Adaptation au droit de l'Union européenne (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue) en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole à la demande du Gouvernement.

M. Pascal Allizard, au nom de la CMP .  - (Mme Frédérique Puissat applaudit.) La CMP de jeudi a donc été conclusive. Trois sujets émergeaient : celui des retours de congé maladie et l'alignement sur le droit européen d'information des salariés du privé ; à l'article 34, le rôle des chambres d'agriculture ; enfin, l'alignement du droit de la garde à vue. Il était curieux de traiter d'un tel sujet qui a trait à la privation de liberté individuelle, dans une loi balai, un peu fourre-tout... Nous sommes néanmoins parvenus à un accord.

Au Sénat, le texte avait été partagé en deux - dix-huit articles ayant été examinés selon la procédure de législation en commission (LEC). Les sujets les plus sensibles ont été débattus dans l'hémicycle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - (M. Bernard Buis applaudit.) Ce projet de loi a fait l'objet d'une CMP conclusive le 4 avril dernier, fruit du travail des rapporteurs, que je salue.

Notre droit s'enrichit régulièrement des décisions prises avec les autres États membres.

La création d'un cadre européen unifié est la meilleure des protections pour nos entreprises et nos concitoyens. D'où l'exigence d'une conformité du droit français aux dispositions européennes. La France se situe au premier rang des États membres pour la transposition des directives. Nous n'avons plus qu'une seule directive en attente, sur près de mille sur le marché intérieur. Nous pouvons en être fiers.

Les Ddadue sont des textes particuliers, comportant souvent des habilitations à légiférer par voie d'ordonnance - nous avons veillé à les réduire au maximum, en prévoyant un délai raisonnable.

En tant que secrétaire d'État chargée du numérique, plusieurs points m'intéressent particulièrement. L'article 3 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur l'influence commerciale : à la suite de l'entrée en vigueur du règlement sur les services numériques (DSA), plusieurs dispositions de la loi Delaporte-Vojetta, redondantes, doivent être abrogées. Nous insérerons également la possibilité de déroger au principe de pays d'origine (PPO) afin que les règles protectrices des consommateurs français puissent s'imposer à des influenceurs installés dans un autre État membre. Je me félicite que la CMP ait opté pour une durée d'habilitation de neuf mois, nécessaire pour la consultation obligatoire de la Commission européenne et du Conseil d'État.

L'article 35 prévoit un rapport sur l'application de la loi du 7 juillet 2023 sur la majorité numérique, portée par Laurent Marcangeli. Ce rapport nous permettra de prendre en compte les observations de la Commission dans le cadre de la procédure de notification préalable.

La vérification de l'âge en ligne est un enjeu important, objet des articles 1er et 2 du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN).

Sur les plans économique et financier, je salue l'accord trouvé en CMP pour laisser du temps aux échanges avec les parties prenantes, notamment sur la protection des consommateurs et des sociétés commerciales.

Les amendements du Gouvernement aux articles 5 et 6 sécuriseront les habilitations issues de la CMP au regard de l'article 38 de la Constitution, concernant la directive pour un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs dans les sociétés cotées et la lutte contre le blanchiment de capitaux, en adaptant notre droit au règlement TFR. Avec le règlement MiCA, nous aurons ainsi transposé les deux piliers du cadre européen de régulation des activités de prestataires de services sur cryptoactifs.

Le projet de loi revient sur les définitions de l'hydrogène renouvelable et de l'hydrogène bas carbone.

Il renforcera la coopération judiciaire en matière de lutte antiterroriste en garantissant un accès équivalent aux informations disponibles dans d'autres États.

En matière de congés payés, plusieurs décisions de justice récentes avaient conduit le Gouvernement à déposer un amendement sur lequel l'avis du Conseil d'État avait été sollicité, afin de remédier à l'inconventionnalité d'un article du code du travail et apporter une clarification nécessaire pour les employeurs et salariés.

Concernant le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), le préfet pourra déléguer sa signature aux autorités régionales pour les décisions restant à prendre au titre des aides de la précédente programmation de la PAC - mesure de simplification très attendue.

Un amendement de clarification à l'article 34 vise à garantir la mise en oeuvre du règlement européen relatif à l'identification des animaux et à leurs mouvements, sécurisant le rôle des chambres d'agriculture.

Les crues récentes, exceptionnelles par leur durée et leur intensité, en particulier dans le Nord et dans les Alpes, ont souligné la nécessité de clarifier et simplifier les procédures pour la prévention des inondations, prévues par la directive européenne du 23 octobre 2007.

