Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Budget de l'enseignement supérieur et de la recherche

M. David Ros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Ian Brossat applaudit également.) Le 21 février, le ministre de l'économie annonçait l'annulation de 10 milliards d'euros de crédits. Je ne reviendrai pas sur le déni de démocratie, ni sur la mauvaise prise en compte de la situation économique de la France. Depuis, monsieur le ministre, vous faites le tour des médias pour justifier ce choix violent et dire qu'il faut changer de braquet.

Vous ne cessez de revendiquer le leadership de la France, notamment sur l'IA : la France aurait un temps d'avance et devrait guider l'Europe sur un projet ambitieux.

Si j'ai 10 milliards de questions (sourires), je me limiterai à deux : avez-vous eu recours à l'IA pour simuler l'impact de ces coupes sur le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche ? Avez-vous prévu de nouvelles coupes en 2024, notamment sur la recherche ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K et du GEST)

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Sur les 900 millions d'euros de crédits annulés sur la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », mon ministère est concerné par 588 millions d'euros.

Il s'agit, pour les trois quarts, de l'annulation des réserves de précaution du ministère, le plus souvent gelées et indisponibles.

Pour le quart restant, il s'agit du report de projets pluriannuels immobiliers -  à l'exception des logements étudiants - et de projets d'équipements de recherche, ainsi que d'ajustements sur les appels à projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR), tout en sauvegardant le taux de succès.

Le budget du ministère reste en hausse. (M. Yannick Jadot ironise.) Les moyens de fonctionnement des établissements sont préservés. Toutes les mesures RH sur la recherche sont maintenues, de même que tout ce qui concerne la vie étudiante - bourses, restauration... Je ne vous cache pas que ces économies sont difficiles (on ironise à gauche), même si leur impact à court terme est contenu.

Nous ne prévoyons pas d'autres annulations de crédits cette année. (Exclamations à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Émilienne Poumirol.  - Merci !

M. David Ros.  - À défaut du ministre de l'économie et des finances, merci, madame la ministre. On vous a retiré 1 milliard d'euros. Il avait déjà été demandé aux universités de puiser dans leurs fonds propres. Désormais, Bercy s'attaque aux réserves, au détriment des étudiants et de la recherche, loin de l'objectif des 3 % du PIB consacrés à la recherche en 2030.

Monsieur le ministre, changez d'IA, passez de l'ingérence administrative à l'intelligence augmentée et réarmez les sciences et la connaissance. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

Prétendue gratuité des services publics

Mme Céline Brulin .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe CRCE-K) « La gratuité de tout, pour tous, tout le temps : c'est intenable ! » Mais de quoi parlez-vous, monsieur le ministre ?

Chaque Français paie la TVA sur les produits de la consommation - cela rapporte plus de 100 milliards d'euros à l'État. Qu'en faites-vous ?

Chaque contribuable paie les impôts pour financer les services publics, alors que la part payée par les grandes entreprises chute depuis 2016. Voilà ce qui est intenable pour nos concitoyens !

Chaque salarié cotise pour sa protection sociale et sa retraite quand les entreprises sont exonérées à hauteur de 80 milliards d'euros chaque année et que vous avez décidé de faire travailler les salariés deux ans de plus : la note est salée !

Chaque famille voit ses factures d'énergie exploser avec la libéralisation du marché, faute de tarifs réglementés.

Chaque malade subit des dépassements d'honoraires, des franchises médicales, des déremboursements, alors que les pénuries de médicaments se multiplient et que le renoncement aux soins progresse.

Monsieur le ministre, ne vous reste-t-il que le mensonge et le cynisme pour justifier votre politique ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - (Quelques exclamations) Je salue la constance et la cohérence du groupe communiste, même si je ne partage pas ses convictions.

Nous avons protégé les consommateurs d'électricité et de gaz comme aucune autre nation européenne. Le reste à charge de nos dépenses de santé est l'un des plus faibles au monde. Si je propose des économies ailleurs que sur notre système de protection sociale, c'est pour nous permettre de faire face au vieillissement.

C'est un principe de responsabilité.

Votre groupe fustige la politique du Gouvernement, mais au moins je sais où vous habitez, contrairement à d'autres oppositions (M. Bruno Le Maire se tourne vers la droite de l'hémicycle), qui font preuve d'une démagogie sans limites. (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Paccaud.  - C'est vous qui dites cela ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Ceux-là nous demandent de réduire la dépense publique, mais ils ont déposé 1 847 amendements, pour 124 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ils ont refusé de supprimer le bouclier tarifaire sur le gaz et l'électricité, qui représente 16 milliards d'euros en 2024. Ils n'ont de courage que dans les médias, pas devant les Français. Ils nous demandent des réformes de structure, mais leur groupe n'est même pas capable de s'accorder sur la réforme des retraites !

Je salue la constance du groupe communiste et dénonce l'inconstance, la démagogie et le mensonge des autres oppositions, qui n'ont que le mot réforme à la bouche sans avoir le courage de les porter ! (Protestations amusées sur les travées du groupe CRCE-K ; on s'en offusque à droite.)

Mme Céline Brulin.  - La responsabilité, ce n'est pas des coups de rabot à l'aveugle - moins 700 millions d'euros dans l'éducation !

