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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage aux victimes d'inondations

Modification de l'ordre du jour

Violences intrafamiliales (Conclusions de la CMP)

Mme Marie Mercier, rapporteur pour le Sénat de la CMP

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Laurence Harribey

Mme Elsa Schalck

M. Pierre Jean Rochette

Mme Dominique Vérien

M. Akli Mellouli

Mme Marie-Claude Varaillas

Mme Maryse Carrère

Mme Nicole Duranton

Réseau routier national non concédé (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports

M. Alain Marc, rapporteur de la commission des lois

M. Christian Bruyen

M. Pierre Jean Rochette

M. Jean-Michel Arnaud

M. Jacques Fernique

M. Gérard Lahellec

M. Michel Masset

Mme Patricia Schillinger

M. Pierre-Alain Roiron

M. Gilbert Favreau

M. Olivier Jacquin

M. Jean-Claude Anglars

Discussion de l'article unique

Mme Cécile Cukierman

CMP (Nominations)

Adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois

M. Alain Marc

Mme Olivia Richard

M. Guy Benarroche

M. Ian Brossat

M. Michel Masset

M. Olivier Bitz

Mme Audrey Linkenheld

M. François Bonhomme

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Jean-Baptiste Blanc

Discussion de l'article unique

M. Olivier Paccaud

Discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois

M. Pierre Jean Rochette

Mme Olivia Richard

M. Guy Benarroche

M. Ian Brossat

M. Philippe Grosvalet

Mme Patricia Schillinger

Mme Corinne Narassiguin

Mme Marie Mercier

Discussion des articles

Article 1er

Article 2 (Supprimé)

Article 3 (Supprimé)

Article 3 bis

Vote sur l'ensemble

Mme Corinne Narassiguin

M. Ian Brossat

M. Philippe Grosvalet

M. Pierre Jean Rochette

M. Guy Benarroche

Mme Frédérique Puissat

Mme Olivia Richard

Accord en CMP

Ordre du jour du mercredi 13 mars 2024




SÉANCE

du mardi 12 mars 2024

70e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Mathieu Darnaud, vice-président

Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Nicole Bonnefoy.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Hommage aux victimes d'inondations

M. le président.  - Le sud de notre pays a été frappé ces derniers jours par de violents orages et de terribles inondations. Plusieurs personnes sont décédées ou portées disparues dans le Gard, l'Hérault et l'Ardèche.

Mes pensées vont d'abord à leurs familles et à leurs proches ; leur vie a basculé ce week-end, après souvent des heures d'attente. Au nom du Sénat tout entier, je leur adresse nos vives condoléances.

Je salue aussi le professionnalisme et la mobilisation totale des services de secours, notamment des sapeurs-pompiers et des gendarmes, qui se dépensent sans compter pour rechercher les disparus et prévenir d'autres drames.

Je pense enfin aux élus locaux qui, une nouvelle fois, se sont trouvés en première ligne, avec leurs agents.

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - Par courriers en date des 8 et 11 mars 2024, M. Guillaume Gontard, président du groupe Écologiste  -  Solidarité et Territoires, et Mme Cécile Cukierman, présidente du groupe Communiste Républicain Citoyen Écologiste - Kanaky, ont demandé que le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge, inscrit à l'ordre du jour du jeudi 14 mars, soit examiné selon la procédure normale.

Par courrier en date de ce jour, le Gouvernement a demandé le report de l'examen de ce projet de loi au mercredi 3 avril, en troisième point de l'ordre du jour.

Acte en est donné.

Pour la discussion de ce texte, nous pourrions prévoir un temps de 45 minutes pour les orateurs des groupes.

Il en est ainsi décidé.

Violences intrafamiliales (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.

Mme Marie Mercier, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Que faire de l'autorité parentale en cas de violences intrafamiliales ? Nous avons tâché de résoudre cette question complexe avec pour seule boussole l'intérêt de l'enfant.

La proposition de loi de la députée Isabelle Santiago prévoit la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale en phase pré-sentencielle et le retrait de cette autorité par les juridictions pénales en cas de condamnation. Au cours de la navette, nous nous sommes mis d'accord sur la grande majorité des dispositions et en avons ajouté certaines pour compléter la protection de l'enfant.

Nous avons rendu plus automatique, sans l'imposer au juge, le retrait de l'autorité parentale en cas de condamnation pour crime ou agression sexuelle sur l'enfant ou pour crime sur l'autre parent. Nous avons mis fin au décalage entre le code civil et le code pénal en matière de retrait de l'autorité parentale : l'introduction d'une mesure générale dans le code pénal, sur l'initiative de notre commission, facilitera grandement le travail des magistrats et des avocats.

Une mesure ajoutée en cours de discussion me tient particulièrement à coeur : l'institution d'une période de stabilité minimale de six mois - un répit - pour l'enfant après une décision de retrait de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement.

Seul restait à trancher en CMP le désaccord sur le régime de la suspension de l'exercice de l'autorité parentale avant tout jugement.

Le Sénat avait accepté dès la première lecture l'extension de ce mécanisme aux crimes et agressions sexuelles incestueuses sur l'enfant, mais souhaitait maintenir la saisine systématique du juge aux affaires familiales (JAF), pour que la situation de l'enfant soit examinée par un magistrat, et que la suspension ne puisse se prolonger au-delà de six mois sans cet examen. Dans notre esprit, il s'agissait d'une sécurité pour l'enfant et de la garantie d'une mesure proportionnée.

Le 6 février dernier, le Sénat a finalement adopté le dispositif de l'Assemblée nationale : la suspension courra tout le temps de la procédure pénale ou jusqu'à la décision du JAF, saisi éventuellement par l'un des parents et non plus systématiquement par le procureur de la République. En revanche, nous avons supprimé le régime spécifique de suspension en cas de condamnation, même non définitive, pour des violences volontaires ayant entraîné une incapacité temporaire de travail (ITT) de plus de huit jours lorsque l'enfant a assisté aux faits, ce cas nous paraissant pris en compte à l'article 2.

C'est sur cette version que s'est accordée la CMP, dont je vous invite à adopter les conclusions.

Je suis convaincue que le travail de nos deux assemblées changera la manière dont les juridictions pénales se saisissent de la question de l'autorité parentale. Elles étaient réticentes à toucher à cette notion relevant du droit civil ; nous leur donnons tous les outils pour le faire et mieux protéger les enfants.

S'agissant de la suspension de l'exercice de l'autorité parentale en cours de procédure pénale, nous serons attentifs à la manière dont les JAF auront à se prononcer rapidement : la commission des lois est en effet attachée à l'intervention du juge, seul à même de déterminer l'intérêt de l'enfant et la proportionnalité de la mesure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Après la belle semaine que nous venons de passer sous le signe des droits des femmes, nous entamons celle-ci sous celui de l'enfance. La protection des femmes comme de l'enfance est l'une des priorités du Gouvernement : je me félicite donc que vos deux assemblées soient parvenues à un compromis sur cette proposition de loi.

Il faut dire que le texte que vous avez adopté le 6 février dernier était presque à maturité, seul l'article 1er restant en débat. Dans la version issue de la CMP, il modifie l'article 378-2 du code civil pour étendre le mécanisme de suspension de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi ou condamné.

Dès lors qu'un parent sera poursuivi pour crime ou agression sexuelle sur sa personne, aucun risque ne sera pris pour l'enfant, qui n'aura plus aucun contact avec son agresseur présumé jusqu'à la décision de non-lieu ou la décision pénale.

D'aucuns ont pensé que cette suspension portait une atteinte excessive aux droits parentaux, d'autant que l'obligation faite au procureur de la République de saisir le JAF dans les huit jours est supprimée. Il n'en est rien : le parent mis en cause peut demander au JAF la mainlevée de la suspension. S'il ne le fait pas, il démontre son désintérêt pour son enfant. S'il le fait, il a la possibilité de convaincre un juge de sa capacité à assurer la sécurité et le bien-être de sa progéniture.

L'écriture à laquelle vous avez abouti atteint nos objectifs de protection de l'enfant en amont de la décision pénale, et je m'en félicite.

Quant à l'article 2, il a rapidement fait consensus. Il marque une avancée importante, le retrait de l'autorité parentale n'étant à l'heure actuelle qu'une faculté pour le juge, quelle que soit l'infraction ayant donné lieu à condamnation.

Le deuxième volet du dispositif concerne tous les délits commis sur l'enfant autres que l'agression sexuelle incestueuse. En cas de condamnation, le juge pénal aura l'obligation de se prononcer sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou de son exercice.

Le troisième volet concerne le cas d'un parent condamné comme auteur, coauteur ou complice d'un délit commis par son enfant. En cas de condamnation, le juge pénal aura la possibilité d'ordonner le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou de son exercice.

Ce texte représente une avancée indéniable pour la protection des enfants. De même que la protection des droits des femmes revêt une dimension universelle, les droits des enfants méritent d'être promus au-delà de nos frontières.

La France s'engage résolument pour protéger les plus petits d'entre nous, rejoignant l'Espagne et l'Italie, qui prévoient déjà la suspension de plein droit de l'autorité parentale pour certaines infractions. Notre législation sera la plus protectrice en Europe, prévoyant dès le début de l'enquête une suspension automatique de l'exercice des droits parentaux et contraignant ou autorisant le juge pénal à se prononcer sur le retrait de l'autorité parentale ou de son exercice pour toutes les infractions, proportionnellement à leur gravité.

Soyons fiers de la qualité des travaux parlementaires et des échanges entre vos chambres et le Gouvernement. Ce texte, très attendu par nos concitoyens, renforce la protection des plus vulnérables d'entre nous, pour que le foyer demeure un lieu où l'enfant peut grandir en paix et en sécurité. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

M. le président.  - Je vous rappelle que le Sénat se prononcera par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Mme Laurence Harribey .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Akli Mellouli applaudit également.) La proposition de loi déposée par notre collègue députée Isabelle Santiago parvient au terme de son parcours après une commission mixte paritaire conclusive : nous nous félicitons que le continuum législatif pour la protection des enfants se consolide peu à peu.

Notre groupe a toujours été au rendez-vous des avancées législatives en la matière. Je pense à la loi du 21 avril 2021 opérant un changement attendu dans l'appréhension pénale des violences sexuelles sur mineurs : nous avions proposé de relever l'âge du non-consentement de 15 à 18 ans dans le cas du crime d'inceste. Je pense aussi à la loi dite Taquet, améliorant le repérage et la prise en charge des enfants relevant de la protection de l'enfance.

Le présent texte, très attendu par les associations, suspend de plein droit l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement d'un parent poursuivi ou mis en examen pour crime ou agression sexuelle incestueuse sur son enfant ou crime sur l'autre parent, pendant toute la procédure.

L'autorité parentale est trop souvent instrumentalisée par le parent auteur du crime afin de garder une emprise sur sa ou ses victimes. Par ailleurs, la procédure peut durer des années. Il était donc indispensable de protéger l'enfant et le parent victime pendant toute celle-ci.

Nous voterons bien entendu le texte, mais il faut dès à présent penser à l'après et renforcer encore les droits des enfants.

Ainsi, un enfant devrait pouvoir être entendu, assisté d'un avocat. L'assistance de l'enfant par avocat est obligatoire depuis 1993 dans toute procédure pénale, mais reste optionnelle pour les enfants discernants et même proscrite pour les enfants non discernants dans les procédures d'assistance éducative. Or la parole de l'enfant doit aussi être entendue dans les procédures civiles. Au tribunal pour enfants de Nanterre, un avocat est systématiquement désigné pour chaque enfant, discernant ou non : cette expérimentation va dans le bon sens.

Rappelons que protéger l'enfant protège aussi le parent victime -  la plupart du temps, la mère. Il est donc indispensable de renforcer l'ordonnance de protection. Nous regrettons que la proposition de loi de Cécile Untermaier, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, n'ait jamais été inscrite à l'ordre du jour du Sénat, alors qu'elle répond à une demande récurrente des associations de protection des femmes et des professionnels du droit.

Enfin, en matière d'aide sociale à l'enfance (ASE), une évaluation globale est nécessaire avant de travailler à des évolutions législatives, car le chantier est immense. Nous saluons toutefois les annonces gouvernementales en la matière, dont la création des pôles spécialisés : il faut maintenant que les moyens suivent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Akli Mellouli applaudit également.)

Mme Elsa Schalck .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Dominique Vérien applaudit également.) La navette parlementaire s'achève après un an de débats riches qui en ont approfondi la construction, sans procédure accélérée.

La protection des enfants fait partie de ces sujets qui nécessitent réflexion, rigueur juridique et travail transpartisan, surtout lorsqu'il s'agit, comme ici, de modifier des dispositions importantes du code civil.

Je salue la députée Santiago, à l'origine de ce texte, et notre rapporteure, Marie Mercier, dont l'engagement sur ces questions nous est bien connu. Je salue aussi l'action de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) et des associations, dont ce texte met en oeuvre plusieurs propositions pour mieux protéger les enfants victimes de parents violents, en particulier incestueux.

L'article 1er prévoit la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale dès les poursuites pour crime contre l'autre parent ou crime ou agression sexuelle sur un enfant. L'article 2 pose le retrait total de l'autorité parentale en cas de condamnation dans l'un de ces cas.

Les chiffres montrent la nécessité de légiférer. Un seul, effroyable : un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups d'un de ses parents !

L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs visant à protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé, sa vie privée et sa moralité et à permettre son développement dans le respect dû à sa personne. Les débats ont porté principalement sur le régime de sa suspension. Il a mis en lumière la recherche partagée d'équilibre entre les droits parentaux et la protection des enfants. In fine, nous nous accordons sur la suspension automatique de l'exercice de l'autorité parentale jusqu'à la décision du JAF ou de la juridiction pénale. Je salue ce compromis, convaincue qu'un parent ayant commis un crime sur son conjoint ou son enfant ne peut être un bon parent. (Mme Marie Mercier renchérit.)

Je salue le travail de notre assemblée pour réécrire les articles 2 et 3, afin d'assurer une meilleure cohérence des dispositions pénales et civiles. L'article 2 marque une avancée en prévoyant l'obligation pour le juge pénal de retirer l'autorité parentale ou son exercice à un parent condamné pour les infractions les plus graves. Le groupe Les Républicains salue également l'introduction de l'article 2 ter, sur l'initiative de la rapporteure, pour qu'un parent privé de l'exercice de l'autorité parentale ne puisse en demander la restitution avant six mois.

Ce texte protège les enfants pour que le foyer familial reste un espace de sécurité où grandir en paix et dans l'insouciance, richesse si fragile. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mmes Laurence Harribey et Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)

M. Pierre Jean Rochette .  - Les violences intrafamiliales sont à la fois des drames intimes, brisant la cohésion des familles et chargeant les individus d'un lourd fardeau, et un phénomène de masse, dont 10 à 20 % des adultes ont été victimes. Compte tenu des proches et des associations, une proportion très importante de la population est concernée.

Dès lors, pourquoi est-il si difficile de prendre des mesures fortes ? Parce que ces violences, parfois ces crimes sont aussi des drames intimes, dont l'auteur est central dans la structure familiale : celui même qui devrait donner de l'amour devient cause de souffrance. Condamner un parent violent, le plus souvent un père, pour protéger une victime, le plus souvent une mère ou des enfants, n'est jamais une bonne solution, mais c'est souvent la moins mauvaise, en tout cas celle qui protège le mieux les plus fragiles.

Les débats aboutissent à un texte consensuel et efficace. Le groupe Les Indépendants le votera sans hésitation.

Nous avions soutenu la commission des lois sur l'article 1er, jugeant plus pertinent de conserver le caractère temporaire de la suspension et de laisser une place centrale au juge. S'il n'est plus question du délai maximal de six mois que nous avions prévu en première lecture, le rôle du juge est renforcé.

Nous espérons que cette nouvelle mouture protégera mieux les enfants. C'est là notre priorité : non pas d'abord punir, mais d'abord mettre l'enfant à l'abri des violences tout en lui conservant un lien avec ses parents, dans la mesure où ce lien ne nuit pas à son développement.

La nouvelle version de l'article 1er ne retient pas le cas des violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours comme motif de suspension automatique. Cela nous semble plus équilibré, pour préserver le développement de l'enfant.

C'est aussi le sens des travaux menés depuis plus de trois ans par la Ciivise. J'espère que le temps pris par ses travaux et les nôtres ne sera pas interprété par les victimes comme le signe d'une lenteur malvenue, mais comme le gage d'un texte pondéré et ambitieux, qui devra être appliqué avec diligence : il y va de la crédibilité de l'action publique et, surtout, nous le devons à toutes les victimes de violences intrafamiliales. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Marie Mercier applaudit également.)

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Alors que la navette sur cette proposition de loi touche à son terme, je ne vous cache pas ma satisfaction d'un texte complet, efficace et rapidement applicable.

Mieux protéger les enfants exposés à des violences intrafamiliales est plus que nécessaire vu les chiffres : 400 000 enfants vivent dans un foyer où s'exercent de telles violences et plus de 160 000 sont chaque année victimes de violences sexuelles. Pour les victimes comme les témoins, les conséquences sont destructrices. Il faut donc agir aussi sur le plan médical pour une prise en charge du psychotraumatisme subi.

Ce texte est le fruit d'une belle coopération entre nos deux chambres, notamment entre Isabelle Santiago et Marie Mercier, dont je salue le travail et le sens du dialogue. Je salue aussi le volontarisme du garde des sceaux.

Trop souvent nous assistons à des situations absurdes où un enfant est obligé de passer le week-end chez son parent violent. Les droits de la défense ne sont nullement lésés : le parent concerné pourra saisir le JAF pour faire réexaminer le retrait de son autorité.

Plus généralement, ce texte doit faire évoluer les mentalités. Trop longtemps a prévalu l'idée qu'on peut être un mari violent, mais un bon père. Nous savons aujourd'hui que cette conception est fausse et a eu des conséquences douloureuses. Nous savons aussi, grâce aux témoignages de policiers, que la menace de retrait de l'autorité parentale touche beaucoup de pères... Puissent-ils réfléchir avant de frapper !

Le texte conserve les apports du Sénat, dont celui de Laurence Rossignol qui dispense le parent bénéficiaire d'une ordonnance de protection d'informer l'autre parent d'un changement de résidence. Par ailleurs, la suspension du droit de visite et d'hébergement de l'enfant dans le cadre d'un contrôle judiciaire devient le principe, non l'exception.

Sur l'article 1er, je me félicite que nous ayons trouvé une rédaction qui convient à tous et sert la protection des enfants.

En votant ce texte, nous accomplissons un pas de plus pour une meilleure protection des plus vulnérables. Nous nous retrouverons prochainement pour débattre de la création de l'ordonnance de protection immédiate qu'Émilie Chandler et moi-même appelions de nos voeux et dont le principe a été adopté à l'unanimité par les députés.

Pas à pas, nous construisons une société plus protectrice pour les femmes, les enfants et chacun d'entre nous. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Marie Mercier applaudit également.)

M. Akli Mellouli .  - Protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales devrait aller de soi, mais les protections prévues par la loi sont largement insuffisantes et inadaptées. Les défaillances sont malheureusement systématiques et les victimes, nombreuses.

C'est l'enfant de Priscilla, victime de violences sexuelles incestueuses de la part de son père à 15 ans : le père fut certes condamné pour violences sexuelles, mais il a gardé l'autorité parentale...

C'est Steffy, victime d'une agression sexuelle de la part de son père à 14 ans : alors qu'il a l'interdiction de se rapprocher d'elle, il garde l'autorité parentale...

C'est Paul, dont le père a tué la mère quand il avait 10 ans : pour ce féminicide, le père a été condamné à de la prison ferme, mais garde l'autorité parentale...

Malheureusement, ces cas sont loin d'être isolés : 400 000 enfants vivent dans un foyer avec des violences conjugales, et, chaque année, 160 000 subissent des violences sexuelles. Ces enfants sont même deux fois victimes, car à la violence physique s'ajoute celle de la loi, qui ne les protège pas suffisamment, les exposant à de nouvelles violences.

La proposition de loi de la députée socialiste Isabelle Santiago vise à rendre le cadre juridique plus protecteur pour les enfants. Par exemple, elle rend enfin systématique le retrait de l'autorité parentale en cas de violences sexuelles incestueuses. Le GEST salue une nouvelle fois cette initiative essentielle, mais regrette que la majorité sénatoriale se soit longtemps opposée à certaines mesures protectrices des enfants qui font consensus à l'Assemblée nationale.

