Congrès et assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

Discussion générale

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur les travées du groupe INDEP) Nous examinons aujourd'hui le projet de loi constitutionnelle sur les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, une semaine après le vote du projet de loi organique les reportant d'ici au 15 décembre 2024 - et non le 15 décembre 2024 ; ce texte adopté par 307 voix, dont celles du groupe socialiste, qui, aujourd'hui, souhaite reporter les élections à 2025.

Sur place, il n'y a pas eu d'opposition au report, bien que la majorité du Congrès soit indépendantiste. Les indépendantistes, même ceux n'ayant pas formellement voté le report, sont favorables au décalage des élections, j'y reviendrai.

Quel que soit le choix des Calédoniens, qu'ils soient favorables à l'indépendance, à l'abstention ou à l'attachement à la France, tous estiment que le report est une décision de bon sens.

Je vous remercie d'avoir voté la loi organique.

Nous voici à la deuxième étape, la modification constitutionnelle. Depuis les accords de Nouméa, les listes des élections provinciales relèvent de la Constitution.

Je rends hommage aux auteurs des accords de Matignon et de Nouméa. C'est un modèle institutionnel qui sert le projet de paix et de développement de la Nouvelle-Calédonie, le libre choix des peuples, notamment d'outre-mer, à disposer d'eux-mêmes ; par trois fois, les Calédoniens ont choisi la France.

Ces accords poursuivent un objectif simple : donner les moyens aux Calédoniens de choisir leur avenir. Depuis trente ans, nous avons écouté les Calédoniens, qui veulent rester dans la République française.

Les règles électorales sont strictes : tous les habitants, pourtant nés en Nouvelle-Calédonie de parents calédoniens, ne peuvent pas voter aux élections locales. La liste référendaire est plus large que la liste provinciale ; c'est paradoxal !

Bien sûr, ces règles originales ne s'opposent pas au respect des identités des uns et des autres. La citoyenneté calédonienne s'ajoute à la citoyenneté française, selon la Constitution. Le gouvernement de ce territoire est le plus autonome de la République.

Les indépendantistes dirigent quatre des cinq institutions de la Nouvelle-Calédonie.

Aujourd'hui, participons collectivement à ouvrir une nouvelle page de l'histoire calédonienne, celle de la stabilité.

Tous les acteurs locaux doivent savoir dans quel cadre ils vivront dans les prochaines années. Avoir toujours une épée de Damoclès sur la tête, savoir si l'on va se prononcer dans un an ou deux ou non sur une éventuelle indépendance, voilà qui ne contribue ni à la paix ni au développement économique du territoire.

À la demande du Président de la République, nous nous inscrivons avec le garde des sceaux dans le temps long, le temps humble de la réforme constitutionnelle, qui aborde un sujet primordial, symboliquement et démocratiquement : le corps électoral.

Les accords précédents ont introduit la notion de citoyenneté calédonienne. L'île, qui compte moins de 300 000 habitants, compte trois listes électorales : l'une pour élire le Président de la République, les maires et les députés ; une deuxième pour les élections provinciales ; la troisième pour un éventuel référendum d'autodétermination.

Les deuxième et troisième listes sont restreintes en fonction de la durée de résidence sur le territoire. L'histoire calédonienne fait que ceux qui sont de passage sur l'île ne sont pas pleinement associés à son avenir. C'est discutable - les habitants paient des impôts et ont la citoyenneté française... Dans leur sagesse, les partis politiques ont souhaité inscrire ce droit électoral exorbitant dans la Constitution. C'est la ligne de l'ensemble des Calédoniens et celle du Gouvernement. Oui, il doit y avoir des listes et des corps électoraux différents de tout le reste du territoire national.

Les élections provinciales permettent d'élire les représentants des assemblées des trois provinces et donc du Congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Jusqu'à présent, le constituant a prévu que trois cinquièmes du Congrès pouvaient déclencher un référendum d'autodétermination. Voter aux provinciales, c'est voter pour ses représentants locaux, c'est choisir la majorité au Congrès et c'est déclencher le référendum d'autodétermination - si nous aboutissons à un accord avec toutes les parties, ce que je souhaite.

L'enjeu électoral se conjugue aussi à un enjeu de représentation - le scrutin est proportionnel.

Depuis la révision constitutionnelle de 2007, seules les personnes inscrites sur les listes électorales au moment de l'accord de Nouméa de 1998 ont le droit de voter aux élections provinciales.

Certains Calédoniens naissent en Nouvelle-Calédonie, de parents calédoniens, et ne peuvent voter pour leurs élus locaux.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - C'est un problème.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Vous ne pouvez pas non plus voter pour votre représentant à la province.

L'élargissement du corps électoral est donc une obligation morale pour ces Calédoniens nés en Nouvelle-Calédonie de parents calédoniens.

Contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là dans la presse, nous ne proposons que le dégel du corps électoral, sous certaines conditions, pour les élections locales.

Le corps référendaire est plus large : il est plus facile de voter lors d'un référendum d'autodétermination que lors des élections locales.

Le nombre d'électeurs exclus du vote était de 8 338 en 1999, soit 7,5 % du corps électoral ; il s'élevait à 42 596 en 2023, soit un électeur sur cinq. Peut-on raisonnablement tenir des élections locales dans la quand avec un électeur sur cinq est privé du droit de vote ?

Devant le Parlement réuni en Congrès, Dominique de Villepin, alors ministre de l'intérieur, indiquait que le gel ne valait que pour les élections provinciales de 2009 et de 2014. Pour accepter cette dérogation fondamentale aux principes constitutionnels d'égalité devant le suffrage, le constituant s'était appuyé sur son caractère transitoire.

Actuellement, le processus est clos. De quel droit exclurions-nous une partie de la communauté calédonienne de ses propres droits ? D'ailleurs, nous risquerions d'exclure des Kanaks et des non-Kanaks - je ne fais la distinction qu'à l'occasion de nos débats, car il n'y a que des Français pour le Gouvernement.

Un gel du corps électoral n'est pas acceptable au regard de nos valeurs, de notre bloc de constitutionnalité et du respect de nos engagements internationaux.

Il ne s'agit pas seulement d'une préoccupation d'ordre juridique. L'enjeu pour le Gouvernement est de tenir sa parole et de respecter l'esprit du Congrès de Versailles.

Au bout de trois ans de débats - trois ans ! -, la majorité des Calédoniens doit choisir ses responsables locaux, alors que ce territoire connaît d'importantes difficultés économiques, notamment dans le secteur du nickel, qui représente la moitié des emplois locaux.

Le Conseil d'État a lui-même émis de sérieux doutes sur la compatibilité du corps électoral avec nos engagements internationaux.

Le Gouvernement s'est engagé à réduire cette distorsion. La France est une démocratie. Le Président de la République et le Gouvernement ont toujours affiché leur volonté d'élargir le corps électoral par la voie parlementaire, si aucun accord local n'était trouvé avant fin 2023. Ce projet de loi n'est donc pas une surprise. Je tiens à votre disposition tous les documents étayant ces faits, y compris ceux signés par des indépendantistes.

Nous voulons un cadre stabilisé et équilibré. Là où les indépendantistes sont opposés au dégel du corps électoral, les non-indépendantistes voulaient des durées de domiciliation entre un et trois ans. Après avoir consulté - je me suis rendu sept fois en Nouvelle-Calédonie -, j'ai proposé de retenir une période de dix ans. Je ne me suis aligné sur aucune des demandes des non-indépendantistes. Dix ans : telle était la proposition de Lionel Jospin avant que le président Chirac décide d'un gel total...

Il s'agissait de la durée évoquée dans les premiers accords entre indépendantistes et non-indépendantistes et de la première interprétation du Conseil constitutionnel. Et c'est l'objet de ce projet de loi. Le Gouvernement propose à la représentation nationale de modifier la Constitution, d'ajouter les natifs, Kanaks ou non, en retenant une demande d'ailleurs formulée par le FLNKS.

Ce corps électoral accueillera 25 000 nouveaux électeurs. Dix ans d'attente, c'est déjà extraordinaire pour choisir un élu local ! Aucun État démocratique n'interdit durant dix ans à ses citoyens de voter aux élections locales, alors qu'ils sont engagés, paient des impôts, ont des enfants... La France est le seul territoire démocratique à décider d'un tel gel.

Il ne s'agit donc pas d'imposer l'option d'un camp contre un autre, mais de proposer un compromis équilibré, respectueux de la démocratie, conforme à ce qui avait été proposé par Lionel Jospin lors de l'accord de Nouméa. On peut être opposé à cette proposition, on peut aussi refuser le droit de vote : ce n'est pas, alors, le projet d'un pays démocratique !

J'ai entendu les mots d'accélération et de marche forcée... Mais il y a eu trois référendums. La Nouvelle-Calédonie a choisi de rester dans la France. Nous aurions pu décider de dégeler pour toutes les listes électorales, indiquant que la Nouvelle-Calédonie valait bien la Polynésie française ou le nord de la France. Ce n'est pas ce que propose le Gouvernement.

