Statut de l'élu local

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, présentée par Mme Françoise Gatel, MM. Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau, Hervé Marseille, Patrick Kanner, François Patriat, Mme Cécile Cukierman, M. Claude Malhuret, Mme Maryse Carrère et plusieurs de leurs collègues.

Discussion générale

Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, Les Républicains et du RDSE) Parce qu'ils ne savaient pas que c'était si ardu, si risqué, parce qu'ils faisaient leur la citation de Kennedy « Ne te demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, mais plutôt ce que tu peux faire pour ton pays », parce qu'ils voulaient agir pour leurs concitoyens, près d'un million de candidats se sont présentés aux élections locales. Magnifique France où la commune révolutionnaire est l'espace de proximité, plus moderne que jamais, où les citoyens règlent leur vie collective. Les élus sont les vigies de ces 35 000 communes, par temps calme comme par gros temps.

Mais aujourd'hui, la vigie vacille, madame la ministre.

Pas moins de 106 communes n'avaient pas de candidats en 2020, 345 conseils municipaux étaient incomplets et nombre de communes n'avaient qu'une liste. Qu'arrive-t-il ? Une société violente, éclatée en additions d'individualités s'impose. Ces hommes et femmes de devoir plus que de pouvoir sont fatigués : 13 000 maires ont jeté l'éponge depuis 2020, parce que leur engagement a percuté violemment leur vie personnelle. Si les élus locaux lâchent la rampe, la base de la pyramide de notre République est menacée. On a vu la solidité des élus locaux lors des crises du pays - sanitaire, gilets jaunes, incendies... - attentifs à tout. Gémir n'est pas de mise pour ces inventeurs du possible, condamnés à trouver des solutions. Mais la lassitude gagne : chaque jour, un maire démissionne.

Au Sénat, cette France des faiseurs résonne avec force. Depuis 2010, le Sénat a formulé des propositions, sur la protection fonctionnelle, la revalorisation des indemnités, des frais de garde et a adopté une proposition de loi revalorisant le métier de secrétaire de mairie, qui ont conforté le mandat. Je pense aussi au rapport Carrère-Darnaud sur le mal des maires.

Depuis septembre, la délégation aux collectivités territoriales a mené une mission d'information avec neufs rapporteurs issus de cinq groupes politiques différents. Après une large consultation, nous avons formulé 23 propositions, que vous connaissez, madame la ministre : au Congrès des maires, le Président du Sénat a lui-même annoncé une proposition de loi. Nous y sommes !

En cet instant, j'adresse une pensée fraternelle à ceux qui sont souvent allés au plus loin de leurs forces. Je pense au maire de Signes, mort en 2019 dans l'exercice de son mandat, aux emblématiques maires de Saint-Brevin-les-Pins, de L'Haÿ-les-Roses, et à tous les élus victimes d'agressions. Je salue les 309 sénateurs - dont des présidents de groupes, le président de la commission des lois François-Noël Buffet, le premier vice-président Mathieu Darnaud - qui ont cosigné cette proposition de loi, et remercie mes corapporteurs Jacqueline Eustache-Brinio et Éric Kerrouche. Nous la portons d'une même voix, pour que vive la démocratie et perdurent nos communes, coeur de la République.

Nous voulons « donner l'envie d'avoir envie » de s'engager pour le plus grand nombre, quelle que soit leur situation professionnelle, familiale ou professionnelle ou leur âge, en sécurisant l'exercice du mandat par la formation, la reconnaissance des entreprises les employant et en sécurisant la fin du mandat.

La Nation a reconnu, à raison, l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Il doit en être de même pour les élus locaux, alors que les maires sont les élus préférés des Français. La Nation doit reconnaître ceux qui, jour après jour, exercent des missions essentielles - souvent pour le compte de l'État -, car ils sont, eux-mêmes, les essentiels de la République.

Lorsque le Président de la République a annoncé, un dimanche soir, la réouverture des écoles au moment de la crise sanitaire, ils étaient présents - de même contre les catastrophes naturelles, pour relever le défi du logement, de la précarité ou encore du zéro artificialisation nette (ZAN). Ils sont des entrepreneurs de leur territoire, des bâtisseurs d'avenir.

La commune n'est pas le dernier, mais le premier kilomètre de la République, où se joue l'égalité des droits, la cohésion sociale, l'éveil citoyen. L'avenir de notre pays en dépend.

Madame la ministre, j'ai lu Le Figaro de ce matin et ne doute pas de la volonté du Gouvernement. Avec cette proposition de loi, le Sénat, chambre des territoires, est à nouveau au rendez-vous. Je ne doute pas que vous apprécierez nos propositions constructives. La démocratie n'a pas de prix, mais elle a un coût. Pour emprunter les mots de Nathalie Delattre, parlons-en sans tabou. (Applaudissements)

M. Éric Kerrouche, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc des commissions) Le statut de l'élu local, c'est avant, pendant et après le mandat. La proposition de loi poursuit une ambition commune : remédier à l'absence d'un statut de l'élu local et améliorer les garanties concrètes accordées aux élus. Au titre de l'article 24 de la Constitution, le Sénat représente les collectivités territoriales ; nous souhaitons fortement que ce texte arrive à promulgation.

Nous proposons un rehaussement du régime indemnitaire, étendu aux adjoints, si le Gouvernement daigne rendre notre amendement recevable. Nous proposons d'augmenter l'enveloppe indemnitaire globale, pour donner plus de marge aux conseils municipaux, notamment pour indemniser les conseillers délégués. Nous proposons de fixer à leur maximum légal les indemnités de tous les exécutifs locaux. Nous proposons de bonifier les retraites des élus d'un trimestre par mandat. Enfin, nous avons souhaité que l'État soutienne davantage les communes rurales, via la dotation particulière élu local (DPEL).

Ensuite, sur l'amélioration quotidienne des conditions d'exercice du mandat, nous insistons sur les conditions matérielles, loin d'être triviales, avec un remboursement obligatoire des frais de transport, ou encore la prise en charge des frais de garde.

La conciliation entre mandat local et vie professionnelle est cardinale. Notre texte prévoit des avancées pour les candidats - avec la prolongation du congé électif - comme pour les élus, avec un dispositif d'autorisation d'absence plus protecteur. De même, l'engagement d'une entreprise qui emploie des élus doit être reconnu, par le label « employeur partenaire de la démocratie locale ».

Par ailleurs, nous voulons améliorer la diversité sociologique des élus, avec un statut de l'élu étudiant, par exemple. Nous voulons encourager les vocations des citoyens en situation de handicap.

La formation est une réponse à la complexification de l'action locale. Le texte y pourvoit.

Le texte prévoit aussi un moyen de concilier le mandat avec la vie personnelle avec une indemnité journalière en cas de maladie ou de congé maternité ou paternité. Nous répondons ainsi aux difficultés particulières de la maire de Poitiers. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du RDSE, ainsi que sur quelques travées du RDPI, et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi sécurise aussi le mandat local, sur les plans pénal et juridique, et accompagne la phase de transition. L'article 18 aborde l'infraction de prise illégale d'intérêts, que certains veulent supprimer et d'autres préserver. Nous en précisions la définition pour qu'elle s'applique sans paralyser les élus, dans le prolongement des lois 3DS et Confiance dans l'institution judiciaire. La commission des lois en exclut ainsi les intérêts publics.

Pour reprendre notre dialogique avec la Cour de cassation, à l'article 22 nous prévoyons aussi que le juge pénal procède à l'appréciation complète de chaque cas, l'intérêt devant être suffisant pour peser sur l'impartialité de la décision. Nous simplifions aussi la définition des intérêts familiaux et affectifs.

Le régime de la protection fonctionnelle sera étendu aux élus victimes de violence ou d'outrage, automatiquement, conformément à la proposition de loi adoptée par le Sénat le 10 octobre 2023 sur la protection des élus locaux. L'ensemble des conseillers municipaux, départementaux et régionaux en bénéficieraient.

En outre, l'article 22 concerne les demandes des banques aux personnes politiquement exposées. L'amendement du Gouvernement, quoique limité, nous paraît pertinent.

