude aux prestations sociales. La suppression de l'ASS sera progressive et ne s'appliquera qu'aux nouveaux bénéficiaires potentiels.

Nous savons l'impact de ces réformes sur les départements, en termes d'organisation et financiers, mais, je l'ai dit, il faut apprendre à faire autrement. (Murmures de protestation sur plusieurs travées) J'entends leurs craintes, dans un contexte de baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et de dégradation de leur épargne. Nous avons fait preuve, ces derniers mois, de notre détermination pour soutenir les départements financièrement. Je m'en suis assurée personnellement, au cas par cas, en lien avec Départements de France. Nous serons à leurs côtés. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin et M. Bernard Fialaire applaudissent également.)

M. Laurent Burgoa.  - Nous avons besoin de gouvernants, non de communicants.

M. Mickaël Vallet.  - C'est mal barré !

M. Laurent Burgoa.  - En politique comme en amour, seuls les actes comptent. Nos départements les attendent - ils ne sont pas les sous-traitants de l'État ; notre démocratie le mérite.

Infirmiers sapeurs-pompiers

M. Joshua Hochart .  - Ma question concerne les 8 000 infirmiers sapeurs-pompiers, notamment les 230 du département du Nord. Ils réalisent des milliers d'interventions par an, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, dans le cadre de l'aide médicale d'urgence. Or le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) 59 souhaite supprimer leurs prérogatives, ce qui entraînerait une perte de chances pour les habitants de ce territoire déjà sinistré en matière de santé.

Cette mesure budgétaire qui ne dit pas son nom est un scandale, alors que ces infirmiers sapeurs-pompiers ont largement démontré leur efficacité. Qui assurera ces 8 000 interventions, alors que les services mobiles d'urgence et de réanimation (Smur) manquent de médecins ? L'attractivité du service de santé et du secours médical en pâtira.

Madame la ministre, quel est pour vous le rôle des infirmiers sapeurs-pompiers dans la chaîne de secours ? Quelle place pour la paramédicalisation des interventions préhospitalières dans un contexte de désertification médicale ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le conseil d'administration du Sdis 59, sous l'autorité du président de département, a en effet engagé une réflexion sur le recentrage des activités de soutien sanitaire visant à éviter de mobiliser infirmiers et médecins lorsque le Samu peut déjà intervenir.

Quoi de mieux que de coordonner les rouges et les blancs ? Rien n'interdit au Sdis de décider d'une telle organisation, pourvu qu'il continue à assumer ses missions de secours. Dans les territoires ruraux, l'intervention des équipes médicales des Sdis est souvent la plus rapide ; dans les zones urbaines, la réponse du Samu peut être plus efficiente.

Les infirmiers et les médecins resteront toujours en soutien des sapeurs-pompiers en opération. Le Gouvernement demeure attentif aux conditions d'emploi de nos sapeurs-pompiers. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Joshua Hochart.  - La coordination se fera les uns avec les autres, pas les uns sans les autres. En politique, comme en amour, en ce jour de Saint-Valentin, seules comptent les preuves ! Au boulot ! (Mme Christine Herzog applaudit.)

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.