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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage à l'amiral Philippe de Gaulle

Questions d'actualité

Projet de loi sur la fin de vie

M. Bernard Fialaire

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Situation des finances publiques (I)

M. Patrick Kanner

M. Gabriel Attal, Premier ministre

Formation professionnelle

Mme Silvana Silvani

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Défense de la laïcité à l'école

M. Laurent Lafon

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Coupes dans le budget de l'écologie

M. Thomas Dossus

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Statut de la Corse

M. Francis Szpiner

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Cyberattaques contre les services de l'État (I)

M. Ludovic Haye

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

Cyberattaques contre les services de l'État (II)

Mme Vanina Paoli-Gagin

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

Situation des finances publiques (II)

M. Jean-François Husson

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Pénurie de médicaments

Mme Émilienne Poumirol

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Simplification de la vie des entreprises

M. Olivier Rietmann

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Circulation des méga-camions en France

M. Olivier Henno

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports

Négociations sur l'approvisionnement en électricité

Mme Martine Berthet

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Directive sur les travailleurs ubérisés

M. Olivier Jacquin

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Investissements dans l'hydroélectricité

M. Jean-Claude Anglars

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Couverture téléphonique des territoires

M. Bernard Pillefer

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation

Rapport annuel de la Cour des comptes

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

M. Claude Raynal, président de la commission des finances

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales

M. Michel Canévet

M. Thomas Dossus

M. Éric Bocquet

Mme Maryse Carrère

M. Didier Rambaud

Mme Isabelle Briquet

Mme Christine Lavarde

M. Aymeric Durox

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Stéphane Sautarel

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

Déclaration du Gouvernement relative au débat sur l'accord de sécurité franco-ukrainien et la situation en Ukraine

M. Gabriel Attal, Premier ministre

M. Bruno Retailleau

M. Rachid Temal

M. Philippe Folliot

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Claude Malhuret

Mme Cécile Cukierman

M. Guillaume Gontard

M. André Guiol

M. Christopher Szczurek

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées

M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Mises au point au sujet d'un vote

Engagement bénévole et vie associative (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

M. Yan Chantrel, rapporteur de la commission de la culture

Mme Mathilde Ollivier

M. Gérard Lahellec

Mme Annick Girardin

M. Martin Lévrier

Mme Colombe Brossel

Mme Anne Ventalon

Mme Laure Darcos

Mme Annick Billon

Mme Béatrice Gosselin

M. Claude Kern

M. Olivier Paccaud

Discussion des articles

Après l'article 1er

Article 1er bis

Après l'article 1er bis

Article 1er quater

Après l'article 2

Article 2 bis

Article 3

Article 3 bis

Article 4

Après l'article 4

Après l'article 4 bis (Supprimé)

Article 6

Après l'article 6 bis

Après l'article 6 ter

Après l'article 7

Article 7 bis

Après l'article 7 bis

Article 7 ter

Après l'article 7 ter

Article 7 quater

Après l'article 7 quater

Ordre du jour du jeudi 14 mars 2024




SÉANCE

du mercredi 13 mars 2024

71e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Véronique Guillotin, M. Philippe Tabarot.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Hommage à l'amiral Philippe de Gaulle

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement.) C'est avec une grande tristesse que nous avons appris la disparition de l'amiral Philippe de Gaulle.

Rendre hommage à l'amiral Philippe de Gaulle, c'est célébrer cette part d'Histoire de France qu'il incarnait. Cette part d'Histoire durant laquelle il a été non seulement le fils, mais le plus fidèle soutien d'un des plus grands hommes d'État qu'ait connu notre pays.

Il fut un acteur de notre Histoire au sein des Forces navales françaises libres et de la 2e DB lors de la Libération, participant activement à la campagne de Lorraine, aux batailles des Vosges et d'Alsace jusqu'à Berchtesgaden. C'est lui qui porta l'ordre de reddition aux Allemands retranchés à l'Assemblée nationale.

Son père lui dira après la guerre : « Tu es mon premier compagnon, mais je ne peux pas te décerner une décoration de l'ordre que j'ai créé. »

L'engagement de Philippe de Gaulle perdurera dans la marine nationale, où il poursuivra une brillante carrière jusqu'au grade d'amiral.

Le Général de Gaulle écrit en 1954 : « Je suis content et fier de la réussite reconnue de mon cher fils, de mon vieux garçon, en qui j'ai mis toutes mes espérances. »

Le Sénat le compta parmi ses membres les plus éminents au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Sénateur de Paris de 1986 à 2004, siégeant au sein du groupe du Rassemblement pour la République, j'eus l'honneur de le côtoyer sur les bancs de cette assemblée où chacune de ses interventions était toujours écoutée avec respect et une forme de tendresse.

Il m'écrivait en janvier 2022, à propos de l'ouvrage Le Sénat dans la République que je lui avais fait porter : « Ce témoignage d'une grande et nécessaire institution de notre République me rend fier d'en avoir fait partie. »

Il fut enfin un auteur d'exception. De Gaulle mon père fut un immense succès de librairie qui nous permit d'entrer dans l'intimité du plus illustre des Français.

Philippe de Gaulle disait : « J'aurais préféré prêter un peu de ma longévité à mon père. » Après 102 ans d'une vie d'une richesse infinie, l'amiral Philippe de Gaulle rejoint Charles et Yvonne de Gaulle, ses soeurs Anne et Élisabeth, ainsi que son épouse, qu'il a tant aimés.

Il marquera à jamais notre assemblée et notre Histoire.

À ses enfants, à toute sa famille et à tous ceux qui ont partagé ses engagements, dont ses collègues de l'Amicale gaulliste du Sénat dont il était président d'honneur, je souhaite redire la part que le Sénat prend à leur tristesse et à leur chagrin. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent un moment de recueillement.)

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Projet de loi sur la fin de vie

M. Bernard Fialaire .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Monsieur le Premier ministre, dans votre déclaration de politique générale, vous annonciez un projet de loi sur l'aide active à mourir avant l'été, ainsi qu'un renforcement des soins palliatifs. Le Président de la République a fait une annonce à ce sujet ce week-end.

Le RDSE a toujours été à l'avant-garde de ce combat. De la proposition de loi de Henri Caillavet à celle de Jacques Mézard, les radicaux sont engagés pour le droit à mourir dans la dignité, consubstantiel aux valeurs de la République : liberté de choisir de mettre fin à des souffrances réfractaires, mais aussi liberté de conscience des soignants ; égalité d'accès à une aide à mourir qui ne saurait être réservée à ceux qui ont les moyens d'y recourir à l'étranger ; fraternité qu'apportent les soins d'accompagnement, avec une diffusion de la culture palliative à tous les soignants.

Emmanuel Macron s'y était engagé ; le Comité consultatif national d'éthique a rendu un avis favorable ; la Convention citoyenne s'est prononcée pour une aide active à mourir ; l'Académie nationale de médecine, pour une assistance médicale sous conditions.

Y aura-t-il un texte ou deux, et quand ? Tous les radicaux n'étant pas des lecteurs assidus de La Croix (sourires), pouvez-vous nous dire précisément quand nous serons amenés à nous prononcer à ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Vous l'avez dit, il s'agit d'un engagement pris par le Président de la République pendant la campagne de 2022. Vous avez rappelé la concertation importante, avec le Comité consultatif national d'éthique, la Convention citoyenne, qui a rassemblé 185 personnes pendant quatre mois, le rapport Chauvin sur l'amélioration des soins palliatifs, l'évaluation de la loi Claeys-Leonetti. Tout ce contexte conduit à aller vers un texte.

Ce texte repose sur deux piliers : le renforcement des soins palliatifs et l'aide à mourir. Cette dernière obéit à cinq conditions. Deux sont administratives : être majeur et être Français ou résider durablement en France. Trois sont liées à l'état pathologique du patient : son discernement, une maladie grave et incurable, des souffrances réfractaires, physiques ou psychologiques.

Le texte va partir au Conseil d'État. Nous visons une première lecture à l'Assemblée nationale fin mai.

M. Rachid Temal.  - Et au Sénat ?

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Ce calendrier nous permettra de travailler sur ce texte extrêmement important, qui nécessite respect, dialogue et échanges avec les uns et les autres. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et au Sénat ?

Situation des finances publiques (I)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Rien ne va plus et vous continuez de jouer l'avenir budgétaire de la France à la roulette. Le bilan de vos sept ans au pouvoir ? Une dette qui explose, la dégradation à venir de notre note, une privation de recettes aux effets récessifs et des inégalités en hausse.

Emmanuel Macron entrera dans l'histoire comme le président des très riches et du CAC 40 -  68 milliards d'euros de dividendes en 2023 ! En même temps, des millions de Français ont vu leur pouvoir d'achat rogné par l'inflation, les associations caritatives sont débordées.

Vous invitez à traverser la rue mais ne créez que des impasses, et préparez une nouvelle crise sociale. Vous n'avez plus de majorité et avez dû actionner vingt-et-une fois le 49.3.

Début 2024, vos choix budgétaires sont déjà caducs, mais aucun projet de loi de finances rectificative n'est annoncé. Que dire du coup de rabot brutal de 10 milliards d'euros ? Ni le Parlement ni la Cour des comptes n'ont la moindre information. Cette opacité est inacceptable. Votre trajectoire budgétaire n'a plus aucune crédibilité.

Aux termes de l'article 34 de la Constitution, soumettrez-vous au Parlement un projet de loi de finances rectificative ainsi qu'un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Les Français traversent des difficultés, c'est vrai, notamment de pouvoir d'achat. S'il est un élément de fierté pour la majorité, c'est d'avoir réussi à inverser la courbe du chômage. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Michel Savin proteste.) Enfin, l'emploi industriel revient en France, enfin, nous ouvrons plus d'usines que n'en fermons. Le taux de chômage est au plus bas depuis vingt-cinq ans...

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Depuis 2008 !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - ... le taux d'emploi au plus haut depuis qu'il est mesuré. Nous le devons à la politique suivie depuis 2017 qui a créé des conditions favorables pour l'activité économique et l'emploi. Ce sont autant de familles qui sortent de la précarité.

Certes, tous les problèmes ne sont pas réglés. Nous continuons à agir pour atteindre le plein emploi. J'assume de réformer notre modèle social pour qu'il incite davantage à l'emploi, qu'il soit plus efficace et moins coûteux.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et la question ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Lutter contre le chômage, c'est aussi bon pour les finances publiques. (« Ah ! ») Si nous avions le même taux d'emploi que nos voisins allemands, nous aurions moins de mal à équilibrer nos budgets !

Mme Audrey Linkenheld.  - Et leurs excédents commerciaux ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - L'ensemble de l'Europe connaît un ralentissement économique. La France est concernée -  moins que nos voisins italiens ou allemands, cependant.

M. Olivier Paccaud.  - Nous sommes toujours les meilleurs !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - C'est pourquoi nous avons actualisé la prévision de croissance pour 2024. Quand on a moins de recettes, le bon sens commande de réduire les dépenses. (Protestations sur les travées du GEST)

M. Jean-François Husson.  - On va en parler !

M. Yannick Jadot.  - Rétablissez plutôt l'ISF !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Votre réponse est de créer ou d'augmenter taxes et impôts : ce n'est pas celle de ce gouvernement (applaudissements sur les travées du RDPI ; vives protestations à gauche, où l'on crie à la démagogie), car cela contribuerait à détruire l'emploi et aggraverait donc les difficultés.

Nous ne dévierons pas de notre stratégie : tout faire pour l'emploi, assumer une gestion rigoureuse des finances publiques, pour les Français qui ne veulent pas voir leurs impôts augmenter, et pour les générations à venir qui n'ont pas à assumer ce fardeau. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Patrick Kanner.  - Bref, point de projet de loi de finances rectificative. Si vous voulez des recettes, nous pouvons en proposer - ISF ou autre ! Mais nous ne pouvons attendre juillet pour débattre des finances publiques.

Je vous remets officiellement une lettre demandant un débat au Parlement sur ce sujet, au titre de l'article 50-1 de la Constitution. (M. Jean-François Husson acquiesce.) Les parlementaires, les Français ont le droit de savoir comment vous voyez leur avenir ! (Applaudissements à gauche et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Patrick Kanner remet un pli à un huissier, que celui-ci remet à son tour à M. Gabriel Attal.)

Formation professionnelle

Mme Silvana Silvani .  - La semaine dernière, nous vous interrogions sur l'annulation de 10 milliards d'euros de crédits sur le logement. Cette fois, je vous interpelle sur les mesures d'austérité imposées à l'emploi et à la formation professionnelle.

Le taux de chômage remontera à 8 % cette année : 200 000 personnes supplémentaires seront privées d'emploi. Au lieu d'augmenter les moyens de France Travail, le Gouvernement annonce réduire de 1,1 milliard d'euros les crédits de la mission « Travail et emploi », raccourcir la durée d'indemnisation des chômeurs, et imposer une franchise de 100 euros sur chaque achat de formation.

Les principaux bénéficiaires du compte personnel de formation sont les ouvriers et les employés. Ces 100 euros à la charge des salariés seront un frein à la formation. Comment accompagner plus de chômeurs avec moins de moyens et améliorer l'emploi avec une main-d'oeuvre moins qualifiée ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Réduction des moyens de France Travail ? Ce n'est pas ce que je vis. J'étais dernièrement dans les Vosges avec le Premier ministre pour étendre l'expérimentation France Travail de 18 à 47 départements. En 2024, 320 ETP supplémentaires lui seront affectés pour accompagner les plus éloignés de l'emploi.

La durée d'indemnisation des chômeurs est en cours de discussion par les partenaires sociaux. Ils doivent nous faire part de leurs conclusions le 27 mars. Soit nous les transposerons, soit, à défaut d'accord, nous travaillerons sur le sujet.

Le compte personnel de formation a été créé par cette majorité. En effet, 80 % des utilisateurs sont non-cadres, 30 % sont demandeurs d'emploi. Un autre chiffre : 11 % abandonnent leur formation. C'est du temps et de l'argent perdus. Une participation ne permettrait-elle pas de les responsabiliser ? C'est le sens du ticket modérateur. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; vives protestations sur les travées du GEST)

M. Rachid Temal.  - « Salauds de pauvres ! »

Mme Silvana Silvani.  - L'austérité frappe d'abord les plus démunis. Vous imposez une franchise de 100 euros, mais ne réduisez toujours pas les 80 milliards d'euros d'exonérations de cotisations patronales, qui sont pourtant sans effet sur les salaires et l'emploi, ni ne taxez les 100 milliards d'euros de dividendes versés par le CAC 40 ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER)

Défense de la laïcité à l'école

M. Laurent Lafon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Avec le président Buffet, nous venons de remettre notre rapport sur les menaces et agressions contre les enseignants. Trois ans après l'assassinat de Samuel Paty, le constat est alarmant. La remise en cause de la laïcité, dans ses fondements mêmes, gagne désormais les écoles élémentaires, l'ensemble des territoires, urbains comme ruraux, et affecte un nombre grandissant de disciplines. À la laïcité émancipatrice de Jules Ferry, qui protège la liberté de conscience, est préférée une laïcité venue d'outre-Manche, plus permissive.

En face, les enseignants sont souvent seuls à porter la flamme républicaine. Peu soutenus, peu formés, ils se protègent, se réfugient dans l'autocensure et le « pas de vague ». Cette situation appelle de notre part un sursaut républicain. C'est le sens de nos 38 recommandations, qui constituent un plan complet d'action.

Monsieur le Premier ministre, à Arras, lors de l'hommage à Dominique Bernard, vous avez déclaré que la victoire de l'école sonnerait le glas de tous les obscurantismes. Quelles actions comptez-vous engager pour aider l'école à lutter contre l'obscurantisme ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Éric Jeansannetas applaudit également.)

M. le président.  - La parole est à Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jacques Grosperrin.  - Alors là, ce n'est pas gagné ! (Marques d'indignation à gauche)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Votre question est essentielle. La laïcité fait partie de nos principes constitutionnels. Elle conduit à recréer l'unité de notre peuple. Il est indispensable d'affranchir la sphère de l'école de toute emprise liée à une religion ou à une idéologie. Nous serons intransigeants sur ce point, toujours et en tout temps. M. le Premier ministre l'a réaffirmé à Arras, et c'est notre pratique, dans l'ensemble de notre système scolaire.

À l'occasion du vingtième anniversaire de la loi du 15 mars 2004, nous rappelons notre intransigeance totale quant au port de signes religieux ostensibles : je l'ai dit ici, je le redirai lors d'un colloque vendredi. Notons que la circulaire interdisant les abayas a fait baisser le nombre de faits signalés.

Plus de 500 000 personnels de l'éducation nationale ont été formés, sur un million, et les concours comportent une épreuve pour mesurer l'aptitude des futurs CPE ou enseignants à gérer ce type de difficultés.

Enfin, nous constatons une montée inquiétante de la contestation des contenus même des enseignements. Je serai toujours aux côtés de nos enseignants qui transmettent des contenus scientifiques, et les valeurs de la République. Ce n'est pas négociable. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE et du groupe INDEP ; Mme Isabelle Florennes et M. François-Noël Buffet applaudissent également.)

M. Laurent Lafon.  - Personne ne doute de votre volonté d'accompagner les enseignants. Nous ne contestons pas les actions entreprises ces dernières années, mais constatons qu'elles sont insuffisantes pour faire face au fléau. Il faut aller plus loin, c'est le sens de nos 38 recommandations, de la formation initiale à la protection fonctionnelle. Ces outils sont attendus par les enseignants. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Coupes dans le budget de l'écologie

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Monsieur le ministre de l'économie, sommes-nous prêts à vivre dans une France à plus 4 degrés ? Le rapport de la Cour des comptes souligne notre impréparation. Nos finances publiques sont exsangues, à force de cadeaux aux plus riches. Deux mois à peine après le vote de la loi de finances, vous annoncez un premier choc austéritaire de 10 milliards d'euros, par décret. Premières visées : la recherche et l'écologie. Difficile de faire plus déconnecté des besoins !

À plus 4 degrés, des zones entières du territoire seront inhabitables, nos réseaux électriques, de transport ou d'alimentation en eau seront fragilisés. Les besoins d'investissements sont massifs, or vous sabrez dans les budgets de la recherche, de la rénovation des logements, et privez les collectivités territoriales du fonds vert. Vous êtes dans le déni.

Comment, avec de telles coupes budgétaires, avec une politique aussi brouillonne, comptez-vous préparer l'avenir ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mmes Émilienne Poumirol et Marie-Pierre Monier applaudissent également.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - (« Ah ! ») Mesdames et messieurs les sénateurs...

M. Olivier Paccaud.  - Voilà M. Déficit !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... nous mettons 40 milliards d'euros en 2024 sur la transition écologique. Cela fait cher l'austérité ! Nous augmentons les crédits de MaPrimeRénov' de 800 millions d'euros, à 3,5 milliards. Cela fait cher l'austérité ! Nous maintenons les bonus sur les véhicules électriques, là où l'Allemagne les a tous supprimés. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Mickaël Vallet.  - Il y a eu l'inflation.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous avons mis en place un leasing social pour l'achat de véhicules électriques. Nous continuons à financer la transition écologique, le déploiement des énergies renouvelables. Appelez ça comme vous voulez, mais ce n'est certainement pas de l'austérité !

Ma conviction, c'est qu'il ne faut pas dépenser plus, mais dépenser mieux. (Vives exclamations tant à droite qu'à gauche)

M. Olivier Paccaud.  - Cela fait sept ans !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - C'est pourquoi nous avons décidé d'examiner chaque dépense en matière environnementale et climatique. Je veux que les Français en aient pour leur argent. (Exclamations)

M. Mickaël Vallet.  - Quel festival de lieux communs !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - L'été prochain, nous saurons ce que rapporte chaque politique en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à l'euro près. C'est indispensable, alors qu'il nous faut rétablir nos finances publiques. Nous devons garantir l'efficacité de la dépense publique, garantir que toutes les politiques climatiques conduisent bien à une réduction massive des émissions de CO2. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Yannick Jadot.  - C'est vous qui avez supprimé l'ISF !

M. Jean-François Husson.  - Quelle galéjade.

M. Thomas Dossus.  - Dès que vous avez besoin d'économies, vous les faites sur l'écologie ! Ces 10 milliards d'euros de rabot, c'est un coup d'accélérateur droit dans le mur climatique. En la matière, les économies d'aujourd'hui sont la faillite de demain ! Réagissez ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

Statut de la Corse

M. Francis Szpiner .  - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'intérieur, vous venez de signer avec les séparatistes un texte appelant à reconnaître dans la Constitution l'existence en Corse d'« une communauté historique, linguistique, culturelle et ayant développé un lien singulier à sa terre ».

La République est une et indivisible : allez-vous donner une suite à ce texte, qui viole manifestement les principes républicains ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Permettez-moi de citer une interview parue en 2021 dans Corse Matin : « Ce qu'avait porté le président Sarkozy pour la Corse est le bon chemin ». Ces mots sont ceux d'Éric Ciotti. (Exclamations à droite) Et de poursuivre : « Il est celui qui a témoigné le plus de soutien et de considération pour l'île. Il faut poursuivre dans cette voie en reconnaissant la spécificité de l'identité corse dans la République. »

Mme Pécresse, début 2022, se prononçait par tweet pour une autonomie des régions, notamment de la Corse.

Guillaume Larrivé, en 2018, proposait à la tribune de l'Assemblée nationale « un chemin vers une autonomie constitutionnelle de la Corse ».

En 2017, le Président de la République s'est engagé à inscrire la Corse dans la Constitution. Nous n'avons pas travaillé seulement avec les autonomistes -  qui, au reste, ont gagné trois fois les élections territoriales, la dernière fois à la majorité absolue -, mais aussi avec M. Marcangeli et Mme Bozzi, laquelle fait partie de votre parti et a approuvé l'accord conclu.

Cette rédaction ne mentionne ni le peuple corse, ni la co-officialité de la langue corse...

M. Mickaël Vallet.  - C'est impossible !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - ... ni le statut de résident.

Il appartiendra évidemment aux deux assemblées de se prononcer. En outre, une loi organique encadrera chaque disposition de décentralisation, notamment celles qui permettraient à la collectivité de Corse de définir des normes. Le Sénat aura le dernier mot.

Par trois fois, les Corses ont élu les autonomistes : dans la chambre des territoires, vous pourriez les écouter.

M. Francis Szpiner.  - Je vous invite à consulter le site de l'Élysée sur les principes républicains : « Aucun individu, aucune partie de la population ne peut s'arroger un exercice de la souveraineté, qui appartient aux citoyens dans leur ensemble ». On y lit aussi que le principe d'unité et d'indivisibilité vaut pour l'ensemble du territoire de la République, et que celle-ci ne reconnaît qu'une seule langue.

M. Simeoni, lui, a parfaitement compris le sens de votre texte. La communauté, c'est le peuple corse dissimulé -  d'une manière très cagoulée... (Mouvements divers) La linguistique, c'est la co-officialité. (M. Bruno Retailleau acquiesce.) Et que dire de l'attachement singulier à la terre ? Tous les Français sont attachés à leur terre ! (On renchérit à droite.) C'est, en réalité, le statut de résident. (M. Bruno Retailleau acquiesce de nouveau.)

En prévoyant l'adaptation des lois et règlements sans le contrôle du Parlement, vous déconstruisez la République. La boîte de Pandore est ouverte : le président de la Région Bretagne demande un statut particulier, l'Alsace et le Pays basque regardent avec impatience ce processus...

M. Simeoni l'a bien compris : vous capitulez devant les séparatistes. (Protestations sur les travées du RDPI)

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Francis Szpiner.  - Nous défendrons la République une et indivisible ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)

Cyberattaques contre les services de l'État (I)

M. Ludovic Haye .  - (Applaudissements sur des travées du RDPI) Plusieurs services de l'État ont fait l'objet d'attaques informatiques inédites par leur intensité - 17 000 adresses IP et 300 domaines touchés -, le nombre de groupes les revendiquant, qui s'élève à une dizaine, et l'utilisation de la messagerie Telegram, pourtant chiffrée.

Ces attaques sont malheureusement devenues familières. Le mois dernier, le ministre des armées a évoqué des menaces de sabotage sur son ministère. L'année dernière, le Sénat et l'Assemblée nationale ont été pris pour cible. À travers nos institutions, c'est la République qui est attaquée.

Simple mais redoutable, le modus operandi consiste à submerger un service de requêtes jusqu'à le rendre inopérant. L'objectif est de perturber les organisations, de provoquer des tensions internes, de semer le doute. À l'approche des élections européennes et des jeux Olympiques, ces attaques sont vouées à se multiplier.

Dans le monde de la sécurité, une once de prévention vaut une livre de guérison. Nous avons besoin d'une politique forte de cybersécurité et de cyberrésilience. Quelle action envisagez-vous à l'échelle nationale et avec quelle coordination européenne ? (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Entre dimanche soir et mardi, plusieurs services de l'État ont fait l'objet d'attaques informatiques, classiques par leurs modalités mais inédites par leur intensité. C'est parce que notre pays est une grande et belle démocratie qu'il est la cible de ces attaques. Mais nous ne nous laisserons pas déstabiliser.

Une cellule de crise a été immédiatement activée. Je salue la réactivité exemplaire des services : il n'y a eu aucune rupture de service.

Ces attaques ont cessé, mais pourraient reprendre. Les équipes de la direction interministérielle du numérique et de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) restent donc en veille.

À l'approche des élections européennes et des jeux Olympiques et Paralympiques, nous mettons tout en oeuvre pour renforcer notre cyberrésilience. La France contribue pleinement au renforcement de la résilience de l'Union européenne : elle joue un rôle moteur dans les travaux en cours, concrétisés par l'adoption, sous présidence française, d'une directive spécifique et par celle, prochaine, du règlement sur la cybersolidarité. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Cyberattaques contre les services de l'État (II)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Martin Lévrier applaudit également.) Notre groupe s'inquiète lui aussi des cyberattaques d'ampleur ayant visé plusieurs ministères dimanche dernier.

Ces attaques se multiplient, et l'importance des entités visées par les groupes pro-russes nous interpelle de plus en plus. Dès les élections de 2017, les services de Poutine ont mené des opérations de déstabilisation. Nous avons vu les soi-disant patriotes serrer la main et accepter l'argent de celui qui nous attaquait.

Ces opérations se maintiennent sous le seuil de conflictualité, mais ne laissent aucun doute sur les objectifs visés. Les services russes sont derrière la désinformation sur les punaises de lit comme derrière l'affaire des étoiles de David.

D'aucuns craignent que le conflit en Ukraine ne nous entraîne dans une guerre contre la Russie. Il est temps de voir que Poutine nous mène déjà une guerre d'influence et de déstabilisation morale. Les attaques contre nos services de santé coûtent la vie à certains de nos compatriotes.

Notre soutien énergique à la résistance ukrainienne fait de la France une cible de choix. Que savons-nous des groupes impliqués dans les attaques de dimanche et quelles mesures prenons-nous pour nous protéger et riposter ? Ces enjeux sont-ils pris en compte par le comité européen de préparation à la défense ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Stéphane Demilly applaudit également.)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Les investigations sur les attaques du week-end sont en cours.

Le Gouvernement a alloué 1,7 milliard d'euros à la transformation numérique de l'État et des territoires dans le cadre de France Relance. La cybersécurité est dotée de 176 millions d'euros. Mille organismes publics ont bénéficié de parcours de cybersécurité.

Dans le cadre de France 2030, la filière cybersécurité a été identifiée comme prioritaire. Elle bénéficie d'une stratégie d'accélération à hauteur de plus de 1 milliard d'euros.

Enfin, le groupement d'intérêt public Action contre la cybermalveillance a été créé pour fournir des conseils aux citoyens et aux collectivités territoriales. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - L'enjeu est aussi culturel : nos écoliers, collégiens et tous nos concitoyens doivent devenir des cybercitoyens. La démocratie est un bon moyen de protection. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Situation des finances publiques (II)

M. Jean-François Husson .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis l'adoption du budget, les annonces de dépenses nouvelles continuent de pleuvoir. Ukraine, agriculture, hôpital, agents publics, jeux Olympiques : 5 milliards d'euros en quelques semaines.

Parallèlement, vous avez utilisé votre joker constitutionnel en décidant, par décret, des économies de l'ordre de 10 milliards d'euros - avec la politique aveugle du rabot.

Quand présenterez-vous un projet de loi de finances rectificative ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Monsieur le rapporteur général du budget, je salue votre sagesse, liée à votre fonction, ...

Une voix à droite. - Pas seulement !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... lorsque vous appelez au retour à l'équilibre des comptes publics, en déficit depuis 1974. J'ai proposé que nous nous fixions comme objectif de les ramener à l'équilibre en 2032. (Sarcasmes sur de nombreuses travées)

Je salue aussi le sens des responsabilités du groupe Les Républicains du Sénat. Je constate simplement que les économies que vous proposez sont proportionnelles aux dépenses nouvelles que proposent les députés Les Républicains... Essayez d'inspirer un peu vos collègues ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Vous avez voté la réforme des retraites, eux non. Vous avez proposé d'augmenter la taxe intérieure de consommation finale sur l'électricité (TIFCE), ils s'y sont opposés. Vous avez, monsieur le rapporteur général, proposé 37 milliards d'euros d'économies.

M. Olivier Paccaud.  - Dont vous ne vouliez pas !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Ils ont déposé 1 523 amendements, représentant 100 milliards d'euros de dépenses supplémentaires ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Xavier Iacovelli.  - Rien que ça !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - J'appelle à une prise de conscience collective : ne nous renvoyons pas la balle, trouvons un chemin et un calendrier. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Nous faisons 10 milliards d'euros d'économies immédiates : c'est un frein d'urgence face à la dégradation de la situation géopolitique et de la croissance. Si les conditions continuent d'être difficiles, un projet de loi de finances rectificatives à l'été est possible.

Dans le cadre du projet de loi de finance pour 2025, nous devrons trouver des économies supplémentaires, dans tous les champs de la dépense publique - social, collectivités territoriales, État.

Monsieur le rapporteur général, je vous lance deux invitations. Le 9 avril, je réunirai le Haut Conseil des finances publiques locales pour identifier des économies. Courant avril, tous les groupes parlementaires seront invités à participer, à Bercy, à la prise de conscience collective dont j'ai parlé : toutes les propositions d'économies seront bienvenues, pas celles de dépenses ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-François Husson.  - Vous ne pouvez pas vous exonérer de vos responsabilités : vous êtes aux affaires depuis sept ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Or le bilan est calamiteux : 900 milliards d'euros de dépenses publiques supplémentaires, le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé en Europe, le niveau de dépenses publiques le plus élevé des pays développés.

Bruno Le Maire est-il, oui ou non, ministre des finances ? Assumez votre responsabilité, qui est éminente. Vous aviez promis de la croissance pour réduire le chômage et rétablir les finances : vous êtes complètement à côté de la plaque. Au vu de la situation, n'est-il pas temps de rendre votre tablier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Pénurie de médicaments

Mme Émilienne Poumirol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les années se suivent et les pénuries de médicaments perdurent. François Braun m'avait répondu que nous étions en bonne voie pour retrouver notre souveraineté en la matière - mais la situation a empiré. En 2023, près de 5 000 signalements ont été enregistrés par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), soit une hausse de 123 % par rapport à 2021. Pas moins de 37 % des plus âgés ont été confrontés au moins une fois à une pénurie de médicaments.