Le texte prévoit aussi un régime de déclaration de dons supérieurs à 150 euros dans un registre tenu par la collectivité, sans sanction puisqu'à visée purement pédagogique et déontologique.

De plus, l'engagement local ne devrait jamais se muer en rupture. L'accompagnement post-mandat a irrigué l'ensemble de nos travaux. Au cours du mandat, les élus acquièrent des compétences, autant d'atouts à valoriser. L'article 25 encourage donc la validation des acquis de l'expérience (VAE), certification professionnelle à l'appui.

Ensuite, pour sécuriser leur trajectoire professionnelle, nous élargissons l'allocation différentielle de fin de mandat (ADFM) aux maires et à leurs adjoints et proposons un contrat de sécurisation de l'engagement en sortie de mandat.

Enfin, avec l'article 27, nous accompagnons les élus sans emploi à la fin de leur mandat. Nous vous invitons à voter ce texte. (Applaudissements)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Nous avons déjà longuement débattu du statut de l'élu local ces dernières années. Nous sommes nombreux à penser que les maires ont besoin de la reconnaissance de la République. On n'a jamais tant parlé du statut de l'élu que depuis que leur place a perdu de son évidence. Entre 1982 et 2002, deux lois seulement. Depuis la loi relative à la démocratie de proximité de 2002, ont été examinées les lois de 2015 facilitant l'exercice du mandat, de 2019 dite Engagement et proximité, et deux propositions de loi du Sénat et de l'Assemblée nationale en 2023 sur le même sujet.

Mais les élus continuent à appeler à un véritable statut. De loi en loi, nous voulons plus de reconnaissance et, simplement, plus de vitalité pour notre démocratie locale. Et s'il est un lieu où celle-ci se construit, c'est dans la commune. Tocqueville nous rappelait que « les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple », et Gambetta, dans son fameux discours de Belleville en 1875, que « ce qu'il y a de plus démocratique en France, ce qui constitue les entrailles mêmes de la démocratie : l'esprit communal, c'est-à-dire les 36 000 communes »...

D'où vient que nous devions si souvent remettre l'ouvrage sur le métier ? Le contexte social a changé, l'autorité n'a plus sa valeur incontestable. Il y a quelques mois, j'appelais ainsi à un sursaut civique.

Il s'agit donc de conforter les maires dans leurs compétences. Le statut de l'élu renvoie à une réalité plus dure, celle du quotidien des élus locaux. C'est une authentique question institutionnelle : quels leviers garantiront dans le temps l'investissement local de nos concitoyens ?

D'abord, leur sécurité personnelle. La récente proposition de loi, adoptée en CMP, l'assure. Mais il faut plus : que nos concitoyens de tous âges et conditions - étudiants, jeunes parents, salariés, personnes en situation de handicap - se présentent. Tous en ont le droit, mais le peuvent-ils ?

Être élu local doit rester le meilleur moyen de construire le destin de nos petites patries. Il reste du chemin à faire pour réconcilier l'esprit du temps avec des notions jugées vieillottes, mais en lesquelles nous croyons profondément. Il faut adapter les principes de la loi de 1884 à la société actuelle, pour rebâtir l'esprit civique.

Mobiliser la jeunesse, concilier la vie professionnelle et le mandat, valoriser l'engagement : autant d'objectifs concrets à poursuivre. À ce titre, je salue la proposition de loi de Françoise Gatel, issue d'un travail de plusieurs mois et de trois rapports flash de la délégation qu'elle préside. En novembre dernier, nous avons tenu une convention nationale de la démocratie locale qui a, je le crois, fait converger les parties prenantes.

Cette proposition de loi contribue à sécuriser le cadre d'action des élus, et leur donne les moyens d'exercer leur mandat sans risque professionnel ou personnel. Elle ouvre des perspectives sur l'après-mandat, valorise l'engagement quotidien, mobilise la jeunesse et notamment les étudiants, et prévoit la prise en charge des situations de handicap.

Elle répond donc à nombre de difficultés évoquées lors de la convention nationale, et est complémentaire de la proposition de loi des députés Violette Spillebout et Sébastien Jumel. Le Gouvernement soutient votre initiative, tout en proposant des moyens alternatifs d'atteindre certains objectifs.

Le Président de la République est favorable à ce que nous travaillions à la revalorisation des indemnisations des élus municipaux,...

Mme Pascale Gruny.  - Enfin !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - ... notamment les conseillers sans délégation. Votre commission choisit une autre voie, avec son amendement n°407 à l'article 1er. Le Gouvernement ne s'y opposera pas, mais cela ne réglera pas tous les problèmes et il faudra y revenir.

Je salue les avancées sur les conflits d'intérêts et la protection fonctionnelle. Nous saluons aussi la prise en charge des frais de transport et de garde ou l'ADFM. L'amendement du Gouvernement sur les élus en situation de handicap vise simplement à ne pas inscrire dans la loi un plafond actuellement réglementaire, que je m'engage à revaloriser. L'amendement n°413 de la rapporteure est donc, à mon sens, recevable.

Nous proposons de supprimer les verrous qui empêchent les élus locaux de liquider leur retraite au cours de leur mandat. Ils pourront ainsi cumuler retraite et indemnité d'élu, tout en continuant à se constituer des droits.

Enfin, conformément au souhait du Premier ministre, nous avons déposé un amendement pour garantir aux élus en congé paternité, maternité ou d'adoption, le maintien de leur indemnité.

Vous posez les premières briques d'un travail itératif, actant des avancées indispensables pour la mobilisation démocratique. Nous avons à rebâtir notre esprit civique. Cette proposition de loi n'est pas une fin, mais une très belle nouvelle étape. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)

Mme Cécile Cukierman .  - Cette proposition de loi est attendue par de nombreux élus dans un contexte de montée des violences envers eux et de désengagement, qui menace les élections de 2026 et la vitalité de la commune, cellule de base de la République.

Cette proposition de loi, telle un fleuve, trouve sa source dans la mission d'information, suit son cours par les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et de tous les groupes pour déboucher en séance ce soir.

Sans en être l'alpha et l'oméga, un statut permet à tout citoyen de devenir élu. Le Sénat a beaucoup écrit sur le sujet : je pense aux deux rapports de Mathieu Darnaud de 2018 et 2020, aux nombreuses propositions de loi et projets de lois Engagement et proximité. Je pense aussi à la proposition de loi de Pierre-Yves Collombat, visant à créer un statut de l'élu communal.

Poser cette question, c'est témoigner une reconnaissance collective, leur signifier qu'il ne peut y avoir de démocratie sans eux. C'est bien par le statut que nous pouvons garantir le continuum de l'engagement - devenir, être, ne plus être élu - en sécurisant le retour à l'emploi et en prévoyant des indemnités.

Nous défendrons la nécessité d'assimiler l'élu aux salariés protégés - un engagement fort du monde économique est nécessaire.

La protection fonctionnelle doit être plus rapide et efficace ; il faut simplifier les règles pour réduire la prise illégale d'intérêts.

Plus de cent amendements ont été jugés irrecevables, car ils aggraveraient les charges publiques... Je ne sais si la démocratie locale est une charge, mais elle a un coût. Certes, les dictatures coûtent moins cher, mais ce n'est pas notre modèle !

Sans remettre en question l'article 40, je crois que les élus doivent voir leur engagement reconnu, sans dépense personnelle, sauf à restreindre aux plus riches cette expérience. Voulons-nous permettre à tous de le devenir ?

Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, sur quelques travées des groupes SER et Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. Henri Cabanel .  - Défiance, violence, conciliation avec la vie personnelle, lourdeurs des procédures administratives... Les difficultés sont nombreuses, comme en témoigne le rapport de Maryse Carrère et Mathieu Darnaud, au titre évocateur : « Avis de tempête sur la démocratie locale ; Soignons le mal des maires », qui constatait un reflux de l'engagement et un renforcement de l'individualisme citoyen, consommateur de services publics.

Au 10 mai 2023, à mi-mandat, 1 078 des maires élus en 2020 avaient déjà démissionné, soit 3 % de l'effectif total des maires. Cela nous oblige à réagir. Nous devons faciliter l'engagement en jetant les bases d'un vrai statut.