Nous nous félicitons que le compromis trouvé prévoie la suspension de l'exercice de l'autorité parentale jusqu'à une décision sur le fond si le parent est poursuivi pour certaines formes graves de violences intrafamiliales. C'est d'autant plus important que notre système judiciaire reste lent, après des décennies de sous-investissement. Il faut aussi, pour recruter davantage dans la justice, la rendre plus attractive.

Nous voterons le texte, mais ne soyons pas dupes ! Le chemin est encore long. Or le Gouvernement n'avance qu'à petits pas. Dernier exemple : la Ciivise. La démission de onze de ses membres met en lumière le profond malaise qu'a suscité le passage en force du Gouvernement pour imposer un changement d'orientation en remplaçant le juge Édouard Durand. Par ailleurs, son rapport de novembre dernier ne semble pas être pris au sérieux par le Gouvernement. Au lieu d'essayer de le faire disparaître dans un tiroir, il faut le mettre en oeuvre de toute urgence ! Nous y veillerons. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER)

Mme Marie-Claude Varaillas .  - « L'enfant a le droit au respect de sa dignité et de son amour-propre, ne pas piétiner, ne pas humilier, laisser vivre sans décourager, ni brusquer, ni presser, du respect pour chaque minute qui passe. » Ce sont les mots du pédiatre Janusz Korczak, inspirateur de la Convention internationale des droits de l'enfant.

Son intérêt doit être protégé à chaque instant de sa vie, notamment tout au long d'une procédure judiciaire le concernant. Cette proposition de loi s'inscrit dans cet objectif et le compromis trouvé va dans ce sens. C'est heureux, car les chiffres sont édifiants : 400 000 enfants vivent dans un foyer où s'exercent des violences intrafamiliales de manière permanente, et, chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles.

Alors que la saisine du JAF n'est pas toujours effective et que les délais d'audience sont trop longs, le retrait et la suspension de l'autorité parentale restent pour l'instant trop peu appliqués. Il était donc urgent de rappeler que la primauté va à l'intérêt de l'enfant.

Un parent, violent vis-à-vis de son enfant ou de l'autre parent ou incestueux, ne peut continuer à exercer son autorité parentale ni son droit de visite et d'hébergement. Il est bon de rappeler que l'intérêt de l'enfant prime le droit des parents d'influer sur la vie de leur enfant.

La Ciivise a recueilli de nombreux témoignages de mères inquiètes de laisser leur enfant repartir chez le père incestueux, d'un enfant obligé d'aller chez son parent violent en attendant un jugement ou de pères agresseurs déposant une main courante contre la mère refusant de laisser l'enfant retourner chez leur bourreau. Je salue le travail remarquable de cette commission sous la présidence du juge Édouard Durand.

Les conséquences sont atterrantes : 60 % des enfants témoins de violence souffrent de stress post-traumatique, et 50 % des enfants victimes de viol ont fait une tentative de suicide ; une femme qui a subi des violences physiques et sexuelles dans son enfance a dix-neuf fois plus de risque de subir des violences conjugales et sexuelles à l'âge adulte.

Suspendre automatiquement l'autorité parentale permettra de protéger l'enfant, c'est primordial. La protection de l'enfant doit être la plus rapide possible, pour limiter tout traumatisme supplémentaire et lui permettre de commencer promptement à se reconstruire. Ces dispositions libéreront la parole des enfants, en limitant les influences perverses de parents cherchant à contaminer leurs témoignages.

Reste que cette avancée doit être accompagnée de moyens. La balle est dans le camp de l'exécutif pour faire baisser les chiffres que j'ai cités et préserver la dignité de l'enfant. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie Mercier applaudit également.)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics et la société se mobilisent fortement contre le fléau des violences intrafamiliales. Pendant longtemps, l'intime justifiait le silence. Aujourd'hui, ces événements n'ont plus le statut de faits divers : nous savons qu'ils traduisent des phénomènes sociaux à endiguer.

À mesure que les moeurs évoluent, notre droit s'étoffe. Les acteurs judiciaires aussi se mobilisent : policiers, juges, l'ASE.

Nous continuons régulièrement de découvrir des drames qui auraient pu être évités par une action en amont. Nous devons continuer à renforcer la prévention, la détection, la protection et la sanction. Au législateur de mobiliser toutes les ressources disponibles, à commencer par les travaux de la Ciivise.

Je me réjouis que la navette arrive enfin à son terme et salue une nouvelle fois les auteurs du texte et la rapporteure, Marie Mercier, dont je connais l'implication. Je salue aussi les membres de la délégation aux droits des femmes, dont la mobilisation ne nous surprend pas.

Les deux assemblées s'étaient accordées sur bon nombre de dispositions, y compris les enrichissements du texte initial, comme l'exonération de toute obligation d'informer l'autre parent d'un changement de résidence en cas d'ordonnance de protection.

Il ne restait donc plus grand-chose à débattre en CMP, hormis l'article 1er. Le RDSE a pris position en deuxième lecture à travers un amendement de Nathalie Delattre : nous étions favorables à la position de l'Assemblée nationale, tout en entendant les avertissements de notre rapporteure. Le Sénat a tranché pour un compromis, et nous l'avons soutenu. Le texte qui nous est soumis retient cette position intermédiaire. À titre personnel, je pense que nous n'aurions pas dû craindre d'aller plus loin, mais la démocratie parlementaire impose une culture du compromis.

Le RDSE votera unanimement les conclusions de la CMP, mais appelle à poursuivre nos travaux sur ces sujets. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MmeMarie Mercier et Patricia Schillinger applaudissent également.)

Mme Nicole Duranton .  - J'ai une pensée émue pour Lisa. Dans l'Eure, à Conches-en-Ouche, elle était absente alors que ses camarades avaient repris le chemin de l'école. Elle était battue, ainsi que son frère, et sa mère l'avait déscolarisée. Elle est morte sous les coups de ses bourreaux, et de multiples traces de sévices ont été retrouvées sur elle. Ces récits sont insoutenables. Pourtant, 400 000 enfants sont victimes de violences intrafamiliales, dont, souvent, les séquelles les poursuivent leur vie durant.

Je suis soulagée de l'accord trouvé en CMP : c'est une avancée essentielle dans la protection de l'enfance. La mise à l'abri des enfants est une nécessité impérieuse.

Tous les cinq jours, un enfant est tué par l'un de ses parents. Malgré les lois de 2019 et 2021, trop d'enfants sont encore victimes. Cette proposition de loi est un pas de plus pour les protéger. Un parent agresseur ou violent ne peut être un bon parent.

Comme le montre le rapport de la Ciivise de novembre, les violences sexuelles surviennent souvent très tôt et durent parfois des années. En majorité, les agresseurs sont des membres de la famille ou des proches. Les enfants doivent être mis à l'abri de ces agresseurs.

La proposition de loi réécrit l'article 378-2 du code civil, lacunaire. La nouvelle rédaction ne fixe pas de terme à la suspension de l'autorité parentale ; seul un juge pourra y mettre fin.

Le RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe INDEP)

La proposition de loi est définitivement adoptée. (Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.

Réseau routier national non concédé (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé.

Par courrier en date du 8 mars, M. Patrick Kanner, président du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, a demandé le retour à la procédure normale pour l'examen de ce texte.

Discussion générale

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports .  - Cette proposition de loi vise à faciliter la mise en oeuvre du volet routier de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS. Il s'agit de réparer une omission dont il résulte que les régions ne peuvent accorder de délégation de signature aux agents de l'État exerçant dans les services routiers mis à leur disposition.

La loi 3DS prévoit, à titre expérimental, la possibilité d'une mise à disposition de parties du réseau routier national non concédé aux régions volontaires. Elle représente ainsi une innovation par rapport aux précédents actes de décentralisation routière en permettant aux autorités organisatrices des mobilités à l'échelle régionale de prendre la main sur la gestion des axes routiers structurants de leur territoire.

Les régions Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est se sont portées volontaires, pour plus de 1 600 km de routes et d'autoroutes. Les régions Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes ont d'ores et déjà conclu une convention de mise à disposition, pour une entrée en vigueur au 1er janvier prochain. Les discussions sont en bonne voie avec la région Occitanie pour finaliser la convention.

Mais toutes trois ont relevé une lacune dans le texte de 2022, qui compromet, voire empêche l'exercice de ces nouvelles missions : en vertu d'une jurisprudence constante du Conseil d'État, les présidents de conseil régional ne peuvent déléguer leur signature aux agents de l'État.

Or la gestion d'un réseau routier suppose quantité d'actes administratifs et réglementaires : arrêtés de circulation, bons de commande... Les services aguerris à la gestion des routes sont ainsi dotés de chaînes de délégations de signature permettant d'agir vite au niveau le plus pertinent.

Ce texte apporte de la fluidité en précisant les compétences des présidents de région et en autorisant des délégations, pour éviter la remontée de tous les actes à la signature du président du conseil régional, ingérable au quotidien. Le Gouvernement le soutient. (Mmes Patricia Schillinger et Nadine Bellurot applaudissent.)

M. Alain Marc, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du RDPI) Au conseil départemental de l'Aveyron, j'ai constaté que les collectivités locales faisaient souvent mieux que l'État pour gérer les infrastructures locales. En témoigne l'exemple des collèges et lycées, depuis la loi Defferre de 1982.

La loi Maptam a fait de la région le chef de file en matière de mobilité, et la loi 3DS a permis le transfert définitif de routes aux départements et la mise à disposition expérimentale aux régions du réseau routier national non concédé. Actuellement géré par l'État, les directions interdépartementales des routes (DIR) et les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), ce réseau stratégique représente 12 000 km de voies, 1,1 % du réseau routier national, mais 19 % du trafic.

Les régions Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est ont manifesté leur intérêt pour ces conventions. Le 4 janvier 2023, le ministère des transports a donné son accord pour 1 638 km de routes. Le Grand Est a signé sa convention le 19 octobre 2023, Auvergne-Rhône-Alpes le 24 janvier 2024. En Occitanie, les négociations devraient aboutir prochainement.

Une difficulté technique est cependant apparue : l'article 40 de la loi 3DS ne permet pas aux présidents de région de déléguer leur signature aux agents de l'État, et le code général des collectivités territoriales (CGCT) ne prévoit pas de délégation générale.

Le Conseil d'État n'a pas hésité à sanctionner des délégations de signatures de conseils départementaux, dépourvues de base légale. Cette délégation est pourtant indispensable, la gestion des routes nécessitant la signature quotidienne de dizaines d'actes administratifs, notamment en cas d'intempéries : sans elle, l'expérimentation risque d'échouer. Les régions resteront décisionnaires, jusqu'à la fin de l'expérimentation.

La proposition de loi répond parfaitement aux problèmes soulevés par les régions. Franck Leroy, président de la région Grand Est, m'en a expliqué tout l'intérêt.

En 2030 nous dresserons le bilan de cette expérimentation de décentralisation, à condition que nous adoptions aujourd'hui cette proposition de loi déjà votée par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-Claude Anglars applaudit également.)

M. Christian Bruyen .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi est indispensable pour éviter des blocages de procédure, préjudiciables à l'entretien et à la modernisation du réseau transféré. D'ailleurs, l'état actuel de ce réseau n'est pas extraordinaire...

Notre groupe y est plutôt favorable. Mais cette expérimentation est-elle au coeur de la décentralisation ? Je n'en suis pas convaincu.

Un gestionnaire de plus, pour un domaine routier dépendant déjà d'un grand nombre de décideurs, n'est pas gage de simplification. On peut regretter que seules trois régions aient été volontaires, pour 1 638 km sur plus de 10 000 km. La compétence routière est très divisée : 700 000 km de voirie dépendent des communes, 380 000 des départements, un maillage structurant.

Je ne conteste pas le chef de filat des régions en matière de mobilité, mais les départements ont une expertise reconnue, quoique sous-considérée dans la capitale.

Ces trois régions sont courageuses. Elles ont une assise financière qui fait cruellement défaut aux départements, asphyxiés par l'État. (M. Clément Pernot applaudit ; on acquiesce sur les travées du groupe Les Républicains.) Cette asphyxie affectera douloureusement l'équilibre des territoires dans un futur proche.

Il serait opportun de remettre le département au coeur de ce dispositif. Des conventions entre régions et départements pourraient reconnaître l'ingénierie de ces derniers, dans une mutualisation de bon sens. Il faudrait aussi revisiter les conditions du transfert, qui tiennent du marché de dupes, pour augmenter le nombre de volontaires.

Il ne faut pas limiter l'écotaxe aux grands axes, mais inclure également les tronçons à l'importance locale manifeste.

Une concertation véritable doit s'établir, sans mésestimer l'échelon départemental. Prenons en compte la mobilité dans toutes ses dimensions territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Jean Rochette .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Martin Lévrier applaudit également.) La détérioration de notre réseau routier est de plus en plus visible. En cause, les récents événements climatiques, le manque d'entretien et de moyens. Une action forte s'impose.

Les solutions sont multiples. En la matière, la subsidiarité est clé, pour des décisions plus efficaces et plus rapides. J'ai entendu votre engagement, monsieur le ministre, à venir en débattre avec nous. Nous répondrons présents.

Le débat doit être guidé par le bon sens et le pragmatisme. Beaucoup soutiennent cette expérimentation. Trois régions se sont portées volontaires, dont la mienne, la région Auvergne-Rhône-Alpes. Nous pensons à la RN 7, à hauteur de Roanne, ou à la RN 88, chère à notre président de région.

Une contrainte de taille a été identifiée, à laquelle la proposition de loi répond justement. Je salue le travail de la commission des lois et de son rapporteur, l'excellent Alain Marc. (M. Emmanuel Capus renchérit.)

Ce texte répond à une attente des régions, et le doublement du délai de conventionnement est bienvenu. Prolonger l'expérimentation au-delà des huit années prévues pourrait être valable, nous en discuterons le moment venu. Le groupe INDEP se prononcera très largement en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nos élus locaux le savent : un transfert de compétences est souvent un chemin semé d'embûches.

Il arrive qu'il appelle un complément législatif. La proposition de loi que nous examinons, déposée par le député David Valence, a été examinée en commission sans grand débat sur le fond. Je salue le travail réalisé par le rapporteur.

Ce texte comble un oubli technique dans l'expérimentation prévue par la loi 3DS, qui doit être une source d'inspiration pour le Gouvernement dans d'autres domaines. Il faut choisir le bon niveau de compétences en fonction du sujet, sur le terrain. Les régions, chef de file depuis 2014, ont prouvé leurs compétences en matière de transport.

La région Grand Est, qui compte parmi les trois régions volontaires, envisage d'expérimenter l'écotaxe régionale. Avec les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie, 1 638 kilomètres de routes sont concernés sur les 12 000 du réseau routier national non concédé - 1,1 % du réseau.

L'article unique de la proposition de loi prévoit une délégation de signature du président du conseil régional aux acteurs de l'État. Tous les actes administratifs relèvent en effet du pouvoir adjudicateur, appelant la signature du président de région. Ces délégations de signature sont donc indispensables.

Les discussions entre le Gouvernement et les trois régions volontaires sont en bonne voie. La convention avec la région Grand Est a été signée le 19 octobre dernier, celle conclue avec la région Auvergne-Rhône-Alpes le 24 janvier dernier.

L'État n'est plus en mesure d'entretenir son réseau routier national, faute d'avoir conservé les compétences nécessaires et de décliner ses propres engagements dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER). Ainsi, le 4 janvier 2023, 1 360 km de linéaire cumulé ont été confiés à seize départements et trois régions. Le Gouvernement avait assuré alors qu'il s'agissait d'une première salve de transferts.

Monsieur le ministre, je relaie auprès de vous la demande de plusieurs départements, dont les Hautes-Alpes, qui ne sont pas parvenues à trouver un accord avec l'État sur la gestion d'un ouvrage d'art spécifique : le pont de Savines.

Votre prédécesseur avait dit vouloir aller au bout des discussions, notamment syndicales. Le département des Hautes-Alpes souhaite développer des mobilités cohérentes. Alors qu'il ne reste que 100 à 150 km de routes nationales, il est difficile de trouver de la cohérence entre les moyens du département et les attentes de nos concitoyens.

La perspective des jeux Olympiques (JO) de 2030 dans les Alpes françaises, notamment dans mon département, avec le pôle briançonnais, nécessite de trouver un accord rapidement.

Le groupe UC votera le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte précise les articles 40 et 41 de la loi 3DS pour rendre effective la mise à disposition expérimentale de certaines fractions du réseau routier national non concédé, répondant à une demande unanime des régions.

Nous fournirons ainsi aux trois régions volontaires pour cette expérimentation les moyens de sa mise en oeuvre. Nous donnons à la région Grand Est les moyens de mettre en place l'écocontribution poids lourds, rejoignant ainsi les pays frontaliers.

Cela s'inscrit dans un mouvement de décentralisation des routes engagé depuis une cinquantaine d'années. Ainsi, 55 000 km ont été confiés aux conseils généraux en 1972, auxquels se sont ajoutés 18 000 km en 2006. S'y ajouteraient donc bientôt 1 638 km.

Cette expérimentation régionale favorise une mise en oeuvre pertinente et territorialement adaptée de la transition écologique des mobilités : voies de cars express, bornes de recharge électriques par exemple. L'efficacité de l'action publique s'en trouvera amplifiée.

Mais il faut des moyens. La Cour des comptes a pointé, en 2022, la dégradation du réseau. Les départements peinent à assurer les investissements et les charges du réseau routier. Le contexte financier défavorable explique le relatif manque d'engouement des régions...

La compensation financière par l'État n'est pas tout à fait, nous le savons, au rendez-vous -  les trois présidents de région l'ont souligné.

Fluidifier la gestion du réseau routier national délégué par des délégations de signatures est évidemment nécessaire. Mais il faudra aussi assurer des perspectives décentralisées désirables pour les agents de l'État concernés. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

M. Gérard Lahellec .  - Cette proposition de loi soulève des interrogations, car, à ce jour, moins de 3 000 kilomètres ont trouvé preneur dans trois régions. Ces dernières, lassées d'attendre, ont considéré qu'il valait mieux qu'elles gèrent elles-mêmes ce réseau...

On ne peut pas exclure que, pour certains itinéraires, l'usager traverse des portions de routes appartenant à des institutions qui n'auront pas toutes la même approche des politiques routières. Or il faut une cohérence nationale pour le réseau national !

On nous dit que, à la demande des régions volontaires, la proposition de loi permettra aux présidents de conseil régional de déléguer leur signature aux services de l'État et à leurs agents pour les fractions du réseau qui pourraient être mis à leur disposition. Nous appellerons sûrement cela de la simplification administrative...

Mais les négociations sur les modalités financières des transferts n'ont toujours pas abouti, comme les discussions autour des CPER.

Mme Cécile Cukierman.  - Exactement !

M. Gérard Lahellec.  - On nous propose une délégation de signature aux agents de l'État pour les fractions de routes nationales continuant à relever partiellement de l'État... Curieuse décentralisation ! Lors du vote de la loi 3DS, je ne suis pas sûr que nous avions prévu une telle complexité... Un certain amateurisme semble avoir prévalu au moment de la rédaction de cette loi.

Cela n'est pas sérieux et nous incite à ne pas voter ce texte. Ce transfert est piégeux. Mais nous ne voulons pas non plus nourrir le blocage contre les régions qui se sont lancées dans l'expérimentation. Aussi, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cette proposition de loi technique du député David Valence, également président du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), porte sur la délégation de signature du président de région aux DIR et Dreal. En effet, une seule délégation aux chefs de service aurait été possible, alors qu'il fallait l'élargir aux subdélégations. Voilà un obstacle opérationnel supprimé.

En outre, elle allonge le délai de négociation des conventions entre régions et État de huit à seize mois.

Seules trois régions ont sauté le pas de l'expérimentation. Elles récupéreront la gestion de 1 638 km d'autoroutes et routes nationales pour huit ans. En comptant les départements et les métropoles, elles aussi concernées, c'est 30 % du réseau routier national qui change de main, bien loin des 18 000 km transférés par la loi du 13 août 2004.

Il est étonnant, pour une simplification, de transférer une compétence routière aux régions alors qu'elles n'ont jamais eu de services spécialisés en la matière, contrairement aux départements. Il n'est donc pas surprenant que nous devions ajuster le tir pour satisfaire le Conseil d'État, alors que toutes les conventions ne sont pas encore signées.

L'objet de cette proposition de loi est très circonscrit, même s'il y aurait beaucoup à dire sur les compensations de l'État envers les départements. Les membres du RDSE voteront, une fois de plus, en leur âme et conscience. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Philippe Grosvalet baisse le pouce en souriant.)