Le rapport de Laurence Cohen et Sonia de La Provôté comportait 37 préconisations, mais ce n'est qu'en février dernier que le Gouvernement a présenté une feuille de route - qui ressemble davantage à une déclaration d'intention qu'à un plan d'action.

Comment comptez-vous garantir qu'aucun enfant ne sera privé d'amoxicilline et que chaque Français aura accès aux traitements nécessaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Je sais que ce dossier vous tient à coeur. Les tensions sur le marché des médicaments se sont accrues depuis la crise du covid et elles sont mondiales.

M. Bruno Belin.  - Deux ans qu'on en parle !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Nous avons néanmoins constaté une détente ces dernières semaines sur les antibiotiques, le paracétamol ou les corticoïdes oraux. Nous agissons sur deux dimensions : assurer tout d'abord la sécurisation de l'approvisionnement du marché des médicaments - c'est la feuille de route que Catherine Vautrin, Roland Lescure et moi-même avons annoncée, avec une liste de 450 médicaments essentiels fixée l'été dernier ; assurer ensuite la plus grande transparence sur les stocks. La possibilité pour les pharmacies hospitalières de produire de l'amoxicilline rapidement sera une solution. (M. Bruno Belin s'exclame.) Nous cherchons des solutions aussi avec les industriels et les officines.

Le Président de la République a annoncé l'été dernier la relocalisation de la production de 25 médicaments essentiels sur le sol français. Une première unité de production de paracétamol est annoncée près de Toulouse et Sanofi investit à Lisieux. (M. Bruno Belin s'exclame à nouveau.)

Des actions menées à différents niveaux nous permettront donc de tourner la page de ces tensions, qui sont partagées en Europe et dans le monde.

Mme Émilienne Poumirol.  - Nous connaissons les mesures qui figurent dans votre feuille de route : aucune contrainte pour les Big Pharma mondialisées, dont les choix stratégiques - priorité aux productions à bas coût et aux thérapies innovantes au coût exorbitant - sont pourtant à l'origine des pénuries.

Face au délitement général de la santé en France, aucun investissement d'envergure n'est prévu. À quand une politique garantissant l'accès à la santé pour tous ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST ; Mme Sylviane Noël et M. Bruno Belin applaudissent également.)

Simplification de la vie des entreprises

M. Olivier Rietmann .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Marronnier de tous les gouvernements, la simplification de la vie des entreprises a été citée quinze fois dans votre discours de politique générale, monsieur le Premier ministre. Un véritable serpent de mer : souvenons-nous de Valéry Giscard d'Estaing qui voulait repousser « la marée blanche de la paperasse » ou d'Alain Peyrefitte et son « mal français »...

Depuis 1990, pas moins de quatre structures se sont succédé pour y remédier, mais si nous maîtrisons le diagnostic, le remède nous échappe. Comment sortir de cette cage d'acier ?

En changeant de méthode ! Le Sénat examinera mardi prochain une proposition de loi transpartisane rendant obligatoires les tests PME, afin de fermer le robinet des normes excessives. Plutôt qu'aux stocks, nous nous attaquons au flux, sur le modèle de certains de nos voisins, et en associant les entreprises.

J'ai déjà recueilli le soutien de plusieurs ministres ; reste le vôtre. Le Gouvernement soutiendra-t-il l'initiative du Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Nous soutenons pleinement le principe d'un test PME, qui figurera dans le projet de loi de simplification qui vous sera présenté d'ici quelques semaines.

J'ai lu attentivement votre rapport sur la simplification. C'est vrai que c'est un marronnier et que les entreprises sont sceptiques. Je suis déterminé à aller au bout de la simplification, à supprimer 1 800 Cerfa, à simplifier le code de commerce qui pèse aujourd'hui un bon kilo, à faire appliquer le principe « dites le nous une fois » et à inverser la charge de la preuve pour les entreprises.

Nous nous inspirerons de votre rapport et de toutes les propositions. Ce texte de loi doit marquer le début d'une véritable révolution mentale afin de nous débarrasser des freins au développement des entreprises. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.)

M. Olivier Rietmann.  - La simplification, il y a ceux qui en parlent et ceux qui la font. Le Sénat la fait : il compte sur vous mardi prochain, merci d'être au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Circulation des méga-camions en France

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le Parlement européen vient de voter en faveur des méga-camions : 60 tonnes et 25 mètres, contre 40 tonnes et 18 mètres pour les camions actuels.

L'un de mes maîtres en biologie, Jean-Marie Pelt, appelait à se méfier du gigantisme. Des nuisances sont effectivement à craindre pour les riverains, notamment dans les Hauts-de-France. Quid de l'adaptation des infrastructures et des coûts induits générés pour les collectivités territoriales ? Quid du non-sens écologique ? La logique du pacte vert devrait être plutôt de développer le ferroutage ou les voies d'eau comme le canal Seine-Nord. Quelle est la doctrine du Gouvernement en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du GEST ; Mme Catherine Belrhiti, M. Gilbert-Luc Devinaz et M. Éric Bocquet applaudissent également.)

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports .  - Le Parlement européen a adopté hier un projet de révision de la directive Poids et dimensions des poids lourds qui ouvre la voie à ces méga-camions.

Premier argument en leur faveur : ce ne serait qu'une faculté offerte aux États membres. Deuxième argument : il s'agirait d'accompagner la croissance de demande de transport que les autres modes ne pourraient absorber. Troisième argument : ce serait un progrès environnemental, avec plus de marchandises transportées par moins de véhicules. Aucun ne nous a convaincus.

M. Yannick Jadot.  - Alors, qui l'a voté au Parlement européen ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Dire oui à ces méga-camions reviendrait à ruiner nos efforts en faveur du fret ferroviaire, dont nous voulons doubler la part modale, avec 300 millions d'euros pour le fonctionnement chaque année, et 4 milliards pour l'investissement.

Dire oui à ces méga-camions, ce serait renoncer aux objectifs de la stratégie nationale fluviale. Dans cette évolution, rien ne répond à nos attentes, que ce soit en matière de sécurité routière, de transition écologique comme de cadre de vie.

Nous continuerons notre exercice de conviction auprès de nos partenaires européens. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Sophie Primas.  - Mais vous l'avez voté !

M. Olivier Henno.  - C'est aussi une question d'équité : on vise la France laborieuse, on ne demande pas les mêmes efforts à tous, « selon que vous serez puissant ou misérable »... (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes INDEP et Les Républicains)

Négociations sur l'approvisionnement en électricité

Mme Martine Berthet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les industriels qui négocient leur contrat d'électricité avec EDF après la fin de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) n'en peuvent plus d'attendre la réforme du marché de l'électricité : ils ont besoin de tarifs compétitifs face à leurs concurrents de Chine et d'Amérique du Nord, qui ne paient que 30 à 40 dollars le mégawattheure, contre le double en France. C'est encore plus vrai pour les hyper-électro-intensifs, pour qui l'électricité représente une matière première de base.

Un accord a été signé entre l'EDF et l'État, le 14 novembre 2023, mais nous n'avons aucune visibilité sur le futur texte de programmation pluriannuelle, présenté début janvier, puis retiré.

Il faut certes protéger EDF, mais pas au prix de la compétitivité mondiale des entreprises. Pour des contrats de long terme effectifs au 1er janvier 2026, on demande aux entreprises une avance en tête au 30 juin 2024, qui représente jusqu'au tiers de leur chiffre d'affaires. C'est inaccessible !

Nos industriels peuvent-ils compter sur le Gouvernement pour obtenir des contrats d'électricité compétitifs avant l'été ? Au moment du projet de loi de finances pour 2025, il sera trop tard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - La réponse est oui, madame la sénatrice. Nous devons garantir à nos industriels les prix les plus compétitifs en matière d'accès à l'électricité, tout en garantissant à EDF les moyens d'investir dans les énergies renouvelables comme dans le nucléaire.

Pour les TPE, grâce à la proposition de loi des députés Philippe Brun et Sébastien Jumel, le problème est réglé : toutes les entreprises de moins de onze salariés auront accès aux tarifs régulés. Il l'est aussi pour les hyper-électro-intensifs, comme en témoigne l'exemple d'ArcelorMittal à Dunkerque. J'ai bon espoir que la question se règle dans les semaines à venir pour les autres du même type.

Restent les énergo-intensifs. Nous avons trouvé un accord avec EDF pour la signature d'accords de long terme, supposant parfois des avances en tête. C'est à EDF à présent de les conclure. Nous avons demandé que l'ensemble des contrats concernant des entreprises énergo-intensives soient signés dans les semaines à venir. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Martine Berthet.  - Non, le sujet est loin d'être réglé. Or cela devient urgent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Directive sur les travailleurs ubérisés

M. Olivier Jacquin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après plus de deux ans de bataille, le Conseil de l'Union européenne a validé un compromis sur la base des propositions du socialiste Nicolas Schmit. Elle permettra aux travailleurs de plateformes de bénéficier de droits sociaux. (« Très bien ! » sur plusieurs travées du groupe SER)

C'est une défaite cinglante pour Uber et un camouflet pour Emmanuel Macron, qui a isolé la France, seul pays avec l'Allemagne à ne pas voter cette harmonisation sociale.

La France continuera-t-elle de s'y opposer ? Transposerez-vous la directive sans délai et sans la dénaturer, puisqu'elle sera de toute façon adoptée ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE-K et du GEST)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Je l'ai dit hier : depuis le premier jour, notre pays a joué le jeu de la négociation. Il s'agissait de prendre en compte la réalité de la relation de travail entre les travailleurs indépendants et la plateforme. (Murmures à gauche ; Mme Audrey Linkenheld et M. Bernard Jomier s'exclament.) Les faux indépendants doivent pouvoir demander leur requalification, mais les vrais doivent le rester.

Notre pays a construit avec succès un modèle social. Neuf accords collectifs ont été signés depuis 2022, améliorant par exemple les revenus des travailleurs. C'est pour cela que nous avons cherché à définir des critères plus clairs pour la présomption de salariat. D'ailleurs, la France n'était pas seule, avec l'Estonie, la Grèce, l'Allemagne. (Exclamations à gauche)

Dans le texte de ces dernières semaines, le régime est devenu flou, sans harmonisation européenne. Contrairement à certaines affirmations politiciennes, la France n'a pas voté contre le texte. J'ai dit hier à Nicolas Schmit que nous étions prêts à le soutenir, moyennant quelques clarifications. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

M. Olivier Jacquin.  - La voix de la France n'est pas sérieuse !

Je travaille sur ce sujet depuis 2019 : 80 % des livreurs à Paris sont sans papiers ; seuls 4 % participent aux élections professionnelles ; ils gagnent moins de 5 euros de l'heure ! Comment pouvez-vous vanter le succès d'un tel modèle social ? Les livreurs à vélo ne sont pas des entrepreneurs, mais des indépendants fictifs que vous livrez au capitalisme le plus sordide. Vous continuez à défendre les plateformes.

Vous qui vous glorifiez de détenir seuls le flambeau européen, vous attentez à l'Europe sociale. La présomption de salariat n'est pas un gros mot, elle n'est que justice ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K et du GEST ; MM. Alain Cazabonne et Pierre-Antoine Levi applaudissent également.)

Investissements dans l'hydroélectricité

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique devrait régler le problème juridique des concessions hydroélectriques. Mais serait-il devenu l'arlésienne gouvernementale ? En effet, depuis 2020, chaque ministre me le promet. Or le Gouvernement, s'il explore des scénarios, n'en choisir visiblement aucun.

En février, vous déclariez repousser le texte à la fin 2024. Or le texte presse ! Les exploitants actuels ont de nombreux projets prêts à démarrer, comme dans la vallée de la Truyère ou le projet de station de transfert d'énergie par pompage (Step) de Montézic, dans l'Aveyron, d'une centrale de 430 mégawatts. Ce dernier représente 500 millions d'euros d'investissements et 300 ouvriers, et alimentera 300 000 personnes. Or la Cour des comptes note que la concrétisation des projets dépend du contentieux européen, et recommande un modèle de rémunération propre aux Step.

Il y a donc urgence : quand le Gouvernement réglera-t-il le problème ? Quand le projet de loi sera-t-il déposé au Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - J'entends vos remarques, mais cela fait plus de quinze ans que le problème n'est pas réglé : si la solution était si simple, d'autres l'auraient trouvée. Toutefois, je propose un calendrier : arriver d'ici la fin 2024 à une solution juridique sur la question des barrages hydroélectriques.

L'hydroélectrique représente 26 gigawatts de puissance installée, et les Step 2 gigawatts de plus, disponibles rapidement. Or aujourd'hui, la seule solution juridique européenne, c'est la mise en concurrence de 447 barrages ! (M. Yannick Jadot proteste.) Cette option n'en est une ni pour vous ni pour moi.

Mais tant que le contentieux demeure, personne ne veut mettre un euro. Je vous invite à participer à nos travaux, monsieur Anglars, pour trouver une solution. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Jean-Claude Anglars.  - Merci pour votre réponse. Je participerai à ces travaux, car je crois au développement de cette énergie dans la vallée de la Truyère. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Couverture téléphonique des territoires

M. Bernard Pillefer .  - En janvier 2018, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) annonçait avec le Gouvernement les engagements des opérateurs de téléphonie mobile pour couvrir l'ensemble du territoire national et éliminer les zones blanches. Ce New Deal mobile prendra fin en 2025. J'en salue l'efficacité, notamment en milieu rural, par exemple en Loir-et-Cher.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Merci Julien Denormandie !

M. Bernard Pillefer.  - Mais les zones grises restent trop nombreuses : dans le Loir-et-Cher, plusieurs milliers de personnes ne sont couvertes que par un seul opérateur. Pourtant, les besoins sont réels pour les entreprises, les élus, les services d'aide à la personne...

Nous ne pouvons plus tolérer une telle fracture numérique dans nos territoires ! Qu'entend faire le Gouvernement pour éliminer les zones grises et assurer une couverture mobile optimale pour tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation .  - Marina Ferrari est auditionnée par l'Assemblée nationale.

En 2018, Julien Denormandie, Jacqueline Gourault, Cédric O...

M. François Bonhomme.  - Comment vont-ils ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - ... ont tous oeuvré à la mise en place de ce New Deal, bel exemple de coopération entre l'État, les opérateurs et les collectivités locales. C'est suffisamment rare pour que cela mérite d'être souligné !

Le dispositif tient toutes ses promesses : la part du territoire en zone blanche est passée de 11 à 1,9 % et plus de 99 % de la population est couverte par la 4G. Les territoires ruraux ont bénéficié du déploiement de 67 % des sites mobiles. Ainsi, 92 % du territoire du Loir-et-Cher est couvert par quatre opérateurs, avec 31 sites, dont 19 pylônes.

Le Gouvernement a privilégié des équipes projet locales : préfectures, présidents d'EPCI, associations de collectivités locales. Le New Deal mobile comprend aussi la couverture des axes ferroviaires et routiers d'ici à 2030. Cette politique, d'une importance capitale, demeure une priorité du Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

M. Bernard Pillefer.  - Il faudra s'interroger aussi sur le très haut débit pour tous, habitats isolés compris. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La séance, suspendue à 16 h 20, reprend à 16 h 30.

Rapport annuel de la Cour des comptes

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.

Huissiers, veuillez faire entrer M. le Premier président de la Cour des comptes. (M. Pierre Moscovici, Premier président, prend place au banc du Gouvernement.)

C'est avec grand plaisir que nous vous accueillons pour notre désormais traditionnel débat sur le rapport public annuel de la Cour, rendu public hier. Au nom du Sénat tout entier, je vous remercie.

Un représentant de chaque groupe politique prendra la parole afin que le Sénat puisse s'exprimer, dans toute sa diversité, sur les observations et recommandations de ce rapport.

Ce débat traduit notre attachement à la mission d'assistance du Parlement au contrôle du Gouvernement confiée par la Constitution à la Cour des comptes. Votre expertise est un concours précieux.

Vous regrettez, à l'instar de notre commission des finances, les perspectives de croissance trop optimistes que le Gouvernement a retenues, si bien que la loi de finances promulguée il y a moins de trois mois est déjà en partie obsolète et que le Gouvernement a dû réduire ses dépenses de 10 milliards d'euros. Nous sommes impatients d'entendre votre analyse sur la crédibilité de la trajectoire pluriannuelle et les conditions de son respect.

Cette année, l'adaptation au changement climatique est au coeur de votre rapport. Vous soulignez la nécessité d'une action transparente, cohérente et efficiente. Cela concerne tous les domaines de l'action publique et de nombreux acteurs : l'État, les ménages, les entreprises, les institutions financières, mais aussi les collectivités territoriales.

Le Sénat s'est déjà saisi de cette question, comme en témoignent les travaux de la délégation sénatoriale à la prospective en 2019, appelant à adapter les politiques publiques aux dérèglements climatiques ou, plus récemment, ceux de notre commission des affaires économiques dans le cadre de la loi d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST, du RDPI et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes .  - Merci pour votre accueil, qui reflète la qualité des liens entre nos deux institutions.

Le rapport public annuel 2024 est le fruit d'un travail collectif des chambres de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes -  pour la première fois, chaque chambre régionale ou territoriale a participé à au moins un chapitre de ce rapport.

Sa parution est un rendez-vous traditionnel et essentiel. Ce rapport public annuel n'est plus un simple assemblage. Depuis 2022, il prend la forme d'une publication thématique : cette année, l'adaptation au changement climatique, c'est-à-dire l'ensemble des mesures à prendre pour continuer à vivre de façon supportable dans un climat qui aura profondément changé. L'adaptation n'est pas l'atténuation, même s'il faut agir sur les deux volets.

Cette thématique est au coeur des préoccupations de nos concitoyens. C'est aussi un enjeu territorialisé : chaque région, chaque commune devra s'adapter. C'est un rapport d'actualité : le troisième plan national d'adaptation au changement climatique est attendu pour cet été.

Nous avons d'abord constaté l'absence de chiffrage exhaustif du coût de cette adaptation - entre 2,3 et 3,3 milliards d'euros selon les sources. Nous avons décidé de donner seize coups de projecteurs thématiques. Jusqu'à présent, il n'existait pas de panorama transversal : nous devions réaliser ce colossal état des lieux.

Notre rapport public annuel comporte toujours un premier chapitre consacré aux finances publiques. J'y reviendrai.

Les seize chapitres thématiques se répartissent en trois catégories : adaptation des secteurs transversaux - recherche, institutions financières et bancaires, Agence française de développement (AFD) ; adaptation des grandes infrastructures - villes, logement, centrales nucléaires, hydroélectricité, transport, armées ; enfin, adaptation de la nature - forêt, catastrophes naturelles outre-mer, trait de côte, cultures céréalières, stations de montagne, protection des plus vulnérables face aux vagues de chaleur.

Quatre enseignements et principes d'action pour les politiques d'adaptation peuvent être tirés de ces enquêtes.

Premièrement, il faut mieux connaître les effets du changement climatique. La prise de conscience existe, mais elle est hétérogène. Pour certains domaines, elle est récente, pour d'autres, elle reste à faire.

Nous devons améliorer les prévisions et les données, souvent lacunaires : seuls deux tiers des 200 000 bâtiments de l'État sont recensés. Les prévisions météo sont de moindre qualité outre-mer que dans l'Hexagone, alors que les risques y sont autrement plus élevés.

Deuxièmement, il faut informer les citoyens pour éviter qu'ils se « fassent avoir ». La confusion entre adaptation et atténuation est parfois savamment entretenue par les produits financiers « verts ». Communiquer, c'est aussi faire de tous des acteurs des politiques publiques et obtenir leur adhésion.

Troisièmement, nous avons besoin d'une stratégie cohérente : il faut planifier. Les objectifs doivent être conciliés avec ceux d'autres politiques publiques. Or l'articulation est souvent difficile, notamment dans les zones touristiques. J'ai vu les réactions à la publication de notre rapport sur les stations de ski. (M. Jean-Michel Arnaud s'exclame.) Ce rapport n'est pas à charge !

La planification existe, mais elle est défaillante et dispersée. Il faut un pilote dans l'avion, qui coordonne les acteurs et arbitre. Or le pilotage des grands réseaux est plus abouti au sein d'EDF que de la SNCF, par exemple. Il faut aussi mieux coordonner l'action du bloc communal.

L'État lui-même ne joue pas correctement son rôle de stratège. Ainsi, les gestionnaires d'infrastructures ferroviaires doivent pouvoir se référer à un niveau de résilience cible.

Quatrièmement, comment financer cette adaptation ? L'évaluation de son coût est lacunaire, voire inexistante. Or elle ne passe pas nécessairement par de nouvelles dépenses : mieux vaut inciter les acteurs à agir. Dans le secteur financier, il faudrait intégrer un critère d'impact environnemental aux outils financiers. Il faut aussi un fonds de solidarité face au recul du trait de côte.

Nous mettons en garde contre le risque de mal-adaptation : le développement systématique de la production de neige, parfois à température positive, est absurde. (M. Jean-Michel Arnaud s'exclame ; M. Yannick Jadot acquiesce.) Il en va de même pour le rechargement des plages en sable.

Le rôle de la recherche est essentiel. L'agriculture céréalière a développé un système de recherche et d'innovation complet. C'est moins le cas pour la forêt ou le logement.

Dans de nombreux domaines, nous ne sommes pas à l'année zéro. Mais le défi est immense.

J'en viens à la situation de nos finances publiques, qui est préoccupante - je l'ai répété maintes fois -, d'autant plus au regard des besoins d'adaptation que je viens d'évoquer.

Je dresserai trois constats. Premièrement, 2023 a été, au mieux, une année blanche. En réalité, elle fut pire que 2022. La trajectoire 2023-2027 est exigeante : 2023 est un faux départ. Cela n'a pas été la fin du « quoi qu'il en coûte » ; les recettes fiscales ont été peu dynamiques ; de mauvaises surprises de l'ordre de 8 milliards d'euros ont creusé le déficit. La marche pour 2024 est d'autant plus haute.

Deuxièmement, le respect de l'objectif pour 2024 n'est pas acquis. La prévision de croissance 1,4 % était trop optimiste : je l'avais dit à la commission des finances au titre du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). (M. Claude Raynal acquiesce.) Finalement, le Gouvernement table sur 1 %, ce qui reste plus optimiste que le consensus des économistes. La loi de finances prévoit toujours une réduction de 0,5 point de pourcentage du déficit, de 4,9 à 4,4 %, mais les 4,9 % prévus pour 2023 risquent d'être significativement dépassés.

Aucun effort d'économie structurelle n'est programmé en 2024. Résultat : le Gouvernement est forcé d'annuler 10 milliards d'euros de crédits. Mais il faut encore identifier les réformes touchées, et ce ne sont pas des économies structurelles.

Les objectifs pour 2024 sont donc loin d'être atteints. La prévision de croissance du Gouvernement reste élevée et les recettes de 2023 sont plutôt décevantes. Il n'est donc pas certain que les 10 milliards d'euros d'économies soient suffisants. Cela explique que le ministre de l'économie ait annoncé qu'il s'agissait là d'une première étape, avant un probable projet de loi de finances rectificative à l'été.

Même si nous parvenions à tenir l'objectif de 4,4 %, nos finances publiques resteraient parmi les plus dégradées de la zone euro, avec 110 points de PIB de dette publique. L'Autriche, l'Allemagne, mais aussi le Portugal, l'Espagne, la Belgique, font mieux en Europe. Regardons cette réalité en face : nous avons un problème de crédibilité en Europe.

Troisièmement, la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) est peu ambitieuse et très fragile. Peu ambitieuse, car nous visons le passage sous les 3 % en 2027, alors que d'autres pays y sont déjà parvenus. Très fragile, car elle ne présente aucune marge de sécurité tant ses sous-jacents sont optimistes. Surtout, la trajectoire repose sur des efforts d'économies sans précédent - 50 milliards d'euros. La LPFP prévoit 12 milliards en 2025 et le ministre des comptes publics a même annoncé 20 milliards d'euros. Ces économies ne sont ni documentées ni étayées. Je plaide depuis longtemps pour des revues de dépenses intelligentes et structurelles. Le Premier ministre en a demandé quelques-unes à la Cour des comptes.

Il faut concilier ajustement budgétaire et amélioration de la trajectoire de croissance. Les deux s'entretiennent : c'est un défi incontournable.

Nous avons trop tardé à nous attaquer à la maîtrise de la dépense publique. L'effort est considérable. Je ne sous-estime pas la difficulté de l'exercice, mais nous ne pouvons nous y dérober. Il faut donc de la volonté politique, du courage, de l'intelligence, de la croissance et de la pédagogie.

Notre rapport, en prise avec les réalités du terrain, illustre la diversité des sujets traités par les juridictions financières. Il montre que nos finances publiques conditionnent notre capacité à nous adapter au changement climatique. (Applaudissements sur quelques travées des groupes SER, INDEP, UC, Les Républicains et du RDPI)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains) La remise de ce rapport est un exercice traditionnel, qui ne résume pas la densité de nos relations avec la Cour des comptes : hier, la commission des finances l'a entendue sur la délivrance des titres sécurisés ; monsieur le Premier président, nous vous retrouverons la semaine prochaine sur l'enquête consacrée aux industries culturelles ; en outre, chaque rapporteur spécial suit les travaux de la Cour qui le concernent.

La Cour rappelle que la croissance s'est élevée à 0,9 % en 2023 et que le Gouvernement, après avoir envisagé 1,4 % pour 2024, a révisé sa prévision à 1 %. La prudence et le réalisme auraient pourtant dû le conduire à retenir des hypothèses moins optimistes -  nous l'avions dit.

Résultat : le déficit public devrait largement dépasser les 4,9 % en 2023 et il sera d'autant plus difficile d'atteindre les 4,4 % en 2024. Le plan d'économies prévu par décret n'y suffira pas. La prévision de croissance du Gouvernement pour 2024 reste supérieure de 0,7 point au consensus des économistes... Dès 2024, le Gouvernement risque de s'écarter de la trajectoire 2023-2027.

Comment ne pas s'étonner qu'un projet de loi de finances maîtrisé de A à Z par l'exécutif, en raison de l'utilisation du 49.3, débouche sur la plus forte annulation de crédits, dès sa promulgation ?

Le Parlement a quelque chose de commun avec vous, monsieur le Premier président : la désagréable impression de prêcher dans le désert. Nous ne pouvons accepter plus longtemps ces déclarations d'intention, suivies de brutales corrections en cours d'exercice. Nous devons remettre à plat le budget tant en recettes qu'en dépenses, sans faire porter l'essentiel de l'effort sur les plus fragiles. Notre pays a besoin d'une vision d'ensemble, de priorités claires et de choix concertés.

J'en viens à la partie du rapport consacrée au changement climatique, qui fait écho à des travaux du Sénat, notamment de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique et du rapporteur spécial de la mission Écologie.

Selon la Cour, MaPrimeRénov' a financé essentiellement des rénovations par étapes, au détriment des rénovations globales - 3 % des surfaces rénovées. Après avoir annoncé une réforme d'ampleur, le Gouvernement a fait machine arrière, pour revenir au financement des opérations monogestes, bien moins efficaces.

La Cour des comptes et le Sénat font le même constat sur le retrait-gonflement des argiles, qui concerne plus de la moitié des logements et menace le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles : il faut concentrer les efforts sur le bâti existant, angle mort de la prévention.

La Cour consacre un chapitre à l'adaptation des villes. La commission des finances et celle du développement durable ont lancé une mission conjointe de contrôle sur les inondations de 2023-2024.

Le changement climatique affecte les infrastructures de transport et de distribution de l'électricité ; la commission d'enquête sur la consommation, la production et les prix de l'électricité s'y intéressera.

À la demande de la commission des finances, la Cour des comptes s'est penchée en mars 2023 sur l'adaptation de nos parcs nucléaire et hydroélectrique au changement climatique, sujet central à l'heure où la France veut prolonger son parc nucléaire historique et construire de nouveaux réacteurs.

La Cour relève que les politiques de prévention des catastrophes naturelles outre-mer sont guidées par l'urgence et portent davantage sur la réparation des dégâts que sur la prévention.

Il est indispensable de prévoir l'association et l'accompagnement des différents acteurs, notamment des collectivités territoriales, qui vont devoir arbitrer entre leurs politiques traditionnelles - de logement par exemple - et ces nouveaux défis - comme s'agissant de l'artificialisation des sols. Nos collègues qui se penchent sur le « zéro artificialisation nette » (ZAN) vous le diraient. Les mécanismes de solidarité financière sont plus que jamais nécessaires.

Je ne doute pas que les travaux de la Cour continueront à nourrir ceux du Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDPI, ainsi que sur quelques travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Comme chaque année, nous avons pris connaissance avec grand intérêt du rapport annuel de la Cour des comptes, qui fait un point d'étape sur la situation de nos finances publiques. Il en souligne la dégradation, par rapport à la situation d'avant crise et à celle de nos voisins européens. Sans efforts vigoureux, la LPFP risque d'être rapidement caduque.

Je veux évoquer la question de la sincérité des comptes. La loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale ont été adoptées sur la base d'une prévision de croissance du PIB de 1,4 %, alors que le consensus des économistes était à 0,8 %. L'encre à peine sèche, le Gouvernement a révisé sa prévision à 1 %, niveau que la Cour continue de considérer comme optimiste, et se sent autorisé à réduire les dépenses de 10 milliards d'euros.

C'est un dévoiement de procédure. L'examen des textes financiers est un temps fort de notre vie démocratique, à l'origine de la création des parlements. Non seulement l'Assemblée nationale n'examine plus les textes financiers en raison du 49.3, mais l'exercice est vidé de son sens par des prévisions irréalistes que le Gouvernement révise ensuite seul. C'est contraire à l'esprit de nos institutions. Espérons que c'est passager, lié à une échéance, et que le Parlement sera bientôt saisi d'un projet de loi de finances rectificative et d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative : le Sénat est prêt à en débattre dans un esprit constructif. Je souhaite que le Conseil constitutionnel s'empare de cette question de la sincérité budgétaire. (M. Hugues Saury renchérit.)

La Cour des comptes s'inquiète de la trajectoire de déficit de la sécurité sociale envisagée par le Gouvernement : 17,2 milliards d'euros en 2027 en l'absence de tout creux économique. Nous nous en étions émus à l'automne et avions rejeté l'article correspondant.

Le Sénat a pris ses responsabilités sur la réforme des retraites, comme sur celle de l'assurance chômage, mais en l'absence de projet de réforme structurelle de l'assurance maladie et de la prise en charge de la dépendance, je m'inquiète. Le Gouvernement propose de mettre toujours plus d'argent dans un système à bout de souffle - l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) a augmenté de 49 milliards d'euros en cinq ans !