En 2017, avec Joël Labbé, j'avais déposé une proposition de loi pour renforcer les droits et devoirs des élus. Encore ici, j'ai déposé un amendement réclamant un casier vierge pour être élu -  à l'instar de nos collaborateurs et de 400 professions. J'espère que nous ne rentrerons pas encore dans des débats sur son inconstitutionnalité : le Conseil constitutionnel tranchera.

Tout est lié : 70 % de défiance envers le Gouvernement et le Parlement, 60 % de confiance pour les maires...

Le RDSE a toujours voulu faire avancer ce sujet. La proposition de loi de Nathalie Delattre, visant à ce que les communes et associations d'élus puissent se porter partie civile pour soutenir un élu agressé, a été adoptée définitivement le 18 janvier 2023. Je rappelle aussi les propositions de loi d'Éric Gold, la première pour une majoration des trimestres de retraite dans les petites communes, la seconde pour lutter contre les violences. Le statut de l'élu étudiant, inspiré de ma proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne, est une vraie satisfaction.

Le statut de l'élu est un serpent de mer. En droit, le statut vise l'ensemble des dispositions régissant à la fois l'entrée en fonction, l'exercice et les conditions de sortie de fonction. Les élus locaux bénéficient déjà d'un ensemble de règles qu'on peut qualifier de statut. Mais celles-ci ne reconnaissent pas suffisamment les spécificités de cette expérience qui justifierait un « code de la fonction élective ». Cela étant, cette proposition de loi fait avancer le sujet, sans proposer un statut, mais complète les autres textes : entre autres, régime indemnitaire, exercice et sortie du mandat, tous les sujets sont traités.

La promesse d'un véritable statut n'est cependant pas tenue.

Comme le dit l'une des maires de l'Hérault, sans les maires, la marmite aurait déjà explosé. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du RDPI ; Mme Dominique Faure félicite l'orateur alors qu'il regagne son siège.)

Mme Françoise Gatel.  - C'est vrai !

M. Olivier Bitz .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Chacun le sait : beaucoup d'élus locaux sont au bout du rouleau. Les causes en sont multiples : relations avec les administrés, transformées en relations client-prestataire, fin de la délivrance des titres d'identité presque partout, agressions... La complexification de l'exercice de ces fonctions incite à s'entourer d'agents.

La place des élus municipaux dans le système local a été remise en question, et, malgré la loi Engagement et proximité, nous restons loin du compte. Combien de fois les maires se plaignent-ils de voir leur fonction limitée aux conflits de voisinage et à la recherche d'animaux perdus ? Les compétences valorisantes s'exercent ailleurs.

Oui, cette proposition de loi transpartisane est bienvenue ; elle permettra d'améliorer la situation actuelle. Merci à nos trois rapporteurs et à la délégation aux collectivités territoriales.

J'aurais souhaité aller plus loin, à l'heure où des maires s'interrogent sur leur candidature en 2026. Malheureusement, l'article 40 a souvent été dégainé. Mais pourrons-nous opposer une irrecevabilité financière à ceux qui ne se représenteront pas ? Faute de candidats, nous allons avoir des dépenses supplémentaires, et cela de manière certaine : le temps d'élu est celui qui coûte le moins à l'État.

Ce texte propose d'améliorer la situation indemnitaire des élus, mais cela nécessite une augmentation de la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, dite dotation particulière « élu local » (DPEL). Or il y aurait une hypocrisie à augmenter les montants légaux quand nombre de communes n'ont pas les moyens d'assumer cette charge. (Mme Françoise Gatel renchérit.)

La loi de finances pour 2024 a augmenté la DPEL de 15 millions d'euros ; c'est cependant insuffisant. Il faut définir une trajectoire d'évolution sur plusieurs années.

L'indemnité ne fait pas tout : il faut aussi mieux prendre en compte l'engagement dans le calcul des retraites. Le RDPI y est favorable, comme à la prise en charge des frais de transport et de garde d'enfant.

Les mesures visant à mieux concilier mandat et vie professionnelle sont bienvenues, mais reconnaissons que nous sommes en panne pour mieux accompagner les chefs d'entreprise, commerçants, artisans ou autoentrepreneurs. (Mme Françoise Gatel le concède.)

Les dispositions sur le congé maternité, paternité ou d'adoption sont à saluer, comme sur le retour à une activité professionnelle. L'évidence entre enfin dans le droit.

Les enjeux liés à la fin de mandat sont fondamentaux, d'où l'importance de la VAE. Il y a déjà beaucoup à faire dans la fonction publique d'État, où le Gouvernement peut agir par circulaire. Un élu local, en détachement ou disponibilité pendant son mandat, se retrouve souvent, à son retour dans l'administration, à son niveau fonctionnel antérieur. Le Gouvernement pourrait demander aux administrations de mieux anticiper le retour de ses agents, en valorisant cet engagement pour l'intérêt général.

Le RDPI votera cette proposition de loi, qui n'épuisera pas le sujet. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et au banc des commissions)

M. Pierre-Alain Roiron .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce texte élaboré dans des circonstances exceptionnelles veut remédier à une crise de la représentation. Permettre à quiconque de se porter candidat à une élection est une exigence démocratique.

Je salue l'initiative d'Éric Kerrouche et Didier Marie, qui avaient déposé une proposition de loi à ce sujet en juin dernier.

Ce texte est l'opportunité d'améliorer les conditions d'exercice des mandats locaux, et donc de renforcer la démocratie locale. Face au désengagement de l'État de nos territoires, prenons des décisions dans le sens du républicanisme décentralisé. Depuis 2020, plus de 4 % des maires ont renoncé à leur mandat. En Indre-et-Loire, au premier semestre 2023, 115 élus avaient démissionné : cette crise des vocations menace le coeur même de notre système démocratique.

Cette proposition de loi couvre un large périmètre, du mandat à sa sortie. Je me réjouis de la revalorisation de l'indemnité, qui reconnaît la complexité des missions, mais une augmentation spécifique selon la strate de population aurait été plus pertinente. La suppression de la délibération préalable relative aux indemnités de fonction va dans le sens de la juste reconnaissance de l'engagement local. Idem pour la modification du calcul de l'enveloppe globale.

Sujet sensible depuis de nombreuses années, la bonification de la retraite est bienvenue, mais elle demeure limitée à huit trimestres et aux seuls membres des exécutifs. Or le régime de retraite des élus peut être un obstacle à l'engagement local, car cotiser à l'Ircantec est pénalisant. Nous demandons un rapport sur ce sujet.

Cette revalorisation doit s'accompagner d'un soutien accru dans l'exercice des responsabilités comme dans la conciliation avec la vie personnelle. Les discussions sont allées dans le bon sens, de la prise en charge des frais de transport et de représentation à la formation ou aux absences. Reste qu'en dépit de son titre, ce texte ne va pas assez loin : nous pensons au statut de salarié protégé, proposé par Éric Kerrouche et Didier Marie.

La maire de Poitiers a cessé temporairement d'exercer ses fonctions pour bénéficier de son congé maternité, avec à la clé une perte de revenus : ce n'est pas tolérable.

Nous voterons ce texte, non sans la ferme conviction que le travail ne fait que commencer. Ce n'est pas un aboutissement, mais un engagement renouvelé envers nos élus locaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Notre groupe, naturellement, votera ce texte qui améliore les indemnités, la capacité à s'engager, la réinsertion post-mandat... Ces éléments sont proposés par différents rapports du Sénat depuis vingt-cinq ans.

Mais il y a autre chose. Madame la ministre, des milliers d'élus ne s'arrêtent pas que parce que leur indemnité est insuffisante. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Retailleau.  - Bien sûr !

M. Roger Karoutchi.  - C'est surtout parce que la culture collective n'est plus mise en avant par rapport à l'individualisme. (Mme Françoise Gatel ponctue l'intervention de multiples marques d'assentiment.) Les élus subissent les pressions de concitoyens qui ne voient que leur intérêt propre et refusent l'engagement collectif, le partage.