Mme Patricia Schillinger .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Cette proposition de loi de David Valence rend opérationnelle la loi 3DS, qui ouvre la délégation de la compétence d'aménagement et de gestion des routes nationales non concédées aux collectivités territoriales.

La Collectivité européenne d'Alsace a été précurseur, puisque la propriété de ces routes lui a été transférée à sa création.

Cela répond à une demande de l'Association des Régions de France, qui proposait en 2017 de confier la compétence voirie aux régions.

Pour l'instant, trois régions s'y sont attelées, en définissant leurs modalités. La région Grand Est a ainsi décidé de créer une écotaxe poids lourds. Les deux autres, Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie, ont surtout travaillé sur leur rôle de chef de file en matière de mobilité.

Mais la mise en oeuvre concrète de l'expérimentation se heurte à l'impossibilité pour l'exécutif des conseils régionaux de déléguer sa signature, ce à quoi répond cette proposition de loi.

À l'Assemblée nationale, un amendement a prolongé le délai pour la conclusion de l'accord État-région.

Le RDPI votera cette proposition de loi, qui s'inscrit dans l'esprit décentralisateur de la loi 3DS dans le but de rapprocher le pouvoir du citoyen et d'offrir un service public plus performant. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Pierre-Alain Roiron .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi s'inscrit dans la nécessaire modernisation de notre réseau routier. Depuis la loi Maptam de 2014, les régions ont de plus en plus assumé la compétence de mobilité - c'est l'un de leurs principaux postes budgétaires. L'expérimentation de la loi 3DS, entreprise par les régions Grand Est, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes, va dans ce sens, mais elle révèle des difficultés, que ce texte vient corriger.

Le réseau national non concédé ne représente que 1,1 % du réseau, mais 19 % du trafic. Or les collectivités territoriales sont très souvent les mieux placées pour gérer efficacement les infrastructures. Une lacune majeure a été mise en lumière : il faut une délégation de signature aux agents, qui n'avait pas été prévue. La proposition de loi y remédie.

Les modifications issues de l'Assemblée nationale démontrent une volonté d'adapter le texte à la réalité du terrain. Il fallait sécuriser juridiquement le dispositif.

À ce jour, l'expérimentation n'a cependant pas suscité d'enthousiasme. C'est pourquoi il fallait s'assurer de ne pas la complexifier et ne pas décourager les régions, et que la convention État-région spécifie le périmètre exact des installations concernées.

Les régions restent à ce jour les entités républicaines des lois de décentralisation, dont il faut garantir les libertés. Il faut amplifier leur autonomie financière et fiscale, dans la concertation.

L'expérimentation permet de déroger temporairement aux lois et règlements nationaux. C'est l'occasion pour les régions d'avoir leur mot à dire. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. Gilbert Favreau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le réseau routier national non concédé s'amenuise d'année en année : 11 000 km, contre 377 000 km de routes départementales.

La loi 3DS permet aux départements et métropoles de récupérer un certain nombre de routes, ainsi que la mise à disposition à titre expérimental de routes nationales non concédées à des régions - mais seules trois d'entre elles ont été séduites par la proposition, pour 1 638 km de routes.

Mon département des Deux-Sèvres a mené une expérimentation pour l'axe RN 149 et 249 Poitiers-Nantes, pleinement justifiée par les fortes contraintes de circulation et nombreux accidents. Le département fixait trois conditions suspensives : un état des lieux des charges transférées ; une compensation par l'État des charges nouvelles ; un engagement de l'État de contribuer à hauteur d'au moins 50 % au programme de modernisation de l'itinéraire financé par le CPER.

Le département s'est vu opposer une fin de non-recevoir, au motif qu'il ne pouvait y avoir de négociation spécifique de la compensation entre l'État et la collectivité recevant un transfert. Le département a donc abandonné sa demande, restant au statu quo.

Sur les trois régions ayant manifesté leur intérêt, seules deux ont signé une convention avec l'État, entrant en vigueur au 1er janvier 2025, sous réserve de la négociation d'une convention complémentaire.

Le CGCT ne permet pas de délégation de signature du président du conseil régional aux services de l'État. La proposition de loi y remédie, mais elle ne marquera pas l'histoire...

L'État n'a pas les moyens, mais il ne veut pas lâcher la gestion !

Je voterai cette proposition de loi pour me conformer aux consignes de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

M. Olivier Jacquin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Cette proposition de loi répond à un véritable besoin des trois régions qui se sont lancées dans l'expérimentation rendue possible par la loi 3DS, qui n'avait malheureusement rien dit sur les recettes, sous prétexte qu'une écotaxe serait à venir. Finalement, seule ma région du Grand Est pourra la mettre en oeuvre, vu les conditions de la loi Climat et résilience.

Dès lors que seules trois régions se sont lancées, la loi 3DS est un échec partiel. J'ai donc songé à déposer un amendement rouvrant la possibilité pour les régions de demander le transfert, mais selon des négociations véritablement déconcentrées et décentralisées.

La région Grand Est a besoin de ressources financières conséquentes pour l'expérimentation, notamment pour l'élargissement et le verdissement de l'A31. Mais il a fallu attendre 18 mois pour que l'ordonnance nécessaire à l'écotaxe soit prise : que de temps perdu, alors qu'il faut agir contre la fuite des poids lourds sur les axes voisins !

Plus généralement, une incertitude demeure sur l'effectivité des compensations financières du transfert, car les volets mobilité des CPER couvrent la période 2023-2027, et non 2022-2030 comme l'expérimentation. Cela empêche des politiques ambitieuses.

Puisque les régions attendent ce texte, je n'ai pas déposé d'amendement pour favoriser une adoption conforme. Mais monsieur le ministre, êtes-vous prêt à renforcer les volets temporel et budgétaire de la loi 3DS ?

Avant de lancer des conventions citoyennes, réglons les tracasseries du quotidien dues à des textes insuffisamment préparés - au point qu'un député de votre propre majorité est obligé de rectifier le tir.

Le groupe SER votera ce texte ; mais le Gouvernement doit travailler autrement et écouter les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Marc applaudit également.) Cette proposition de loi comble une lacune de la loi 3DS. La situation actuelle permet le partage de la gestion des routes entre départements, régions et métropoles.

Mais il manque deux éléments manquent à cette proposition de loi. Le rôle des départements, d'abord - les débats à l'Assemblée nationale montrent que ne pas les oublier n'a rien d'évident. Au Sénat, le 8 juillet 2021, nous avions supprimé l'expérimentation.

Le rôle de l'État, ensuite : après les transferts massifs de 1972 et de 2006, la loi 3DS marque une troisième phase de son désengagement. Dans l'Aveyron, l'axe Toulouse-Lyon reste à aménager sur 40 km de la RN 88 entre Rodez et Sévérac-d'Aveyron, particulièrement accidentogène. Le département et la région s'impliquent fortement, mais le financement de l'État se fait attendre.

Au vu du travail des excellents rapporteur et président de la commission sur cette proposition de loi technique, nous la voterons. Mais, monsieur le monsieur, n'oubliez pas l'Aveyron ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Cécile Cukierman et M. Alain Marc applaudissent également.)

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Jamais !

Discussion de l'article unique

Mme Cécile Cukierman .  - La procédure normale ayant été rétablie à la demande d'un autre groupe, je m'engouffre dans la brèche. Plus de deux ans après la promulgation de la loi 3DS, nous constatons un problème dans la réalisation des lois, alors que les services de l'État sont parfois très vigilants pour corseter l'action des parlementaires.

Je veux attirer votre attention sur la situation des régions, qui peinent à boucler le volet mobilité des CPER. Elles ont besoin d'engagements.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté.

CMP (Nominations)

M. le président.  - Des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

La séance, suspendue à 16 h 30, reprend à 16 h 35.

Adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels.

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Ce texte revêt une importance capitale : d'emblée, je lui apporte mon soutien plein et entier.

J'entends les préoccupations de nos agriculteurs, de plus en plus souvent confrontés à des néoruraux souhaitant s'installer au vert sans en accepter toutes les conséquences. Ce n'est pas acceptable. Si l'on choisit la campagne, on doit l'accepter telle qu'elle est, avec ceux qui la font vivre. (M. Jean-Michel Arnaud renchérit.)

Dès le salon de l'agriculture de l'an passé, j'ai souhaité mettre un terme à la multiplication de procès ubuesques : notre campagne est un milieu vivant, parfois bruyant et odorant. Les femmes et les hommes qui y travaillent se lèvent tôt et travaillent avec passion, pour nous nourrir.

Certaines affaires prêtent à sourire, comme quand on cherche à faire taire le coq Maurice... Certains vont en justice, car ils sont incommodés par le bruit des moissonneuses-batteuses. Mais comment manger du pain sans couper le blé ? Je le dis tout net : lorsque l'exploitation était présente avant, ces procès n'ont aucune raison d'être.

Cette proposition de loi pose les conditions d'un vivre ensemble équilibré et le respect absolu de ceux qui vivent et travaillent chez eux, depuis toujours.

Si ce texte répond à un besoin réel, il a vocation à s'appliquer à toutes les relations de voisinage : les voisins des villes sont tout aussi concernés que les voisins des champs. Certes, la pizzeria du rez-de-chaussée produit des odeurs et du bruit, mais elle était là avant votre emménagement au premier étage...

Cette proposition de loi consacre le principe jurisprudentiel de la responsabilité fondée sur des troubles anormaux de voisinage. Chacun a le droit de jouir paisiblement de sa propriété et a droit à réparation en cas de préjudice. Ce principe simple est repris par le texte : il s'agit d'une responsabilité sans faute. L'introduire dans le code civil le rend plus lisible et renforce la sécurité juridique.

Cette proposition de loi introduit par ailleurs l'exception générale tirée de la théorie de la pré-occupation : celui qui s'installe près d'un lieu bruyant ou polluant ne peut se prévaloir d'un trouble de voisinage si celui-ci était présent avant son installation. Afin de ne pas figer les activités, l'Assemblée nationale a élargi cette exception à l'exercice de l'activité dans des conditions nouvelles sans aggravation du trouble.

La commission des lois du Sénat a limité cette exception aux seules activités économiques et a précisé la notion d'installation en faisant référence à un acte juridique ouvrant le droit de jouissance.

Je suis réservé sur ces modifications. La restriction aux seules activités économiques ne correspond pas à l'esprit du code civil, qui a vocation à être le plus général possible. De même, la référence à l'acte ouvrant le droit de jouissance, qui n'inclut ni les permis de construire ni les actes authentiques de vente, restreint excessivement la portée du texte.

Votre commission a également prévu un périmètre d'exonération plus large pour les activités agricoles, dans le cas où le trouble proviendrait d'activités nouvelles résultant d'une mise en conformité de l'exploitation. Cette préoccupation est légitime et le Gouvernement y est sensible. Cependant, veillons à l'équilibre constitutionnel du dispositif, sauf à risquer une censure au regard du principe d'égalité des citoyens devant la loi et du droit à un recours effectif.

Mettre un terme à des procès abusifs : voilà l'objectif ! On dénombre plusieurs centaines de procédures en cours contre des agriculteurs, pour des motifs divers -  bruit du tracteur, meuglement des vaches...

Ce texte doit aussi favoriser le dialogue entre voisins et les recours à l'amiable - l'une de mes priorités et un sujet qui vous tient à coeur, madame Gatel. (Mme Françoise Gatel le confirme.) La tentative préalable de médiation ou de conciliation s'applique à ces troubles.

Je forme le voeu que cette proposition de loi contribue à la pacification des relations de voisinage et au désengorgement des tribunaux. Concorde locale, apaisement : par les temps qui courent, nous en avons bien besoin ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) À la suite du président Larcher, j'adresse mon total soutien à notre collègue François Patriat.

Oui, nous avons besoin de concorde locale entre ceux qui développent nos territoires et ceux qui arrivent à la campagne.

Chant du coq, odeur du bétail, pollution visuelle : les troubles anormaux de voisinage font partie du quotidien de nos concitoyens et empoisonnent l'activité des juges.

Après la loi Patrimoine sensoriel des campagnes françaises de 2021, cette proposition de loi codifie un régime dégagé par la jurisprudence. Je salue son auteur, Nicole Le Peih, députée du Morbihan.

Ce texte poursuit deux objectifs : inscrire dans le code civil un régime autonome de responsabilité sans faute et élargir la portée de la clause exonératoire à tout type d'activité et de demandeur. Cette clause est applicable sur trois critères : antériorité de l'activité génératrice du trouble, conformité de l'activité aux lois et règlements en vigueur, poursuite de l'activité dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne soient pas à l'origine d'une aggravation du trouble. La commission y est favorable, mais a apporté quelques précisions.

Premièrement, afin d'apporter un début de réponse aux agriculteurs confrontés à des recours souvent abusifs -  voyez le cas de Vincent Verschuere dans l'Oise  - , la clause exonératoire serait applicable en cas de modification des conditions d'exercice de l'activité résultant d'une mise en conformité imposée par la loi ou le règlement. Je pense par exemple aux producteurs d'oeufs qui vont bientôt devoir pratiquer l'élevage en plein air...

Deuxièmement, la commission a sécurisé le dispositif : sans être hostile à l'extension de la clause exonératoire à d'autres activités, elle a relevé des difficultés d'application et a souhaité la limiter aux seules activités économiques, ce qui semble plus conforme à l'esprit du texte.

Elle a également précisé la notion d'installation, qui renvoie dans le code civil non pas à un acte, mais à un fait juridique : l'occupation par un nouveau voisin. Suffit-il de poser quelques meubles dans une maison pour déposer un recours ? Nous préférons viser un acte ouvrant le droit de jouissance de la personne subissant le dommage : c'est une réalité objective, avec une date précise.

Troisièmement, nous avons tenu compte de la jurisprudence du Tribunal des conflits qui, au nom de la séparation des pouvoirs, a émis des réserves sur la compétence du juge judiciaire lorsque l'activité a été organisée par l'administration.

Je vous propose d'adopter ce texte qui, ainsi complété et sécurisé, apporte des réponses concrètes aux exploitants agricoles. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

M. Alain Marc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Régulièrement, les médias attirent notre attention sur des conflits de voisinage en milieu rural : son des cloches, chant du coq, bruit du tracteur, meuglement des vaches, bêlement des brebis...

Oui, la ruralité a ses spécificités ! S'ils peuvent paraître cocasses ou anecdotiques, ces exemples traduisent des situations parfois très difficiles. Le juge apprécie in concreto, à partir d'une jurisprudence abondante et bien établie, que cette proposition de loi vient consacrer, en vue d'une application uniforme sur tout le territoire.

Seule exception : le juge peut écarter la responsabilité si le trouble résulte d'une activité préexistante, si celle-ci est conforme à la réglementation et s'il s'est poursuivi dans les mêmes conditions après l'installation du nouvel arrivant.

Je partage la position de la commission : la responsabilité de l'exploitant ne doit pas être engagée si la nuisance résulte d'une modification des conditions de son activité liée à une mise en conformité.

Je salue l'action de médiation des maires de petites communes rurales, qui oeuvrent avec dévouement pour apaiser les relations de voisinage.

Cette proposition de loi apporte clarté et cohérence au droit de la responsabilité civile : elle est bienvenue. En définissant un cadre juridique plus stable et plus homogène, elle limitera les conflits de voisinage et protégera les agriculteurs contre les recours abusifs et aidera les maires, en première ligne dans ces conflits. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC)

Mme Olivia Richard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur Patriat, permettez-moi de vous faire part de toute la sympathie du groupe UC.

Cette inscription dans le code civil répond à une réflexion ancienne -  illustrée par plusieurs propositions de loi sénatoriales - et à l'objectif d'adapter le régime de la responsabilité civile aux enjeux actuels.

Le régime des troubles anormaux de voisinage repose aujourd'hui sur cinq articles du code civil, vieux de 200 ans, et sur une importante construction jurisprudentielle de la Cour de cassation. Je me réjouis que nous légiférions ensemble pour adapter ce droit.

Je salue le travail de la commission et de la rapporteure, qui a apporté les précisions nécessaires à la clause d'exonération. Un amendement adopté en commission a également permis de clarifier les conditions dans lesquelles le juge judiciaire peut accorder des dommages et intérêts et ordonner la réduction ou la cessation des troubles.

Je salue aussi la persévérance de la députée Nicole Le Peih.

Nous sommes tous confrontés à des troubles de voisinage, et tout particulièrement les maires, les préfets et les juges. Sur les 18 000 dossiers judiciaires concernant des troubles anormaux de voisinage, certains sont sans fondement. Je ne peux que partager l?agacement des agriculteurs face aux plaintes de néoruraux qui se plaignent des contraintes inhérentes au travail agricole - je pense au fameux coq Maurice, accusé de chanter dès l'aube... Mais les agriculteurs peuvent être rassurés par l'amendement de Mme la rapporteure sur la mise en conformité.

Cette proposition de loi est la bienvenue dans un contexte de judiciarisation croissante des problèmes de voisinage. Son dispositif est clair, équilibré et réaliste.

Les liens sociaux à l'échelle du quartier sont souvent le meilleur remède aux maux humains. La loi ne doit s'appliquer que lorsque les solutions de dialogue et de conciliation de proximité sont épuisées.

Le groupe UC votera le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Catherine Di Folco applaudit également.)

M. Guy Benarroche .  - Nul ne doit imposer à autrui un trouble anormal de voisinage. Cette notion juridique a été consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation. Le juge apprécie l'existence d'un dommage, l'anormalité du trouble et la relation de voisinage.

La clause d'exonération la plus importante a trait à la pré-occupation. C'est logique, mais cela ne doit pas être sans limites. L'Assemblée nationale l'a étendue, mais notre commission est allée trop loin.

Le GEST est favorable au contrôle du juge. La dérogation prévue spécifiquement par la commission pour les activités agricoles est trop large et ouvre la voie à une servitude légale de pollution qui pérennise des situations nuisibles à l'environnement.

Le GEST a plusieurs fois dénoncé l'ambivalence du Sénat sur la notion de trouble anormal. Lors des débats sur la loi 3DS, nous avions demandé des règles de distance dans l'épandage des pesticides, mais le Sénat avait considéré qu'une activité légale ne pouvait constituer un trouble anormal. À l'inverse, le Sénat a considéré que l'installation d'éoliennes devait être limitée en raison du préjudice visuel...

Le principal objectif de ce réarmement juridique est de protéger les pollutions et nuisances liées à certaines activités économiques. Cette proposition de loi ne doit pas instaurer de droit à polluer. Restons attentifs aux conditions de vie de ceux qui habitent en milieu rural : souvenons-nous des algues vertes en Bretagne ! Le recours à la conciliation, obligatoire depuis seulement deux ans, n'a pas encore été évalué. Et faut-il rappeler que les populations les plus précaires subissent les plus grands dommages ?

Ce texte est une défense caricaturale de l'agriculture face aux rats des villes : le GEST ne le votera pas. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Quelle surprise !

M. Ian Brossat .  - Les querelles de voisinage sont aussi vieilles que les relations humaines. Le dialogue permet de trouver des solutions, mais les enjeux sont parfois tels que l'on se retrouve devant les tribunaux. L'explosion de ces litiges entre voisins est symptomatique d'un climat social dégradé.

Bien souvent, les maires jouent le rôle ingrat de médiateurs, mais ces troubles sont la cause de querelles et d'actions judiciaires qui pourrissent la vie de nombreux foyers.

Nous saluons leur intégration au code civil pour une application homogène de la jurisprudence sur tout le territoire, mais veillons à garantir le droit au recours lorsque les nuisances sont anormales.

La rédaction initiale du texte prévoyait que tout acteur déjà installé n'aurait plus à indemniser son voisin nouvellement installé, créant en quelque sorte un droit à polluer. Le travail en commission a permis la transcription stricte de la jurisprudence, c'est pourquoi nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Françoise Gatel s'en réjouit.)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Nous sommes nombreux à avoir connu des conflits de voisinage : oies du Gers, coq Maurice de l'île d'Oléron ...

M. Michel Savin.  - Sacré Maurice !

M. Michel Masset.  - Chaque territoire a son propre patrimoine vécu.

Quand la zizanie s'installe, toute la collectivité en pâtit. Dans ma commune de Damazan, j'ai connu ce type de conflits.

Cette proposition de loi vise à adapter le droit aux enjeux actuels, écologiques et sociétaux. L'installation de populations urbaines dans nos campagnes est une bonne nouvelle, mais cet exode met parfois à mal notre capacité à vivre ensemble. Préserver l'harmonie d'un lieu, c'est préserver le droit de propriété, mais aussi protéger les entreprises qui font vivre nos territoires.