Ce texte est bienvenu pour rendre notre droit national conforme aux évolutions législatives européennes récentes.

Discussion du texte élaboré par la CMP

Article 4

Mme la présidente.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement, puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 48

Supprimer cet alinéa.

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique.  - Rédactionnel.

M. Daniel Fargeot, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°5 est adopté.

Article 5

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 2 à 8

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

1° De transposer la directive (UE) 2022/2381 du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2022 relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées et à des mesures connexes, et de prévoir les dispositions de coordination et d'adaptation de la législation liées à cette transposition :

a) En prévoyant que la transposition corresponde au moins au champ d'application des articles L. 225-18-1 et L. 226-4-1 du code de commerce ;

b) En garantissant, dans les conseils d'administration ou de surveillance des sociétés commerciales, l'exigence d'une proportion minimale de 40 % du sexe le moins représenté, pour l'ensemble de leurs membres, quelles que soient leurs modalités de désignation ;

c) Sans ajouter au droit en vigueur à la date de la présente habilitation de nouvelles sanctions encourues en cas de méconnaissance des obligations relatives à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes ;

d) En désignant un ou plusieurs organismes chargés de suivre, d'analyser et de soutenir l'équilibre entre les femmes et les hommes dans la composition des conseils d'administration et de surveillance des sociétés commerciales et doté de moyens suffisants à l'exercice de ces missions ;

e) Avec les adaptations nécessaires, en harmonisant les règles en matière de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes applicables aux conseils d'administration ou de surveillance des établissements publics avec celles prévues pour les sociétés commerciales et en les étendant aux groupements d'intérêt public ;

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État.  - Rédactionnel. Le régime de la directive Women on Boards et la loi Copé-Zimmermann sont très proches, mais il fallait clarifier.

M. Daniel Fargeot, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°1 est adopté.

Article 6

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 12

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II.  -  Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi pour :

1° Transposer les dispositions de la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission, dans leur rédaction résultant de l'article 38 du règlement (UE) 2023/1113 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 sur les informations accompagnant les transferts de fonds et de certains crypto-actifs, et modifiant la directive (UE) 2015/849 ;

2° Adapter les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, d'autres codes ou dispositions législatives non codifiées, pour assurer, dès l'entrée en application du même règlement, leur cohérence et leur conformité avec les dispositions de ce dernier ;

3° Définir les compétences respectives de l'Autorité des marchés financiers et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour l'application dudit règlement ;

4° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant des 1° à 3° du présent II, pour celles qui relèvent de la compétence de l'État dans ces collectivités, et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance mentionnée au premier alinéa du présent II. 

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État.  - Il s'agit d'élargir les obligations de transparence existantes.

M. Daniel Fargeot, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°2 est adopté.

Article 10

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

au IV

II. - Alinéa 9

Après le mot :

mentionnées

insérer les mots :

au I

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État.  - Rédactionnel.

M. Daniel Fargeot, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°3 est adopté.

Article 34

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 7

Remplacer la référence :

L. 513-2

par la référence :

L. 513-1

II.  -  Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

III.  -  Alinéa 12

Compléter cet alinéa par les mots :

selon des modalités définies par décret

IV.  -  Après l'alinéa 24

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

6° bis L'article L. 571-8 est abrogé ;

V.  -  Alinéa 28

1° Après la référence :

1°,

insérer la référence :

c du 2°,

2° Après la référence :

6°,

insérer la référence :

6° bis,

VI.  -  Alinéa 29

Supprimer la référence :

, b

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État.  - Cet amendement déposé par le ministère de l'agriculture prévoit que la chambre d'agriculture de Mayotte exerce les missions relatives à l'identification et à la traçabilité animale, à la place de l'établissement de l'élevage.

M. Daniel Fargeot, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°4 rectifié est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Louis Vogel .  - La mandature issue des élections européennes du 9 juin sera déterminante, dans un monde en mouvement, pour ne pas dire en pleine crise. L'Union européenne n'est pas seulement un voeu mais des réalisations concrètes, pour la lutte contre le changement climatique, la guerre économique, pour la protection des citoyens. Les Daddue nous rappellent cette réalité.

Le présent texte comporte trente articles sur des dispositions variées, allant du droit des sociétés à celui de l'énergie, en passant par la protection de la santé et de l'environnement par le règlement Reach.

Je salue le travail des deux chambres et des rapporteurs, ainsi que celui de la commission spéciale.

Ce texte traite de sujets marquants pour la vie économique, qu'il s'agisse de droits de la consommation ou de dispositions bancaires, monétaires ou financières.

Les avancées de notre assemblée concernant les systèmes d'échanges de quotas ont été préservées - cela démontre le sérieux du travail de notre commission spéciale, et répond aux ambitions de la présidence française de l'Union européenne.

L'équilibre entre vie privée et vie professionnelle est important. L'élargissement de la liste des congés concernés va dans le bon sens.

Enfin, deux nouveautés sont issues de l'Assemblée nationale. L'article 33 bis met de l'huile dans les rouages dans la distribution des fonds européens. La mission d'information conduite par Colette Mélot pour le groupe Les Indépendants avait pointé une insuffisante mobilisation. Cet article contribue à y remédier mais il faudra persévérer.

L'article 35 marque un progrès sur la majorité numérique et la lutte contre la haine en ligne. Soyons intraitables : tout ce qui est interdit hors ligne doit l'être aussi en ligne. Ce sujet est cher à notre groupe.

Depuis sa création, le groupe Les Indépendants dénonce la surtransposition - mal bien français qui nous a pénalisés à de nombreuses reprises, notamment lors de la récente crise agricole. Je salue l'article 7 ter qui corrige les erreurs de transposition. Notre groupe votera pour ce texte.

M. Daniel Fargeot .  - J'ai eu pour mission d'examiner au fond 23 articles hétéroclites. Cela a été comparable aux douze travaux d'Hercule : un mois entre la présentation au Conseil des ministres et l'examen du texte au Sénat, pas d'étude d'impact exhaustive, un travail réalisé dans la précipitation sur des sujets pourtant techniques - ce qui traduit un manque de considération.

Le Sénat a toutefois modifié le texte en adoptant une trentaine d'amendements, pour la plupart conservés par la CMP. Nos échanges avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale ont été constructifs.

Je me réjouis du maintien des apports du Sénat sur les recharges en carburants alternatifs à l'article 1er, sur les microplastiques à l'article 31, sur le rôle des chambres d'agriculture et de Chambres d'agriculture-France dans l'identification animale à l'article 34.

S'agissant de la réforme de la garde à vue et de la présence de l'avocat lors des procédures pénales, alors qu'il connaissait la situation, le Gouvernement a présenté une réforme fort mal conçue et très approximative. Avec le président Buffet, nous avons tout fait pour que la clé de voûte de la procédure pénale ne s'effondre pas. Nous avons précisé que l'avocat doit se présenter sans retard indu et rétabli les auditions immédiates.

À l'article 3 relatif à l'influence commerciale, nous avons restreint le périmètre des ordonnances pour préserver le texte adopté à l'unanimité des deux chambres en juin dernier.

L'article 5 sur les règles de parité femmes-hommes dans les sociétés cotées avait été supprimé à l'Assemblée nationale ; le Gouvernement propose un article de compromis, conforme à la volonté du Sénat de rendre l'État un peu plus exemplaire.

Enfin, deux articles ont été ajoutés à l'Assemblée nationale, et non des moindres. Nous déplorons cette pratique du Gouvernement qui ajoute des textes sans examen ni débat au Sénat. Quatre jours seulement pour en examiner les termes, c'est une nouvelle avanie, madame la ministre.

Nous avons obtenu la suppression de l'article 3 bis sur la transposition de directives dont l'échéance de transposition était fixée à décembre 2025 -  il n'y avait pas d'urgence.

L'article 32 bis met en conformité le droit aux congés payés pour les salariés en cas de maladie ordinaire. La transposition, attendue par l'ensemble des acteurs, devait se faire rapidement. Mais la rédaction proposée, fruit d'une surtransposition, avait pour conséquence d'ajouter une nouvelle charge pour les entreprises. J'y ai remédié.

À la précipitation nous préférons la réflexion et à la déconnexion, la concertation : c'est dans cet état d'esprit que le Sénat travaille pour sécuriser notre ordre juridique. Je vous invite à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.)

M. Yannick Jadot .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte touche à un grand nombre de sujets, souvent techniques, mais qui peuvent être importants pour la cohérence de notre droit national avec le droit européen, pour nos concitoyens ou pour la puissance de l'Union européenne.

Je salue le travail des rapporteurs de la commission spéciale et de la CMP.

Le GEST se félicite de plusieurs avancées : harmonisation de l'objectif de parité à l'article 5, meilleure gestion des déchets de batteries à l'article 11 ; transcription de mesures du pacte vert européen, même si le décalage entre ses ambitions et les textes adoptés, voire reportés nous inquiète. La France est loin d'être exemplaire : obsédée par son nucléaire, elle a conclu des alliances néfastes avec des pays gaziers sur la directive relative aux énergies renouvelables et a réduit les objectifs européens.

Nous devons écouter l'alerte du Haut Conseil pour le climat, qui constate « qu'après plusieurs consultations et débats, ni la loi de programmation énergie et climat, ni la Stratégie française énergie et climat, ni la troisième Stratégie nationale bas-carbone, ni le troisième Plan national d'adaptation au changement climatique ni la troisième Programmation pluriannuelle de l'énergie n'ont été formellement adoptés, en dépit des obligations législatives. » (Mme Audrey Linkenheld le confirme.) Dès lors, le Haut Conseil s'inquiète du risque de recul de l'ambition climatique induit par la dérive du calendrier de ses instruments les plus structurants. Nous regrettons donc que nos amendements proposant de transcrire la directive RED III n'aient pas été adoptés.

Sur les microplastiques, nous regrettons le moins-disant environnemental : supprimer l'article nous aurait permis de conserver notre ambition.

À l'article 28, sur la garde à vue, nous nous félicitons que la version de l'Assemblée nationale ait été conservée par la CMP, même si certaines de ses dispositions affaiblissent encore les droits de la défense.

Nous regrettons l'inclusion d'un nouvel article 32 bis sur les droits des salariés en arrêt maladie, discriminatoire et dangereux. Les salariés n'accumuleront pas le même nombre de jours de congés payés selon la nature de leur arrêt maladie. Or le principe d'un arrêt maladie est de se soigner - ce n'est ni un repos ni un congé. Il est injuste de créer une telle inégalité de traitement dans la loi.

Le GEST s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Pierre Barros .  - L'adaptation au droit européen prend du temps, mais est nécessaire pour respecter le processus démocratique. Cet exercice est douteux, vu le peu de temps imparti pour réaliser ce grand chelem réglementaire et législatif.

Pourtant, à quoi bon se presser, quand on sait combien les décrets tardent à paraître ? Seuls 21 des 39 décrets prévus dans le précédent texte de mars 2023 ont été publiés. Plusieurs dispositions mériteraient d'ailleurs qu'on ne se précipite pas pour publier les décrets associés...

Nous étions plusieurs à alerter sur les risques des micropolluants dont l'interdiction est repoussée. Voyez le scandale sur les polluants éternels. Et demain, quel autre scandale ? La recette est toujours la même : avancée technologique, recherche d'un profit immédiat, manipulation de ces substances -  qui vont se révéler toxiques  - par les consommateurs et les travailleurs... Les micropolluants ne font pas de micropollutions.

Ce texte comporte d'autres aberrations environnementales, tels les quotas gratuits sur le marché du carbone, supercherie financière créée pour contourner la TVA, en particulier pour le secteur des transports dont les émissions ont augmenté de 16 % en trente ans. La baisse des émissions des autres secteurs comme l'industrie est largement due aux délocalisations.

Autre sujet, l'amélioration de la parité dans les organes de gouvernance est encore insuffisante : 40 % sans sanction, voilà une curieuse façon de traiter une grande cause nationale...

Les syndicats n'ont pas été entendus sur les congés maladie : la mesure n'intègre pas la jurisprudence de la Cour de cassation et crée une discrimination à l'égard des personnes en mauvaise santé -  c'est la double peine.

Les dispositions adoptées sur la garde à vue vont finalement moins loin que ce que proposait le Sénat, mais elles sont toujours défavorables au prévenu.

Finalement, il ressort de ce texte qu'il est plus facile de porter atteinte aux droits des prévenus que de réaliser un progrès social ou écologique... Nous nous abstiendrons.

Mme Nathalie Delattre .  - Souvent examinés dans l'urgence, les projets de loi de transposition du droit européen ne recueillent pas toute l'attention qu'ils méritent. D'apparence technique, ils impliquent pourtant des changements importants pour nos concitoyens, nos entreprises et nos territoires. Ce texte fourre-tout en témoigne.

La réforme de la procédure pénale est loin d'être anecdotique. Depuis deux ans, la Commission européenne alerte la France sur ses manquements -  dommage de n'avoir pas profité de la loi de programmation de la justice. L'accord trouvé par les deux rapporteurs concernant les dérogations d'accès à l'avocat est à saluer.

Un consensus a également été trouvé sur l'article 3, habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour modifier la loi du 9 juin 2023 sur l'influence commerciale, qui se heurte à un arrêt de la Cour de justice du 9 novembre 2023. Il s'agit de protéger nos jeunes, principales cibles de ce marketing.

Sur le volet agricole, la programmation du Feader touche à sa fin ; il faudra assurer son renouvellement. Nous nous réjouissons que les régions, autorités de gestion, puissent disposer de moyens humains pour traiter les dossiers sans dépendre de la signature du préfet. C'est essentiel pour la tranquillité du monde rural. Nous espérons que cette simplification permettra un versement plus rapide des aides de la PAC.

Je n'oublie pas le volet climatique. Grâce au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, l'Europe fermera progressivement la porte au moins-disant environnemental. Une concurrence plus juste pour une décarbonation à grande échelle, c'est la bonne équation.

Enfin, le texte porte le calendrier d'interdiction de mise sur le marché européen de substances contenant des microplastiques. L'article 31 repousse cette interdiction à 2029 pour plusieurs produits cosmétiques ; ce n'est pas opportun, vu les risques pour la santé cardiovasculaire.

En dépit de cette dernière réserve, notre groupe votera ce texte. Mais de grâce, madame la ministre, évitons les surtranspositions injustifiées. À la veille de l'élection européenne, l'Union européenne doit apparaître non comme une source de complexité, mais comme un horizon de sécurité et de protection. (Applaudissements au banc des commissions)

M. Bernard Buis .  - Deux mois avant l'élection européenne, ce texte nous donne l'opportunité de prouver que les normes européennes sont les bienvenues dans le droit interne, lorsqu'elles simplifient le quotidien des agriculteurs, qu'elles rendent le droit du travail plus protecteur ou qu'elles rétablissent l'équilibre dans notre procédure pénale.

Alors que les agriculteurs s'impatientent des retards de versement des différentes aides agricoles, il est urgent de simplifier et d'accélérer. La région Bourgogne-Franche-Comté a récupéré 6 000 dossiers jusqu'alors gérés par l'État, mais manque de collaborateurs pour les traiter dans un délai raisonnable. Dès qu'il y a contribution financière de l'État, il faut en outre obtenir au préalable la signature du préfet. La possibilité de déléguer cette signature au président du conseil régional fera gagner du temps.

Même souci de simplification s'agissant de l'identification et de la traçabilité des animaux.

Ce projet de loi contient des avancées en matière sociale et sanitaire : l'article 32 bis, sur les droits à congés pour un salarié en arrêt de travail, ou les dispositions européennes favorables aux fonctionnaires.

Sur le plan sanitaire, le calendrier d'interdiction des microplastiques est mis en cohérence avec le calendrier européen.

Enfin, ce texte est attendu par les avocats, dont la présence en garde à vue n'est pas antinomique avec l'efficacité de l'enquête. Paradoxalement, la pratique le démontre : la présence d'un avocat renforce la valeur probante des propos recueillis pendant la garde à vue.

Autant d'exemples de transpositions bénéfiques qui justifieront le vote favorable du RDPI. (Applaudissements au banc des commissions)

Mme Audrey Linkenheld .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) C'est une bonne chose que le Parlement soit associé à la transposition des directives, afin qu'il soit mieux informé et puisse examiner si certaines dispositions peuvent être approfondies - non pour compliquer, mais pour améliorer, quand c'est justifié.

Ce troisième projet de loi en trois ans prouve que l'Union européenne légifère allégrement. Le risque, sur ces textes touffus et techniques, est de vouloir aller vite, quitte à gommer les aspérités et rendre difficiles les améliorations. Or dans une Europe à 27, contrastée, l'harmonisation se fait rarement vers le haut - en particulier en matière sociale et environnementale.

Avec mes collègues du groupe SER, dont Lucien Stanzione, nous avons tâché d'y voir plus clair. Nous voterons ce texte, malgré nos interrogations. Certes, nos cinq amendements n'ont pas eu le même succès que les 57 amendements déposés avant la réunion de la CMP - ils portaient sur les concessions aéroportuaires, les déchets de batteries ou encore la présence de l'avocat en garde à vue. Ce dernier sujet aurait mérité plus de temps. Nos amendements sur l'Autorité de régulation des transports ont été jugés irrecevables, alors que le Gouvernement et les rapporteurs y étaient favorables.

Enfin, nous avons été surpris que le Gouvernement introduise les articles 3 bis et 32 bis à l'Assemblée nationale, après le passage du texte au Sénat. Sur le premier, relatif au crédit à la consommation, rien n'imposait de légiférer dans l'urgence et nous nous réjouissons de sa suppression. Sur l'article 32 bis, relatif aux congés payés des salariés en arrêt de travail, nous regrettons le passage en force et ne l'avons pas voté en CMP.

Mais nos accords l'emportent sur nos doutes - aussi nous voterons pour un texte amélioré par le Parlement.

Échanges d'informations entre polices, protection des libertés individuelles, quotas carbone, batteries, hydrogène vert, traçabilité animale... Autant de sujets sur lesquels l'Europe nous fait avancer.

L'Europe peut nous aider à faire progresser les droits et libertés, à condition que la démocratie s'y exerce pleinement, et que soient associés les citoyens et les représentants nationaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc des commissions)

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai été chargé de l'examen au fond d'articles portant sur le droit financier, bancaire et fiscal et d'autres relatifs à la transition écologique.

Les rares difficultés qui subsistaient ont été levées à la faveur de mes échanges avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale ; je les remercie pour ce travail mené dans des délais très brefs.

S'agissant des mesures financières, bancaires et fiscales, nous sommes facilement arrivés à un accord sur les articles 7 à 9. Je salue l'initiative du rapporteur Daniel Labaronne à l'article 7 ter : le président du directoire du Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) sera entendu avant sa désignation par les commissions des finances.

Sur ma proposition, nous avons mené un travail de coordination utile sur l'article 6 bis, relatif aux obligations de déclaration des bénéficiaires effectifs de certains organismes.

Sur l'article 6, qui suscitait le plus de difficultés, nous sommes parvenus à une position de compromis. La prolongation de six mois de l'habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer le règlement MiCA, sur les marchés de cryptoactifs, est maintenue, mais la durée d'habilitation est ramenée de neuf à six mois s'agissant du règlement TFR, sur les transferts de fonds.

Sur les dispositions en matière de transition écologique, les apports sénatoriaux ont été conservés par les députés.

À l'article 11, l'Assemblée nationale a préservé l'extension de l'obligation de contractualisation avec les éco-organismes ou les systèmes individuels à l'ensemble de la chaîne de gestion des déchets de batteries.

De même, aux articles 14 à 17, portant sur la refonte du système d'échange des quotas d'émission de l'Union européenne, les nombreux ajustements juridiques que nous avons opérés sont conservés. Je pense notamment à la meilleure prise en compte des incitations liées au prix du carbone lors de l'allocation de quotas gratuits au titre de l'utilisation de biocarburants par le secteur aérien.

En ce qui concerne l'article 19, qui fait évoluer le calcul des émissions de gaz à effet de serre de l'hydrogène renouvelable et bas-carbone en application d'un règlement délégué, je me réjouis de son adoption conforme. Nous l'avons rendu plus ambitieux en prenant en compte toutes les étapes liées à la production et à l'utilisation de l'hydrogène, sans omission de ses dérivés, conformément aux recommandations du rapport d'information de la commission des affaires économiques sur le volet Énergie du paquet Ajustement à l'objectif 55.

S'agissant enfin de l'article 20, qui modifie les règles d'homologation des tarifs de redevance des concessions aéroportuaires, l'Assemblée nationale a aussi conservé l'apport du Sénat : à la signature d'un contrat de régulation économique, l'Autorité de régulation des transports appréciera le caractère modéré de l'évolution tarifaire en moyenne sur la durée couverte par le contrat. Je salue les apports de l'Assemblée nationale destinés à faciliter la signature de contrats de régulation économique entre les concessionnaires et l'État. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme la présidente.  - Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement.

Le projet de loi, modifié, est adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 10 avril 2024, à 15 heures.

La séance est levée à 1 h 05.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 10 avril 2024

Séance publique

À 15 heures, de 16 h 30 à 20 h 30 et le soir

Présidence :

M. Gérard Larcher, président, M. Dominique Théophile, vice-président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président.

Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, M. Guy Benarroche.

1. Questions d'actualité

2. Proposition de loi d'abrogation de la réforme des retraites portant l'âge légal de départ à 64 ans, présentée par Mme Monique Lubin, M. Patrick Kanner, Mme Annie Le Houerou et plusieurs de leurs collègues (n°360, 2023-2024)

3. Proposition de loi visant à renforcer le service civique, présentée par M. Patrick Kanner et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°497, 2023-2024)

4. Débat sur le thème : « Haut-commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? » (demande du GEST)