Certes, les élus parlent de leurs difficultés financières, des problèmes de fin de mandat, mais aussi de leur découragement, quand l'État ne restaure pas la confiance, quand il reprend d'une main ce qu'il semblait donner de l'autre... Les élus ne se sentent pas inutiles - car lorsqu'il y a des drames, des crises, ils sont là - mais très seuls ! Seuls face à leurs concitoyens, sans le soutien des pouvoirs publics.

L'élu se bat sans compter, tous les jours, mais sans être reconnu, sans que l'État lui accorde de l'aide et des moyens. L'État fait des efforts budgétaires : à l'élu d'en faire autant, s'entend-il répondre. Les ressources fiscales ? L'autonomie financière ? C'est du passé, de la nostalgie  - c'est dans les films... (Sourires)

Ce texte est très bon, nous le voterons avec force. Il modifie le statut économique des élus, mais pas le respect qu'ils attendent de l'État. (Mme Françoise Gatel et M. Olivier Paccaud acquiescent.) « À portée de claque », les élus sont le dernier maillon d'une démocratie qu'ils font vivre, dans un pays qui n'y croit plus beaucoup.

Madame la ministre, vous vous êtes engagée à porter ce texte à l'Assemblée nationale. Mais nous attendons aussi le respect de l'État, car, sans élu local, il n'y a plus de démocratie. (Applaudissements)

M. Joshua Hochart .  - Depuis de nombreuses années, maires et élus locaux, colonne vertébrale de la démocratie, sont confrontés à des défis cruciaux. Pourtant, leur engagement demeure peu récompensé. Il appartient à la chambre haute de répondre à l'urgence.

Scrutin après scrutin, une désaffection profonde s'observe, et les élus démissionnent par milliers de mandats devenus trop lourds à porter, trop difficiles à concilier avec la vie familiale. Sans oublier la violence endémique : ils sont trop souvent à portée d'engueulade - quand ce n'est pas pire ! Il y a peu, à Denain, la maire a été menacée d'être enterrée vivante dans un terrain occupé illégalement par des gens du voyage.

Il faut remettre les élus au centre des décisions, leur donner les moyens de lutter. Il y a un manque de reconnaissance financière, d'autant que les maires des plus petites communes ne bénéficient pas des indemnités induites. Il faut les revaloriser puissamment.

L'engagement est devenu un sacerdoce. Avec ses 500 000 élus, dont la majorité ne vivent pas de leur mandat, la France témoigne d'une démocratie locale vibrante. Pourtant, les barrières au recrutement d'un élu local au sein d'une entreprise privée ne manquent pas.

Les sénateurs du RN voteront toutes les mesures de bon sens.

L'État doit aussi mieux reconnaître le rôle des élus locaux chargés de famille ou aidants. Nous serons vigilants, pour améliorer la situation des élus, garants de la bonne santé de la République.

M. Cédric Chevalier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-François Longeot applaudit également.) Parce que ceux qui sont le ciment du vivre ensemble sont découragés, parce que ce dernier rempart de la République se fissure, la démocratie est en danger. Ainsi, 1 500 maires ont démissionné depuis les dernières élections, soit 4 % d'entre eux. Un maire démissionne chaque jour, et 12 648 élus locaux ont jeté l'éponge.

Leur exaspération s'explique par l'empilement des normes, les responsabilités toujours plus accablantes, la hausse des violences, mais pas seulement. Imaginez le mouvement de contestation si les conditions d'exercice actuelles des élus locaux s'appliquaient aux salariés !

Nous avons trois ans, avant les prochaines municipales, pour mettre en oeuvre des outils qui offrent des garanties aux élus en place tout en donnant envie de s'engager, qui tiennent compte des réalités du terrain et de l'évolution de la société.

Reconnaître l'engagement, accompagner, former, concilier mandat et vie privée : ces mesures sont autant de signaux adressés à celles et ceux qui sont les animateurs de nos territoires et les défenseurs de la République. Si beaucoup reste à faire - simplification administrative, santé, cumul - cette proposition de loi s'inscrit dans l'amélioration de l'exercice quotidien et la promotion de l'engagement au sens noble.

L'État doit mieux reconnaître les élus : indemnisation, autonomie financière, rapport avec l'administration... La démocratie a un coût. Le Gouvernement doit y prendre sa part : concerter, cesser le désengagement des services publics, les transferts sans compensation. « Paroles, paroles ». Les élus locaux méritent mieux. (Applaudissements et sourires sur les travées du groupe INDEP ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Nous voterons ce texte, que notre groupe a cosigné. Je remercie son auteure, ses rapporteurs, ainsi que les membres de la délégation aux collectivités territoriales. Merci, pour ceux qui ont oeuvré hier, qui oeuvrent aujourd'hui et qui oeuvreront demain. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements et acclamations sur les travées du groupe UC) Le maire incarne la République du quotidien. Officier d'état civil et de police judiciaire, il est, surtout, élu du suffrage universel direct, legs de la révolution française. Il faut parfois puiser dans le passé pour penser l'avenir. (Marques d'approbation au banc des commissions) Permettez-moi de citer les articles 4 et 5 du décret du 14 décembre 1789 : « Le chef de tout corps municipal portera le nom de maire. »

Cet héritage révolutionnaire semble malheureusement lointain. Vendredi dernier, je rencontrais encore des élus dans la vallée du Valgaudemar qui témoignaient de conditions de mandat dégradées, voire dégradantes. Les citoyens ont des exigences croissantes, un recours plus fréquent à la violence, verbale ou physique. Les maires de Briançon et Trescléoux ont vu leur véhicule incendié.

S'ajoutent l'inflation normative et la difficile conciliation avec la vie privée. Je pense à deux maires de mon département, qui cogèrent une librairie à Névache : ils n'ont reçu aucune subvention publique, au regard du soupçon de conflit d'intérêts, si destructeur.

Être maire, c'est être de fait l'unique représentant de toute forme d'autorité publique, le seul délégué de tous les services publics. Le réarmement du territoire appelé par le Gouvernement doit se traduire par des moyens humains et financiers. Le duo maire-préfet est toujours aussi essentiel et efficace, on l'a vu lors des récents aléas climatiques : gare à ne pas fragiliser l'empreinte de l'État dans les territoires.

Le législateur doit donc agir pour un vrai statut de l'élu local. Mais le grand projet de loi de décentralisation annoncé par le Président de la République a accouché de la petite souris 3DS, axée sur la déconcentration. Le Sénat, lui, agit. Je rappelle la proposition de loi Buffet adoptée le 10 octobre dernier et les travaux de la délégation aux collectivités territoriales, notamment le rapport du 14 décembre dernier, de Pascal Martin entre autres.

Dans la continuité, nous examinons cette proposition de loi, dont je salue les trois rapporteurs. Ces mesures vont dans le bon sens.

Le régime indemnitaire, d'abord. S'engager pour sa collectivité est un contrat moral avant tout, mais ne doit pas s'apparenter au bénévolat, ni les indemnités de fonction à des indemnités de subsistance.

Améliorer les conditions du mandat, ensuite : il doit être accessible à tous. Je salue la création du statut de l'élu étudiant et la possibilité pour les collectivités de compléter les indemnités journalières lors d'un congé maternité. La commission des lois a retenu mon amendement supprimant l'organisation de formations pour les élus par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

Je regrette que le texte n'aborde pas la situation des élus des Français de l'étranger, trop souvent oubliés. (Mme Olivia Richard applaudit.)

La sécurisation de la sortie de mandat et la revalorisation de la retraite sont bienvenues. Sans ces mesures, les prochaines municipales seront celles du désengagement et des listes incomplètes.

Il faut lutter contre le malaise ressenti par les élus locaux, les accompagner et contrer le désengagement de l'État dans les territoires.