Nous consacrons dans le code civil un régime de responsabilité pour les troubles de voisinage, dont la première mention remonte à 1844. Depuis, le législateur s'en est tenu éloigné. C'est donc le juge judiciaire qui a construit ce régime autonome, souple, fondé sur une appréciation au cas par cas et qui pose la question de la sécurité juridique, notamment pour nos entreprises.

C'était l'un des constats de notre rapport sur la pénurie de foncier économique : l'expansion des zones d'habitat rapproche les habitations des entreprises, contraintes au départ malgré des investissements importants. Certains projets ne voient pas le jour, en raison d'une présomption de nuisances et d'actions en justice avant même l'installation.

Je salue le travail de Mme la rapporteure. (M. Michel Savin renchérit.) La limitation de la clause exonératoire aux seules activités économiques - à l'exclusion des activités privées - bouleverse l'équilibre proposé par l'Assemblée nationale : nous en débattrons. La commission a également précisé la notion d'installation et veillé à préserver la compétence du juge administratif.

Mon seul point de vigilance concerne l'exonération dont bénéficieraient les troubles liés à une mise en conformité agricole. Il s'agit, en quelque sorte, d'une mutualisation au bénéfice d'un secteur essentiel à la vie de la Nation. Cette réflexion ne pourrait-elle pas être étendue à d'autres filières, industrielle notamment ?

Le groupe RDSE votera ce texte qui nous invite à réfléchir à la façon dont nous faisons société. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Très bien !

M. Olivier Bitz .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Lors de sa réunion ce matin, le groupe RDPI a exprimé son soutien à son président François Patriat dont le domicile a été dégradé. S'attaquer au domicile d'un élu, la nuit de surcroît, est inqualifiable ! (Mme Françoise Gatel et MM. François-Noël Buffet et Éric Dupond-Moretti renchérissent.)

Ce texte, de portée générale, concerne tout particulièrement nos espaces ruraux. Notre magnifique ruralité française est un espace de repos, de loisirs, de détente, de vie pour de nombreux Français. Beaucoup le rejoignent pour y trouver du repos, en fin de semaine notamment. Ces citoyens qui fuient les contraintes de la ville recherchent le calme absolu et ont une vision « carte postale » de la ruralité. C'est oublier qu'elle est avant tout un espace de production artisanale, industrielle et agricole. Ces nouvelles installations ne peuvent se faire au détriment des activités économiques qui font vivre nos territoires.

Le premier outil est le dialogue - et les agriculteurs font de réels efforts -, mais les tensions et les contentieux se multiplient. La jurisprudence sur les troubles de voisinage répond à ces préoccupations ; nous devons la conforter, pour envoyer un message clair à tous ceux qui veulent s'installer à la campagne et qui font donc le choix de vivre à proximité d'activités de production, voire de chasse. La ruralité a des avantages, mais aussi des contraintes, qu'il faut respecter.

Le RDPI votera ce texte et salue le travail de notre rapporteure, qui est sur tous les fronts.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Il faut que cela cesse ! (Sourires)

M. Olivier Bitz.  - Nous saluons la clause d'exonération sur les mises en conformité agricoles. Nous avons déposé un amendement pour aller plus loin et permettre l'évolution des exploitations, même sans mise aux normes. Arrêter le développement des exploitations au moment de l'installation des nouveaux voisins revient à les condamner. Les jeunes agriculteurs ont besoin de perspectives pour se développer.

Nous avons déposé un autre amendement, pour protéger aussi les activités non économiques contre les recours abusifs.

Cette proposition de loi n'épuisera pas la question des conflits de voisinage, qui doivent se régler d'abord par le dialogue - comme le font les maires des zones rurales. Elle peut toutefois clarifier la situation, c'est pourquoi le RDPI la votera. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Audrey Linkenheld .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Notre société prône le respect de l'autre et le vivre ensemble, mais se heurte - voire se fracasse - sur le délicat accommodement des hommes entre eux et la douloureuse cohabitation de l'homme et de son environnement.

Cette proposition de loi a un objectif d'apaisement, c'est louable ! Mais après avoir suivi les débats à l'Assemblée nationale et au Sénat, le groupe SER reste circonspect sur ce texte, sans toutefois y être farouchement hostile.

En quarante ans, la Cour de cassation a établi un régime de responsabilité objective, qui ne dépend pas de la démonstration d'un comportement fautif, mais de celle d'un trouble permanent et continu excédant la gêne normalement attendue dans les relations de voisinage.

La proposition de loi vise donc à consacrer cette jurisprudence en introduisant un nouvel article dans le code civil comportant le principe de responsabilité et son exception.

Nous sommes circonspects, car cette proposition de loi ne fait pas l'unanimité. Certes, les agriculteurs sont satisfaits, car ce texte est fait pour eux. Mais d'autres sont inquiets, je pense aux habitants de nos villes et aux associations de locataires. Si les procédures de dialogue échouent, les collectifs de riverains continueront à aller au contentieux. Alors, pourquoi prendre le risque d'adopter une proposition de loi qui ne convainc pas ? Ne vaut-il pas mieux s'appuyer sur l'expertise des juges ?

Évidemment, nos agriculteurs ont besoin de poursuivre leurs activités sereinement, dans le respect des codes de l'urbanisme, de l'environnement et de la santé publique. Évidemment, les nouveaux habitants de la campagne doivent s'adapter et comprendre que la vie rurale est une vie de tous les jours, qui peut être parfois bruyante ou odorante. Ceux qui préfèrent la ville doivent aussi accepter quelques effets secondaires : rires, cris d'enfants, bruit d'assiettes...

Attachés aux libertés collectives, les Français sont de plus en plus exigeants quant à leurs libertés individuelles et à leur bien-être personnel. C'est le fameux Nimby, « not in my backyard ».

Sartre nous le disait, « l'enfer, c'est les autres. » Aussi louable soit l'intention de cette proposition de loi, le groupe SER n'est pas convaincu de sa capacité à transformer un voisinage compliqué en paradis sur terre.

Si l'on ne répond pas aux angoisses des néoruraux et des urbains, où iront-ils ? Devons-nous vraiment faire comme si tous ces voisins râleurs avaient eu le choix de leur habitation ?

Ni dans nos villes ni dans nos villages, nous n'avons le privilège de choisir nos voisins - sauf les plus aisés...

Les personnes qui ont accepté d'habiter près d'une nuisance l'ont souvent fait parce que c'était cela ou rien. Faut-il pour autant qu'ils subissent toute leur vie une exposition à des polluants dangereux ?

Demander à de futurs occupants de se renseigner sur l'environnement de leur futur domicile est évidemment pertinent, mais tout le monde n'a pas plusieurs possibilités pour se loger !

La disparition de l'article 113-8 du code de la construction et de l'habitation est à ce titre délicate, d'autant plus que la commission des affaires économiques n'a pas été saisie... (Mme Dominique Estrosi Sassone sourit.)

Faire avec le « déjà là », comme le font les urbanistes, est souhaitable. Il faut parfois le protéger ; pour autant, il ne faut pas le figer, mais au contraire l'enrichir, en surélevant un bâtiment, par exemple. Tout cela, c'est un travail de dentellière. Je ne suis pas sûre que le présent texte réponde à ce besoin de finesse.

Les associations de locataires se déclarent réservées sur le texte de la commission. Des membres du comité national du bruit ont exprimé leur opposition. Les collectifs de riverains s'interrogent. Le groupe SER considère qu'en l'état, le statu quo est peut-être le meilleur service à rendre à notre vivre ensemble. (M. François Bonhomme s'exclame.) Mais comme respecter l'autre, c'est aussi l'écouter, la discussion fera peut-être évoluer notre position... (Sourires ; applaudissements à gauche)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi a pour objet d'introduire dans le code civil le principe jurisprudentiel de responsabilité pour trouble anormal de voisinage, afin d'en garantir une application homogène. Après la loi protégeant le patrimoine sensoriel de nos campagnes, il faut clarifier la situation pour répondre notamment à l'inquiétude des organisations agricoles.

Nous sommes trop souvent témoins de recours abusifs de voisins à l'encontre d'agriculteurs. L'enjeu du texte est de codifier la responsabilité civile sur ce point et d'ajouter une clause exonératoire lorsque le trouble anormal résulte d'activités préexistantes.

La notion de trouble de voisinage n'existe pas dans le code civil. Un régime de responsabilité a progressivement été créé par la jurisprudence. En 1976, après l'introduction de l'article L. 113-8 dans le code de la construction et de l'habitation, le législateur avait défini trois critères concomitants : l'antériorité du trouble, l'adaptation à la législation en vigueur, la poursuite d'une activité, qu'elle soit agricole, industrielle, artisanale, commerciale, touristique, culturelle ou aéronautique.

En 2023, la Cour de cassation a considéré que la construction de hangars à moins de cent mètres des habitations dans une commune de l'Oise en vertu d'une dérogation concédée par le préfet excédait le trouble normal de voisinage. Cette affaire n'est malheureusement pas isolée.

La commission est revenue sur la formulation initiale de la clause exonératoire, qui ne prenait pas suffisamment en compte les spécificités de l'activité agricole. Il est anormal qu'un exploitant agricole soit condamné, alors que les évolutions législatives lui imposent de modifier son exploitation.

Plusieurs associations ou collectifs représentant des victimes de troubles de voisinage s'inquiétaient du risque qu'aurait fait peser la rédaction initiale de la clause exonératoire visant les activités de toute nature, qui privait le juge de toute marge d'appréciation. Or l'objectif de ce texte est aussi de mieux protéger nos concitoyens des effets néfastes des troubles du voisinage. Le travail de la commission va dans le sens d'une plus grande lisibilité et d'une plus grande sécurité juridique.

Il faut mettre fin à la judiciarisation excessive liée à l'action de certains néoruraux. Ce texte conforte le droit de chacun de nos concitoyens à jouir paisiblement de son bien. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le texte est court. Son article unique - mais important - codifie un point essentiel : le régime de responsabilité pour troubles anormaux de voisinage. Ce régime, dégagé dès le milieu du XIXe siècle par la jurisprudence, prévoit que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage. Le législateur a inscrit ce régime dans le code de la construction et de l'habitation en l'associant à une clause exonératoire, conciliation nécessaire entre le droit à la quiétude et les nécessités de l'activité économique.

La codification proposée est bienvenue et s'inscrit dans un contexte de crise agricole sur lequel le Sénat a alerté, rapport après rapport, le Gouvernement.

Couplée au sentiment de rupture de lien entre le monde agricole et les Français, la multiplication des contentieux entre néoruraux et agriculteurs donne à ce texte une forte actualité. Or, malgré l'annonce du Premier ministre de son adoption rapide comme réponse à la crise agricole, je ne vois rien - aucun amendement du Gouvernement ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat - qui traduise en actes concrets ses mots puissants : « placer l'agriculture au-dessus de tout. »

La clause exonératoire proposée par la rapporteure est de bon aloi : comment imaginer que les agriculteurs aient à choisir entre la conformité de leur exploitation aux nombreuses normes en vigueur et l'exonération de leurs responsabilités ?

Nous pouvons pousser le curseur plus loin pour prévenir les contentieux résultant de la vie normale des exploitations. Pourquoi un jeune agriculteur ne pourrait-il pas, comme tout entrepreneur souhaitant développer son activité, passer de 60 à 100 vaches ou décider de diversifier son activité pour sécuriser son revenu ? L'amendement de notre collègue Duplomb rend ce développement possible, pour une meilleure sécurisation des activités agricoles. (MM. Laurent Duplomb et André Reichardt renchérissent.)

Il y a là, monsieur le ministre, de quoi revenir vers le monde agricole pour lui présenter ce qu'il attend : du concret, du concret et encore du concret ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Blanc .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Ce texte mérite toute notre attention, mais je m'interroge sur ses implications potentielles. Nous devrions aspirer à une réforme profonde du droit de la responsabilité civile. L'exemple de la Belgique nous montre qu'une modernisation globale en la matière est non seulement possible, mais aussi bénéfique.

En adoptant une vision plus large englobant droit de la responsabilité civile et droit des biens, nous devrions pouvoir mieux répondre à la diversité des situations.

Sans définition claire des conséquences juridiques de la réforme, celle-ci pourrait miner la confiance du public dans la législation. Il est essentiel de définir des sanctions pragmatiques.

Cette proposition de loi pourrait ainsi constituer un premier pas vers une réforme plus complète, tenant compte des enjeux actuels, notamment des défis posés par la crise agricole. Je pense en particulier à l'objectif « zéro artificialisation nette ». On pointe en effet une explosion des troubles de voisinage liés à une densité mal pensée... (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Discussion de l'article unique

M. Olivier Paccaud .  - Avec ma collègue Sylvie Valente, nous sommes mobilisés depuis plus de dix ans sur le cas de l'agriculteur Vincent Verschuere. C'est triste de devoir légiférer sur le vivre ensemble  -  le bon sens paysan devrait l'emporter  - , mais nécessaire.

Il y a trois ans, nous avons voté un beau texte visant à protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises. (Mme Françoise Gatel acquiesce.) Malheureusement, il est resté lettre morte.

Le pauvre Vincent Verschuere, dont je salue l'avocat en tribune, a été condamné par la Cour de cassation à payer 106 000 euros de dommages et intérêts pour avoir voulu agrandir son étable. Il n'a commis qu'un seul crime : vouloir travailler !

Je salue l'amendement de Laurent Duplomb. Mais que voulons-nous ? Que nos campagnes deviennent des musées, des paysages de carte postale sans saveur ni odeur ?

Ce que nous souhaitons tous, dans ce palais de Marie de Médicis, c'est que, pour paraphraser Sully, labourage et pâturage demeurent les mamelles de la France, et soient ses mines et trésors du Pérou ! (On apprécie la référence ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Bitz et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

économiques existant antérieurement à l'acte ouvrant le droit de jouissance de la personne qui allègue subir le dommage mentionné au premier alinéa,

par les mots : 

, quelle qu'en soit la nature, préexistant à l'installation de la personne lésée, qui sont

M. Olivier Bitz.  - Nous souhaitons revenir au texte de l'Assemblée nationale. Ne limitons pas le dispositif aux seules activités économiques. Le principe selon lequel celui qui arrive doit s'adapter à ce qui existe doit s'appliquer largement.

La mention de l'acte ouvrant le droit de jouissance pose par ailleurs des difficultés juridiques.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission des lois a sécurisé le périmètre du texte, avec la notion d'activité économique. Nous avons été inspirés pour ce faire par la présidente de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, que nous avons auditionnée.

Le mot installation nous gêne par ailleurs. Il suffirait que quelqu'un, ayant acheté une maison, y pose quelques meubles pour se plaindre ensuite de troubles anormaux du voisinage.

Monsieur le ministre, je ne suis pas certaine que la notion d'installation couvre l'obtention d'un permis de construire. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le Gouvernement est favorable à votre amendement, monsieur Bitz.

M. André Reichardt.  - C'est étonnant !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La direction des affaires civiles et du sceau (DACS) ne partage pas du tout l'analyse de la représentante de la Cour de cassation que vous avez auditionnée.

Appliquer le principe de responsabilité pour troubles anormaux du voisinage à l'ensemble des activités me paraît important. Ne le limitons pas aux seules activités économiques.

Par ailleurs, la notion d'acte ouvrant le droit de jouissance ne répond pas clairement à l'acte juridique concerné ni ne couvre toutes les situations envisagées. Une rédaction plus large paraît préférable.

Mme Audrey Linkenheld.  - Ce dialogue illustre la difficulté soulevée cette proposition de loi. Pourquoi le trouble anormal de voisinage serait-il limité à des activités économiques ? Et qu'en est-il du droit à réparation ?

L'article du code de la construction et de l'habitation auquel l'amendement de M. Bitz fait référence est circonscrit aux activités économiques. Quand on veut mélanger la jurisprudence des juges en matière civile avec les articles du code, on aboutit à une certaine confusion... Nous voterons contre cet amendement.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

Les installations classées pour la protection de l'environnement sont exclues des exonérations de responsabilité pour trouble anormal de voisinage.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement exclut les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) du champ de l'exonération de responsabilité pour trouble anormal de voisinage.

Ne fragilisons pas les équilibres dégagés par la jurisprudence - je pense au contentieux opposant ArcelorMittal à quatorze riverains à Fos-sur-Mer. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Vous avez dit que nous étions excessifs, mais vous l'êtes particulièrement avec votre amendement ! Vous videz ni plus ni moins le texte de sa substance. Les ICPE incluent de très nombreuses installations, y compris des éoliennes terrestres...

Cette proposition de loi ne crée pas un droit à polluer. C'est tout l'inverse ! Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par Mme Jacquemet, MM. Longeot, Mizzon et Henno, Mme Antoine, MM. Cambier et Canévet, Mme Sollogoub, M. Courtial, Mme Billon, M. Fargeot, Mmes O. Richard, Perrot, de La Provôté et Saint-Pé, MM. Duffourg et Hingray et Mme Romagny.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les effets sonores causés par les enfants dans les services aux familles, les aires de jeux pour enfants et les installations similaires ne sont pas des troubles anormaux de voisinage.

Mme Annick Jacquemet.  - Cet amendement exclut des troubles anormaux de voisinage les effets sonores causés par les enfants, dans les services aux familles et autres aires de jeux.

L'espace extérieur est obligatoire dans les nouvelles crèches dans certains cas. Or de nombreuses crèches sont visées par des plaintes pour troubles de voisinage.

Consacrons un droit des enfants à faire du bruit ! Les enfants accueillis en crèche doivent avoir le droit de jouer dehors.

L'amendement n°2 rectifié ter n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°3 rectifié octies, présenté par Mmes Joseph, Gruny et Demas, M. Paccaud, Mme Josende, M. Laménie, Mmes L. Darcos et Berthet, MM. Panunzi, H. Leroy, Sautarel, Burgoa et Cadec, Mme Gosselin, MM. Pellevat et Savin, Mme Ventalon, MM. Darnaud et Brisson, Mme Imbert, M. de Legge, Mme Eustache-Brinio, M. Lefèvre, Mme Pluchet, MM. Naturel et Folliot, Mmes Dumont et Di Folco, M. Genet, Mmes Petrus, Muller-Bronn et Borchio Fontimp, MM. Belin et Sido, Mme Aeschlimann, M. Reynaud et Mmes Drexler et Nédélec.

Mme Else Joseph.  - N'assimilons pas le bruit des enfants des crèches à des troubles anormaux de voisinage. Leurs rires et leurs joies sont stigmatisés, signe du recul de vivre ensemble. On est pourtant loin du bruit des marteaux-piqueurs !

Les débats au Sénat doivent consacrer le droit effectif des enfants à faire du bruit. Laissons jouer nos enfants ! (Sourires)

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Encourageons les enfants à crier et à exploser de joie ; s'ils ne le faisaient pas, c'est qu'ils seraient en mauvaise santé ! Les habitants d'un collectif, parfois, n'aiment pas entendre le bruit des crèches, mais cela ne constitue pas un trouble anormal de voisinage. Le juge le sait. En outre, une crèche mène une activité économique ; elle est donc couverte par la clause exonératoire. Retrait ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'ai lu ces amendements avec tendresse. Sachez qu'une école de tout-petits jouxte la Chancellerie. (« Ah ! » sur plusieurs travées) De temps en temps, c'est très animé ; je renvoie même parfois des ballons. (Sourires) Cela dit, ce n'est pas anormal. Ce qui le serait, c'est qu'on ne les entende pas pendant la récréation. (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.) En cas de difficulté, laissons le juge trancher. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos1 rectifié ter et 3 rectifié octies sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par Mmes Aeschlimann et Dumont, M. J.M. Boyer, Mmes Nédélec et Petrus, MM. Belin et Bouchet, Mme Belrhiti, M. Savin, Mme Lassarade, M. de Legge, Mme Garnier, MM. Courtial et Joyandet, Mme Gruny, MM. Sautarel, Milon et Burgoa, Mme Noël et MM. Khalifé, Genet, Panunzi, Cadec et Sido.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les effets sonores causés par les enfants dans le périmètre des écoles, collèges et lycées ne sont pas des troubles anormaux de voisinage.

Mme Marie-Do Aeschlimann,  - Après les crèches, les écoles ! Il faut accepter la campagne telle qu'elle est ; il doit en aller de même pour les établissements scolaires. Or des collectivités ont été condamnées pour le bruit d'une cour de récréation - c'est du vécu !

Cet amendement élargit la clause exonératoire aux établissements scolaires, afin qu'ils ne soient pas traduits en justice par des riverains récemment installés.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Même avis que précédemment : le juge sait apprécier les troubles anormaux.

On pourrait aussi protéger les Ehpad et autres... (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je n'y suis pas défavorable : j'y suis extrêmement défavorable !

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - C'est de la loi bavarde, il faut faire du droit !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il ne s'agit pas de troubles anormaux du voisinage ! Je me rassois, désespéré.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Ce n'est pas du virtuel. (Brandissant une liasse de papiers) J'ai ici une décision de justice : ma commune a été condamnée à cause d'une cour de récréation. (Protestations au banc des commissions et au banc du Gouvernement)

L'amendement n°8 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Bitz et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa : 

 « Art. L. 311-1-1. - La responsabilité de plein droit prévue au premier alinéa de l'article 1253 du code civil n'est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d'activités agricoles au sens de l'article L. 311-1, préexistant à l'installation de la personne lésée, qui sont conformes aux lois et aux règlements et qui se sont poursuivies dans les mêmes conditions ou sans modification substantielle de ces conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal. »

M. Olivier Bitz.  - Cet amendement est particulièrement important. En l'état actuel du texte, nous nous référons à la date d'installation du nouveau venu pour évaluer la nuisance de l'activité agricole. Sauf mise en conformité, dès lors, il n'est pas possible d'amplifier les nuisances existantes. C'est bien trop limitatif. Une exploitation doit pouvoir se développer. Ne figeons pas le niveau d'activité lors de l'installation du voisin. Pour ne pas non plus permettre tout et n'importe quoi, nous limitons ces évolutions en excluant les modifications substantielles.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mmes Estrosi Sassone et Primas, MM. Cuypers, D. Laurent, Darnaud, Klinger, Sol et Karoutchi, Mme Puissat, M. Paccaud, Mmes Noël, Di Folco et Berthet, MM. Panunzi, Daubresse et Cadec, Mme Gosselin, MM. Pellevat, Savin, Hugonet, J.P. Vogel, Chatillon, Brisson, Grosperrin et Laménie, Mme Belrhiti, MM. Milon, Michallet et Anglars, Mmes Imbert et Bellurot, MM. de Legge, Reynaud, Genet, Bonhomme et Somon, Mme Muller-Bronn, MM. Tabarot et Sido, Mme Borchio Fontimp, MM. J.B. Blanc et Belin, Mme Gruny, MM. Chasseing et Favreau, Mmes Bonfanti-Dossat, Lassarade, Micouleau, Demas, P. Martin, Dumont et Joseph, M. Gremillet et Mme Aeschlimann.

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

ou dans des conditions telles qu'il n'en ait pas résulté une aggravation substantielle du trouble par sa nature ou son intensité

M. Laurent Duplomb.  - Il faut donner à l'agriculteur la possibilité d'évoluer.

Le juge doit se référer en priorité au code civil. Mme le rapporteur a fait inscrire en commission une référence au code rural pour exonérer les évolutions liées aux mises aux normes. L'agriculteur, victime d'injonctions contradictoires, ne doit pas être condamné à cause d'une mise aux normes. Ce serait une injustice flagrante !

Faisons grâce également à une évolution naturelle de l'exploitation : passer de 60 à 100 vaches laitières, c'est de même nature ; mais créer un élevage de poulets ou autres, c'est différent : c'est une aggravation substantielle. Mon amendement prévoit les deux cas.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - L'amendement n°6 revient excessivement sur texte de la commission.

Nous avons prévu trois critères alternatifs. N'ajoutons pas du flou par une acception trop large et sécurisons la rédaction. Avis défavorable.

Nous préférons nettement l'amendement n°4 de M. Duplomb, qui me semble respecter l'esprit de l'auteur de la proposition de loi. Je vous invite à vous effacer, monsieur le garde des sceaux, à son profit. (Sourires)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le Gouvernement n'a pas la même préférence que la rapporteure... L'amendement n°6 permet à l'agriculteur de bénéficier d'une exonération lorsque son activité a connu une modification non substantielle, et ainsi de passer d'un élevage de 20 à 25 chiens, par exemple. Avis favorable à l'amendement n°6.

L'amendement n°4 rectifié bis me pose davantage de problèmes. Il ajoute une nouvelle clause d'exonération de responsabilité pour un exploitant qui modifie de façon importante son exploitation, s'il démontre qu'il n'en résulte pas pour son voisin une aggravation substantielle.

Monsieur Duplomb, votre rédaction manque de clarté et crée une insécurité juridique. Elle revient à exonérer l'exploitant au motif que la nature ou l'intensité de l'activité n'aurait pas été modifiée. Vous privez dans ce cas la victime de tout droit à réparation.

Je souhaite profiter de ma prise de parole pour exprimer le soutien indéfectible du Gouvernement au président Patriat. S'en prendre à un élu, c'est s'en prendre à la République. La justice a été saisie ; je sais qu'elle fera son travail et prendra en considération sa qualité d'élu. Aucune cause ne justifie de telles exactions. (Applaudissements)

M. Laurent Duplomb.  - Les mots ont un sens. Ne pas préciser que l'activité est « de même nature » laisse au juge une marge d'appréciation trop grande. Sur mon exploitation, je suis passé de 60 à 120 vaches, pour des raisons économiques - cela ne m'a pas fait plaisir : est-ce une modification substantielle ? Qu'elles soient 60 ou 120, les vaches sont de même nature. Mais la machine à traire fonctionne deux heures au lieu d'une heure et demie. Ma rédaction offre une vision très claire au juge.

Trop souvent, nous laissons le juge faire la loi à la place du parlementaire et ce n'est pas ma façon de voir. (M. Olivier Paccaud renchérit.)

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'amendement n°4 rectifié bis est adopté.

L'article unique, modifié, constituant l'ensemble de la proposition de loi, est adopté.

Discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques.

Discussion générale

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - La lutte contre les discriminations est une ardente nécessité. Le Gouvernement s'est engagé à promouvoir l'égalité sous toutes ses formes. C'est notre idéal, mais il est loin d'être atteint dans la réalité. Qu'il s'agisse d'emploi, de logement ou de prêt bancaire, les données recueillies par l'Insee montrent que 20 % des Français ont été confrontés à des discriminations - 82 % pour les personnes issues de l'immigration.

Cela touche surtout les champs de l'emploi et du logement. Le phénomène n'épargne personne : femmes, personnes en situation de handicap, LGBT, seniors...

M. François Bonhomme.  - Et les hommes blancs ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Cela appelle une action immédiate et déterminée.

Cette proposition de loi reflète la volonté gouvernementale et son plan 2023-2026 contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine.

Il est nécessaire de regarder notre société comme elle est. L'Assemblée nationale a adopté cette proposition de loi, défendue avec conviction par Marc Ferracci. Elle est concrète : par l'application des tests statistiques et individuels, il s'agit de démonter ces pratiques qui minent la cohésion nationale.

Les origines, la couleur de peau, les croyances, l'âge ou l'orientation sexuelle d'un individu ne devraient jamais fermer l'accès à un logement, à un emploi ou à un prêt bancaire. Certains sont contraints de mentir ou de recourir à des subterfuges. C'est désespérant.

Redonnons de l'espoir à ces Français en leur donnant les moyens de se défendre. Il faut modifier les comportements des entreprises, des administrations ou des services publics.

La proposition de loi prévoit une intensification du testing, qui implique l'envoi de candidatures fictives différenciées par des critères susceptibles d'être discriminés.

L'ambition, forte, est de tester plus de 500 entreprises en 2024. Celles qui ne prennent pas à bras-le-corps le problème feront l'objet d'une publication encadrée. Aujourd'hui, on déplore une absence de condamnation pénale en cas de discrimination.

Votre commission a largement remanié le texte. La suppression de certains articles en commission met en péril le sens de la proposition de loi. Nous voulons qu'ils soient réintroduits, pour plus d'efficacité.

Cette proposition de loi privilégie le testing individuel et s'appuie sur le témoignage direct de victimes. Cette approche vise à soutenir les démarches des personnes. Testing individuel et statistique se complètent.

Les testing statistiques et individuels sont complémentaires.

Le Gouvernement est convaincu que ces mesures seront utiles. Le plan global bénéficiera du soutien de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), qui sera chargée d'organiser les tests statistiques à grande échelle. Cela ne concurrencera pas l'action de la Défenseure des droits.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Si !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - La proposition de loi crée un comité des parties prenantes qui choisira la méthodologie et les actions correctrices : il a vocation à susciter la confiance nécessaire aux transformations utiles.

Nous voulons nous donner tous les moyens contre les discriminations. Ce texte est une étape décisive dans ce combat : nous avons une responsabilité collective. Je suis convaincue que nous parviendrons à un consensus. La lutte contre les discriminations nécessite une ardente mobilisation, les Français nous attendent sur cette promesse républicaine.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La proposition de loi de Marc Ferracci visait à lutter contre les discriminations de deux manières. D'abord, en confiant à la Dilcrah la réalisation de tests : individuels, pour confirmer une discrimination à l'encontre d'une personne réelle, ou statistiques, ayant trait à des candidatures fictives. C'est l'article 1er. La méthodologie serait élaborée avec un comité des parties prenantes rassemblant des parlementaires, des experts, des organismes susceptibles d'être testés, des employeurs, des salariés et des associations. C'est l'article 2.

Deuxièmement, le texte prévoit une procédure de suivi spécifique, avec obligation pour l'organisme épinglé de négocier en vue d'un accord sur des mesures correctives ou d'établir un plan d'action, faute de quoi des sanctions seraient possibles : amende administrative correspondant à 1 % de la masse salariale ou name and shame. C'est l'article 3.

La commission a largement remanié le texte, mais nous sommes d'accord sur le fond : le combat contre les discriminations est loin d'être gagné. La Défenseure des droits a reçu plus de 6 700 signalements en 2023 contre 5 215 en 2021, fondés sur le handicap pour 21 %, l'origine pour 13 %, et l'état de santé pour 9 %. Ces chiffres sont très préoccupants. Hélas, la qualité d'une loi ne se mesure pas à ses bonnes intentions, et le dispositif proposé n'est pas le plus opérant.

Sur le fond, l'examen en commission révèle des dispositions imprécises, incomprises, voire contre-productives. La proposition de confier la réalisation de tests individuels à la Dilcrah a fait l'unanimité contre elle. La Défenseure des droits s'y est opposée dans un avis public, comme la quasi-totalité des personnes auditionnées, y compris des acteurs associatifs. Nous avons fait droit à ces arguments : la Défenseure des droits est la mieux placée pour accompagner les victimes, y compris en cas de contentieux. Elle dispose de pouvoirs d'enquête, peut recourir à la médiation ou produire des observations devant le juge. Son indépendance est une plus-value indéniable.

Ne créons pas de concurrence entre les acteurs. C'est pourquoi nous avons limité la compétence de la Dilcrah aux tests statistiques.

Le comité des parties prenantes vise à prévenir toute critique contre la méthodologie des tests. En effet, la campagne conduite par l'État en 2019-2020 n'avait pas prospéré du fait des critiques des entreprises sur la méthodologie retenue. Il serait naïf de penser qu'un énième comité couperait court aux contestations, ou que les entreprises se rallieront au testing parce que la loi le prescrit ! Tentation bien française que de prétendre tout régler par une nouvelle norme...

En outre, le texte ne dit rien sur les modalités concrètes de fonctionnement du comité, notamment sur la majorité requise. Le format est en outre excessivement rigide. Afin de favoriser le consensus, mieux vaut laisser les pouvoirs publics décider du format d'échange le plus adapté, en associant les partenaires sociaux.

Enfin, les missions du comité en font bien plus qu'un conseil scientifique. Si un test laisse présager des discriminations, c'est à l'inspection du travail d'accompagner l'entreprise pour qu'elle mette en place des mesures correctives. Qui imagine qu'un comité composé d'experts statistiques donne son avis sur un accord conclu dans une entreprise ? Nous avons donc supprimé l'article 2.

J'en viens au coeur du réacteur, l'article 3. Nous ne sommes pas opposés à la promotion de campagnes statistiques par l'État, utiles pour objectiver les discriminations. J'attire l'attention du Gouvernement sur les demandes de création d'un observatoire des discriminations.

Mais les tests statistiques ne sont pas l'alpha et l'oméga de la lutte contre les discriminations. Ils ne révèlent qu'un fragment des pratiques.

J'en viens aux suites à apporter aux tests. L'article 3 proposait une procédure insatisfaisante, complexe, voire illisible, susceptible de s'étaler sur deux ans. Deux vices majeurs sur le fond : l'absence de procédure contradictoire, et le risque d'interférence avec le dialogue social.

Comme souvent, la philosophie de la procédure n'a d'autre finalité que la sanction et ignore les initiatives déjà prises par les entreprises -  accords de branche ou droit souple, comme le label diversité ou l'auto-testing. Les sanctions prévues me laissent dubitative. L'efficacité du name and shame ne fait pas consensus, et l'amende administrative risque fort de n'être pas appliquée.

Enfin, le droit du travail offre déjà tous les instruments nécessaires. L'État est loin d'être désarmé : l'inspection du travail dispose d'une compétence générale pour faire appliquer le droit du travail, et le cas échéant saisir le parquet. Peut-être aurait-elle eu un meilleur usage des crédits alloués à la Dilcrah... Nous avons donc supprimé l'article 3.

Ne confondons pas une juste cause et une bonne loi. La commission des lois a trouvé un équilibre satisfaisant, autour de trois principes simples : préserver la compétence du Défenseur des droits pour les tests individuels, approuver le principe des tests statistiques et utiliser le droit existant pour en assurer les suites. N'allons pas au-delà, sauf à desservir la cause que nous partageons tous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Pierre Jean Rochette .  - L'égalité des droits est inscrite à l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Seul le mérite fonde les distinctions entre les individus. Cet idéal est au coeur de notre pacte républicain.

Main dans la main avec le droit, l'économie de marché contribue à réduire les discriminations. L'essor du capitalisme s'est accompagné d'une réduction des discriminations envers des groupes religieux, raciaux ou sociaux. Milton Friedman rappelle que la main invisible d'Adam Smith ne distingue pas selon l'origine. (M. Guy Benarroche ironise.)

Non seulement les discriminations gâchent la vie de nos concitoyens, mais elles nuisent à notre économie : selon France Stratégie, elles feraient perdre plusieurs points de croissance !

Nous n'avons aucune excuse. Il ne suffit pas de décréter l'égalité en droit : il nous faut lutter constamment contre les discriminations. Si elles sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, les pratiques perdurent.

Le texte crée un service chargé de mener des tests, objectif louable, mais le dispositif se heurte aux efforts déjà déployés. Pour ne pas faire doublon avec le Défenseur des droits, la commission a restreint la compétence de la Dilcrah aux tests statistiques, et a supprimé la procédure de sanction, eu égard à l'arsenal existant.

Nous soutenions le caractère pédagogique de l'approche répressive. Mais des espaces de dialogue existent déjà : il faut s'en emparer. Nous sommes plus réservés sur le name and shame ou l'amende administrative, qui se généralise : mieux vaut renforcer les moyens de la justice, car seuls les tribunaux garantissent le droit à un procès équitable.

Le texte permettra de mieux comprendre les discriminations, donc de mieux lutter contre elles. Le groupe INDEP le votera, tel qu'il est modifié par la commission.

Mme Olivia Richard .  - Toutes les données convergent : les discriminations persistent en France, dans tous les domaines, à commencer par l'accès au logement, aux soins et à l'emploi. Plus de 6 700 réclamations ont été formulées en 2023 auprès de la Défenseure des droits -  chiffre révélateur de la mobilisation des associations, qu'il convient de saluer.

La photo statistique n'est pas réaliste : selon l'Organisation internationale du travail (OIT), 38 % des jeunes avocats et 52 % des jeunes avocates se disent victimes de discriminations en 2018, or 5 % seulement ont fait une réclamation. Couleur de peau, genre, orientation sexuelle, âge, engagement politique : les motifs sont nombreux et douloureux.

Cette discrimination est un affront au principe d'égalité, à l'idéal d'universalisme et d'humanisme. Pour lutter contre, nous devons donc pallier les carences de notre arsenal juridique. Je salue l'initiative de Marc Ferracci.

Les tests individuels sont déjà une réalité -  je salue l'action de la Défenseure des droits, dont il faut augmenter les moyens  - et les tests statistiques ont une utilité réelle. Un observatoire serait bienvenu. Toutefois, gardons-nous de l'affichage comme du déni, ne créons pas d'outils redondants.

Je salue le travail de la rapporteure. Les auditions ont montré que le texte, s'il était adopté, se ferait au détriment de la Défenseure des droits. Or il s'agit de l'autorité la plus adaptée pour gérer les situations : elle comprend des juristes, contrairement à la Dilcrah, et ses pouvoirs d'enquête sont précieux. Elle accompagne au mieux les requérants.

Une politique de testing à grande échelle serait bienvenue ; la présidente du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes s'est dite intéressée. En revanche, le comité des parties prenantes, mal calibré, a soulevé des réserves. La procédure de suivi est trop complexe et trop longue, et fait l'impasse sur le contradictoire. Or l'acceptabilité du testing est un facteur essentiel. Mais la confiance ne se décrète pas, elle se construit : je partage donc les réserves de la rapporteure.

Le groupe UC votera ce texte tel qu'il est modifié par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Nous ne construirons rien de durable si nous laissons prospérer le racisme et les discriminations, qui sont un poison pour notre société, a dit Jacques Chirac. Or la situation est catastrophique. Cher Pierre Jean Rochette, la main invisible du marché n'est pas aveugle, elle n'a pas fait tomber les discriminations !

En cinq ans, le nombre de crimes et délits racistes a augmenté de 29 % ; 5 % de la population pense qu'une race est supérieure à une autre ; les actes antireligieux et antisémites explosent. Racisme, intolérance, discours de haine n'ont pas leur place dans notre République et nous les condamnons fermement.

Au-delà de cette violence, une personne sur cinq s'est déclarée victime de discriminations multiples. Une personne au prénom à consonance maghrébine a 50 % de chances en moins d'être rappelée pour un logement. Idem pour l'octroi d'un prêt bancaire, le niveau de rémunération, la surveillance de l'espace public...

Il nous faut activer tous les leviers. Or le plan 2020-2023 de la Dilcrah n'a été que partiellement mis en oeuvre. Comment expliquer que le budget de la Défenseure des droits stagne ? Que le Gouvernement s'oppose à la traçabilité des contrôles d'identité, malgré l'avis du Conseil d'État ? C'est qu'il ne fait pas de la lutte contre les discriminations une priorité !

En proposant de développer les tests, Marc Ferracci joue sur un des leviers disponibles. Le GEST salue cette initiative : ces tests permettraient de collecter des preuves. Cela dit, le texte souffre de deux défauts. Le premier est institutionnel : les tests seraient réalisés sous l'égide du Gouvernement, or les discriminations à l'embauche existent aussi dans la fonction publique ! Ils doivent être menés en toute indépendance, sans dépendre de l'exécutif. Nous craignons qu'ils ne servent de caution au Gouvernement. Olivier Dussopt n'avait-il pas promis une telle mesure lors de l'injuste réforme des retraites ?

Deuxième défaut : la suppression, en commission, des sanctions - sans lesquelles les entités testées ne subiront guère de pression pour cesser leurs pratiques discriminatoires. En l'état, ce texte est au mieux une coquille vide, au pire un leurre. Nous défendrons des amendements pour au moins rétablir les sanctions : faute de quoi, nous ne voterons pas le texte. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Akli Mellouli.  - Excellent !

M. Ian Brossat .  - Quelle n'a pas été notre déception en découvrant la faible ambition de cette proposition de loi.

Selon une étude de l'Insee de 2020, 18 % des 18-49 ans déclarent avoir subi des traitements inégalitaires ou de discriminations, contre 14 % quelques années plus tôt. La banalité de l'expérience discriminatoire des minorités est un mal lancinant qui fracture la société.

Trop peu d'énergie et de moyens sont mobilisés pour y faire face. Si le début des années 2000 a vu la création de la Halde ou du Défenseur des droits, les moyens demeurent indigents, limités aux diagnostics et à la formation, et les discriminations continuent de balafrer la République.

Le non-recours au droit et à la médiation est répandu. Le Défenseur des droits est trop peu connu. Or les victimes ne se saisissent des dispositifs que si elles pensent que les procédures peuvent aboutir.

S'il n'existe pas de remède miracle, des sanctions plus lourdes pourraient être envisagées. Pourquoi attendre que les victimes se manifestent ? L'Inspection du travail, l'Inspection générale de l'éducation nationale ou l'Inspection générale de la police nationale peuvent jouer un rôle actif pour prévenir les discriminations.

Le testing est efficace, mais connaît des limites. Il est ainsi impossible de connaître les raisons profondes de cette discrimination. De même, le name and shame n'est guère efficace pour enclencher des changements structurels ou lutter contre le non-recours. Bref, le testing doit être complété par d'autres approches -  par exemple pour mesurer les discriminations qui s'étalent dans le temps.

Nous rejoignons la Défenseure des droits : ce texte poursuit des objectifs louables, mais il manque d'ambition. Notre groupe s'abstiendra. (Applaudissements sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. Philippe Grosvalet .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Talia, enceinte, se rendra vendredi à son dix-septième entretien d'embauche. Sofiane, étudiant ingénieur, est contrôlé en moyenne deux fois par semaine par la police. Hugo et Maxime, homosexuels, se sont fait refuser l'entrée au restaurant. Ces situations révoltantes sont quotidiennes pour nombre de nos concitoyens.

Si le rapport de l'Observatoire des inégalités expose une tolérance plus répandue, le nombre de réclamations auprès de la Défenseure des droits est en constante hausse. Mais les chiffres ne disent pas tout.

Les politiques de lutte contre les discriminations ne sont pas nouvelles, mais n'ont jamais donné de résultats satisfaisants. En 2016, les tests de discrimination réalisés sur des grandes entreprises à la demande des pouvoirs publics sont restés sans suite. En 2017, la charte sur les discriminations à l'embauche n'a débouché sur aucune initiative. De même, en 2018-2019, aucune mobilisation réelle des pouvoirs publics à la suite d'une nouvelle campagne de testing. Le RDSE souhaite que le sujet soit traité avec plus de détermination par le Gouvernement.

La suppression des mentions de tests individuels à l'article 1er est bienvenue : ne multiplions pas les interlocuteurs, conservons la voie de recours bien identifiée qu'est le Défenseur des droits.

En revanche, nous regrettons la suppression de l'article 2, qui ne permet plus l'intégration d'acteurs en lien direct avec la lutte contre les discriminations. Idem pour l'article 3 : un test établissant l'existence de pratiques discriminatoires doit être suivi d'effet, actions correctives ou amende. Constater sans réagir, telle n'est pas notre philosophie.

Les discriminations nourrissent le repli et le sentiment d'inégalité. Elles engendrent un coût économique lourd pour des populations déjà vulnérables, mais aussi des conséquences sociales.

La législation contre les discriminations n'aura de résultats que si notre volonté est claire et affirmée. Ce texte doit s'inscrire dans une stratégie nationale cohérente de lutte contre les discriminations que la Défenseure des droits appelle de ses voeux. (Mme Sarah El Haïry renchérit.)

Le RDSE soutient toutes les mesures de lutte contre les discriminations. En l'état, le texte n'apporte pas de réponse suffisante. Selon Martin Luther King, « la moindre injustice, où qu'elle soit commise, menace l'édifice tout entier ». (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Patricia Schillinger .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Au coeur de l'adhésion à la République réside une promesse : que chacun, quelle que soit son origine, sa religion, son genre ou sa couleur de peau, trouve sa place. Elle est ancrée dans le principe d'égalité, énoncé à l'article premier de la Constitution. Le Président de la République l'a affirmé : faire aimer la République, c'est tenir la promesse d'émancipation qui lui est intrinsèque. Trahir cet engagement serait se résoudre à un régime d'inégalité sociale, se résigner à ce que certains tournent le dos à la République, faire le lit des communautarismes et des séparatismes.

La proposition de loi s'inscrit dans le prolongement de cette promesse républicaine d'émancipation.

Bien que la France dispose d'un important arsenal juridique, les données soulignent la persistance des discriminations en France. La Défenseure des droits a reçu plus de 6 700 signalements en 2023. Les recours contentieux sont des démarches lourdes pour les victimes.

Depuis les années 2000, les tests sont reconnus comme outil de preuve dans le cadre d'une action en justice, mais il n'y a aucune condamnation pénale en matière de discrimination...

Ces pratiques minent notre pacte républicain. Elles privent certains de nos concitoyens de l'accès à des biens et des services, fragilisant encore les plus vulnérables. Elles représentent un coût colossal sur le plan économique, jusqu'à 14 % du PIB selon France Stratégie !

La proposition de loi de Marc Ferracci s'inscrit dans le prolongement du plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine.

Son article 1er confiait à la Dilcrah une compétence élargie. Craignant une concurrence avec la compétence de la Défenseure des droits en matière de tests individuels, la commission des lois a limité les missions de la Dilcrah à la production de tests statistiques. Nous regrettons cette approche. Une complémentarité aurait en effet été possible. La suppression de cette possibilité interdit toute montée en puissance de ces outils pourtant efficaces.

La commission des lois a également supprimé l'article 2 créant le comité des parties prenantes, ainsi que l'article 3, sur le name and shame, qui n'intervenait pourtant qu'en dernier recours. Mme la rapporteure, dont je salue le travail, a rappelé que le testing ne pouvait être efficace qu'avec l'adhésion des employeurs. C'était l'objet de la proposition de loi, qui les invitait à participer à la définition de la méthodologie et à modifier leurs comportements...

Le RDPI déplore que le texte ait été largement vidé de son contenu. S'il l'adoptait en l'état, le Sénat ferait preuve d'une faible ambition en matière de lutte contre les discriminations, et d'un intérêt moindre pour la promesse républicaine d'émancipation. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Corinne Narassiguin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dans le cadre d'un testing, SOS Racisme a établi que 61 % des agences d'intérim acceptaient de faire une présélection des candidats en fonction de leur couleur de peau. Les personnes ayant un nom à consonance maghrébine ont 50 % de chances de moins d'être rappelées par un recruteur que celles ayant un nom français. Seules 44 % des personnes en situation de handicap étaient actives en 2023. Avoir un nom maghrébin ou d'Afrique de l'Ouest est un obstacle pour louer un logement, a révélé une opération de testing sur des agences immobilières. Les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes ont vingt fois plus de chances d'être contrôlés par les forces de l'ordre, selon une étude de 2017 du Défenseur des droits.

La Défenseure des droits a reçu 6 703 réclamations en 2023 contre 5 215 en 2021. Le handicap est la principale cause de discrimination, à 21 %, suivi par l'origine et l'état de santé.

Cette situation remet en cause le principe d'égalité, fondement du pacte républicain, et alimente un légitime ressentiment qui met à mal notre vivre ensemble. Pour y mettre fin, il faudra un sursaut collectif.

Nous partageons les objectifs de cette proposition de loi, mais les modalités interrogent.

L'article 1er pose deux problèmes : confier la réalisation de tests individuels à une autorité non indépendante puisqu'elle relève des services du Premier ministre, alors que l'État lui-même discrimine ; et faire concurrence à la Défenseure des droits, dont l'expertise est ancienne et reconnue, et qui est la plus compétente pour accompagner les victimes sur la voie judiciaire. Les modifications apportées en commission vont dans le bon sens. Nous souhaitons en revanche rétablir l'objectif d'oeuvrer à la correction des situations de discrimination.

Nous saluons aussi la suppression de l'article 2 créant un comité des parties prenantes, dont l'indépendance n'était pas assurée.

En revanche, la suppression de l'article 3 nous pose problème. Que vaut un texte dénué de toute sanction ? Rien ! Vous semblez considérer que toutes les entreprises sont bien intentionnées et désireuses de traiter la question des discriminations via un dialogue informel. C'est bien loin de la pratique. Si un nombre croissant d'entreprises corrigent volontairement leurs biais discriminatoires, beaucoup d'autres n'agissent que si elles y sont contraintes. Le name and shame est efficace pour leur mettre la pression. Nous proposerons de rétablir l'article 3, en y ajoutant une obligation d'informer le procureur de la République, en portant le montant de l'amende administrative de 1 % à 5 % de la masse salariale et en interdisant aux entreprises épinglées l'accès aux marchés publics.

Ce texte poursuit un objectif louable, mais les discriminations étant structurelles, il faut lutter contre les stéréotypes et les préjugés, ce qui exige des mesures bien plus ambitieuses.

Nous ne voterons ce texte que si nos amendements sont adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Marie Mercier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi s'ajoute à la longue liste des initiatives de nos collègues députés. Elle vise à généraliser la pratique du testing et crée un service au sein de la Dilcrah.

Oui, les discriminations perdurent et nous devons lutter contre elles.

Mais la proposition de confier à la Dilcrah la réalisation de tests individuels ne convainc pas les acteurs du secteur. La Défenseure des droits dispose déjà d'une expertise en la matière : inutile de multiplier les interlocuteurs. Nous saluons donc la suppression de la référence aux tests individuels à l'article 1er, ainsi que celle du énième comité créé à l'article 2 : rien ne remplace les pouvoirs publics et le dialogue social.

Nous ne mesurons pas davantage la pertinence de l'article 3. Les interventions successives des différents acteurs s'étaleraient sur des mois, pour des résultats très incertains. Le processus pénaliserait singulièrement les TPE-PME. Le texte prévoit en outre des sanctions très lourdes, difficiles à faire appliquer.

Alors que les entreprises peinent à embaucher, le rôle du législateur n'est pas d'augmenter les contraintes, mais de les soulager. Quid des entreprises qui pratiquent l'auto-testing ? Ne faut-il pas les encourager et accompagner les comportements vertueux, plutôt que de les menacer de faillite ?

Je salue la rigueur et le discernement de Mme Di Folco. Le groupe Les Républicains votera la proposition de loi telle qu'issue de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Nous voulons tous lutter contre les discriminations. Mais regardons notre pays tel qu'il est : certaines touchent plus durement une partie des Français.

Confier à la Dilcrah la réalisation de tests indépendants n'entame en rien la compétence de la Défenseure des droits, qui propose d'ailleurs de donner à d'autres la possibilité de le faire, comme des avocats ou des associations. C'était l'esprit de l'article 1er.

Le comité des parties prenantes inscrit à l'article 2 était nécessaire pour débattre des méthodes et éviter les contestations. Il favorisait une prise de conscience des entreprises et permettait un débat avec elles. C'est dans ces conditions que le name and shame devient utile.

La Dilcrah serait, ont dit certains, juge et partie. Pas du tout ! Elle serait un soutien complémentaire et un moyen supplémentaire contre les discriminations qui minent la cohésion nationale.

Les administrations ont vocation à être testées aussi. C'est en regardant notre pays comme il est que nous ferons avancer les choses.

Les sanctions administratives sont nécessaires. Je crois aux bonnes volontés, mais les discriminations perdurent. Le texte initial prévoyait une graduation. Il sécurise le name and shame pour éviter les recours contre les publications de résultats.

La présence de parlementaires dans le comité des parties prenantes renforçait sa légitimité.

Aux côtés des associations, contre les discriminations, le Gouvernement défend un retour au texte initial. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Discussion des articles

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

Remplacer les mots :

et à la prévention des situations de discrimination

par les mots :

, à la prévention et à la correction des situations de discrimination, notamment en matière d'accès à l'emploi, au logement et aux biens et services publics ou privés

II.  -  Alinéa 3

Rétablir les 1° et 2° dans la rédaction suivante :

1° Informe, conseille et oriente les personnes souhaitant réaliser des tests individuels de discrimination ;

2° Peut réaliser, dans des conditions déterminées par décret, à la demande de toute personne s'estimant victime d'une discrimination mentionnée aux articles 225-1, 225-2 ou 432-7 du code pénal ou aux articles L. 1146-1 ou L. 2146-2 du code du travail, des tests individuels de discrimination selon les modalités définies à l'article 225-3-1 du code pénal ;

III.  -  Alinéa 5

Rétablir les 4° et 5° dans la rédaction suivante :

4° Assiste, à leur demande, les personnes morales faisant l'objet des tests mentionnés au 3° du présent article pour corriger les situations de discrimination mises en évidence par ces tests ;

5° Rend publics les résultats des tests statistiques de discrimination dans les cas prévus à l'article 3 ;

IV.  -  Alinéa 8

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

III. - Les 1° et 2° du I sont applicables à titre expérimental pendant une durée de trois ans à compter de la publication du décret prévu au II.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - L'amendement rétablit l'article premier. J'en ai déjà défendu l'esprit.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Narassiguin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

et à la prévention des situations de discrimination

par les mots :

, à la prévention et à la correction des situations de discrimination, notamment en matière d'accès à l'emploi, au logement et aux biens et services publics ou privés

Mme Corinne Narassiguin.  - Revenons à la version initiale : nous voulons réintégrer le terme de « correction », crucial, car l'enjeu est de changer les comportements.

Mentionner l'accès à l'emploi et au logement est aussi indispensable. Le rapport de l'Observatoire des inégalités de 2023 montre que l'origine et le handicap sont des causes de discrimination dans ces domaines.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots : 

, notamment en matière d'accès à l'emploi public ou privé, au logement et aux biens et services publics ou privés

M. Guy Benarroche.  - Attention à l'incompétence négative. La loi doit être plus précise. Rétablissons donc les dispositions adoptées en séance publique à l'Assemblée nationale.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Toutes les personnes auditionnées se sont opposées au fait de confier à la Dilcrah la capacité de mener des tests individuels, notamment car elle n'aura pas les moyens d'aller au bout de la démarche -  ce serait un aller-retour inutile. En définitive, c'est la Défenseure des droits qui hériterait des dossiers !

Nous sommes favorables à la généralisation des tests statistiques, qui objectivent certaines situations. En revanche, il revient à l'administration du travail d'aller jusqu'à la correction et à la sanction. En l'état actuel du droit, les sanctions existent : trois ans d'emprisonnement, 45 000 euros d'amende ! (M. Akli Mellouli s'exclame.) Il faut donc plus de moyens à l'inspection du travail. Appliquons le droit existant : avis défavorable à l'amendement n°16.

La rédaction de la commission est plus sûre que celle des amendements nos1 et 7, car en n'énumérant rien, elle n'omet rien. Elle inclut, bien sûr, les discriminations à l'emploi et à l'embauche. Avis défavorable.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Avis favorable aux amendements nos1 et 7, qui vont dans le bon sens. Les discriminations ne concernent pas seulement l'emploi.

À la demande de la commission, l'amendement n°16 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°151 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption.. 22
Contre 302

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Dommage !

À la demande de la commission, l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°152 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 136
Contre 204

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par M. Rietmann, Mme Estrosi Sassone, MM. Perrin, Mouiller, Rapin, Gremillet et Pointereau, Mmes Gruny et Demas, MM. Lefèvre, Pellevat et de Legge, Mme Micouleau, M. Reynaud, Mmes Ventalon et Belrhiti, MM. Michallet, Somon, Burgoa, Belin et Saury, Mme Puissat, M. E. Blanc, Mmes Richer et Muller-Bronn, M. Tabarot, Mmes Dumont, Lopez et P. Martin, M. Sautarel et Mme Joseph.

Alinéa 4

Après le mot :

statistique

insérer les mots :

auprès de personnes morales de droit privé ou de droit public d'au moins 1 000 salariés ou agents publics

M. Olivier Rietmann.  - Un test statistique doit être basé sur un échantillon suffisamment large. Restreignons-en l'usage aux seules organisations de plus de 1 000 personnes.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement de bon sens. Des tests sur de trop petites organisations seraient inutiles.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Avis défavorable. Cela limiterait énormément l'impact de la loi. Des entreprises de plus de 250 salariés ont des services de ressources humaines. Gardons un spectre le plus large possible.

Mme Corinne Narassiguin.  - Nous sommes contre cet amendement, qui s'oppose au bon sens et ne repose sur aucune logique scientifique en réalité. Le seuil de 1 000 personnes, utilisé pour les sondages d'opinion, n'a rien à voir avec la question des discriminations ! On toucherait ainsi seulement 1 500 entreprises en France sur 4 millions, et les collectivités territoriales seraient exclues.

Une agence immobilière de dix salariés peut discriminer pour l'accès au logement. Un test peut démontrer un tri de CV dans une entreprise de 200 salariés. Cet amendement vide la proposition de loi de son sens. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)

M. Éric Kerrouche.  - Cet amendement manifeste une incompréhension à l'égard de la logique d'échantillonnage. L'enjeu est de savoir si un échantillon représente la population dont il est issu. Or M. Rietmann semble dire qu'il ne peut y avoir d'échantillon représentatif que sur une base de 1 000 personnes. C'est faux ! On peut faire un échantillon avec 50 personnes.

Par ce raccourci infondé, vous videz la proposition de loi de son sens et faites une erreur magistrale d'un point de vue statistique. (Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Corinne Narassiguin applaudissent.)

M. Jacques Fernique.  - Bravo !

M. Guy Benarroche.  - Nous voterons, nous aussi, contre cet amendement.

M. Ian Brossat.  - On ne peut pas dire que l'on est attaché à la lutte contre les discriminations et vider en même temps le texte de sa substance, comme le fait cet amendement. C'est hypocrite.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Absolument !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Pourquoi l'État a-t-il lancé des campagnes massives de testing sur de très grandes entreprises, en 2019 et 2020 ? Parce que c'était plus éclairant !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - On teste des comportements de la vie quotidienne. Une entreprise de trois ou dix salariés peut avoir des comportements discriminants.

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public sur l'amendement n°4 rectifié bis. (Protestations sur quelques travées du groupe SER)

M. Patrick Kanner.  - C'est un peu tard, monsieur le président !

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°4 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°153 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 188
Contre 136

L'amendement n°4 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Alinéa 4

Supprimer les mots : 

Gouvernement après consultation du 

M. Guy Benarroche.  - On se demande si cela vaut vraiment la peine de continuer à discuter d'une loi qui ne contient plus rien...

Cet amendement confie au Défenseur des droits, plutôt qu'au Gouvernement, le soin de définir les orientations qui guident la réalisation et le financement des tests statistiques.

Quand un test concerne la fonction publique ou une entreprise publique, l'État n'est pas neutre ; alors que l'indépendance du Défenseur des droits est garantie par une loi organique et qu'il connaît les grands enjeux de discrimination.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Monsieur Benarroche, je pensais comme vous qu'il était plus pertinent de confier cela au Défenseur des droits, mais il aurait fallu dans ce cas un véhicule organique et franchir l'obstacle de l'article 40 de la Constitution.

La solution que vous proposez fait en outre de la Dilcrah un sous-traitant du Défenseur des droits. Or une autorité indépendante ne peut dicter le travail d'un organisme d'État. Avis défavorable.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Avis défavorable. L'objectif de ce texte était de s'appuyer sur l'expertise de la Dilcrah, y compris pour la réalisation des grandes campagnes de tests statistiques.

M. Éric Kerrouche.  - Nous voterons cet amendement, mais cela n'a plus vraiment de sens, compte tenu de l'adoption de l'amendement n°4 rectifié bis...

Chers collègues de la majorité sénatoriale, en réalité, vous ne voulez pas d'un texte de lutte contre les discriminations. Assumez donc votre position politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du RDPI ; M. Ian Brossat applaudit également.)

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

I.- Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots : 

, d'une ou plusieurs associations intervenant dans la lutte contre les discriminations et des organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel

II.- Alinéa 7

Après le mot :

modalités

insérer les mots :

d'application du présent article, notamment

M. Guy Benarroche.  - Les attaques contre les organisations syndicales se multiplient en France depuis quelque temps.

Donnons la possibilité aux associations de lutte contre les discriminations et aux organisations syndicales d'être associées aux campagnes de test, au sein du comité des parties prenantes.

Si le texte était adopté en l'état, elles n'auraient pas leur mot à dire, car la disposition votée à l'Assemblée nationale a été supprimée par la commission.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Monsieur Benarroche, je vous remercie pour cet amendement, auquel je donnerai un avis favorable. Leur association complétera utilement l'avis du Défenseur des droits.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Avis défavorable, car le comité des parties prenantes a été supprimé. Le Défenseur des droits est le plus à même de déterminer ces orientations  -  c'est une question d'efficacité.

L'amendement n°9 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'alinéa 6

Insérer un paragraphe ainsi rédigé : 

....  -  Lorsque le test de discrimination de nature statistique mentionné au 3° du I porte sur des conséquences d'un traitement algorithmique, ses résultats peuvent être vérifiés grâce à une analyse du code source et, le cas échéant, des données utilisées pour l'entraînement de l'algorithme qui sont mis à disposition à cet effet.

M. Guy Benarroche.  - Les algorithmes pèsent de plus en plus dans la prise de décision : 35 % des entreprises utilisent l'intelligence artificielle pour leur recrutement ; les algorithmes sont utilisés pour la surveillance de l'espace public, comme on le voit avec la biométrie pour les jeux Olympiques et Paralympiques.

Pourtant ces algorithmes font des erreurs, parfois énormes : Google Photos a confondu des personnes racisées avec des gorilles ; le système de pilotage d'un hélicoptère ne reconnaît pas les voix féminines ; les systèmes de surveillance de l'espace public ont une marge d'erreur bien plus importante pour les femmes racisées que pour les hommes non racisés. Bref, les algorithmes peuvent être discriminatoires, or ce sont des boîtes noires. Leur code source doit être rendu public.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Les algorithmes peuvent effectivement être dysfonctionnels, mais votre amendement n'apporte pas de réponse efficace. La Dilcrah n'ayant pas les compétences techniques pour s'en saisir, cette faculté ne servirait à rien. Il lui faudrait l'assistance de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), mais nous tomberions alors sous le coup de l'article 40. Le dispositif est très difficile à appliquer.

L'usage d'un algorithme n'efface pas toute responsabilité : les entreprises sont tenues de corriger les effets discriminatoires des algorithmes qu'elles utilisent. Avis défavorable.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Il ne faut pas déresponsabiliser les entreprises, mais j'émets un avis favorable : alors que l'intelligence artificielle prend de plus en plus de place, tout ce qui lutte contre les processus discriminants est bienvenu.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

M. Akli Mellouli.  - J'ai entendu la défense de la ministre. Auditionner le grand statisticien Patrick Simon serait utile.

Depuis les travaux de la CFDT, il y a trente ans, avec Michel Wieviorka et Philippe Bataille, nous savons qu'il y a des discriminations. Cette proposition de loi apporte des bons sentiments et un supplément d'âme, mais les gens attendent surtout des garanties, donc des sanctions. Cette loi ayant été vidée de son sens, nous voterons contre.

M. Guy Benarroche.  - L'article 40 nous conduit à nous autocensurer.

Le texte prévoit qu'un service placé auprès du Premier ministre réalise des tests ; l'un de nos amendements flèche une partie de ses crédits vers la recherche indépendante pour qu'elle travaille sur le secteur public : cela n'augmentait en rien la charge financière, mais l'amendement a été déclaré irrecevable. C'est une mauvaise pente.

Mme Corinne Narassiguin.  - Avec l'adoption de l'amendement n°4 rectifié bis, qui semble avoir été écrit par le lobby des entreprises, cet article qui allait dans le bon sens devient nocif : au lieu de promouvoir les tests statistiques, il restreint leur champ d'application ! À croire que le législateur ne comprend rien à ces questions. Nous voterons contre.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Article 2 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I.  -  Le service mentionné à l'article 1er de la présente loi comprend un comité des parties prenantes, chargé de mener des concertations et des débats ainsi que de formuler des propositions en matière de lutte contre les discriminations.

Le comité des parties prenantes participe à l'élaboration de la méthodologie des tests de discrimination et émet des avis et des recommandations sur les suites devant leur être données.

Le comité des parties prenantes est composé :

1° De deux députés et deux sénateurs, désignés respectivement par le Président de l'Assemblée nationale et par le Président du Sénat ;

2° De personnalités indépendantes choisies en raison de leur compétence statistique, juridique, économique ou sociale en matière de tests de discrimination ;

3° De représentants des personnes morales publiques et privées susceptibles d'être testées ;

4° D'un représentant du Défenseur des droits ;

5° De représentants des organisations d'employeurs et des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel ;

6° De représentants d'associations choisies par le président du Conseil économique, social et environnemental parmi celles régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins intervenant dans la lutte contre les discriminations ou oeuvrant dans le domaine du handicap.

II.  -  Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article, notamment les procédures de délibération du comité et la répartition des voix délibératives et consultatives parmi ses membres.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Nous rétablissons le comité des parties prenantes.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Avis défavorable. (Mme Sarah El Haïry sourit.) La commission a jugé à l'unanimité que ce comité était inutile.

À l'article 1er, nous avons quasiment rétabli toutes les personnes à consulter pour établir les orientations. Nous avons aussi prévu un décret en Conseil d'État pour l'établissement de la méthodologie. Nul besoin de l'article 2, donc : tout est dans l'article 1er.

M. André Reichardt.  - Très bien !

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

L'article 2 demeure supprimé.

Article 3 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. -   Lorsque le résultat d'un test organisé en application du 3° de l'article 1er de la présente loi laisse supposer l'existence de pratiques discriminatoires définies à l'article 225-2 du code pénal ou à l'article L. 1132-1 du code du travail, le service mentionné à l'article 1er de la présente loi :

1° En informe la personne morale concernée par le test et lui transmet le résultat du test ;

2° En informe l'autorité administrative territorialement compétente et lui communique l'ensemble des éléments transmis en application du 1° du présent I ; 

3° Publie les résultats du test, au terme d'une procédure contradictoire, par dérogation aux articles L. 311-6 et L. 312-1-2 du code des relations entre le public et l'administration.

II. -  A. - Lorsque l'information prévue au 1° du I du présent article porte sur le résultat d'un test laissant supposer l'existence de pratiques discriminatoires définies à l'article L. 1132-1 du code du travail, l'employeur engage une négociation sur des mesures visant à prévenir ou à corriger les discriminations, en vue de conclure un accord dans un délai de six mois à compter de la transmission du résultat du test mentionnée au 1° du I du présent article. À défaut d'accord, l'employeur établit, dans le même délai, un plan d'action ayant le même objet, après consultation du comité social et économique.

L'accord ou le plan d'action comporte des mesures précises et concrètes, détermine les objectifs de progression prévus et les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre, et évalue leur coût.

B. - Si, au terme du délai de six mois prévu au A du présent II, la négociation engagée par l'employeur est toujours en cours, l'autorité administrative chargée de la politique du travail territorialement compétente peut décider de prolonger le délai de trois mois afin de favoriser la conclusion d'un accord ou, à défaut d'accord, l'établissement d'un plan d'action, après consultation du comité social et économique.

C. - L'accord ou le plan d'action est transmis sans délai à l'autorité administrative chargée de la politique du travail territorialement compétente. Elle peut adresser à l'employeur des observations sur le contenu de l'accord ou du plan d'action, après avoir recueilli l'avis du service mentionné à l'article 1er.

III. - A. - Lorsque l'information prévue au 1° du I du présent article porte sur le résultat d'un test laissant supposer l'existence de pratiques discriminatoires définies à l'article 225-2 du code pénal, l'autorité administrative territorialement compétente met en demeure la personne morale chargée de la fourniture du bien ou du service ou de l'accès à l'activité économique, mentionnés à l'article 225-2 du code pénal, d'établir, dans un délai de six mois, un plan d'action visant à prévenir ou à corriger les discriminations.

Le plan d'action comporte des mesures précises et concrètes, détermine les objectifs de progression prévus et les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre, et évalue leur coût.

B. - Le plan d'action est transmis sans délai à l'autorité administrative territorialement compétente et au service mentionné à l'article 1er. L'autorité administrative peut adresser à la personne morale des observations sur le contenu du plan d'action, après avoir recueilli l'avis dudit service.

IV. - Est passible d'une amende administrative, dont le montant ne peut excéder 2 % des rémunérations et gains, au sens du I de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l'année civile précédant la date de publication du résultat du test mentionné au 1° du présent I le fait de méconnaître :

1° L'obligation de conclure l'accord ou d'établir le plan d'action prévus aux II et III ; 

2° L'obligation de transmettre sans délai à l'autorité administrative compétente l'accord ou le plan d'action prévus auxdits II et III ; 

3° L'obligation pour l'accord ou le plan d'action mentionné au II et le plan d'action mentionné au III de respecter les conditions fixées au second alinéa du A des II et III.

L'amende est prononcée par l'autorité administrative au terme d'une procédure contradictoire. Son montant tient compte des efforts constatés en matière de lutte contre les discriminations ainsi que des motifs de la méconnaissance des obligations prévues au présent article.

V. - Dans un délai de dix-huit mois à cinq ans à compter de son information en application du 1° du I, la personne morale concernée peut faire l'objet d'un nouveau test sur les mêmes critères, afin d'évaluer la mise en oeuvre des mesures mentionnées au second alinéa du A des II et III. 

Si le résultat de ce test met en évidence l'insuffisance des mesures mentionnées au second alinéa du A des II et III du présent article pour corriger les pratiques discriminatoires préalablement identifiées, la personne morale concernée est passible de l'amende prévue au IV. Le montant de celle-ci peut être porté à 5 % des rémunérations et gains mentionnés au premier alinéa du même IV. 

L'amende est prononcée par l'autorité administrative au terme d'une procédure contradictoire. Son montant tient compte des efforts constatés en matière de lutte contre les discriminations ainsi que des motifs de la méconnaissance des obligations prévues au présent article.

VI. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article, le nombre de domaines d'action que l'accord ou le plan d'action doivent couvrir, les éléments obligatoires que ceux-ci doivent comporter, les conditions de publication des tests par le service mentionné à l'article 1er ainsi que les conditions de fixation par l'autorité administrative de l'amende mentionnée au IV du présent article.

M. Guy Benarroche.  - Cet article porte sur les sanctions - même s'il ne reste plus grand monde à sanctionner ! Imaginez-vous démontrer une fraude fiscale, mais sans sanction à la clé ? C'est la même chose ici. Mme la rapporteure nous dira que des sanctions peuvent être prononcées par les inspecteurs du travail - mais il y en a de moins en moins ! C'est kafkaïen ! À quoi sert ce texte, dans ces conditions ?

La Défenseure des droits a été très claire : le testing n'est pas une fin en soi ; seule compte la correction apportée. Il n'y en aura pas. Il faudra donc remettre l'ouvrage sur le métier.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Narassiguin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I.  -  Lorsque le résultat d'un test organisé en application du 3° de l'article 1er de la présente loi laisse supposer l'existence de pratiques discriminatoires définies à l'article 225-2 du code pénal ou à l'article L. 1132-1 du code du travail, le service mentionné à l'article 1er de la présente loi :

1° En informe la personne morale concernée par le test et lui transmet le résultat du test ;

2° En informe l'autorité administrative territorialement compétente et lui communique l'ensemble des éléments transmis en application du 1° du présent I.

3° En donne avis sans délai au procureur de la République et transmet à ce magistrat tous les renseignements nécessaires à la poursuite des infractions mentionnées aux articles visés au I.

II.  -  A.  -  Lorsque l'information prévue au 1° du I du présent article porte sur le résultat d'un test laissant supposer l'existence de pratiques discriminatoires définies à l'article L. 1132-1 du code du travail, l'employeur engage une négociation sur des mesures visant à prévenir ou à corriger les discriminations, en vue de conclure un accord dans un délai de six mois à compter de la transmission du résultat du test mentionnée au 1° du I du présent article. À défaut d'accord, l'employeur établit, dans le même délai, un plan d'action ayant le même objet.

L'accord ou le plan d'action comporte des mesures précises et concrètes, détermine les objectifs de progression prévus et les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre, qui portent sur un nombre de domaines d'action identifiés et évalue leur coût.

B.  -  Si, au terme du délai de six mois prévu au A du présent II, la négociation engagée par l'employeur est toujours en cours, l'autorité administrative chargée de la politique du travail territorialement compétente peut décider de prolonger le délai de trois mois afin de favoriser la conclusion d'un accord ou, à défaut d'accord, l'établissement d'un plan d'action.

C.  -  L'accord ou le plan d'action est transmis sans délai à l'autorité administrative chargée de la politique du travail territorialement compétente. Elle peut adresser à l'employeur des observations sur le contenu de l'accord ou du plan d'action, après avoir recueilli l'avis du service mentionné à l'article 1er.

Si l'accord ou le plan n'est pas transmis ou si ledit service considère que l'accord ou le plan transmis ne répond pas aux conditions fixées au second alinéa du A du présent II, le résultat du test est publié, au terme d'une procédure contradictoire, par dérogation aux articles L. 311-6 et L. 312-1-2 du code des relations entre le public et l'administration.

III.  -  A.  -  Lorsque l'information prévue au 1° du I du présent article porte sur le résultat d'un test laissant supposer l'existence de pratiques discriminatoires définies à l'article 225-2 du code pénal, l'autorité administrative territorialement compétente met en demeure la personne morale chargée de la fourniture du bien ou du service ou de l'accès à l'activité économique, mentionnés à l'article 225-2 du code pénal, d'établir, dans un délai de six mois, un plan d'action visant à prévenir ou à corriger les discriminations.

Le plan d'action comporte des mesures précises et concrètes, détermine les objectifs de progression prévus et les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre, qui portent sur un nombre de domaines d'action identifiés et évalue leur coût.

B.  -  Le plan d'action est transmis sans délai à l'autorité administrative territorialement compétente et au service mentionné à l'article 1er. L'autorité administrative peut adresser à la personne morale des observations sur le contenu du plan d'action, après avoir recueilli l'avis dudit service.

Si le plan d'action n'est pas transmis ou si le service mentionné au même article 1er considère que le plan transmis ne répond pas aux conditions fixées au second alinéa du A du présent III, le résultat du test est publié, au terme d'une procédure contradictoire, par dérogation aux articles L. 311-6 et L. 312-1-2 du code des relations entre le public et l'administration.

IV.  -  Est passible d'une amende administrative, dont le montant ne peut excéder 5 % des rémunérations et gains, au sens du I de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l'année civile précédant l'expiration du délai mentionné au A des II et III du présent article, le fait de méconnaître :

1° L'obligation de conclure l'accord ou d'établir le plan d'action prévus aux mêmes II et III ;

2° (Supprimé)

3° L'obligation de transmettre sans délai à l'autorité administrative compétente l'accord ou le plan d'action prévus auxdits II et III ;

4° L'obligation pour l'accord ou le plan d'action mentionné au II et le plan d'action mentionné au III de respecter les conditions fixées au second alinéa du A des II et III.

L'amende est prononcée par l'autorité administrative au terme d'une procédure contradictoire. Son montant tient compte des efforts constatés en matière de lutte contre les discriminations ainsi que des motifs de la méconnaissance des obligations prévues au présent article.

IV bis (nouveau).  -  Dans un délai de dix-huit mois à cinq ans à compter de son information en application du 1° du I, la personne morale concernée peut faire l'objet d'un nouveau test sur les mêmes critères, afin d'évaluer la mise en oeuvre des mesures mentionnées au second alinéa du A des II et III.

Si le résultat de ce test met en évidence l'insuffisance des mesures mentionnées au second alinéa du A des II et III du présent article pour corriger les pratiques discriminatoires préalablement identifiées, la personne morale concernée est passible de l'amende prévue au IV. Le montant de celle-ci peut être porté à 5 % des rémunérations et gains mentionnés au premier alinéa du même IV. En complément, une interdiction de candidater aux marchés publics pour une durée de 3 ans peut être prononcée par l'autorité administrative.

L'amende est prononcée par l'autorité administrative au terme d'une procédure contradictoire. Son montant tient compte des efforts constatés en matière de lutte contre les discriminations ainsi que des motifs de la méconnaissance des obligations prévues au présent article.

V.  -  Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article, le nombre de domaines d'action que l'accord ou le plan d'action doivent couvrir, les éléments obligatoires que ceux-ci doivent comporter, les conditions de publication des tests par le service mentionné à l'article 1er ainsi que les conditions de fixation par l'autorité administrative de l'amende mentionnée au IV du présent article.

M. Patrick Kanner.  - Mme Narassiguin a évoqué l'enquête de SOS Racisme auprès de 152 agences d'intérim. L'association se faisait passer pour un employeur de BTP voulant recruter des Européens, idéalement caucasiens. Dans 61 % des cas, le comportement des agences était problématique ; dans 14 % des cas, la discrimination était évidente, l'agence se disant prête à faire une présélection.

Cette proposition de loi méritait de ne pas être dénaturée, mais la majorité sénatoriale en a décidé autrement. Cet amendement rétablit les sanctions financières prévues à l'article 3 et interdit aux sociétés dont le comportement est répréhensible de postuler sur des marchés publics. Si l'on ne peut convaincre, il faut sanctionner.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Narassiguin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante : 

I.  -  Lorsque le résultat d'un test organisé en application du 3° de l'article 1er de la présente loi laisse supposer l'existence de pratiques discriminatoires définies à l'article 225-2 du code pénal ou à l'article L. 1132-1 du code du travail, le service mentionné à l'article 1er de la présente loi :

1° En informe la personne morale concernée par le test et lui transmet le résultat du test ;

2° En informe l'autorité administrative territorialement compétente et lui communique l'ensemble des éléments transmis en application du 1° du présent I.

3° En donne avis sans délai au procureur de la République et transmet à ce magistrat tous les renseignements nécessaires à la poursuite des infractions mentionnées aux articles visés au I.

II.  -  A.  -  Lorsque l'information prévue au 1° du I du présent article porte sur le résultat d'un test laissant supposer l'existence de pratiques discriminatoires définies à l'article L. 1132-1 du code du travail, l'employeur engage une négociation sur des mesures visant à prévenir ou à corriger les discriminations, en vue de conclure un accord dans un délai de six mois à compter de la transmission du résultat du test mentionnée au 1° du I du présent article. À défaut d'accord, l'employeur établit, dans le même délai, un plan d'action ayant le même objet.

L'accord ou le plan d'action comporte des mesures précises et concrètes, détermine les objectifs de progression prévus et les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre, qui portent sur un nombre de domaines d'action identifiés et évalue leur coût.

B.  -  Si, au terme du délai de six mois prévu au A du présent II, la négociation engagée par l'employeur est toujours en cours, l'autorité administrative chargée de la politique du travail territorialement compétente peut décider de prolonger le délai de trois mois afin de favoriser la conclusion d'un accord ou, à défaut d'accord, l'établissement d'un plan d'action.

C.  -  L'accord ou le plan d'action est transmis sans délai à l'autorité administrative chargée de la politique du travail territorialement compétente. Elle peut adresser à l'employeur des observations sur le contenu de l'accord ou du plan d'action, après avoir recueilli l'avis du service mentionné à l'article 1er.

Si l'accord ou le plan n'est pas transmis ou si ledit service considère que l'accord ou le plan transmis ne répond pas aux conditions fixées au second alinéa du A du présent II, le résultat du test est publié, au terme d'une procédure contradictoire, par dérogation aux articles L. 311-6 et L. 312-1-2 du code des relations entre le public et l'administration.

III.  -  A.  -  Lorsque l'information prévue au 1° du I du présent article porte sur le résultat d'un test laissant supposer l'existence de pratiques discriminatoires définies à l'article 225-2 du code pénal, l'autorité administrative territorialement compétente met en demeure la personne morale chargée de la fourniture du bien ou du service ou de l'accès à l'activité économique, mentionnés à l'article 225-2 du code pénal, d'établir, dans un délai de six mois, un plan d'action visant à prévenir ou à corriger les discriminations.

Le plan d'action comporte des mesures précises et concrètes, détermine les objectifs de progression prévus et les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre, qui portent sur un nombre de domaines d'action identifiés et évalue leur coût.

B.  -  Le plan d'action est transmis sans délai à l'autorité administrative territorialement compétente et au service mentionné à l'article 1er. L'autorité administrative peut adresser à la personne morale des observations sur le contenu du plan d'action, après avoir recueilli l'avis dudit service.

Si le plan d'action n'est pas transmis ou si le service mentionné au même article 1er considère que le plan transmis ne répond pas aux conditions fixées au second alinéa du A du présent III, le résultat du test est publié, au terme d'une procédure contradictoire, par dérogation aux articles L. 311-6 et L. 312-1-2 du code des relations entre le public et l'administration.

IV.  -  Est passible d'une amende administrative, dont le montant ne peut excéder 5 % des rémunérations et gains, au sens du I de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l'année civile précédant l'expiration du délai mentionné au A des II et III du présent article, le fait de méconnaître :

1° L'obligation de conclure l'accord ou d'établir le plan d'action prévus aux mêmes II et III ;

2° (Supprimé)

3° L'obligation de transmettre sans délai à l'autorité administrative compétente l'accord ou le plan d'action prévus auxdits II et III ;

4° L'obligation pour l'accord ou le plan d'action mentionné au II et le plan d'action mentionné au III de respecter les conditions fixées au second alinéa du A des II et III.

L'amende est prononcée par l'autorité administrative au terme d'une procédure contradictoire. Son montant tient compte des efforts constatés en matière de lutte contre les discriminations ainsi que des motifs de la méconnaissance des obligations prévues au présent article.

IV bis (nouveau).  -  Dans un délai de dix-huit mois à cinq ans à compter de son information en application du 1° du I, la personne morale concernée peut faire l'objet d'un nouveau test sur les mêmes critères, afin d'évaluer la mise en oeuvre des mesures mentionnées au second alinéa du A des II et III.

Si le résultat de ce test met en évidence l'insuffisance des mesures mentionnées au second alinéa du A des II et III du présent article pour corriger les pratiques discriminatoires préalablement identifiées, la personne morale concernée est passible de l'amende prévue au IV. Le montant de celle-ci peut être porté à 5 % des rémunérations et gains mentionnés au premier alinéa du même IV.

L'amende est prononcée par l'autorité administrative au terme d'une procédure contradictoire. Son montant tient compte des efforts constatés en matière de lutte contre les discriminations ainsi que des motifs de la méconnaissance des obligations prévues au présent article.

V.  -  Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article, le nombre de domaines d'action que l'accord ou le plan d'action doivent couvrir, les éléments obligatoires que ceux-ci doivent comporter, les conditions de publication des tests par le service mentionné à l'article 1er ainsi que les conditions de fixation par l'autorité administrative de l'amende mentionnée au IV du présent article.

Mme Corinne Narassiguin.  - Amendement de repli qui rétablit l'article 3. Si les entreprises ou organismes ne font rien, il faut des sanctions, qu'elles soient financières ou de type name and shame. Les éléments doivent être transmis au procureur de la République.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante : 

I.  -  Lorsque le résultat d'un test organisé en application du 3° de l'article 1er de la présente loi laisse supposer l'existence de pratiques discriminatoires définies à l'article 225-2 du code pénal ou à l'article L. 1132-1 du code du travail, le service mentionné à l'article 1er de la présente loi :

1° En informe la personne morale concernée par le test et lui transmet le résultat du test ainsi que l'avis du comité ;

2° En informe l'autorité administrative territorialement compétente et lui communique l'ensemble des éléments transmis en application du 1° du présent I.

II.  -  A.  -  Lorsque l'information prévue au 1° du I du présent article porte sur le résultat d'un test laissant supposer l'existence de pratiques discriminatoires définies à l'article L. 1132-1 du code du travail, l'employeur engage une négociation sur des mesures visant à prévenir ou à corriger les discriminations, en vue de conclure un accord dans un délai de six mois à compter de la transmission du résultat du test mentionnée au 1° du I du présent article. À défaut d'accord, l'employeur établit, dans le même délai, un plan d'action ayant le même objet, après consultation du comité social et économique.

L'accord ou le plan d'action comporte des mesures précises et concrètes, détermine les objectifs de progression prévus et les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre, et évalue leur coût.

B.  -  Si, au terme du délai de six mois prévu au A du présent II, la négociation engagée par l'employeur est toujours en cours, l'autorité administrative chargée de la politique du travail territorialement compétente peut décider de prolonger le délai de trois mois afin de favoriser la conclusion d'un accord ou, à défaut d'accord, l'établissement d'un plan d'action, après consultation du comité social et économique.

C.  -  L'accord ou le plan d'action est transmis sans délai à l'autorité administrative chargée de la politique du travail territorialement compétente. Elle peut adresser à l'employeur des observations sur le contenu de l'accord ou du plan d'action, après avoir recueilli l'avis du service mentionné à l'article 1er.

Si l'accord ou le plan n'est pas transmis ou si ledit service considère que l'accord ou le plan transmis ne répond pas aux conditions fixées au second alinéa du A du présent II, le résultat du test est publié, au terme d'une procédure contradictoire, par dérogation aux articles L. 311-6 et L. 312-1-2 du code des relations entre le public et l'administration.

III.  -  A.  -  Lorsque l'information prévue au 1° du I du présent article porte sur le résultat d'un test laissant supposer l'existence de pratiques discriminatoires définies à l'article 225-2 du code pénal, l'autorité administrative territorialement compétente met en demeure la personne morale chargée de la fourniture du bien ou du service ou de l'accès à l'activité économique, mentionnés à l'article 225-2 du code pénal, d'établir, dans un délai de six mois, un plan d'action visant à prévenir ou à corriger les discriminations.

Le plan d'action comporte des mesures précises et concrètes, détermine les objectifs de progression prévus et les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre, et évalue leur coût.

B.  -  Le plan d'action est transmis sans délai à l'autorité administrative territorialement compétente et au service mentionné à l'article 1er. L'autorité administrative peut adresser à la personne morale des observations sur le contenu du plan d'action, après avoir recueilli l'avis dudit service.

Si le plan d'action n'est pas transmis ou si le service mentionné au même article 1er considère que le plan transmis ne répond pas aux conditions fixées au second alinéa du A du présent III, le résultat du test est publié, au terme d'une procédure contradictoire, par dérogation aux articles L. 311-6 et L. 312-1-2 du code des relations entre le public et l'administration.

IV.  -  Est passible d'une amende administrative, dont le montant ne peut excéder 1 % des rémunérations et gains, au sens du I de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l'année civile précédant l'expiration du délai mentionné au A des II et III du présent article, le fait de méconnaître :

1° L'obligation de conclure l'accord ou d'établir le plan d'action prévus aux mêmes II et III ;

2° L'obligation de transmettre sans délai à l'autorité administrative compétente l'accord ou le plan d'action prévus auxdits II et III ;

3° L'obligation pour l'accord ou le plan d'action mentionné au II et le plan d'action mentionné au III de respecter les conditions fixées au second alinéa du A des II et III.

L'amende est prononcée par l'autorité administrative au terme d'une procédure contradictoire. Son montant tient compte des efforts constatés en matière de lutte contre les discriminations ainsi que des motifs de la méconnaissance des obligations prévues au présent article.

V.  -  Dans un délai de dix-huit mois à cinq ans à compter de son information en application du 1° du I, la personne morale concernée peut faire l'objet d'un nouveau test sur les mêmes critères, afin d'évaluer la mise en oeuvre des mesures mentionnées au second alinéa du A des II et III.

Si le résultat de ce test met en évidence l'insuffisance des mesures mentionnées au second alinéa du A des II et III du présent article pour corriger les pratiques discriminatoires préalablement identifiées, la personne morale concernée est passible de l'amende prévue au IV. Le montant de celle-ci peut être porté à 5 % des rémunérations et gains mentionnés au premier alinéa du même IV.

L'amende est prononcée par l'autorité administrative au terme d'une procédure contradictoire. Son montant tient compte des efforts constatés en matière de lutte contre les discriminations ainsi que des motifs de la méconnaissance des obligations prévues au présent article.

VI.  -  Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article, notamment le nombre de domaines d'action que l'accord ou le plan d'action doivent couvrir, les éléments obligatoires que ceux-ci doivent comporter, les conditions de publication des tests et des recommandations du comité des parties prenantes par le service mentionné à l'article 1er ainsi que les conditions de fixation par l'autorité administrative de l'amende mentionnée au IV du présent article.

M. Guy Benarroche.  - Repli.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I.  -  Lorsque le résultat d'un test organisé en application du 3° de l'article 1er de la présente loi laisse supposer l'existence de pratiques discriminatoires définies à l'article 225-2 du code pénal ou à l'article L. 1132-1 du code du travail, le service mentionné à l'article 1er de la présente loi, après avis du comité mentionné à l'article 2 :

1° En informe la personne morale concernée par le test et lui transmet le résultat du test ainsi que l'avis du comité ;

2° En informe l'autorité administrative territorialement compétente et lui communique l'ensemble des éléments transmis en application du 1° du présent I.

II.  -  A.  -  Lorsque l'information prévue au 1° du I du présent article porte sur le résultat d'un test laissant supposer l'existence de pratiques discriminatoires définies à l'article L. 1132-1 du code du travail, l'employeur engage une négociation sur des mesures visant à prévenir ou à corriger les discriminations, en vue de conclure un accord dans un délai de six mois à compter de la transmission du résultat du test mentionnée au 1° du I du présent article. À défaut d'accord, l'employeur établit, dans le même délai, un plan d'action ayant le même objet, après consultation du comité social et économique.

L'accord ou le plan d'action comporte des mesures précises et concrètes, détermine les objectifs de progression prévus et les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre, qui portent sur un nombre de domaines d'action identifiés par les recommandations du comité mentionné à l'article 2, et évalue leur coût.

B.  -  Si, au terme du délai de six mois prévu au A du présent II, la négociation engagée par l'employeur est toujours en cours, l'autorité administrative chargée de la politique du travail territorialement compétente peut décider de prolonger le délai de trois mois afin de favoriser la conclusion d'un accord ou, à défaut d'accord, l'établissement d'un plan d'action, après consultation du comité social et économique.

C.  -  L'accord ou le plan d'action est transmis sans délai à l'autorité administrative chargée de la politique du travail territorialement compétente. Elle peut adresser à l'employeur des observations sur le contenu de l'accord ou du plan d'action, après avoir recueilli l'avis du service mentionné à l'article 1er.

Si l'accord ou le plan n'est pas transmis ou si ledit service considère, après avis du comité mentionné à l'article 2, que l'accord ou le plan transmis ne répond pas aux conditions fixées au second alinéa du A du présent II, le résultat du test est publié, au terme d'une procédure contradictoire, par dérogation aux articles L. 311-6 et L. 312-1-2 du code des relations entre le public et l'administration.

III.  -  A.  -  Lorsque l'information prévue au 1° du I du présent article porte sur le résultat d'un test laissant supposer l'existence de pratiques discriminatoires définies à l'article 225-2 du code pénal, l'autorité administrative territorialement compétente met en demeure la personne morale chargée de la fourniture du bien ou du service ou de l'accès à l'activité économique, mentionnés à l'article 225-2 du code pénal, d'établir, dans un délai de six mois, un plan d'action visant à prévenir ou à corriger les discriminations.

Le plan d'action comporte des mesures précises et concrètes, détermine les objectifs de progression prévus et les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre, qui portent sur un nombre de domaines d'action identifiés par les recommandations du comité des parties prenantes mentionnées à l'article 2 de la présente loi, et évalue leur coût.

B.  -  Le plan d'action est transmis sans délai à l'autorité administrative territorialement compétente et au service mentionné à l'article 1er de la présente loi. L'autorité administrative peut adresser à la personne morale des observations sur le contenu du plan d'action, après avoir recueilli l'avis dudit service.

Si le plan d'action n'est pas transmis ou si le service mentionné au même article 1er considère, après avis du comité mentionné à l'article 2, que le plan transmis ne répond pas aux conditions fixées au second alinéa du A du présent III, le résultat du test est publié, au terme d'une procédure contradictoire, par dérogation aux articles L. 311-6 et L. 312-1-2 du code des relations entre le public et l'administration.

IV.  -  Est passible d'une amende administrative, dont le montant ne peut excéder 1 % des rémunérations et gains, au sens du I de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l'année civile précédant l'expiration du délai mentionné au A des II et III du présent article, le fait de méconnaître :

1° L'obligation de conclure l'accord ou d'établir le plan d'action prévus aux mêmes II et III ;

2° L'obligation de transmettre sans délai à l'autorité administrative compétente l'accord ou le plan d'action prévus auxdits II et III ;

3° L'obligation pour l'accord ou le plan d'action mentionné au II et le plan d'action mentionné au III de respecter les conditions fixées au second alinéa du A des II et III.

L'amende est prononcée par l'autorité administrative au terme d'une procédure contradictoire. Son montant tient compte des efforts constatés en matière de lutte contre les discriminations ainsi que des motifs de la méconnaissance des obligations prévues au présent article.

IV bis.  -  Dans un délai de dix-huit mois à cinq ans à compter de son information en application du 1° du I, la personne morale concernée peut faire l'objet d'un nouveau test sur les mêmes critères, afin d'évaluer la mise en oeuvre des mesures mentionnées au second alinéa du A des II et III.

Si le résultat de ce test, après avis du comité mentionné à l'article 2 de la présente loi, met en évidence l'insuffisance des mesures mentionnées au second alinéa du A des II et III du présent article pour corriger les pratiques discriminatoires préalablement identifiées, la personne morale concernée est passible de l'amende prévue au IV. Le montant de celle-ci peut être porté à 5 % des rémunérations et gains mentionnés au premier alinéa du même IV.

L'amende est prononcée par l'autorité administrative au terme d'une procédure contradictoire. Son montant tient compte des efforts constatés en matière de lutte contre les discriminations ainsi que des motifs de la méconnaissance des obligations prévues au présent article.

V.  -  Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article, notamment les domaines d'action que peuvent aborder les recommandations du comité mentionné à l'article 2, le nombre de domaines d'action que l'accord ou le plan d'action doivent couvrir, les éléments obligatoires que ceux-ci doivent comporter, les conditions de publication des tests et des recommandations du comité des parties prenantes par le service mentionné à l'article 1er ainsi que les conditions de fixation par l'autorité administrative de l'amende mentionnée au IV du présent article.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Comme les autres auteurs d'amendement, le Gouvernement souhaite rétablir des sanctions - c'est essentiel !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Avis défavorable à ces amendements contraires à la position de la commission...

M. Patrick Kanner.  - De la droite sénatoriale !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - ... de la commission des lois, que je représente ce soir.

La procédure proposée comporte une dizaine d'étapes qui peuvent durer jusqu'à deux ans. Cela va à l'encontre de notre volonté de sobriété normative. N'est-ce pas la position également exprimée par le Premier ministre ?

Sur le fond, l'absence de phase contradictoire préalable et le risque d'interférence avec le dialogue social interne à l'entreprise posent également problème, comme le caractère essentiellement punitif de l'article.

Les sanctions sont si lourdes qu'elles n'ont plus de sens. Il faut le dire, si vous voulez tuer les entreprises ! Assumez vos positions ! (Protestations sur les travées du groupe SER)

M. Patrick Kanner.  - Les entreprises racistes, oui !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - L'Inspection du travail peut déjà transmettre les dossiers au procureur de la République. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : cette proposition de loi n'avait pas besoin d'exister, (Mme Audrey Linkenheld proteste) si ce n'est pour introduire cette amende administrative. Mais il a fallu l'enrober d'un dispositif complexe ; ce n'est pas moi qui le dis, mais les personnes auditionnées, dont l'auteur de la proposition de loi lui-même ! On peut parvenir à des résultats par le dialogue. (M. Éric Kerrouche s'exclame.)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - J'ai une préférence pour l'amendement n°14 du Gouvernement, mais les autres vont dans le même sens. J'en demande le retrait, au profit de l'amendement n°14. Que nous reproche-t-on ? De faire des lois sans conséquences. Il faut donc bien des sanctions : oui, il faut mobiliser les différents acteurs, mais elles sont nécessaires, après la discussion.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Ce texte s'adresse à l'ensemble des entreprises ou services publics. Comment sanctionnerez-vous un ministère ? En lui infligeant une amende ? C'est inopérant, et même incongru. Une personne victime de discrimination lors de la recherche d'un logement contacte la Défenseure des droits pour obtenir réparation. (M. Olivier Rietmann renchérit.) Il n'y a pas de trou dans la raquette, le droit actuel permet d'aller jusqu'à la sanction.

L'amendement n°5 n'est pas adopté non plus que les amendements nos3, 2, 6 et 14. L'article 3 demeure supprimé.

Article 3 bis

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'alinéa 4

Insérer un paragraphe ainsi rédigé : 

....  -  L'article 225-2 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'emploi d'un traitement algorithmique dont le fonctionnement a des effets discriminatoires au sens des articles 225-1 à 225-1-2 est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende dès lors que ces effets discriminatoires ont été révélés par un test de discrimination rendu public. »

M. Guy Benarroche.  - Nous devons sanctionner toutes les discriminations de la même manière, y compris celles des algorithmes, qui reproduisent les biais de ceux qui les programment, par exemple pour la reconnaissance faciale : un algorithme qui n'y a pas été entraîné reconnaît moins bien une femme racisée.

C'est d'autant plus grave que le traitement algorithmique est de plus en plus fréquent, qu'il s'agisse des dépôts sauvages à Nice ou des réseaux sociaux. Insuffisamment entraînés à la diversité, les algorithmes deviennent discriminatoires ; parfois, les développeurs se rendent compte des biais, mais cela ne change rien.

Nous demandons que soit réprimé le recours à un algorithme dont le fonctionnement discriminatoire aurait été révélé par un test.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Pourquoi lier la sanction à la publication du résultat d'un test ? Avec un tel amendement, un employeur qui aurait connaissance du biais dans un traitement algorithmique pourrait continuer à l'utiliser tant qu'il n'a pas fait l'objet d'un test. Mieux vaudrait créer une nouvelle circonstance aggravante. À ce stade, votre dispositif n'est pas mûr : avis défavorable.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Votre amendement va dans le bon sens : avis favorable.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

L'article 3 bis est adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Corinne Narassiguin .  - Initialement, nous avions prévu de nous abstenir, considérant qu'au moins demeurerait l'article 1er, dont les intentions sont bonnes. L'adoption de l'amendement n°4 rectifié bis, qui restreint les tests statistiques aux personnes morales publiques ou privées de plus de 1 000 employés, rend cette proposition de loi indéfendable. Nous voterons donc contre.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois.  - Tant mieux !

M. Ian Brossat .  - Dans le même esprit, nous trouvions que cette proposition de loi manquait d'ambition. Elle manque désormais de contenu. Elle a été vidée de sa substance alors même que sur tous les bancs, on a affirmé faire de la lutte contre les discriminations une priorité. Au vu de ce détricotage, nous voterons contre.

M. Philippe Grosvalet .  - Nous avions l'intention de voter pour, mais cette loi, déjà partiellement vidée de sa substance, l'est désormais entièrement.

Lutter contre les discriminations est dans l'ADN des humanistes. La semaine dernière, à Versailles, nous avons mesuré combien les Français attendaient nos décisions s'agissant de faits de société. Les millions de personnes victimes de discriminations jugeront la position de cette assemblée. Nous nous abstiendrons.

M. Pierre Jean Rochette .  - Nous avions décidé de voter pour, nous maintenons notre position. (Sourires)

Nous avons beaucoup parlé du monde économique, pas toujours en termes bienveillants. Mais le sujet est pris très au sérieux dans les entreprises. Ne jetons pas l'opprobre. Dans les métiers en tension, le seul filtre discriminant est la motivation ! Face à la pénurie de conducteurs, quelle entreprise de transport public urbain discrimine à l'embauche ? Bien sûr, il faut des outils pour surveiller et contrôler, mais prenons de la hauteur : seule une minorité d'entreprises ont un comportement répréhensible.

Mme Audrey Linkenheld.  - Quand bien même !

M. Pierre Jean Rochette.  - Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain.

M. Guy Benarroche .  - Personne ici ne dira qu'il ne souhaite pas lutter contre les discriminations.

M. André Reichardt.  - Et c'est normal !

M. Guy Benarroche.  - Mais la régulation, le dialogue, la négociation, l'inspection du travail, la main invisible, chère à M. Rochette, tout cela n'a pas réduit les discriminations. D'où la nécessité de légiférer.

Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur les entreprises : c'est bien parce que certaines sont vertueuses qu'il faut sanctionner celles qui ne le sont pas. Ce n'est pas une vertu pour une entreprise de recruter dans des métiers en tension ! Ces mêmes entreprises étaient d'ailleurs favorables à la régularisation des travailleurs sans-papiers ! (On le reconnaît sur les travées du groupe INDEP.)

Cette loi déjà peu ambitieuse est désormais vidée de son contenu. Nous pensions voter contre : nous confirmons notre vote.

Mme Frédérique Puissat .  - Nous voterons pour, en remerciant le rapporteur pour son travail équilibré. Elle a complété ce qui devait l'être et adopté une approche pragmatique. Il faut parfois se mettre à la place des entreprises et des DRH (Mme Corinne Narassiguin s'exclame) qui nous demandent de la simplification. Merci à la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Olivia Richard .  - Pas de suspense : le groupe UC votera le texte, en saluant le travail de la rapporteure. On peut préconiser l'application du droit existant plutôt que d'ajouter une couche supplémentaire, de nouveaux comités, de nouveaux processus décourageants. Voter ce texte tel qu'il est amendé par la commission ne signifie pas refuser de lutter contre les discriminations ! Pas de simplisme ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°154 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 226
Contre   98

La proposition de loi est adoptée.

(M. André Reichardt applaudit.)

Accord en CMP

M. le président.  - La commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l'autonomie est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Prochaine séance demain, mercredi 13 mars 2024, à 15 heures.

La séance est levée à 20 h 35.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 13 mars 2024

Séance publique

À 15 heures, 16 h 30, 18 h 15 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Sylvie Robert, vice-présidente.

Secrétaires : M. Philippe Tabarot, Mme Véronique Guillotin.

1. Questions d'actualité

2. Débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes

3. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative au débat sur l'accord de sécurité franco-ukrainien et la situation en Ukraine

4. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative (texte de la commission, n°387, 2023-2024)