Réseau routier national non concédé (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé.

Par courrier en date du 8 mars, M. Patrick Kanner, président du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, a demandé le retour à la procédure normale pour l'examen de ce texte.

Discussion générale

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports .  - Cette proposition de loi vise à faciliter la mise en oeuvre du volet routier de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS. Il s'agit de réparer une omission dont il résulte que les régions ne peuvent accorder de délégation de signature aux agents de l'État exerçant dans les services routiers mis à leur disposition.

La loi 3DS prévoit, à titre expérimental, la possibilité d'une mise à disposition de parties du réseau routier national non concédé aux régions volontaires. Elle représente ainsi une innovation par rapport aux précédents actes de décentralisation routière en permettant aux autorités organisatrices des mobilités à l'échelle régionale de prendre la main sur la gestion des axes routiers structurants de leur territoire.

Les régions Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est se sont portées volontaires, pour plus de 1 600 km de routes et d'autoroutes. Les régions Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes ont d'ores et déjà conclu une convention de mise à disposition, pour une entrée en vigueur au 1er janvier prochain. Les discussions sont en bonne voie avec la région Occitanie pour finaliser la convention.

Mais toutes trois ont relevé une lacune dans le texte de 2022, qui compromet, voire empêche l'exercice de ces nouvelles missions : en vertu d'une jurisprudence constante du Conseil d'État, les présidents de conseil régional ne peuvent déléguer leur signature aux agents de l'État.

Or la gestion d'un réseau routier suppose quantité d'actes administratifs et réglementaires : arrêtés de circulation, bons de commande... Les services aguerris à la gestion des routes sont ainsi dotés de chaînes de délégations de signature permettant d'agir vite au niveau le plus pertinent.

Ce texte apporte de la fluidité en précisant les compétences des présidents de région et en autorisant des délégations, pour éviter la remontée de tous les actes à la signature du président du conseil régional, ingérable au quotidien. Le Gouvernement le soutient. (Mmes Patricia Schillinger et Nadine Bellurot applaudissent.)

M. Alain Marc, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du RDPI) Au conseil départemental de l'Aveyron, j'ai constaté que les collectivités locales faisaient souvent mieux que l'État pour gérer les infrastructures locales. En témoigne l'exemple des collèges et lycées, depuis la loi Defferre de 1982.

La loi Maptam a fait de la région le chef de file en matière de mobilité, et la loi 3DS a permis le transfert définitif de routes aux départements et la mise à disposition expérimentale aux régions du réseau routier national non concédé. Actuellement géré par l'État, les directions interdépartementales des routes (DIR) et les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), ce réseau stratégique représente 12 000 km de voies, 1,1 % du réseau routier national, mais 19 % du trafic.

Les régions Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est ont manifesté leur intérêt pour ces conventions. Le 4 janvier 2023, le ministère des transports a donné son accord pour 1 638 km de routes. Le Grand Est a signé sa convention le 19 octobre 2023, Auvergne-Rhône-Alpes le 24 janvier 2024. En Occitanie, les négociations devraient aboutir prochainement.

Une difficulté technique est cependant apparue : l'article 40 de la loi 3DS ne permet pas aux présidents de région de déléguer leur signature aux agents de l'État, et le code général des collectivités territoriales (CGCT) ne prévoit pas de délégation générale.

Le Conseil d'État n'a pas hésité à sanctionner des délégations de signatures de conseils départementaux, dépourvues de base légale. Cette délégation est pourtant indispensable, la gestion des routes nécessitant la signature quotidienne de dizaines d'actes administratifs, notamment en cas d'intempéries : sans elle, l'expérimentation risque d'échouer. Les régions resteront décisionnaires, jusqu'à la fin de l'expérimentation.

La proposition de loi répond parfaitement aux problèmes soulevés par les régions. Franck Leroy, président de la région Grand Est, m'en a expliqué tout l'intérêt.

En 2030 nous dresserons le bilan de cette expérimentation de décentralisation, à condition que nous adoptions aujourd'hui cette proposition de loi déjà votée par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-Claude Anglars applaudit également.)

M. Christian Bruyen .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi est indispensable pour éviter des blocages de procédure, préjudiciables à l'entretien et à la modernisation du réseau transféré. D'ailleurs, l'état actuel de ce réseau n'est pas extraordinaire...

Notre groupe y est plutôt favorable. Mais cette expérimentation est-elle au coeur de la décentralisation ? Je n'en suis pas convaincu.

Un gestionnaire de plus, pour un domaine routier dépendant déjà d'un grand nombre de décideurs, n'est pas gage de simplification. On peut regretter que seules trois régions aient été volontaires, pour 1 638 km sur plus de 10 000 km. La compétence routière est très divisée : 700 000 km de voirie dépendent des communes, 380 000 des départements, un maillage structurant.

Je ne conteste pas le chef de filat des régions en matière de mobilité, mais les départements ont une expertise reconnue, quoique sous-considérée dans la capitale.

Ces trois régions sont courageuses. Elles ont une assise financière qui fait cruellement défaut aux départements, asphyxiés par l'État. (M. Clément Pernot applaudit ; on acquiesce sur les travées du groupe Les Républicains.) Cette asphyxie affectera douloureusement l'équilibre des territoires dans un futur proche.

Il serait opportun de remettre le département au coeur de ce dispositif. Des conventions entre régions et départements pourraient reconnaître l'ingénierie de ces derniers, dans une mutualisation de bon sens. Il faudrait aussi revisiter les conditions du transfert, qui tiennent du marché de dupes, pour augmenter le nombre de volontaires.

Il ne faut pas limiter l'écotaxe aux grands axes, mais inclure également les tronçons à l'importance locale manifeste.

Une concertation véritable doit s'établir, sans mésestimer l'échelon départemental. Prenons en compte la mobilité dans toutes ses dimensions territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Jean Rochette .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Martin Lévrier applaudit également.) La détérioration de notre réseau routier est de plus en plus visible. En cause, les récents événements climatiques, le manque d'entretien et de moyens. Une action forte s'impose.

Les solutions sont multiples. En la matière, la subsidiarité est clé, pour des décisions plus efficaces et plus rapides. J'ai entendu votre engagement, monsieur le ministre, à venir en débattre avec nous. Nous répondrons présents.

Le débat doit être guidé par le bon sens et le pragmatisme. Beaucoup soutiennent cette expérimentation. Trois régions se sont portées volontaires, dont la mienne, la région Auvergne-Rhône-Alpes. Nous pensons à la RN 7, à hauteur de Roanne, ou à la RN 88, chère à notre président de région.

Une contrainte de taille a été identifiée, à laquelle la proposition de loi répond justement. Je salue le travail de la commission des lois et de son rapporteur, l'excellent Alain Marc. (M. Emmanuel Capus renchérit.)

Ce texte répond à une attente des régions, et le doublement du délai de conventionnement est bienvenu. Prolonger l'expérimentation au-delà des huit années prévues pourrait être valable, nous en discuterons le moment venu. Le groupe INDEP se prononcera très largement en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nos élus locaux le savent : un transfert de compétences est souvent un chemin semé d'embûches.

Il arrive qu'il appelle un complément législatif. La proposition de loi que nous examinons, déposée par le député David Valence, a été examinée en commission sans grand débat sur le fond. Je salue le travail réalisé par le rapporteur.

Ce texte comble un oubli technique dans l'expérimentation prévue par la loi 3DS, qui doit être une source d'inspiration pour le Gouvernement dans d'autres domaines. Il faut choisir le bon niveau de compétences en fonction du sujet, sur le terrain. Les régions, chef de file depuis 2014, ont prouvé leurs compétences en matière de transport.

La région Grand Est, qui compte parmi les trois régions volontaires, envisage d'expérimenter l'écotaxe régionale. Avec les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie, 1 638 kilomètres de routes sont concernés sur les 12 000 du réseau routier national non concédé - 1,1 % du réseau.

L'article unique de la proposition de loi prévoit une délégation de signature du président du conseil régional aux acteurs de l'État. Tous les actes administratifs relèvent en effet du pouvoir adjudicateur, appelant la signature du président de région. Ces délégations de signature sont donc indispensables.

Les discussions entre le Gouvernement et les trois régions volontaires sont en bonne voie. La convention avec la région Grand Est a été signée le 19 octobre dernier, celle conclue avec la région Auvergne-Rhône-Alpes le 24 janvier dernier.

L'État n'est plus en mesure d'entretenir son réseau routier national, faute d'avoir conservé les compétences nécessaires et de décliner ses propres engagements dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER). Ainsi, le 4 janvier 2023, 1 360 km de linéaire cumulé ont été confiés à seize départements et trois régions. Le Gouvernement avait assuré alors qu'il s'agissait d'une première salve de transferts.

Monsieur le ministre, je relaie auprès de vous la demande de plusieurs départements, dont les Hautes-Alpes, qui ne sont pas parvenues à trouver un accord avec l'État sur la gestion d'un ouvrage d'art spécifique : le pont de Savines.

Votre prédécesseur avait dit vouloir aller au bout des discussions, notamment syndicales. Le département des Hautes-Alpes souhaite développer des mobilités cohérentes. Alors qu'il ne reste que 100 à 150 km de routes nationales, il est difficile de trouver de la cohérence entre les moyens du département et les attentes de nos concitoyens.

La perspective des jeux Olympiques (JO) de 2030 dans les Alpes françaises, notamment dans mon département, avec le pôle briançonnais, nécessite de trouver un accord rapidement.

Le groupe UC votera le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte précise les articles 40 et 41 de la loi 3DS pour rendre effective la mise à disposition expérimentale de certaines fractions du réseau routier national non concédé, répondant à une demande unanime des régions.

Nous fournirons ainsi aux trois régions volontaires pour cette expérimentation les moyens de sa mise en oeuvre. Nous donnons à la région Grand Est les moyens de mettre en place l'écocontribution poids lourds, rejoignant ainsi les pays frontaliers.

Cela s'inscrit dans un mouvement de décentralisation des routes engagé depuis une cinquantaine d'années. Ainsi, 55 000 km ont été confiés aux conseils généraux en 1972, auxquels se sont ajoutés 18 000 km en 2006. S'y ajouteraient donc bientôt 1 638 km.

Cette expérimentation régionale favorise une mise en oeuvre pertinente et territorialement adaptée de la transition écologique des mobilités : voies de cars express, bornes de recharge électriques par exemple. L'efficacité de l'action publique s'en trouvera amplifiée.

Mais il faut des moyens. La Cour des comptes a pointé, en 2022, la dégradation du réseau. Les départements peinent à assurer les investissements et les charges du réseau routier. Le contexte financier défavorable explique le relatif manque d'engouement des régions...

La compensation financière par l'État n'est pas tout à fait, nous le savons, au rendez-vous -  les trois présidents de région l'ont souligné.

Fluidifier la gestion du réseau routier national délégué par des délégations de signatures est évidemment nécessaire. Mais il faudra aussi assurer des perspectives décentralisées désirables pour les agents de l'État concernés. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

M. Gérard Lahellec .  - Cette proposition de loi soulève des interrogations, car, à ce jour, moins de 3 000 kilomètres ont trouvé preneur dans trois régions. Ces dernières, lassées d'attendre, ont considéré qu'il valait mieux qu'elles gèrent elles-mêmes ce réseau...

On ne peut pas exclure que, pour certains itinéraires, l'usager traverse des portions de routes appartenant à des institutions qui n'auront pas toutes la même approche des politiques routières. Or il faut une cohérence nationale pour le réseau national !

On nous dit que, à la demande des régions volontaires, la proposition de loi permettra aux présidents de conseil régional de déléguer leur signature aux services de l'État et à leurs agents pour les fractions du réseau qui pourraient être mis à leur disposition. Nous appellerons sûrement cela de la simplification administrative...

Mais les négociations sur les modalités financières des transferts n'ont toujours pas abouti, comme les discussions autour des CPER.

Mme Cécile Cukierman.  - Exactement !

M. Gérard Lahellec.  - On nous propose une délégation de signature aux agents de l'État pour les fractions de routes nationales continuant à relever partiellement de l'État... Curieuse décentralisation ! Lors du vote de la loi 3DS, je ne suis pas sûr que nous avions prévu une telle complexité... Un certain amateurisme semble avoir prévalu au moment de la rédaction de cette loi.

Cela n'est pas sérieux et nous incite à ne pas voter ce texte. Ce transfert est piégeux. Mais nous ne voulons pas non plus nourrir le blocage contre les régions qui se sont lancées dans l'expérimentation. Aussi, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cette proposition de loi technique du député David Valence, également président du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), porte sur la délégation de signature du président de région aux DIR et Dreal. En effet, une seule délégation aux chefs de service aurait été possible, alors qu'il fallait l'élargir aux subdélégations. Voilà un obstacle opérationnel supprimé.

En outre, elle allonge le délai de négociation des conventions entre régions et État de huit à seize mois.

Seules trois régions ont sauté le pas de l'expérimentation. Elles récupéreront la gestion de 1 638 km d'autoroutes et routes nationales pour huit ans. En comptant les départements et les métropoles, elles aussi concernées, c'est 30 % du réseau routier national qui change de main, bien loin des 18 000 km transférés par la loi du 13 août 2004.

Il est étonnant, pour une simplification, de transférer une compétence routière aux régions alors qu'elles n'ont jamais eu de services spécialisés en la matière, contrairement aux départements. Il n'est donc pas surprenant que nous devions ajuster le tir pour satisfaire le Conseil d'État, alors que toutes les conventions ne sont pas encore signées.

L'objet de cette proposition de loi est très circonscrit, même s'il y aurait beaucoup à dire sur les compensations de l'État envers les départements. Les membres du RDSE voteront, une fois de plus, en leur âme et conscience. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Philippe Grosvalet baisse le pouce en souriant.)

Mme Patricia Schillinger .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Cette proposition de loi de David Valence rend opérationnelle la loi 3DS, qui ouvre la délégation de la compétence d'aménagement et de gestion des routes nationales non concédées aux collectivités territoriales.

La Collectivité européenne d'Alsace a été précurseur, puisque la propriété de ces routes lui a été transférée à sa création.

Cela répond à une demande de l'Association des Régions de France, qui proposait en 2017 de confier la compétence voirie aux régions.

Pour l'instant, trois régions s'y sont attelées, en définissant leurs modalités. La région Grand Est a ainsi décidé de créer une écotaxe poids lourds. Les deux autres, Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie, ont surtout travaillé sur leur rôle de chef de file en matière de mobilité.

Mais la mise en oeuvre concrète de l'expérimentation se heurte à l'impossibilité pour l'exécutif des conseils régionaux de déléguer sa signature, ce à quoi répond cette proposition de loi.

À l'Assemblée nationale, un amendement a prolongé le délai pour la conclusion de l'accord État-région.

Le RDPI votera cette proposition de loi, qui s'inscrit dans l'esprit décentralisateur de la loi 3DS dans le but de rapprocher le pouvoir du citoyen et d'offrir un service public plus performant. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Pierre-Alain Roiron .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi s'inscrit dans la nécessaire modernisation de notre réseau routier. Depuis la loi Maptam de 2014, les régions ont de plus en plus assumé la compétence de mobilité - c'est l'un de leurs principaux postes budgétaires. L'expérimentation de la loi 3DS, entreprise par les régions Grand Est, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes, va dans ce sens, mais elle révèle des difficultés, que ce texte vient corriger.

Le réseau national non concédé ne représente que 1,1 % du réseau, mais 19 % du trafic. Or les collectivités territoriales sont très souvent les mieux placées pour gérer efficacement les infrastructures. Une lacune majeure a été mise en lumière : il faut une délégation de signature aux agents, qui n'avait pas été prévue. La proposition de loi y remédie.

Les modifications issues de l'Assemblée nationale démontrent une volonté d'adapter le texte à la réalité du terrain. Il fallait sécuriser juridiquement le dispositif.

À ce jour, l'expérimentation n'a cependant pas suscité d'enthousiasme. C'est pourquoi il fallait s'assurer de ne pas la complexifier et ne pas décourager les régions, et que la convention État-région spécifie le périmètre exact des installations concernées.

Les régions restent à ce jour les entités républicaines des lois de décentralisation, dont il faut garantir les libertés. Il faut amplifier leur autonomie financière et fiscale, dans la concertation.

L'expérimentation permet de déroger temporairement aux lois et règlements nationaux. C'est l'occasion pour les régions d'avoir leur mot à dire. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. Gilbert Favreau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le réseau routier national non concédé s'amenuise d'année en année : 11 000 km, contre 377 000 km de routes départementales.

La loi 3DS permet aux départements et métropoles de récupérer un certain nombre de routes, ainsi que la mise à disposition à titre expérimental de routes nationales non concédées à des régions - mais seules trois d'entre elles ont été séduites par la proposition, pour 1 638 km de routes.

Mon département des Deux-Sèvres a mené une expérimentation pour l'axe RN 149 et 249 Poitiers-Nantes, pleinement justifiée par les fortes contraintes de circulation et nombreux accidents. Le département fixait trois conditions suspensives : un état des lieux des charges transférées ; une compensation par l'État des charges nouvelles ; un engagement de l'État de contribuer à hauteur d'au moins 50 % au programme de modernisation de l'itinéraire financé par le CPER.