Plus que de politique politicienne, nous avons besoin d'un débat de haut niveau, que nous n'avons pas aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Antisémitisme dans l'enseignement supérieur

M. Jean Hingray .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cher conclave de décideurs, chers champions du statu quo et gardiens du temple éducatif, chère flamboyante ministre de l'alma mater, que se trame-t-il dans les couloirs étouffants de Sciences Po ? (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Où est passée l'auguste sagesse de la rue Saint-Guillaume ?

Vague wokiste (murmures désapprobateurs sur les travées du GEST), capitaine abandonnant le navire, rumeurs d'antisémitisme : on se croirait dans une mauvaise série B... Une étudiante s'est vu refuser l'entrée à une fête intellectuelle propalestinienne sous prétexte qu'elle était juive. La tache d'huile se répand, jusqu'à l'université de Toulouse-Le Mirail. Et que fait-on ?

Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, vous avez opéré un petit remontage de bretelles bien mérité, mais voilà que les dignitaires académiques crient à l'attentat contre leur sacro-sainte indépendance.

Le citoyen-roi ne veut plus financer la diffusion de cet évangile woke. (Protestations à gauche) Avec 35 % de fonds publics, Sciences Po peut-elle jouer les divas intouchables ? Le totem de l'autonomie pédagogique ne mérite-t-il pas une petite retouche créative ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Oui, l'antisémitisme est un fléau. Notre ligne, c'est la tolérance zéro.

L'école et l'université doivent partager les lumières de la société, mais aussi affronter les sombres maux qui la parcourent.

Nous objectivons les faits : nous avons transmis un signalement à la procureure au titre de l'article 40 et nous sommes rendus sur place. Il y a eu un envahissement sauvage de l'amphithéâtre et une absence manifeste de respect du cadre pour un débat serein.

Les témoignages sont clairs : une étudiante de l'Union des étudiants juifs de France a été empêchée d'accéder à la conférence. Les propos antisémites gravissimes qui auraient été tenus ont été transmis à la justice, car nous sommes dans un État de droit.

Mon ministère est pleinement mobilisé contre toute forme de discrimination. Dès les attaques terroristes du 7 octobre, j'ai demandé aux chefs d'établissement de prévenir les actes, de les repérer et d'accompagner les victimes, de les signaler pour apporter une réponse disciplinaire ou judiciaire, de réparer et d'effacer les traces de haine.

Nous ne baisserons jamais la garde face à ce poison. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Situation à Gaza

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) En 2040, dans les livres d'histoire du Moyen-Orient, on lit ceci : après des années d'oubli de la cause palestinienne, les attaques terroristes du Hamas et les prises d'otages conduisent à un déchaînement de violence d'Israël contre la bande de Gaza. Benjamin Netanyahou utilise cette guerre pour se maintenir au pouvoir. Avec ses alliés d'extrême droite, il bombarde la bande de Gaza nuit et jour, empêche l'aide humanitaire d'arriver et utilise la faim comme arme de guerre.

Dès janvier 2024, la Cour internationale de justice alerte sur le risque de génocide. Dès mars 2024, Josep Borrell, haut représentant de l'Union européenne, évoque un cimetière à ciel ouvert. La situation est apocalyptique. L'ONU parle de siège médiéval et de guerre contre les enfants. Entre la famine et les bombes, la mort est certaine.

Tandis que les pays du Sud rompent leurs relations avec Israël, les États-Unis et l'Union européenne continuent à soutenir Netanyahou et à lui fournir des armes.

Notre responsabilité est immense. Monsieur le Premier ministre, il est déjà trop tard, mais vous pouvez encore écrire l'histoire. La France ne peut rester spectatrice et complice du pire carnage du XXIe siècle. L'heure est aux sanctions.

Allez-vous demander la suspension de l'accord d'association avec Israël, arrêter les exportations d'armes, interdire le commerce avec les colonies, rappeler notre ambassadeur et reconnaître l'État palestinien comme l'a voté le Parlement ? (Applaudissements sur les travées du GEST et du CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

Une voix à droite.  - Non !

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Merci pour une chose : tous les responsables politiques -  je pense notamment à ceux de la Nupes à l'Assemblée nationale  - ne rappellent pas que l'origine de ce drame est bien l'attaque terroriste du Hamas contre des civils israéliens. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et sur quelques travées du RDPI) Quarante-deux de nos concitoyens ont été tués, trois sont encore otages et il y en a d'autres. Nous devons tous appeler, sans ambiguïté, à la libération de ces otages. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Nous l'avons dit à plusieurs reprises : ce qui se passe dans la bande de Gaza est un drame humanitaire. Mais je ne puis laisser dire que la France est spectatrice. (M. Guillaume Gontard proteste.) Elle est l'un des premiers pays occidentaux à avoir appelé à un cessez-le-feu. Le Président de la République est l'un des premiers à s'être rendu sur place. Le premier pays à avoir largué une aide humanitaire, c'est la France -  avec la Jordanie. C'est aussi la France qui a envoyé le Dixmude au large des côtes et évacué des enfants palestiniens. (M. Hussein Bourgi proteste.) C'est la France qui mobilise l'Union européenne pour obtenir des résultats lors du prochain Conseil européen. C'est toujours la France qui oeuvre au Conseil de sécurité pour sortir du blocage. (M. Yannick Jadot marque des signes d'impatience.) C'est la France encore qui s'engage au Liban pour éviter l'embrasement.

Oui, monsieur Gontard, la situation à Gaza est catastrophique. Nous appelons à un cessez-le-feu durable et immédiat et à l'ouverture de tous les corridors humanitaires. Les civils palestiniens n'ont pas à être les nouvelles victimes du Hamas, et Israël doit permettre à l'aide humanitaire d'arriver en quantité suffisante -  nous en sommes encore loin. La France y travaille sans compter. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

M. Guillaume Gontard.  - Vous n'avez répondu à aucune de mes questions. Le temps des paroles est terminé, nous demandons du courage politique ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Fabien Gay applaudit également.)

Programmation pluriannuelle de l'énergie

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, votre annonce récente d'une consultation publique sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) est bien curieuse.

Tout d'abord, elle renie le travail réalisé : depuis 2021, le Gouvernement a organisé des ateliers, une concertation nationale, des groupes de travail, et 3 000 contributions ont été reçues. Un projet de loi a même été transmis au Conseil d'État, au Conseil supérieur de l'énergie et au Conseil national de la transition écologique.

Ensuite, la loi Énergie et climat de 2019 prévoit, grâce à un amendement de Daniel Gremillet, une loi quinquennale sur l'énergie pour définir nos objectifs. Elle aurait dû être adoptée le 1er juillet 2023, mais elle est portée disparue...

Pour relancer le nucléaire et développer les énergies renouvelables, il faut un cap clair. Or vous n'avez ni stratégie ni objectifs. Le temps presse.

Envisagez-vous de présenter une loi quinquennale de l'énergie d'ici à la fin de l'année, ainsi que des textes dédiés aux réformes de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), des concessions hydroélectriques et du marché de l'électricité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie .  - Les annonces du Premier ministre respectent la loi que vous avez votée (Mme Dominique Estrosi Sassone le conteste), avec le lancement d'une consultation publique.

Quelque 35 millions de Français se sont prononcés sans ambiguïté sur l'avenir énergétique de la France. Plusieurs candidats à l'élection présidentielle de 2022, dont l'un est présent ici (M. Yannick Jadot le confirme), prônaient la sortie du nucléaire. (On s'en émeut à droite.) Un autre, élu, a prononcé un discours à Belfort en janvier 2022, très clair, sur les quatre piliers de la politique énergétique : sobriété, efficacité, accélération des énergies renouvelables et relance du nucléaire.

Oui, nous aurons un débat public, même si les principes ont été tranchés par les Français. (M. Yannick Jadot proteste.) Hier, l'Assemblée nationale a voté la réforme de la gouvernance du nucléaire. Nous devons aussi débattre de l'avenir de l'hydraulique, des tarifs et du mix énergétique ! (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Vous ne m'avez pas convaincue. Vous porterez la responsabilité de cette impréparation, qui pèsera sur les générations futures. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Situation sanitaire à Mayotte

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Un premier cas de choléra a été détecté à Mayotte, sur une jeune femme en provenance d'Anjouan. Le lendemain de son arrivée, elle a été prise en charge par le Samu, puis isolée et soignée.

L'agence régionale de santé (ARS) a présenté il y a un mois un plan de riposte, aucune campagne de vaccination n'étant possible en raison de la pénurie mondiale de vaccins. Ce plan prévoit des contrôles aux frontières et des équipes d'action pour éviter la propagation de l'infection.

Alors que l'épidémie s'intensifie aux Comores notamment, et compte tenu de l'immigration massive, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour protéger les Mahorais, qui se demandent ce que sont devenus les autres passagers du kwassa ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Le choléra est une maladie digestive très contagieuse. Le cas que vous évoquez a été détecté lundi sur une femme arrivée à Mayotte la veille. Elle a été rapidement prise en charge par la cellule choléra, préparée préventivement depuis plusieurs mois à l'hôpital de Mamoudzou.

Dès lundi soir, une équipe de l'ARS a identifié les cas contacts. Hier matin, une deuxième équipe a désinfecté les lieux.

Lors d'une conférence de presse, le préfet et le directeur de l'ARS ont rappelé les mesures de vigilance renforcée qui ont été prises. Dès février, un plan de riposte, qui a montré son efficacité, avait été préparé : renforcement de la vigilance, mesures de prévention, prise en charge aussi rapide que possible, rappel des gestes de prévention, renforcement des contrôles aux frontières, traçabilité des passagers en provenance des Comores et de l'Afrique des Grands Lacs, équipes mobiles de l'ARS pour vacciner les personnes à risque, entre autres.

Les services de l'État sont pleinement mobilisés. (MM. François Patriat et Olivier Bitz applaudissent.)