La Cour consacre un chapitre de son rapport à la protection de la santé des personnes vulnérables en cas de vague de chaleur. Nous nous souvenons tous des conséquences dramatiques de la canicule de 2003 pour les personnes âgées. Depuis, des mesures ont été prises : plans canicule, alertes météo, listes des personnes isolées et âgées tenues par les communes, salles rafraîchies dans les Ehpad.

La Cour recommande de renforcer nos connaissances, d'élaborer une liste de médicaments d'intérêt, d'élargir les critères d'inscription des personnes les plus vulnérables sur les listes municipales et d'évaluer l'adaptation du parc immobilier sanitaire, social et médico-social. Mais l'adaptation des lieux de vie des personnes dépendantes risque de peser sur des acteurs déjà à bout de souffle.

La cinquième branche manque d'une vision. Nous attendons un projet de loi Grand âge, ainsi que nous l'avons demandé dans la loi Bien vieillir. Une succession de propositions de loi ne saurait fixer un cap.

La commission des affaires sociales apprécie sa coopération avec la Cour des comptes. Nos échanges ne se limitent pas à la présentation du rapport annuel. Il y a aussi le rapport de certification des comptes de la sécurité sociale et celui sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que les enquêtes demandées à la Cour, comme récemment sur l'Agence de la biomédecine ou la santé respiratoire. Vos travaux nous apportent toujours un éclairage utile. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et sur quelques travées du groupe SER ; M. Saïd Omar Oili applaudit également.)

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe UC remercie la Cour pour cet important travail d'investigation.

En 2022, par la voix de Vincent Capo-Canellas, nous avions rappelé la situation des comptes publics. Vincent Delahaye avait souligné l'état alarmant de notre balance commerciale. L'an dernier, Jean-Marie Mizzon a évoqué les collectivités locales et notamment leur nécessaire autonomie financière.

Cette année, le rapport fait un focus sur le développement durable, avec seize enquêtes approfondies. Vous proposez notamment un effort de recherche accru et un travail de diffusion des bonnes pratiques ; nous aussi. Votre proposition d'un fonds de lutte contre les risques naturels outre-mer est soutenue par Lana Tetuanui.

Les réseaux ferroviaires et électriques devront être dimensionnés aux besoins futurs, en tenant compte du développement des énergies renouvelables et du nucléaire.

Jean-Michel Arnaud, sénateur des Hautes-Alpes, estime qu'il ne faut pas traiter toutes les stations de montagne de la même façon. En effet, le modèle économique de certaines fonctionne bien.

Je partage votre constat alarmiste sur les finances publiques. La situation des comptes publics de 2023 nous oblige à chercher des économies et des recettes nouvelles. Le groupe UC a ouvert des pistes lors de l'examen de la loi de finances : supprimer les niches fiscales, transformer l'impôt sur la fortune immobilière en impôt sur la fortune improductive comme l'a proposé Sylvie Vermeillet, poursuivre notre effort de lutte contre les fraudes comme le souhaite Nathalie Goulet.

Il était prévu 4,9 % de déficit, or ce sera plutôt 5,3 %. Le commissaire européen que vous avez été pourra-t-il nous dire quelles en seront les conséquences au regard du pacte de stabilité ?

Alors que le Gouvernement estime que 12 milliards d'euros d'économies par an seraient suffisants, le groupe UC souscrit à la préconisation de la Cour de 50 milliards sur 2025-2027. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et CRCE-K, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.) Hier à 10 heures : voilà quand nous avons reçu le rapport, soit trente heures pour lire 725 pages ! Et notre temps de débat a été réduit. On fustige souvent le Gouvernement pour son manque de respect du Parlement ; commençons par nous respecter nous-mêmes !

Il est heureux que la Cour se penche enfin sur la préparation de notre pays aux chocs qui viennent.

Les années 2022 et 2023 ont été marquées par l'inflation et des prix de l'énergie élevés. C'est ce qui justifie aux yeux du Gouvernement les saignées envisagées : moins 10 milliards d'euros cette année, moins 20 milliards l'an prochain, puis moins 30 milliards jusqu'en 2027. On sabre dans l'écologie, la recherche, l'éducation...

Le rapport dénonce le manque de chiffrage des moyens nécessaires pour relever le défi de l'adaptation au changement climatique. Les collectivités ne sont pas épargnées : la Cour souligne que les villes ont réagi tardivement.

Le rapport aborde des défis spécifiques, comme les effets du changement climatique sur les réseaux ferroviaires et électriques, que les outils actuels ne modélisent pas bien. Des investissements supplémentaires et une meilleure coordination entre les opérateurs sont nécessaires pour la résilience de nos réseaux.

Se fixer pour seul indicateur la décarbonation est dangereux. Le développement massif du nucléaire risque ainsi de conduire à des situations de concurrence dans l'usage de l'eau.

Le rapport soulève aussi la question de l'efficacité de la dépense publique et celle de la nécessaire transformation de notre fiscalité environnementale, dont les rendements ont vocation à baisser à mesure que l'on se rapproche des objectifs.

Les deux parties du rapport sont presque antinomiques. Comment être dans l'orthodoxie budgétaire tout en préparant la transition écologique ? La dette climatique entre en concurrence avec la dette financière.

Nous militons pour une refonte de la fiscalité - car la transition écologique pèsera sur les recettes liées à l'énergie - et pour une politique budgétaire contracyclique afin de financer la transition et de soutenir les plus précaires.

Les défis du changement climatique exigent de tous une action urgente et coordonnée, incompatible avec la trajectoire budgétaire du Gouvernement. Ce rapport est le énième signal d'alarme d'une institution qui n'est pas réputée pour sa radicalité : prenons-le au sérieux. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Lucien Stanzione applaudit également.)

M. Éric Bocquet .  - Le monde change. Il fut un temps, pas si lointain, où la presse narrait les événements de la veille. Désormais, elle annonce ce qui se passera demain. Le rapport était sous embargo pour les parlementaires, mais Les Échos nous donnaient un accès libre aux meilleures pages. C'est très dommageable pour le Parlement.

Mission impossible qu'analyser ces 725 pages. Mais le ton a été donné dans Les Échos : « un effort sans précédent à accomplir ».

Le Gouvernement avait déjà voulu réduire la dépense publique de 16 milliards d'euros dans la loi de finances pour 2024. Voilà un rabot de 10 milliards par décret et Bruno Le Maire qui nous annonce que le plus dur est devant nous. La Cour estime les économies nécessaires sur 2025-2027 à 50 milliards d'euros. N'en jetez plus, la Cour est pleine !

Comme toujours, on ne regarde que les dépenses. La question fiscale n'est pas taboue, dites-vous. Parmi les nombreuses pistes à étudier, la Cour a publié en 2023 un excellent rapport sur les 465 niches fiscales, qui ont coûté 94,2 milliards d'euros en 2022. Aucune évaluation sur les onze prévues en 2022 n'a été réalisée. Certaines niches n'ont pas été évaluées depuis dix ans.

Parlons aussi des dizaines de milliards d'euros que nous coûte l'évasion fiscale, des 153 milliards de profits du CAC 40 l'an dernier et des 67,8 milliards de dividendes distribués !

Les voyages forment la jeunesse, dit-on. Bruno Le Maire s'est rendu à une réunion du G20, au Brésil. Il s'y est dit favorable à ce que l'Europe porte l'idée d'une taxation minimale des individus et à ce que la France soit en pointe sur ces sujets. Serait-il le Dr Jekyll et Mr Hyde de la fiscalité ?

Entre avril 2022 et avril 2023, le nombre de milliardaires a augmenté de 7 %. Selon la banque suisse UBS, ils sont 2 544 et pèsent 13 000 milliards de dollars. Nous savons désormais où faire porter cet « effort sans précédent » ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)

Mme Maryse Carrère .  - J'interviens dans ce débat en remplacement de mon collègue Raphaël Daubet, empêché.

Ce rapport est passionnant et - ô combien - nécessaire, mais, cette année tout particulièrement, sa publication, est intervenue trop peu de temps avant notre débat, nous privant de la possibilité d'un travail approfondi.

Sans surprise, le rapport fait état de la situation dégradée de nos finances publiques, dressant des comparaisons avec nos principaux voisins, à l'exception notable du Royaume-Uni : si notre déficit structurel, déjà élevé, a connu depuis la crise sanitaire une hausse relativement limitée, notre endettement public a beaucoup augmenté par rapport à celui des autres pays, dont certains se sont même désendettés.

S'agissant de l'adaptation de l'action publique au changement climatique, un grand nombre de préconisations visent à améliorer le suivi des indicateurs de politiques publiques. Il semble que la puissance publique ne dispose toujours pas de données suffisamment précises. Le monitoring reste donc une priorité.

Mais alors que les effets du changement climatique sont déjà bien réels, l'heure n'est plus seulement à l'accumulation de connaissances - même s'il est heureux que la recherche française excelle en sciences du climat -, mais aussi à de véritables actions d'atténuation et d'adaptation.

De bonnes tendances sont à noter, comme la hausse des moyens alloués à la rénovation énergétique des bâtiments : 7 milliards d'euros par an, contre 3 milliards en 2015. Il faut encore accélérer. La réduction de 20 % en dix ans de la consommation d'énergie des armées est également positive, mais se poursuivra-t-elle avec le changement du contexte géopolitique ?

Il est essentiel d'associer les collectivités territoriales à la mise en oeuvre des politiques d'atténuation et d'adaptation. La gestion du recul du trait de côte et sa difficile articulation avec la compétence Gemapi en sont une illustration.

M. Didier Rambaud .  - Qu'il s'agisse de la situation des finances publiques ou de l'adaptation de nos politiques au dérèglement climatique, notre groupe de la majorité présidentielle partage la principale conclusion de ce rapport : les efforts à fournir sont considérables, et nous devons dégager des marges de manoeuvre afin de financer l'avenir.

Oui, la situation macroéconomique est moins bonne qu'espéré. Les oppositions n'ont pas pour autant raison de parler d'insincérité. Nos recettes ont rapidement chuté en fin d'année, le contexte économique mondial se dégrade, nos voisins font des choix similaires aux nôtres : gardons-nous donc de tout jugement hâtif.

Nous partageons le constat dressé : il faut agir rapidement pour assainir la trajectoire des dépenses publiques. Le Gouvernement s'y est attelé, avec des efforts structurels en dépense qui commencent à porter leurs fruits - je pense notamment à la réforme de l'assurance chômage. Le récent décret d'annulation de 10 milliards d'euros de crédits confirme sa volonté de redressement.

Pour espérer ramener le déficit sous la barre des 3 % du PIB en 2027, nous devrons opérer des choix difficiles pour dépenser moins, mais surtout mieux. Il faut mettre un terme à l'addiction des Français aux largesses de l'État, qui suscite chaque jour de nouvelles revendications.

Au-delà de l'éventuel projet de loi de finances rectificative de l'été, je suis impatient de travailler sur la revue des dépenses publiques que le Gouvernement présentera bientôt. (M. Claude Raynal semble dubitatif.) Cette nouvelle vague de revues des dépenses renforcera l'efficacité et la crédibilité de l'action publique. Le concours de la Cour des comptes sera précieux pour atteindre une maîtrise plus volontariste de la dépense.

Peu importe le secteur concerné, les choix seront difficiles. Il faut dire que l'équation est complexe : nous devons à la fois aplanir notre montagne de dettes et franchir le mur d'investissements qui se dresse devant nous, notamment pour l'adaptation au changement climatique - le rapport Pisani-Ferry  -  Mahfouz évoque 66 milliards d'euros d'investissements supplémentaires d'ici à 2030.

Élu de l'Isère, je sais que les conséquences de la hausse des températures sont particulièrement visibles dans les stations de montagne. Si la vulnérabilité des stations varie, la diminution du taux d'enneigement est générale. Construit autour du ski, leur modèle économique doit évoluer vers un tourisme des quatre saisons. Mais à quel prix ? Selon le rapport, le coût des premières mesures d'adaptation dans les stations dépasse les 90 millions d'euros par an.

Il faut aussi repenser la gouvernance et le financement des stations. La Cour des comptes propose un fonds d'adaptation, alimenté par la taxe sur les remontées mécaniques. Il me semble important d'accompagner davantage les remontées mécaniques, les domaines skiables et les collectivités territoriales. Faut-il pour cela créer un énième fonds dont les modalités de redistribution feront débat ? Je n'en suis pas certain.

En tout cas, ces acteurs demandent plus d'accompagnement et de confiance pour réussir les transitions qui s'imposent. À nous, parlementaires, d'y travailler ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Ghislaine Senée applaudit également.) L'examen du rapport public annuel de la Cour des comptes est toujours un moment important pour les parlementaires. Comme membre du groupe SER, je me réjouis du choix du thème du changement climatique.

Conformément à la tradition, le rapport traite d'abord de l'état de nos finances publiques : une croissance morose, un déficit supérieur à 5 % et une dette qui croît. Si la baisse des dépenses publiques est nécessaire, la hausse des prélèvements obligatoires ne doit plus être un tabou. Comme le disait Pierre Mendès France, « un pays qui n'est pas capable d'équilibrer ses finances publiques est un pays qui s'abandonne. »

Depuis 2017, la perte fiscale de l'État est supérieure à 60 milliards d'euros par an. La France prélèverait trop, entend-on comme une ritournelle ; mais le disque commence à être rayé. Lorsque nous ramenons les recettes publiques au nombre d'habitants, nous sommes autour de la dixième place en Europe. Il est surprenant que la possibilité d'augmenter de façon socialement juste les prélèvements obligatoires ne soit pas évoquée dans le rapport.

Le Gouvernement trouve une succession de prétextes pour continuer la forte contraction budgétaire de notre économie. Jusqu'où et à quel rythme devons-nous réduire notre déficit public ? Fortement et très vite selon l'exécutif, qui opte pour un néolibéralisme dépassé dont les classes populaires et moyennes paieront une nouvelle fois la note. Les coups de rabot à plusieurs milliards dégradent nos services publics, si utiles aux plus modestes.

La politique économique qui s'accroche à l'austérité pour des raisons doctrinales nourrit les dérives populistes. En Italie, c'est la brutalité de la contraction budgétaire qui a porté l'extrême droite au pouvoir.

La situation de nos finances publiques nécessite une action prudente en réduction de la dépense comme en hausse des recettes, afin de sauver le peu de croissance que nous enregistrons encore.

Pour retrouver des marges de manoeuvre, commençons par limiter les dépenses fiscales défavorables au climat. La Cour des comptes, le Gouvernement et les parlementaires doivent faire des propositions ambitieuses pour les réduire.

Malheureusement, le décret annulant 10 milliards d'euros de crédits affecte grandement l'écologie, diminuant notamment de 1 milliard d'euros le dispositif MaPrimeRénov', alors que les ménages les plus pauvres ont le plus à gagner aux économies d'énergie.

La rénovation des passoires thermiques est un enjeu écologique et social majeur, mais l'État met en péril l'investissement local. Les collectivités territoriales sont touchées de plein fouet par la baisse du fonds vert : leur retirer des ressources annoncées trois mois plus tôt est un mauvais signal.

En l'absence de projet de loi de finances rectificative, le groupe SER a sollicité l'organisation d'un débat au Parlement sur le budget au titre de l'article 50-1 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Ghislaine Senée applaudit également.)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La partie du rapport consacrée à la situation d'ensemble des finances publiques est un hommage à Turgot, qui contemple nos débats. (L'oratrice se tourne vers la statue surplombant l'hémicycle.)

En 1774, dans une lettre à Louis XVI, il dresse un constat dont l'acuité dans le contexte actuel est frappante : « Point de banqueroute, point d'augmentation d'impositions, point d'emprunt : pour remplir ces trois points, il n'y a qu'un moyen, c'est de réduire la dépense au-dessous de la recette. On demande sur quoi retrancher, et chaque ordonnateur dans sa partie soutiendra que presque toutes les dépenses particulières sont indispensables. Ils peuvent dire de fort bonnes raisons, mais comme il n'y en a point pour faire ce qui est impossible, il faut que toutes ces raisons cèdent à la nécessité absolue de l'économie. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

On trouve dans le rapport quinze fois « optimiste », quatorze fois « risque », vingt-deux fois « effort », mais seulement deux fois « réalisme », une fois « confiance » et une fois « courage »... Après l'optimisme des dernières années, il est urgent d'opter pour le réalisme, c'est-à-dire le courage politique.

Or la réalité, sur laquelle nous alertons le Gouvernement depuis longtemps, c'est que la France dépense trop, que les prévisions de croissance sont trop élevées et que le recours au levier fiscal est impossible compte tenu d'un niveau d'imposition très élevé. (M. Roger Karoutchi approuve.)

Il faut entreprendre les réformes indispensables pour réduire la dépense publique structurelle, tout en adaptant notre économie au changement climatique. Sans ce courage, notre pays courra, de lois de finances optimistes en prévisions de croissance irréalistes, à sa perte.

Le pacte de stabilité et de croissance révisé sera peut-être notre meilleur allié : nous ne pouvons pas continuer de diverger par rapport à nos voisins, au risque de mettre en péril la cohésion de la zone euro.

Les 10 milliards d'euros d'économies qui viennent d'être annoncés se font au détriment de la transition écologique, notamment de MaPrimeRénov' et du fonds vert. En outre, les autres ministères suppriment d'abord leurs crédits de politique immobilière, destinés à adapter leur parc au risque climatique... Les observations du rapport consacrées à la politique immobilière de l'État sont sévères, mais justes.

Il est facile de supprimer des crédits dont les effets sont à moyen ou long terme plutôt que ceux qui financent le présent. Mais la facilité n'est pas bonne conseillère. Dans le cadre de la revue des dépenses annoncée, il ne faudra pas oublier que ne pas s'adapter ou mal s'adapter pourrait, à terme, être ruineux. Le ministre Béchu évaluait l'absence d'action à une perte annuelle de 10 % du PIB à la fin du siècle.

La Cour promeut le triptyque : connaître, informer, planifier. Selon M. Béchu, le troisième plan national d'adaptation au changement climatique sera « la grammaire du temps long, de la stratégie, de la planification »... Une chose est certaine : plus la phase de transition sera longue, plus celle-ci sera coûteuse.

Or ni l'Union européenne ni la France ne se sont dotées d'une doctrine d'emploi des fonds publics en la matière. C'est pourtant essentiel, pour que les générations futures n'héritent pas à la fois de finances publiques catastrophiques et d'un climat invivable.

Cette stratégie devra prendre en compte, avec la même importance, l'atténuation et l'adaptation. On ne peut plus raisonner en silos ! Comment peut-on envisager de financer plus de 100 000 euros de réparations pour des dommages liés au retrait-gonflement des argiles dans une maison passoire énergétique ? C'est pourtant le principe réaffirmé dans une ordonnance du 8 février 2023...

Les politiques d'adaptation sont par nature multiformes, puisqu'elles concernent des phénomènes divers - tempêtes, sécheresses, inondations - et dépendent des situations locales comme de la capacité de prévoir.

Ce rapport dresse avec acuité un constat terrible : ni nos finances publiques ni notre stratégie ne sont prêtes pour affronter le défi de la transition écologique. Un constat qui ouvre des questions sensibles, par exemple : la solidarité nationale devra-t-elle jouer lorsqu'il faudra faire déménager les habitants rendus vulnérables par le recul du trait de côte ? (M. Yannick Jadot applaudit.)

En 2022, le candidat Macron déclarait : « La politique que je mènerai dans les cinq ans à venir sera écologique ou ne sera pas. » J'ai le sentiment qu'elle ne l'est pas.

M. le président. - Veuillez conclure.

Mme Christine Lavarde.  - L'échec final prépare le mot désabusé du général de Gaulle : « En France, on ne fait pas de réformes, on fait des révolutions. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du GEST)

M. Aymeric Durox .  - Je prévoyais de m'adresser au ministre de l'économie et des finances, mais, apparemment, il n'est pas invité...

Après sept années dans vos fonctions, monsieur le ministre, votre bilan est devenu votre boulet. Tout récemment, le Gouvernement a fait preuve d'insincérité en supprimant 10 milliards d'euros de crédits moins de cinquante jours après le vote de la loi de finances par les représentants de la nation.

Du fait de comptes publics catastrophiques, notre pays fait face à la menace de taux d'intérêt croissants et des agences de notation. Vous prévoyez un déficit public ramené sous les 3 % en 2027 : la Cour des comptes juge cette trajectoire peu ambitieuse et fragile. Vous avez réformé les retraites à coup de 49.3 pour, disiez-vous, combler le trou de la sécu : la Cour prévoit qu'il atteindra 17,2 milliards d'euros en 2027, deux fois plus que cette année. Vous décrétez 10 milliards d'euros d'économies : elle estime qu'il en faudrait cinq fois plus pour passer sous les 3 % de déficit en 2027.

Et que dire de vos économies, monsieur le ministre ? Alors que vous annonciez une hausse des crédits pour la justice, la recherche, l'intérieur et l'environnement, ces budgets vont être rabotés. Même l'école voit son budget réduit, de 700 millions d'euros. Le Premier ministre avait promis qu'il l'emmènerait avec lui, mais il semble que, entre Grenelle et Matignon, l'école soit passée au scalp de Bercy !

La Cour des comptes regrette l'absence de chiffrage exhaustif des dépenses nécessaires pour adapter la France au changement climatique. Une fois de plus, vos lacunes empêchent l'État de jouer correctement son rôle de stratège.

Alors que la crise du logement est toujours plus alarmante, le parc est massivement inadapté aux risques climatiques. Les politiques de rénovation se concentrent sur des aides ciblées, mais les rénovations globales visant l'adaptation restent rares.

Comment conclure sans évoquer votre défaillance en matière énergétique ? Après avoir fermé Fessenheim et abandonné le nucléaire, vous avez lancé un programme de construction de nouvelles centrales. C'est malheureusement tard, et, comme le fait observer la Cour, notre pays paie l'addition de vos choix : des dizaines de milliards d'euros manquent pour adapter les nouvelles centrales, les barrages et le réseau électrique au réchauffement climatique.

Monsieur le ministre - si vous m'entendez -, votre septennat aura mené le pays au bord de la faillite. Votre impréparation financière et le « en même temps » budgétaire grèveront longtemps la capacité de la France à préparer son avenir. (MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek applaudissent.)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) « Nos gains de performance ont un coût caché. La dette accumulée, longtemps restée invisible, se manifeste désormais au grand jour dans les écosystèmes. » Je fais miens ces mots d'Olivier Hamant, chercheur de l'INRAE. Ils expliquent de façon limpide comment notre modèle de production a suscité, en même temps, une dette économique et une dette financière.

Il est illusoire de croire que nous pourrons réduire l'une en continuant de creuser l'autre. L'urgence de la situation, sur un plan comme sur l'autre, nous oblige à changer de modèle, en cherchant à renforcer la robustesse de notre écosystème plutôt que sa performance.

Après avoir dû réviser sa prévision de croissance de 1,4 à 1 %, le Gouvernement est contraint d'annoncer des réductions budgétaires deux mois à peine après l'adoption de la loi de finances. Notre modèle économique, fondé sur un objectif de performance, vacille dès que celui-ci n'est pas atteint.

La Cour des comptes dresse dans ce rapport un double constat alarmant : situation préoccupante de nos finances publiques et défis pour adapter notre modèle au changement climatique. Je remercie son premier président d'avoir choisi ce dernier thème, mais je regrette vivement que le rapport n'ait pas été transmis plus tôt à notre commission de finances.

J'insisterai sur trois sujets qui me tiennent à coeur.

D'abord, la Cour estime impossible d'évaluer les investissements à réaliser pour l'adaptation du parc résidentiel. C'est à la fois inquiétant, car c'est un chantier incontournable, et rassurant, au sens où le champ des possibles est ouvert. Or nous disposons en la matière de marges de progression immenses, notamment grâce à l'internet des objets. La création dans l'Aube du cluster Patrimoine bâti 4.0 le prouve.

Ensuite, sur la modernisation des infrastructures de transport, je partage le constat de la Cour : la vétusté de certaines voies ferrées augmente leur vulnérabilité. Pour développer le ferroviaire, il faudra investir pour moderniser le réseau. Mais la fiabilité dépend aussi du personnel. À cet égard, je pense à une grosse coopérative agricole qui livre sa production par voie ferrée : les grèves à répétition et les absences inopinées la contraignent souvent à se rabattre sur le fret routier, avec un bilan écologique et économique déplorable.

Enfin, comme le souligne la Cour, nous devons mobiliser davantage de financements privés et publics pour l'adaptation de nos forêts, notamment communales, au changement climatique. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Stéphane Sautarel .  - S'agissant de la situation de nos finances publiques, déterminante pour la conduite de nos politiques nationales et notre influence en Europe et dans le monde, ce rapport s'inscrit dans la continuité des précédents, en plus sombre. Voilà qui interroge sur la capacité de la Cour des comptes comme du Sénat à se faire entendre...

La Cour critique avec force les prévisions de croissance du Gouvernement et juge la trajectoire budgétaire pour cette année précaire. L'année 2023 devrait se solder par un déficit public supérieur à 5 % du PIB, en dégradation par rapport à 2022 : elle n'a pas vu la sortie du « quoi qu'il en coûte ». La trajectoire votée pour 2023-2027 n'est ainsi pas tenue dès sa première année...

Depuis sept ans, nous nous heurtons à un ministre des finances tout puissant, dans l'autosatisfaction permanente et l'impunité totale. Aculé, il a été contraint à mettre en oeuvre le rabot à hauteur de 10 milliards d'euros, deux mois après le vote du budget.

Le noeud de l'inquiétude, ce sont les trois D : la dette et la dépense, qui creusent le déficit. Notre dette publique, qui atteindra 3 200 milliards d'euros à la fin de l'année, est déjà supérieure de 800 milliards à son niveau de 2019. La charge de la dette enregistrera cette année une augmentation spectaculaire de 10 milliards d'euros.

Sur la dépense, les efforts annoncés pour 2025 à hauteur de 12 milliards d'euros viennent d'être relevés à 20 milliards. Selon la Cour des comptes, le besoin est de 50 milliards d'euros sur 2025-2027. Réaliser des économies sera d'autant plus complexe que la charge de la dette augmente, que les lois de programmation nous obligent et que les besoins d'investissement sont élevés, notamment pour la transition écologique.

La complexité de l'adaptation suppose une action publique cohérente et efficiente : la Cour constate que nous en sommes loin.

La dépense sociale, qui représente la moitié de la dépense publique, ne doit plus engager les générations futures. Le budget de l'État doit être tourné vers l'investissement et sérieusement revu à la baisse. Quant à celui des collectivités territoriales, il doit cesser d'être la variable d'ajustement d'un État omnipotent et impuissant - nous avons à cet égard une vision différente de celle de la Cour. L'État doit rétablir la confiance pour bâtir une politique contractuelle responsable et équilibrée et s'engager enfin dans une véritable décentralisation.

Nous devons rétablir nos comptes non pour Bruxelles ou les agences de notation, mais pour les Français : nous n'avons pas d'autre choix. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes .  - Je me réjouis de l'organisation de ce débat : c'est un privilège pour la Cour des comptes, dont elle ne dispose pas à l'Assemblée nationale.

M. Jean-François Husson.  - Ici, on sait recevoir !

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes.  - Il témoigne de la prise en compte de nos observations par votre assemblée et de la qualité de notre collaboration.

J'ai entendu vos remarques sur le délai de transmission du rapport, mais c'est en réalité ce débat qui a été fixé très peu de temps avant la date prévue pour sa remise. Au reste, c'est sans doute préférable à un débat trop éloigné de la publication du rapport.

Je me réjouis d'autant plus de la grande convergence de nos travaux que je suis attaché à notre mission prévue à l'article 47-2 de la Constitution : contribuer à l'information du Parlement et au contrôle du Gouvernement.

Je suis étonné qu'on ait pu s'attendre à la présence dans ce débat du ministre de l'économie et des finances. La Cour des comptes se tient, comme le soulignait Philippe Séguin, à équidistance du Parlement et du Gouvernement. J'ai certes été ministre de l'économie, mais c'était il y a dix ans...

Le temps de l'effort est venu, non par goût de l'austérité ou pour complaire à Bruxelles, mais dans notre intérêt. L'une d'entre vous a cité Mendès France : oui, des comptes en désordre sont le signe d'une nation qui s'abandonne. Nous avons trop tardé à remettre notre maison en ordre. Au cours d'une vie publique un peu longue, j'ai appris qu'il n'y a pas de bonne politique sans finances saines. (MM. Jean-François Husson et Roger Karoutchi renchérissent.)

Certains ont parlé d'insincérité, d'optimisme, d'irréalisme. Je n'aime pas le terme d'insincérité, car il suppose une volonté de tromper. J'espère bien que les gouvernements successifs de notre pays n'ont pas eu une telle volonté. Mais on peut faire preuve d'un excès d'optimisme... Le Haut Conseil des finances publiques l'avait dit à propos du projet de loi de finances pour 2024 : la prévision de croissance de 1,4 % était très proche de l'irréalisme. Dans leurs futurs travaux, le Haut Conseil et la Cour feront preuve d'une très grande exigence.

Une revue des dépenses nous paraît nécessaire. Le rabot est toujours frustrant, parfois inintelligent. Pour assainir durablement nos finances, il faut soulever le capot des politiques publiques et examiner ce qui fonctionne, ce qui manque et ce qui ne fonctionne pas. Cette démarche doit être menée dans la durée et de façon démocratique. Le financement des collectivités territoriales et de la sécurité sociale doit être intégré à cette réflexion.

J'en viens à l'adaptation de l'action publique au changement climatique. Je suis fier que, pour la première fois, la Cour se penche sur ce sujet. Il s'agit d'un engagement durable de notre institution : nous avons vocation à en traiter au long cours.

J'ai noté vos observations sur le logement, les personnes âgées vulnérables ou l'agriculture. L'action nécessaire pour nous adapter est multiforme et territorialisée.

Nous devons aussi combattre la mal-adaptation. L'exemple des stations de ski est à cet égard éloquent. Je sais le sujet sensible, mais n'ignorons pas les réalités. De même, il faut agir maintenant sur le trait de côte pour éviter des dépenses supérieures plus tard : déménager 3 kilomètres de côtes coûterait 835 milliards d'euros, alors que 40 à 50 milliards seraient nécessaires pour agir efficacement.

Je ne vois pas de contradiction entre l'adaptation et le redressement de nos finances. (M. Thomas Dossus ironise.) La dette climatique et la dette financière sont intimement liées. Oui, nous devrons financer des dépenses nouvelles : comment le ferons-nous sans retrouver des marges de manoeuvre ?

À titre personnel, j'ai dit que la fiscalité n'était pas un sujet tabou. Le débat fiscal est l'essence du parlementarisme. Ce débat doit avoir lieu, étant entendu que la marge de manoeuvre pour augmenter notre taux de prélèvements obligatoires, déjà de 45 %, est limitée.

Mme Lavarde a cité Turgot. Oui, notre situation est sérieuse et les décisions ont trop tardé. C'est pourquoi nous avons besoin de volonté politique, de courage, d'intelligence et de pédagogie. Les Français sont un grand peuple ; nous pouvons faire beaucoup avec eux, à condition de les convaincre. C'est la condition de la confiance. (Applaudissements sur de très nombreuses travées)

M. le président.  - Merci à tous pour ce débat.

Huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président de la Cour des comptes.

M. le Premier président de la Cour des comptes quitte l'hémicycle.

La séance, suspendue à 18 h 15, reprend à 18 h 25.

Déclaration du Gouvernement relative au débat sur l'accord de sécurité franco-ukrainien et la situation en Ukraine

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative au débat sur l'accord de sécurité franco-ukrainien et la situation en Ukraine.

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC) Voilà un peu plus de deux ans, dans une offensive cynique et brutale, la Russie a attaqué l'Ukraine. Seule responsable du conflit, elle a attaqué une nation libre qui ne la menaçait pas, en violation de toutes les règles internationales. Ce constat objectif, nous le partageons à une écrasante majorité.

Nous avons toujours fait preuve de transparence. Deux comités de liaison se sont réunis depuis le début du second quinquennat du Président de la République. La semaine dernière, le chef de l'État a reçu les présidents des deux chambres et les chefs des partis politiques pour échanger sur la situation. L'Assemblée nationale a voté hier en faveur de l'accord de sécurité entre la France et l'Ukraine.

Ce débat au Sénat confirme notre volonté de transparence. La transparence passe par le vote, car nos concitoyens ont le droit de connaître sans ambiguïté la position de chacun.

Je reviendrai d'abord sur l'origine du conflit, car de sa compréhension découle tout ce que nous décidons de faire.

Certains, en Russie, nostalgiques de l'empire et de l'URSS, n'ont jamais accepté l'indépendance des anciennes républiques soviétiques. Menés par Vladimir Poutine, ces impérialistes ne supportent pas qu'elles puissent prendre leur destin en main et faire souverainement le choix de la démocratie.

En 2014, un vent de liberté soufflait sur la place Maïdan : l'Ukraine tournait son regard vers l'Europe. Il ne s'agissait pas de se rapprocher de l'Otan, mais de signer un accord d'association avec l'Union européenne. La Russie ne l'accepte pas : des troupes russes entrent en Crimée et l'annexent en violation des règles internationales.

Huit ans plus tard, le 24 février 2022, malgré les efforts du Président de la République pour éviter la guerre, le Kremlin lance sa prétendue « opération spéciale ».

Moscou misait sur une guerre éclair, mais la résistance du peuple ukrainien a été et reste exceptionnelle. Les Ukrainiens n'ont pas cédé : ils se sont battus et se battent pour chaque village, chaque maison, chaque mètre de leur territoire. Avec vous tous, je veux leur rendre hommage. (Applaudissements)

Face à cette résistance ukrainienne, la Russie n'a reculé devant aucune exaction ni aucun crime. À Kiev ou Kharkiv, des drones et des bombardements ciblent délibérément des quartiers résidentiels, tuant familles et enfants sans états d'âme. La liste des exemples est longue et glaçante : il y a dix jours, à Odessa, un drone russe a frappé un immeuble, faisant douze morts, dont cinq enfants. Depuis le début du conflit, on estime que 10 000 civils sont morts sous les frappes de la Russie.

Depuis deux ans, la Russie pratique une politique de la terre brûlée. Des villes entières sont rasées : Marioupol, Marinka, Bakhmout, Avdviika. Les découvertes macabres se multiplient : à Boutcha ou Izium, des massacres innommables se sont tenus. La Russie a commis des crimes de guerre barbares, dont elle devra répondre : nous en prenons l'engagement.

On sait aussi que plusieurs milliers d'enfants ukrainiens ont été enlevés et conduits dans des camps pour être « rééduqués ». La Russie a franchi toutes les limites : pas une horreur, pas un massacre ne l'arrête.

Poutine a attaqué l'Ukraine, mais c'est à toutes nos valeurs qu'il a déclaré la guerre. Croire à un conflit uniquement territorial, ce serait se fourvoyer. Poutine a voulu imposer la loi du plus fort pour établir un monde où n'importe quelle puissance pourrait soumettre une nation libre.

Poutine a voulu ébranler nos valeurs. Ne nous y trompons pas : c'est bien à nos modes de vie qu'il s'attaque. Tourner le dos à l'Ukraine, ce serait trahir nos valeurs ; ce ne serait pas la paix, mais la porte ouverte à de nouvelles guerres.

Depuis la première seconde, avec le Président de la République, nous sommes extrêmement fermes, aux côtés de l'Ukraine : nous l'aiderons autant qu'il le faudra.

Poutine pensait diviser l'Europe ; il avait tort : celle-ci a fait front et a pris des sanctions fortes. Malgré nos différences et les chantages russes, malgré la désinformation et les menaces, le Kremlin n'est pas parvenu à diviser l'Europe. C'est tout le contraire : l'Europe s'est transformée.

À la lumière de cette guerre, nous avons compris que la paix n'était pas acquise, que notre destin collectif pouvait vaciller à tout instant et que nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes.

En deux ans, sur la base de l'agenda de Versailles, la souveraineté de l'Europe a fait des pas de géant : souveraineté industrielle, sur les semi-conducteurs entre autres, souveraineté énergétique, avec la fin de la dépendance de certains pays d'Europe au gaz russe, souveraineté stratégique, avec l'adoption d'une boussole commune.

Nous sommes plus unis, forts et indépendants qu'avant, même s'il reste du chemin à parcourir.

Poutine n'y croyait pas. Nous lui montrons qu'il se trompait. En lançant sa guerre, Poutine pensait diviser l'Otan ; c'est tout le contraire avec des adhésions qui semblaient impensables, celles de la Suède et de la Finlande.

Sous l'impulsion du Président de la République, nous avons apporté un soutien infaillible à l'Ukraine.

Un soutien politique, d'abord. La France est aux avant-postes : elle se tient à l'écoute de son allié. Ces dernières semaines, s'est tenue à Paris une conférence de soutien à l'Ukraine avec 27 chefs d'État et de gouvernements.

Un soutien humanitaire, ensuite, avec plus de 210 tonnes de matériel et de médicaments et 50 opérations d'urgence : envois médicaux et évacuations sanitaires, appui à la sécurité civile ukrainienne, envoi de semences agricoles et de produits alimentaires. Nous avons accueilli 100 000 réfugiés et scolarisé 18 000 enfants.

La réaction des Français a été à la hauteur de l'histoire. Nous n'aurions pas pu réussir sans l'engagement et les initiatives des collectivités territoriales.

Notre soutien est aussi militaire. Nous avons répondu présent : les faits et les chiffres le prouvent. Nous avons livré des équipements avec trois critères : livrer ce dont l'Ukraine a besoin, sans fragiliser nos propres armées et en faisant tout pour éviter l'escalade.

Depuis le début, nous avons livré pour plus de 2,6 milliards d'euros d'équipements, avec l'objectif de répondre aux besoins des Ukrainiens sur le terrain. La France n'a qu'une parole : ce que nous nous sommes engagés à livrer, nous l'avons livré effectivement.

Nous sommes le deuxième contributeur à la facilité européenne pour la paix, en engageant 1,2 milliard d'euros.

Entre 2022 et 2023, la France a donc aidé militairement l'Ukraine à hauteur de 3,8 milliards d'euros.

Nous avons livré des missiles antichars et antiaériens, des équipements de protection et de l'armement individuel, puis des équipements plus lourds et plus complexes, avec les missiles sol-air Crotale ou les canons Caesar.

Nous avons fourni aussi des blindés légers, des lance-roquettes, des missiles Scalp. Nous allons poursuivre ces livraisons.

Le Président de la République a demandé aux industriels d'accélérer leur passage à une économie de guerre. Nous livrerons dans les prochains mois 150 drones, 100 munitions télé-opérées, 6 canons Caesar - et nous en financerons 12 autres. Nous produirons par mois jusqu'à 3 000 obus, une cinquantaine de bombes AASM et une quarantaine de missiles Scalp.

La France participera au financement de l'achat d'obus en masse, comme l'ont proposé les Tchèques.

Notre soutien s'incarne aussi au niveau européen. Nous avons agi pour sanctionner la Russie : treize paquets de sanctions ont été adoptés à l'unanimité, affaiblissant profondément la Russie, n'en déplaise à la désinformation orchestrée par le Kremlin.

Protection temporaire pour les réfugiés, aide humanitaire, aide militaire : au total, 85 milliards d'euros d'aide ont été apportés par les 27 pays de l'Union européenne.

Ce soutien se poursuit. Le mois dernier, le Conseil européen a adopté une aide de 50 milliards d'euros qui permettra au pays de tenir et de mener des réformes nécessaires à son redressement.

Nous voulons aller plus loin en acceptant de livrer des armes : c'est une véritable révolution copernicienne pour l'Europe. Nos ennemis comptaient sur cette impuissance ; or c'est l'inverse : 7,1 milliards d'euros d'armements ont été livrés.

Nous voulons aboutir à un outil de production militaire européen, qui fera l'objet du Conseil européen des 21 et 22 mars prochains.

Enfin, soutenir l'Ukraine, c'est reconnaître qu'elle se bat tous les jours pour nos valeurs et qu'elle fait partie de la famille européenne. Nous sommes à un point de bascule dans le conflit. Cette guerre de positions s'inscrit dans la durée. Pour la Russie, le temps est désormais un allié. Elle compte sur la lassitude des opinions publiques désinformées et sur les échéances électorales prochaines, aux États-Unis comme en Europe.

Dans le même temps, elle durcit sa position sur son territoire national, en renforçant la chape de plomb sur la population. Je veux rendre hommage à Alexeï Navalny, (applaudissements prolongés sur les travées du RDPI, du RDSE, du GEST et des groupes SER, UC, Les Républicains et INDEP ; M. Pierre Ouzoulias et Mme Michelle Gréaume applaudissent également) cet opposant mort de façon tragique en prison. Le message est clair : le régime russe est autoritaire, déterminé à combattre nos valeurs et nos intérêts.

Sur le terrain, en Ukraine, la Russie multiplie les exactions. Parce qu'elle a pris la ville d'Avdiïvka à un coût exorbitant, elle veut faire croire qu'elle reprend l'initiative.

En Syrie, dans le Caucase, en Asie centrale et en Afrique, la Russie devient un acteur méthodique de la déstabilisation du monde, grâce à ses faux nez et ses mercenaires.

Elle propage de fausses nouvelles - la France est une cible de choix. Elle multiplie les cyberattaques. Elle engage une militarisation de l'espace et met en danger nos satellites, au mépris de toutes les règles internationales.

La Russie est non seulement une menace pour l'Ukraine, mais aussi pour l'Europe et pour le peuple français.

Si nous faiblissons face à une puissance qui ne croit qu'à la force, les conséquences seront dures. La première ligne de défense se situe en Ukraine et la Russie ne peut ni ne doit gagner. Pas simplement au nom d'arguments moraux - car que signifierait pour la vie quotidienne des Français une victoire russe ? Ce serait la fin d'un ordre international fondé sur le droit, un blanc-seing donné à toutes les puissances révisionnistes, le signal qu'attendent les régimes autoritaires pour sonner la fin de l'histoire des démocraties libérales, le danger constant des appétits insatiables pour une sécurité européenne qui s'affaiblit, la prolifération de nouveaux conflits à quelques kilomètres de nos frontières, la perspective de millions de réfugiés sur le continent. Ce serait un danger direct pour notre sécurité alimentaire : si la Russie prenait le contrôle des céréales ukrainiennes, elle en fixerait les prix comme bon lui semble. Ce serait un risque de panne énergétique généralisée : elle serait en mesure de déstabiliser encore davantage le marché de l'énergie. Je le dis clairement : la guerre actuelle a évidemment un impact, mais une victoire de la Russie serait un cataclysme pour le pouvoir d'achat des Français.

Je pourrais poursuivre cette longue liste. En résumé : le coût supporté par les Français serait décuplé. Le succès de l'Ukraine est dans l'intérêt des Français.

C'est pourquoi nous devons réagir, et pourquoi le Président de la République a appelé à un sursaut.

En refusant toute escalade, nous prenons nos responsabilités : tel est le sens de l'accord conclu le 16 février dernier, sur lequel nous vous demandons de vous prononcer. Il représente d'abord un engagement politique fort à renforcer les capacités de l'Ukraine sur tous les fronts afin de décourager toute nouvelle agression à venir.

L'accord fait suite à la déclaration adoptée par le G7 le 12 juillet 2023 en marge du sommet de l'Otan à Vilnius - démarche adoptée par 25 pays supplémentaires.

Sept pays, dont la France, ont signé des accords bilatéraux : nous vous proposons donc de vous engager dans un élan de solidarité internationale. En cas de nouvelle agression russe, nous devrons fournir une assistance militaire et économique rapide à l'Ukraine. Cet accord prévoit 3 milliards d'euros de soutien supplémentaire en 2024, presque deux fois plus qu'en 2022.

Nous vous demandons d'affirmer que la France est un partenaire fiable et porteur d'initiatives, telles que la livraison de chars légers et de capacités qui font la différence sur le terrain - canons Caesar ou missiles Scalp.

En contrepartie, l'Ukraine s'engage à poursuivre sa trajectoire ambitieuse de réformes, notamment en matière de lutte anticorruption, de consolidation de son État de droit, de décentralisation, de modernisation de son secteur de défense ou encore de transformation de son agriculture vers les standards européens.

Cet accord n'est pas juridiquement soumis à la ratification du Parlement, mais le Président de la République a souhaité que vous votiez.

J'appelle chacun à la responsabilité.

Au-delà de cet accord, la France mobilise la communauté internationale. Lors de la réunion du 26 février, de nouveaux engagements ont été pris. Collectivement, nous avons choisi de renforcer nos livraisons de munitions. Collectivement, nous avons décidé de renforcer la défense antiaérienne et la capacité à frapper dans la profondeur.

De nouveaux axes d'efforts ont été identifiés : renforcer la défense cyber et les capacités de déminage, coproduire de l'armement, assurer la défense de pays menacés par la Russie tels que la Moldavie.

Ces engagements ont porté leurs fruits, loin des caricatures des perpétuels partisans du déclin. Lors de la conférence ministérielle de suivi de la semaine dernière, des dizaines d'États partenaires ont accepté de s'engager.

Grâce à l'engagement du Président de la République et du Gouvernement, la France joue un rôle moteur. Nous avons administré un électrochoc salutaire. Nous jouons notre rôle. Nos partenaires sont libres d'avancer comme ils le souhaitent.

Dans un moment aussi grave, il n'y a pas de place pour l'instrumentalisation. (Murmures ironiques sur les travées des groupes CRCE-K, SER et Les Républicains)

Nous n'excluons par principe aucune option. Nous soutenons l'Ukraine sans faire la guerre à la Russie. Nous continuerons à adapter notre soutien aux besoins des Ukrainiens. (M. François Patriat applaudit.) En deux ans, beaucoup d'évolutions ont eu lieu. L'entrée de la Suède et de la Finlande dans l'Otan semblait impensable, comme la livraison d'armes par l'Europe.

Il y a une différence entre soutien militaire et cobelligérance, que nous pratiquons tous les jours.

Ces propos sont fermes, certes, mais aucun pays plus que la France n'a oeuvré au dialogue avec la Russie, que ce soit dans les négociations en format Normandie sous l'égide du président Hollande, dans les rencontres entre le Président de la République et Poutine, dans l'organisation d'une rencontre - la dernière - en décembre 2019 entre Poutine et Zelensky, ou, dans les heures précédant le conflit, lorsque le Président de la République s'est rendu à Moscou pour éviter la guerre. (Mme Sophie Primas lève les yeux au ciel.)

La position de la France est inchangée : nous prônons une solution négociée qui respecte les intérêts de l'Ukraine et nos propres intérêts.

Hier, à l'Assemblée nationale, certaines voix ont dit qu'elles ne soutenaient pas cet accord parce qu'elles plaidaient pour une solution négociée. Mais comment imaginer une telle solution si la situation reste la même, si la Russie domine totalement l'Ukraine, si elle met un pistolet sur la tempe des Ukrainiens ? (M. Cédric Perrin approuve de la tête ; Mme Cécile Cukierman proteste.) Une solution négociée passera par un rapport de force.

Dans quelques instants, vous voterez sur notre soutien à l'Ukraine, sur notre capacité à défendre nos valeurs. Les Français nous regardent. Ils tiennent à notre liberté et à notre démocratie. Ils ont compris les dangers qui les attendaient en cas de victoire de la Russie.

Évidemment, les montants font réagir. Certes, cela a un coût, mais notre liberté et nos valeurs n'ont pas de prix. Si la Russie l'emportait, les sommes seraient autrement plus importantes.

L'Ukraine nous regarde - je salue son ambassadeur, présent en tribune. (Mmes et MM. les membres du Gouvernement et Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent l'ambassadeur.) Elle attend la confirmation de votre engagement. Nos partenaires nous regardent aussi. Ils attendent de nous que nous montrions l'exemple.

La Russie nous regarde aussi, elle qui veut nous diviser.

Dans le respect des convictions et des histoires de chacun, je sais pouvoir compter sur votre engagement.

Cette nuit, l'amiral Philippe de Gaulle est mort. (Murmures désapprobateurs ou ironiques à gauche et à droite)

Mme Silvana Silvani et M. Pascal Savoldelli.  - Ça, c'est de l'instrumentalisation !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Non, je devais lui rendre hommage.

Pendant plus d'un siècle, il a fait souffler l'esprit de résistance. C'est bien de cet esprit de résistance si français qu'il est question. Résistance face à l'oppression et à l'invasion, pour nos valeurs : la Russie ne peut gagner. Si l'Ukraine perd, nous perdrons nous aussi.

Mme Silvana Silvani.  - C'est indécent !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Hier à une large majorité, l'Assemblée nationale a voté cet accord. Aujourd'hui je sollicite l'approbation du Sénat. Ensemble, soyons fidèles à notre histoire. Demeurons du côté de la justice et de la résistance. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées des groupes SER, UC, RDSE, Les Républicains et INDEP)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Débattre de la guerre d'Ukraine, bien sûr : le Parlement ne saurait être contourné. La donne est très différente par rapport à il y a deux ans. Débattre oui, mais de quoi ?

Depuis quelques semaines, l'inquiétude sur l'issue du conflit s'est doublée d'une inquiétude sur la confusion française, tant les déclarations intempestives du Président de la République ont déconcerté nos alliés, tant elles ont donné le sentiment d'un mélange déplacé entre la politique étrangère et la politique intérieure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur plusieurs travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe UC)

J'essaierai de me situer au-delà de cette polémique.

Première inquiétude : l'issue du conflit. Une nation s'est révélée, l'Ukraine, par une résistance héroïque et malgré plusieurs obstacles : l'aide américaine bloquée par le Congrès, un soutien européen qui peine à se concrétiser, la froide obstination de l'autocrate russe, pour qui rien ne compte et qui soumet sa population à une militarisation sans précédent.

Étrange paradoxe : la Russie, ajoutée à la Biélorussie, c'est à peu près 3,3 % du PIB de l'Occident. Comment ces 3,3 % du PIB peuvent-ils produire cet effort de guerre ? Il est loin le temps où un ministre de l'économie français affirmait il y a deux ans que nos sanctions allaient « provoquer l'effondrement de l'économie russe »... (On ironise à gauche.)

M. Mickaël Vallet.  - L'économie française, oui !

M. Bruno Retailleau.  - Les sanctions, nous les avons acceptées. Force est de constater qu'elles n'ont pas affaibli la Russie : au contraire, elles ont renforcé son autonomie vis-à-vis des marchés occidentaux. Pourquoi ? Parce qu'à côté de l'Occident, il y a un autre monde !

Aujourd'hui, notre effort de guerre peine à s'adapter aux rythmes des combats. Bien malin qui pourrait prédire l'issue de ce conflit. Il faudrait être la reine de Saba avec son bouclier...

Deuxième inquiétude : le Président de la République n'a pas exclu l'envoi de troupes sur le front. Vingt mois plus tôt, il avait déclaré qu'il fallait veiller à ne pas humilier la Russie - position compréhensible. Ces tête-à-queue ont eu pour résultat d'isoler la France et de déconcerter nos alliés.

Il voulait maintenir une ambiguïté stratégique ; mais quand vous forcez nos alliés à déclarer qu'aucun d'entre eux n'enverra de troupes sur le front, l'incertitude disparaît. (M. Mickaël Vallet le confirme.)

Pour qu'un État tienne son rang, il faut que le chef de l'État tienne une ligne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER ; M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)

Pour nous, la ligne de la France doit rester la même que depuis le début : tout faire pour que la Russie ne gagne pas cette guerre, mais ne rien faire qui nous entraîne dans une guerre que nous ne voulons pas. C'est une ligne de crête, je le reconnais ; mais c'est la seule compatible avec l'intérêt de la France.

Vous avez cité l'amiral de Gaulle : si nous soutenons l'Ukraine, c'est au nom d'un double combat peut-être gaullien et certainement français : celui de la souveraineté des nations et de la liberté des hommes.

La nation contre l'empire, la frontière contre les marches, le droit contre la force brute ou la violence, c'est le combat français.

Poutine tente de marier les deux histoires de la Russie : la tsariste et la soviétique.

Face à cet empire, la nation ukrainienne s'est révélée, mais a aussitôt découvert le sort tragique de ces « petites nations dont l'existence ne va pas de soi », selon les mots de Milan Kundera dans Un Occident kidnappé.

« Il existe un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde », a écrit le général de Gaulle. Nous ne pouvons pas tolérer le retour de l'homme rouge à l'est de l'Europe. (MBruno Retailleau martèle le pupitre ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Car nous assistons au retour des vieilles pratiques soviétiques (sourires incrédules à gauche ; Mme Cathy Apourceau-Poly s'amuse), du mensonge institutionnalisé, comme en témoigne Viktor Erofeev, de l'assassinat politique, comme l'illustre celui d'Alexeï Navalny.

Le crime est récompensé : la statue de Félix Dzerjinski, déboulonnée à Kiev, trône désormais à Moscou. La mémoire est verrouillée, avec la dissolution de l'association Mémorial qui travaillait sur les crimes du soviétisme. Comme le disait Soljenitsyne, l'archipel a été, l'archipel demeure, parce qu'il n'y a pas eu de Nuremberg du soviétisme.

M. Mickaël Vallet.  - Pas plus que du franquisme.

M. Bruno Retailleau.  - Nous soutenons l'Ukraine pour ces raisons profondes. La Russie nous a agressés en Afrique et nous mène une guerre hybride.

Mais il faut accorder deux impératifs : la solidarité et la réalité. Aujourd'hui, un cessez-le-feu, un armistice sont totalement hors de portée à court terme. En revanche, notre but doit être de rendre pour Poutine - qui ne comprend que le rapport de force - la poursuite de la guerre plus coûteuse que le refus des négociations.

Ne nous payons pas de mots. Ne compensons pas des actes trop faibles par des déclarations tonitruantes. Ce qui compte, c'est le soutien militaire.

Dans cet accord, deux points nous interpellent. L'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne ne peut pas être à l'ordre du jour. Il y a trop d'obstacles : la nécessaire réforme des institutions européennes - et l'unanimité, nous le savons, est requise ; le fait que nos agriculteurs n'ont pas à payer ce conflit ; l'article 42.7 du traité sur l'Union européenne qui prévoit une assistance mutuelle entre États membres.

L'adhésion à l'Otan, aussi : l'Ukraine n'y entrera pas tant que la guerre se poursuit.

Plutôt que d'incertaines promesses, ou des déclarations guerrières, donnons à l'Ukraine les moyens de se défendre. Ne traitons pas de lâche tel ou tel de nos alliés.

Monsieur le Premier ministre, vous êtes optimiste. Mais, puisque c'est une guerre de stock, ce sont les munitions qui comptent. En deux ans, nous avons livré 30 000 obus, selon un rapport de la commission des affaires étrangères - c'est ce que consomme l'artillerie russe en une grosse journée. Il y a quelques jours, à Tarbes, l'unique usine qui construit les corps d'obus en France était en panne. Ne nous payons pas de déclarations susceptibles d'effrayer la population.

L'année 2024 sera décisive. L'Union européenne a clamé qu'elle avait connu un réveil stratégique ; mais a-t-elle réellement ouvert les yeux ? Les trois quarts des armes livrées sont achetées, dont les deux tiers aux États-Unis...

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Cela va changer !

M. Bruno Retailleau.  - ... alors que nous avons une industrie de production de munitions.

Nous prenons acte de cet accord, pour ce qu'il est. Ce n'est pas un traité, sinon vous auriez utilisé l'article 53 de la Constitution. (MM. Gabriel Attal et Sébastien Lecornu le confirment.) C'est un signal de solidarité. Notre vote est un vote de soutien à l'Ukraine et en aucun cas de soutien au Président de la République ou au Gouvernement. Je prononce ces mots de façon solennelle.

Monsieur le Premier ministre, vous avez parlé d'instrumentalisation ; croyez-vous que la France n'est pas suffisamment archipélisée pour qu'il faille y ajouter la fragmentation ? Devant l'adversité, l'unité n'est-elle pas une force ? Les enjeux sont si importants qu'il nous faut nous rassembler. Les temps tragiques sont de retour où le destin frappe à la porte de l'Europe. C'est pourquoi nous devons nous hisser à la hauteur de l'histoire.

Isaac Newton... (On s'impatiente sur plusieurs travées à gauche.)

M. le président. - Veuillez conclure.

M. Bruno Retailleau.  - ... Isaac Newton disait : « Je sais calculer le mouvement des corps pesants, mais pas la folie des foules. » (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Rachid Temal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je salue le choix par le Gouvernement d'un débat avec vote - je dirais... enfin ! Il en faudrait plus souvent.

Je veux rendre hommage aux femmes et aux hommes d'Ukraine qui se battent depuis deux ans, qui subissent les bombes, les viols, l'envoi de leurs enfants en Russie.

Je veux rendre hommage aux Français qui ont su accueillir des réfugiés ukrainiens et continuent à les accompagner. Il n'y a rien de pire que de quitter son pays en y laissant sa famille et ses morts.

Je veux aussi rendre hommage aux opposants russes et bélarusses, qui risquent aussi leur vie, seulement pour dire non ou appeler à la liberté.

Il faut être à la hauteur des débats. Le moment de l'histoire est critique. Ce monde dans lequel nous plongeons, c'est la fin d'une parenthèse heureuse. Dorénavant, le risque de la guerre totale devient une réalité à prendre en compte. La loi de programmation militaire (LPM) devra sans doute être adaptée.

Depuis son accession au pouvoir en 1999, le dictateur de la Russie n'a mené que des guerres entre deux pauses diplomatiques : Tchétchénie, Géorgie, Ukraine, Syrie, Afrique, et de nouveau Ukraine. Cela doit interroger celles et ceux qui disent qu'il a été provoqué. Vladimir Poutine a la volonté de revenir à un empire russe.

Poutine a refusé tous les traités. Il a ignoré le traité de 1991 sur les frontières entre la Russie et l'Ukraine. Il n'a pas respecté les accords de Minsk. En 2014, le Président Hollande a courageusement refusé de livrer les Mistral. C'est le charme de Twitter que de retrouver les propos de certains à l'époque (« Oh » sur les travées du groupe Les Républicains), à l'extrême droite, mais aussi quelques-uns au sein de la droite républicaine -, mais ils ont changé d'avis, depuis...

Certains prétendent qu'il faut faire la paix, que nous serions trop durs avec Vladimir Poutine. J'ai le souvenir d'un candidat aux trois dernières élections présidentielles - chacun pourra en chercher le nom... - qui souhaitait une conférence sur les frontières, répondant ainsi au souhait de Poutine. Je me souviens de l'extrême droite, qui a soutenu les faux référendums en Crimée ou au Donbass et qui, finalement, doit payer ses intérêts à son banquier...

Nous sommes inquiets quant au maintien du front. Il y a quelques mois, nos amis lançaient une grande offensive. Aujourd'hui ils sont en situation défensive extrêmement difficile. Avec le blocage de l'aide américaine, le front sera-t-il encore tenu dans quelques mois ? C'est pourquoi il faut aller de l'avant.

Déjà, les bruits de bottes se dirigent vers la Moldavie. Les pays baltes ont une frontière soit avec la Russie, soit avec le Belarus, qui est l'allié ou le vassal de Poutine.

Que faire ? Monsieur le Premier ministre, je sais tout ce que la France a déjà fait. La réalité, c'est que les Ukrainiens ne peuvent tenir dans ces conditions (M. Sébastien Lecornu acquiesce) : l'Europe et les Américains ne produisent pas suffisamment d'armements.

Le groupe SER a des propositions : il faut entendre les craintes des Français. J'invite le Président de la République, qui prendra la parole demain soir, à les fédérer.

Il faut aussi produire plus rapidement. Nous proposons un livret d'épargne défense souveraineté, offrant à chaque citoyen une protection de son épargne tout en aidant son pays. Mettons-le en place au plus vite.

Aidons les Ukrainiens à tenir leur budget : 53 % de leurs dépenses budgétaires vont à la défense. Les 200 milliards d'euros d'avoirs russes gelés dans les banques européennes doivent financer, pour leur partie française, l'achat d'armes.

Pourquoi pas un nouveau paquet de sanctions ?

La Banque européenne d'investissement (BEI) ne peut pas, à ce jour, financer notre industrie d'armement ; elle doit pouvoir le faire.

Je pourrais aussi citer le travail que nous menons avec M. de Legge sur les ingérences.

Il faut revoir la LPM, qui comportait une clause de revoyure. La situation nous oblige à reprendre nos travaux, et prévoir des mesures exceptionnelles pour produire davantage.

Sur quoi votons-nous ? Une déclaration de principe ? Cela ne pose pas de problème au groupe SER. Mais il faut le dire aux Français : ce n'est pas un accord contraignant, pas un blanc-seing pour le Gouvernement ni une déclaration de guerre contre la Russie.

Ce n'est pas l'entrée en guerre de la France, ni l'envoi de troupes combattantes en Ukraine ni l'entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne ou dans l'Otan.

Nous adressons un message aux Français, aux Ukrainiens, aux Russes. Nous voterons cette déclaration d'autant plus facilement que nous avons une longue tradition d'aide aux pays en difficulté.

Jean Jaurès écrivait en 1911 L'Armée nouvelle. Il était pour la paix, mais il fallait une armée pour la défendre. Vive l'Ukraine, vive la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST, du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC et du RDSE ; M. Philippe Tabarot applaudit également.)

M. Philippe Folliot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Avec l'agression russe de l'Ukraine, c'est la première fois depuis 80 ans que deux nations du continent européen sont en guerre ouverte. C'est la résultante de la cécité collective, voire de nos lâchetés après les agressions de Poutine en Géorgie puis dans le Donbass et en Crimée.

Les deux belligérants sont en voie d'épuisement après plus de deux ans de guerre, deux ans de sang versé par les soldats et de civils morts sous les bombes. La répression se radicalise aussi en Russie : toute opposition est durement réprimée. Ayons une pensée émue pour Navalny.

Cette guerre est duale : à la technologie du XXIe siècle s'associent des schémas tactiques qui rappellent les affres de la Première Guerre mondiale.

En février 2023, au coeur de l'hiver, je me suis rendu sur la ligne de front, à quelques kilomètres de Bakhmout. Quelle leçon de vie ! J'ai trouvé des combattants ukrainiens, russophones pour la plupart, épuisés mais motivés. Ils m'ont expliqué qu'ils se battaient pour les femmes et les enfants à l'arrière, mais aussi pour leur pays, son indépendance et son intégrité. J'ajouterais que, de fait, ils se battent aussi pour nous, notre modèle démocratique et pour le respect du droit international.

J'ai une pensée pour deux Ukrainiens. Yehor est un combattant de 2014 devenu vice-président de la commission de la défense de la Rada. Il est un infatigable combattant de la cause ukrainienne. Magnit était sculpteur avant le conflit et s'est retrouvé en première ligne. Dans les yeux de ses camarades, j'ai vu tout le respect qu'ils lui vouaient. Il est aujourd'hui en convalescence dans un hôpital près de Kiev. Souhaitons-lui un prompt rétablissement.

Les tirs opérationnels du canon Caesar, auxquels j'ai assisté, ont été très instructifs. Les soldats ukrainiens m'ont expliqué la difficile comptabilité entre leurs munitions et nos armes, ne faisant qu'un tiers de tir avec les obus de 155 mm que nous leur fournissions. Ils ont testé sept types de munitions avant de trouver celles, américaines, qui leur permettaient de tirer efficacement.

Les munitions ne sont pas interchangeables comme des capsules de café ! Si nous livrons désormais 3 000 obus par mois, les Russes en tirent 25 000 par jour, contre 5 000 pour les Ukrainiens. Nous sommes bien loin du compte !

Nous nous réjouissons que la France ait pris la tête de la coalition artillerie, et souhaitons que notre pays rejoigne la neuvième coalition, pour les frappes en profondeur, ainsi que la coalition aviation en livrant enfin des Mirage 2000 équipés de missiles Scalp, plus utiles sur le front que dans nos hangars.

La victoire de l'Ukraine est vitale pour la paix et la sécurité en Europe. Mais pour y parvenir nous devons sortir de la logique du trop peu, trop lentement, trop tard.

Le groupe UC soutient l'accord bilatéral de sécurité. Depuis 2022, la France a fourni près de 3,8 milliards d'euros d'aide à l'Ukraine, avec 3 milliards supplémentaires en 2024. Cette aide ne doit être ni surestimée ni sous-estimée : il y va de notre crédibilité. Ne cédons ni à la tentation de l'autoflagellation ni à celle de l'autosatisfaction, et mettons nos actes en accord avec nos mots.

Nous avons livré d'antiques véhicules de l'avant blindé (VAB), trois fois plus âgés que les soldats ukrainiens qui l'utilisent, mais aussi des AMX-10 RC, à l'utilité relative, mais dont la livraison a toutefois fait sauter un verrou psychologique chez les alliés pour l'envoi de chars lourds. (M. Sébastien Lecornu hoche la tête.) Nous devons écouter les Ukrainiens et satisfaire, dans la mesure du possible, leurs demandes. Mais n'engageons pas, avec une mobilisation au sol non sollicitée, une escalade du conflit.

La Russie profite aussi du conflit ukrainien pour multiplier les fronts et les affronts, à commencer par le front technologique avec les cyberattaques. L'élection présidentielle américaine exacerbe aussi le conflit, du fait des propos irresponsables de l'un des candidats.

L'Otan est fragilisée : l'article 42.7 du Traité sur l'Union européenne doit inviter l'Europe à assumer ses responsabilités, une Europe fière, volontaire, indépendante, capable d'assurer sa défense et son destin.

Le Sénat est amené à se prononcer, pour la première fois depuis 1958, par un vote sur la ratification d'un traité bilatéral de sécurité. Nous nous en félicitons.

Le groupe UC a toujours soutenu l'Ukraine. Je salue d'ailleurs l'engagement de notre collègue Nadia Sollogoub, présidente du groupe d'amitié France-Ukraine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, du RDSE et du RDPI)

Si nous devions voter sur la teneur de votre intervention, monsieur le Premier ministre, notre vote serait beaucoup plus partagé... Votre propos aurait mérité davantage de précisions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains, INDEP et CRCE-K)

En soutenant l'Ukraine, la France a rendez-vous avec l'histoire. Soyons à ce rendez-vous, en ce triste jour où l'amiral de Gaulle nous a quittés ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains, INDEP et du RDSE)

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Chacun se souvient des 22, 23 et 24 février 2022, journées de l'agression de la Russie contre l'Ukraine. Depuis lors, le peuple ukrainien donne une leçon de courage et de résistance, physique et morale, au monde entier. La Russie pensait arriver à Kiev en quelques jours, ne faire de la résistance ukrainienne qu'une bouchée : il n'en a rien été, il n'en est rien et il n'en sera rien.

L'Afghanistan a été le tombeau de l'Union soviétique ; l'Ukraine pourrait bien être celui du régime de Vladimir Poutine. Ce dernier peut se prévaloir de sa réélection prochaine, l'opposant qui faisait le plus peur a été éliminé. C'est une mascarade, un village électoral Potemkine.

Fort de son futur score soviétique, Poutine pourrait redoubler d'attaques, contre l'Ukraine comme ailleurs. La Russie est devenue une puissance de déstabilisation : dans le Caucase, avec la Géorgie et l'abandon en rase campagne de l'Arménie. C'est vrai aussi dans le Sahel, en Transnistrie ou dans les Balkans, où elle sème des vents de colère entre les peuples.

Ce débat revêt une importance particulière. Il doit avoir des conséquences pratiques et opérationnelles dans la durée.

C'est donc l'honneur de la France d'avoir suscité un électrochoc, pour ne pas nous réveiller demain avec la gueule de bois... Nous avons été les premiers à dire que l'envoi de chars n'était pas un tabou. Si la cause de l'Ukraine est légitime, en droit comme au nom de la morale, pourquoi mégoter sur notre soutien ?

Poutine, comme une partie des anciens cadres soviétiques, n'a jamais digéré la chute d'un empire soviétique fondé sur la déportation des peuples par leur prétendu « petit père ». Le régime russe affiche aujourd'hui la volonté de remettre en cause certaines frontières. Face à ce nouvel impérialisme, nulle position intermédiaire : l'Union européenne sera un sujet ou un objet. Ses nations seront un ensemble fort et uni ou des proies. Parlons-en avec nos frères baltes et de Pologne.

Bien sûr, l'Europe a permis la paix, là où, il y a quelques décennies, des VoPos de l'Allemagne de l'Est toisaient d'autres Allemands devant la Porte de Brandebourg.

Nous sommes les héritiers des pères fondateurs de l'Europe, mais aussi des combattants de la liberté : Lech Wa??sa et Solidarno??, Vytautas Landsbergis. Ne confondons pas paix et abdication : nous devons nous réarmer, ce que la France fait avec la loi de programmation militaire et ses troupes projetées à l'est de l'Europe.

Affirmons notre soutien à l'Ukraine, sentinelle du monde libre. La France le fait dès le premier jour, avec 10 000 soldats ukrainiens formés et 100 000 Ukrainiens ayant reçu une protection temporaire. Je n'oublie pas l'élan de générosité des Français et des collectivités, à travers les outils du centre de crise et de soutien du quai d'Orsay.

Après deux ans de guerre, il faut rétablir un meilleur rapport de force. Croire que la Russie viendra facilement à la table des négociations est une fable.

C'est tout l'enjeu de l'accord soumis à notre vote : soutenir plus et mieux l'Ukraine, dans la durée. Le groupe RDPI le votera.

Les propos tenus par le Président de la République à la conférence internationale de soutien ont enfin rencontré un écho fort à travers les intentions exprimées par les pays baltes, la Pologne et les Pays-Bas, au-delà du clapotis des commentaires. Je relève aussi le succès de l'initiative tchèque pour acheter des munitions, et de la coalition artillerie portée par la France.

Cet accord répond aux recommandations de la commission des affaires étrangères qui, dans son rapport « Pourquoi l'avenir de l'Europe se joue en Ukraine », soulignait l'urgence de produire plus d'armements en Ukraine.

Avec cet accord, la France assume son statut de grande nation, de pays fondateur de l'Union européenne et de membre du Conseil de sécurité de l'ONU. Nous devons être à la hauteur : cet accord est pour aujourd'hui et pour demain, pour notre sécurité, pour la paix, pour l'Ukraine et pour la France. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et des groupes INDEP et UC)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du RDPI, du RDSE et du groupe UC) Notre débat est crucial, pour quatre raisons. Premièrement, l'assassinat d'Alexeï Navalny a fait comprendre aux plus aveugles que le régime de Poutine n'est pas une démocratie illibérale ou une démocrature, mais une mafia d'État, une gangrène implacable avec laquelle toute discussion est d'abord une erreur, ensuite une lâcheté, enfin le doigt dans l'engrenage de la capitulation.

Deuxièmement, la menace sur la Moldavie montre aux idiots utiles que l'impérialisme russe n'en restera pas à l'Ukraine. Comme l'a dit le boucher de Moscou, les frontières de la Russie ne s'arrêtent nulle part.

Troisièmement, la coalition des États les plus riches du monde n'est pas capable de fournir autant de munitions que la Corée du Nord et l'Iran. C'est une honte.

Quatrièmement, la proximité de l'élection américaine force les Européens à se rendre maîtres de leur destin pour la première fois depuis 1945.

Ces constats me rendent-ils pessimiste ? En aucun cas. Les accords bilatéraux se multiplient avec, enfin, une prise de conscience des Européens de l'ouest, bien après ceux de l'est, déniaisés depuis longtemps.

Les pacifistes, les collabos, les défaitistes, les troupes de Poutine en France, comme vous avez eu raison de le dire, monsieur le Premier ministre, les poutino-pétainistes comme les poutino-wokistes, ceux qui ont voté contre ou se sont abstenus à l'Assemblée nationale, sont évidemment contre ces accords, comme ils se sont opposés à l'envoi d'armes en Ukraine et ont sali la mémoire de Navalny. Ils taxent le Président de la République de va-t-en-guerre, eux qui sont les va-t-en-capitulation.

Mme Cécile Cukierman.  - Vous mentez, monsieur Malhuret ! (On renchérit sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Claude Malhuret.  - La ligne jusqu'au-boutiste de Poutine ne changera pas et se durcit chaque jour. Je préfère le Président de la République lorsqu'il parle de la nécessaire défaite de la Russie plutôt que lorsqu'il disait qu'il ne fallait pas l'humilier.

J'entends Jordan-selfie, dents blanches, haleine fraîche, Ponce Pilate de la guerre en Ukraine, dire qu'il faut fixer les lignes rouges pour limiter de notre soutien.

M. Joshua Hochart.  - Quel niveau !

M. Claude Malhuret.  - Ce Gamelin du Dniepr (sourires) prétend être un jour Premier ministre de la France ! Je lui suggère une économie considérable : supprimer le budget des armées pour le remplacer par un répondeur disant à l'armée russe : « ne tirez pas, nous nous rendons ».

Les professionnels de l'agit-prop mentent aux Français quand ils leur disent que leurs enfants iront au front : nous avons une armée de métier. Les Ukrainiens se félicitent de la position française. Les Polonais, les Moldaves le disent.

Quant aux États-Unis et au Royaume-Uni, l'humour tout britannique a sans doute échappé aux va-t-en-défaite. Ainsi, Joe Biden, vieux routier de la guerre froide, annonce sans sourciller qu'il n'enverra pas d'Américains en Ukraine au moment même où le New York Times révèle l'existence de quatorze bases de la CIA dans le pays. (Sourires) Et le Premier ministre anglais annonce qu'il ne prévoit pas d'envoyer de nouvelles troupes pour le moment, au-delà de celles qui y sont déjà...

La présence de soldats alliés n'a pas incité Poutine à appuyer sur le bouton, malgré sa vingt-sixième menace en deux ans.

Reste Olaf Scholz qui, n'écoutant que son courage (sourires), ne jure que par la garantie américaine et est la cible de tous les partis allemands, pour son immobilisme. Je lui donne rendez-vous après les élections américaines en cas de victoire de Trump, lui qui aura mis tous ses oeufs dans un panier qui aura disparu.

Le nombre de ceux qui comprennent que la défaite de l'Ukraine serait la nôtre ne cesse de croître, et la lassitude n'empêche pas nos concitoyens de rester largement favorables à l'aide, alors que les traîtres panicocrates espéraient un lâchage dès l'hiver 2022.

Reste un point essentiel : passer de la parole aux actes. C'est là que le bât blesse. L'économie de guerre suppose de multiplier les commandes d'armements et d'ouvrir des sites de production. La part prise par la France est importante, mais pas encore suffisante. J'espère que cet accord changera la donne.

Le discours poutinien évolue comme le discours hitlérien des années 1930 : dire que le pays a été humilié - le coup de poignard dans le dos -, dire qu'elle doit retrouver son rang dans le monde, dire enfin que partout où il y a des minorités russophones, la Russie est chez elle. Cette propagande a été relayée par de nombreux complices, conscients ou inconscients. À l'éditorial de Déat, « Faut-il mourir pour Dantzig ? » répond : « Nous ne voulons pas mourir pour le Donbass ».

Aron disait : « Je crois à la victoire finale des démocraties, mais à une condition, c'est qu'elles le veuillent. » Cette phrase n'a jamais été d'autant d'actualité. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC, du RDPI et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Cécile Cukierman .  - Pour répondre aux sous-entendus, voire aux inexactitudes depuis le début de ce débat, j'affirme sincèrement, monsieur le Premier ministre, que je ne suis nostalgique ni de la Russie soviétique ni de la Russie de Catherine II. L'agression militaire de Poutine est injustifiable. Puisqu'il faut le redire, puisque des propos mensongers viennent d'être tenus, nous avons condamné l'agression dès les premières heures du conflit, un crime contre le droit international et contre la paix.

Nous exprimons notre profonde solidarité à l'égard du peuple ukrainien, qui résiste pour préserver la souveraineté de son pays. Des dizaines de milliers de soldats ukrainiens et russes sont mutilés, d'immenses territoires sont défigurés, des villes rasées, et aucune perspective ne se profile.

Malgré 200 milliards d'euros d'aide à l'Ukraine, et malgré une croissance insolente de 2,7 % et un triplement du budget militaire de la Russie, la ligne de front est figée depuis des mois. Mais la guerre ne s'apaise pas. Tandis que l'Ukraine peine à recruter, Poutine envoie sa jeunesse à la boucherie et enrôle de force dans les prisons.

Je salue à mon tour la mémoire d'Alexeï Navalny, assassiné, qui dénonçait depuis la prison les bellicistes. Or votre gouvernement nous invite à souscrire à la propagande belliciste. Le Président de la République, qui, il y a treize mois, voyait un accord possible selon « 10 000 formules différentes », n'en envisage plus qu'une seule : l'escalade guerrière.

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Il dit l'inverse.

Mme Cécile Cukierman.  - L'absence de limites claires sur le volet de la coopération militaire pose problème. Oui ou non, des militaires seront-ils envoyés en Ukraine ? Devrons-nous attendre la parole du Président de la République demain soir pour le savoir ? Quant à l'Otan, l'intégration de l'Ukraine serait un casus belli pour la Russie.

Emmanuel Macron assume l'ambiguïté stratégique, mais les réactions des chancelleries européennes sont tombées avec fracas : la majorité des États de l'Otan rejettent catégoriquement cette approche.

Notre parapluie nucléaire aurait vocation à s'étendre à l'Union européenne ? Quelle irresponsabilité de croire que l'arme nucléaire existe pour autre chose que pour un État-nation ! Quelle ineptie de penser que nous aurions les mêmes intérêts vitaux que la Pologne ou Chypre !

Monsieur le Premier ministre, mesurez-vous l'effroi de ces millions de nos concitoyens qui assistent, impuissants, à cet engrenage guerrier ? Comprenez-vous ces jeunes, leurs familles, qui ne peuvent accepter un conflit que personne ne cherche à régler par la négociation ?

À Prague, le Président de la République a persisté et signé. Que signifie ce terme de « lâche » qu'il emploie ? À qui s'adresse-t-il ? Cette dérive est à la limite de la cobelligérance.

Les budgets de défense des États membres atteindraient 236 milliards d'euros en 2022, 11 % de plus par rapport à 2021, et 284 milliards d'euros en 2025. Selon l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), 63 % des commandes européennes d'armements ont été passées aux États-Unis depuis la guerre en Ukraine.

Cette guerre, c'est aussi une opportunité pour les financiers de Bruxelles : deux tiers des 50 milliards d'aide à l'Ukraine sont des prêts avec intérêts.

Non, la guerre ne libère jamais : elle asservit les peuples !

Un conflit avec la Russie ne serait plus à exclure, mais mon groupe est convaincu d'une chose : face à une puissance nucléaire, certaines stratégies, comme celle de l'escalade, sont exclues. Dans un conflit nucléaire, il n'y a ni gagnant, ni perdant, seulement le risque de la destruction du continent européen.

Dès lors, une solution globale de sécurité s'impose. Les déclarations de Trump sur la conditionnalité de l'aide américaine doivent conduire à un sursaut de l'Union européenne. L'alignement atlantiste n'est plus possible : un cadre de paix pour la grande Europe est la seule stratégie, et un compromis acceptable devra être trouvé entre les belligérants : droit à la souveraineté de l'Ukraine et gages de sécurité pour la Russie.

Nous ne votons pas ce soir ici pour ou contre l'Ukraine, mais pour ou contre la politique du Gouvernement, pour ou contre votre déclaration, monsieur le Premier ministre. Nous voterons contre.

Les communistes n'ont pas à recevoir de leçons sur l'engagement patriotique. Tout le monde sait que les négociations démarreront tôt ou tard. Comme disait Prévert, « quelle connerie, la guerre » ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Monsieur le Premier ministre, en préambule, nous vous demandons de porter plus haut la voix de la France au Proche-Orient, et souhaitons une déclaration, au titre de l'article 50-1 de la Constitution, sur la situation à Gaza. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Pour consolider le soutien à l'Ukraine, il est indispensable de ne pas laisser prospérer le sentiment qu'il y aurait deux poids, deux mesures.

Monsieur le Premier ministre, même pour nous, Français habitués, qu'il est difficile de suivre le Président de la République ! (Mme Sophie Primas s'en amuse.) Je n'ose donc imaginer la perplexité des chancelleries occidentales... Certes, nous déplorons la frilosité du chancelier allemand, mais nous ne sommes pas convaincus de la disruption comme stratégie diplomatique. Le soutien polonais, balte, tchèque, est timide et tardif.

Contrairement à la France, l'Allemagne est une démocratie parlementaire digne de ce nom, sans domaine réservé soumis aux humeurs du prince-président.

L'unité est indispensable. Les écologistes ont toujours soutenu l'action du Gouvernement en soutien à l'Ukraine. Mais, monsieur le Premier ministre, votre puissante administration contient en son sein un trésor : le quai d'Orsay. Concentrer la diplomatie à l'Élysée est une dégénérescence de la Ve République. (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

Faire bouger quelques lignes exige-t-il une telle cacophonie ? Nous affichons nos divisions face à l'agresseur russe. Nous regrettons la médiocrité du débat public entre un Président de la République démesurément martial et certaines oppositions qui se fourvoient dans la perspective de négociations.

C'est d'autant plus dommage que la stratégie présidentielle est valable : il faut effectivement cesser d'afficher des lignes rouges que nous ne respectons pas. Ainsi, nous saluons la volonté de rétablir l'ambiguïté et cet accord avec l'Ukraine, et nous espérons que s'ouvre une nouvelle phase de notre soutien, pour éviter d'être à la remorque des demandes de Kiev, demandes qui, comme le rappelait Dmytro Kouleba, ministre ukrainien des affaires étrangères, ne concernent pas l'envoi de troupes. Les demandes incluent des armes, des munitions et des formations. Nous saluons l'envoi de missiles Scalp et sol-air, mais la France doit faire plus.

Il y a un an, nous vous demandions d'envoyer des chasseurs. Je vous repose la question : la France livrera-t-elle des Mirage 2000 D ?

Monsieur le Premier ministre, vous avez demandé un effort considérable à la nation pour défendre notre continent. Mais face à l'urgence, ce sont les Tchèques qui sont à l'initiative pour acheter 800 000 obus à l'Afrique du Sud. Nous comprenons la logique du Président de la République de favoriser la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne : achetons européen quand cela est possible, mais achetons à d'autres démocraties quand c'est nécessaire.

Les tensions du couple franco-allemand nous inquiètent, mais elles nous semblent dépassables. L'Europe de la Défense ne peut exister hors du cadre otanien : en témoigne l'adhésion de la Suède et de la Finlande.

Mais le chancelier allemand réalisera vite que le partenaire américain est chancelant. La victoire de Donald Trump à la prochaine élection présidentielle américaine est plausible. Quoi qu'il en soit, les fractures de la société américaine paralysent le congrès : l'aide diminuera. Il faut renforcer le pilier européen de l'Otan pour construire l'Europe de la défense. Nos deux pays reparlent d'une voix.

Monsieur le Premier ministre, cessez de financer l'économie de guerre russe et confisquez les avoirs russes pour les confier à l'Ukraine. Le gaz et l'uranium ne font toujours pas partie du 12e paquet de sanctions : nous avons acheté pour 30 milliards d'euros de ressources à l'ennemi, bien plus que l'aide à l'Ukraine. Et en économie de guerre, on ne laisse pas son premier énergéticien, TotalEnergies, faire fructifier ses affaires chez l'ennemi ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

Volodymyr Zelensky nous le rappelait lundi : « Vos enfants ne vont pas mourir en Ukraine. Mais nos enfants, eux, meurent, simplement parce que nous avons une frontière commune avec la Fédération de Russie. C'est nous qui payons le plus lourd tribut. »

Pour que la paix soit rétablie, Poutine doit perdre cette guerre. Sans hésitation, les écologistes voteront cet accord. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et INDEP)

M. André Guiol .  - Après quelques revers ukrainiens, le front se stabilise. Grâce aux précieuses livraisons d'armes, Kiev résiste. Ce n'est donc pas le moment pour que les démocraties s'interrogent sur leur soutien, alors que Poutine n'a aucun état d'âme dans la poursuite de son projet impérialiste.

Cet accord a un sens : il s'inscrit dans une stratégie de soutien de la France et de l'Union européenne, à la suite des engagements de Vilnius. Il ne fait qu'entériner l'assistance militaire à l'Ukraine.

Mais les limites de la mobilisation française sont-elles dictées par les seuls intérêts ukrainiens ? Certainement pas, tant la Russie déstabilise l'ordre international. Moscou est l'ennemi de Kiev, mais aussi de Paris, de Londres, de Berlin. Gardons le cap d'un soutien ferme.

À ceux qui trouvent encore des circonstances atténuantes au président russe, regardons sans masque le chaos qu'il a instauré : fausses informations, empoisonnements, bombardements de civils, entre autres. Ce n'est pas un roman de Ian Fleming, mais la dure réalité, surtout pour les Ukrainiens, qui meurent pour leur liberté, mais aussi pour la nôtre. Nous leur rendons hommage.

Poutine n'a jamais cessé de se comporter comme un belligérant. La Russie assume sa stratégie de guerre totale. Nous avons un temps péché par naïveté, mais il ne s'arrêtera pas aux frontières de l'Ukraine : les États baltes, la Pologne, la Transnistrie sont menacés.

Dès lors, le RDSE comprend la nécessité d'intensifier le soutien à l'Ukraine. Dans cette tragédie aux portes de l'Europe, certains devraient oublier les postures politiciennes et ne pas prendre en otage les élections européennes. Se prétendre une alternance crédible alors qu'on s'est affiché avec Poutine sur des tracts, est-ce sérieux ? En tout cas, c'est inquiétant.

Certes, nous pouvons débattre des lignes rouges : personne ne souhaite l'escalade. Mais l'espace entre faiblesse et fermeté est mince. Hier, on nous reprochait l'attentisme face à la Crimée et aujourd'hui, il faudrait tempérer les paroles.

Rappelons les prémisses de l'invasion, sous le prétexte grotesque de « dénazification ». Mais, tout simplement, Poutine ne supporte aucun contre-modèle : les pourparlers ne l'intéressent pas, sauf à reconstituer sa capacité militaire.

Nous devons aider les Ukrainiens, les Russes en exil, les pays baltes, qui sont en première ligne. Nous devons lutter contre la volonté du Kremlin d'en faire un conflit avec l'Occident, comptant sur le soutien chinois, nord-coréen, iranien et bélarusse. Face à l'alliance des autocraties, c'est bien notre modèle démocratique européen qu'il faut défendre.

Préférant la responsabilité à l'indifférence, le RDSE votera l'accord. Nous ne souhaitons pas la guerre, c'est pourquoi il faut la préparer. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP et UC ; M. Rachid Temal applaudit également.)

M. Christopher Szczurek .  - Trois minutes pour évoquer un sujet aussi complexe est une gageure.

Oui, la guerre de Poutine est une atteinte à la souveraineté de l'Ukraine et une menace pour la paix.

Oui, notre soutien va à l'Ukraine et la France n'a rien à regretter de ses actions. (M. Mickaël Vallet s'exclame.)

Oui, le peuple français doit se tenir aux côtés du peuple ukrainien, qui résiste avec ténacité.

Oui, en tant que premier adjoint de Steeve Briois à Hénin-Beaumont, je suis fier d'avoir aidé l'Ukraine et d'avoir accueilli des délégations d'élus et de familles ukrainiennes, pour leur offrir un peu de répit.

M. Mickaël Vallet.  - Vous êtes de bons chrétiens !

M. Christopher Szczurek.  - Oui, l'action de la France doit rester politique et morale, mais elle ne saurait devenir de la cobelligérance, au risque d'un embrasement mondial.

Oui, comme une majorité de Français, nous nous interrogeons sur la posture martiale d'Emmanuel Macron : à vouloir être monsieur plus, il devient monsieur trop - même si cela ne justifie pas les attaques de Dmitri Medvedev, qui, à travers la fonction présidentielle, dégrade la nation française.

Cet accord ne nous semble pas indispensable. Surtout, il est contraire à certains intérêts de la France, notamment agricoles et économiques.

Notre position sur ce conflit s'inscrit dans la grande tradition géopolitique française. Faire croire, pour des raisons électoralistes, qu'elle serait celle du parti de l'étranger est abject, en plus d'être mensonger.

M. Mickaël Vallet.  - Parole d'expert !

M. Christopher Szczurek.  - Pour que la France ne se retrouve pas encore plus isolée, les trois sénateurs RN s'abstiendront sur cet accord. (On ironise sur plusieurs travées.)

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées .  - Merci pour ce débat de qualité. Tout d'abord, la formation est un point essentiel. La forte attrition s'explique par un sous-entraînement des conscrits. La France forme un tiers de l'objectif total que se sont fixé les Européens : infanterie, artillerie, aviation de chasse, entre autres. Nous continuerons ces formations en Pologne et dans nos bases sur le territoire national.

Ensuite, M. Lemoyne l'a rappelé, des initiatives nouvelles émergent après la conférence de Paris. Je pense aux frappes en profondeur, c'est-à-dire derrière la ligne de front, avec les Scalp et les Storm Shadow. Les bombes A2SM sont un game changer, car elles ont été adaptées aux avions de classe soviétique.

La cyberdéfense est aussi un élément clé, mais sur lequel nous partageons peu entre nations européennes : c'est là un axe de progrès, jusqu'à aller suppléer les forces ukrainiennes.

Il est nécessaire de produire davantage en Ukraine : c'est surtout vrai pour le maintien en condition opérationnelle (MCO). Nous l'avons vu avec les canons Caesar. La production de pièces détachées sur le territoire ukrainien est donc essentielle. J'y reviendrai devant votre commission, monsieur Perrin : Arquus, Delair et Nexter sont les trois premières candidates. Nous sommes la première nation à prendre ce risque. Avec les annonces de Rheinmetall il y a quelques semaines, cela permettra d'agir en Franco-Allemands...

Bruno Retailleau a évoqué la bataille de l'arrière, qui est aussi industrielle, et Claude Malhuret a rappelé nos difficultés à produire plus vite, pour l'Ukraine comme pour l'approvisionnement de nos propres forces armées et l'export. Ces difficultés s'expliquent par la baisse de la commande militaire de la fin de la guerre froide à 2017. Résultat : une perte de muscle importante. La BITD a privilégié les sauts technologiques et l'innovation sur la capacité à produire.

De plus, nous avions des besoins précis : Serval et Barkhane étaient un combat de forces spéciales et d'hélicoptères, pas d'artillerie. Or ce sont les besoins actuellement constatés en Ukraine. Dès lors, cela prend du temps. La situation est contrastée en fonction des segments. J'en profite pour rendre hommage aux ouvriers, aux techniciens et aux dirigeants des usines d'armement. Le délai de production des missiles Mistral a été divisé par deux, les capacités de production des Caesar ont triplé, et doublé pour les radars Thales GM-200.

Nous avons des gammes de produits sur lesquels cela avance. Sur d'autres segments, les choses sont plus complexes. Le missile Aster sol-air nous préoccupe. Les stocks sont tombés très bas ces dernières années. Nous avons commandé plus de 200 missiles en janvier 2023. Le calendrier de livraison de MBDA peut nous amener fin 2025. Le missile coûte 3 millions d'euros pièce.

Nous pourrions avancer la livraison à 2024.

Nombre de sénateurs ont évoqué les munitions. Parmi les obus de 155 mm, tout ne se vaut pas. Ceux de Nexter, peut-être plus chers, vont plus loin que les autres.

La fiabilité des équipements n'est pas égale. Nous devons trouver le point d'équilibre entre temps de production et qualité du matériel, dans un environnement où les normes de protection pyrotechnique ne sont pas les mêmes qu'en Ukraine.

En 2023, monsieur Retailleau, la France a produit 30 000 obus de 155 mm. Notre objectif est de doubler la production. La difficulté à l'usine de Tarbes est l'accès à la poudre, qui doit être achetée dans les pays du nord de l'Europe ou en Allemagne. Nous avons décidé de relocaliser une production de poudre à Bergerac, mais cela prend du temps. Cet enjeu majeur est clairement identifié par la direction générale de l'armement (DGA).

Les sénateurs Folliot et Temal nous ont demandé d'être à l'écoute des Ukrainiens. Cela vaut pour les équipements terrestres. Vous avez brocardé le vénérable VAB de l'armée de terre française qui a rendu de fiers services et continue à le faire... Ces segments sont demandés par les Ukrainiens. Il n'y a pas de protection du front sans protection des troupes, et le VAB l'assure. Nous sortons des VAB de nos stocks dans une démarche gagnant-gagnant avec l'Ukraine.

Plusieurs équipements vont évoluer. Nous bénéficions ainsi d'un retour d'expérience des Ukrainiens sur l'IA des canons Caesar. Nous pourrons ainsi mieux nous protéger et économiser des obus. La petite entreprise française Delair nous offrira aussi l'occasion d'un programme gagnant-gagnant avec l'Ukraine autour des drones kamikazes.