Le département s'est vu opposer une fin de non-recevoir, au motif qu'il ne pouvait y avoir de négociation spécifique de la compensation entre l'État et la collectivité recevant un transfert. Le département a donc abandonné sa demande, restant au statu quo.

Sur les trois régions ayant manifesté leur intérêt, seules deux ont signé une convention avec l'État, entrant en vigueur au 1er janvier 2025, sous réserve de la négociation d'une convention complémentaire.

Le CGCT ne permet pas de délégation de signature du président du conseil régional aux services de l'État. La proposition de loi y remédie, mais elle ne marquera pas l'histoire...

L'État n'a pas les moyens, mais il ne veut pas lâcher la gestion !

Je voterai cette proposition de loi pour me conformer aux consignes de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

M. Olivier Jacquin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Cette proposition de loi répond à un véritable besoin des trois régions qui se sont lancées dans l'expérimentation rendue possible par la loi 3DS, qui n'avait malheureusement rien dit sur les recettes, sous prétexte qu'une écotaxe serait à venir. Finalement, seule ma région du Grand Est pourra la mettre en oeuvre, vu les conditions de la loi Climat et résilience.

Dès lors que seules trois régions se sont lancées, la loi 3DS est un échec partiel. J'ai donc songé à déposer un amendement rouvrant la possibilité pour les régions de demander le transfert, mais selon des négociations véritablement déconcentrées et décentralisées.

La région Grand Est a besoin de ressources financières conséquentes pour l'expérimentation, notamment pour l'élargissement et le verdissement de l'A31. Mais il a fallu attendre 18 mois pour que l'ordonnance nécessaire à l'écotaxe soit prise : que de temps perdu, alors qu'il faut agir contre la fuite des poids lourds sur les axes voisins !

Plus généralement, une incertitude demeure sur l'effectivité des compensations financières du transfert, car les volets mobilité des CPER couvrent la période 2023-2027, et non 2022-2030 comme l'expérimentation. Cela empêche des politiques ambitieuses.

Puisque les régions attendent ce texte, je n'ai pas déposé d'amendement pour favoriser une adoption conforme. Mais monsieur le ministre, êtes-vous prêt à renforcer les volets temporel et budgétaire de la loi 3DS ?

Avant de lancer des conventions citoyennes, réglons les tracasseries du quotidien dues à des textes insuffisamment préparés - au point qu'un député de votre propre majorité est obligé de rectifier le tir.

Le groupe SER votera ce texte ; mais le Gouvernement doit travailler autrement et écouter les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Marc applaudit également.) Cette proposition de loi comble une lacune de la loi 3DS. La situation actuelle permet le partage de la gestion des routes entre départements, régions et métropoles.

Mais il manque deux éléments manquent à cette proposition de loi. Le rôle des départements, d'abord - les débats à l'Assemblée nationale montrent que ne pas les oublier n'a rien d'évident. Au Sénat, le 8 juillet 2021, nous avions supprimé l'expérimentation.

Le rôle de l'État, ensuite : après les transferts massifs de 1972 et de 2006, la loi 3DS marque une troisième phase de son désengagement. Dans l'Aveyron, l'axe Toulouse-Lyon reste à aménager sur 40 km de la RN 88 entre Rodez et Sévérac-d'Aveyron, particulièrement accidentogène. Le département et la région s'impliquent fortement, mais le financement de l'État se fait attendre.

Au vu du travail des excellents rapporteur et président de la commission sur cette proposition de loi technique, nous la voterons. Mais, monsieur le monsieur, n'oubliez pas l'Aveyron ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Cécile Cukierman et M. Alain Marc applaudissent également.)

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Jamais !

Discussion de l'article unique

Mme Cécile Cukierman .  - La procédure normale ayant été rétablie à la demande d'un autre groupe, je m'engouffre dans la brèche. Plus de deux ans après la promulgation de la loi 3DS, nous constatons un problème dans la réalisation des lois, alors que les services de l'État sont parfois très vigilants pour corseter l'action des parlementaires.

Je veux attirer votre attention sur la situation des régions, qui peinent à boucler le volet mobilité des CPER. Elles ont besoin d'engagements.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté.