Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Accord France - Tunisie

M. Guy Benarroche .  - En 2023, le président tunisien affirmait qu'il existait « un plan criminel pour changer la composition du paysage démographique en Tunisie », relayant la théorie complotiste trop répandue du grand remplacement. Il évoquait même la présence de « hordes de migrants clandestins ».

Gérald Darmanin annonçait au même moment le lancement d'une aide bilatérale pour soutenir la Tunisie dans sa lutte contre l'immigration clandestine.

Depuis, la Tunisie a mené des campagnes massives d'arrestation et d'expulsion de migrants ; nombre d'entre eux sont morts.

Compte tenu de ces épisodes ignobles, quel est le cadre précis du financement apporté par la France ? Toute aide suppose un contrôle ; or la Tunisie a récemment interdit la tenue d'une mission parlementaire du Parlement européen. Quid du calendrier du financement, des équipements fournis et des formations dispensées ? Des clauses de suppression sont-elles prévues en cas de violation des droits humains ?

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des outre-mer .  - Les flux migratoires importants en provenance d'Afrique subsaharienne sont un défi majeur pour la Tunisie.

Afin d'aider la Tunisie à mieux les maîtriser, la France lui fournit des équipements et des formations ciblées, via une convention entre Civipol et le ministère de l'intérieur tunisien, signée le 13 décembre 2023. Un accord a aussi été signé entre Civipol et Idemia, expert mondial des systèmes biométriques.

La France contribue à hauteur de 5 millions d'euros à cette opération, d'un montant total de 8,9 millions d'euros. Outre du matériel et des licences, celle-ci prévoit le renouvellement de huit stations d'identification dans les consulats tunisiens en France.

Le ministère de l'intérieur veille à ce que cette aide soit déployée dans le respect des droits humains, via une clause au contrat. Les intervenants ont été formés à cette question et Civipol dressera un point spécifique lors de chaque comité de pilotage, dont le premier est prévu ce mois-ci.

Mineurs non accompagnés

Mme Valérie Boyer .  - Chaque jour, l'Italie publie le nombre d'immigrés clandestins arrivés sur son sol. La France est bien moins transparente.

Les arrivées de mineurs non accompagnés (MNA) ont été multipliées par quatre entre 2014 et 2023, passant de 5 033 à 19 370. La vérification de l'âge, très coûteuse, est à la charge des collectivités - les départements principalement.

Depuis 2017, cent mille MNA ont été accueillis. Chacun coûterait 50 000 euros par an, soit un total de 3,6 milliards d'euros.

Que deviennent les MNA à leur majorité ? Combien restent pris en charge après leurs 18 ans ? Combien rentrent chez eux, bénéficient du regroupement familial ou deviennent français ? Ces pays, qui abandonnent leurs enfants, remboursent-ils ces frais à la France ?

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des outre-mer .  - Les MNA relèvent de la compétence de plusieurs ministères ainsi que des départements, au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Le ministère de l'intérieur aide les collectivités à évaluer la minorité de ces personnes.

Selon le rapport d'activité de la mission nationale MNA, 14 782 ordonnances ou jugements de placement ont été pris en 2022. Certains peuvent demander l'asile.

Selon l'Ofpra, un millier de MNA ont introduit une demande de protection internationale en 2022. Le taux de protection reconnu aux MNA, de 82,5 %, est plus élevé que le taux moyen, qui est de 29,2 %.

Un mineur réfugié ou bénéficiant de la protection subsidiaire peut demander la réunification familiale pour ses père et mère, et ses frères et soeurs non mariés. La réalité des liens familiaux est examinée rigoureusement.

Avant tout, il s'agit de détecter les personnes majeures se déclarant MNA. La loi relative à la protection des enfants a prévu l'obligation de se présenter en préfecture, la consultation du fichier d'appui à l'évaluation de minorité pour éviter les présentations successives dans plusieurs départements et la transmission au préfet l'évaluation de minorité.

Mme Valérie Boyer.  - Combien de MNA sont-ils devenus français à leur majorité ? Beaucoup proviennent de réseaux et ne sont ni mineurs ni non accompagnés.

Communication aux maires des personnes fichées S

M. Aymeric Durox .  - En mai 2018, Emmanuel Macron souhaitait que les préfets informent les maires sur la présence dans leur commune de personnes fichées pour radicalisation islamiste. Une circulaire du 13 novembre 2018 y pourvoit. Malheureusement, elle n'a produit aucun effet.

Pourtant, plusieurs élus réclament d'être informés sur ces individus : le maire de Beaucaire, Julien Sanchez, dès 2018 ; le maire Les Républicains de Montélimar, Julien Cornillet ; le maire macroniste de Reims, Arnaud Robinet. En matière de sécurité des Français, les clivages politiques s'effacent au profit du bon sens.

Je demande au Gouvernement d'appliquer sans délai cette circulaire.

Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des outre-mer .  - Les fiches S constituent un outil précieux pour les services de renseignement. Le travail des services doit être discret et confidentiel, afin de ne pas compromettre les enquêtes en cours. C'est pourquoi le Gouvernement n'est pas favorable à ce que les maires des communes dans lesquelles résident ces personnes aient accès au fichier.

Cependant, nous souhaitons qu'ils soient associés aux dispositifs de prévention et de prise en charge de la radicalisation. L'article L.132-3 du code de la sécurité intérieure prévoit une meilleure information des maires. Depuis l'instruction du 13 novembre 2018, les préfets peuvent partager certaines informations confidentielles et nominatives aux maires et aux présidents d'EPCI.

Le ministère de l'intérieur étudie l'ouverture aux maires d'autres fichiers. Le Gouvernement entend poursuivre cette dynamique, notamment au cours du Beauvau de la police municipale.

M. Aymeric Durox.  - Votre réponse ne me convient pas vraiment, même si elle semble aller dans le bon sens.

Depuis 2018, les attentats islamistes ont tué 272 personnes et fait près de 1 200 blessés. Or le Gouvernement est incapable d'expulser les fichés S ou de tarir les filières, malgré les rodomontades de M. Darmanin. Visiblement, vous êtes dépassés par la situation, alors permettez aux maires de France d'agir.

Lutte contre l'hameçonnage

Mme Nathalie Delattre .  - De nombreux Français reçoivent des textos ou des courriels leur demandant de s'acquitter du paiement de prétendues contraventions. Ils sont alors victimes d'hameçonnage par des spécialistes qui récupèrent leurs coordonnées bancaires. Outre le paiement des fausses contraventions, ce sont ainsi des centaines, voire des milliers d'euros, qui sont subtilisés aux victimes.

Malgré les politiques de prévention, ces actes frauduleux sont en recrudescence. Ouvrir la consultation des contraventions à partir du système d'immatriculation des véhicules (SIV) permettrait aux personnes de vérifier l'authenticité de la demande. Le Gouvernement l'envisage-t-il ? Quels sont les moyens alloués aux forces de l'ordre pour lutter contre cette fraude en ligne ?

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des outre-mer .  - Je salue votre engagement dans la lutte contre la fraude, une priorité du ministère de l'intérieur.

L'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai) a été victime de nombreux hameçonnages ; elle est fortement mobilisée pour rassurer les usagers. Il est déjà possible de consulter ses contraventions sur le site de l'Agence.

Les moyens cyber de la police et de la gendarmerie montent en puissance : création d'une Agence du numérique des forces de sécurité intérieure, du commandement du ministère dans le cyberespace et de l'Office anti-cybercriminalité.

Depuis 2017, le Gouvernement se mobilise en matière de prévention avec la création de la plateforme www.cybermalveillance.gouv.fr et de la task force nationale de lutte contre les arnaques. Quelque 21 000 policiers et gendarmes sont formés au risque cyber, et la plateforme « 17 cyber » sera prochainement déployée.

Mme Nathalie Delattre.  - Je salue la mobilisation sans relâche du Gouvernement sur cette question. En attendant le « 17 cyber », il faut une information ciblée sur cette fraude particulière ; peu de Français savent qu'ils peuvent accéder en ligne à leurs contraventions.

Modèle français de sécurité civile

M. Cédric Perrin .  - Le comité européen des droits sociaux (CEDS) du Conseil de l'Europe a rendu une décision assimilant les sapeurs-pompiers volontaires à des travailleurs. Ces derniers subiraient, de facto, un traitement discriminatoire en matière d'indemnisation et de temps de travail.

Si cette décision n'est pas contraignante, elle remet fondamentalement en cause notre modèle de sécurité civile, qui repose à 80 % sur le volontariat.

Il est temps de clarifier la situation : le Gouvernement doit affirmer que l'activité des sapeurs-pompiers volontaires ne peut être assimilée à celle d'un travailleur. Cette mise au point devra être transmise à nos partenaires européens.

Mme Marie Guévenoux, ministre chargée des outre-mer .  - La décision du CEDS a été transmise au comité des ministres du Conseil de l'Europe pour examen ; à ce jour, il n'a pas émis de recommandations.

En France, la sécurité civile tire sa force de la complémentarité entre l'État et les collectivités, et entre les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires.

Compte tenu de leur engagement citoyen, les sapeurs-pompiers volontaires ne sauraient être assimilés à des travailleurs. Le Gouvernement n'envisage en aucun cas de transposer la directive du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail aux sapeurs-pompiers volontaires.

Notre modèle de sécurité civile repose sur l'engagement quotidien au sein des Sdis de 253 000 agents civils et militaires, parmi lesquels 198 700 volontaires. Nous voulons le préserver.

Le ministère organisera prochainement un Beauvau de la sécurité civile. J'en profite pour saluer le travail de tous les sapeurs-pompiers, professionnels ou volontaires.

M. Cédric Perrin.  - Mesurons les conséquences qu'aurait une transposition de la directive sur notre modèle de sécurité civile.

Je salue moi aussi le travail des sapeurs-pompiers, dont 80 % sont des volontaires. Nous avons un différend avec Bruxelles sur cette question, comme sur le temps de travail des militaires.

Soutien à la filière des palmipèdes à foie gras

M. Alain Duffourg .  - Les épizooties qu'a connues la filière des palmipèdes à foie gras ces dernières années ont conduit à l'introduction de la vaccination pour l'année 2023-2024. Les coûts engendrés ont été pris en charge, pour les deux premières doses de vaccins, à 85 % par l'État et à 15 % par la filière, puis à 100 % par l'État pour la troisième dose.

La filière demande la prise en charge de ces coûts pour l'année 2024-2025 afin d'avoir le temps de s'adapter. En outre, les éleveurs demandent que les palmipèdes soient sortis de l'abri après deux doses de vaccins si la sérologie est négative et au bout de 56 jours s'ils ont reçu la troisième dose.

Des mesures européennes visent à reconnaître la qualité de ces produits. Le Gouvernement doit poursuivre dans ce sens avec un étiquetage à la sortie de commerces vendant du foie gras et des aliments associés. L'origine du foie gras, notamment française, doit également être indiquée dans la restauration.

Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - La campagne de vaccination contre l'influenza aviaire hautement pathogène (IHAP) vise à mieux protéger la santé des animaux et des hommes. La France est le premier pays exportateur de volailles à déployer un tel dispositif, dont le montant avoisine les 100 millions d'euros. À ce jour, plus de 22 millions de canards ont été vaccinés. Les modalités de financement de la prochaine campagne vaccinale seront définies dans les semaines à venir, en concertation avec la filière professionnelle.

Grâce à la vaccination, seuls dix foyers sont recensés, contre 315 à la même date l'an passé. La situation sanitaire a conduit à abaisser le niveau de risque au niveau modéré à compter du 18 mars, rendant possible la sortie des canards en extérieur.

La reconnaissance du foie gras comme patrimoine culturel et gastronomique est rappelée en introduction du plan gouvernemental de reconquête de la souveraineté sur l'élevage. Les mesures relatives à l'origine du foie gras pourront être évoquées dans les consultations sur les plans sectoriels, qui se dérouleront d'ici à la fin juin.

Création des stations animalières aux points d'entrée sur le territoire

Mme Nadine Bellurot .  - La création de stations animalières aux points d'entrée sur le territoire français, pour l'hébergement temporaire et l'isolement des animaux importés, saisis et dont le statut sanitaire est incertain, est prévue par l'arrêté du 24 mars 2017.

Une station animalière doit disposer d'un local sécurisé, facile à nettoyer et à désinfecter, doté de cages ou autres équipements adaptés pour l'accueil de petits mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons et invertébrés, dans l'attente d'une décision administrative et de leur placement dans une structure d'accueil pérenne.

Seuls l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et le port de Calais en sont dotés. Dans les autres cas, ces animaux seraient stockés dans les locaux des services des douanes, ce qui pose des problèmes de contrôle des risques sanitaires et de sécurité pour ces animaux, le personnel et les voyageurs.

Quelles mesures concrètes seront prises pour appliquer cet arrêté à tous les points d'entrée du territoire ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - Le Gouvernement est pleinement engagé en faveur de la santé publique, de la santé animale et du bien-être animal.

Dans les points d'entrée des voyageurs, les contrôles sanitaires sur les animaux de compagnie sont effectués par les agents des douanes, qui identifient aussi les introductions frauduleuses d'animaux non déclarés.

L'arrêté du 24 mars 2017 vise à mettre à la disposition des agents de la douane une structure d'isolement pour héberger temporairement un animal non conforme saisi, afin de permettre une prise de décision concertée avec les services chargés des contrôles vétérinaires. Il prévoit également la possibilité pour les points d'entrée de conventionner avec un prestataire extérieur.

L'infrastructure de l'aéroport Paris-Charles de Gaulle, mutualisée avec l'aéroport d'Orly, a permis d'héberger des animaux interceptés sur les plateformes aéroportuaires parisiennes.

Par ailleurs, il existe des infrastructures dédiées au contrôle des animaux vivants dans plusieurs postes de contrôle frontalier.

Utilité d'un vélodrome Haute-Savoie Arena

M. Loïc Hervé .  - J'aurais pu retirer cette question, compte tenu de l'abandon du projet de vélodrome en Haute-Savoie en vue des Championnats du monde de cyclisme en 2027.

Toutefois, la violence des propos de M. Michel Callot, président de la Fédération française de cyclisme, et de M. David Lappartient, président de l'Union cycliste internationale, à l'égard des parlementaires opposés à ce projet soulève des interrogations, surtout au regard des 18 millions de francs suisses de droits d'organisation de la compétition et du montant inconnu de l'indemnisation liée à l'abandon du projet.

En décembre 2022, la ministre des sports indiquait, en réponse à ma question écrite, que le préfet de Haute-Savoie organiserait une concertation avec les élus et les parties prenantes, mais rien n'a eu lieu. Il serait bon que les instructions formelles des ministres se traduisent dans les faits...

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - Le 7 février dernier, le conseil municipal de la Roche-sur-Foron s'est prononcé contre la vente du terrain pour cette construction. Le ministère en a pris acte, et les parties prenantes travaillent pour que les épreuves de cyclisme sur piste se tiennent au vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines.

Comme il s'y est engagé dans un courrier du 16 février dernier, le préfet de Haute-Savoie organisera dans les prochaines semaines un échange avec les élus. Mme la ministre des sports veillera à ce que l'ensemble des acteurs du territoire, dont les parlementaires, soient associés au projet qui met en valeur la Haute-Savoie. Je relaierai vos préoccupations, afin que cette concertation ait bien lieu.

M. Loïc Hervé.  - Organiser les épreuves à Saint-Quentin-en-Yvelines était la solution envisagée par tous. L'inscription du projet dans le contrat de plan État-région n'a donné lieu à aucune discussion. Je me réjouis que le préfet organise une réunion, mais le délai pose un réel problème démocratique s'agissant du contrôle de votre action par les parlementaires.

Prime pour les fonctionnaires résidant près du Luxembourg

Mme Véronique Guillotin .  - En Lorraine, la proximité du Luxembourg pose des problèmes de recrutement et de fidélisation des fonctionnaires pour les hôpitaux, la police, la gendarmerie ou les écoles, en raison d'un accès compliqué au marché de l'immobilier, lié notamment aux salaires deux à trois plus élevés au Luxembourg.

S'y ajoute l'augmentation du coût de l'énergie et du transport, alors que les transports en commun bénéficient davantage aux déplacements transfrontaliers, du fait de la mise à disposition gratuite de bus par le Luxembourg.

Pour répondre aux mêmes problèmes, l'État attribue une prime aux fonctionnaires résidant dans 133 communes proches de la Suisse, équivalente à 3 % du traitement indiciaire. Elle serait tout autant justifiée pour les territoires frontaliers du Luxembourg. Qu'en pense le Gouvernement ? (MM. Loïc Hervé et Olivier Bitz applaudissent.)

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - L'indemnité de résidence spécifique aux communes du bassin genevois bénéficie aux agents des communes classées en zone de forte tension, dite zone A, ainsi qu'à ceux des communes limitrophes appartenant à la même unité urbaine.

Une généralisation de cette indemnité à l'ensemble des grandes métropoles ou zones transfrontalières ne serait pas une réponse adaptée aux problèmes d'attractivité de certains employeurs. Elles appellent des réponses structurelles, prévues dans le projet de loi que le ministre Guerini présentera cet automne. Lui-même et M. Vergriete ont confié une mission au député David Amiel sur le logement des fonctionnaires, dont les conclusions seront connues d'ici au mois d'avril.

Enfin, une politique coordonnée des administrations a été mise en place pour améliorer l'accès des fonctionnaires aux dispositifs d'aide au logement et développer une offre foncière supplémentaire.

À titre personnel, venant d'un territoire également concerné, je partage vos préoccupations.

Industrie de verdissement de l'économie

M. Laurent Somon .  - Le groupe français Metex, pionnier européen du développement de la bioéconomie, utilise des matières premières issues du végétal -  de sucres, essentiellement  - pour produire les mêmes ingrédients que la chimie avec une empreinte carbone réduite. Avec près de 300 millions d'euros de chiffre d'affaires et quelque 500 collaborateurs, il dispose de deux sites industriels, à Amiens en Picardie et à Carling en Moselle.

En 2022, sous l'effet de la grippe aviaire, de la crise porcine et de l'explosion des coûts de l'énergie, 80 % de son personnel a été placé au chômage partiel pendant trois mois. Aujourd'hui, le prix du sucre supérieur au prix de référence, les importations chinoises et les droits de douane prohibitifs pèsent sur la compétitivité du site amiénois.

Quelles mesures anti-dumping industriel et visant à faciliter un accès compétitif et soutenable à la ressource sucrière française le Gouvernement a-t-il prises ? Comment compte-t-il soutenir cet écosystème industriel vertueux ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État numérique, chargée du numérique .  - Le Gouvernement suit depuis plusieurs mois la situation de Metex. L'usine d'Amiens est la seule unité de production d'acides aminés par fermentation industrielle et de lysine en Europe. C'est un fournisseur important de nos éleveurs et de notre industrie pharmaceutique, qui contribue à leur décarbonation.

Malheureusement, le processus d'adossement à un nouvel acteur industriel n'a pas abouti, et le groupe a sollicité l'ouverture de procédures collectives. De nouveaux partenaires à même de reprendre les sites et les salariés seront donc recherchés dans les prochains mois.

Des facteurs liés au prix d'achat plus élevé du sucre et à la concurrence très forte d'acteurs asiatiques menacent la viabilité du groupe. Mais les cabinets de MM. Le Maire et Lescure sont pleinement mobilisés, et plusieurs pistes sont en cours d'examen.

M. Laurent Somon.  - La direction du groupe a demandé son placement en redressement judiciaire et le déclenchement d'une procédure de sauvegarde. L'usine d'Amiens a besoin de réponses rapides et d'un soutien sans faille !

Réintégration des travaux d'aménagement de terrains dans le FCTVA

Mme Laurence Garnier .  - En 2022, la commune de Vieillevigne, 4 000 habitants dans le vignoble nantais, a investi dans un terrain de football synthétique. Les élus ont choisi des matériaux vertueux et une technologie économe en eau, pour 1 million d'euros. Après coup, les élus ont appris que cette dépense n'était plus éligible au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), pour d'obscures raisons.

Cette erreur a été corrigée par le PLF 2024, et ces dépenses sont de nouveau éligibles depuis le 1er janvier 2024. Cette très bonne mesure ne règle pas le problème des dépenses effectuées auparavant. Comment comptez-vous réparer cette erreur technique ? Envisagez-vous la rétroactivité, en particulier pour les terrains de sport n'ayant généré aucune recette depuis leur mise en service ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - Le FCTVA est passé d'un régime déclaratif à un régime automatisé, en application de la loi de finances pour 2021. L'éligibilité des dépenses est désormais effective lorsqu'elles sont imputées régulièrement sur un compte éligible figurant sur une liste fixée par arrêté interministériel. À la suite de la concertation menée pour l'Agenda territorial, le Gouvernement a réintégré les dépenses d'agencement et d'aménagement de terrains dans l'assiette d'éligibilité au FCTVA à compter du 1er janvier 2024.

Les droits au FCTVA sont déterminés au regard du cadre juridique applicable à date et ne peuvent faire l'objet d'un versement rétroactif. Certaines dépenses d'aménagement de terrains de sport ont toujours été éligibles, comme les équipements sportifs et le mobilier urbain imputés au compte 2188, des travaux d'éclairage ou des équipements d'arrosage imputés au compte 2158.

En réintégrant les dépenses d'aménagement de terrains dans l'assiette du FCTVA, le Gouvernement majore son soutien de 250 millions d'euros. L'extension rétroactive des dépenses coûterait 750 millions d'euros pour 2021, 2022 et 2023, alors que le montant du FCTVA attribué est resté à des niveaux élevés sur cette période.

L'extension d'assiette est une mesure tournée vers l'avenir, qui renforce le niveau de l'investissement public local futur.

Mme Laurence Garnier.  - Je regrette profondément votre décision pour les communes ayant choisi d'investir avant 2024. J'évoquais des erreurs techniques, vous me répondez choix politiques, dont acte. Des communes sont sans solution, et elles n'ont jamais eu ce type d'informations.

Gestion économique et sociale de l'après-mines

M. Michaël Weber .  - Deux milliards d'euros de crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ont été annulés par le décret du 21 février 2024, dont la moitié pour le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ». Avec quel impact sur la gestion économique et sociale de l'après-mines ? Le rapport pour avis de la commission des affaires économiques du Sénat sur le PLF 2024 soulignait déjà le caractère « peu protecteur » de ce budget. Ces crédits financent les dépenses sociales des anciens mineurs et des anciens agents des industries électriques et gazières, mais également la dépollution du site Carling de Saint-Avold en Moselle et les contentieux de Charbonnages de France.

De nombreux anciens mineurs souffrent de cancers. Le tribunal de Metz croule sous les affaires de reconnaissance de maladies professionnelles ou de « faute inexcusable de l'employeur ». En outre, le contentieux en cours relatif au déstockage du site Stocamine en Alsace risque d'accroître fortement les besoins de financement et de rendre insuffisant le calibrage de ces mesures budgétaires.

Cette annulation de crédits ne risque-t-elle pas de pénaliser davantage et irréversiblement la vie des anciens mineurs et d'avoir des conséquences négatives directes sur la transition écologique des territoires miniers du Grand Est ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - Le programme 174 s'articule autour de trois finalités : mettre en oeuvre la politique énergétique, accompagner la transition énergétique, et accompagner la transition économique sociale et environnementale des territoires touchés par des mutations industrielles. Il vise notamment à garantir aux anciens mineurs la préservation de leurs droits après l'arrêt de l'exploitation minière. En 2024, 90 % du programme 174, doté de 5 milliards d'euros, finance les trois principaux dispositifs d'aide versés aux ménages, à savoir la prime à la conversion des véhicules, le chèque énergie et MaPrimeRénov'. Le décret a annulé des crédits exclusivement sur MaPrimeRénov' et sur l'indemnité carburant. Il n'y a pas eu d'annulations sur l'après-mines et en particulier sur toutes les mesures sociales pour les anciens mineurs portées par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs.

Modalités de la taxe additionnelle à certains droits d'enregistrement

Mme Françoise Gatel .  - La taxe additionnelle aux droits d'enregistrement (TADE), perçue par les départements, est redistribuée aux communes nouvelles, encouragées par le Gouvernement afin de conserver une identité communale forte. L'État a prévu un pacte financier pour les sécuriser.

Or certaines communes nouvelles observent une baisse drastique et inattendue de leurs dotations, principalement en raison de leur nombre d'habitants et lorsqu'elles ne sont pas classées « station de tourisme ». Je suis favorable à la libre administration des collectivités territoriales, mais encourageons les départements à ne pas pénaliser injustement les communes nouvelles.

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - Le fonds départemental de péréquation de la TADE laisse au conseil départemental une assez grande liberté de répartition entre les communes de moins de 5 000 habitants. Cette liberté est toutefois encadrée. D'une part, le barème doit prévoir a minima trois critères : la population, les dépenses d'équipement brut et l'effort fiscal fournis par la collectivité bénéficiaire. D'autre part, la répartition doit respecter le caractère péréquateur du fonds, c'est-à-dire réduire les disparités de ressources et de charges entre les communes. Il paraît difficile de regretter cette liberté confiée aux élus et précisée par la loi. Les conseils départementaux peuvent mettre en place des garanties - limitées dans le temps et en volume - pour les communes qui perdraient trop, afin d'accompagner les fusions de communes.

Un effort important a été fait en loi de finances pour 2024 pour conserver et maintenir les dotations des communes nouvelles.

Mme Françoise Gatel.  - Il faut sensibiliser les départements à la situation des communes nouvelles et les encourager à tenir compte du nombre de communes fondatrices. Ajoutez un quatrième critère !

Extension de l'indemnité de résidence

Mme Annick Jacquemet .  - L'initiative du Gouvernement, qui a mis en place en septembre 2023 une indemnité de résidence couvrant initialement 61, puis 133 communes situées près de la frontière suisse, dans l'Ain et la Haute-Savoie, est à saluer. Fixée à 3 % du salaire hors prime des agents publics bénéficiaires, et représentant une prime moyenne de 840 euros bruts annuels, cette indemnité de résidence constitue à la fois un soutien financier et une reconnaissance.

Cependant, de nombreux agents publics travaillant dans d'autres territoires, pourtant confrontés à des problématiques identiques, comme la fuite des compétences vers la Suisse, pays aux salaires bien plus attractifs, ou encore la flambée des prix de l'immobilier et les difficultés d'accès au logement, ne peuvent prétendre à ce dispositif et vivent cela comme une injustice.

Pour quelles raisons le bénéfice de l'indemnité de résidence n'a-t-il pas été étendu à d'autres communes ? Le Gouvernement envisage-t-il d'élargir prochainement ce dispositif à d'autres territoires frontaliers, comme le Doubs ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - L'indemnité de résidence est calculée en fonction du lieu dans lequel les agents exercent leurs fonctions et du montant de leur rémunération, et est égale à un pourcentage de l'indice détenu par l'agent public - de 3 %, 1 % ou 0 %, selon le classement de la commune ou de l'intercommunalité. Ce classement fait l'objet de mises à jour. Le décret du 12 décembre 2023 a permis aux agents exerçant dans 133 communes frontalières de l'Ain et de la Haute-Savoie de bénéficier de l'indemnité de résidence à hauteur de 3 % de leur traitement indiciaire. Dans la fonction publique d'État, 46 % des agents, soit 870 000 agents bénéficient d'une indemnité de résidence : parmi eux, 55 % ont un taux à 3 % et 45 % ont un taux à 1 %. L'indemnité de résidence offre déjà un niveau de couverture important. Les demandes d'extension à d'autres communes doivent être examinées avec prudence, compte tenu de leur impact sur les finances publiques - le dispositif coûtait 590 millions d'euros en 2023.

Mme Annick Jacquemet.  - J'insiste sur le sentiment d'injustice. Il est difficile de recruter des agents, notamment des professionnels de santé, dans le Doubs. Il faut des incitations pour les attirer.

Maison d'arrêt de Rouen

M. Didier Marie .  - Le 16 février, j'ai visité, avec le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, et le député Gérard Leseul, la maison d'arrêt de Rouen. Construite en 1860, elle est dans une situation alarmante : infiltrations, moisissures, effondrements partiels... Une cinquantaine de détenus ont été transférés, et la section des mineurs fermée.

Pour des raisons de sécurité, la bibliothèque ou la salle de formation professionnelle ne sont plus accessibles, et la cuisine centrale est menacée d'une fermeture prochaine.

Le taux d'occupation atteint 120 %, alors que seuls 90 % des postes d'encadrement sont pourvus. D'où une tension permanente.

Pour rappel, la France a été condamnée pour violation des articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme...

Il y a urgence. Il ne s'agit plus de rénover au cas par cas mais de réhabiliter complètement le site. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - La prison est nécessaire, mais l'incarcération doit se faire dans des conditions dignes. Il en va de la bonne santé de notre démocratie mais aussi du quotidien de nos agents pénitentiaires, auxquels je rends hommage.

Depuis 2010, 6 millions d'euros de travaux de maintenance ont été engagés pour la maison d'arrêt de Rouen, mais certaines parties de la structure ont vieilli précipitamment, en raison d'infiltrations notamment. Sans attendre, nous avons attribué 3,5 millions d'euros en 2024 pour parer à l'urgence. Des mesures conservatoires garantissent la sécurité des détenus et des personnels. La population pénale a été réduite provisoirement, ce qui a permis d'intervenir en février sur les coursives.

Les budgets de rénovation atteignent 140 millions d'euros par an depuis cinq ans, le double de ce qui était alloué sous François Hollande.

M. Didier Marie.  - Les moyens ne sont pas à la hauteur de la situation. Les travaux ne régleront pas le problème de fond. L'établissement a besoin d'une réhabilitation complète, sur site, et non d'une reconstruction, car il est idéalement situé.

Vacances de postes au tribunal judiciaire du Havre

Mme Agnès Canayer .  - Il y a quelques mois, nous votions la loi d'orientation et de programmation pour la justice, avec notamment le renfort de 1 500 magistrats et 1 800 greffiers. Mais le tribunal judiciaire du Havre ne voit pas venir grand-chose : à la rentrée prochaine, il manquera quatre magistrats sur un effectif de vingt-huit, alors qu'il manque déjà quatre ETP en raison notamment des temps partiels. Le tribunal fonctionne avec des magistrats placés par la cour d'appel, mais ils doivent tourner sur plusieurs juridictions. Il manque 27 greffiers sur 113, avec des conditions de travail qui génèrent des arrêts maladie, qui ne font qu'amplifier ces difficultés. Quand les orientations votées seront-elles appliquées au tribunal judiciaire du Havre ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Au nom du garde des sceaux, je vous assure que les engagements pris seront tenus au Havre, comme dans toutes les juridictions. Pour la première fois depuis trente ans, le réarmement judiciaire est en cours : 700 magistrats et 850 greffiers supplémentaires ont été recrutés, ce qui a fait baisser le stock d'affaires de 30 %. Concernant le Havre, votre inquiétude est compréhensible ; les vacances seront dans la mesure du possible compensées cette année par l'arrivée d'auditeurs de justice et de lauréats du concours complémentaire. Depuis 2020, dix renforts y sont arrivés dans le cadre du plan Justice de proximité. Enfin, la Cour d'appel de Rouen bénéficiera également d'ici 2027 de 39 magistrats supplémentaires, 32 greffiers et 29 attachés de justice pour l'ensemble de son ressort. Le garde des sceaux vous indiquera bientôt le nombre précis de ceux qui seront affectés au Havre.

Mme Agnès Canayer.  - La circonscription judiciaire du Havre comporte un port avec un contentieux lourd : les assistants de justice ne permettent pas de mener notre combat contre notamment le trafic de drogue mis en avant par des séries télévisées... De grâce, n'attendez pas !