Nous sommes 309 sénateurs à avoir cosigné ce texte, c'est dire la puissance des attentes du terrain. Le Gouvernement doit entendre la force des territoires. Cette proposition de loi n'est pas une première brique, madame la ministre, mais une maison commune à rebâtir. Allons jusqu'au bout : il faut une suite à l'Assemblée nationale et un accord en CMP, pour apporter enfin des réponses concrètes à des élus qui n'en peuvent plus. Le groupe UC soutient avec force ce texte, qui répond à une urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Comme vous, c'est par engagement citoyen que je suis devenu élu municipal, puis élu des élus. Notre pays est souvent présenté comme très politique, mais la crise de l'engagement est révélatrice.

Notre groupe le mentionnait à la remise des travaux du groupe de travail présidé par le président Larcher, déplorant un engagement souvent non indemnisé, difficile à concilier avec la vie personnelle. Nous appelions alors à un statut plus protecteur, à plus de parité et de diversité des profils, entre autres.

Le présent texte va plus loin et rejoint la revendication de longue date des écologistes, d'un statut de l'élu. Il ne suffira pas à sortir de la crise démocratique - il faudrait une vraie redynamisation de la vie citoyenne locale - mais il a été amélioré en commission. Nous avons peu à redire sur ce qu'il contient, mais regrettons ce qu'il ne contient pas.

Ainsi, notre marge de discussion est plus que limitée sur le régime indemnitaire. Le Gouvernement a failli : pourquoi ne pas avoir déposé un projet de loi dûment financé, avec un avis du Conseil d'État ? Limités par l'article 40, nous réclamons que vous preniez vos responsabilités !

Comment parler de formation quand notre seule marge de manoeuvre est d'en supprimer ? Comment faire, si tout aggrave les charges ? Pourtant, il faut améliorer la formation de tous les élus !

Il faut aussi améliorer les possibilités pour les élus de s'absenter pour remplir leurs fonctions, sans que cela pénalise leur engagement. Notre groupe a déposé des amendements en ce sens.

Sur la vie familiale, nos amendements, mis en exergue par la maire écologiste de Poitiers dans une tribune, sont pris en compte par la commission, mais nombre d'entre eux ont été déclarés irrecevables. De même pour les amendements concernant les conseillers d'arrondissements de Paris, Lyon et Marseille.

Nous restons sur notre faim en matière d'accompagnement de l'engagement. La différence est flagrante entre l'implication des retraités, fonctionnaires et salariés, et celle des artisans, commerçants, paysans ou indépendants. (Mme Françoise Gatel le reconnaît.)

S'agissant des prises illégales d'intérêt, nous proposerons de revenir sur la rédaction de l'article 18, trop imprécise.

Le GEST votera ce texte, avec d'autant plus d'enthousiasme que nos amendements, qui le consolideront, seront retenus !

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Chantage ! (Sourires)

M. Guy Benarroche.  - Le Gouvernement devra financer les mesures indispensables à un statut de l'élu qui favorise l'engagement de toutes et tous pour le bien commun ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après trois décennies à légiférer sur ce sujet, nous avons l'opportunité de créer un vrai statut pour les élus locaux. Tout citoyen doit pouvoir être candidat à une élection politique, quelles que soient ses origines et sa situation. Or concilier un mandat avec la vie personnelle et professionnelle est aujourd'hui particulièrement difficile, notamment pour les femmes et les jeunes.

Face à la hausse des démissions et des actes de violence envers nos élus, il fallait légiférer pour les protéger et enrayer cette perte d'attractivité.

Jean Jaurès le disait en 1905 : « ce qui fait la valeur de l'élu c'est qu'il est au point d'intersection de l'organisation et du suffrage universel ».

Les élus méritent que leur engagement soit reconnu. C'est le sens des trois missions d'information lancées par la délégation aux collectivités territoriales. Avec Agnès Canayer et Gérard Lahellec, j'ai travaillé sur le rapport relatif à la fin de mandat, intitulé « Comment être après avoir été ? ». Cette étape, souvent oubliée, est un angle mort de notre droit. Or les enjeux sont multiples : perte de ressources, régime de retraite, devenir des compétences acquises, réinsertion professionnelle. Cette proposition de loi y répond. Les compétences des élus doivent être valorisées, ce que prévoit l'article 25 sur la VAE. C'est une demande forte des élus.

Je salue les dispositions renforçant le régime de l'ADFM et défendrai des amendements du groupe SER pour aller plus loin, notamment sur l'information systématique par le préfet sur cette allocation méconnue.

La bonification d'un trimestre par mandat au titre de la retraite est une avancée.

Ce texte n'est qu'une première étape. Je rappelle la proposition de loi d'Éric Kerrouche et Didier Marie. Nous accueillons cependant favorablement celle-ci, car elle facilitera la vie de nos élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

Mme Anne Chain-Larché .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est un jour historique pour les 500 000 élus locaux de notre pays, qui attendent ce débat depuis des années. La loi Defferre de 1982 précisait que des lois ultérieures détermineraient le mode d'élection et le statut des élus. Quarante ans plus tard, la ténacité du Sénat aboutit à un texte ambitieux et transpartisan. Je salue le travail d'orfèvre des rapporteurs.

Ce texte apporte, tout simplement, de la considération pour ces dizaines de milliers d'hommes et de femmes, parents, grands-parents, retraités, qui donnent de leur temps, qui sont d'astreinte, l'été, à Noël ou à Pâques, et qui sont très majoritairement bénévoles. Ils participent au dynamisme économique de notre pays, mais subissent au quotidien les normes, les contraintes, avec une autonomie financière toujours rognée.

Ils sont élus non pour faire carrière, mais car ils ont l'amour de leur territoire et l'intérêt général chevillés au corps. La moindre des choses, c'est que la République reconnaisse et sécurise leur engagement. La revalorisation du régime indemnitaire, même si elle est parfois mal comprise, est pourtant une impérieuse nécessité, car tout travail mérite salaire. (Mme Françoise Gatel renchérit.)

Il faut aussi faciliter les conditions d'exercice du mandat, pour que les élus puissent mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.

Enfin, la sortie de mandat est toujours périlleuse, surtout pour les actifs. Il faut mieux accompagner les anciens élus et les aider à valoriser leur expérience.

Ce texte améliorera concrètement la vie d'un demi-million de Français et facilitera la relève.

D'autres difficultés restent à régler, comme le problème du décalage de trois ans entre le recensement et sa prise en compte pour les dotations, qui pénalise les territoires dynamiques.

Avec ce texte, nous envoyons à l'Assemblée nationale un condensé de mesures claires et efficaces. Nous vous invitons, madame la ministre, à vous en inspirer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)

M. Jean-Marc Boyer .  - Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires. Le titre du rapport Carrère-Darnaud est criant d'actualité. Si nos maires ont mal, la démocratie va mal.

En première ligne face au climat de défiance qui gagne la société, à portée d'engueulade, les élus locaux méritent que leur engagement soit reconnu à sa juste valeur.

Une juste reconnaissance, c'est l'enjeu de ce texte, qui vise à protéger, accompagner et anticiper. Le maire protège ses concitoyens ; il doit bénéficier lui-même d'un statut protecteur.

L'exercice d'un mandat ne doit pas s'apparenter à du bénévolat. Une augmentation s'impose, supportée par l'État. Trop d'élus refusent de voter leur barème indemnitaire pour ne pas grever le budget communal, déjà exsangue.

La bonification d'un trimestre par mandat complet prévue à l'article 3 est une avancée ; mais nous pourrions aller plus loin, car un mandat représente souvent un mi-temps, voire un temps complet. (Mme Françoise Gatel le confirme.)

Surtout, il faut sanctionner les harceleurs, les agresseurs, les tueurs : la comparution immédiate doit être systématique et briser la solitude des élus.

Une meilleure prise en charge des frais de transport et de représentation est également nécessaire. Les autorisations d'absence doivent être facilitées, et le label « employeur partenaire de la démocratie locale » est une très bonne idée, pour le secteur privé comme pour le secteur public.

Nous devons aussi améliorer la formation, particulièrement pour les maires des communes de moins de 3 500 habitants, et alléger toutes les réglementations normatives.

Cette proposition de loi facilite la conciliation entre mandat et vie personnelle. Il faut faciliter aussi la sortie de mandat en systématisant le bilan de compétences et la certification validant les acquis de l'expérience.