Je réponds par avance aux arguments de Philippe Bas, dont je salue le travail. Non, nous ne sommes pas dans une phase d'indécision. Nous devons donner aux Calédoniens du temps long : il faut connaître les règles du jeu démocratique à long terme et ne pas convoquer le Parlement tous les six ans pour modifier le corps électoral. Les Calédoniens, notamment les jeunes, demandent ce temps long. Les partenaires économiques internationaux, les investisseurs ont besoin de ce temps long. Le Parlement le doit aux Calédoniens, qui ont trop attendu.

Oui, il y a un besoin de stabilité. Mais il ne s'agit pas ici d'imposer quoi que ce soit : le Gouvernement est attaché à l'autodétermination et à un accord global sur les institutions de la Nouvelle-Calédonie. Ne nous trompons pas de débat : le Gouvernement n'impose rien. Il souhaite juste que les Calédoniens puissent voter aux élections locales.

Souvenez-vous de ce qu'est la démocratie : la loi du plus grand nombre. Lors d'un vote, ceux qui sont plus nombreux ont raison. Cela paraît une tautologie pour nous, ce n'est pas le cas en Nouvelle-Calédonie.

Choisir tel candidat, être citoyen, c'est cela la démocratie. Cela suppose une liste électorale et de tenir les élections à l'heure.

Cela suppose aussi de respecter la décision de la majorité... Il ne faut pas de sentiment d'injustice, sinon les tensions augmentent et surviennent alors le désespoir et la violence.

Autre sujet : la répartition des sièges entre provinces au sein du Congrès fait débat. La démarche des non-indépendantistes est logique. Les règles constitutionnelles veulent que le nombre d'élus soit proportionnel au nombre d'électeurs. Le Conseil constitutionnel s'est prononcé à plusieurs reprises sur ce point.

L'équilibre au sein des institutions de Nouvelle-Calédonie permet leur fonctionnement. Un jour, il faudra réviser la proportion des sièges par province. Mais il ne faut pas le faire par le biais d'amendements ne tenant pas compte de l'avis des acteurs calédoniens ; je m'y opposerai. Oui à des élections avec un corps électoral élargi, non à un accord politique qui changerait l'équilibre des forces.

Ce projet de loi ne préjuge en rien de la signature d'un accord, que nous demandons et espérons.

Une révision constitutionnelle est prévue par le Président de la République le 1er juillet. Si un accord se dessinait d'ici là entre les parties, le Gouvernement est prêt à reporter le débat institutionnel définitif pour le transposer.

Mais c'est bien parce que nous avons déposé des textes de loi au Conseil d'État que les formations politiques se réunissent et que les élus locaux prennent position.

Le Gouvernement ne forcera pas la main des parties, et prendra le temps qu'il faut pour aboutir à un accord, mais il faudra bien tenir un jour des élections en Nouvelle-Calédonie. Le projet de loi a été rédigé pour permettre au processus d'aboutir jusqu'à la dernière minute. Provoquer un nouveau report du scrutin -  au plus tard en novembre 2025  - est possible si et seulement si un accord sérieux survient entre les parties.

Notre dessein collectif est bien de parvenir à un accord global en Nouvelle-Calédonie, entre tous les Calédoniens, indépendantistes ou non, sans qu'aucun soit humilié.

Je suis allé sept fois sur place, le Président de la République une fois, le garde des sceaux une fois, les ministres des outre-mer de nombreuses fois. D'innombrables réunions ont été organisées. Des textes ont été écrits, réécrits, sur la citoyenneté calédonienne, ou les discussions économiques, qui sont dans tous les esprits.

Le Gouvernement souhaite aborder tous les sujets dans un accord global, inscrit dans la continuité de celui de Nouméa, qui comprendrait un élargissement des listes électorales provinciales ainsi que des dispositions relatives à la citoyenneté calédonienne.

Cinq institutions régissent ce territoire de 270 000 habitants, de quelques centaines de km2, qui souffre du réchauffement climatique et de difficultés économiques, notamment dans le secteur du nickel. La compétition internationale dans le Pacifique est féroce. Nous ne pouvons laisser la Nouvelle-Calédonie dans cette situation. Nous devons lui donner toutes ses chances.

L'enjeu du nouvel accord sera aussi l'occasion de s'interroger sur le lien entre la Nouvelle-Calédonie et la France. La France est prête à imaginer des modèles institutionnels originaux. Ainsi, le pouvoir diplomatique pourrait être partagé (M. Éric Dupond-Moretti renchérit.) ; ces propositions fortes n'ont jamais été présentées par aucun gouvernement, y compris ceux qui ont évoqué l'autodétermination.

La République ne saurait refuser à la Nouvelle-Calédonie le droit de se prononcer sur son avenir, mais les scrutins ne doivent pas se tenir trop souvent, pour éviter tout risque d'instabilité. Les Calédoniens le disent : l'incertitude bloque l'essor de leur territoire. Il faut garantir la santé, faire rentrer les impôts, faire revenir les jeunes Calédoniens, ouvrir des perspectives de progrès social, et, si nécessaire, aller vers une autonomie renforcée.

Près de trois ans après la dernière consultation, nous proposons d'avancer. Le Gouvernement est prêt, et tend la main aux Calédoniens.

Plus on est proche de l'impasse, plus vite on trouve une solution. C'est le voeu que je formule pour ce magnifique territoire. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; MM. Vincent Louault et Alain Cazabonne applaudissent également.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Lors de notre déplacement en Nouvelle-Calédonie, j'ai inauguré le centre de détention de Koné et annoncé la construction tant attendue de la nouvelle prison de Nouméa, moyennant un engagement d'un demi-milliard d'euros.

De nombreuses cultures cohabitent dans ce territoire attachant où le poids de l'histoire récente est très important. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a pris acte de cette histoire unique, en distinguant l'archipel des autres collectivités d'outre-mer.

La citoyenneté calédonienne est une innovation majeure, porteuse d'une forte charge symbolique. À cela s'ajoute l'existence d'un corps électoral spécifique pour les élections provinciales et le Congrès.

La persistance d'un corps électoral restreint contrevient cependant au principe d'égalité du suffrage. Nous avons rencontré beaucoup de Français qui nous ont fait part de leur incompréhension et de leur frustration face à cette situation.

Aux termes de l'article 1er de la Constitution, la République assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion. Selon son article 3, sont électeurs tous les nationaux français majeurs des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques. L'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen proclame solennellement que la loi est l'expression de la volonté générale et que tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formulation.

Le gel du corps électoral contrevient également aux obligations internationales de la France, dont l'article 3 du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme qui affirme la nécessité d'organiser à intervalles raisonnables des élections libres, dans des conditions assurant la libre expression de l'opinion du peuple.

Dans un arrêt de janvier 2005, Py contre France, la Cour européenne des droits de l'homme avait jugé que l'exigence de dix années de résidence en Nouvelle-Calédonie pouvait paraître disproportionnée, sans remettre en cause la constitutionnalité du dispositif transitoire. Cette décision aura vingt ans dans quelques mois. Or la situation démographique a largement évolué ; la Cour pourrait être saisie par une personne résidant depuis vingt ans en Nouvelle-Calédonie, privée de droit de vote aux élections locales.

Si un corps électoral spécifique reste justifié, la compatibilité des règles en vigueur avec les engagements internationaux de la France est plus qu'incertaine, alors que le processus défini par les accords de Nouméa est achevé. Les référendums de 2018, de 2020 et de 2021 ont tous conclu au refus de l'accession à la pleine souveraineté.

Plus de 40 000 de nos concitoyens pouvant voter aux élections nationales sont privés de droit de vote pour les élections provinciales et du Congrès. Parmi elles, 12 000 personnes nées et ayant fait leur vie en Nouvelle-Calédonie, et 12 000 autres qui y vivent depuis dix ans. Ce n'est plus tolérable en 2024.

La priorité du Gouvernement reste néanmoins de trouver un accord. Ainsi, de manière inédite, l'entrée en vigueur d'un projet de loi constitutionnelle est subordonnée à l'absence de conclusion d'un accord entre les partenaires politiques. Le Gouvernement a confié au Conseil constitutionnel le soin de constater l'existence d'un accord.

Le pouvoir réglementaire déterminera les modalités de mise en oeuvre de la révision constitutionnelle. Ce renvoi inhabituel n'est en rien une défiance, bien au contraire. L'intervention du pouvoir réglementaire se justifie par l'urgence. Le Gouvernement s'est en effet engagé à ne pas reporter les élections au-delà de 2024, par respect de la démocratie. Il a fixé les matières dans lesquelles ce décret est susceptible d'intervenir, telles que la composition du corps électoral ou les dispositions relatives aux conditions d'inscription.

Peut-on reporter les élections jusqu'au 30 novembre 2025 ? La jurisprudence constitutionnelle admet la possibilité de prolonger les mandats dans un but d'intérêt général. Toutefois, le législateur doit respecter les règles et principes constitutionnels. Les électeurs doivent être appelés aux urnes selon une périodicité jugée raisonnable. Selon le Conseil d'État, l'élection ne peut être reportée au-delà de dix-huit mois.

Je salue le formidable engagement du ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Le destin commun de la Nouvelle-Calédonie est dans les mains des Calédoniens. Si la priorité du Gouvernement demeure la conclusion d'un grand accord entre les partenaires politiques pour parvenir à une organisation politique durable, nous devons agir pour mettre fin à l'injustice démocratique qui prive de droit de vote aux élections aux assemblées provinciales et au Congrès un électeur calédonien sur cinq. (M. Olivier Bitz applaudit.)

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.) Je salue particulièrement MM. Naturel et Xowie pour leur aide dans la préparation de ce débat.

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous l'avez dit : une page se tourne. Il faut en ouvrir une autre, comme en 1988 avec l'accord de Matignon et en 1998 avec l'accord de Nouméa. La stabilité du territoire suppose que les représentants de toutes les catégories de population s'entendent pour vivre ensemble et assurer le développement de l'île. Cet accord n'a pas encore été trouvé, malgré vos efforts. Peu de ministres de l'intérieur auront fait autant de déplacements sur place...

Gouvernement et Parlement doivent être impartiaux, dans un souci d'équilibre. Si un accord survient, nous serons tous prêts à le traduire dans la Constitution, la loi organique et la loi ordinaire. Mais il ne s'agit pas de cela aujourd'hui.

Aucun cadre stable ne peut être posé pour la Nouvelle-Calédonie sans accord. En effet, seul un accord global permettra d'obtenir le temps long que vous réclamez, monsieur le ministre.

Le présent texte vise simplement à sortir du blocage du corps électoral, en passant d'un corps électoral gelé à un corps électoral glissant. Car ce ne sont plus 7 % d'électeurs qui sont écartés du vote aux élections locales, comme au moment de la révision constitutionnelle de 2007, mais 20 %.

Le Conseil d'État a exprimé de forts doutes sur la capacité à organiser régulièrement des élections en Nouvelle-Calédonie sur le fondement d'une telle liste électorale. La Constitution permet le gel depuis 2007, mais la dérogation à l'égalité de suffrage doit être proportionnée à l'objectif poursuivi. Ce n'est plus le cas.

Il y a urgence, comme l'a souligné le garde des sceaux. Comment organiser des élections sans dégel de la liste ? Et faute d'élections, comment continuer à prolonger indéfiniment des mandats qui n'auraient plus la légitimité du suffrage ? Ce n'est pas possible !

Nous aurions tous préféré que ce moment survienne après un accord. Mais nous sommes au pied du mur : pour que des élections aient lieu, il faut dégeler le corps électoral.

La commission des lois, dont la position a suscité des incompréhensions, a choisi un dégel permanent, irrévocable, irréversible, par abrogation de la disposition constitutionnelle autorisant le gel. C'est son choix - le Gouvernement a fait le sien.

Une fois ce dégel effectué, quelles règles imposer ? Nous pourrions ouvrir le corps électoral à tout le monde, mais cela irait à l'encontre de l'accord permanent entre le Gouvernement et le gouvernement calédonien. Il faut être intéressé à l'avenir de la Nouvelle-Calédonie pour voter sur les institutions calédoniennes.

Le Gouvernement propose d'intégrer tous les natifs de Nouvelle-Calédonie ayant atteint l'âge de 18 ans et tous les résidents présents sur le territoire depuis au moins dix ans. Cette proposition est sage, et nous la soutenons. Elle ne va pas trop loin dans l'intégration de nouveaux citoyens calédoniens à la liste électorale. La commission des lois donne raison sur ce point au Gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur a évoqué l'un de mes amendements. Je pense fermement que nous devons prendre des mesures d'urgence pour permettre la tenue d'élections. Ne statuons pas indéfiniment en préemptant ce qui a été l'un des principaux sujets de discussion entre l'État et les Calédoniens.

Cela dit, j'ai compris que la position de la commission était jugée excessive. On a dit que l'enjeu était d'en finir, non pas avec le gel, mais avec le corps électoral restreint, une fois pour toutes. Nous avons trouvé un compromis, grâce au président Buffet : si un accord survient après les élections en Nouvelle-Calédonie, il faudra, par une loi organique, que le corps électoral restreint soit modifié sur la base de l'accord signé. Les dispositions que nous adopterons aujourd'hui ne sont donc pas définitives, car nous continuons à privilégier la conclusion d'un accord.

J'espère que ce compromis, que j'ai accepté, prévaudra lors du vote. D'autres questions, telles que le partage des sièges entre les provinces, doivent faire l'objet de discussions spécifiques.

Des amendements visent à reporter les élections. Je ne crois pas que ce soit la bonne approche. On ne peut faire campagne le soir dans des meetings et négocier un accord avec ses adversaires le matin...

Les élections doivent avoir lieu le plus tôt possible, pour que la démocratie calédonienne s'exprime. Sur cette base, nous pourrons aboutir à un accord global. Je redis aux Calédoniens toute l'attention que le Sénat leur porte. Nous devons stabiliser ce magnifique territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Jacquemet et M. Philippe Bonnecarrère applaudissent également.)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°22, présentée par M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

En application de l'article 44, alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de Nouvelle-Calédonie.

M. Robert Wienie Xowie .  - Ipié co. Respect et humilité. Nous avons un rendez-vous avec l'histoire - un rendez-vous manqué. Le pari de l'intelligence sur le devenir de mon pays, la Kanaky, c'est faire peuple.

« Moi je suis passager, mais je dois faire tout ce qui est en mon pouvoir, tout ce que je peux faire pour que le pays que je lègue à mes fils soit le plus beau pays. » À ces mots de Jean-Marie Tjibaou, je voudrais ajouter les miens, ceux d'un rêve qui anime ma chair, celle de mes aïeux, et maintenant celle de mes enfants et petits-enfants : dire et faire en notre nom propre. Un rêve dont les rencontres de Nainville-les-Roches en 1983 sont le symbole. Cette main tendue, je veux croire qu'elle sera saisie un jour par l'ensemble des communautés qui feront peuple en Kanaky.

Qaja Kuca, parler et faire. Parler de ce qui a été fait, de ce qui est fait, et de ce qu'on pourra faire. Exprimer la voix d'un peuple debout, qui existe, qui vit et crie haut et fort son existence, sa résistance.

Le pari de l'intelligence était de construire une communauté de destin, autour du peuple kanak, avec les descendants de la colonisation dans un pays commun.

Hélas, ce projet de loi veut diviser pour mieux régner - une démarche meurtrière. La représentation nationale et le Gouvernement peuvent-ils décider sans le peuple concerné ? Monsieur le ministre, vous avez déclaré le 14 février devant la commission des lois : « Toutes les tendances indépendantistes et non indépendantistes ont signé un document, sous ma présidence, que j'ai co-signé également, qui acceptait le dégel du corps électoral à dix ans. »

Dois-je comprendre que nous sommes des menteurs ou ce document existe-t-il réellement ? La saisine du Congrès de la Nouvelle-Calédonie sur cette réforme constitutionnelle n'a pas été faite.

Nous sommes déjà le 27 mars au pays ; ici, on est le 26 : les décisions depuis Paris seront toujours en retard, car le destin de notre peuple se dessine sur sa terre.

Ce projet de loi s'inscrit à contresens de notre histoire en touchant au coeur même de la citoyenneté calédonienne : le corps électoral.

Nous ne pouvons pas examiner ce projet de loi unilatéral avec l'unique prisme des valeurs républicaines si fondamentales à la nation française que sont l'universalisme et la démocratie.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé à l'Assemblée nationale, lors de la discussion du projet de loi organique, le 18 mars dernier, qu'être contre, c'était être « contre une forme de démocratie qui fait la France depuis 1789. »

De quelle démocratie parlons-nous ? Dois-je vous rappeler, moi, Kanak, les sombres méandres et les pans honteux de l'histoire de la « démocratie » française au temps des colonies ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Ce n'était pas une démocratie...

M. Robert Wienie Xowie.  - Que les Kanaks ont été exclus du droit de vote en Kanaky pendant près de 60 ans ? Qu'en 1945, le gouverneur Jacques Tallec fut à l'origine du premier gel du corps électoral calédonien empêchant l'inscription des Kanaks ? Qu'en 1946, le ministre de la France d'outre-mer avait proposé la création d'un double collège électoral ? Qu'il ait fallu attendre 1957 pour que l'Assemblée territoriale représente véritablement l'ensemble de la population ? Que la circulaire Messmer de 1972 a volé au peuple kanak sa majorité et sa légitimité démocratique ?

Cela fait beaucoup de rappels historiques ; mais ne dit-on pas que la pédagogie est affaire de répétition ? Nous éviterions volontiers une répétition du passé. Au nom de la démocratie, le Gouvernement oublie son passé et brandit les valeurs républicaines à géométrie variable.

Selon la Cour de cassation en 2023, tant que le pays est sur la voie de la décolonisation, il n'y a pas de nécessité à une réouverture du corps électoral - laquelle ne fait que reprendre la stratégie de colonie de peuplement. Pour le Gouvernement, la démocratie l'emporte sur la décolonisation ?

Nous avons tout subi, mais le combat d'un peuple n'a pas de prix. Ce projet de loi est un héritage de la pensée coloniale, des méthodes d'antan qui ont réduit nos anciens au code de l'Indigénat, les privant du droit de vote sur leur propre terre.

Le consensus, par un accord global, est le seul et unique moyen de respecter notre histoire. Voici ce qu'indiquait le point 5 de l'accord de Nouméa : « Tant que les consultations n'auront pas abouti à la nouvelle organisation politique proposée, l'organisation politique mise en place par l'accord de 1998 restera en vigueur, à son dernier stade d'évolution, sans possibilité de retour en arrière, cette ?irréversibilité? étant constitutionnellement garantie ». Or aujourd'hui aucun accord n'a été trouvé et le Gouvernement passe en force.

Ce mode de fonctionnement dédaigneux, paternaliste et déconnecté de nos pays met en lumière le caractère profondément colonialiste de l'intervention de l'État. On ne discute pas sous la menace.

Le corps électoral est le ciment de la citoyenneté calédonienne : rompre les équilibres, c'est éradiquer la notion de peuple kanak constitutionnalisé.

Cette réforme ouvrant le corps électoral à tous les résidents de plus de dix ans s'inscrit dans cette droite ligne de la circulaire Messmer, nous rendant minoritaires sur nos terres, et laissant la maîtrise de nos administrations locales entre les mains des populations accueillies. C'est légitimer pour mieux recoloniser.

D'autre part, le gouvernement français rompt avec ses engagements internationaux. La Kanaky est inscrite depuis 1986 sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser. Le projet de loi vient en contradiction avec le point 11 de la résolution de l'Assemblée générale de l'ONU : « Les puissances administrantes devraient veiller à ce que l'exercice du droit à l'autodétermination ne soit pas entravé par des modifications de la composition démographique dues à l'immigration ou au déplacement de populations dans les territoires qu'elles administrent. »

« Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir », disait Frantz Fanon. La nôtre est intergénérationnelle et nous voulons la remplir : celle de la lutte pour la pleine souveraineté. Nos enfants le porteront à leur tour. Tant qu'il y aura un Kanak sur cette Terre, la revendication subsistera.

Aimé Césaire disait : « Faire un pas avec le peuple, pas deux pas sans lui ». Dans sa précipitation, le Gouvernement fait deux pas sans le peuple kanak, le premier lors du troisième référendum, le deuxième aux prochaines élections provinciales. Nous revenons au « pays sans nous ».

Mon peuple vous répond : respect et humilité. Le peuple français n'est pas l'ennemi du peuple kanak. Chacun ses valeurs, chacun ses responsabilités. Je suis venu exprimer, sans haine ni mépris, notre droit de faire pays, tout comme vous aspirez à votre souveraineté. Pourquoi serions-nous moins légitimes à parler de nous-mêmes ?

Le FLNKS, réuni en congrès ce samedi 23 mars, et le groupe CRCE-Kanaky demandent le retrait de ce texte. Rejeter ce texte, c'est respecter le chemin de l'histoire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. François-Noël Buffet.  - Le groupe CRCE-K, par cette motion, propose au Sénat de ne pas examiner ce projet de loi, considérant que le renoncement à ce texte ne créerait pas de vide juridique, le temps de la poursuite des négociations.

Ce projet de loi constitutionnelle ne prétend pas régler l'avenir ni même apporter une réponse globale. Nous regrettons qu'aucun accord n'ait encore été trouvé, mais nous demeurons confiants. Seul un accord global consensuel assurera la stabilité politique et institutionnelle, mais aussi économique.

Ce projet de loi constitutionnelle pallie l'une des principales difficultés que pose l'arrivée à leur terme théorique des modalités actuelles. Depuis la révision constitutionnelle du 23 février 2007 prévaut le gel du corps électoral, conformément à l'article 77 de la Constitution.

Selon le Conseil d'État, ce dispositif déroge significativement au principe d'égalité et d'universalité de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à la Constitution et au protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme. Le Conseil Constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme ne l'ont admis qu'à titre transitoire. Il découle de l'accord de Nouméa, auquel la Constitution fait explicitement référence. Après l'organisation des trois référendums, nous sommes au terme du processus prévu par cet accord et il faut en tirer toutes les conclusions.

Quels qu'aient été les résultats des référendums, un nouveau régime devait être défini pour le corps électoral.

Il ne serait pas responsable d'organiser des élections sans garantir leur régularité.

L'évolution de la démographie en Nouvelle-Calédonie depuis les années 1990 a vu la part des exclus du scrutin provincial augmenter. De 7,46 % du corps électoral, ils en représentent environ 20 %, soit 42 000 électeurs.

Ce projet de loi constitutionnelle s'inscrit dans une démarche subsidiaire à tout accord futur. Il faut une solution rapide, faute de quoi la démocratie calédonienne serait suspendue. Ce projet de loi permet la tenue des prochaines élections provinciales. Tous les autres sujets pourront toujours faire l'objet d'un accord.

L'article 2 du projet de loi prévoit l'interruption de l'entrée en vigueur du texte en cas d'accord, même si quelques souplesses supplémentaires sont nécessaires.

Quelle que soit notre position de fond, l'examen de ce projet de loi constitutionnelle devant le Parlement est légitime : celui-ci ne saurait être écarté du processus calédonien. Nous voterons contre cette motion.

La Nouvelle-Calédonie mérite de trouver une stabilité institutionnelle à travers un accord entre les partis politiques. Mais il faut tenir compte de la réalité du corps électoral. Nous devons passer au vote. Peut-être qu'ensuite, un accord global sera trouvé plus rapidement, et nous pourrons le retranscrire dans notre législation.

La solution viendra du terrain, même si nous apporterons, le moment venu, notre contribution positive comme nous le faisons aujourd'hui. Il faut construire de façon pérenne un destin commun. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je partage l'avis du président de la commission des lois. Nous faisons tout, par nos amendements, pour préserver les chances d'accord avant les élections, et à défaut, après les élections. Il n'y a pas de destin possible en Nouvelle-Calédonie sans que les Calédoniens s'entendent.

La possibilité d'autodétermination ne disparaît pas, mais doit être organisée sur la base d'un nouvel accord : il faut éviter de créer de la précarité institutionnelle en Nouvelle-Calédonie.

Le vaste chantier s'ouvrira quand les uns et les autres y seront prêts. Mais pour cela, les élections provinciales et au Congrès doivent se tenir sans retard.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - J'invite l'assemblée à rejeter la motion.

Je regrette, monsieur Xowie, que vous ne nous proposiez aucune solution. Les partenaires refusent de se réunir, mais nous devons organiser des élections. Le constituant a en effet estimé que le gel total ne pouvait concerner que deux élections provinciales, celle de cette année étant donc exclue.

Monsieur le sénateur, vous faites des parallèles très politiques, mais qui ne correspondent pas au projet de loi constitutionnelle examiné aujourd'hui. Vous auriez pu demander la tenue d'élections avec le corps actuel, mais il est évident que le décret de convocation des électeurs aurait été attaqué et que les élections seraient annulées.

Les indépendantistes, dont vous faites partie, parlent beaucoup d'engagements internationaux, mais pas pour le droit de suffrage !

Monsieur le sénateur, vous ne faisiez pas partie de la délégation du FLNKS.

J'ai toujours été à la hauteur de la politesse que l'on doit avoir vis-à-vis de chacun : je ne traiterai donc jamais personne de menteur. Voici (M. Gérald Darmanin brandit un document) le rapport du FLNKS ; ce que vous voyez là est bien son logo, et non celui de la République française ! J'ai fait une photocopie pour vous de ce document de 12 pages signé par MM. Victor Tutugoro et Roch Wamytan. Je vous le lis : « Le FLNKS ne voit pas d'inconvénient à ce que les 11 000 natifs présents sur le corps électoral spécial pour la consultation puissent être intégrés sur le corps électoral provincial. » Pour cela, il faudrait au moins une réforme constitutionnelle. Dommage que vous ne l'ayez pas dit...

« S'agissant de la durée de résidence suffisante, suite à la proposition de l'État de sept ans, le FLNKS ne peut accepter une durée inférieure à dix ans. » Je me suis rangé à sa position sur ce point.

« Le FLNKS demande que des travaux soient menés en concertation avec les services de l'État afin d'évaluer les impacts et réaliser des projections sur l'évolution de ce corps électoral en prévision des élections provinciales. »

Vous avez le droit d'être opposé à ce que dit la délégation du FLNKS et même le droit de changer d'avis. Mais dire que le Président de la République ment et que cette proposition est meurtrière et coloniale... Je suis petit-fils de colonisé et je n'en suis pas moins attaché à la République et au débat démocratique, fondé sur l'honnêteté.

« Le FLNKS souhaite enfin que la citoyenneté calédonienne soit désormais rattachée au corps électoral spécial pour la consultation. » Pour cela aussi, il faudrait une révision.

J'entends votre franche opposition. Je souhaite que nous aboutissions à un accord, mais vos partis politiques ne le souhaitent pas pour l'instant. Je le respecte. Nous ne ferons rien sans le FLNKS. Nous lui avons apporté des réponses extrêmement précises sur les modalités d'autodétermination et les transferts de compétence de l'accord de Nouméa.

Monsieur le sénateur, on ne peut pas opposer démocratie et décolonisation - en tout cas, ce n'est pas ce que j'avais compris du projet indépendantiste. Certes, la France a colonisé la Nouvelle-Calédonie, avec des violences, des maladies : la République l'a reconnu dans la Constitution, en faisant un audit, et en envoyant - elle est la seule à le faire sur les cinq pays concernés - un ministre à l'ONU pour expliquer comment elle garantit l'égalité des droits en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. J'y retourne le 13 avril prochain.

La Nouvelle-Calédonie a été colonisée, les Kanaks ont beaucoup souffert dans leur chair. Il y a eu la privation des terres, des maladies et des massacres, mais ne confondez pas la France et notre régime politique, la République.

La démocratie est dans le projet des indépendantistes, me semble-t-il. J'ai toujours compris que le droit de propriété serait protégé, comme l'égalité entre les femmes et les hommes, la liberté de culte, la liberté sexuelle et le droit de vote. Opposer démocratie et indépendance me paraît étrange - cela donne raison à ceux qui ont peur de l'indépendance. Sans doute votre langue a-t-elle fourché.

La citoyenneté calédonienne n'est pas attachée aux Kanaks. Distinguer les Kanaks des autres n'est pas idéal pour « faire peuple » ... De plus, tous les Kanaks ne votent pas pour l'indépendance. Ne les essentialisez pas - comme l'a fait LFI à l'Assemblée nationale.

Kanaks, Wallisiens, Japonais, Antillais, descendants de bagnards, colons, Maghrébins déportés en Nouvelle-Calédonie (M. Rachid Temal le confirme de la tête), tous doivent pouvoir voter parce qu'ils sont calédoniens sans qu'on préjuge de leur vote.

M. Gérard Poadja, ancien sénateur, est éminemment kanak ; il n'en est pas moins opposé à l'indépendance. Même chose pour M. Alcide Ponga.

Nous respectons profondément le peuple kanak, reconnu comme peuple premier par la Constitution.

Ne confondons pas ce qu'a fait la France et ce que fait la République. Discutons de ce sujet important, en nous respectant les uns et les autres. Ma porte sera toujours ouverte et ma main sera toujours tendue. Nous signerons, j'en suis sûr, un accord avec tous les indépendantistes et le FLNKS sera profondément respecté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Rachid Temal.  - Je partage les propos des deux ministres, sur le poids de l'histoire et sur la dimension démocratique du processus. L'histoire de la Nouvelle-Calédonie est particulière, avec une colonisation très féroce, et un processus d'autodétermination.

Nous avons le souci de la continuité. En 1988, notre famille politique a su trouver les mots d'un accord ayant permis de sortir d'une quasi-guerre civile au profit de la stabilité pendant dix ans. En 1998, Lionel Jospin a relancé le processus. À chaque fois, nous avons eu le souci du consensus et de l'impartialité de l'État.

Monsieur le ministre, j'aimerais lire votre document. (M. Gérald Darmanin fait signe qu'il est à la disposition de l'orateur.) Il montre qu'il y a des avancées. Par cohérence, nous souhaiterions qu'il y ait d'abord un accord local et ensuite des élections. Nous avons déposé des amendements en ce sens.

Sans partager le contenu de la motion de renvoi, nous la voterons pour respecter ce calendrier.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je donnerai au président de la commission des lois une copie de ce document, qu'il pourra ensuite distribuer à ceux qui le souhaitent.

M. Rachid Temal.  - Merci, monsieur le ministre.

La motion n°22 est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°162 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption   98
Contre 242

La motion n°22 n'est pas adoptée.

M. Bruno Belin.  - Très bien !

Discussion générale (Suite)

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Imaginez un archipel situé dans l'océan Pacifique, juste au-dessus du tropique du Capricorne, au climat idéal, bordé de plages, au milieu d'un lagon d'un bleu sans pareil protégé par une incroyable barrière de corail. Voilà le décor de carte postale de la Nouvelle-Calédonie.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Il y a quelques requins !

M. Pierre Médevielle.  - Mais il y a l'envers du décor : sur les 270 000 habitants, 42 000 personnes sont privées de droit de vote. Imaginez : vous y vivez depuis 25 ans ou vous y êtes né, vous travaillez et payez vos impôts, et vous êtes privé du droit le plus basique, celui de choisir ceux qui vous gouvernent. C'est une injustice inacceptable.

En 1998, la liste électorale était restreinte aux électeurs inscrits avant 1998 ou arrivés après, mais justifiant de dix ans de résidence. Mais, en 2007, le corps électoral a été totalement gelé par une révision constitutionnelle. C'est pour cela que ne peuvent voter que les inscrits sur les listes électorales avant 1998. Cela aurait été inacceptable dans l'Hexagone. Mais cela a été accepté car c'était transitoire.

L'accord de Nouméa est caduc. À trois reprises, la Nouvelle-Calédonie a exprimé sa volonté de rester française.

Ce projet de loi constitutionnelle prévoit de dégeler le corps électoral, en étendant les listes aux résidents depuis dix ans, permettant à 25 000 personnes supplémentaires de voter. C'est un juste rééquilibrage.

La situation économique et sociale ne permet plus de tergiverser. Nous ne pouvons plus attendre, d'autant que les précédentes élections ont permis l'accès au pouvoir d'une coalition indépendantiste ayant pourtant 16 points de retard sur ses adversaires.

Il faut un rééquilibrage de la représentativité des trois provinces, la province sud étant passée de 59 à 75 % de la population ; j'ai déposé un amendement en ce sens. Les Calédoniens ont le droit de choisir ceux qui les gouvernent ; or il faut 2,4 fois moins d'électeurs en province Sud pour avoir un élu que dans les îles. Il faut assurer la souveraineté dans tous les territoires de la République. Il y va de la crédibilité du Gouvernement.

Par trois fois, la Nouvelle-Calédonie a choisi la France. Rétablissons un véritable processus démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. François Patriat et Georges Naturel applaudissent également.)

M. Philippe Bonnecarrère .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe UC est favorable au dégel de la liste électorale, mais défavorable à une modification de la répartition des sièges au Congrès. Au-delà de mesures techniques, ce projet de loi constitutionnelle insiste sur la perspective politique à donner à la Nouvelle-Calédonie dans l'attente d'une nécessaire initiative politique.

La Nouvelle-Calédonie, magnifique territoire, cher à chacun d'entre nous, connaît une situation complexe. Son histoire a été rappelée.

Il n'est pas de bonne solution ; nous devrons trouver la moins mauvaise. Nous devons aussi nous exprimer avec modération. « Respect et humilité », cela vaut aussi pour mon intervention.

La situation économique et sociale est difficile. Le pacte nickel n'est toujours pas signé. La situation de la caisse d'assurance maladie et d'assurance retraite est difficile, sans parler de la caisse d'assurance chômage. Le Gouvernement calédonien est en difficulté financière.

Les Néo-Calédoniens, compte tenu de l'ampleur de la crise économique et sociale, ont donc des préoccupations surtout matérielles. Mais un destin commun doit être organisé. Nous devons trouver un accord entre les différents partenaires. Il n'y a pas que les indépendantistes et les autres, la société est de plus en plus métissée. Il y a trois fois plus de Wallisiens en Nouvelle-Calédonie qu'à Wallis et Futuna...

Il n'y a pas d'autre solution qu'un dégel des listes ; sinon, les élections seraient annulées. Nous savons gré à Philippe Bas d'avoir accompagné cette solution par une levée de ce qui a pu être perçu comme un ultimatum au 1er juillet. Si un accord intervient à dix jours des élections, il sera pris en compte. C'est une mesure d'apaisement.

Nous nous étions interrogés sur la date des élections. Ce projet de loi pourrait modifier les dispositions de la loi organique qui prévoyait le 15 décembre au plus tard. Nous ne voyons pas de raison objective de modifier la date.

Sur la répartition des sièges au Congrès, le Conseil d'État a indiqué que la distorsion n'est pas telle qu'elle remettrait en cause le mode de scrutin. Nous n'avons donc pas lieu de modifier cette répartition.

Il faut tracer une perspective politique. Le Sénat doit prêter une grande attention à la situation, en surplomb, et respecter une logique d'impartialité.

Il est indispensable d'accompagner le processus électoral par une initiative politique.

Je ne fais pas l'impasse sur le caractère provisoire ou non du dégel. Le ministre de l'intérieur souhaitait un dégel définitif, et une stabilité électorale, uniquement pour les élections provinciales. Philippe Bas proposait un dégel uniquement pour les élections de 2024. Nous examinerons le sous-amendement de François-Noël Buffet revenant sur ces modalités. Le groupe UC est plutôt favorable à la position de Philippe Bas d'un dégel provisoire. Dans une situation sensible, agissons a minima, pour l'élection de 2024.

Jusqu'à présent, notre pays n'a constitutionnalisé que les dispositions ayant fait l'objet d'un accord global entre tous les partenaires, que ce soit à Matignon ou à Nouméa. Cela nous pose problème de constitutionnaliser des dispositions n'ayant pas fait l'objet d'un accord : nous nous abstiendrons donc sur ce sous-amendement.

Je rends hommage à votre travail, monsieur le ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe INDEP)

Mme Mélanie Vogel .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) C'est avec beaucoup d'humilité et un certain inconfort que je défends la position de mon groupe.

Française de métropole, je ne suis jamais allée en Nouvelle-Calédonie-Kanaky. J'ai compris la colère, la défiance et la blessure provoquées par l'attitude du Gouvernement depuis 2020. Rien de bon n'en sortira.

Mais je ressens aussi de l'inconfort. Alors que ce territoire est à décoloniser, selon les Nations unies, j'ai un questionnement profond sur la légitimité historique de la décision que nous allons prendre.

Ce questionnement n'est pas lié au contenu : si les partenaires arrivaient à un accord sur la base du projet de loi constitutionnelle du Gouvernement, je m'en féliciterais. Mais est-ce juste que le Parlement se prononce sur une proposition unilatérale du Gouvernement sur la composition du corps électoral sans accord local ? Alors que le Conseil d'État a donné la possibilité d'agir jusqu'en 2025 et que le calendrier gouvernemental a été vécu comme une pression ? Il faut un accord global de toutes les parties, et que l'État respecte sa parole et son impartialité.

Opposer les principes démocratiques républicains aux principes du droit à l'autodétermination des peuples colonisés est inconséquent. Personne ne le conteste : toujours plus de citoyens sont exclus du corps électoral et il faut le réformer.

Mais la Nouvelle-Calédonie a été une colonie de peuplement. En 1972, le Premier ministre Messmer écrivait « À long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire ». C'est pourquoi le corps électoral est au coeur de toute revendication ; le gel du corps électoral en 2007 était une promesse de contrat social.

Or nous avons multiplié les fautes depuis 2020. L'indispensable impartialité de l'État a été rompue, lorsque le référendum a été maintenu alors que nous avions décalé les élections en métropole, lorsque Sonia Backès, cheffe de file des loyalistes, a été nommée au Gouvernement.

Il nous est demandé de prendre le risque de trop : remettre en cause la parole de l'État en rompant unilatéralement le contrat de 1998, et « détricoter les principes de la paix civile », comme le dit Jean-François Merle, ancien conseiller de M. Rocard, dans une tribune parue dans le Monde.

Je remercie Philippe Bas de la finesse et l'attention avec laquelle il a travaillé, et qui a compris cela. Le GEST ne votera pas ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Corinne Narassiguin applaudit également.)

Mme Cécile Cukierman .  - Le corps électoral est une question politique cruciale, en Kanaky comme en Nouvelle-Calédonie. Il a été restreint et constitutionnalisé en 2007.

Le Gouvernement a déposé au Sénat un projet de loi organique et un projet de loi constitutionnelle pour revenir dessus. Le Sénat a adopté le projet de loi organique le 27 février, au motif que le corps électoral ne répondrait plus aux exigences démocratiques résultant des principes constitutionnels et des engagements internationaux de la France.

Le Gouvernement veut élargir le corps électoral aux citoyens français résidents depuis plus de dix ans. Ce corps électoral glissant organise la noyade du corps électoral kanak.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - C'est le grand remplacement ?

Mme Cécile Cukierman.  - Il heurte le processus de décolonisation. Il met à mal trente ans d'efforts pour créer une citoyenneté calédonienne consensuelle, et le symbole de la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou.

Le Gouvernement rompt avec la méthode des gouvernements précédents. Pendant 36 ans, ce fut la paix. Le Gouvernement prend donc une responsabilité énorme. Pourquoi un tel empressement, un passage en force que rien ne justifie ?

Un accord est en cours de négociation entre partenaires calédoniens. Les indépendantistes doivent discuter avec deux tendances loyalistes qui peinent à s'entendre. Ils ne sont pas opposés à l'arrivée de populations nouvelles nécessaires au développement économique, mais souhaitent préserver le corps électoral tant que le processus d'émancipation n'a pas abouti.

Les indépendantistes ne sont pas opposés à une inclusion des natifs, mais ces questions doivent être traitées, selon eux, dans un accord global, seul à même de garantir la paix civile et une stabilité politique, économique et sociale.

Notre groupe déplore l'attitude paternaliste et méprisante, voire colonialiste, du Gouvernement.

Je salue le travail du rapporteur et de la commission des lois rappelant la nécessité d'un accord global, qui doit demeurer notre boussole politique. Ce serait une perspective salvatrice pour le respect de la parole de la République donnée à l'ensemble des habitants de Nouvelle-Calédonie.

Parce que nous sommes un groupe responsable, sachant concilier nos valeurs républicaines et les aspirations kanak, nous aurons des votes en partie positifs, avec la non-participation au vote de Robert Xowie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. André Guiol .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Olivier Bitz applaudit également.) Les accords de Matignon, puis ceux de Nouméa, ont ramené la paix. Ne renions pas cet esprit de consensus.

Ces accords avaient restreint l'accès au suffrage d'une partie des Calédoniens, pour préserver la paix - restriction constitutionnalisée par les dispositions « transitoires » du titre XIII de la Constitution.

Le présent texte prévoit qu'à défaut d'un accord trouvé au 1er juillet 2024, une partie du corps électoral sera dégelée, permettant à 25 000 Calédoniens de participer aux prochaines élections locales. Les citoyens installés continuellement sur l'archipel depuis 2014 pourront voter.

Si nous saluons l'équilibre recherché, nous nous inquiétons de la préservation des acquis politiques depuis Matignon et Nouméa.

De fait, l'inscription d'une partie des citoyens sur une liste spéciale revient à reconnaître une citoyenneté néo-calédonienne. Il s'agissait de reconnaître la spécificité de ce territoire, son histoire et la représentativité de son peuple premier, conformément à une exigence des Nations unies.

Ce dégel ne doit pas apparaître comme une victoire des loyalistes, ce qui replongerait l'archipel dans un nouveau cycle de violences. Il ne faut pas non plus que de telles entorses démocratiques perdurent. En 2005, la CEDH avait accepté des dispositions transitoires, tournées vers l'objectif d'autodétermination. Ce processus est-il en passe d'aboutir ? Nous craignons que le statu quo soit compromis, si aucune garantie juridique et politique n'est prévue.

Un dialogue impartial, loyal et intransigeant doit se poursuivre entre toutes les parties.

Il faudra une coopération renforcée avec le Caillou dans les secteurs économiques, énergétiques et sociaux, de même qu'il faut garantir la stabilité régionale. L'autodétermination est une inconnue dans l'équation géopolitique de l'Indo-Pacifique, marquée par l'impérialisme chinois.

Par-dessus tout, il faut des garanties pour préserver l'archipel d'une nouvelle crise. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Alain Marc et Mme Gisèle Jourda applaudissent également.)

M. Olivier Bitz .  - La Nouvelle-Calédonie doit relever d'énormes défis. Défi économique, avec la crise du secteur du nickel et un nouveau report de la signature du pacte nickel. Défi social, avec des inégalités marquées, un taux de pauvreté important et la cherté des prix. Défi financier, avec une crise majeure des finances publiques du territoire. Défi politique, enfin, avec la nécessité de définir, après quarante années de paix civile, les moyens de définir un nouveau destin commun. Tous ces sujets s'entremêlent, dans un contexte d'incertitude.

La vie démocratique doit se poursuivre pendant la période de transition que nous connaissons. C'est le sens du report de quelques mois de la consultation électorale provinciale.

Il s'agit aujourd'hui d'intégrer dans le corps électoral des élections provinciales les citoyens nés ou arrivés après 1998. Je salue l'excellent travail du rapporteur Bas et l'esprit dans lequel se sont déroulés les échanges en commission des lois. Le principe d'égalité du suffrage impose une évolution du corps électoral : la bloquer poserait un problème démocratique mais aussi et surtout juridique. Le Conseil d'État a envoyé un message clair : une consultation électorale sur la base d'une liste arrêtée en 1998 serait frappée d'irrégularité en raison de nos engagements internationaux et de notre Constitution. Le dégel du corps électoral est donc une nécessité juridique.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Exactement.

M. Olivier Bitz.  - Nous regrettons que les parties calédoniennes n'aient pas réussi à se mettre d'accord, sachant que ce point fait partie des éléments constitutifs de la nationalité calédonienne, sujet sensible difficilement détachable d'un accord global.

Puisqu'il nous faut avancer pour garantir la régularité des prochaines élections provinciales, le Gouvernement nous propose un corps électoral glissant, en retenant une durée de résidence minimum de dix ans. Cela nous paraît raisonnable. Le principe d'une citoyenneté calédonienne n'est pas remis en cause. Cette proposition ne suscite pas d'opposition marquée du côté loyaliste comme du côté indépendantiste et ne semble pas de nature à compromettre un accord global.

Cependant, afin de ne pas préempter les conclusions de l'accord à venir, l'État doit intervenir le moins possible de manière unilatérale. Seule l'urgence liée à la régularité des élections à venir justifie l'intervention présente. L'État doit demeurer un acteur actif et impartial pour que les Calédoniens déterminent ensemble leur destin commun. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Corinne Narassiguin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis l'accord de Nouméa en 1998, que l'on doit à Lionel Jospin, seules peuvent voter aux élections provinciales les personnes qui remplissent les conditions détaillées dans l'accord. Il s'agissait de trouver le point d'équilibre des aspirations des Néo-Calédoniens : identité kanak, citoyenneté calédonienne, nationalité française. Cette citoyenneté se traduit dans l'accord par les limitations du corps électoral et les mesures pour préserver l'emploi local.

Ce corps électoral restreint, condition sine qua non d'une décolonisation réussie, a ensuite été gelé par Jacques Chirac lors de la révision constitutionnelle de 2007.

Sont aujourd'hui exclus du suffrage des natifs de Nouvelle-Calédonie, y compris kanak, et des personnes installées de longue date. Il faut évoluer, mais pas n'importe comment.

Les élections territoriales de novembre 1984 ont été boycottées parce que le Gouvernement d'alors n'avait pas voulu entendre les revendications des indépendantistes sur le corps électoral. En 1988, l'élément déclencheur était le maintien des élections au Congrès le même jour que l'élection présidentielle - le ministre Bernard Pons était passé en force. Nous retrouvons les mêmes éléments aujourd'hui : le corps électoral et le calendrier, et une même volonté du Gouvernement de passer en force, en mettant la pression sur les acteurs locaux.

Monsieur le ministre de l'intérieur, avez-vous appris à écouter et pas seulement à faire la leçon ? Souhaitez-vous vous mettre dans les pas de Michel Rocard ou de Bernard Pons ? Avec ce texte, vous êtes en rupture totale avec la méthode des accords de Matignon et de Nouméa, qui reposaient sur un accord politique local préalable.

Votre ultimatum n'est pas acceptable. Le Gouvernement enchaîne les fautes depuis le départ d'Édouard Philippe : organisation à marche forcée du troisième référendum, nomination de Sonia Backès, rapporteurs partiaux à l'Assemblée nationale, remise en cause de la parole de l'État donnée à Nouméa... Monsieur le ministre, vous êtes sur une pente dangereuse ! L'État doit demeurer impartial et faciliter l'émergence d'un accord global.

Modifier le corps électoral, oui. C'est une nécessité constitutionnelle. Mais ce n'est pas une urgence institutionnelle. Modifier la répartition des sièges au Congrès, non. C'est un pilier des accords antérieurs qui a ramené la paix civile.

La situation locale est difficile. Le territoire connaît une crise économique et sociale majeure : crise du nickel, déficits sociaux qui s'aggravent... Vu les tensions, jouer ainsi avec le feu est inconscient. La seule intervention urgente de l'État qui est attendue sur place, c'est un plan de sauvetage économique !

Nous saluons l'approche de Philippe Bas, qui plaide pour un accord entre les acteurs locaux. Laissons-leur le temps de parvenir à un accord global, au service d'une décolonisation réussie : prolongeons la poignée de main entre MM. Tjibaou et Lafleur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Robert Wienie Xowie applaudit également.)

M. Georges Naturel .  - Plus de 20 % des électeurs, soit 43 000 Calédoniens, sont privés du droit d'élire leurs représentants à des instances qui régissent leur vie quotidienne. Parce qu'ils sont arrivés en Nouvelle-Calédonie après le mois de novembre 1998, ou sont nés de parents installés après cette date couperet, des milliers de Calédoniens, de coeur ou de naissance, qui y ont passé leur jeunesse et y construisent leur avenir, sont exclus de la vie démocratique de notre territoire.

Jamais les accords de Matignon et de Nouméa n'ont fixé les conditions d'un tel gel du corps électoral, ajouté postérieurement par la révision constitutionnelle de février 2007, dans l'optique des élections provinciales de 2009 et 2014, pour permettre aux référendums d'autodétermination de se dérouler dans le calme.

Ces dispositions transitoires perdurent depuis trop longtemps. Ne pas dégeler le corps électoral nous placerait en dehors des exigences constitutionnelles et conventionnelles qui nous lient, ce qui ne serait tenable ni juridiquement ni politiquement.

Ne pas voter ce texte reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore. Comment imaginer que les élections provinciales ne soient pas contestées si 20 % des électeurs sont tenus à l'écart des urnes ? Quelle légitimité pour les assemblées qui en seraient issues ?

Le groupe Les Républicains votera, avec vigueur, en faveur du dégel du corps électoral, pour inclure ceux qui sont nés en Nouvelle-Calédonie ou y résident depuis au moins dix ans, soit 25 000 Calédoniens. Je serai vigilant à ce que ce dégel soit ferme et définitif.

J'ai déposé deux amendements fondamentaux. Le premier vise à réduire à cinq ans la durée de résidence requise du conjoint d'un citoyen inscrit sur la liste provinciale. Ce serait une mesure de justice, et de confiance à l'égard de ceux qui ont adopté la Nouvelle-Calédonie.

Mon second amendement vise à rétablir le principe d'égalité devant le suffrage en rééquilibrant la représentation des provinces au sein du Congrès. Les accords de Matignon et de Nouméa avaient accordé une sur-représentativité aux provinces à majorité indépendantiste, Nord et Îles Loyauté. Or depuis 1988, la province Sud est passée de 68 % de la population calédonienne à 75 %, mais n'a toujours que 60 % des sièges. De tels écarts de représentativité ne sont plus acceptables. Un rééquilibrage est indispensable, pour remettre la démocratie au coeur du fonctionnement institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.

Ne cédez pas au chantage à la paix, démocratiquement dangereux, qui ne fait pas honneur au destin commun que tous les Calédoniens s'efforcent de bâtir. Ce ne sont pas les excès de prudence qui donneront à ce territoire la force de relever les défis qui se présentent.

Depuis le 26 juin 1988, date de la poignée de main entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, la Nouvelle-Calédonie a montré sa détermination à construire un futur où chacun pourra trouver sa place, où chaque culture pourra s'exprimer dans sa diversité, un futur au sein de la République française.

Mes chers collègues, je vous demande avec force de voter pour ce projet de loi constitutionnelle et de soutenir mes amendements. Il y va de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie et de ce destin commun qui nous est si cher. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous débattons, sur fond de crise économique et sociale, du dégel du corps électoral de la Nouvelle-Calédonie. Lors des accords de Matignon, la Nouvelle-Calédonie était au bord de la guerre civile. Michel Rocard a su ramener la paix, retisser les liens de la confiance et engager un mouvement de décolonisation pacifique.

La Nouvelle-Calédonie s'est organisée autour de trois provinces, pour donner aux Kanaks la responsabilité politique de leurs régions et favoriser leur développement économique. Un effort financier sans précédent de l'État a été déployé, assorti d'un programme de formation. La culture kanak est désormais reconnue, comme en témoigne le centre culturel Tjibaou, l'un des grands travaux du président Mitterrand. Je salue le courage politique de Jacques Lafleur.

L'accord de Nouméa, oeuvre de Lionel Jospin, a poursuivi ce mouvement. Il exprime une vision partagée de l'histoire et de l'avenir du pays et porte un regard commun sur la douloureuse période coloniale.

Michel Rocard disait : « La paix, c'est la négociation, c'est le courage de céder sur certains points au nom d'un objectif plus essentiel, le courage de transformer l'ennemi en interlocuteur. » Cette méthode, qui fut aussi celle de Lionel Jospin, doit nous inspirer.

Or le Gouvernement actuel a rompu avec l'impartialité et la neutralité de l'État. La construction originale qui avait été imaginée visait à construire un destin commun pour la population pluriethnique de Nouvelle-Calédonie. Le débat que nous avons est celui de la décolonisation, de l'autodétermination, du droit à l'émancipation.

L'exécutif se trompe en agissant à marche forcée, dans la brutalité institutionnelle. Les réformes se font désormais à coups de 49.3. Pour ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, la verticalité n'a pas sa place. Alors que tous les acteurs en présence préconisent un accord global, vous avez choisi, monsieur le ministre, de scinder les sujets.

Aucune solution imposée ou arrachée ne sera bonne. Je fais mienne la conclusion de la tribune de Jean-François Merle, ancien conseiller de Michel Rocard pour les outre-mer : « la modification d'un contrat en l'absence d'accord s'appelle une rupture de contrat. » En Nouvelle-Calédonie, nous devons nous inscrire dans le temps long. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Mathieu Darnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il nous revient d'écrire une nouvelle page, après trois référendums au cours desquels nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie ont réaffirmé leur attachement à la France et à notre communauté de destin.

Nous devons renouer avec le temps long, et rechercher, en permanence, la stabilité. Nous devons le faire avec humilité et tempérance, avec clarté également.

Pas moins de 42 596 personnes sont exclues du corps électoral. Il est difficile d'imaginer que l'on prive nos concitoyens du droit de participer à la désignation de la gouvernance de leur territoire.

N'opposons pas la nécessité d'aboutir à un accord global et celle de la tenue des élections. La province, comme le Congrès, fixe le cap du territoire et répond aux défis, sociaux, et plus encore économiques, qui se dressent devant lui.

Le scénario idéal aurait été la conclusion d'un accord d'ensemble ; le législateur aurait eu alors pour tâche d'accompagner l'évolution du statut, sur cette base. Malheureusement, il n'y a pas eu d'accord.

Face à cela, le Gouvernement a choisi de déposer un projet de loi constitutionnelle traitant du corps électoral. Il rétablit un corps électoral glissant, tout en ménageant la possibilité d'un accord global, en prévoyant un nouveau report des élections.

Nous sommes favorables à un système plus souple et plus respectueux des exigences démocratiques. La durée de présence requise peut être discutée, mais la fixer à dix ans ne nous semble pas inacceptable.

À 17 000 km d'ici, nos débats sont scrutés par nos compatriotes. Nous leur devons la clarté, et la possibilité de répondre aux défis qu'ils affrontent, qu'il s'agisse du plan nickel ou de l'avenir de la caisse d'assurance maladie et chômage.

Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi tout en appelant de ses voeux la conclusion rapide d'un accord entre les acteurs locaux, seul à même de répondre aux problématiques de la Nouvelle-Calédonie.

Dans cet hémicycle, nous voulons tous que l'avenir de la Nouvelle-Calédonie soit plus beau demain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je remercie ceux qui soutiennent ce projet de loi, et salue l'évolution du groupe centriste. Comme l'a dit M. Bonnecarrère, l'essentiel est l'adoption de la réforme constitutionnelle.

Madame Vogel, votre démonstration sur le manque d'impartialité de l'État me pose problème. Vous avez prétendu que le troisième référendum avait été organisé malgré le Covid, quand aucune élection ne se tenait en France hexagonale. Rien de plus faux. Ce sont les indépendantistes, et non l'État, qui ont demandé au Congrès de déclencher le troisième référendum : c'était le 8 avril 2021, un an et demi après le début du Covid. En juin 2021, en plein Covid, les Français ont voté aux élections régionales et cantonales, et le 12 décembre 2021, les Calédoniens ont voté au référendum. Les maires - dont M. Xowie - ont organisé le scrutin et une partie des indépendantistes ont voté, et l'ont même revendiqué, dont M. Néaoutyine. Le retour aux urnes s'est fait quelques jours avant le premier tour des législatives, avec l'espoir d'élire un indépendantiste dans la circonscription de M. Metzdorf.

On reproche au Gouvernement de vouloir tenir des élections ? C'est pourtant assez normal ! Cela a été bien organisé et jamais contesté, ni par le Conseil d'État ni par les instances internationales.

Je n'ai entendu personne dénoncer des ingérences étrangères scandaleuses : l'Azerbaïdjan finance une partie du mouvement indépendantiste, et est même prêt à porter à l'ONU la contestation du troisième référendum. Et cela n'émeut personne ? La Nouvelle-Calédonie n'a d'ingérence à tolérer d'aucun pays, encore moins de ceux qui massacrent des populations. J'ai demandé à la DGSI d'y travailler. Le vote des Calédoniens doit être libre et indépendant.

Ensuite, vous reprochez à Mme Backès d'avoir été au Gouvernement. Aucun Calédonien n'aurait le droit d'être ministre de la République ? Faut-il inscrire ce non-cumul dans la Constitution ? Mme Backès n'est-elle pas une citoyenne comme les autres, qui peut être appelée à servir son pays ?

M. Patrick Kanner.  - Elle était présidente de la province Sud !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Et alors ? Ce n'est pas la première fois que des ultramarins servent la République ! Cet argument ad hominem n'est pas à la hauteur.

Monsieur le président Kanner, nous rendons tous hommage à Lionel Jospin pour l'accord de Nouméa, qui a garanti la paix. Mais ce n'est pas parole d'évangile pour autant, et il y a eu un manque. L'accord a été conçu pour qu'au moins une fois sur trois, il soit répondu oui au référendum sur l'indépendance - or les Calédoniens ont répondu trois fois non. Qu'était-il prévu en pareil cas ? Que les partenaires se réunissent afin de constater la situation ainsi créée. La belle affaire !

Vous me reprochez de ne pas être dans la continuité de l'accord de Nouméa  - mais la situation actuelle en découle ! Il faut absolument un accord préalable, dites-vous. Et s'il n'y a pas d'accord, que proposez-vous ? Le report des élections pendant des années ? (M. Rachid Temal s'en défend.) Le Conseil d'État fixe une date butoir en 2025, mais vous dites, vous : pas de vote sans accord. Or prolonger sans cesse des mandats n'est pas constitutionnel. Je m'étonne que vous le défendiez.

M. Rachid Temal.  - Lisez nos amendements !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - L'accord de Nouméa a débloqué la situation, garanti la paix sociale, respecté le peuple premier et fixé des échéances, que nous avons tenues : l'audit de décolonisation et les trois référendums.

Vous n'apportez pas de solution, à défaut d'accord. Je comprends que c'est une posture.

Mme Narassiguin a donné des leçons à la tribune ; son propos me concernant était suffisant mais pas nécessaire.

Mme Corinne Narassiguin.  - Vous devriez vous écouter parler !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je peux aussi me taire et vous laisser parler ! Puisque vous avez récemment découvert la Nouvelle-Calédonie, sans doute avez-vous compris que la situation y était complexe. Mais vous n'avez pu vous empêcher de faire de la politique sur le dossier calédonien - cela ne me surprend guère, de votre part. (Mme Corinne Narassiguin sourit.)

M. Rachid Temal.  - Vous n'êtes pas très respectueux.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Mme Narassiguin a été particulièrement insultante. (On se récrie sur les travées du groupe SER.)

Madame Cukierman, votre propos sur les populations m'a choqué. « Des populations extérieures venues de France pour noyer le peuple kanak » ? Vous reprenez l'argument du grand remplacement ! Je pensais que les communistes étaient universalistes. (Mme Cécile Cukierman proteste.) Je m'étonne de cette essentialisation. On peut être blanc et indépendantiste, être Kanak et voter pour la France.

Mme Cécile Cukierman.  - Je ne les accuse pas d'avoir renié la République !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - L'argument du grand remplacement n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Ce n'est pas notre conception universelle de la République.

Il s'agit de donner le droit de vote aux élections locales, pas de refaire l'accord de Nouméa. J'ai dit que j'étais favorable à l'attribution de la diplomatie à la Nouvelle-Calédonie, et à d'autres transferts de compétences, notamment celles de l'article 27. Nous sommes prêts à envisager de nouvelles institutions, à être créatifs. J'ai suggéré, tout en restant dans le giron français, une autonomie très large, sur le modèle britannique ou néo-zélandais. Travaillons là-dessus, plutôt que d'expliquer qu'une organisation d'Européens blancs viendrait « grand-remplacer » les Kanaks !

Au demeurant, démographiquement, le calcul est à l'avantage des non-Européens : les Calédoniens « blancs », pour reprendre une expression malheureusement entendue à l'Assemblée nationale, ne sont pas assez nombreux pour emporter le vote contre l'indépendance !

L'objet de ce projet de loi constitutionnelle n'est pas le référendum, mais les élections locales. Cela n'a rien à voir.

Vous avez dit, madame Cukierman, que le critère de dix ans de résidence, glissant, serait contraire à nos engagements internationaux. Où êtes-vous allé chercher cela ? Citez-moi une instance, un traité, qui l'interdise ! C'était une proposition de Lionel Jospin. Aucun pays démocratique n'oblige un citoyen à attendre dix ans pour pouvoir voter à une élection locale - même les pays du Golfe, les plus restrictifs en matière de droit de vote. Je le précise, car vous m'avez quasiment traité de colonialiste. Vous avez prononcé là une contre-vérité.

Si nous ne modifions pas la Constitution, soit le Gouvernement ne convoquera pas d'élection et il n'y aura donc pas de possibilité pour les Calédoniens de gérer les crises économiques et sociales de la Nouvelle-Calédonie - je rappelle que le territoire est autonome, et nous sommes dans la chambre des territoires - soit le Gouvernement convoquera des élections sur une base électorale qui sera rejetée par le Conseil d'État et ne respectera pas nos engagements internationaux.

Il n'y a pas d'alternative. Il ne suffit pas de dire « accord, accord, accord » pour qu'il soit signé...