Fermetures de classes dans le Cher

M. Rémy Pointereau .  - Le 11 mars dernier, le directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) a acté une carte scolaire aboutissant à la fermeture de 31 classes dans le Cher. Je pourrais critiquer les méthodes du recteur et du Dasen, mais ils ne font qu'appliquer une logique comptable pure et dure, qui pèse lourdement sur nos maires, nos enseignants, les parents d'élèves et nos enfants, réduisant tout à des indicateurs qui ignorent les efforts de nos municipalités et de nos instituteurs.

Je sais que Mme Belloubet a reçu des parlementaires de la majorité pour en discuter et que des initiatives ont été prises à l'Assemblée nationale - avec peu de chances qu'elles soient inscrites à l'ordre du jour. Je demande donc l'annulation sans délai de ces fermetures de classe - demande des élus locaux, des enseignants, des parlementaires qui réclament du temps pour mieux s'organiser.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Je ferai part de votre demande à la ministre de l'Éducation nationale, qui est attentive à l'association des élus ; même si vous considérez que dans le Cher, « peut mieux faire » ? La carte scolaire a vocation à s'adapter à la réalité mouvante de nos territoires et résulte d'un travail continu, en lien étroit avec les forces vives du territoire pour que chaque élève dispose des meilleures conditions d'enseignement possible. Les instances de concertation doivent justement donner de la visibilité sur les perspectives à trois ans dans le premier degré ; le ministère fera un point en mai.

Des réponses adaptées aux territoires ruraux ont été élaborées, comme l'allocation progressive des moyens, qui tient compte de l'indice d'éloignement, ou les territoires éducatifs ruraux. Mais le Cher a perdu 2 683 élèves entre 2017 et 2023 ; son taux d'encadrement, 6,22 ETP pour 100 élèves, dépassera à la rentrée 2024 la moyenne nationale de 6 ; en 2023, le nombre moyen d'élèves par classe était de vingt.

M. Rémy Pointereau.  - Les enfants ruraux sont déjà pénalisés par ailleurs. À la spirale négative - moins de services publics réduisant l'attractivité, ce qui réduit le nombre d'élèves - substituons une spirale vertueuse.

Scolarisation des enfants en milieu rural

M. Jean Hingray .  - Je vous emmène à Aydoilles, commune au coeur des Vosges où il fait bon vivre, où il fait bon grandir. Monsieur le maire a différents projets : revitalisation de centre-bourg, création d'une zone pavillonnaire avec une quinzaine de maisons, accueil d'une gendarmerie, création d'une maison d'assistantes maternelles, rénovation énergétique et création d'une bibliothèque dans l'école. Les effectifs de celle-ci sont constants : 102 élèves l'année dernière, 100 cette année.

Et pourtant, une classe va fermer à la rentrée prochaine, alors que le Premier ministre, lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale, avait promis plus de concertation avec les élus ruraux et une prise en compte des projets municipaux. Qu'en est-il des promesses qui ont été faites au Sénat concernant l'école rurale ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Les promesses doivent être tenues. Je retiens de votre question qu'il n'y a pas eu suffisamment de concertation pour cette fermeture de classe. Je me souviens aussi de la promesse du président de la République qu'il n'y aurait pas de fermeture d'école sans une concertation préalable.

Aydoilles est mobilisée pour redynamiser un environnement favorable aux familles. La ministre de l'éducation nationale est mobilisée sur la question de l'école rurale : nous devons un égal accès à l'enseignement à nos enfants. Je lui transmettrai en personne cette alerte complémentaire.

M. Jean Hingray.  - Aydoilles n'est pas le seul cas dans mon département, qui compte 38 fermetures de classe. Mon ami le maire de Vaxoncourt - commune qui attend une évolution démographique favorable - est sans réponse des services de l'État sur une éventuelle ouverture de classe : nous sommes obligés d'intervenir, avec le député Viry, pour qu'il ait un rendez-vous. Même chose, avec Daniel Gremillet, pour l'école de Charmes, où il y a différents problèmes d'effectifs...

Règles du remplacement et de la formation et éducation à l'image

Mme Sylvie Robert .  - Grâce à l'éducation à l'image, 2 millions d'élèves et d'apprentis découvrent chaque année le cinéma. Mais à la rentrée 2023-2024, deux effets de bord n'ont pas été anticipés : la formation continue des professeurs est désormais hors temps scolaire, ce qui réduit leur disponibilité ; les obligations concernant les remplacements de courtes durées des décrets des 8 et 9 août 2023 contraignent des enseignants à annuler des projections. Dans certains rectorats, le nombre d'élèves qui bénéficiaient de cette éducation a été divisé par deux.

Nous ne pouvons nous résoudre à ce que ce pilier de l'éducation artistique et culturelle (EAC) s'effondre encore plus l'année prochaine. Que prévoyez-vous pour concilier formation et présence des professeurs devant les classes et soutien à cette politique d'éducation à l'image ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - L'EAC permet de mieux appréhender le monde, de s'ouvrir à l'altérité, de développer sa sensibilité, sa créativité et l'esprit collectif. Notre objectif est que 100 % des élèves en bénéficient chaque année grâce à la part collective du pass Culture, pour plus de 62 millions d'euros supplémentaires. En 2022-2023, 55 % des élèves éligibles et 90 % des collèges et lycées en ont profité, et ce sera plus en 2023-2024. L'éducation au cinéma en est l'un des piliers.

Le remplacement de courte durée est un enjeu majeur de la lutte contre les inégalités scolaires ; la formation ne doit pas se faire au préjudice des élèves. Nous devons articuler ces deux objectifs. Nous travaillons donc à tenir compte des contraintes des partenaires culturels, qui ne peuvent pas toujours accueillir les formations le mercredi après-midi, le week-end ou pendant les vacances, et de faire en sorte que les chefs d'établissement puissent organiser au mieux les remplacements éventuels pour que le report des formations hors temps scolaire ne soit pas un élément de démotivation pour l'éducation culturelle.

Mme Sylvie Robert.  - Cette décision a été prise sans concertation avec les collectivités locales, qui pourraient être tentées de se désengager. Il y a urgence pour l'année prochaine.

Carte scolaire

M. Rémi Cardon .  - Le 14 mars dernier, dans la Somme, 47 classes ont été sacrifiées ; à Noyelles-sur-Mer, c'est l'école qui fermera. Si la mobilisation sans faille de tous a limité la casse, je ne peux que déplorer votre gestion comptable qui fait de l'école une variable d'ajustement au détriment de nos enfants. La Somme peine à réduire l'écart avec le reste du pays sur les résultats au brevet et au bac, le taux d'accession aux études supérieures et l'indice de position sociale (IPS) - indicateurs où elle est souvent dernière ou avant-dernière. Vous répondez par un écran de fumée en priorisant des sujets secondaires comme l'uniforme et le service national universel (SNU).

La baisse démographique devrait être une opportunité pour un territoire où le zonage de l'éducation prioritaire manque d'ambition. Comment remplir la promesse républicaine d'émancipation avec cette gestion comptable ? Réviserez-vous le zonage ? J'attends une date, une méthode, une volonté politique.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Le Gouvernement n'abandonne pas la Somme. Si nous devons adapter le service public de l'éducation à la réalité de la démographie, c'est bien pour assurer à tous les élèves les meilleures conditions d'enseignement. La carte scolaire résulte d'un travail minutieux et continu des services.

La Somme devrait perdre 722 élèves du premier degré en 2024, après 1 226 élèves en 2023. En huit ans, elle a perdu 7 300 élèves tandis que 28 postes d'enseignants ont été créés. Le taux d'encadrement est passé de 5,78 à plus de 6,61 en 2023 pour une moyenne nationale de 6. Il y a 19 élèves par classe en moyenne. Ajoutons le dédoublement des classes en éducation prioritaire et la limitation à 24 élèves en grande section, en CP et en CE1. Les moyens des collèges publics sont maintenus malgré la perte prévue de centaines de collégiens - sans parler du choc des savoirs, de l'école inclusive et de l'évolution de la voie professionnelle.

M. Rémi Cardon.  - Ce n'est pas le choc des savoirs, mais le choc des chiffres ! On parle d'enfants, pas de chiffres !

Remboursement des soutiens-gorges compressifs post-cancer

Mme Patricia Demas .  - Les soutiens-gorges compressifs - environ 100 euros pièce - ne sont pas remboursés par l'assurance maladie, contrairement aux ceintures de maintien abdominal prescrites après une opération bariatrique ou aux perruques pour les patients ayant subi une chimiothérapie ou atteints d'alopécie. C'est une injustice face à la maladie, une inégalité de traitement.

Or il s'agit d'un complément indispensable à la reconstruction mammaire à la suite d'un cancer du sein. Les fabricants connaissent la demande, mais ils ne soumettent pas de dossier à la Haute autorité de santé (HAS), car la procédure est longue, coûteuse et aléatoire.

Pour autant, inscrire ce dispositif sur la liste des produits et prestations remboursables est indispensable. Le Gouvernement l'envisage-t-il, par exemple dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ?

Au nom de toutes les femmes concernées, et particulièrement d'Axelle Bird, la jeune Maralpine qui m'a sensibilisée à cette cause, je vous remercie.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Votre question est touchante. Oui, face à la maladie, il faut un accompagnement spécifique.

Pour être pris en charge, un dispositif doit tout d'abord bénéficier d'un marquage CE, et une description générique du type de produit doit exister, s'il respecte des exigences décrites par arrêté. En l'absence de description générique, l'exploitant du dispositif peut faire une démarche auprès du ministère de la santé et de la HAS afin d'obtenir une inscription en nom de marque, qui conditionne la prise en charge par l'assurance maladie.

C'est désolant, mais aucun fabricant n'a formulé à ce jour une telle demande et il n'existe pas, actuellement, de ligne générique. Ces procédures, applicables à tous les dispositifs médicaux, sont essentielles pour préciser les caractéristiques minimales attendues.

Je profite de votre alerte pour inviter les industriels à se mobiliser, ou à se faire accompagner, pour demander une inscription. Ce serait une énorme avancée pour les femmes dans leur reconstruction.

Mme Patricia Demas.  - J'invite le Gouvernement à agir dans le PLFSS, comme il l'a fait pour les prothèses capillaires. Je lance un message d'espoir !

Tarification sociale des cantines

M. Stéphane Sautarel .  - Dans le cadre de la tarification sociale des cantines, l'État apporte aux communes rurales une aide de 3 euros par repas afin qu'elles mettent en place la cantine à 1 euro pour les familles modestes. C'est un gage de nutrition équilibrée, et une valorisation des circuits courts. En 2024, l'aide passe à 4 euros pour les communes dont les cantines respectent la loi Égalim.

Cependant, les communes qui ont signé une convention pluriannuelle avec l'État en 2021 s'interrogent sur sa reconduction à la rentrée 2024. Au vu de ses bénéfices, pouvez-vous préciser si et comment la convention sera reconductible ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - C'est un succès. En 2023, près de 2 500 communes ou groupements ont reçu une subvention de 3 euros par repas, plus de quinze millions de repas ont été servis grâce à la mobilisation des élus locaux, plus de 194 000 élèves en bénéficient.

Depuis janvier 2024, la subvention peut passer à 4 euros quand la collectivité s'engage à introduire 50 % de denrées locales et de qualité, dont 20 % de bio, pour promouvoir une agriculture française souveraine. Cette bonification peut être demandée dès maintenant par les communes actuelles, ou par de nouvelles communes.

L'Agence de services et de paiement (ASP) gère ce dispositif pour le compte de l'État : c'est avec elle que les communes passent la convention pluriannuelle. Je vous confirme que les collectivités qui en ont déjà une peuvent la renouveler à son échéance, sous réserve de continuer à respecter les critères d'éligibilité. En outre, il est possible de signer à tout moment un avenant pour bénéficier du bonus Égalim.

Comptez sur la mobilisation du Gouvernement, notamment de Catherine Vautrin, pour poursuivre dans cette voie.

M. Stéphane Sautarel.  - Merci pour ces précisions attendues, car l'échéance approche.

Le plan France Ruralités prévoyait également une concertation plus large sur la question de la carte scolaire. Comme d'autres collègues, j'ai saisi les ministres successifs de l'Éducation nationale pour demander un moratoire sur les fermetures de classes en milieu rural et un véritable dialogue. Merci de transmettre cette demande à la ministre de l'Éducation nationale, nous attendons des réponses claires !

Droits des aidants

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Le sujet des proches aidants ne fait pas forcément la une, mais impacte la vie de beaucoup de familles. Ils sont 8,3 millions en France à aider un proche, à des degrés très variables - de l'enfant qui aide un parent quelques heures à ceux qui renoncent à toute vie professionnelle pour s'occuper d'un enfant handicapé. Les chiffres explosent, les situations sont toutes différentes. J'ai été, comme beaucoup, sollicité par des familles, des mères seules, démunies, découragées face aux difficultés logistiques, financières et administratives.

Quelles sont les avancées en cours sur la reconnaissance du statut d'aidant ? Ce statut n'existe pas dans les documents administratifs : c'est symbolique. Quid de la prise en charge ? De la capacité à assumer un emploi quelques heures par semaine, ce qui suppose des structures d'accueil de jour ? Des droits à la retraite ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Cela nous concerne tous, car chacun peut se retrouver un jour à accompagner un proche dépendant. Les aidants sont aujourd'hui plus de 9 millions - 20 millions en 2060.

Nous avons porté de nombreuses avancées ces dernières années, notamment avec la stratégie 2020-2022, première politique nationale interministérielle spécifiquement dédiée aux aidants. Je pense à l'allocation journalière du proche aidant (AJPA), indexée sur le Smic, à la refonte du congé de proche aidant (CPA), que nous avons élargi, aux solutions de répit ou encore à la validation des acquis de l'expérience.

La loi renforçant la protection des enfants malades a notamment protégé du licenciement les salariés en congé de présence parentale et supprimé l'accord explicite du service du contrôle médical pour renouveler l'allocation journalière de présence parentale.

Sur les droits à la retraite des aidants, nous avons créé, pour les proches des personnes en situation de handicap, l'assurance vieillesse des aidants (AVA), ouverte à un plus grand nombre de bénéficiaires.

Il nous faut poursuivre. C'est pourquoi nous avons lancé, en octobre, la stratégie 2023-2027, élaborée avec les principales associations d'aidants. Elle repose sur trois piliers : communiquer, repérer et informer ; renforcer l'offre et l'accès au répit ; soutenir les aidants tout au long de la vie.

Examens de biologie médicale délocalisée

Mme Élisabeth Doineau .  - Les examens de biologie médicale délocalisée (EBMD) sont réalisés à proximité du patient, hors du laboratoire de biologie médicale, par du personnel extérieur au laboratoire. Cependant, le biologiste reste responsable de la validation a posteriori.

Lors de la crise covid, le recours aux EBMD a réduit en moyenne d'une heure le temps d'attente aux urgences pour des symptômes grippaux et limité la prescription inutile d'antibiotiques. En apportant des réponses immédiates et en évitant de multiplier les consultations, ils contribuent au désengorgement du système de santé.

Cette possibilité a été introduite à partir de 2014. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de 2020 en a assoupli les conditions, puis la LFSS 2023 l'a étendue aux établissements médico-sociaux et aux maisons de santé, sous la supervision des agences régionales de santé (ARS).

Nous attendons toujours les arrêtés de votre ministère pour que cette avancée soit effective.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - De nouvelles consultations sur la révision de l'arrêté auront lieu au troisième trimestre 2024. Je m'engage à ce que vous y soyez associée, madame la sénatrice.

La biologie délocalisée a été autorisée et encadrée par une ordonnance de 2010. Initialement, seule la délocalisation dans un établissement de santé ou dans des lieux déterminés par arrêté était autorisée, pour une décision thérapeutique urgente.

L'arrêté du 13 août 2014 a étendu cette possibilité à d'autres lieux, dont les véhicules de transport sanitaire ; la LFSS pour 2020 l'a étendue à d'autres circonstances que l'urgence. Enfin, la LFSS pour 2023 prévoit son extension aux établissements médico-sociaux et aux maisons de santé, et permet aux ARS de restreindre la biologie délocalisée aux seules structures éligibles au regard du contexte et des besoins territoriaux.

Une révision de l'arrêté de 2014, nécessaire pour pouvoir pratiquer les EBMD dans des centres de santé ou des Ehpad, a été soumise à la concertation des professionnels du secteur, qui ont manifesté leur opposition, malgré deux avis positifs de la commission nationale de biologie médicale. Cependant, des consultations vont s'ouvrir ; vous y serez associée.

Certificats de décès

M. Hervé Reynaud .  - Certains élus ont des difficultés à certifier les causes naturelles du décès. Ainsi, Roland Bost, maire de Chenereilles, dans la Loire, alerté par la famille d'une octogénaire dont ils étaient sans nouvelles, l'a découverte décédée à son domicile, sans doute depuis plus de 24 heures. Il a mis plus de 5 heures pour trouver un médecin.

Cette situation difficile à vivre est une conséquence des déserts médicaux, a fortiori si le décès survient de nuit ou pendant les vacances. Les Ehpad sont aussi concernés. En cause, le manque de généralistes, car c'est au médecin traitant de constater le décès.

Le Gouvernement a proposé que les infirmiers libéraux volontaires, après une courte formation, puissent établir un certificat de décès. Compte-t-il étendre rapidement cette expérimentation ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Oui, elle sera étendue. En effet, l'accompagnement humain est d'autant plus difficile que l'on retrouve la personne décédée au bout de plusieurs jours et que les médecins ne peuvent établir un certificat dans un délai raisonnable.

Le législateur a élargi la liste des personnes habilitées à réaliser le certificat avec cette expérimentation, mise en oeuvre dans six régions. Elle fonctionne : 2 500 infirmiers se sont portés volontaires, 800 sont déjà formés. La loi du 27 décembre 2023 étend l'expérimentation à l'ensemble des régions ; le décret sera prochainement publié. Le dispositif sera évalué et fera l'objet d'un rapport au Parlement.

M. Hervé Reynaud.  - Nous y serons attentifs. C'est un moyen de lutter contre la désertification médicale et de réconforter les élus.

Fraudes et prise en charge des produits auditifs

M. Christophe Chaillou .  - Le 100 % santé a permis une meilleure prise en charge des dispositifs auditifs en supprimant le reste à charge sur les produits de première catégorie. Cependant, des praticiens du Loiret m'alertent sur la complexité et les incohérences du remboursement.

En effet, une personne souffrant d'une affection de longue durée qui perçoit la prestation de compensation du handicap (PCH) subit un reste à charge plus important.

En outre, la fraude - usurpation d'identité, faux actes - a coûté plusieurs dizaines de millions d'euros à la sécurité sociale rien qu'en 2023.

Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour assurer une meilleure prise en charge et mieux lutter contre la fraude ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - L'essentiel est d'abord d'accompagner l'appareillage. Le 100 % santé a diminué le renoncement, mais je partage vos préoccupations.

Les fraudes ciblent les plus vulnérables, avec par exemple une absence de suivi ou une facturation qui ne correspond pas à ce qui a été livré. L'assurance maladie a poursuivi son programme de contrôle et a détecté 20 millions d'euros de préjudice pour les centres d'audioprothèses en 2023. Les caisses primaires d'assurance maladie ont déposé 300 plaintes. L'assurance maladie travaille à l'accompagnement des victimes.

Il y a aussi un enjeu de qualité des soins, car ces appareils supposent un suivi et des réglages réguliers. C'est ainsi qu'on poursuivra l'objectif essentiel de l'accès aux droits.

M. Christophe Chaillou.  - La vigilance s'impose. Nous serons attentifs aux éléments que vous mentionnez.

Avenir des infirmiers libéraux

M. Bernard Buis .  - Le collectif des infirmiers libéraux appelle à une journée de mobilisation dans toute la France. Ils manifestent parfois depuis des semaines, notamment dans ma région d'Auvergne-Rhône-Alpes. Je les ai rencontrés : ils veulent une meilleure reconnaissance et de meilleures conditions de travail, qui évoluent vers une précarité inquiétante.

Alors que nous sortons de la pire crise inflationniste depuis les années 1970, les actes médicaux infirmiers remboursés n'ont pas été revalorisés depuis 2009 - quinze ans !

La revalorisation de 25 centimes de l'indemnité forfaitaire de déplacement (IFD), à 2,75 euros, est insuffisante. Compte tenu de l'inflation, les infirmiers libéraux travaillent sous le Smic, voire à perte. C'est intenable, alors qu'ils sont essentiels, particulièrement dans les zones rurales.

Pour préserver l'accès aux soins, le Gouvernement compte-t-il revaloriser la tarification des actes et les indemnités de déplacement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Les infirmiers jouent en effet un rôle essentiel, notamment dans les écoles. La France en compte 630 000, dont 120 000 libéraux. Le bilan de soins infirmiers a été créé en 2020, avec une prise en charge forfaitaire pour les patients dépendants, ce qui représente 714 millions d'euros pour l'assurance maladie. Nous l'avons généralisé en octobre 2023.

L'IFD a été revalorisée de 10 % début 2024, à 2,75 euros, soit 2 000 euros de plus par an par infirmier. Le ministre de la santé a rencontré les trois syndicats représentatifs et leur communiquera prochainement un calendrier de travaux communs.

Il a également annoncé une mission de l'Igas sur la pénibilité de la profession, et nous avons lancé un chantier majeur sur son attractivité. Le décret d'actes de la profession n'a pas évolué depuis 2004.

Le métier d'infirmier est un métier d'avenir : le rénover est une ambition majeure du Gouvernement.

Pratiques de soins non conventionnelles

Mme Laurence Muller-Bronn .  - La France a pris du retard dans l'encadrement des pratiques de soins intégratives, au détriment de l'intérêt des malades. Or 40 % de la population se tourne vers des pratiques non conventionnelles, et ce chiffre grimpe à 70 % pour les patients atteints de maladies chroniques, graves ou douloureuses. Nos voisins allemands et suisses, ainsi qu'une majorité des pays occidentaux développent avec succès la médecine intégrative, à l'hôpital ou en ambulatoire.

En France, on entretient la confusion entre bonnes et mauvaises pratiques. Ceux qui le peuvent se soignent à l'étranger. Selon une enquête, 80 % des Français souhaitent un meilleur encadrement des pratiques, 70 % étant conscients des dérives et pratiques abusives.

Le comité d'appui technique à l'encadrement de ces pratiques, lancé par le Gouvernement en juin 2023, est à l'arrêt. Quel est le calendrier ? La France s'inspirera-t-elle de ses voisins ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Nous connaissons votre engagement sur ces sujets. Les pratiques non conventionnelles sont un enjeu de santé publique, sur lequel nos voisins européens sont mobilisés. Il faut sécuriser l'accès à ces pratiques et diffuser des informations objectives.

À la suite des assises de la lutte contre les dérives sectaires, le ministre de la santé a installé le comité d'appui, qui s'est réuni trois fois. Il associe les ordres, des représentants du système de santé et des patients.

Des réflexions sur l'intégration de ces pratiques à la médecine conventionnelle pourront s'envisager dès lors qu'une information objective, scientifique, sera disponible.

Ce comité d'appui a permis de faire émerger un consensus, de travailler sur la sémantique à employer pour éviter toute confusion et de communiquer auprès du public et des professionnels sur les risques thérapeutiques.

Soyez assurée de notre mobilisation pour accompagner l'accès aux pratiques de soins, même non conventionnelles, dans l'intérêt des patients.

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Je me réjouis d'entendre que nous travaillons à ces alternatives. La prohibition n'est jamais la solution. Le problème est franco-français : chez nos voisins, les choses sont réglementées depuis longtemps. L'université de Strasbourg compte une chaire de médecine intégrative, contre treize en Allemagne. Plus nous attendons, plus nous mettons la santé des Français en danger.

Fermeture du centre de santé Edens

Mme Patricia Schillinger .  - Depuis la liquidation du centre de santé Edens, à Mulhouse, 1 200 patients sont sans prise en charge médicale, dont une majorité d'enfants atteints de diabète de type 1. Les familles m'ont fait part de leur détresse. La santé de patients déjà vulnérables est en péril : certains sont en état d'acidocétose diabétique et doivent être hospitalisés d'urgence. Si l'agence régionale de santé a mis en place un numéro d'urgence, je constate sur le terrain l'absence de solution et les refus de prise en charge.

Le Haut-Rhin est proche de la Suisse et de l'Allemagne : l'urgence justifie que l'on y recherche une solution. La détresse des parents et le besoin de confiance justifieraient la mise en place d'un comité de suivi.

Par ailleurs, l'expérience du centre Edens montre l'urgence d'une prise charge innovante et pluridisciplinaire du diabète pédiatrique. Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il ? De nouvelles modalités d'organisation et de prise en charge sont-elles envisagées ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Je comprends le désarroi des familles, tout comme les difficultés des médecins. Le Gouvernement est mobilisé pour créer une filière de prise en charge à Mulhouse - le report sur d'autres villes doit rester temporaire.

Le centre de santé comportait effectivement deux pédiatres endocrinologues. Il accueillait 1 200 patients, dont 300 atteints de diabète de type 1. Il a été ouvert malgré des alertes sur son modèle économique, qui se sont révélées fondées.

Depuis la liquidation judiciaire qui a provoqué la fermeture du centre, plusieurs mesures locales ont été prises, dont le numéro d'appel et l'organisation de la restitution des dossiers médicaux. Grâce à vous, une réunion a eu lieu le 7 mars entre les anciens praticiens, le cabinet de Frédéric Valletoux et vous-même. Le ministre m'a dit être à votre disposition pour créer cette filière et accompagner les familles, que l'on ne peut laisser durablement dans le désarroi.

Installation obligatoire de détecteurs de fumée dans les lieux d'habitation

M. Pascal Martin .  - La loi du 9 mars 2010 rendant les détecteurs de fumée obligatoires prévoit la remise d'un rapport au Parlement cinq ans plus tard. Or il ne nous a toujours pas été communiqué. La réponse du Gouvernement à ma question orale de mars 2021 à ce sujet était très évasive.

Toutefois, en juillet 2021, la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) a été chargée de la rédaction de ce rapport. Elle l'a déléguée au centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), qui lui a remis son travail en mars 2022. Depuis, pour des raisons inconnues, il n'a toujours pas été publié. Après plusieurs reports, sa publication est annoncée pour le premier trimestre 2024.

Les professionnels de la sécurité incendie et les associations l'attendent, afin de lancer de nouvelles actions de sensibilisation. En effet, les détecteurs de fumée sauvent des vies et limitent considérablement les dégâts matériels.

Une publication dans les meilleurs délais est d'autant plus opportune que la plupart des détecteurs, achetés entre 2013 et 2015, doivent être renouvelés.

Quand ce rapport sera-t-il publié ? Le Gouvernement soutiendra-t-il la prévention des accidents domestiques ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Les détecteurs de fumée sont obligatoires dans les habitations, afin de réduire la mortalité liée aux incendies nocturnes.

La loi du 9 mars 2010 prévoit la remise d'un rapport d'évaluation, qui doit également rendre compte des actions de prévention menées auprès du public depuis sa promulgation. Depuis 2010, le Gouvernement s'est focalisé sur la sensibilisation.

Pour que ce rapport ait une réelle plus-value, il fallait des retours d'expérience sur une période significative, d'où le délai avant sa publication. Je vous annonce qu'il sera transmis au Parlement d'ici au 1er mai.

Soutien de l'État aux communes rurales touristiques

Mme Sylvie Valente Le Hir .  - Les communes rurales touristiques possèdent souvent un joyau patrimonial qui attire de nombreux visiteurs. C'est le cas de Pierrefonds, dans l'Oise, qui compte 2 000 habitants et dont le château a été visité par 162 000 touristes l'an dernier.

Alors que ces communes servent de vitrine culturelle à notre pays et incarnent l'authenticité de nos terroirs, elles sont loin de profiter réellement de l'engouement touristique qu'elles suscitent. En effet, les retombées économiques reviennent principalement à d'autres : la taxe de séjour est captée par les offices de tourisme et les recettes des visites échoient au Centre des monuments nationaux (CMN).

Pourtant, ces communes doivent supporter les charges dues à la venue massive de touristes. Pierrefonds récolte trop peu les fruits de l'aubaine économique qu'est le tourisme. En outre, bien souvent, les communes rurales touristiques ne bénéficient pas du classement en commune touristique ou station de tourisme - sans parler des baisses de dotations.

Comment mieux répartir les gains économiques du tourisme ? Comment alléger les contraintes qu'il fait peser sur ces communes ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Si les dépenses de fonctionnement des communes touristiques sont supérieures à celles des autres communes, il en est de même de leurs recettes.

Le montant de taxe de séjour perçu en 2022 par les communes touristiques s'élève à 4 500 euros pour 100 habitants contre moins de 500 euros pour les autres communes. Son produit total a progressé de plus de 57 % entre 2021 et 2022, s'élevant à 190 millions d'euros pour l'ensemble des communes, hors Paris.

Les communes incluses dans le zonage de la taxe annuelle sur les logements vacants peuvent aussi majorer la taxe d'habitation sur les résidences secondaires de 60 %.

Enfin, les communes touristiques peuvent solliciter le soutien de l'État, via la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou le fonds vert.

Ainsi, 1 138 projets de communes touristiques ont été financés par la DETR en 2022, pour un total de 63,8 millions d'euros, tandis que 617 projets l'ont été par la DSIL, pour un total de 110,5 millions d'euros. Pierrefonds a par exemple bénéficié, entre 2018 et 2022, de plus de 220 000 euros de subventions au titre de la DETR et de la DSIL.

Procédure de demande de subventions des collectivités territoriales

M. Jean-Baptiste Blanc .  - De nombreuses collectivités territoriales, y compris Bédoin et Cabrières-d'Avignon dans le Vaucluse, sont confrontées à une incohérence procédurale significative dans la sollicitation de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).

Selon le code général des collectivités territoriales (CGCT), la délégation de compétence du conseil municipal au maire entraîne un dessaisissement du conseil sur la matière concernée, ce qui rend toute délibération ultérieure illégale. Or, paradoxalement, les préfectures demandent une délibération du conseil municipal sur la demande de subvention. Cette contradiction entre la lettre de la loi et la pratique administrative instaure une incertitude préjudiciable. De plus, des demandes précédemment acceptées sans délibération du conseil municipal se voient maintenant exiger la présentation de la délibération. Ce changement de pratique affecte l'accès des collectivités aux financements nécessaires à leurs projets.

Le Gouvernement peut-il apporter un éclaircissement sur les règles à respecter ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - La demande de subvention doit être présentée par le maire ou le président de l'EPCI compétent et inclure la délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'EPCI adoptant l'opération et arrêtant les modalités de financement. Qu'il y ait ou non délégation du conseil municipal au maire pour présenter la demande de subvention, celle-ci ne peut donc advenir que lorsque le conseil municipal s'est prononcé.

Il s'agit de s'assurer que le projet a bien été validé par le conseil municipal ou communautaire et que son plan de financement est bien prévu et approuvé par celui-ci. On s'assure ainsi de la viabilité des projets, afin d'éviter que des crédits votés par le Parlement soient attribués à des opérations qui ne verraient pas le jour.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Les élus locaux ont besoin de pédagogie.

Accompagnement des communes perdant le classement ZRR

Mme Anne-Sophie Romagny .  - La fusion des dispositifs de soutien aux territoires ruraux a entraîné une nouvelle cartographie. Près de 2 000 communes jusqu'à présent classées en zone de revitalisation rurale (ZRR) ne le seront plus à partir du 1er juillet. La ministre chargée des collectivités a confirmé que certaines d'entre elles seraient finalement classées « France Ruralités Revitalisation » (FRR). Les autres ne doivent pas rester sans solution.

Un amendement sénatorial au projet de loi de finances pour 2024 prolongeait les ZRR jusqu'au 31 décembre 2024. Nous jugions la réforme trop précipitée. Mais nous n'avons pas été suivis et le Gouvernement n'a malheureusement pas prévu d'accompagner les communes sortant de l'aire de revitalisation.

Je propose de prolonger le dispositif au-delà des trois prochains mois, de trouver des accompagnements forts pour ces communes et, plus localement, d'accorder à la Marne le même moratoire qu'à la Saône-et-Loire, afin de réexaminer la situation des communes sortantes.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - La réforme a été reportée deux fois depuis 2020 et a été adoptée à l'unanimité du Sénat après un an de concertation.

Le Gouvernement porte une attention toute particulière aux communes sortantes. Il n'y aura pas de sortie sèche. Ces communes font déjà l'objet d'un accompagnement spécifique. Ainsi, toutes les mesures du plan France Ruralités seront activées en fonction des besoins de chaque territoire.

Le zonage FRR ne constitue qu'un des quatre axes de France Ruralités. Ainsi, les chefs de projet Villages d'Avenir, en plus de Petites Villes de demain, et les Volontaires territoriaux en administration (VTA) sont à la disposition des territoires. Les crédits d'ingénierie, en hausse considérable, seront également mobilisés en priorité sur ces territoires. D'autres zonages, à l'instar des Aides à finalité régionale, viennent également en aide aux entreprises. En outre, contre la désertification médicale, nous cherchons à mobiliser au mieux les dispositifs de droit commun.

Maintenir de façon artificielle les 2 400 communes sortantes, comme en 2015, ne ferait que fragiliser les 4 000 communes qui, elles, intègrent le zonage.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Il est important de soutenir les communes exclues des ZRR. Ne laissons pas mourir des projets qui étaient sur le point d'éclore.

Encadrement des coupes rases en forêt

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - Les coupes rases en forêt sont particulièrement controversées ces dernières semaines. Des associations alertent, plusieurs médias en ont parlé et des riverains ont bloqué des chantiers. Cette mobilisation suit la publication de l'expertise « coupes rases et renouvellement des peuplements forestiers » (CRREF), qui souligne leurs effets néfastes.

En France, le puits de carbone de la forêt a été divisé par deux en dix ans et 27 % des espèces forestières sont menacées ou quasi menacées, selon l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN). Il est donc prioritaire d'encadrer les coupes rases au profit de la sylviculture mélangée à couvert continu, qui allie les enjeux économiques et environnementaux.

Deux propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale vont en ce sens. Le Président de la République a annoncé vouloir planter un milliard d'arbres d'ici 2032. Au-delà de la communication, il faut une véritable politique d'adaptation des forêts.

Le règlement européen sur la restauration de la nature a été adopté le 27 février. Comment comptez-vous l'appliquer ? Soutenez-vous les deux propositions de loi ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Je tiens à rappeler la qualité de la gestion des forêts françaises, contrairement aux caricatures et à un débat qui se focalise trop sur les coupes rases.

La surface de forêt hexagonale a doublé depuis le milieu du XIXe siècle et le volume de bois sur pied a augmenté de plus de 50 % depuis les années 1980. Les indicateurs de bois mort et de diversité des essences recensés par l'IGN progressent depuis vingt ans.

Cependant, un réchauffement de 2,5°C à 3,5°C à horizon 2050 aura des effets majeurs sur les forêts françaises. Nous avons trois priorités : de nouveaux profils sylvicoles ; valoriser en usage matériaux les bois actuels avant que leur dégradation ne les condamne à un usage bois énergie ; amplifier la prévention des incendies. Elles figurent parmi les objectifs du prochain Plan national d'adaptation au changement climatique.

La transition forestière passera par une diversité de solutions, loin des idéologies.

Il reviendra au Parlement de se prononcer sur les propositions de loi.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Ma question portait sur l'application du règlement européen du 27 février. Les conséquences du changement climatique sur la biodiversité appellent à l'action.

Conditions de travail des chauffeurs de VTC pendant les jeux Olympiques et Paralympiques

M. Pascal Savoldelli .  - L'État a tout fait pour favoriser Uber, qui entretient l'illusion d'une vie de chef d'entreprise auprès de personnes en quête d'un emploi décent.

Devenus incontournables dans le paysage des transports parisiens, les VTC seront pourtant exclus des voies prioritaires pendant les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). Bref, en plus d'être sans droits ni protections, ces hommes et femmes seront relégués dans la grande couronne, où la demande sera très faible.

Vu la responsabilité des gouvernements successifs dans l'essor de ces emplois, il est impératif de garantir aux chauffeurs de VTC des conditions de travail décentes. C'est aussi le sens de la récente directive européenne sur les droits des travailleurs de plateformes.

Comment le Gouvernement compte-t-il éviter que les chauffeurs de VTC ne soient exclus des JOP ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Deux dispositifs de circulation spécifiques seront mis en place pendant les JOP.

Les voies réservées visent d'abord à permettre aux personnes accréditées de relier les sites olympiques dans les délais définis par le Comité international olympique. La loi prévoit que les transports en commun et véhicules d'urgence pourront y accéder, ainsi que les taxis -  sous réserve de fluidité du trafic -, mais pas les VTC. Les autres voies de l'axe routier resteront naturellement accessibles à tous les usagers.

Des zones de circulation restreinte ont été définies autour des sites, pour raisons de sécurité et après une large consultation. S'agissant de ces zones, les taxis et VTC auront les mêmes droits et interdictions.

Les chauffeurs de VTC ne seront ainsi ni pénalisés ni exclus pendant les JOP.

J'ajoute que l'accès à cette profession est réglementé, les candidats étant soumis à un examen largement commun à celui des taxis et les chauffeurs inscrits sur un registre. Grâce au dialogue social original instauré sous l'égide de l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emplois, une régulation sociale se met en place : règles de désactivation des comptes, tarif de course minimal... Le Gouvernement veillera à la pérennité et à l'équilibre de ce dialogue.

M. Pascal Savoldelli.  - Face à la concurrence déloyale, de nombreux collectifs de taxis ont lancé des procédures judiciaires. Vous n'avez jamais rien fait contre les injustices dont pâtissent tous les acteurs. Finalisez l'application de la directive européenne ! Il faut établir au plus vite des normes et protections pour les travailleurs de plateformes : c'est une question de dignité pour ces femmes et ces hommes.

Compétence eau et assainissement

Mme Viviane Artigalas .  - La loi du 27 décembre 2019 permet aux communautés de communes de déléguer par convention tout ou partie des compétences eau, assainissement et gestion des eaux pluviales à une commune ou un syndicat infracommunautaire existant. Dans ce cadre, certaines communes assurent la production et la fourniture d'eau potable pour plusieurs autres. Je pense à Villelongue, dans les Hautes-Pyrénées ; cette situation locale donne entière satisfaction.

La perspective du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux EPCI au 1er janvier 2026 inquiète les élus concernés. Confirmez-vous que les modalités actuelles de gestion par convention pourront perdurer ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - L'accès à l'eau potable est un enjeu fondamental. L'échelon communautaire a été choisi par le législateur pour remédier aux difficultés liées à l'émiettement des services, moderniser les réseaux de distribution et en améliorer la résilience.

D'où le transfert obligatoire de la compétence eau, prévu au 1er janvier 2026 : les communautés de communes se substitueront de plein droit aux communes pour son exercice. Toutefois, en application de l'article L.5214-16 du code général des collectivités territoriales, la communauté de communes pourra déléguer par convention tout ou partie de cette compétence à une commune, qui agira en son nom et pour son compte.

Mme Viviane Artigalas.  - Votre réponse me convient. Les services liés à l'eau répondent à une logique géographique de bassin versant, parfois éloignée des frontières administratives, surtout en montagne. Les règles doivent s'adapter aux besoins des territoires : dans certains cas, la commune est l'échelon pertinent pour l'exercice de cette compétence et doit pouvoir l'assumer entièrement.

Lignes aériennes d'aménagement du territoire

M. Claude Nougein .  - Les aéroports régionaux et les lignes d'aménagement du territoire traversent une zone de turbulences.

Des obligations de service public (OSP) sont mises en place depuis 2002 pour assurer la desserte de lignes en dehors des conditions normales du marché. Rappelons que les territoires concernés sont desservis de manière catastrophique par le rail : alors que le Capitole reliait Brive à Paris en 3 heures 45 en 1970, un Intercités met aujourd'hui 4 heures 30 - quand il n'y a pas de retard... Quarante-cinq minutes perdues en cinquante ans !

De nombreuses lignes étaient historiquement opérées par Air France, puis sa filiale Hop ! Pendant et après la crise sanitaire, l'État a massivement aidé le groupe Air France - KLM, à hauteur de 7 milliards d'euros. En guise de remerciements envers la Nation, Air France a abandonné tous les territoires ruraux, ne se portant même pas candidate au renouvellement des OSP - je pense à Brive, mais aussi Rodez, Aurillac, Limoges, Le Puy ou Castres.

Y a-t-il une volonté d'abandonner complètement ces territoires ? L'État, actionnaire d'Air France à 30 %, a-t-il piloté la décision d'Air France ? Allez-vous lui demander de reprendre ses lignes d'aménagement du territoire, directement ou en affrètement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Le Gouvernement est attentif à la connectivité des territoires les plus enclavés.

Depuis la crise sanitaire, le trafic aérien métropolitain connaît des évolutions structurelles. En particulier, une baisse très sensible du trafic d'affaires est observée : le nombre d'allers-retours à la journée a baissé de 60 %. Le trafic intérieur n'est revenu qu'à 75 % de son niveau d'avant-crise.

Sur les lignes d'aménagement du territoire, la baisse de trafic et l'augmentation des coûts ont entraîné une augmentation des compensations demandées aux collectivités et à l'État. Certaines collectivités ont choisi de supprimer la délégation de service public, d'autres de réduire le service.

Le groupe Air France a tenu son engagement de ne pas dénoncer les délégations en cours, mais la nécessité de mettre fin aux pertes sur le réseau intérieur explique son désengagement progressif. L'État demeure aux côtés des collectivités qui renouvellent et financent les contrats de délégation - 22 millions d'euros ont été consacrés à ce soutien en 2023, dont plus de la moitié pour les liaisons d'aménagement du territoire en métropole. Il leur apporte aussi son appui technique pour l'établissement d'OSP adaptées à leur situation.

Avancement du couvre-feu à l'aéroport Orly

M. Christian Cambon .  - Nous restons dans le domaine aéronautique : mon intervention porte, une fois de plus, sur les nuisances sonores de l'aéroport d'Orly, préjudiciables à la santé des riverains.

En 1968, un couvre-feu a été établi entre 23 heures 30 et 6 heures. En outre, depuis 1994, le trafic est plafonné. Mais, du fait de l'extension de l'aéroport, ce sont désormais plus de 740 000 riverains qui subissent l'augmentation du trafic.

Les règles européennes nous imposent de réduire l'exposition au bruit d'au moins six décibels. Un seul scénario acceptable : avancer le couvre-feu à 23 heures. Tous les élus du Val-de-Marne demandent son application, pour assurer la conformité du plan de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE) de l'aéroport à celui de la Métropole du Grand Paris, voté à l'unanimité des communes.

Le Gouvernement va-t-il prendre cette mesure, pour que les riverains puissent enfin dormir sept heures consécutives ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Le trafic à Orly est déjà soumis à des restrictions parmi les plus contraignantes d'Europe - couvre-feu et plafonnement à 250 000 créneaux annuels. Une surveillance stricte est assurée par les autorités de l'aviation civile.

Le PPBE de 2022 prévoit une étude d'impact réalisée selon une approche équilibrée, une réduction du bruit entre 22 heures et 6 heures de six décibels au moins et une division par deux de l'indicateur de forte perturbation du sommeil sur le même créneau. L'étude a mis en évidence un biais dans l'indicateur acoustique retenu : ce constat a été exposé aux parties prenantes en octobre dernier. Plusieurs scénarios de restrictions ont été soigneusement étudiés. Chacun comporte des mesures ambitieuses, d'un niveau inédit en Europe.

Les ministres de la transition écologique et des transports tireront prochainement les conclusions de ces travaux afin de préserver l'équilibre entre intérêts économiques des territoires et protection des populations. L'engagement du Gouvernement est constant pour maîtriser les nuisances sonores du transport aérien.

M. Christian Cambon.  - Comme ministre du logement, nul doute que vous êtes soucieux du sommeil des riverains, compromis par le non-respect du couvre-feu, notamment par les compagnies low cost. Je compte sur votre engagement personnel, car les populations sont à bout.

Seuil de délégation au maire pour les admissions en non-valeur

Mme Pauline Martin .  - Grâce au travail de mes collèges, la loi dite 3DS a étendu les délégations que le conseil municipal peut consentir au maire. Ainsi, les décisions d'admission en non-valeur peuvent désormais être déléguées à l'exécutif local, jusqu'à un seuil déterminé par le pouvoir réglementaire.

Le décret du 29 juin dernier a fixé ce seuil à 100 euros, ce qui paraît bien trop faible. Résultat : les conseils municipaux sont régulièrement tenus de prendre des décisions consensuelles, mais chronophages. Dans le cadre de la démarche annoncée de simplification de l'action publique locale, allez-vous permettre aux conseils municipaux de fixer eux-mêmes ce seuil ? Ce serait reconnaître la libre administration de nos collectivités par des hommes et des femmes qui ne ménagent pas leur peine.

D'autre part, comme je vous ai sous la main, monsieur le ministre du logement, je vous engage à solliciter les sénateurs de la majorité sur votre prochain projet de loi... Ils ont toujours de bonnes idées ! (M. Guillaume Kasbarian sourit.)

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Pour fluidifier l'admission en non-valeur des créances irrécouvrables de faible montant, la loi 3DS permet aux assemblées délibérantes des communes, départements et régions de déléguer cette décision à leur exécutif. La fixation d'un seuil vise à garantir la sincérité comptable et la maîtrise par les assemblées des impacts budgétaires.

Le seuil a été fixé conjointement avec les associations d'élus, afin de garantir un équilibre satisfaisant pour les acteurs de la chaîne de recettes : 100 euros pour les communes et les départements, 200 euros pour les régions. Dans le cas des communes, 78 % des dossiers peuvent ainsi faire l'objet d'une délégation au maire. Un bilan de la mesure sera établi, et, si nécessaire, le seuil sera adapté.

S'agissant du projet de loi relatif au logement qui sera présenté en conseil des ministres à la mi-mai et examiné au Sénat à la mi-juin, je travaille activement avec les associations de collectivités et tous les acteurs du logement. J'ai reçu la semaine dernière Mmes Estrosi Sassone et Primas. Je continuerai d'assurer un haut niveau d'interactions pour préparer au mieux ce texte dans des délais très contraints.

Mme Pauline Martin.  - Message reçu !

Bardage bois et rénovation de façades

M. Cyril Pellevat .  - Un décret et un arrêté de 2019 interdisent les bardages bois à l'occasion de la rénovation des façades de certains immeubles. Nos stations de sports d'hiver sont particulièrement concernées ! Cette réglementation, contraire à notre identité architecturale de montagne, est défavorable à la filière bois française. En Haute-Savoie, la commune de Morzine est particulièrement inquiète pour son patrimoine, tout comme La Clusaz, Châtel ou Les Gets.

Envisagez-vous un moratoire ou a minima des dérogations à cette réglementation afin de préserver l'architecture de montagne ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Le président du département et le maire de Morzine-Avoriaz nous ont alertés. Le Gouvernement est attaché à la préservation du patrimoine architectural de nos territoires.

À la suite de l'incendie de la tour Grenfell au Royaume-Uni, la réglementation incendie a été mise à jour en 2019, avec des exigences croissantes en fonction de la hauteur du bâtiment. Plus récemment, rappelez-vous l'incendie mortel dans un immeuble de Valence.

Les matériaux utilisés en façade peuvent contribuer à la propagation rapide d'un feu aux étages supérieurs ou aux bâtiments avoisinants. La sécurité des occupants étant notre priorité, nous n'envisageons pas de dérogation.

Mais la réglementation autorise des solutions innovantes, validées par un laboratoire agréé. J'invite donc les communes à se rapprocher du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) pour trouver des solutions en bardage bois respectueuses à la fois de la réglementation incendie et de la cohérence architecturale de nos stations.

M. Cyril Pellevat.  - Nous sommes également attachés à la sécurité des personnes et restons à votre disposition pour envisager des solutions innovantes alliant sécurité et cohérence architecturale, en particulier à Avoriaz.

Autoconsommation collective étendue

M. Damien Michallet .  - Le point de soutirage et le point d'injection d'un projet d'autoconsommation collective étendue ne peuvent être éloignés de plus de deux kilomètres. Une dérogation jusqu'à vingt kilomètres était possible au regard de l'isolement ou du caractère dispersé de l'habitat, mais, depuis l'arrêté du 19 septembre 2023, ce n'est plus le cas : le projet doit être situé sur une commune rurale au sens de l'Insee. On régresse...

Avant la nouvelle réglementation, le service départemental d'incendie et de secours (Sdis) de l'Isère aurait pu obtenir dix dérogations pour son projet ; après, seulement quatre. C'est le projet de tout un territoire qui est ainsi compromis.

Le Sdis de l'Isère, ce sont 85 000 interventions annuelles, 112 casernes, 5 300 agents et 6 000 mégawattheures de consommation énergétique annuelle, qui aurait pu diminuer de 20 % grâce à ces dérogations - autant d'argent qui ne pourra être investi dans des matériels d'intervention pour sauver des vies. Ne faites pas des économies sur le dos de nos sapeurs-pompiers et laissez nos territoires entreprendre ! Allez-vous modifier cet arrêté ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Oui, la distance maximale est de deux kilomètres, avec des dérogations possibles jusqu'à dix kilomètres en zone périurbaine et vingt en zone rurale. La nouvelle réglementation a conforté la base légale de ces dérogations. Le Gouvernement facilite le développement de l'autoconsommation.

Les dérogations demandées par le Sdis de l'Isère n'auraient pas pu être obtenues auparavant : il est inexact d'affirmer que l'arrêté de 2023 aurait fait échouer ce projet. Ces règles visent à mieux protéger les consommateurs d'électricité.

Loi d'orientation des mobilités

Mme Cécile Cukierman .  - Avec cette 42e question, je me fais la porte-parole des communes de la Loire confrontées à la difficile application de la loi d'orientation des mobilités (LOM) en matière d'aménagement des itinéraires cyclables.

Dans ce département majoritairement rural, la largeur de la voirie n'est pas toujours suffisante et l'aménagement des accotements enherbés conduirait à imperméabiliser des sols, à rebours des objectifs de la loi Climat et résilience.

Quelles autres formes d'aménagements cyclables le Gouvernement entend-il promouvoir ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - En vertu du code de l'environnement, des aménagements cyclables doivent être réalisés en ville à l'occasion des travaux de voirie. La LOM a ouvert l'éventail des aménagements possibles : bandes cyclables, voies vertes, zones de rencontre... La plupart du temps, en agglomération, ces aménagements sont réalisés sans extension de l'emprise de la chaussée.

Les collectivités territoriales ont à leur disposition les guides réalisés par l'État et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Avec le plan Vélo et marche 2023-2027, le Gouvernement souhaite rendre le vélo possible partout en France.

Mme Cécile Cukierman.  - Vous ne répondez pas aux difficultés rencontrées sur le terrain.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - J'en parlerai au ministre des transports.

Centres sociaux bretons

M. Jean-Luc Fichet .  - J'ai récemment reçu, à ma permanence, des présidents de centres sociaux. Employeurs bénévoles, ils m'ont alerté sur leur situation financière catastrophique. La dernière convention d'objectifs et de gestion (COG) de la CAF est un progrès, mais les collectivités territoriales sont encore régulièrement sollicitées pour mettre la main à la poche. Dirigeants et salariés sont inquiets. Que comptez-vous faire pour permettre aux centres sociaux de remplir sereinement leurs missions auprès des plus précaires ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Le Gouvernement est fortement mobilisé pour développer ces structures d'animation de la vie sociale, qui favorisent la cohésion sociale et l'accès aux droits.

La nouvelle COG de la branche famille pour 2023-2027 s'appuie notamment sur les besoins exprimés par les représentants de ces structures partenaires. C'est ainsi que la création de 611 nouvelles structures, dont 150 centres sociaux, sera financièrement soutenue pour assurer un rééquilibrage territorial. Quelque 50 centres sociaux seront également créés outre-mer.

En outre, une revalorisation des prestations et des animations est prévue, afin de soutenir les salaires des professionnels de ces structures. Par rapport à la précédente COG, 80 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour les centres sociaux.

Le Gouvernement a conscience des difficultés de certains centres sociaux, confrontés à l'inflation et à la croissance de la demande sociale. Le ministre évoquera prochainement cette question avec les représentants du bloc communal. Un nouveau soutien d'urgence à destination des centres les plus fragilisés est à l'étude.

M. Jean-Luc Fichet.  - Il est bon de créer de nouveaux centres, mais il faut une vraie stratégie de financement de ceux qui existent, au-delà des aides ponctuelles.

La séance est suspendue à 12 h 40.

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.