Je félicite tous nos collègues pour leur travail, qui redonnera confiance aux élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

Discussion des articles

Avant l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°37 rectifié bis, présenté par M. Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2025, un rapport sur l'opportunité de créer, au bénéfice des élus locaux, un statut d'agent civique territorial.

M. Simon Uzenat.  - Nous n'en sommes pas encore à un véritable statut de l'élu. J'ai rencontré 130 élus en deux semaines, pendant dix-sept heures de débats. Tous disent que c'est un deuxième métier, pour la charge mentale, le temps passé, l'énergie consacrée. Les vaches qui divaguent, les disputes conjugales, le service à la cantine : être maire, c'est aussi cela. Certains parlent de surhommes ou de surfemmes...

À peine 1 100 euros d'indemnités alors qu'on travaille 50 heures par semaine et qu'on gère un budget annuel de 2 millions d'euros : désmicardisons, comme dit le Premier ministre, en commençant par les élus !

Tous les concitoyens ont vocation à devenir élus, mais trop d'élus disent : c'était mon premier mandat, et plus jamais. Dans le Morbihan, un élu sur cinq a démissionné depuis 2020.

Il faut donc aller plus loin - c'est le sens du rapport que nous demandons.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Vous envisagez une évolution considérable de l'engagement citoyen défini par la Révolution : un espace commun géré par des citoyens bénévoles. Vous visez une autre culture, celle de pays où les maires deviennent des fonctionnaires.

Certes, cela sécuriserait les élus, mais transformerait complètement l'état d'esprit d'un engagement volontaire dans un moment de la vie, à l'instar d'un engagement associatif.

Vous réservez en outre ce statut aux élus des grandes villes. (M. Simon Uzenat le nie.)

Au-delà de notre appétence peu développée pour les demandes de rapport, celui-ci serait totalement inutile ; nous savons tout ce qu'il y a à savoir. Et, si la vie changera peut-être, nous défendons, cultivons et vénérons pour l'heure l'engagement citoyen. Avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Même avis.

M. Simon Uzenat.  - Nous ne visons pas seulement les grandes villes ; tous les exécutifs locaux seraient concernés.

Certes, il s'agit d'une demande de rapport, mais l'entonnoir constitué par les articles 40 et 45 en fait la seule marge de manoeuvre qui nous reste.

La vie pourrait changer, dites-vous... Mais les choses ont déjà beaucoup changé. Les élus locaux sont souvent les derniers interlocuteurs de proximité, le dernier service public. Qui accepterait de faire ce qu'ils font dans de telles conditions ?

Le Gouvernement aurait-il l'intention de pousser à la fusion des petites communes faute d'élus en 2026 ?

Les exigences des citoyens comme de l'État se professionnalisent : il nous faut professionnaliser le soutien aux élus.

Nous regrettons les avis défavorables et poursuivrons notre réflexion dans ce sens.

L'amendement n°37 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°90 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, M. Roux et Mme Pantel.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l'opportunité et la possibilité de réunir et codifier l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires relatives au statut de l'élu.

M. Philippe Grosvalet.  - Cette proposition de loi vise un double objectif légitime : améliorer les conditions d'exercice du mandat en les adaptant à la diversité des profils et sécuriser le parcours des élus.

Mais la promesse d'un statut de l'élu n'est que partiellement tenue. Il restera une dernière marche à franchir, fût-elle haute : réunir et codifier dans un seul texte les règles qui font la spécificité de la fonction élective locale - sans professionnaliser son exercice.

À l'image d'un code de la fonction publique, pourquoi ne pas envisager un code de la fonction élective ? Même si les demandes de rapport ne sont pas bienvenues, nous voulons inciter le Gouvernement à ouvrir une réflexion en ce sens.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Avis défavorable à cette demande de rapport, mais nous encourageons le Gouvernement à rédiger un vade-mecum des droits et devoirs des collectivités. Madame la ministre, comptez-vous le faire ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - En général, nous ne sommes pas favorables aux rapports. En l'occurrence, nous partageons votre exigence d'accessibilité et de lisibilité. J'ai déjà demandé des travaux pour refondre les dispositions du code général des collectivités territoriales. Avis favorable.

Mme Céline Brulin.  - Cet amendement est intéressant, même si je ne crois pas qu'un rapport soit nécessaire pour engager ce travail. (MmeFrançoise Gatel et Jacqueline Eustache-Brinio le confirment.)

Regrouper les droits et devoirs des élus serait pertinent. Les élus nous le disent : eux-mêmes ne les connaissent pas toujours... Cette codification aurait toute sa place au sein du code général des collectivités territoriales.

Nous ne voulons pas ajouter un soupçon d'indemnité, une reconnaissance corporatiste - je le dis de manière caricaturale. Nous voulons revivifier le rôle des collectivités territoriales, le contrat par lequel des citoyens s'engagent pour faire de la politique au sens noble du terme. La codification permettrait de ressourcer le rôle de ces collectivités, à l'heure où beaucoup d'élus se demandent : à quoi je sers ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Cet amendement demande un rapport, sans date précise. Or, je le répète, nous n'avons pas besoin d'un rapport pour savoir ce qu'il est indispensable de faire. Nous attendons que le Gouvernement s'engage sur un vade-mecum, madame la ministre !

L'amendement n°90 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°262 rectifié ter, présenté par Mme Bourcier, M. Capus, Mme Lermytte, MM. Chasseing, A. Marc et V. Louault, Mme L. Darcos et MM. Brault, Chevalier, Bleunven et Daubet.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2025, un rapport d'évaluation concernant la bonne intégration de la situation spécifique des élus locaux dans les formulaires administratifs et notamment ceux relevant de l'administration fiscale. À défaut de résultats satisfaisants, le rapport explore les pistes d'amélioration. 

Mme Corinne Bourcier.  - Dans leurs relations avec l'administration, notamment fiscale, nombre d'élus ont du mal à renseigner leur situation, faute de catégorie adaptée. Nous demandons au Gouvernement un rapport sur la prise en compte de la situation des élus locaux dans les formulaires administratifs.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Je ne doute pas de l'existence de telles situations, mais aucune association d'élus ne s'en est fait l'écho : retrait, sinon avis défavorable. Je vous invite à faire connaître précisément les cas auxquels vous pensez.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°262 rectifié ter n'est pas adopté.

Article 1er

Mme Olivia Richard .  - Ce texte est immense et je salue le travail des rapporteurs et de la délégation aux collectivités territoriales. Mais une catégorie d'élus en est absente, ce que je regrette vivement : les élus locaux des Français de l'étranger.

Élus au suffrage universel direct, les conseillères et conseillers des Français de l'étranger font vivre la démocratie au-delà de nos frontières. Leur engagement aussi doit être reconnu à sa juste valeur. Droit de permanence, passeport de service, écharpe tricolore, protection, formation : tout est à faire.

Renforcer leurs compétences et leur statut ouvre le champ des possibles. Les élections françaises à l'étranger seraient moins coûteuses s'ils avaient compétence pour tenir un bureau de vote.

Souvenons-nous que, longtemps, le Sénat a été la maison des Français de l'étranger ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Joshua Hochart applaudit également.)

M. Franck Menonville .  - Cette proposition de loi tombe à point nommé, à deux ans du prochain renouvellement des conseils municipaux. Elle apporte de vraies garanties aux élus et revalorise le mandat local face à la crise de l'engagement. Depuis 2020, un maire démissionne chaque jour, rattrapé par l'insécurité, la difficulté à concilier vies locale, professionnelle et personnelle et le manque de reconnaissance financière.

Ce texte était nécessaire pour assurer la vitalité de la vie démocratique locale en reconnaissant l'engagement des élus à sa juste valeur, en vue notamment de diversifier les profils et de valoriser les compétences.

Je salue le travail des rapporteurs et de la présidente Gatel, en espérant vivement que ce texte prospérera au plus vite à l'Assemblée nationale. Il y a urgence pour les plus de 500 000 élus locaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Guillaume Gontard .  - Augmenter les indemnités n'est pas la seule réponse au malaise des élus, mais c'est une nécessité pour que les élus assument leur mandat à égalité.