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Voilà une nouvelle conséquence de la non-maîtrise des flux migratoires en provenance des Comores, dont le président ne respecte pas son engagement de lutter contre les trafics d'êtres humains en contrepartie d'une importante aide financière de la France. Bien au contraire, il utilise des méthodes migratoires poutiniennes. Pas étonnant, sachant que Poutine lui a promis de l'aider à déstabiliser la France et qu'il félicite ce dernier pour sa brillante réélection... Il est temps d'agir ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

TikTok

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Jeudi dernier, la chambre des représentants des États-Unis a voté à une très large majorité un texte contraignant TikTok à couper définitivement ses liens avec le Parti communiste chinois. À défaut, la plateforme pourrait être interdite sur le territoire national américain. Nos collègues soupçonnent l'entreprise d'espionnage et de manipulation massive des données des utilisateurs.

Le 14 mars, le Canada, qui compte pour la France - nous en parlerons demain -...

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - C'est vrai !

M. Emmanuel Capus.  - ... a engagé un processus similaire. L'Indonésie, l'Inde, le Pakistan également.

Le général Burckhard, chef d'état-major des armées, a alerté les députés sur la menace que faisait peser TikTok, arme informationnelle au service de la Chine.

La commission d'enquête créée à l'initiative du groupe Les Indépendants a conclu que si TikTok ne respectait pas les normes françaises, il devait être suspendu.

Que fera le Gouvernement pour que TikTok respecte la législation française et européenne...

M. Bruno Sido.  - Rien !

M. Emmanuel Capus.  - ... et dans quel délai ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Jacques Fernique et Martin Lévrier applaudissent également.)

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - Votre question soulève un sujet majeur : la sécurité nationale et la préservation de notre modèle démocratique face aux ingérences étrangères. Je salue les travaux de la commission d'enquête sénatoriale...

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État.  - ... qui a tiré la sonnette d'alarme sur TikTok et sur ses liens avec les autorités politiques chinoises.

Le Gouvernement est conscient de ces risques. Nous avons renforcé le dispositif avec la mise en place de Viginum. Il y a un an, le Gouvernement a interdit le téléchargement et l'installation des applications récréatives, notamment TikTok, sur les téléphones professionnels fournis aux agents publics.

Au niveau européen, la France a été fer de lance dans l'adoption de plusieurs règlements, dont le DSA (Digital Services Act) qui contraint les réseaux sociaux à une plus grande transparence sur l'utilisation des algorithmes.

La Commission européenne a lancé une enquête le 19 février dernier. Si elle constate des manquements, TikTok devra les corriger ou risquer une amende importante, voire la restriction temporaire du service.

Vous le voyez, le rapport de force a bien changé s'agissant des plateformes. Nous avons les moyens d'agir au niveau européen. Comptez sur notre engagement. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Conditions de travail des enseignants

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Hier, les syndicats appelaient à une grève de la fonction publique, en particulier les enseignants, déjà mobilisés le 1er février dernier.

L'école est le commencement de tout : de l'accès aux savoirs, à la sociabilité, au sens critique, aux valeurs républicaines, donc à la citoyenneté. Les enseignants jouent un rôle central. Nous mettons entre leurs mains ce que nous avons de plus cher. Ils redeviennent de plus en plus les hussards noirs de la République, car nous leur demandons de ne rien lâcher sur la laïcité. Cela devient une mission dangereuse, avec des parents d'élèves ou des élèves parfois agressifs.

Le minimum serait de leur garantir un salaire à la hauteur. Malgré le pacte enseignant et la hausse du point d'indice, les enseignants sont les grands perdants sur la durée : alors que le budget de l'éducation nationale est plus important en France, les professeurs sont deux fois moins payés qu'en Allemagne ; leur salaire était de 2,3 Smic dans les années 1980, il n'est plus que de 1,2 Smic en 2021.

Comment réorienter les moyens de l'éducation nationale vers les professeurs ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Nous sommes aux côtés des enseignants. Un effort de 4,8 milliards d'euros a été fourni pour revaloriser leurs salaires entre 2023 et 2024, trois fois plus qu'entre 2013 et 2017. Les professeurs titulaires, psychologues et conseillers principaux d'éducation touchent donc 2 100 euros nets par mois en début de carrière, ce qui les situe dans la moyenne européenne. Le pacte enseignant leur permet également de prendre en charge des missions complémentaires et d'être rémunérés à hauteur de leur engagement ; beaucoup s'y sont engagés.

Nous travaillons également sur le bâti scolaire avec les collectivités. Nous avons recruté des assistants d'éducation. Nous tiendrons demain une réunion interministérielle sur la sécurité des bâtiments, en présence du Premier ministre.

Nous travaillons enfin sur la prise en charge de l'hétérogénéité des élèves : nous accueillons tous les jeunes, et c'est très bien, mais nous devons faire des efforts pour les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) qui sont les fers de lance de l'école inclusive. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Dispositif Asalée

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.) L'association Asalée, née dans les Deux-Sèvres il y a une vingtaine d'années, rassemble environ 2 000 infirmières, qui agissent en partenariat avec 9 000 médecins.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Dans l'Yonne aussi !

M. Philippe Mouiller.  - Son but est d'accompagner les patients atteints de maladies chroniques et d'affections de longue durée et de faire de la prévention. Ces professionnels sont présents notamment dans les zones rurales qui manquent de médecins.

Depuis plusieurs mois, les relations avec la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) sont difficiles. Depuis 2023, il n'y a plus de cadre juridique entre Asalée et la Cnam - la renégociation est en cours - ce qui occasionne des retards de versements. L'association risque de se retrouver en cessation de paiements. Alors que nous souffrons d'une pénurie de personnel de santé, monsieur le ministre, souhaitez-vous prendre le risque de voir Asalée disparaître ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC, SER, CRCE-K et du RDSE)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Le Gouvernement est convaincu de l'intérêt d'Asalée, qui mobilise de nombreux professionnels de santé, principalement des infirmiers, qui accompagnent les patients dans leur parcours de soins. Il n'est pas question de remettre en cause ce dispositif, qui a toute sa place dans la délégation de tâches souhaitée par le Gouvernement. C'est pourquoi l'État a accompagné sa croissance : il rémunère plus de 2 000 infirmiers - c'était 700 à l'origine -, pour 80 millions d'euros, financés par l'assurance maladie.

La convention actuelle entre l'association et la Cnam ne prévoit pas la prise en charge de loyers, comme l'association le souhaite. Les négociations n'ont pas encore abouti. Il est normal que les financements aillent d'abord aux soins. L'association continue à recevoir 6 millions d'euros par mois, notamment pour financer les salaires.

L'association Asalée a été reçue le 8 mars au ministère de la santé. Une nouvelle convention doit être signée très vite. (M. François Patriat applaudit.)

M. Philippe Mouiller.  - J'entends les difficultés, mais la question des loyers a, me semble-t-il, été tranchée par l'assurance maladie.

Venez sur le terrain ! Il y a 48 heures, Asalée était au bord de la cessation de paiements. Les infirmières non payées devaient prendre sur leurs propres deniers.

Nous avons enfin une solution contre la désertification médicale. Soutenez-la, non en mots, mais en actes ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC, SER et CRCE-K ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Climat social

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La France se paupérise, notre modèle social s'affaiblit. Les trois versants de la fonction publique se mobilisaient hier pour réclamer une hausse urgente de leur rémunération. Les augmentations consenties en 2022 et 2023 étaient très inférieures à l'inflation. En dix ans, les salaires du privé ont grimpé deux fois plus vite que ceux du public ; 2024 ne doit pas être une année blanche pour les fonctionnaires.

Vous demandez toujours plus à ceux qui ont le moins. Vous cherchez à mettre la main sur les excédents de l'Unédic, alors que l'argent devrait être destiné aux chômeurs, et non à combler les déficits. Vous voulez réduire la durée d'indemnisation à douze mois, et prétendez gérer seuls l'assurance chômage. Quel mépris pour les partenaires sociaux !

À rebours de vos engagements, vous vous en prenez aux demandeurs d'emploi alors que le chômage repart à la hausse. Avec vous, ce sont des droits pour les nantis, des devoirs pour les plus petits !

Quand arrêterez-vous de faire peser les efforts sur les plus modestes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Rétablissons les faits. Ces deux dernières années, face à une inflation importante, le Gouvernement a procédé aux augmentations salariales les plus importantes depuis trente-sept ans dans la fonction publique. (Protestations sur les travées du groupe SER)

M. Rachid Temal.  - Vous oubliez l'inflation !

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - C'était lors du premier septennat du président Mitterrand.

M. Rachid Temal.  - Alors là !

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Les mesures salariales pour l'ensemble des agents de la fonction publique s'élèvent à 14 milliards d'euros.

M. Pierre Barros.  - Elle n'arrive plus à embaucher !

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - On peut toujours dire que ce n'est pas assez, mais en trente-sept ans, qu'avez-vous fait ?

Un agent d'accueil en début de carrière gagne 230 euros nets de plus qu'en 2022 ; un gardien de la paix, 240 euros ; un professeur des écoles, 320 euros. Voilà des exemples concrets.

Le meilleur moyen d'accompagner nos concitoyens est de les ramener vers l'emploi, d'où l'investissement réalisé avec France Travail. (Exclamations à gauche) La meilleure émancipation, c'est la formation, c'est lever les freins à l'emploi. Ce que nous avons fait, en augmentant le budget de France Travail pour l'accompagnement. Cette année, plus de 150 000 personnes devraient revenir vers l'emploi.

Il y a ceux qui réclament toujours plus d'aides, et ceux, comme nous, qui souhaitent toujours plus d'émancipation. (Protestations à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Corinne Féret.  - Je conteste vos chiffres. La réalité quotidienne des fonctionnaires est tout autre. Vous avez oublié de parler de l'inflation... (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Le Gouvernement avait assuré que sa réforme de l'assurance chômage tiendrait compte de l'évolution du chômage ; il n'en est rien, alors que le chômage remonte.

M. Rachid Temal.  - Où est l'argent ?

Mme Corinne Féret.  - Combien de millions sont pris sur France Travail dans le cadre des 10 milliards d'euros d'économies annoncées ? Combien ? Dites-le ! (Applaudissements à gauche)

Narcotrafic à Rennes

M. Dominique de Legge .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a dix jours, une heure de fusillade en plein coeur de Rennes, opposant deux bandes rivales de trafiquants de drogue. Cinq jours plus tard, près du paisible village de Coglès, une fusillade à l'arme lourde sur l'A84 : trois passagers, ensanglantés et armés, demandent secours dans le bourg.

Monsieur le ministre, je vous pose la question qui m'a été posée ce week-end par les habitants d'Ille-et-Vilaine : dans quel pays vivons-nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Nous vivons dans un pays qui, depuis plus de quarante ans, a laissé la drogue investir les lieux publics, mais aussi les consciences, avec des débats irresponsables sur la légalisation. (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel, M. Thomas Dossus se gausse.)

Nous vivons dans un pays où la drogue tue, faute d'avoir été contrecarrée par l'ordre républicain. Il y a des narco-États au sein même de l'Europe : avocats, hommes politiques, policiers sont menacés, parfois assassinés. Nous vivons dans un monde d'argent sale, où les drogues de synthèse ont explosé, au point que le fentanyl est la première cause de mortalité aux États-Unis. Si nous n'en sommes pas là en France, c'est grâce à notre police et à notre justice, qui se battent courageusement contre cette pieuvre qui sans cesse renaît.

L'Ille-et-Vilaine a gagné 150 agents des forces de l'ordre en six ans, 21 points de deal ont été supprimés à Rennes, avec 150 interpellations de plus que l'année précédente, les saisies ont quintuplé.

Les personnes blessées étaient connues, avec de multiples inscriptions au casier judiciaire pour trafic de stupéfiants.

Le travail inlassable de la police et de la gendarmerie dans votre département a obtenu des résultats, mais les trafics se poursuivent, depuis l'étranger - au Maroc, où nous avons récemment arrêté un très gros trafiquant, aux Émirats arabes unis - mais aussi depuis nos prisons.

Nous oeuvrons pour tâcher de laisser un autre pays à nos enfants, y compris en Ille-et-Vilaine. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin et M. Bernard Fialaire applaudissent également.)

M. Dominique de Legge.  - Vous dites que le trafic de drogue remonte à quarante ans, mais depuis sept ans, qu'avez-vous fait ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Démagogique ! Combien de policiers supplémentaires ?

M. Dominique de Legge.  - À force de tenir un discours dont on ne voit pas les résultats sur le terrain, la population n'a plus confiance en la parole publique. Le plus sûr moyen pour que les citoyens ne se désintéressent pas de la République, c'est de faire en sorte que la République les protège ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Maîtrise du français dans le secondaire

M. Stéphane Demilly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nous célébrons la journée internationale de la francophonie. Le français, parlé sur les cinq continents, dans 112 pays, par 320 millions de personnes, est la cinquième langue mondiale, et la langue officielle des jeux Olympiques, avec l'anglais, depuis 1896.

Voilà pour le cocorico. Mais les cordonniers ne sont pas les mieux chaussés. Selon une étude du ministère de l'éducation nationale, 10 % des élèves du secondaire sont en grande difficulté de lecture, dont la moitié est en situation d'illettrisme.

Les 2,5 millions de Français illettrés connaissent de grandes difficultés d'insertion. Comment rédiger un chèque, lire un mode d'emploi, remplir un formulaire administratif, naviguer sur internet ? Ce handicap souvent invisible les rend dépendants et les exclut socialement.

Il est irresponsable de laisser entrer au collège ou au lycée un élève qui ne maîtrise ni la lecture ni l'écriture du français. Quelles mesures envisagez-vous pour endiguer cette réalité qui creuse les inégalités ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je partage nombre de vos observations. La francophonie n'est pas qu'une organisation : le français est une langue vivante qui ne cesse de s'enrichir, partagée par tous. Pour cela, nous, Français, devons la maîtriser correctement. Cela suppose de renforcer les acquis à l'école et au collège. C'est l'objet du récent rapport des députés Genevard et Le Vigoureux.

À l'école, nous répondons à cet enjeu, dans sa diversité, par un travail quotidien sur l'écrit, l'oral, la syntaxe. Dès l'année prochaine sera instauré le quart d'heure de lecture. Des dispositifs d'accompagnement existent, comme « devoirs faits » ou les heures de soutien en français. La labellisation des manuels est à l'ordre du jour, tout comme la création des groupes en sixième et en cinquième, dans le cadre du choc des savoirs. Des évaluations nationales mesureront l'avancée de nos élèves.

La réécriture des programmes est en cours, pour la maîtrise complète de la langue, à l'oral, en lecture et en écriture. Les attendus de fin d'année seront précisés, avec le nombre et la longueur des textes à maîtriser. Le fonctionnement de la langue sera rappelé. Nous fixons un niveau d'exigence pour une maîtrise complète de la langue, qui offre une extraordinaire liberté, à condition d'en maîtriser les bases. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Zones à faibles émissions

M. Philippe Tabarot .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-François Longeot et Alain Duffourg applaudissent également.) L'État ayant été condamné trois fois pour la pollution de l'air, Mme Pompili avait voulu généraliser à la hâte les zones à faibles émissions (ZFE), restreignant la circulation dans 43 agglomérations dès le 31 décembre 2024.

Si l'objectif était louable, le Sénat préconisait de desserrer l'étau.

Hier, en conférence de presse, monsieur le ministre, vous avez résolu la menace : plus de pollution venant du port de Marseille ou des industries rouennaises. Comment passe-t-on comme par magie à un air frais et pur, en quelques mois ? D'une interdiction massive à une liberté de circulation sur tout le territoire, en un claquement de doigts ?

Votre décision ne s'explique-t-elle pas surtout par l'asphyxie financière du pays ? Leasing social avorté, bonus écologique raboté, financement des transports en commun non pérenne, rabot de 2 milliards sur la mission « Écologie »... Le Gouvernement manque de moyens pour accompagner les Français dans la transition que vous leur imposiez.

Si vous avez effacé l'ardoise pour la plupart des territoires, quel soutien apportez-vous aux 900 000 automobilistes de Paris et de Lyon qui devront envoyer leur voiture à la casse, en Afrique ou en Europe de l'Est ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Vous nous aviez expliqué que 43 ZFE, c'était trop, qu'il fallait tenir compte de l'amélioration tendancielle de la qualité de l'air. J'ai le sentiment que vous me reprochez presque d'être passé à seulement deux ZFE ! Nous avons écouté, entendu, sans nous braquer sur les modalités.

Lors de cette conférence de presse, j'ai révélé les chiffres de 2023 qui montrent une amélioration de 46 % de la qualité de l'air sur cinq ans, au point que seuls deux territoires dépassent encore les seuils.

Réjouissons-nous de cette amélioration tendancielle, qui tient aussi à l'électrification d'une partie du parc et à la pratique du vélo. (M. Jean-François Husson indique que cette part est faible.)

En 2023, un million de véhicules Crit'Air 3, 4, 5 et non classés sont sortis du parc. Les 1,5 milliard d'euros que nous y avons dédiés ont joué.

Vous redoutiez que le leasing ne favorise les importations chinoises : nous avons restreint le dispositif aux véhicules français et européens et capé les aides aux 50 000 premiers véhicules. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) Je m'attendais à ce que vous vous réjouissiez que j'aie résolu quatre des sept articles de votre proposition de loi du 7 juillet ! Je repasserai pour les remerciements : l'essentiel est que nous avancions dans la même direction. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Philippe Tabarot.  - Vous étiez un roi de la communication, monsieur le ministre : vous êtes désormais un as de la magie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Moyens pour les CRA

M. Christophe Chaillou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après l'ouverture d'un nouveau centre de rétention administrative (CRA) à Olivet, un sentiment d'impréparation domine, le Loiret étant sous-doté en policiers, magistrats, greffiers et médecins. Dans ce contexte difficile, la montée en puissance rapide du centre inquiète.

Il faut pourvoir rapidement tous les postes et accompagner les personnels, souvent de jeunes policiers sortis d'école, alors que les personnes retenues présentent des profils de plus en plus difficiles.

Au-delà d'Olivet, ces structures mobilisent des moyens humains et financiers considérables au regard de l'effectivité des mesures d'éloignement. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a alerté l'an dernier à ce sujet. Il faut s'interroger sur le fonctionnement de ces centres et le sens que nous leur donnons, dans le respect des principes fondamentaux de notre République.

La trajectoire établie par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), plus de mille places supplémentaires en CRA, est-elle réaliste ? Améliorera-t-elle les conditions d'exercice des policiers et magistrats et la prise en charge des personnes retenues dans le respect de leurs droits fondamentaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je remercie le groupe socialiste pour son soutien à la Lopmi. (Murmures sur les travées du groupe SER) Le vote par le groupe socialiste d'un texte du ministère de l'intérieur est assez rare pour que je m'en souvienne...

M. Rachid Temal.  - On est exigeant !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Ce texte prévoit de doubler d'ici 2027 les places en CRA, structures créées par un gouvernement socialiste. J'ai annoncé en octobre dernier les sites retenus, dont Olivet. Certaines constructions sont déjà terminées. J'inaugurerai dans quelques jours le centre d'Olivet.

Pourquoi la rétention est-elle importante ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas la question !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Nous avons changé de stratégie : nous n'y plaçons que des personnes posant un problème d'ordre public. Depuis la récente loi Immigration - que, pour le coup, vous n'avez pas votée... -, les mineurs ne peuvent plus y être placés.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous avons voté cette mesure.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Pour les magistrats comme pour les policiers, le travail est rendu plus difficile par la dangerosité des personnes retenues, qui attendent leur éloignement sous l'autorité du juge de la liberté et de la détention. Nous expulsons trois fois plus les personnes placées en CRA que celles qui ne le sont pas.

C'est pourquoi je vous remercie d'avoir voté le texte qui prévoit 3 000 places dans ces centres. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et la question ?

M. Christophe Chaillou.  - Vous n'avez pas répondu à ma question sur les moyens pour le fonctionnement de ces centres.

Vous serez le bienvenu dans le Loiret, où vous avez annoncé, le 1er janvier dernier, dix policiers supplémentaires à Montargis - que nous attendons toujours.

On peut communiquer, inaugurer, mais il faut des moyens pour que les choses fonctionnent ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Martin Lévrier applaudit également.)

Sécheresse dans les Pyrénées-Orientales

Mme Lauriane Josende .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de la cohésion des territoires, la sécheresse historique dans les Pyrénées-Orientales est un véritable drame. Élus, habitants et acteurs économiques disent leur colère, proposent des solutions, innovent, se battent pour surmonter cette crise climatique. Mais rien ne bouge.

Samedi dernier, 4 000 personnes ont manifesté contre un projet de golf à Villeneuve-de-la-Raho, largement approuvé par les autorités ; certains manifestants menacent de « zadiser » notre territoire.

Depuis des mois, nous attendons de l'État un message d'espoir, notamment la nomination d'un préfet de l'eau en Occitanie. Or ce futur préfet sera chargé de la gestion de l'eau sur le bassin Adour-Garonne. Quelle déception ! On nous explique que nos départements littoraux dépendent du préfet d'Auvergne-Rhône-Alpes, une autre région que la nôtre... Est-ce à dire que nous allons enfin bénéficier de l'eau du Rhône, alors que le tuyau s'arrête aujourd'hui à Narbonne ?

Cette sécheresse est inédite : à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Vous engagerez-vous personnellement pour que l'eau du Rhône soit acheminée jusque dans les Pyrénées-Orientales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Comme chaque année au début du printemps, nous avons présenté l'état des nappes phréatiques. Il y a un an, les trois-quarts des nappes étaient sous les normales de saison ; cette année, un tiers seulement.

Mais certaines situations sont préoccupantes, dont celle de votre département : 90 % de déficit d'humidité des sols, presque pas une goutte depuis juin 2022. Je rends hommage à tous les élus et responsables des Pyrénées-Orientales, qui font front. La consommation d'eau potable a diminué de 30 % l'été dernier dans la communauté urbaine de Perpignan. Quand on sait que ce territoire vit du tourisme et de l'agriculture, on mesure l'effort.

Je serai demain dans votre département pour le salon des maires. Lors d'une séance de travail sur l'eau, je reviendrai sur les nombreux sujets soulevés par les élus et la chambre d'agriculture : canaux, fuites, réutilisation des eaux usées et votre question structurante, à un demi-milliard d'euros - vous comprendrez que l'hémicycle du Sénat ne se prête pas à une annonce de ce type.

Je viens sur place dans l'intention de dialoguer avec les élus et de valoriser les six projets de retenue et de réutilisation autorisés ces derniers mois à leur demande. Je viens pour tracer un chemin et apporter des réponses exceptionnelles. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

Mme Lauriane Josende.  - Nous échangerons avec les élus demain, et vous prendrez la température. Nous n'avons pas besoin de mesurettes ni d'effets d'annonce, mais d'un engagement fort. Commençons par le commencement : nul n'imagine que le tuyau se fera en un jour, mais engagez-vous à ce que l'acheminement des eaux du Rhône soit au moins mis à l'étude. Montrons que l'action publique sert encore à quelque chose ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Émilienne Poumirol et M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)

France Ruralités Revitalisation

Mme Françoise Dumont .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 1er juillet prochain, les zones de revitalisation rurale seront remplacées par un nouveau dispositif, France Ruralités Revitalisation (FRR). Mais ce passage de relais pose de nombreuses difficultés. Ainsi, dans le Var, si trente communes seront incluses dans FRR, treize petites communes seront en sortie sèche, donc sans solution. De tels cas existent partout en France.

Il y a quelques jours, l'Association des maires de France (AMF) a proposé un moratoire ouvert à toutes les communes, à l'image de celui admis par l'État en Saône-et-Loire. Comment le Gouvernement accompagnera-t-il les communes sortantes ? Est-il prêt à donner suite à la proposition de l'AMF ? Nos maires attendent des réponses ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Dominique Faure, en déplacement outre-mer. (On feint la déception à droite.)

Il y a eu plusieurs épisodes. D'abord, sur l'initiative de sénateurs de tous bords, il a été décidé que le nouveau dispositif conserverait 17 700 communes. Je salue l'engagement du Sénat sur ce sujet.

Dans le Var comme ailleurs, il y a des communes entrantes et quelques sortantes. Comme chaque fois qu'il y a des effets de seuil, nous avons prévu un suivi individualisé et des possibilités de rattrapage. Je pense à Vinon-sur-Verdon, commune isolée au sein d'un EPCI zoné mais à cheval sur deux départements. Nous nous efforçons de répondre aux situations de ce type.

Un département, la Saône-et-Loire, a fait l'objet d'un moratoire, compte tenu des dizaines de communes concernées. La décision a été prise par le Premier ministre, qui suit personnellement cette question. Dans le Var, une dizaine de communes sont concernées : nous examinons leur situation de très près.

La discussion avec l'AMF se poursuit, et Dominique Faure sera ravie de redevenir votre interlocutrice sur ce sujet.

Mme Françoise Dumont.  - Comme souvent, le Sénat a eu raison trop tôt. Notre collège Rémy Pointereau avait proposé un zonage par commune, mais vous avez choisi un zonage par intercommunalité et bassin de vie, inadapté car il suffit d'une commune riche pour sortir tout un ensemble du dispositif. Il faut repêcher l'ensemble des communes laissées sur le bord du chemin. N'inventez pas le zonage rural sans les communes rurales ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Alain Roiron et Mme Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.