Dans un conflit qui dure, malheureusement, nous pouvons réfléchir à des programmes d'armement dont nous serons autant bénéficiaires que l'armée ukrainienne.

Le Président de la République a demandé au Gouvernement d'élaborer un nouveau paquet d'aide militaire, jusqu'à 3 milliards d'euros. Il conviendra de répondre présent sur l'artillerie, la défense sol-air, les frappes dans la profondeur, notamment.

M. Temal a évoqué la LPM. Dézoomons, notamment sur la question de la sécurisation des espaces maritimes. Nombre de nos constats sont toujours d'actualité, sur les munitions, le cyber, le renseignement, la dissuasion nucléaire. Il faudra aussi se poser la question, dans les mois à venir, de l'accélération des commandes et de la militarisation de l'espace. C'est l'enjeu de la revoyure, et je suis à votre disposition pour échanger.

Madame Cukierman, il n'y a pas de changement dans la doctrine de dissuasion nucléaire française. Nos intérêts vitaux ont une dimension européenne, a rappelé le Président de la République, dans la ligne du président Chirac en 1996.

Les présidents Marseille et Retailleau notamment m'ont accompagné en Arménie. Nous devons oeuvrer dans le sens de la réassurance, avec des actions de formation et d'équipement. Cela vaut aussi vis-à-vis de la Moldavie avec laquelle nous venons de signer un accord de défense. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Cet accord marque l'unité des Européens. À Berlin, Helsinki, Varsovie, Prague, nous sommes attendus. Tous les pays européens se sont engagés en faveur de l'Ukraine. Au-delà des étiquettes partisanes, l'unité européenne est réelle. On peut être dans l'opposition et en faveur de cet accord. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Primas.  - Merci !

M. Stéphane Séjourné, ministre.  - Cet accord défend la paix. En défendant l'Ukraine, nous défendons nos valeurs européennes. Un pays ne peut pas agresser un autre pays ni violer le droit international. Cette guerre est voulue par la Russie. La paix est demandée par l'Ukraine, avec nous.

Cet accord est aussi un accord pour l'histoire, car nous sommes à la croisée des chemins, avec une agressivité inédite de la Russie. Nous devons conserver la maîtrise de notre destin.

Certains nous accusent de menacer la paix en aidant l'Ukraine. Il ne suffit pas de lever un drapeau blanc pour arrêter la Russie. (Murmures réprobateurs sur les travées du groupe CRCE-K) Écoutez ce que nous dit Moscou, ce que veut la Russie : c'est la soumission complète de l'Ukraine. Hier, Vladimir Poutine a dit : « pourquoi négocier aujourd'hui alors que l'Ukraine est à court de munitions ? » Tout est dit. Seul un soutien massif et dans la durée à l'Ukraine l'amènera à revoir ses objectifs.

Il faudra négocier une paix juste, durable, aux conditions de l'Ukraine.

J'entends les interrogations sur le risque d'escalade. Là encore, n'inversons pas les choses : la Russie est la seule agresseuse. Elle agite les peurs, brandit la menace nucléaire, mène des campagnes de désinformation.

Cet accord nous redonne la main, par rapport à la Russie.

Depuis le premier jour, notre soutien a été continu. Ce soutien est humanitaire, avec la mobilisation par la France de près de 300 millions d'euros. Il est aussi économique, dans la perspective de la reconstruction. Il est politique, puisque la communauté internationale est majoritairement derrière l'Ukraine. C'est aussi un soutien dans la lutte contre l'impunité des crimes commis par la Russie, en appuyant les enquêtes ukrainiennes, notamment à Boutcha, ou celles de la Cour pénale internationale, et en formant les magistrats ukrainiens. (Marques d'impatience sur de nombreuses travées)

Des pistes pour renforcer notre soutien financier ont été évoquées. Nous sommes favorables à avancer sur la question des intérêts des avoirs russes, mais nous ne pouvons pas les séquestrer (M. Yannick Jadot le déplore) en violation du droit international.

La Commission européenne, suivant la proposition de Kaja Kallas, Première ministre estonienne, envisage d'utiliser les intérêts produits par les avoirs russes gelés comme ressources propres pour payer les intérêts d'un emprunt européen de 100 milliards d'euros. Nous en parlerons avec nos homologues européens.

Sur l'effet des sanctions, je ne crois pas aux statistiques affichées par la Russie sur son économie, dont des pans entiers ont été exclus pour afficher un taux de croissance important. L'économie russe est désormais une boîte noire. Le Kremlin affiche son optimisme ; j'ai des doutes.

Les sanctions sont utiles. Elles renchérissent le coût de la guerre pour la Russie. Les ruptures d'approvisionnement sont légion, notamment sur les secteurs à haut potentiel technologique. Nous constatons également l'émigration de travailleurs très qualifiés, ce qui affectera l'économie russe dans la durée. (Marques de lassitude sur de nombreuses travées)

Cet accord ne cache pas l'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne, ou à l'Otan, contrairement à ce que certains ont dit à l'Assemblée nationale - je salue à cet égard la qualité des interventions au Sénat. Ces deux cheminements ont un calendrier et des exigences propres. Le Parlement s'exprimera le moment venu.

En conclusion... (« Ah ! » de soulagement sur plusieurs travées)

Partout les mêmes débats, les mêmes questions, mais partout la même constance et le même engagement. Dans les pays baltes comme à Varsovie, nul n'est dupe de la menace russe. Ne le soyons pas non plus, sous prétexte que nous sommes à quelques centaines de kilomètres de plus qu'eux de la frontière russe. La guerre évoque dans chacune de nos familles des souvenirs et des traumatismes.

Ce que nous vous demandons, par ce vote, c'est de continuer de rendre possible le soutien à l'Ukraine. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC)

La déclaration du Gouvernement est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°155 :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 315
Pour l'adoption 293
Contre   22

La déclaration du Gouvernement est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE, du RDPI, du GEST et du groupe SER)

La séance est suspendue à 20 h 55.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance reprend à 22 h 25.

Mises au point au sujet d'un vote

Mme Annick Billon.  - Lors du scrutin public n°154 sur l'ensemble de la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques, Mme Nathalie Goulet souhaitait voter contre et Mme Christine Herzog s'abstenir.

Acte en est donné.

Engagement bénévole et vie associative (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative.

Discussion générale

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - (M. Martin Lévrier applaudit) Représentants des collectivités territoriales de la République, vous savez à quel point nos 1,5 million d'associations, en métropole et en outre-mer, contribuent à la vitalité et à la cohésion de notre société. Vous connaissez l'importance de l'engagement des 15 millions de Françaises et Français impliqués dans une association.

L'engagement associatif est une traduction concrète du pacte républicain où les initiatives peuvent éclore et porter leurs fruits ; il fait vivre les valeurs d'entraide et de solidarité qui fondent de notre nation. À l'heure où l'isolement, l'individualisme et le repli sur soi gagnent du terrain, la vie associative est un rempart républicain, qui nous rappelle la force du refus de l'indifférence, de l'injustice et de la résignation.

Le Président de la République et le Premier ministre ont étendu mes attributions en me confiant la vie associative, mais c'est aussi comme ministre déléguée chargée du renouveau démocratique que je m'exprime. Car l'engagement des bénévoles est l'une des plus belles formes d'engagement démocratique, une traduction en actes de la promesse républicaine de liberté, d'égalité et de fraternité.

Depuis 2017, la majorité et le Gouvernement soutiennent les acteurs du monde associatif. La loi de finances pour 2024 augmente de 30 %, à 70 millions d'euros, la dotation du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), qui soutient la formation des bénévoles, le fonctionnement et les projets innovants des associations. L'an dernier, il a bénéficié à 16 000 structures, surtout petites.

Mais l'engagement de l'État se traduit aussi par des mesures concrètes. Depuis 2017, nous avons renforcé la protection juridique des dirigeants, élaborée des outils simplifiant leur quotidien, comme Le Compte Asso et Guid'Asso, et amélioré la certification des compétences acquises.

Ces avancées majeures ont été réalisées dans un dialogue constant avec les acteurs associatifs. Pour les écouter davantage encore, le Gouvernement a lancé auprès d'eux, fin 2022, une consultation nationale sur la simplification de la vie associative.

Cette proposition de loi transpartisane répond en partie aux besoins alors exprimés. Elle prouve que la représentation nationale est capable de s'unir pour soutenir les millions de Françaises et de Français qui s'engagent au quotidien. Je salue le travail remarquable du Haut Conseil à la vie associative (HCVA) et de Quentin Bataillon, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale.

Plus précisément, la proposition de loi élargit l'abondement au compte personnel de formation (CPF), via le compte d'engagement citoyen (CEC) ; assouplit le congé d'engagement associatif ; ouvre le mécénat de compétences aux entreprises de moins de 5 000 salariés et étend son expérimentation à la fonction publique hospitalière ; facilite les prêts entre associations ; inscrit dans la loi Guid'Asso et Le Compte Asso. Ces avancées renforceront l'engagement, amélioreront sa reconnaissance et faciliteront la vie des bénévoles. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est très favorable à ce texte. (M. Martin Lévrier applaudit.)

M. Yan Chantrel, rapporteur de la commission de la culture .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Associations de locataires, comités de jumelages, sociétés d'histoire locale, tiers lieux, banques alimentaires, unions locales de retraités, clubs de tennis ou de karaté : les associations sont le coeur battant de nos territoires, tant en métropole qu'en outre-mer. C'est aussi le cas hors de France : Français du Monde, les accueils de la Fiafe ou les écoles Flam forment un tissu de solidarité vital pour les communautés françaises établies hors de nos frontières.

On compte 1,5 million d'associations actives en 2023, permettant à nos concitoyens de s'adonner à une passion, de pratiquer un loisir ou de servir une oeuvre sociale. Chaque année, 70 000 voient le jour. Sans rien attendre en retour et sans toujours être reconnus à leur juste valeur, 13 millions de bénévoles donnent de leur temps et de leur énergie. Ils incarnent la vertu sur laquelle repose notre modèle de citoyenneté.

Mais nos associations sont aujourd'hui triplement sous tension.

D'abord, le contexte inflationniste. L'annonce de 180 millions d'euros de coupes budgétaires au sein de la mission Sport, jeunesse et vie associative n'a rien pour nous rassurer. Les acteurs de la solidarité sont particulièrement frappés, car leurs bénévoles sont eux-mêmes souvent précaires et souffrent de la hausse du coût de la vie et des transports.

Ensuite, les associations pâtissent de la complexité croissante des démarches administratives, avec la multiplication des appels à projets.

Enfin, elles font face à une recomposition des pratiques bénévoles, les jeunes privilégiant des engagements plus ponctuels.

Les assises de la simplification associative ont fait remonter des difficultés, à travers 15 000 contributions. Madame la ministre, je vous encourage à rendre ces doléances accessibles, pour nos concitoyens, mais aussi pour les chercheurs.

Cette proposition de loi est une réponse très partielle, mais utile à leurs demandes. La commission de la culture l'a adoptée, non sans l'enrichir. Elle facilite la formation des bénévoles, assouplit l'accès au CEC, ouvre le mécénat de compétences aux entreprises de moins de 5 000 salariés et simplifie le recours au congé d'engagement associatif et au congé de citoyenneté.

Sur mon initiative, la commission a prévu la possibilité pour les salariés de donner sous forme monétisée des jours de congé, au-delà de 24 jours. L'organisme bénéficiaire sera choisi d'un commun accord par le salarié et son employeur.

Le texte prévoit aussi la mise à disposition de titulaires ou contractuels de la fonction publique hospitalière auprès d'associations. La commission s'est interrogée sur l'opportunité d'inclure les contractuels, ce qui pourrait aller à l'encontre du statut de la fonction publique : nous en débattrons au cours de la discussion des articles.

S'agissant des difficultés financières auxquelles sont confrontées les associations, le texte actualise les causes de bienfaisance pour lesquelles les associations peuvent organiser une tombola ou une loterie. Il sécurise également la trésorerie des associations : simplification des prêts entre associations, possibilité pour des associations membres d'un même groupe de procéder à des opérations de trésorerie entre elles.

La commission a aussi rendu éligibles au régime du groupe TVA les organismes à but non lucratif en mesure d'établir qu'ils sont bien constitués comme groupe.

Ce texte n'est pas révolutionnaire, mais il encourage l'engagement bénévole et simplifie la vie associative par des mesures concrètes. Pour soutenir nos petites associations en métropole, en outre-mer et hors de France, je vous invite à l'adopter.

Je forme le voeu cela fasse mieux connaître les dispositifs de soutien et encourage le Gouvernement à aller plus loin à l'avenir, notamment pour soutenir les bénévoles des associations de solidarité, souvent précaires et qui sont les principales victimes des crises qui se sont succédé ces dernières années. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Gérard Lahellec applaudit également.)

Mme Colombe Brossel.  - Bravo !

Mme Mathilde Ollivier .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER) L'engagement et la solidarité bénévoles sont une richesse unique pour notre pays. En ville comme en zone rurale, la vie associative concourt à l'épanouissement, au vivre-ensemble et à la construction des liens qui manquent tant aujourd'hui.

Ainsi, 13 millions de Françaises et de Français sont engagés dans le monde associatif. Après plusieurs années de recul, le taux d'engagement est en hausse, notamment chez les plus jeunes. La jeunesse s'engage, faisant mentir le Gouvernement qui voudrait la remobiliser à coups de service national universel. Mais cette dynamique bouleverse les habitudes, car les jeunes s'investissent différemment, privilégiant des missions moins lourdes dans le temps.

Le Gouvernement, lui, coupe 129 millions d'euros dans le budget de la jeunesse et de la vie associative. Le contexte est pourtant alarmant, comme l'a souligné l'appel du président des Restos du Coeur.

Cette proposition de loi prévoit des avancées, notamment l'article 7 bis, introduit par le député écologiste Jean-Claude Raux, qui inscrit dans la loi le dispositif Guid'Asso. La commission l'a malheureusement supprimé, au motif que la mesure serait réglementaire. J'espère vous faire changer d'avis, car cet amendement a été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale et cet outil doit être sécurisé.

Certaines dispositions du texte appellent notre vigilance : je pense à l'article 3 bis, sur la mise à disposition de fonctionnaires hospitaliers dans les fondations ou associations reconnues d'utilité publique : le risque de transfert de compétences du public vers le privé est inquiétant. Je suis aussi très réservée sur l'encouragement du mécénat de compétences, qui pourrait conduire à des dérives vers un modèle à l'américaine.

Ne faisons pas de ce texte l'arbre qui cache la forêt. Le principal obstacle à l'engagement bénévole, c'est le temps. Ayons donc le courage de penser l'aménagement du temps de travail. Je vous invite à adopter mon amendement qui l'autorise pour les membres bénévoles des bureaux d'associations et de fondations.

Un dernier point d'alerte : cette proposition est celle d'une majorité et d'un gouvernement qui mettent en danger les associations et collectifs oeuvrant pour la défense du vivant, le bien commun et notre avenir à toutes et tous. Le rapport spécial de l'ONU a demandé des mesures immédiates pour protéger les activistes, dont les « écureuils » qui campent en haut des arbres pour empêcher le projet d'A69. (M. Philippe Bonnecarrère s'exclame.) Au lieu de criminaliser les actions pacifiques de désobéissance civile, nous devons écouter et protéger les associations qui nous alertent sur les défis du XXIe siècle, dont le dépassement global des limites planétaires.

Ce texte répond à la marge à certaines difficultés, mais nous regrettons son manque d'ambition et l'insuffisance des moyens alloués et de la confiance portée au secteur associatif. Sous réserve des discussions de ce soir, nous le voterons néanmoins, pour simplifier la vie des associations. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Gérard Lahellec .  - (Applaudissements à gauche) Dès lors qu'on évoque le bénévolat, nos esprits doivent être en éveil : il contribue grandement à maintenir notre société debout.

Mon département offre un bel exemple de la diversité des associations, d'Ubaka 22, qui lutte contre le harcèlement scolaire, à Solidarité paysans, qui soutient les agriculteurs en difficulté, en passant par Adalea, qui gère les appels au 115 et de nombreuses associations en faveur du sport, de l'art ou de la culture.

Cette forme d'engagement relève de l'altruisme. Elle participe à faire société.

Il nous faut être lucides sur ce dont le monde associatif a besoin, sur les contraintes administratives qui l'entravent et sur les moyens humains et financiers qui lui sont nécessaires.

Le contexte invite à une vigilance particulière. Il ne faudrait pas que le recul de départ de l'âge à la retraite nuise à l'engagement solidaire des seniors, ou que le dogme de la baisse des dépenses publiques ne compromette la vie associative. Rappelons que la suppression de l'impôt sur la fortune a déjà privé les associations de financements. (M. Yan Chantrel renchérit.)

Bien que leur engagement soit coriace, les bénévoles souffrent d'une forme de ras-le-bol : faisons en sorte qu'il ne menace pas leur engagement en faveur de la cause commune.

J'aurais, moi aussi, souhaité un texte plus ambitieux. Celui-ci a le mérite d'exister et nous le prenons pour ce qu'il est : il ne prétend pas résoudre l'ensemble des problèmes de la vie associative, mais la rendre plus simple dans différents domaines - formation des bénévoles, recours au CEC, promotion du mécénat de compétences.

Nous voterons les amendements confortant ces avancées, puis l'ensemble du texte. (Applaudissements à gauche)

Mme Annick Girardin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Nous légiférons ce soir sur un sujet important pour notre société. Trop souvent, la vie associative et le bénévolat sont relégués au rang de divertissements ou de passe-temps. Il faut prendre toute la mesure de cet engagement essentiel pour notre démocratie et lui redonner ses lettres de noblesse.

Sport, culture, loisirs, action sociale ou développement local : 12,5 millions de nos concitoyens s'investissent dans 1,5 million d'associations, compensant souvent les reculs et les lacunes des institutions publiques. Cet engagement irremplaçable nous impose de coconstruire les politiques publiques avec eux.

Être bénévole, c'est la recherche d'un enrichissement personnel, mais surtout l'envie d'être utile et le choix de donner de son temps. Les bénévoles sont les artisans de la cohésion de nos territoires, tant hexagonaux qu'ultramarins. Nous ne devons jamais cesser de les accompagner.

Or ils nous alertent sur les contraintes financières et les complexités administratives qui pèsent sur le secteur. Il faut aussi mieux valoriser la richesse humaine du bénévolat.

Cette réponse législative est attendue. Certes, elle ne résoudra pas tout, mais elle a le mérite d'exister. Droits à la formation renforcés, sécurisation de la mise à disposition de salariés des entreprises de moins de 5 000 salariés, prêts entre associations et promotion du Guid'Asso sont autant d'avancées.

Le RDSE et les radicaux sont très attachés à l'engagement républicain. Le bénévolat et la vie associative m'ont construite, comme nombre d'entre vous. À 5 000 km de Paris, dans la plus petite circonscription française, la vie associative et le bénévolat sont des exutoires indispensables. Saint-Pierre-et-Miquelon ne compte pas moins de 300 associations pour 6 000 habitants -  je vous laisse apprécier le ratio... Je les félicite pour leur remarquable travail.

Face au repli sur soi, nous avons raison de parier sur l'engagement citoyen. Le RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Martin Lévrier .  - Notre tissu associatif se distingue par sa richesse et sa diversité. Il contribue significativement à la vie sociale, culturelle et économique de nos territoires.

Près de 1,5 million d'associations sont inscrites au répertoire national : 25 % dans le domaine du sport, 20 % dans celui de la culture et 19 % dans celui des loisirs. Selon l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep), deux tiers des adultes ont été impliqués dans une association au cours des douze derniers mois. Le bénévolat touche un quart de la population, mais la participation associative passe aussi par l'adhésion ou les dons.

La proposition de loi, présentée par Quentin Bataillon et cosignée par les trois groupes de la majorité présidentielle, a été adoptée à l'Assemblée nationale le 30 janvier dernier. Elle s'inscrit dans la continuité des assises de la simplification de la vie associative, dont les résultats ont été publiés le 26 septembre 2023.

Si cette consultation a mis en lumière un regain de l'engagement bénévole, elle a fait apparaître aussi les nouveaux défis auxquels le secteur associatif fait face. Les profils des bénévoles évoluent, et seuls 9 % d'entre eux s'engagent désormais chaque semaine. Les contraintes administratives ont également été mises en avant, de même que le manque d'information et le contexte inflationniste, qui pèsent particulièrement sur les petites associations.

Le texte facilite l'engagement bénévole, en améliore la reconnaissance et simplifie la vie associative.

Le mieux est souvent l'ennemi du bien : aussi soutenons-nous la suppression de l'article 1 bis, introduit à l'Assemblée nationale, qui offre la possibilité pour les associations d'abonder le CPF tout en l'ouvrant aux retraités. Cette disposition remet en cause le principe même de ce dispositif. Les droits cumulés non utilisés des salariés retournent dans le fonds de roulement de France Compétences. Les ouvrir aux retraités compromettrait gravement la soutenabilité financière du système, sans parler des risques de fraude et d'abus. La plateforme Mon Compte Formation permet déjà aux retraités d'accéder à des formations.

Le groupe RDPI dans son intégralité votera ce texte.

Mme Colombe Brossel .  - Le secteur associatif regroupe près de 1,3 million de structures, dont près de 70 000 se créent chaque année, emploie 2 millions de personnes et gère 113 milliards d'euros de budget.

Le fait associatif est une réalité quotidienne pour de nombreux Français. Les associations donnent à nos enfants la possibilité de pratiquer un sport ou de bénéficier de soutien scolaire, à des retraités de continuer à cultiver des liens sociaux ; elles permettent la découverte du patrimoine, viennent en aide aux personnes en difficulté, animent nos quartiers, renforcent le pouvoir d'agir des habitants. Elles sont des porte-voix, des remèdes à la fatalité, des accélérateurs d'engagement, parfois des empêcheurs de tourner en rond. Je salue notamment les 700 000 bénévoles engagés à Paris pour faire du commun.

Le groupe SER votera ce texte, car tout soutien au secteur associatif va dans le bon sens. Je salue Yan Chantrel pour la qualité de son rapport.

Nous nous félicitons notamment du raccourcissement du délai pour l'acquisition de droits à la formation et de l'élargissement du congé d'engagement civique et du congé de citoyenneté. Nous soutenons aussi le don monétisé de jours de repos non pris par les salariés et regrettons le dépôt plus que tardif d'un amendement de suppression de cette mesure. Enfin, nous saluons la possibilité d'inscrire des actions au bénéfice de la vie associative au titre de la RSE.

Une meilleure information des bénévoles est requise : la publication par l'État d'un guide à leur intention est bienvenue.

Avec son plan de rigueur déguisé en coup de rabot, le Gouvernement se désengage de 130 millions d'euros sur le programme « Jeunesse et vie associative ». Plus largement, une cohorte de mesures ont été prises depuis 2017 qui fragilisent les associations et leurs bénévoles (M. Martin Lévrier s'exclame) : suppression de l'ISF, quasi-disparition des emplois aidés, contrat d'engagement républicain illustrant la défiance du Gouvernement à l'égard du monde associatif.

Nous restons fermement opposés à ce contrat, dont la logique interroge sur le respect de la liberté d'expression des associations. Nous proposerons de le remplacer par une charte d'engagements réciproques, à l'instar de celle qui existe depuis des années à Paris. Il n'est pas question de renoncer à tout contrôle, mais il doit être équilibré et respectueux de chacun. Alors que l'ensemble du secteur est opposé au contrat d'engagement citoyen, nous serions, nous parlementaires, les seuls à le soutenir ?

Après l'adoption de cette proposition de loi, nous ne pourrons faire l'économie d'un débat plus large. Car les difficultés du secteur sont liées aux choix politiques du Gouvernement - je pense notamment à la réforme des retraites, qui nuit à l'engagement bénévole des seniors. Le bénévolat doit être pensé comme un droit réel.

Cette proposition de loi n'est donc qu'une étape, qui en appelle bien d'autres. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Anne Ventalon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laure Darcos applaudit également.) « Il n'est de richesse que d'hommes », disait Jean Bodin. Les bataillons de bénévoles des associations font la richesse de notre société.

Nos 1,5 million d'associations actives sont le ciment social de nos communes. Quand l'école ou les commerces ont disparu, les associations sont les dernières à maintenir le lien social.

Près des trois quarts des structures associatives interrogées en 2023 ont déploré des difficultés à attirer des bénévoles. Il faut valoriser ces derniers et les aider à concilier leur engagement avec leur vie professionnelle et familiale.

Nous devons faciliter la formation de ceux qui s'engagent, en veillant à ce que les dispositifs leur bénéficient réellement. Je salue l'assouplissement des conditions d'éligibilité au CEC.

La loi de 1901 fonctionne toujours remarquablement. Conservons-en non seulement la lettre, mais aussi l'esprit. Les membres des associations s'engagent pour un projet ou la pratique d'une activité, non pour recevoir un bénéfice direct ou indirect. Méfions-nous donc des discours faussement généreux et ne laissons pas prospérer l'idée que l'engagement associatif pourrait représenter un effet d'aubaine. Le bénévolat est une belle histoire de don de temps et de compétences.

Jamais la rémunération indirecte n'équivaudra la richesse humaine de l'investissement des hommes et des femmes présents dans les associations. Rendre leur action intéressée serait dommageable pour l'esprit et la vitalité de celles-ci.

Certes les démarches administratives constituent une contrainte susceptible de décourager les plus motivés. Il faut donc saluer le dispositif Guid'Asso. Mais certaines dispositions du texte, dans sa version de l'Assemblée nationale, vont précisément à l'encontre de sa vocation simplificatrice. Ainsi de l'article 1er quater : avec Cédric Vial, nous avons déposé des amendements visant à supprimer les contraintes inutiles sur les bénévoles. Ne cédons pas à la surrèglementation !

Nos responsables associatifs veulent plus de marges de manoeuvre ; nos bénévoles ne cherchent pas d'autre récompense que d'accomplir une action bénéfique au service de la collectivité.

Si les réserves que j'ai évoquées sont levées, les sénateurs du groupe Les Républicains voteront avec plaisir cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI) Prendre soin des personnes malades ou handicapées ou de leurs aidants - comme avec l'association Espace singulier à Massy, rendre visite à des malades avec Présence écoute à Morlaix, ou encore organiser des concours de pêche pour enfants avec la Maison du saumon et de la rivière à Brioude, en Haute-Loire : voilà ce que font les associations...

Environ 13 millions de personnes en France consacrent leur temps à une activité désintéressée auprès d'une association. On ne devient pas bénévole par hasard, il faut un grand altruisme. Les bénévoles ne demandent rien pour eux-mêmes : ils répondent souvent à une vocation. C'est pourquoi il faut les honorer.

Les associations participent à la vie communale et tissent du lien entre les habitants. Leur rôle est fondamental. Toutefois, elles ont été durement éprouvées ces dernières années, avec la crise sanitaire. S'y ajoutent les pesanteurs administratives.

Il ne s'agit pas de compliquer inutilement les tâches des associations en inventant de nouvelles contraintes, bien au contraire.

La commission de la culture, sur l'initiative du rapporteur Chantrel que je salue, a décidé d'alléger la proposition de loi de plusieurs dispositifs, dans le sens d'une simplification des démarches administratives ou de la sécurisation de la trésorerie des associations, entre autres.

Cette proposition de loi est une première pierre vers un meilleur accompagnement bénévole ; mais beaucoup reste à faire. Notre groupe est prêt à y travailler. Je salue à ce propos Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte, auteurs d'une proposition de loi déposée en février dernier. Renouveler le vivier des bénévoles est un enjeu majeur, sachant qu'un responsable associatif sur deux est retraité ; ils me le disent souvent : ils peinent à trouver des successeurs.

Je salue l'amendement judicieux de Vanina Paoli-Gagin, qui vise à mieux valoriser les actions de soutien à la vie associative et aux bénévolats des entreprises dans les déclarations de performances extrafinancières.

Le groupe Les Indépendants partage les grandes lignes directrices du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDPI et sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Annick Billon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les 13 millions de bénévoles que compte la France sont indispensables à la vitalité de nos territoires. À La Roche-sur-Yon, l'engagement des 150 bénévoles de l'association La Joséphine permet l'encadrement des milliers de participantes à une course contre le cancer du sein.

Les bénévoles contribuent à un rayonnement qui s'étend aussi au-delà de nos frontières. Le Puy du Fou, c'était 290 bénévoles en 1978, plus de 2 700 aujourd'hui. (M. Bruno Retailleau apprécie.) Je vois Bruno Retailleau sourire... Il a participé à cette aventure plusieurs fois primée à l'étranger.

Le Vendée Globe partira le 10 novembre des Sables-d'Olonne, devant 2 millions de spectateurs, comme tous les quatre ans, grâce aux centaines de bénévoles.

Nous avons besoin d'encourager le bénévolat. C'est l'objet de cette proposition de loi, qui vise aussi à soutenir les associations.

Les contraintes administratives, la responsabilité juridique qui pèse sur les membres des bureaux et la présence moins nombreuse des retraités posent de nombreuses difficultés aux associations.

Cette proposition de loi y pourvoit partiellement. Je remercie le rapporteur tant pour la qualité de son travail que pour les auditions qu'il a menées.

Est bénévole toute personne s'engageant à mener une activité non salariée en dehors de son temps professionnel ou familial. Un bénévole n'est pas un volontaire. Ce principe doit être conforté.

Le soutien au monde associatif ne peut se faire au détriment de la simplification normative pour les entreprises. Il faut trouver un juste équilibre pour simplifier la vie des associations sans alourdir les normes pour les entreprises et les collectivités.

À l'heure des économies et des coupes budgétaires, veillons à ce que les mesures que nous inscrivons dans nos textes respectent une certaine rationalité financière. Je pense à l'article 1er bis sur lequel j'ai déposé un amendement avec Claude Kern.

Nous voterons ce texte en appelant à la vigilance sur ces différents points. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; Mme Laure Darcos applaudit également.)

Mme Béatrice Gosselin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les acteurs du monde associatif parlent souvent du déclin du bénévolat.

Le nombre de créations d'associations a progressé jusqu'en 2015. Après un net repli durant la crise sanitaire, il a retrouvé son niveau d'avant la crise en 2022 et en 2023.

Près de 13 millions de bénévoles oeuvrent en France dans 1,5 million d'associations. Je les remercie pour leur engagement sans faille.

Les associations assument de nombreuses missions. Elles se substituent même parfois aux services publics. Par exemple, elles ont été actives pendant la crise sanitaire, pour le maintien du lien social, entre autres.

Dans la Manche, le répertoire national des associations dénombre entre 8 000 et 8 500 structures associatives, pour 74 000 à 78 000 bénévoles et 12 000 salariés. L'emploi dans le tissu associatif représente 9 % du total de l'emploi privé en France.

Quelle que soit leur taille, les associations animent leurs territoires. Leurs emplois sont précieux, car non délocalisables. Mais elles souffrent de la perte des contrats aidés : en 2024, nous en perdrons 15 000.

Sans les bénévoles et leur engagement, ces associations ne pourraient remplir leur rôle.

C'est un choix de vie, non un loisir ou un passe-temps.

Afin de ne pas alourdir les démarches des dirigeants, la commission de la culture a supprimé l'article 1er : l'État peut s'en charger.

Simplification fiscale ou administrative : autant de pistes de travail.

Les dons, les subventions, constituent les seules ressources financières des associations. Les bouleversements récents ont fragilisé les finances de ces structures, notamment celles de taille intermédiaire. Leurs ressources sont toujours plus limitées, alors que les besoins sont toujours plus importants.

J'ai déposé deux amendements ; le premier reconnaissant l'importance croissante des legs et le second sécurisant les donations en faveur d'organismes à but non lucratif.

Les coupes budgétaires sans précédent annoncées par le Gouvernement ne vont pas dans le bon sens. Il faut en effet soutenir les associations qui accomplissent un travail essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le secteur associatif est pluriel, hétérogène, multiple. Entre les associations employeuses, celles qui sont soumises à des obligations comptables, celles pouvant subir un contrôle, celles ayant une activité commerciale et les toutes petites dont le modèle économique repose uniquement sur le bénévolat, toutes sont porteuses de projets en prise directe avec le terrain.

Depuis de nombreuses années, nous nous mobilisons pour façonner le cadre juridique de ces associations tout en conservant la liberté et la souplesse qui leur sont chères.

Mais les temps sont durs ! La pérennité des associations est avant tout assurée par le dynamisme du bénévolat, qu'il faut aider et valoriser.

Cette proposition de loi répond à plusieurs demandes de longue date des associations ; elle va dans le bon sens : faciliter l'accès à la formation ou encore le mécénat de compétences.

Mais il faut aller plus loin : enrichir encore, simplifier toujours. Tel est le sens de plusieurs amendements visant à aligner la réglementation sociale sur la réglementation fiscale, faciliter le don de jours de congé et l'utilisation du CEC.

Il faut aussi faciliter la vie des 5 millions de bénévoles et ne pas saper leur engagement - je pense au modèle sportif français, qui mérite toute notre attention, notamment dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques.

La fin des contrats aidés, la suppression de la réserve parlementaire, la baisse drastique des dotations aux collectivités territoriales : autant d'atteintes à la pérennisation du modèle.

Le Sénat plaide de longue date pour un véritable statut des associations. Madame la ministre, pouvez-vous vous engager sur le sujet ?

La simplicité offerte aux associations répond au désir d'engagement de nos concitoyens, mais aussi aux défaillances du secteur public - malheureusement.

Le groupe UC votera cette proposition de loi, comme l'a dit Annick Billon. J'en profite pour remercier l'ensemble des bénévoles qui se donnent sans compter et avec passion. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Paccaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « L'homme est si peu de chose par lui-même qu'il ne peut faire beaucoup de bien qu'en s'associant. » Ainsi s'exprimait Jules Simon, auteur de l'une des nombreuses tentatives d'instaurer un droit d'association, bien avant la loi de 1901.

Cette présente proposition de loi n'est pas ambitieuse, mais légiférer sur ce sujet n'est jamais anodin. La liberté d'association est celle qui s'exerce le plus noblement : un engagement associatif est un don de soi qui n'obéit qu'à la seule volonté de se rendre utile.

C'est un idéal de dévouement que renferme l'étymologie même du mot bénévole : benevolus, celui qui veut du bien. Le bénévole est celui qui fait quelque chose sans y être tenu.

Cet idéal a-t-il vécu ? Non, à l'évidence. Avec son million et demi d'associations en activité sur les 3,8 millions que compte l'Union européenne, la France fait figure d'eldorado associatif.

Mais cet idéal est ébranlé par la fonte des glaces bénévoles. La part de Français s'engageant dans les associations chute depuis plusieurs années.

Cet étiolement doit être enrayé. Dans un pays socialement lézardé, le monde associatif est un creuset où la mixité sociale perpétue des liens.

Pour modestes que soient les mesures de la proposition de loi, la plupart d'entre elles sont souhaitables : accès facilité à la formation, gestion facilitée de la trésorerie et des relations avec les élus. Ces mesures doivent recevoir notre assentiment.

Gardons-nous de deux écueils : alourdir, tout d'abord, la barque des associations en leur prescrivant de nouvelles obligations qui seraient superflues ; nous voterons donc les amendements de suppression de Mme Anne Ventalon et M. Cédric Vial visant à purger le texte de dispositions non essentielles.

Second obstacle : ne pas travestir le rôle du bénévole, dont l'engagement est libre et gratuit. Il ne doit pas recevoir des avantages matériels en contrepartie. À trop vouloir professionnaliser l'engagement, nous prendrions le risque de diluer le bénévolat.

Ce texte ne sera pas la panacée, mais potentiellement une petite obole pour le monde associatif. Ne nous en privons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Laure Darcos applaudit également.)

Discussion des articles

L'article 1er est adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme Girardin, M. Laouedj, Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel et Daubet, Mme N. Delattre, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Guérini.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article L. 611-9 du code de l'éducation, après les mots : « d'un volontariat dans les armées prévu à l'article L. 121-1 du même code », sont insérés les mots : « ou les étudiants bénévoles élus dans les conseils municipaux ».

M. Ahmed Laouedj.  - Le RDSE, via sa proposition de loi sur la culture citoyenne, a mis en lumière la nécessité de faire participer les jeunes à l'engagement politique local. Cet amendement vise à mieux le valoriser.

Les chiffres édifiants d'une enquête de l'Institut Montaigne montrent qu'à peine la moitié des jeunes considèrent qu'il est important de vivre en démocratie.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Cet amendement est assez éloigné de l'objectif de la proposition de loi, qui concerne au premier chef les associations.

Il ne concerne que les étudiants titulaires d'un mandat municipal, et pas un mandat départemental ou régional. Dès lors, avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Merci pour votre proposition. Je partage votre volonté de reconnaître l'engagement des jeunes dans les municipalités.

Les établissements peuvent déjà le faire, conformément à l'article L.111-19 du code de l'éducation. Par cohérence avec l'adoption la semaine dernière de la proposition de loi sur le statut de l'élu, avis favorable.

L'amendement n°19 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme Girardin, M. Laouedj, Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel et Daubet, Mme N. Delattre, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Guérini.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article L. 611-11 du code de l'éducation, les mots : « et aux étudiants élus dans les conseils des établissements et des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires » sont remplacés par les mots : « , aux étudiants élus dans les conseils des établissements et des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires et aux étudiants bénévoles élus dans les conseils municipaux ».

M. Ahmed Laouedj.  - Les inégalités d'accès à des fonctions exécutives dans les associations ou structures politiques sont nombreuses.

Les aménagements académiques profitent aux étudiants bénévoles qui s'engagent dans les conseils d'établissement et les Crous. Nous souhaitons les étendre aux étudiants engagés dans la vie municipale.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Même avis que l'amendement précédent pour les mêmes raisons.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Avis favorable.

L'amendement n°18 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°50 rectifié, présenté par MM. Bonneau et Longeot, Mme Vermeillet, M. Henno, Mme Demas, M. Menonville, Mme N. Delattre et MM. Hingray, Courtial, Duffourg, A. Marc, Cigolotti, Sautarel et L. Hervé.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les activite?s recense?es à l'article L. 5151?8 du code du travail peuvent e?tre e?nume?re?es sous la forme d'un curriculum vitae, qui peut-e?tre substitue? par le Passeport Be?ne?vole de France Be?ne?volat, mobilisable pour le recensement de l'activite? citoyenne par les e?lus et administrations publiques, transmis a? l'initiative du proprie?taire du compte engagement citoyen. Ce recensement peut e?tre organise? sous la forme d'un compte e?lu, qui peut-e?tre substitue? par l'outil personnel de travail de l'e?lu. Ledit curriculum vitae pourra faire l'objet de valorisation en nature fixe?e par un de?cret en Conseil d'État.

M. Loïc Hervé.  - Cet amendement de François Bonneau crée un CV associatif qui se substituerait au passeport bénévole.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Ce CV risque de faire doublon avec le passeport bénévole existant et d'être source de complexité. Faisons mieux connaître ce dernier et simplifions ! Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°50 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°49 rectifié, présenté par MM. Bonneau et Longeot, Mme Vermeillet, M. Henno, Mme Demas, M. Menonville, Mme N. Delattre et MM. Hingray, Courtial, Duffourg, A. Marc, Cigolotti, Sautarel, L. Hervé et Guerriau.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Une partie de l'exercice du mandat d'e?lu local mentionne? dans l'article L. 1111-1-1 du code ge?ne?ral des collectivite?s territoriales peut faire l'objet d'une convention signe?e avec les associations locales exerc?ant dans les domaines d'activite?s similaires a? l'e?lu.

Cette convention est signe?e par l'e?lu et est soumise a? l'approbation de l'association repre?sente?e par un vote en assemble?e ge?ne?rale, si les travaux mene?s sont juge?s comme ayant fait l'objet d'une concertation entre les deux parties.

Le renouvellement de la pre?sente convention est de?cide? chaque anne?e a? l'occasion d'un vote en assemble?e ge?ne?rale de ladite association et de l'accord de l'e?lu.

La pre?sente convention porte le nom de convention associative.

Les conventions associatives ont vocation a? e?tre rendues publiques aux fins de valoriser le travail de concertation des e?lus, ainsi que le travail de consultation des associations.

M. Loïc Hervé.  - Défendu.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Cet amendement porte sur la signature de conventions entre une association et un élu local ; or elles risquent de complexifier les relations. Rien n'empêche aujourd'hui une collectivité territoriale d'indiquer dans un document public ses actions de concertation menées avec les associations. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Cette proposition de loi vise à simplifier la vie des associations. Certes, je comprends son intention, mais cet amendement serait contre-productif. Avis défavorable.

L'amendement n°49 rectifié n'est pas adopté.

Article 1er bis

M. le président.  - Amendement n°35 rectifié ter, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Lafon, Levi, Cambier et Henno, Mmes Guidez et Loisier, M. Courtial, Mmes Jacquemet et Vermeillet, MM. Canévet, Chauvet et Duffourg, Mme Morin-Desailly, MM. L. Hervé, Folliot, Pillefer, Capo-Canellas, Delahaye, Vanlerenberghe et Delcros et Mme Saint-Pé.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

Mme Annick Billon.  - L'article 1er bis, ajouté en commission à l'Assemblée nationale, vise notamment à ouvrir le CPF aux retraités.

Le CPF est un dispositif de formation visant l'évolution professionnelle : c'est pourquoi il cesse d'être mobilisé à partir de 67 ans. L'ouvrir aux retraités en changerait radicalement la nature.

Le CPF mobilise des milliards d'euros. Or il faut faire des économies, comme en témoignent le rapport de la Cour des comptes et les annonces gouvernementales. Dès lors, il n'est pas raisonnable de maintenir cette mesure. De plus, aucun référentiel n'existe. Enfin, je m'interroge sur le caractère rétroactif de la mesure : pourquoi ne pas prendre en retraite des congés que nous n'aurions pas pris lorsque nous étions salariés ? (Sourires)

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - L'objet de votre amendement indique que la mesure coûterait 8,8 milliards d'euros. En fait, ce sont 2,6 milliards d'euros qui sont gelés et cela n'est qu'un plafond. Seuls 6 % des salariés se forment chaque année avec le CPF et un salarié peut faire deux formations. Nous serions donc en dessous de 100 millions d'euros.

Nous constatons une baisse de l'engagement chez les seniors : des mesures doivent y répondre.

Vous estimez que c'est un détournement du CPF. Mais le Gouvernement lui-même prône la formation tout au long de la vie !

À titre personnel, je suis favorable à cette extension ; mais la commission a donné un avis favorable à cet amendement de suppression.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Avis favorable, évidemment. Il ne faut pas dénaturer les outils existants : le CPF vise les salariés pour participer à leur formation et à leur employabilité. Les retraités semblent peu concernés... Les salariés doivent continuer à bénéficier des dispositions qui les visent.

Mme Colombe Brossel.  - Cet article ne faisait pas partie du texte initial ; il a été ajouté en commission à l'Assemblée nationale. (Mme Annick Billon le confirme.)

Il est utile que le Parlement examine l'ensemble des pistes pour tenter d'améliorer les choses, notamment enrayer la baisse du nombre de bénévoles de plus de 65 ans. Cet ajout nous semblait une bonne idée. Nous ne voterons pas cet amendement de suppression.

M. Max Brisson.  - Je remercie Mme la ministre d'avoir parfaitement rapporté l'avis de la commission, après que le rapporteur a largement développé sa position. (Sourires) Pour ce qui nous concerne, nous voterons l'amendement.

L'amendement n°35 rectifié ter est adopté.

L'article 1er bis, modifié, est adopté.

Après l'article 1er bis

M. le président.  - Amendement n°31 rectifié bis, présenté par M. Laouedj, Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel et Daubet, Mmes N. Delattre et Girardin, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Guérini.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au cinquième alinéa de l'article L. 312-15 du code de l'éducation, les mots : « à la vie associative » sont remplacés par les mots : « au bénévolat, à l'engagement associatif, au volontariat ».

M. Ahmed Laouedj.  - Les cours d'enseignement moral et civique (EMC) doivent porter entre autres choses sur « la vie associative » ; nous proposons de préciser « au bénévolat, à la vie associative, au volontariat et au service civique. »

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - La position constante de la commission est de simplifier l'article de loi relatif à cet enseignement : définir les programmes relève du Conseil supérieur des programmes.

De plus, le nouveau programme d'EMC insiste sur l'engagement associatif. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Cet amendement est satisfait. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°31 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié bis, présenté par M. Laouedj, Mme M. Carrère, MM. Bilhac et Cabanel, Mmes N. Delattre et Girardin, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Guérini.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le cinquième alinéa de l'article L. 312-15 du code de l'éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il présente aux élèves de collèges et de lycées le passeport bénévole. »

M. Ahmed Laouedj.  - Défendu.

L'amendement n°32 rectifié bis, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Article 1er quater

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par Mme Ventalon, MM. C. Vial et Darnaud, Mmes Lavarde et Di Folco, M. Grosperrin, Mmes Chain-Larché et Belrhiti, M. Sido, Mmes Demas et Drexler, MM. Reynaud, Belin et J.B. Blanc, Mmes Micouleau, Borchio Fontimp et Muller-Bronn, MM. Klinger, Tabarot, Rapin et Naturel, Mme Pluchet, M. Michallet, Mmes Garnier, Joseph, Puissat et Gruny, M. Piednoir, Mme Josende, MM. J.P. Vogel, Perrin, Rietmann, Panunzi, H. Leroy, Sautarel, Cadec et Burgoa, Mme Gosselin, M. Savin, Mme M. Mercier, MM. Chatillon, Bouchet et Brisson, Mme Estrosi Sassone, M. D. Laurent, Mmes Schalck et Imbert, MM. de Legge et Lefèvre et Mme P. Martin.

Supprimer cet article.

Mme Anne Ventalon.  - L'article 1er quater introduit une nouvelle obligation pour les associations : participer à la diffusion du Guid'Asso. Nous nous y opposons.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Cet article avait pour objectif de rassembler plusieurs articles introduits à l'Assemblée nationale et de faire porter la responsabilité des actions visées sur l'État et non sur les associations, mobilisées seulement pour la diffusion de cette information.

La commission récuse cette nouvelle obligation : elle a émis un avis favorable à cet amendement de suppression.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Je comprends votre position et votre volonté de simplifier la vie des associations.

Mais je tiens à vous rassurer : les associations ne participeront qu'à la transmission des informations. La charge repose bien sur l'État, via le réseau Guid'Asso. Avis défavorable.

L'amendement n°11 rectifié est adopté et l'article 1er quater est supprimé.

Les amendements nos12 rectifié et 54 rectifié n'ont plus d'objet.

L'article 2 est adopté.

Après l'article 2

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Guérini.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Après le 3° de l'article L. 3142-54-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° À tout salarié désigné pour siéger à titre bénévole au sein du conseil d'administration, du directoire ou du conseil de surveillance d'une fondation ou d'un fonds de dotation. »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Ahmed Laouedj.  - Cet amendement favorise l'égalité de traitement en étendant le congé aux bénévoles engagés au sein de fondations ou de fonds de dotations.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Cela relève de la philanthropie : ce n'est pas le coeur du texte, d'où un avis défavorable de la commission.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°21 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°65, présenté par M. Chantrel, au nom de la commission.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Après le quatrième alinéa de l'article L. 3142-54-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« ...° À toute personne exerçant à titre bénévole les missions de délégué du Défenseur des droits. »

II.  -  L'article L. 641-3 du code de la fonction publique est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« ...° Il exerce à titre bénévole les missions de délégué du Défenseur des droits. »

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Il s'agit d'élargir le congé de citoyenneté aux 200 délégués bénévoles du Défenseur des droits, qui n'ont pas non plus accès au CEC.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Avis favorable.

L'amendement n°65 est adopté et devient un article additionnel.

Article 2 bis

M. le président.  - Amendement n°64, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Il est déjà possible de monétiser des jours sur un compte épargne temps, et d'en faire don à des associations. Or la monétisation prévue à l'article 2 bis n'est pas considérée comme un revenu disponible du salarié et n'ouvre pas droit à la réduction d'impôt liée au don.

Il revient aux partenaires sociaux de s'emparer de ce sujet dans le cadre de leurs négociations. Ne préemptons pas leurs échanges.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - La commission entend faciliter le don de congés monétisés, car certains salariés n'ont pas de compte épargne temps. Avis défavorable.

L'amendement n°64 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°52 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mmes Havet et Saint-Pé, MM. Henno, Bonnecarrère, Kern, Hingray, Fargeot, Courtial et Duffourg, Mme Romagny et MM. L. Hervé et Capo-Canellas.

Alinéa 4

I.  -  Remplacer les mots :

et b

par les mots :

, b et g

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Michel Canévet.  - Cet amendement permet aux fonds de dotation de bénéficier aussi de dons de jours de repos et de congés.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Cela relève du financement philanthropique. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°52 rectifié ter n'est pas adopté.

L'article 2 bis est adopté.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par Mmes Paoli-Gagin, L. Darcos et Bourcier et MM. Brault, Capus, Chasseing, Chevalier, Grand, V. Louault, A. Marc, Rochette, Verzelen et Wattebled.

I.  -  Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le 1° est complété par les mots : « ainsi qu'aux communes de moins de 5 000 habitants » ;

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :.... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme Laure Darcos.  - Les maires des petites communes voient leur capacité d'action entravée du fait de la complexité administrative. Les salariés de grands groupes, où les compétences d'ingénierie sont fréquentes, devraient pouvoir leur prêter main-forte. L'amendement élargit la liste des personnes morales bénéficiaires du mécénat de compétences à toute commune de moins de 5 000 habitants.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Ce texte porte sur l'engagement associatif, dont cet amendement est trop éloigné. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Cela relève du droit de la fonction publique. Avis défavorable.

L'amendement n°8 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par MM. Duffourg, Bonneau et Henno, Mme Petrus, MM. Cambier et Tabarot, Mme Perrot, M. Mizzon, Mme Saint-Pé, MM. Menonville et Chasseing, Mme Bourcier, MM. Pellevat et Courtial, Mmes Romagny et P. Martin et MM. Vanlerenberghe et Maurey.

I.  -  Après l'alinéa 3

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Après l'article L. 8241-3 du code du travail, il est inséré un article L. 8241-... ainsi rédigé :

« Art. L. 8241-... - I.  -  Par dérogation au dernier alinéa de l'article L. 8241-1 et dans les conditions prévues au présent article, une entreprise de moins de cinquante salariés peut mettre ses salariés à la disposition d'une personne morale figurant sur la liste fixée aux a et b de l'article 238 bis du code général des impôts pendant une partie de la semaine.

« La durée de cette mise à disposition ne peut être inférieure à deux heures par semaine et ne peut excéder un mi-temps pour un salarié à temps plein.

« Cette mise à disposition ne peut concerner que les salariés qui ont donné leur accord et qui ont fait connaître leur intention de partir en retraite au plus tard six mois après le début de la mise à disposition.

« II.  -  Les opérations de prêt de main-d'oeuvre réalisées sur le fondement du présent article n'ont pas de but lucratif au sens de l'article L. 8241-1 du présent code pour les entreprises utilisatrices, même lorsque le montant facturé par l'entreprise prêteuse à l'entreprise utilisatrice est inférieur aux salaires versés au salarié, aux charges sociales afférentes et aux frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de sa mise à disposition temporaire ou est égal à zéro.

« III.  -  L'entreprise prêteuse maintient la rémunération du salarié mis à disposition. Le maintien de la rémunération ouvre droit à un crédit d'impôt dont le montant est égal à celui de ladite rémunération.

« IV.  -  Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article. »

II. - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

....  -  Le présent article ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. Le I ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

M. Alain Duffourg.  - Cet amendement ouvre le mécénat de compétences aux entreprises de moins de 50 salariés. Dans les communes rurales, on peine à trouver des bénévoles.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - L'article 3 ouvre le mécénat de compétences aux entreprises de moins de 5 000 salariés. Cet amendement est donc satisfait. En outre, il restreindrait la possibilité aux salariés à six mois de la retraite. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Article 3 bis

M. le président.  - Amendement n°56, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Supprimer cet article.

Mme Mathilde Ollivier.  - L'expérimentation de la mise à disposition de fonctionnaires hospitaliers et de contractuels de la fonction publique d'État, territoriale et hospitalière auprès d'associations n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact en matière de fuite de compétences.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Cette possibilité évite une inégalité entre les trois fonctions publiques. Quant à la crainte de perte de compétences, la mise à disposition nécessite un accord hiérarchique. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°56 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par Mme Ventalon, MM. C. Vial et Darnaud, Mmes Lavarde et Di Folco, M. Grosperrin, Mmes Joseph, Puissat et Gruny, M. Piednoir, Mme Josende, MM. J.P. Vogel, Perrin, Rietmann, Panunzi, H. Leroy, Sautarel, Cadec et Burgoa, Mme Gosselin, M. Savin, Mme M. Mercier, MM. Chatillon, Bouchet et Brisson, Mme Estrosi Sassone, M. D. Laurent, Mmes Schalck et Imbert, MM. de Legge, Lefèvre et Michallet, Mme Pluchet, MM. Naturel, Rapin et Tabarot, Mme Muller-Bronn, M. Klinger, Mmes Borchio Fontimp et Micouleau, MM. J.B. Blanc et Belin, Mmes Drexler et Demas, M. Sido et Mmes Belrhiti, Chain-Larché et P. Martin.

I. - Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa

1° Après la référence : « L. 512-15 » sont insérés les mots : « à l'article L. 512-17 » ;

II. - Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Cédric Vial.  - Restreignons la mise à disposition aux fonctionnaires et non aux contractuels, sinon cela serait source de dérives et remettrait en cause des équilibres stables depuis plus de quarante ans.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Nous en avons débattu en commission. Embaucher un contractuel pour le mettre ensuite à disposition pourrait aller à l'encontre du statut de la fonction publique. Avis favorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - La loi du 6 août 2019 a créé le code général de la fonction publique. Les agents contractuels de la fonction publique ont vu leurs droits alignés sur ceux des fonctionnaires titulaires, notamment en matière de formation. Ils peuvent même être recrutés sur un besoin permanent.

Revenir sur cet alignement ne serait pas judicieux. Avis défavorable.

M. Max Brisson.  - Les contractuels sont recrutés lorsqu'un emploi n'a pas pu être pourvu par un fonctionnaire. Curieuse méthode que de recruter un contractuel pour lui permettre ensuite d'être mis à disposition...

L'amendement n°13 rectifié est adopté.

L'article 3 bis, modifié, est adopté.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié ter, présenté par Mme Jacquemet, MM. Mizzon, Henno et Cambier, Mme Loisier, MM. Courtial, Canévet et Menonville et Mmes Romagny et Perrot.

Supprimer cet article.

Mme Annick Jacquemet.  - L'article 4 vise à valoriser les actions de soutien à la vie associative et de promotion du bénévolat mises en oeuvre par les entreprises dans leur déclaration de performance extrafinancière (DPEF). Mais les entreprises ont déjà la possibilité d'inclure ces actions dans leur rapport de durabilité. Leur imposer des obligations supplémentaires n'est pas nécessaire. Supprimons l'article.

M. le président.  - Amendement identique n°14 rectifié, présenté par Mme Ventalon, MM. C. Vial, Rietmann et Darnaud, Mmes Lavarde et Di Folco, M. Grosperrin, Mmes Joseph, Puissat et Gruny, M. Piednoir, Mme Josende, MM. J.P. Vogel, Perrin, Panunzi, H. Leroy, Sautarel, Cadec et Burgoa, Mme Gosselin, M. Savin, Mme M. Mercier, MM. Chatillon, Bouchet et Brisson, Mme Estrosi Sassone, M. D. Laurent, Mmes Schalck et Imbert, MM. de Legge et Lefèvre, Mme Garnier, M. Michallet, Mme Pluchet, MM. Naturel, Rapin et Tabarot, Mme Muller-Bronn, M. Klinger, Mmes Borchio Fontimp et Micouleau, MM. J.B. Blanc et Belin, Mmes Drexler et Demas, M. Sido et Mmes Belrhiti, Chain-Larché et P. Martin.

Mme Anne Ventalon.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°36 rectifié ter, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Lafon et Levi, Mmes Guidez et Vermeillet, MM. Chauvet et Duffourg, Mme Morin-Desailly et MM. L. Hervé, Folliot, Pillefer, Capo-Canellas, Delahaye et Vanlerenberghe.

Mme Annick Billon.  - L'ordonnance du 6 décembre 2023 abroge des dispositions relatives à la DPEF à compter du 1er janvier 2025 : pouvez-vous me confirmer cette date ?

L'amendement identique n°37 rectifié bis n'est pas défendu.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - La DPEF disparaîtra au 1er janvier 2025. (Mme Annick Billon en prend acte.) Avis favorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Je vais dans le sens du rapporteur. Sagesse.

Les amendements identiques nos5 rectifié ter, 14 rectifié et 36 rectifié ter sont adoptés.

L'article 4 est supprimé.

L'amendement n°57 n'a plus d'objet.

Après l'article 4

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 4° du II de l'article L. 232-1 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Expose les dons et versements ouvrant droit à la réduction d'impôt prévue au 2 de l'article 238 bis du code général des impôts, en précisant notamment l'impact et la part des dons et versements consacrés au mécénat en faveur de l'avenir du territoire d'implantation et de sa jeunesse. »

Mme Colombe Brossel.  - Quelque 9 % des entreprises pratiquent le mécénat, pour 3,6 milliards d'euros. À l'heure où nos collectivités doivent se substituer à un État qui se défausse, ce soutien est essentiel. Parmi ces mécènes, 66 % sont des TPE et 30 % des PME, mais, ne publiant pas de rapport extrafinancier, elles ne peuvent valoriser cette action.

Or la droite sénatoriale, sans doute conseillée par le Medef, a opéré un revirement entre la commission et la séance publique et a supprimé l'article 4. Tout le monde peut changer d'avis...

Ce texte présente un équilibre entre la simplification de la vie associative et la valorisation de l'engagement bénévole. N'oublions pas ce second pilier. Les associations sont très demandeuses du mécénat d'entreprise.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié quater, présenté par Mmes Paoli-Gagin, L. Darcos et Bourcier et MM. Brault, Capus, Chasseing, Chevalier, Grand, V. Louault, A. Marc, Rochette, Verzelen et Wattebled.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 7° du II de l'article L. 232-1 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Présente les dons et versements ouvrant droit à la réduction d'impôt prévue au 2 de l'article 238 bis du code général des impôts, en précisant notamment l'impact et la part des dons et versements consacrés au mécénat en faveur de l'avenir du territoire d'implantation. »

Mme Laure Darcos.  - Il s'agit d'intégrer les actions de mécénat dans le rapport RSE des entreprises afin de mieux valoriser leurs actions pro bono.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - À titre personnel, je partage la volonté de Mme Brossel d'élargir les obligations des PME. Mais en cohérence avec la suppression de l'article 4, la commission demande le retrait, sinon avis défavorable à ces deux amendements.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - N'alourdissons pas les charges pour libérer le potentiel d'engagement. Avis défavorable.

Mme Annick Billon.  - Mme Brossel a évoqué des changements de position. Je me suis sentie visée... Nous avons le droit d'évoluer ! (Sourires) Par exemple, entre 2022 et 2024, nous sommes passés de 130 sénateurs favorables à 266 sur un sujet de société très important...

Il faut trouver un juste équilibre entre faciliter la vie des associations, valoriser le bénévolat, et ne pas ajouter de contraintes aux entreprises. Il faut parfois un salarié supplémentaire pour gérer toute la charge administrative des nouvelles normes votées par le Parlement. Membre de la délégation aux entreprises et issue du monde de l'entreprise, j'assume totalement ce changement de position !

M. Max Brisson.  - Pas besoin d'interférences extérieures : le seul regard du président de la délégation aux entreprises, Olivier Rietmann, nous a conduits sur la voie de la simplification... (L'intéressé s'en amuse.)

L'amendement n°7 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°9 rectifié quater.

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  L'article 1407 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au 2° du I, les mots : « associations et » sont supprimés ;

2° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les locaux associatifs qui ne sont pas retenus pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises. »

II. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Joshua Hochart.  - Tout le monde reconnaît les difficultés, notamment financières, des associations. Les exonérer de la taxe d'habitation leur offrira une respiration bienvenue.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Lors de la loi de finances, une possibilité d'exonération a été votée. Laissons choisir les communes. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Même avis.

M. Olivier Paccaud.  - Les maisons d'assistantes maternelles (MAM) sont parfois organisées sous forme associative, et sont alors soumises à la taxe d'habitation quand les crèches non associatives du même territoire en sont exonérées. Cette proposition peut s'étudier. J'ai préparé un amendement en ce sens en prévision de la prochaine loi de finances.

M. Cédric Vial.  - Une fois n'est pas coutume, je ne suis pas du même avis que mon collègue. Aujourd'hui les maires peuvent exonérer, mais il n'y a pas d'automaticité. Oui, les MAM paient la taxe d'habitation, mais les assistantes maternelles aussi. Attention à une éventuelle une distorsion de concurrence. Conservons de la souplesse.

Je connais des associations plus riches que certaines collectivités ! On ne peut pas automatiser une perte de recettes pour nos collectivités.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur des mesures pouvant être apportées ou corrigées afin d'encourager et mieux reconnaître l'engagement bénévole et le volontariat.

M. Joshua Hochart.  - Je connais la position du Sénat sur les rapports : l'amendement est donc défendu. (Rires)

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Avis défavorable, conformément à la position du Sénat.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Je ne voudrais pas contrarier le Sénat. (Sourires) Même avis.

L'amendement n°42 n'est pas adopté.

Après l'article 4 bis (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Après l'article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Apre?s la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisie?me partie du code du travail, est inse?re?e une section ainsi re?dige?e :

« Section ...

« Ame?nagement du temps de travail pour les salarie?s be?ne?voles ou volontaires exerc?ant une responsabilite? au sein du bureau d'une association ou d'une fondation d'utilite? publique

« Sous-section 1

« Ordre public

« Art. L. 3121-52-1.  -  I.  -  Tout salarie? a? temps complet ou a? temps partiel exerc?ant des activite?s be?ne?voles ou de volontariat, au sein du bureau d'une association re?gie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ou inscrite au registre des associations en application du code civil local applicable dans les de?partements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ou au sein du bureau d'une fondation reconnue d'utilite? publique, de?clare?e depuis un an au moins, be?ne?ficie a? sa demande d'un ame?nagement de son temps de travail.

« II.  -  L'ame?nagement du temps de travail des salarie?s mentionne?s au I consiste :

« 1° Pour le salarie? a? temps complet, a? accomplir la dure?e le?gale de travail effectif mentionne?e a? l'article L. 3121-27 sur un nombre de jours infe?rieur de 20 % au nombre de jours usuellement travaille?s par semaine, lorsque celui-ci est e?gal a? cinq ;

« 2° Pour le salarie? a? temps partiel, a? accomplir la dure?e de travail mentionne?e a? l'article L. 3123-1, sur un nombre de jours infe?rieur de 20 % au nombre de jours travaille?s par semaine figurant dans l'avenant au contrat de travail.

« III.  -  Les jours travaille?s sont choisis par le salarie?, en accord avec l'employeur.

« L'ame?nagement du temps de travail est mis en oeuvre dans le mois qui suit la demande du salarie?.

« Sous-section 2

« Champ de la ne?gociation collective

« Art. L. 3121-52-2.  -  Un accord collectif d'entreprise ou d'e?tablissement ou, a? de?faut, une convention ou un accord de branche peut pre?voir :

« 1° Les modalite?s d'ame?nagement du temps de travail sur un nombre de jours infe?rieur a? quatre par semaine ;

« 2° Un de?lai de mise en oeuvre de l'ame?nagement du temps de travail infe?rieur a? celui mentionne? au III de l'article L. 3121-52-1.

« Sous-section 3

« Dispositions supple?tives

« Art. L. 3121-52-3.  -  Sauf stipulations contraires dans une convention ou un accord mentionne? a? l'article L. 3121-32, la semaine de?bute le lundi a? 0 heure et se termine le dimanche a? 24 heures. »

Mme Mathilde Ollivier.  - Cet amendement vise à instaurer la semaine de quatre jours pour le salarié bénévole ou volontaire membre du bureau d'une association ou d'une fondation publique.

Le temps est central dans le bénévolat : vie professionnelle et bénévolat ne font pas bon ménage. L'engagement bénévole est un choix de vie particulièrement contraignant pour les bénévoles qui exercent des fonctions exécutives.

Sans légiférer sur le temps de travail, nous proposons donc à tout salarié exerçant des responsabilités dans une association un droit opposable à l'aménagement de son temps de travail.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - À titre personnel, je suis favorable à la semaine des quatre jours. Mais vous proposez les 35 heures en quatre jours, source de possible cadence infernale. La commission a émis un avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Je comprends l'objectif, mais la création d'un droit opposable risque de déstabiliser le collectif de travail, avec des effets indésirables sur les collègues : avis défavorable.

Mme Mathilde Ollivier.  - Monsieur le rapporteur, il s'agirait d'une demande volontaire du bénévole.

L'amendement n°33 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°53 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mmes Havet et Perrot, MM. Henno, Bonnecarrère, Kern, J.M. Arnaud, Hingray, Fargeot, Courtial et Duffourg, Mme Romagny et MM. L. Hervé et Capo-Canellas.

Après l'article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article L. 8241-3 du code du travail est ainsi modifié : 

1° Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé : 

« 3° Pour les personnes morales dont la liste est fixée aux a à g du 1 de l'article 238 bis du code général des impôts. » ;

2° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« Par exception à la limite de deux ans précédemment énoncée, la durée de service d'intérêt général participant à l'accomplissement d'une mission de service public confiée à une personne morale citée au présent 3° est limitée à six ans. »

M. Claude Kern.  - Nous souhaitons étendre la période des mécénats de compétences pour les missions de service public de deux à six ans.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Le texte prévoit déjà une extension de deux à trois ans. Par ailleurs, l'amendement introduit une confusion entre intérêt général et mission de service public. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°53 rectifié ter n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°45 rectifié, présenté par MM. Bonneau et Longeot, Mme Vermeillet, M. Henno, Mme Demas, M. Menonville, Mme N. Delattre, MM. Hingray, Courtial, Duffourg, A. Marc, Cigolotti, Sautarel et L. Hervé, Mme Saint-Pé, M. Cambier, Mme Guidez et M. Guerriau.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Après l'article L. 43 du code électoral, il est inséré un article L. 43-... ainsi re?dige? :

« Art. L. 43-....  -  Les repre?sentants de l'E?tat dans le de?partement organisent annuellement des ce?re?monies de remise de la carte e?lectorale aux citoyens volontaires l'anne?e de leur majorite?. Lors de cette ce?re?monie, les re?cipiendaires de la carte e?lectorale sont invite?s a? e?tre assesseurs au scrutin suivant la ce?re?monie. »

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Loïc Hervé.  - Cet amendement de M. François Bonneau vise à permettre aux préfectures et sous-préfectures d'organiser les cérémonies de remise de la carte électorale, car les mairies peinent à les organiser.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Cela poserait des problèmes logistiques pour les jeunes habitant loin de la préfecture. En outre, il s?agit d'une cérémonie annuelle : les jeunes recevraient ainsi leur carte avant d'être majeurs. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - C'est déjà possible. Nul besoin de recourir à la loi : je vous propose de nous rencontrer pour échanger. Avis défavorable, même si je partage l'objectif.

L'amendement n°45 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est ainsi rédigé :

« Art. 10-1.  -  Toute association ou fondation qui sollicite l'octroi d'une subvention au sens de l'article 9-1 auprès d'une autorité administrative ou d'un organisme chargé de la gestion d'un service public industriel et commercial signe, avec la personne auprès de laquelle elle requiert la subvention, la Charte des engagements réciproques qui engage les deux parties à respecter les principes de liberté, de fraternité, de laïcité et de respect de la dignité de la personne humaine et les symboles fondamentaux de la République.

« L'association ou la fondation qui s'engage à respecter les principes contenus dans la Charte des engagements réciproques informe par tous moyens ses membres du contenu de cette charte.

« Lorsque l'objet que poursuit l'association ou la fondation sollicitant l'octroi d'une subvention, son activité ou les modalités selon lesquelles cette activité est conduite sont illicites ou incompatibles avec les principes contenus dans la Charte des engagements réciproques, l'autorité ou l'organisme sollicité refuse la subvention demandée.

« Lorsque l'autorité ou l'organisme ayant attribué la subvention constate que l'association ou la fondation bénéficiaire poursuit un objet illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les poursuit ne sont pas compatibles avec la Charte des engagements réciproques, elle informe celle-ci du manquement constaté et la met en demeure d'y remédier dans un délai de 15 jours. L'association ou la fondation peut présenter ses observations dans les conditions prévues. À l'issue de ce délai, si le manquement persiste, l'autorité ou l'organisme ayant attribué la subvention notifie à l'association ou à la fondation, par une décision motivée, sa décision de procéder au retrait de la part de subvention versée à partir de la date du manquement constaté, après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.

« L'autorité administrative ou l'organisme chargé de la gestion d'un service public industriel et commercial qui a procédé au retrait de la subvention, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, peut demander au juge administratif de prononcer la restitution de tout ou partie des subventions attribuées.

« Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article et fixe le montant minimal annuel de subvention en deçà duquel une association ou une fondation n'est pas tenue de signer la Charte des engagements réciproques. »

Mme Colombe Brossel.  - Nous souhaitons remplacer le contrat d'engagement républicain (CER), auquel les sénateurs du groupe SER sont défavorables depuis l'adoption de la loi du 24 août 2021, par une charte des engagements réciproques.

Le CER fait l'unanimité contre lui : les acteurs associatifs n'en veulent pas. Le rapport de la commission des lois en pointe les faiblesses.

Nous proposons donc de donner une base légale à la charte des engagements réciproques, outil simple, non stigmatisant et très utilisé.

Il faut construire une relation de confiance avec les associations. Bien entendu, en cas de manquement, la subvention serait remboursée.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - À titre personnel,...

M. Olivier Rietmann.  - C'est pénible !

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - ... je suis favorable à votre amendement, car les associations sont opposées au CER. Mais la commission a émis un avis défavorable, en cohérence avec la position du Sénat.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Le CER ne stigmatise pas ; au contraire, il protège, car il garantit que les deniers publics sont utilisés conformément aux valeurs de la République. Il s'agit non pas de fliquer, mais de protéger le tissu associatif. Avis défavorable.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

Article 6

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les organismes consentant au prêt rendent publics jusqu'à leur expiration la liste, les conditions et le montant de chaque prêt.

Mme Mathilde Ollivier.  - Nous saluons l'article, mais nous voulons plus de transparence sur les prêts formés entre organismes à but non lucratif, notamment les mouvements entre les fonds de dotation, fondations et associations. Rendons-les publics.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - La commission a trouvé cette démarche de transparence intéressante. Sagesse.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

M. Cédric Vial.  - L'article 6 prévoit un décret d'application en Conseil d'État. N'anticipons pas le travail du pouvoir réglementaire, qui devra prévoir bien d'autres conditions -  délibérations, plafonnement, information des organismes concernés, etc. Nous ne voterons pas cet amendement.

Mme Annick Billon.  - Il y aura une suite à nos débats : votons cet amendement et nous améliorerons le dispositif ensuite.

À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°60, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« À peine de nullité, ces prêts ne peuvent donner lieu à aucun intérêt.

Mme Mathilde Ollivier.  - Les prêts entre organismes à but non lucratif doivent être à titre gratuit, afin d'éviter que les organisations les plus solides ne fassent des profits sur le dos des plus petites.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - C'est une restriction importante, que rien ne justifie selon le HCVA : avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°59 n'est pas adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

L'article 6 bis est adopté.

Après l'article 6 bis

L'amendement n°29 rectifié n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°26 rectifié bis.

L'article 6 ter est adopté.

Après l'article 6 ter

M. le président.  - Amendement n°48 rectifié, présenté par MM. Bonneau et Longeot, Mme Vermeillet, M. Henno, Mme Demas, M. Menonville, Mme N. Delattre, MM. Hingray, Courtial, Duffourg, A. Marc, Cigolotti, Sautarel, L. Hervé et Cambier, Mmes Guidez et Gacquerre et M. Guerriau.

Après l'article 6 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A? la seconde phrase du quatrie?me aline?a de l'article L. 711-1 du code de l'e?ducation, apre?s le mot : « professionnelle, », sont inse?re?s les mots : « de valorisation de l'engagement associatif, ».

M. Loïc Hervé.  - Des unités d'enseignement peuvent être octroyées aux étudiants pour favoriser le bénévolat. Cet amendement inclut l'engagement bénévole dans les objectifs des établissements d'enseignement supérieur.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Ces établissements peuvent déjà valoriser l'engagement bénévole, et beaucoup le font. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°48 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié bis, présenté par M. Laouedj, Mme M. Carrère, MM. Bilhac et Cabanel, Mmes N. Delattre et Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Guérini.

Après l'article 6 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  L'article 199 quindecies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les contribuables accueillis dans un établissement ou un service mentionné au 6° du L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles bénéficiant d'une réduction d'impôts selon les modalités prévues au 1° peuvent bénéficier d'une bonification de cette réduction d'impôts lorsque ces personnes s'investissent dans des associations à but non lucratif. Cette bonification correspond à un supplément de 20 % du montant total de la réduction d'impôts accordée, dans la limite annuelle d'un plafond de 10 000 euros. Pour bénéficier de cette bonification, les contribuables doivent justifier de leur participation à des activités bénévoles au sein des associations, selon des modalités fixées par décret. »

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Ahmed Laouedj.  - Le bénévolat n'a pas la cote chez les personnes âgées. Or l'engagement des seniors leur apporte de nombreux bienfaits. Pourquoi ne pas l'encourager dans les Ehpad grâce à une réduction d'impôt ?

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Ce faisant, vous instaurez une idée de contrepartie au bénévolat : avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - J'ajoute que toute mesure fiscale doit être débattue à l'occasion du projet de loi de finances : avis défavorable.

L'amendement n°30 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

Après l'article 7

M. le président.  - Amendement n°63, présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le V de l'article 231 ter du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«...° Tous les organes déconcentrés des fédérations et associations délégataires d'une mission de service public et possédant leur agrément. »

II.  -  La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Joshua Hochart.  - Il s'agit d'écrire dans la loi que les organes déconcentrés des fédérations et associations délégataires d'une mission de service public et possédant un agrément sont exonérés de taxe annuelle sur les bureaux. C'est déjà le cas, sauf qu'un récent arrêt du tribunal de Melun y a assujetti la Fédération française de football...

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Cela diminuerait les ressources des communes. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Même avis.

M. Joshua Hochart.  - Cela ne réduirait pas les recettes des collectivités, puisque c'est déjà le cas !

L'amendement n°63 n'est pas adopté.

Article 7 bis

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par Mme Ventalon et M. C. Vial.

Supprimer cet article.

M. Cédric Vial.  - Nous n'avons rien contre les dispositions de l'article 7 bis, mais considérons qu'elles relèvent du pouvoir réglementaire : ne rendons pas la loi trop bavarde.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - À titre personnel, inscrire Guid'Asso dans la loi me semble important.

Madame la ministre, quid de l'accompagnement des associations françaises à l'étranger ?

La commission a émis un avis favorable à cet amendement.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Le dispositif Guid'Asso est fondamental : il faut le graver dans le marbre de la loi. Dès lors, avis défavorable.

M. Cédric Vial.  - Pourquoi pas dans la Constitution ?

M. Max Brisson.  - Vous pouvez faire tous les guides associatifs que vous voulez. Mais, franchement, a-t-on besoin de la loi ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Ce n'est pas un livre !

M. Max Brisson.  - Le Gouvernement peut utiliser le pouvoir réglementaire pour agir. La loi doit être durable.

Mme Mathilde Ollivier.  - Guid'Asso n'est pas un guide, mais une plateforme.

M. Max Brisson.  - Qu'est-ce que cela change ? C'est un outil !

Mme Mathilde Ollivier.  - C'est un outil utile, reconnu par toutes les associations, qui offre une visibilité globale de la vie associative à toutes les associations.

J'avais déposé un amendement en faveur des associations pour les Français de l'étranger, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Madame la ministre, comment soutenir la vie associative pour les Français de l'étranger ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - L'intitulé prête à confusion : Guid'Asso n'est ni un guide ni une plateforme, c'est un réseau physique qui maille le territoire, notamment dans la ruralité où le besoin de lien est très prononcé...

M. Max Brisson.  - Mais pourquoi la loi ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - C'est une demande très forte du tissu associatif : un réseau physique est utile pour se parler.

M. Max Brisson.  - C'est réglementaire ! Laissez la loi tranquille.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Quand un sénateur me demande de laisser la loi tranquille...

Mme Annick Billon.  - Le groupe UC votera cet amendement.

Ce réseau, présent dans sept régions, a vocation à s'étendre à toutes d'ici à 2025 : mais il n'a pas besoin de la loi pour se déployer. La volonté politique suffit.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Elle existe aujourd'hui, mais demain ?

M. Marc Laménie.  - Je n'avais pas prévu d'intervenir... Je voterai cet amendement. Faire un guide, oui, mais nombre d'associations ne connaissent pas le FDVA, sans oublier les aides des collectivités territoriales. Il faut communiquer autrement.

L'amendement n°51 est adopté.

L'article 7 bis est supprimé.

L'amendement n°20 rectifié bis n'a plus d'objet.

Après l'article 7 bis

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mmes Gosselin, Ventalon et Belrhiti, MM. Grosperrin, Piednoir et Bas, Mme Drexler, MM. C. Vial, Lefèvre et Burgoa, Mme Di Folco, MM. Mouiller, Paccaud, Panunzi, H. Leroy, Pellevat, Cadec, Genet, Tabarot et Khalifé, Mmes Canayer et Micouleau et M. Belin.

Après l'article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article 930 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au premier alinéa du présent article, la renonciation faite en faveur d'un organisme sans but lucratif ayant la capacité civile de recevoir des libéralités est établie par acte authentique reçu par un seul notaire. Elle mentionne précisément les conséquences juridiques futures pour chaque renonçant. »

Mme Béatrice Gosselin.  - Les donations sont une ressource croissante des organismes sans but lucratif. Afin d'amplifier cette tendance, l'amendement simplifie ces opérations en allégeant le formalisme de la renonciation anticipée à l'action en réduction, qui sécurise la transmission à l'organisme. L'intervention d'un seul notaire serait suffisante, alors que deux sont nécessaires aujourd'hui.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Il convient de ne pas modifier la procédure actuelle, pour préserver les intérêts des héritiers. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mmes Gosselin, Ventalon et Belrhiti, MM. Grosperrin, Piednoir et Bas, Mme Drexler, MM. C. Vial, Lefèvre et Burgoa, Mme Di Folco, MM. Mouiller, Paccaud, Panunzi, H. Leroy, Pellevat, Cadec, Genet, Tabarot et Khalifé, Mmes Canayer et Micouleau et M. Belin.

Après l'article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code civil est ainsi modifié :

1° Après l'article 1002-1, il est inséré un article 1002-2 ainsi rédigé :

« Art. 1002-2  -  L'action en délivrance de legs se prescrit par cinq ans à compter de l'ouverture de la succession.

« La prescription ne court pas tant que le successible a des motifs légitimes d'ignorer la naissance de son droit, notamment l'ouverture de la succession.

« La prescription est suspendue à compter du jour où le successible demande la délivrance de son legs.

« La demande de délivrance de legs peut être amiable ou judiciaire. La demande de délivrance de legs amiable n'est soumise à aucune condition de forme et peut-être, le cas échéant, prouvée par tout moyen. » ;

2° L'article 1004 est complété par les mots : « dans les conditions fixées par l'article 1002-2 » ;

3° À l'article 1011, après le mot : « loi » sont insérés les mots : « dans les conditions fixées par l'article 1002-2 ».

Mme Béatrice Gosselin.  - Il s'agit à nouveau d'une simplification de procédure, cette fois pour les legs : le point de départ du délai de prescription pour l'action en délivrance serait assoupli.

M. le président.  - Amendement identique n°27 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Laouedj et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Guérini.

Après l'article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code civil est ainsi modifié :

1° Après l'article 1002-1, il est inséré un article 1002-2 ainsi rédigé :

« Art. 1002-2  -  L'action en délivrance de legs se prescrit par cinq ans à compter de l'ouverture de la succession.

« La prescription ne court pas tant que le successible a des motifs légitimes d'ignorer la naissance de son droit, notamment l'ouverture de la succession.

« La prescription est suspendue à compter du jour où le successible demande la délivrance de son legs.

« La demande de délivrance de legs peut être amiable ou judiciaire. La demande de délivrance de legs amiable n'est soumise à aucune condition de forme et peut-être, le cas échéant, prouvée par tout moyen. » ;

2° L'article 1004 est complété par les mots : « dans les conditions fixées par l'article 1002-2 » ;

3° À l'article 1011, après le mot : « loi » sont insérés les mots : « dans les conditions fixées par l'article 1002-2 ».

M. Ahmed Laouedj.  - Défendu.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Ces amendements bouleversent les équilibres entre légataires et successibles. Actuellement, la suspension est prévue dans des cas très limités. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Même avis.

Les amendements identiques nos1 rectifié et 27 rectifié bis ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par M. Klinger, Mmes Drexler et Aeschlimann, MM. Bonhomme, Belin, Burgoa et Chasseing, Mmes N. Delattre, Di Folco, Dumont et Estrosi Sassone, M. Genet, Mme Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Henno et Hingray, Mme Joseph, MM. Kern et Khalifé, Mme Lassarade, MM. H. Leroy et P. Martin, Mme P. Martin, M. Masset, Mme Micouleau, M. Mizzon, Mmes Noël et Petrus, MM. Rapin, Reichardt et Reynaud, Mme Richer, MM. Rietmann et Rojouan, Mmes Romagny et Schalck, MM. Sol et Tabarot, Mme Valente Le Hir et M. Vanlerenberghe.

Après l'article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le 4° du III de l'article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les rémunérations et indemnités perçues par les employés des associations et fondations sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée au sens du d du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts, à l'occasion d'au plus six manifestations de bienfaisance ou de soutien organisées dans l'année à leur profit exclusif, mentionnées au c du 1° du 7 de l'article 261 du même code ; ».

II.  - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Christian Klinger.  - Nous voulons simplifier les procédures de déclaration d'emplois ponctuels pour les associations qui y ont recours dans le cadre de manifestations de bienfaisance ou de soutien organisées à leur profit exclusif. Lorsqu'une association fait appel à des emplois ponctuels, par exemple pour sécuriser un parking ou tenir un guichet, elle doit réaliser une déclaration à l'Urssaf pour chaque emploi, même pour quelques heures. L'exonération de cotisations sociales proposée est calquée sur celle prévue en matière fiscale.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Tous les emplois doivent être déclarés, pour lutter contre le travail dissimulé et protéger le salarié en cas d'accident. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Argument supplémentaire : la mesure relèverait d'une loi de financement de la sécurité sociale. Avis défavorable.

Mme Annick Billon.  - Je ne voterai pas cet amendement. Certaines associations font travailler des entreprises de nos territoires, qui, elles, seraient soumises à cotisation. Il y aurait donc distorsion de concurrence.

L'amendement n°3 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement n°25 rectifié bis n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°24 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n°62 rectifié, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Après l'article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « décidées par », sont insérés les mots : « les ministères, » ;

2° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Au-delà d'un seuil fixé par décret toute subvention fait l'objet d'un appel à projet préalable, deux mois avant son octroi, régulièrement publié, comportant la définition précise du projet et des critères de réalisation attendus, ainsi que les modalités de contrôle de sa mise en oeuvre. »

Mme Mathilde Ollivier.  - Cet amendement s'inspire des conclusions de la commission d'enquête sénatoriale sur le fonds Marianne, qui a mis en évidence un défaut d'encadrement des appels à projets. Le défaut de transparence en la matière nuit à la confiance. Au-delà d'un seuil fixé par décret, un appel à projets serait obligatoire avant l'octroi de toute subvention, avec des critères objectifs permettant de contrôler les résultats obtenus. La commission d'enquête recommande de fixer ce seuil à 23 000 euros.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Je comprends l'objectif, mais cela risque de complexifier les choses : seules les associations les plus habituées à ce type de procédures pourront répondre. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

Mme Annick Billon.  - J'ai présidé la délégation aux droits des femmes pendant six ans. Pendant six ans, les associations ont réclamé de la simplification ! Certaines n'ont pas les moyens de répondre aux appels à projets. Envisageons non pas des contraintes supplémentaires, mais une procédure permettant aux collectivités territoriales de viser les associations les plus efficaces sur le terrain.

Mme Mathilde Ollivier.  - Je suis d'accord avec le constat d'Annick Billon. C'est pourquoi nous proposons qu'un décret fixe un seuil au-delà duquel la mesure s'appliquerait.

Mme Annick Billon.  - Ce n'est pas la question !

L'amendement n°62 rectifié n'est pas adopté.

Article 7 ter

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par Mme Ventalon, MM. C. Vial et Darnaud, Mmes Lavarde et Di Folco, M. Grosperrin, Mmes Joseph, Puissat et Gruny, M. Piednoir, Mme Josende, MM. J.P. Vogel, Perrin, Rietmann, Panunzi, H. Leroy, Sautarel, Cadec et Burgoa, Mme Gosselin, M. Savin, Mme M. Mercier, MM. Chatillon, Bouchet et Brisson, Mme Estrosi Sassone, M. D. Laurent, Mmes Schalck et Imbert, MM. de Legge et Lefèvre, Mme Garnier, M. Michallet, Mme Pluchet, MM. Naturel et Rapin, Mme P. Martin, M. Tabarot, Mme Muller-Bronn, M. Klinger, Mmes Borchio Fontimp et Micouleau, MM. J.B. Blanc et Belin, Mmes Drexler et Demas, M. Sido et Mmes Belrhiti et Chain-Larché.

Supprimer cet article.

Mme Anne Ventalon.  - La situation du secteur associatif mérite l'attention du législateur et du Gouvernement, mais nous rappelons la position du Sénat à l'égard des demandes de rapport.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Sagesse.

L'amendement n°15 rectifié est adopté.

L'article 7 ter est supprimé.

Après l'article 7 ter

L'amendement n°22 rectifié bis n'est pas défendu

Article 7 quater

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par Mme Ventalon, MM. C. Vial et Darnaud, Mmes Lavarde et Di Folco, M. Grosperrin, Mmes Joseph, Puissat et Gruny, M. Piednoir, Mme Josende, MM. J.P. Vogel, Perrin, Rietmann, Panunzi, H. Leroy, Sautarel, Cadec et Burgoa, Mme Gosselin, M. Savin, Mme M. Mercier, MM. Chatillon, Bouchet et Brisson, Mme Estrosi Sassone, M. D. Laurent, Mmes Schalck et Imbert, MM. de Legge et Lefèvre, Mme Garnier, M. Michallet, Mme Pluchet, MM. Naturel et Rapin, Mme P. Martin, M. Tabarot, Mme Muller-Bronn, M. Klinger, Mmes Borchio Fontimp et Micouleau, MM. J.B. Blanc et Belin, Mmes Drexler et Demas, M. Sido et Mmes Belrhiti et Chain-Larché.

Supprimer cet article.

Mme Anne Ventalon.  - Amendement de suppression, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Sagesse

L'amendement n°16 rectifié est adopté.

L'article 7 quater est supprimé.

Après l'article 7 quater

L'amendement n°28 rectifié bis n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par Mme Brulin et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

I. - Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 2125-1-1 de la deuxième partie du Livre Ier du code général de la propriété des personnes publiques, il est inséré un article L. 2125-1-... ainsi rédigé : 

« Art. L. 2125-1-....  -  Par dérogation aux articles L 2125-1 et L 2125-1-1, l'organe délibérant de la commune peut décider par délibération de délivrer à titre gratuit les autorisations d'occupation temporaire du domaine public communal, lorsqu'elles sont sollicitées par une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ou inscrite au registre des associations en application du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. »

II. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme Céline Brulin.  - Nous voulons résoudre un problème rencontré par de nombreuses associations et communes. Les secondes sont tenues de faire payer aux premières l'utilisation du domaine public, par exemple la location d'une salle. (MM. Olivier Rietmann et Loïc Hervé le contestent.)

Mme Céline Brulin.  - Le code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) dispose que toute occupation du domaine public donne lieu au paiement d'une redevance. Dans le cadre du contrôle de légalité, les préfets rappellent aux maires l'obligation de percevoir cette redevance.

Je vous passe les débats juridiques sur la présence d'une buvette ou le paiement du mètre linéaire dans un vide-grenier... Mais le fait est que des associations mettent un terme à certaines manifestations, les préfectures menaçant les maires de lourdes peines : jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 500 000 euros d'amende...

Cet amendement permet aux communes d'accorder aux associations l'occupation à titre gratuit du domaine public.

M. Yan Chantrel, rapporteur.  - Certaines mairies ont effectivement vu leur arrêté de mise à disposition gratuite attaqué par les préfectures en raison de la présence d'une offre de restauration lors d'une manifestation autorisée temporairement sur le domaine public. Cet amendement s'inscrit dans la lignée de la loi de finances. Avis favorable.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - L'article L. 2125-1 du CG3P dispose que toute occupation ou utilisation du domaine public donne lieu au versement d'une redevance, sauf exceptions, parmi lesquelles l'occupation temporaire du domaine public, notamment pour les associations poursuivant un but d'intérêt général. La gratuité est une faculté pour l'autorité gestionnaire et elle reste soumise au principe d'égalité. Avis défavorable.

M. Olivier Paccaud.  - Les bras m'en tombent.

Mme Céline Brulin.  - Vous nous avez lu l'article du CG3P auquel j'ai fait référence...

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - C'était bien de le rappeler !

Mme Céline Brulin.  - L'amendement vise justement à corriger l'article.

Mettez-vous à la place d'une association, dont nous voulons simplifier la vie, ainsi que celle des communes. Pour un village de 500 habitants, justifier l'organisation d'un vide-grenier par le club de football, dont les recettes serviront à son autofinancement, c'est une usine à gaz terrible ! Simplifions jusqu'au bout !

M. Max Brisson.  - Très bien !

M. Laurent Lafon, président de la commission.  - On va le faire !

Mme Céline Brulin.  - S'il faut que la commune envoie un employé à 5 heures du matin pour percevoir les droits de chaque exposant, cela lui coûtera cher. (M. Max Brisson renchérit.)

Si l'association doit payer une redevance, elle finira par demander une augmentation de sa subvention à la mairie... À quoi tout cela sert-il ?

M. Claude Kern.  - Depuis le début, nous parlons de simplification. Si nous ne votions pas cet amendement, cela signifierait que nous ne soutenons pas le bénévolat. Votons donc l'amendement « barbecue. » (Sourires)

M. Olivier Paccaud.  - Je suis très surpris de la position du Gouvernement.

Ce sont des décennies de pratique associative et municipale qui sont bafouées par votre position mesquine. Exiger d'une petite association qu'elle paie l'utilisation d'une salle des fêtes pendant quelques heures... Je suis sidéré : je voterai des deux mains l'amendement de Céline Brulin.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Je suis pour le bénévolat, et nous pouvons changer d'avis. Sagesse. (« Ah ! » et applaudissements) Je lève le gage.

L'amendement n°43 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

M. Laurent Lafon, président de la commission.  - Belle unanimité ! Je remercie le rapporteur, qui nous a montré sa plasticité à défendre ses positions comme celle de la commission...

M. Loïc Hervé.  - Il va devenir centriste ! (Sourires)

M. Laurent Lafon, président de la commission.  - J'allais le dire ! Nous ne nous opposons pas à ce texte, mais ne ressentons pas non plus un enthousiasme délirant : nous avons trouvé nos collègues députés trop bavards : pas besoin d'écrire dans la loi ce qui peut l'être dans le décret. Le Sénat semble plus confiant dans vos services que l'Assemblée nationale... (Sourires)

Simplifions la loi, pour qu'elle soit plus lisible et compréhensible. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)

La proposition de loi est adoptée.

M. le président.  - À l'unanimité.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 14 mars 2024, à 10 h 30.

La séance est levée à 1 h 25.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 14 mars 2024

Séance publique

À 10 h 30 et l'après-midi

Présidence : M. Loïc Hervé, vice-président, Mme Sophie Primas, vice-présidente.

Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux (texte de la commission n°362, 2023-2024)

2. Projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française (Procédure accélérée) (texte de la commission n°391, 2023-2024)

3. Une convention internationale examinée selon la procédure d'examen simplifié :

=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d'agents de sûreté en vol (texte de la commission n°395, 2023-2024)

4. Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (Procédure accélérée) (texte de la commission n°382, 2023-2024)

5. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales (texte de la commission n°385, 2023-2024)

6. Projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé (Procédure accélérée) (texte de la commission n°397, 2023-2024)