La prise en charge par l'État est indispensable. Le montant des indemnités ne doit pas être une variable d'ajustement. Certains élus font le choix de renoncer à leur indemnité ou de la baisser pour alléger le budget communal, parce qu'ils le peuvent. Nous proposions de supprimer cette possibilité afin d'assurer l'égalité entre les élus, mais l'article 40 a eu raison de notre amendement - ce dont je m'étonne, car il n'était pas rétroactif.

M. Daniel Fargeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue le travail de la délégation aux collectivités territoriales, notamment de Françoise Gatel, et des trois missions d'information.

Un véritable statut suppose de clarifier le régime des indemnités. J'ai sous les yeux le bulletin indemnitaire du maire d'une commune de 5 000 habitants : il a tous les attributs d'un bulletin de paie, jusqu'à l'impôt sur le revenu. Mais les élus ne veulent pas être les salariés indirects de l'État. Les fonctions électives sont exercées à titre gratuit et indemnisées, selon le code général des collectivités territoriales. Pourquoi dans ce cas leur appliquer l'impôt sur le revenu ?

Contourner la question ne fera qu'entretenir le flou. Il faut sérieusement mettre en question l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des indemnités correspondant aux mandats directs. Ne sous-estimons pas la clairvoyance de l'opinion, qui aime encore ses élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Cette proposition de loi transpartisane est fondée sur le constat de la solitude des élus locaux. Elle est nécessaire et bienvenue, mais il y manque les conseillers des Français de l'étranger, qui assurent la représentation locale des 3 millions de Français établis hors de France depuis 2013. Leur légitimité s'est affermie, notamment au cours de la crise sanitaire, alors que les consulats étaient fermés.

Ce texte aurait pu faciliter l'exercice de leur mandat. Cependant, mes amendements à ce sujet - protection fonctionnelle, permanence, formation - ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution. Nous devrons obtenir ces avancées par d'autres moyens.

M. Olivier Paccaud .  - Il est des propositions de loi anecdotiques, mais celle-ci n'en fait pas partie. Elle correspond à une attente et suscite un espoir parmi ceux qui ont répondu à l'appel de Marianne.

Moins de votants et de candidats, plus de démissions : à l'heure du dérèglement démocratique, nous devons encourager les fantassins de la République, qui se mettent au service des autres et de la res publica.

Cette proposition de loi y contribue ; les mesures prévues ne sont pas des gadgets. La première loi esquissant le statut de l'élu remonte à 1884 : elle prévoyait une fonction gratuite. Aujourd'hui, on ne peut plus faire sans les indemnités.

La démocratie est fragile, et notre bouquet tricolore peut faner si nous n'en prenons pas soin. (Mme Françoise Gatel renchérit.) L'élu ne doit pas devenir une espèce en voie de disparition !

M. François Bonhomme .  - Je salue le travail patient et minutieux de nos rapporteurs. L'été dernier, Mathieu Darnaud présentait son rapport d'information sur l'avenir de la commune et du maire. La délégation aux collectivités territoriales a commis trois rapports, dont un sur le régime indemnitaire des élus.

Nous allons au-devant d'une véritable crise des vocations : 6 % des maires ont jeté l'éponge depuis 2020 et, d'après David Lisnard, la cote d'alerte est atteinte.

Le Président de la République, peu avare de formules guerrières, parle d'un réarmement civique : d'accord, mais pas au pistolet à bouchon !

Alors que plus d'un maire sur deux ne se représentera pas en 2026, il est temps d'agir, en commençant par corréler les indemnités au temps passé sur les missions.

M. Guy Benarroche .  - Dans les petites communes notamment, un maire a bien du mal à cumuler ses fonctions et une activité à temps plein. Résultat : 23 % des élus communaux sont retraités, 16 % sont des agents publics et assimilés.

J'appelle le Gouvernement à prendre une mesure simple : augmenter les indemnités des maires obligés de se mettre à temps partiel ou d'abandonner leur activité professionnelle. Si l'on veut attirer d'autres profils, c'est indispensable !

Le régime indemnitaire proposé est notoirement insuffisant. Il faut changer de braquet pour décider les gens à s'investir dans la vie publique.

M. Simon Uzenat .  - L'article 1er prévoit une revalorisation uniforme. On peut le comprendre, mais les emmerdes, si je puis dire, sont inversement proportionnelles à la taille de la commune... Ceux qui ont les indemnités les plus faibles auront aussi la revalorisation la plus faible, en valeur absolue - 100 euros, contre 600 pour les plus grandes collectivités. La proposition de loi Kerrouche-Marie prévoyait un traitement différencié.

M. le président.  - Amendement n°315, présenté par Mme Senée, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié : 

1° La première phrase de l'article L. 2123-24-1-1 est ainsi modifiée : 

a) Après le mot : « municipal, », sont insérés les mots : « d'une part » ;

b) Sont ajoutés les mots : « et, d'autre part, au titre de tout autre mandat exercé dans une collectivité territoriale » ;

2° La première phase de l'article L. 5211-12-1 est ainsi modifiée :

a) Après le mot : « conseil, », sont insérés les mots : « d'une part » ; 

b) Sont ajoutés les mots : « et, d'autre part, au titre de tout autre mandat exercé dans une collectivité territoriale » ;

3° La première phrase de l'article L. 3123-19-2-1 est ainsi modifiée : 

a) Après le mot : « départemental, », sont insérés les mots : « d'une part » ;

b) Sont ajoutés les mots : « et, d'autre part, au titre de tout autre mandat exercé dans une collectivité territoriale » ;

4° La première phrase de l'article L. 4135-19-2-1 est ainsi modifiée :

a) Après le mot : « régional, », sont insérés les mots : « d'une part » ;

b) Sont ajoutés les mots : « et, d'autre part, au titre de tout autre mandat exercé dans une collectivité territoriale ».

Mme Ghislaine Senée.  - Nous proposons de simplifier les démarches des élus en matière de déclaration d'indemnités, au moyen d'une déclaration unique, qui facilitera aussi la transparence des informations.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Ce texte porte sur les élus des collectivités territoriales ; mais, en effet, nous devons avancer aussi sur les conseillers des Français de l'étranger.

Sur les indemnités, je rappelle à notre collègue morbihannais que les élus des petites communes ont déjà été augmentés de 30 à 40 % par les textes précédents...

Madame Senée, votre amendement est pertinent dans un esprit de simplification : sagesse. (On s'en félicite à gauche.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - La loi Engagement et proximité de 2019 prévoit déjà des obligations de transparence sur l'indemnisation des élus. Votre amendement l'explicite. Nous soutenons tout ce qui concourt à la transparence : avis favorable.

M. Daniel Fargeot.  - J'avais déposé un amendement, retoqué au titre de l'article 40, regroupant les trois premières strates, pour redonner de l'attractivité aux mandats dans les communes rurales, où la charge est comparable à celle des communes de plus grande taille, faute d'agents communaux. À défaut, je voterai cet article 1er.

L'amendement n°315 est adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par M. Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel, M. Fialaire, Mme Girardin et MM. Gold et Roux.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du II de l'article L. 2123-20, à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 3123-18 et à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 4135-18 du code général des collectivités territoriales, les mots : « à une fois et demie le » sont remplacés par le mot : « au ».

M. Henri Cabanel.  - Nous voulons plafonner le cumul des indemnités à hauteur de l'indemnité parlementaire, afin de trouver des ressources pour augmenter les indemnités des maires des communes les plus petites, qui sont encore insuffisantes.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Nous y sommes plutôt défavorables, car votre amendement pose la question du cumul horizontal, dont nous reparlerons à l'occasion. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°14 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°98, présenté par MM. Dantec et Benarroche, Mme Senée, MM. G. Blanc, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

I. - Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1° du I de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette dotation prend en charge toutes les dépenses inhérentes à la fonction d'élu, soit notamment les indemnités, les frais liés à l'exercice du mandat et les formations, à l'exclusion de toute autre dépense. La somme attribuée à ces dépenses de fonctionnement démocratique est fixée annuellement en loi de finances et ne peut être utilisée pour aucune autre dépense. »

II. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Ronan Dantec.  - Je suis ravi que cet amendement soit passé à travers les mailles du filet des irrecevabilités (Mme Jacqueline Eustache-Brinio s'en amuse), car c'est une des propositions qui a recueilli le plus d'intérêt des élus locaux.

Il s'agit de distinguer, au sein de la DGF, la partie dédiée à l'action publique, de la dotation de fonctionnement démocratique. Nous connaissons tous les débats épineux qui agitent les petites communes lorsqu'il s'agit de choisir entre les indemnités des élus et la réfection de la cantine... Il faut séparer les deux.

À l'inverse, si la loi augmente les indemnités ou les droits à formation des élus, il ne faut pas que cela obère l'action de la collectivité.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Voilà un amendement qui ne manque pas de créativité. (Sourires)

Certaines dépenses relèvent de la DPEL et nous souhaitons que le Gouvernement regarde avec bienveillance notre amendement sur l'élargissement de l'éligibilité à la DPEL.

Le groupe transpartisan présidé par Gérard Larcher considère que la DGF est dans une impasse. Avec le ZAN, il faudra financer les collectivités différemment. Prenons au sérieux cette question, comme Éric Woerth s'y est engagé. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Même avis.

M. Hussein Bourgi.  - Je voterai cet amendement frappé au coin du bon sens. Souvent à l'occasion des élections, les indemnités deviennent un argument politicien : c'est le concours Lépine de qui baissera le plus les indemnités. (Mme Karine Daniel hoche la tête.) Lorsque l'équipe arrive aux responsabilités, elle doit, sous la pression populaire et l'oeil des médias, tenir sa promesse ou se dédire. Il faut dépolitiser cette décision : c'est tout l'intérêt de cet amendement.

Mme Karine Daniel.  - J'espère que l'on peut faire preuve de créativité dans cet hémicycle - les élus avec lesquels nous avons travaillé ces propositions n'en manquent pas. Tout ce qui peut apporter de la transparence à la démocratie locale est utile. C'est le cas de cet amendement, que je voterai.

M. Ronan Dantec.  - Cet amendement vient du terrain. Oui, il faudra réformer la DGF. Mais avec cet amendement, nous enverrons un message très clair sur la distinction entre action publique et fonctionnement démocratique.

M. Guillaume Gontard.  - C'est un amendement essentiel. Des élus font en effet le choix de renoncer à leur indemnité ou de la réduire, ce que nous ne pouvons accepter. La créativité de Ronan Dantec est intéressante pour sécuriser les indemnités.

Madame la ministre, j'aimerais connaître votre avis sur la question. Les indemnités font l'objet de jeux politiques, mais tous les élus n'ont pas la possibilité d'y renoncer : cela pose un vrai problème démocratique.

Votons cet amendement !

Mme Cécile Cukierman.  - Tout amendement est perfectible, mais celui-ci me semble de bon sens. J'aurais été bien plus radicale, car notre démocratie est malade : pourquoi les élus devraient-ils fixer leurs propres indemnités ? Depuis quand la reconnaissance de l'engagement des élus locaux doit-elle se monnayer ?

C'est la première délibération qu'ils doivent prendre. Il faut qu'elle soit automatique, sans besoin de renégocier tous les six ans, car sinon les populistes s'en donnent à coeur joie !

Prenez cet exemple : le maire d'une commune rurale, retraité, a ainsi renoncé à ses indemnités pour privilégier l'investissement ; son premier adjoint a pris la suite, mais il a 45 ans, des enfants, et demande à toucher son indemnité... Cela crée un petit débat local. (Applaudissements des travées du groupe CRCE-K jusqu'aux travées du groupe UC)

M. Michel Canévet.  - Oui, il y a une culpabilisation liée aux indemnités dans les toutes petites communes. Je voterai cet amendement, qui fait avancer les choses. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC et du GEST ; Mme Karine Daniel applaudit également.)

M. Alain Joyandet.  - Le sujet est important, surtout dans les départements ruraux : il y a du vécu dans les prises de parole... Nous ne trouverons pas de solution simple, d'où mon amendement suivant qui vise à ce que l'État prenne en charge ces indemnités sur le fondement d'un barème. Le maire représente l'État dans sa commune : ce serait la solution la plus simple et il n'y aurait plus de débat. Article 40 oblige, nous demandons un rapport. Le coût net peut être nul.

Nous parlons de reconnaissance : un maire rémunéré par l'État, voilà qui mérite d'être étudié.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Je ne sais pas si cet amendement est créatif, mais il est pertinent.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Mais non !

M. Jean-Marie Mizzon.  - À chaque début de mandat, on assiste à des torrents de démagogie et de surenchère et les maires se retrouvent dans des situations malsaines, où ils sont la variable d'ajustement.

Cet amendement coupera court à ces débats démagogiques : je le voterai. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Je vous sens impatients d'examiner l'article 2, dont nous anticipons le débat...

Ce que vous dites est vrai, la presse en fait ses choux gras, mais la dotation forfaitaire ne peut être affectée.

En outre, à l'article 2, nous répondons à vos souhaits : il n'y aura plus de débat, en conseil municipal, sur l'indemnité des élus. (M. Ronan Dantec le réfute.) Si, cher collègue ! L'indemnité des maires et des adjoints sera fixée comme avec un barème, sans discussion. Libre au maire de répartir ensuite l'enveloppe avec les conseillers délégués. En complément, nous demandons au Gouvernement d'élargir l'éligibilité à la DPEL. Mais cela sera pour demain... je réitère mon avis défavorable à cette mauvaise réponse à une bonne question.

Mme Céline Brulin.  - Nous voterons sans doute massivement l'article 2, mais cet amendement propose autre chose : il sanctuarise le budget dévolu aux indemnités pour que les élus ne soient mis face au dilemme lié aux difficultés financières des communes. Les arguments populistes de tout poil ne prendraient pas, alors qu'aujourd'hui, en début de mandat, les habitants ou leurs adversaires appellent les maires à réduire leurs indemnités... Ces sommes doivent revenir aux élus, sans mise en balance avec d'autres projets. (M. Olivier Rietmann s'exclame.)

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°98 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°142 :

Nombre de votants 296
Nombre de suffrages exprimés 280
Pour l'adoption 110
Contre 170

L'amendement n°98 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°119 rectifié bis, présenté par M. Joyandet, Mmes Belrhiti, Muller-Bronn et Bellurot, MM. Piednoir et Courtial, Mmes Lopez et Imbert, MM. Houpert et Michallet, Mmes Nédélec et Gruny, MM. Paccaud, Reichardt, Panunzi et Cadec, Mmes Petrus et Puissat, MM. Duplomb, J.M. Boyer, Tabarot et Reynaud et Mme Bonfanti-Dossat.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant la faisabilité, pour l'État, d'indemniser directement les maires sur son budget.

M. Alain Joyandet.  - Défendu.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Alors, voilà la note : remplacer les élus par des fonctionnaires coûterait 3,4 milliards d'euros, soit 2,3 fois plus qu'aujourd'hui. Retrait ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°119 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Il reste 240 amendements à examiner sur ce texte.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 6 mars 2024, à 15 heures.

La séance est levée à minuit quarante.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 6 mars 2024

Séance publique

À 15 heures, à 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Dominique Théophile, vice-président

Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Nicole Bonnefoy.

1. Questions d'actualité

2. Débat sur le thème : « Équité et transparence de Parcoursup à la frontière du lycée et de l'enseignement supérieur » (demande du groupe CRCE-K)

3. Débat sur le thème : « Enseignement privé sous contrat : quelles modalités de contrôle de l'État et quelle équité des moyens vis-à-vis de l'enseignement public ? » (demande du groupe SER)

4. Suite de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, présentée par Mme Françoise Gatel, MM. Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau, Hervé Marseille, Patrick Kanner, François Patriat, Mme Cécile Cukierman, M. Claude Malhuret, Mme Maryse Carrère et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°367, 2023-2024) (demande de la commission des lois et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation)