Concilier une activité professionnelle avec la fonction d'assistant familial (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d'assistant familial, présentée par M. Xavier Iacovelli à la demande du RDPI.

Discussion générale

M. Xavier Iacovelli, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Dans cet hémicycle, Victor Hugo a porté l'humanisme et la compassion pour un monde où les enfants sont protégés. Face à lui, le baron Thénard s'opposait à la réduction de la journée de travail des enfants de 16 à 10 heures.

C'est dans Les misérables que Victor Hugo défendra le mieux ses idées, faisant des Thénardier la cause des malheurs de Cosette. Nous sommes loin de Cosette aujourd'hui, mais nous devons protéger les enfants placés.

Il faut agir ! Agir pour ces enfants qui portent en eux des traumatismes multiples.

Agir, car 77 % des juges des enfants ne prennent pas les décisions de placement faute de places.

Agir, car selon l'Igas, 49 % des enfants qui décèdent sous les coups des parents vivaient dans des familles connues des services.

Le taux d'occupation des foyers est de 140 % en Dordogne.

Nous devons favoriser le développement des assistants familiaux, les piliers de la protection de l'enfance, les garants d'un avenir serein pour les jeunes mineurs vulnérables. L'ONU reconnaît que l'accueil familial est le plus protecteur des droits et la convention internationale des droits de l'enfant prévoit que le placement en famille doit être privilégié.

Mais être assistant familial n'est pas simple. Ce ne sont pas de simples prestataires de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Ils consolent, ils éduquent les enfants dont ils ont la charge. Combien d'entre eux, même adultes, ne peuvent compter que sur leur tata ou leur tonton ? La fonction de la famille d'accueil ne cesse pas à la fin du contrat.

Pourtant, ils sont fréquemment mis de côté par l'ASE dans l'élaboration du projet de l'enfant, et ne sont souvent même pas impliqués dans les audiences des juges des enfants. Or leur expertise est précieuse ; la société doit reconnaître leur engagement et les considérer comme des travailleurs sociaux à part entière.

On est passé de 40 % à 50 % d'accueil familial en huit ans. Le nombre d'assistants familiaux continue de diminuer, malgré la loi Taquet et le recul de l'âge autorisé pour exercer cette fonction, ce qui s'explique par des conditions de travail difficiles et les contraintes financières.

Ma proposition de loi vise donc à favoriser leur développement, alors que la pyramide des âges laisse envisager le pire d'ici à cinq ans. En effet, 74 700 mineurs sont accueillis par seulement 38 000 familles d'accueil. Faute d'assistants, le droit au répit de la loi Taquet ne peut s'appliquer.

Ce texte ouvrira à ceux qui travaillent dans la fonction publique la possibilité de devenir assistants familiaux, même s'il ne révolutionnera pas toute la protection de l'enfance.

J'entends la charge immense de ce métier, mais il s'agit de donner l'opportunité à ceux qui le veulent d'être assistant familial ; permettre le cumul avec un emploi, notamment public, suscitera des vocations.

En effet, le secteur privé offre déjà cette possibilité, mais elle demeure méconnue, ce qu'ont révélé les auditions. Les départements doivent pouvoir lancer une grande campagne de recrutements, dans les secteurs privé et public.

Je vous parle avec inquiétude. Si nous ne régissons pas maintenant, où iront ces enfants, alors que nous avons voté, en responsabilité, la fin des hôtels sociaux pour les enfants protégés ?

Ces enfants ne sont pas seulement les enfants de personne, ce sont avant tout les enfants de tous, de la République. Nous devons accomplir notre devoir envers eux.

Je salue la présence en tribune d'anciens jeunes protégés de l'ASE et d'assistants familiaux des fédérations. Je remercie le RDPI pour l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour et à mes collègues pour leur signature, sans oublier la rapporteure et Philippe Mouiller.

Avec cette proposition de loi transpartisane, d'intérêt général, faisons en sorte, 162 ans après, que l'histoire de Cosette ne se reproduise pas !

Non, cette proposition de loi n'entraînera pas de révolution. Mais elle est un petit pas, sans lequel nous n'avancerons jamais.

Beaucoup reste à faire, mais je garde espoir pour ces enfants et ces jeunes, les protégés de toute la nation, les assistants familiaux et l'ensemble du secteur de la protection de l'enfance. Pour eux, pour répondre à l'urgence, je vous invite à voter ce texte. (Vifs applaudissements sur les travées du RDPI ; applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Mme Patricia Schillinger.  - Bravo !

Mme Solanges Nadille, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - Pour Nelson Mandela, « nous devons à nos enfants, les êtres les plus vulnérables de toute société, une vie exempte de violence et de peur ». De fait, la protection de nos enfants rassemble au-delà des clivages.

La proposition de loi de mon collègue Xavier lacovelli ne vise pas à réformer en profondeur la protection de l'enfance. Au reste, nous avons moins besoin d'une nouvelle grande loi que de la pleine application des textes en vigueur. Comme le faisait observer notre ancien collègue Bernard Bonne il y a quelques mois, les acteurs doivent encore s'approprier de nombreuses mesures de la loi du 7 février 2022.

Ce texte a pour objet de lever le verrou juridique empêchant un agent public de cumuler son emploi avec un emploi d'assistant familial. Il s'agit d'une avancée concrète qui sera utile dans de nombreux cas.

Les assistants familiaux, chargés d'accueillir à leur domicile des mineurs et des jeunes de moins de 21 ans, sont des acteurs essentiels de la protection de l'enfance. Ils constituent un des premiers modes d'accueil des enfants de l'ASE et permettent de répondre aux besoins de stabilité et de sécurité de ces enfants.

Selon la Drees, 40 % des jeunes confiés à l'ASE dans l'Hexagone en 2021 étaient hébergés en famille d'accueil. La prépondérance de ce mode d'accueil se retrouve en outre-mer, avec plus de 60 % des accueils en Guadeloupe.

Toutefois, la profession connaît une démographie déclinante en raison d'une pyramide des âges vieillissante et d'un défaut d'attractivité. En 2021, l'âge moyen des 38 000 assistants familiaux, à 90 % des femmes, était de 55 ans... Les effectifs employés par les départements ont diminué de 7,2 % entre 2017 et 2022. Particulièrement touché par cette évolution, le Pas-de-Calais a vu ses effectifs décroître de 2 100 à 1 700 assistants entre 2019 et 2024 ; en Savoie, la chute atteint près de 30 % entre 2017 et 2022.

Lors des auditions, le manque de notoriété du métier a été souligné. Un effort de communication est indispensable pour le faire mieux connaître et attirer de nouveaux profils.

Il faut aussi permettre aux employeurs publics d'élargir leur vivier de recrutement. Le code de l'action sociale et des familles ne permet qu'aux assistants familiaux de droit privé, généralement salariés d'une association, d'exercer simultanément, dans le silence de leur contrat de travail, un second métier relevant du secteur privé. En revanche, un agent public, même à temps partiel, ne peut cumuler son emploi avec un emploi d'assistant familial, le statut de la fonction publique prévoyant qu'il se consacre entièrement à son métier, sauf dérogations prévues ou encadrées par la loi.

Ainsi, des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) exerçant à temps partiel ne peuvent être recrutés par un département pour héberger un enfant.

L'article 1er du texte initial instaurait deux régimes juridiques selon que l'agent public exerce à temps complet ou à temps partiel. La commission a simplifié le dispositif en permettant le cumul d'activités sous le seul régime d'autorisation préalable de l'autorité hiérarchique.

L'article 2 encadrait l'assouplissement de la possibilité de concilier un emploi public et la fonction d'assistant familial : l'agrément n'aurait autorisé l'accueil que d'un mineur âgé d'au moins trois ans. L'article précisait que l'assistant familial bénéficie d'une formation dont la durée ne peut être inférieure à soixante heures.

Au regard de la diversité des situations, la commission n'a pas souhaité inscrire dans la loi des modalités d'encadrement qui pourraient se révéler trop rigides. Par ailleurs, il ne lui est pas apparu pertinent de prévoir une formation potentiellement plus courte pour les agents publics. Il est important, pour garantir la qualité de l'accueil, que tous les professionnels bénéficient de la même formation de 240 heures ainsi que du stage préparatoire.

La commission a donc supprimé l'article 2 pour laisser le pouvoir réglementaire fixer les règles d'encadrement aux fins de préserver l'intérêt supérieur des enfants protégés et sans créer de rupture d'égalité entre les agents publics et les salariés de droit privé. Je compte sur vous, madame la ministre, pour que ce décret soit rapidement publié.

Ce texte nous semble nécessaire pour apporter une première réponse aux difficultés de recrutement que connaît la profession d'assistant familial, dans le seul intérêt des enfants. Il ressort de nos auditions qu'autoriser les assistants familiaux à exercer un emploi public est favorable à cet intérêt, dans la mesure où vivre dans une famille qui travaille renforce chez l'enfant un sentiment de normalité et lui fait prendre conscience de la valeur travail.

Il reste à réformer plus profondément la protection de l'enfance, notamment pour améliorer la formation des assistants familiaux. Mais cette proposition de loi est une brique utile pour une meilleure prise en charge des enfants protégés. La commission vous invite à l'adopter dans le texte issu de ses travaux. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le sujet de ce débat est fondamental : les enfants que nous avons la responsabilité de protéger.

Je remercie le sénateur Iacovelli, dont la détermination à améliorer la protection de l'enfance doit être saluée. Je me félicite du choix du groupe RDPI de mettre à l'honneur le métier d'assistant familial.

La protection de l'enfance est en crise et a besoin de réponses. À l'Assemblée nationale, une commission d'enquête est en cours sur la capacité de la protection de l'enfance à prendre en charge les enfants dans de bonnes conditions. Il faut travailler sur la prévention, le soutien à la parentalité, les tiers de confiance et, bien sûr, les 40 000 assistants familiaux qui accueillent 70 000 enfants. Ces assistants, souvent des femmes, permettent à ces enfants de grandir et de se construire. Leur fonction mérite d'être mieux connue et reconnue.

Assistant familial est un métier qui nécessite une formation initiale et continue. C'est aussi un engagement du quotidien, même si des temps de répit sont prévus. La rémunération minimale au Smic dès le premier enfant accueilli et la participation aux équipes pluridisciplinaires départementales font partie des mesures destinées à les valoriser.

Les irritants sont néanmoins nombreux, à commencer par les disparités entre départements. Les services de l'ASE ne reconnaissent pas toujours les assistants familiaux comme des membres à part entière de leurs équipes et les services de protection maternelle et infantile (PMI) vont parfois au-delà des normes existantes. Les juges ne prennent pas toujours suffisamment en compte la parole des assistants familiaux.

Les mesures récentes n'ont pas freiné la chute démographique du métier. En 2021, la moitié des assistants familiaux avait 55 ans et plus, et un quart avait franchi la barre des 60 ans. La moitié doit prendre sa retraite d'ici à 2033.

Il nous faut donc poursuivre et accélérer les efforts entrepris. L'ouverture à de nouveaux profils fait partie des pistes à explorer. Cette proposition de loi est une brique dans une stratégie plus globale de revalorisation des métiers du lien. C'est aussi un texte d'égalité, qui met un terme à une disparité entre agents publics et salariés du privé.

De fait, les agents publics ne peuvent cumuler leur emploi avec la fonction d'assistant familial. Permettre ce cumul, comme dans le privé, devrait susciter des vocations nouvelles.

J'entends les craintes. Il n'est pas question d'amoindrir la formation ni les compétences nécessaires pour devenir assistant familial. Il faudra des garde-fous. Nous consulterons les professionnels.

Je vois dans cette proposition de loi l'opportunité de s'interroger sur les conditions de travail des assistants familiaux. Tous disent qu'une amélioration est indispensable pour renforcer l'attractivité du métier.

Une concertation avec les acteurs sera lancée dans les prochains jours sur l'évolution du statut d'assistant familial. Je rencontrerai aussi les fédérations des assistants familiaux et les syndicats du placement familial. L'attachement, j'y crois. L'organisation du travail, les voies et moyens d'adoption : je suis prête à ouvrir ces débats sans tabou. Osons aussi parler de leur dénomination : famille d'accueil, éducateurs de famille, pourquoi pas ?

La Haute-Marne accueille les assistants familiaux dans ses équipes pluridisciplinaires départementales. Dans le Maine-et-Loire, des réunions régulières se tiennent pour assurer un accompagnement continu.

Rénovons en profondeur le statut des assistants familiaux, pierre angulaire de la protection de l'enfance. Nous avons besoin de compétences différentes, pour répondre aux besoins d'enfants dont les besoins sont multiples : polytraumatismes, situation de handicap, par exemple. Dès l'année prochaine, un dispositif de coordination des soins des enfants confiés sera mis en place.

Ensemble, nous pouvons construire de nouvelles perspectives pour les enfants en travaillant avec et pour les assistants familiaux.

Aux jeunes présents dans les tribunes, je veux dire qu'ils ne seront plus jamais seuls. Nous travaillons à briser les silences, les tabous, sur l'accompagnement des jeunes majeurs. Nous oeuvrons à leur protection et à celle de l'ensemble des enfants français. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; Mmes Élisabeth Doineau et Marie Mercier applaudissent également.)

Mme Marie-Pierre Richer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les assistants familiaux sont un maillon essentiel de la protection de l'enfance. Dans 88 % des cas, ils sont employés par les départements ; dans les autres, par des associations.

Il est souvent préférable que les enfants suivis par l'ASE soient confiés à des familles d'accueil plutôt qu'à une institution, mais ce n'est pas toujours possible. De fait, le nombre d'assistants familiaux ne cesse de diminuer, de 1,4 % par an depuis 2017 selon la Cour des comptes. Les Hauts-de-France sont particulièrement touchés.

Malgré les campagnes de recrutement, les départements peinent à trouver des volontaires. C'est vrai aussi dans mon département, le Cher. Ce phénomène résulte du manque d'attractivité de la profession et du vieillissement des effectifs.

Les assistants familiaux, de plus en plus sollicités pour répondre aux manques de structures adaptées, le sont le plus souvent dans l'urgence, pour prendre en charge des enfants présentant des pathologies psychiatriques ou un handicap lourd. Les relais manquent pour rendre effectif le droit au répit.

Le métier est peu attractif financièrement, compte tenu de l'amplitude horaire et de l'implication nécessaires. La loi n'y a pas remédié. Son rapporteur au Sénat, notre ancien collègue Bernard Bonne, a bien mis en lumière le besoin de meilleure reconnaissance de la profession.

Les assistants familiaux doivent être associés aux décisions concernant les enfants. Il faut aussi améliorer leur accompagnement.

Le présent texte ne prétend pas résoudre toutes les difficultés, mais donner un cadre juridique aux agents publics souhaitant accueillir un enfant parallèlement à leur métier. Il rendra possible le recrutement de nouveaux profils, tels que les travailleurs sociaux, les infirmiers ou les AESH.

Je salue le travail et l'écoute de la rapporteure, qui a simplifié le dispositif en veillant à l'adapter à la réalité du terrain.

Notre groupe votera cette proposition de loi, dont nous souhaitons qu'elle s'inscrive dans une politique plus large de reconnaissance des assistants familiaux. L'État doit offrir aux enfants en souffrance une halte, un refuge, un accueil bienveillant et pérenne. Nous le leur devons bien. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

M. Joshua Hochart .  - Pour assurer l'avenir de la protection de l'enfance, nous devons agir de façon ambitieuse. En particulier, il faut attirer plus de gens vers cette profession noble qu'est le métier d'assistant familial.

Seul un jeune sur deux bénéficiant d'un placement est confié à une famille d'accueil, faute de places. À ces jeunes dont l'enfance est déjà émaillée de drames, il faut garantir un environnement familial structurant.

Ce texte offre l'opportunité de renforcer le métier essentiel d'assistant familial et de favoriser la diversité des expériences et des parcours. En limitant l'accueil à un seul enfant âgé de plus de trois ans, nous garantissons un accompagnement individualisé.

Nous envoyons ainsi un signal fort aux assistants familiaux actuels et futurs, pour la reconnaissance de leur dévouement. En facilitant la conciliation de leur vocation avec une activité professionnelle, nous leur offrons plus de possibilités de développement.

Plus largement, 12 millions de nos compatriotes vivent et bien souvent se sacrifient au service, notamment, d'un proche dépendant. Ces engagements désintéressés doivent être davantage récompensés par la nation, surtout quand ils visent à offrir un foyer aimant et sécurisant à des enfants vulnérables.

En soutenant ce texte, nous répondons à une urgence sociale et humaine. Nous agissons pour préserver la dignité et les droits de nos enfants, tout en renforçant l'attractivité d'un métier essentiel à notre société. Changeons la donne dans la vie de ces enfants et faisons vivre la fraternité républicaine !

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.) Il est plus facile de construire des enfants forts que de réparer des hommes brisés. Malheureusement, nous n'empruntons pas le chemin de la facilité. Le nombre d'enfants en demande de placement augmente. Le budget de l'ASE est passé de 4,6 à 9 milliards d'euros en vingt ans. L'an dernier, dans mon département du Nord, 550 millions d'euros ont été investis, 100 millions de plus en trois ans.

Parallèlement, le nombre d'assistants familiaux baisse et la profession vieillit. Entre 2019 et 2024, la rapporteure a rappelé la baisse, dans un département, de 2 100 à 1 700 assistants familiaux, alors que 1 285 enfants supplémentaires faisaient l'objet d'une décision de placement. Faire plus avec moins n'est pas possible quand il y a des enfants en jeu. Il est indispensable d'augmenter rapidement le nombre d'assistants familiaux.

J'étais favorable à ce que la possibilité de concilier vie professionnelle et accueil familial soit limitée à un seul enfant. Je salue donc la position de la commission.

Il pourrait y avoir un conflit d'intérêts pour les travailleurs sociaux de la protection de l'enfance, leur double casquette étant susceptible de compromettre l'intérêt supérieur de l'enfant. Il me paraît essentiel de maintenir une séparation claire entre ces rôles. Le décret résoudra certainement cette difficulté.

Au nom des travailleurs sociaux, dont j'ai fait partie pendant trente-cinq ans, je remercie M. Iacovelli et vous appelle à voter ce texte pour faciliter l'accueil des enfants ; c'est ce que fera le groupe INDEP. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI)

Mme Élisabeth Doineau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je remercie Xavier Iacovelli pour son engagement inconditionnel en faveur de la protection de l'enfance et Mme Nadille, rapporteure pour la première fois, pour sa sensibilité et sa détermination.

Nous ne parlons pas assez de protection de l'enfance, en dépit des textes de Laurence Rossignol et d'Adrien Taquet. Plus grave, nous n'investissons pas assez sur cette question qui devrait pourtant être prioritaire.

Le rapport de la Drees fournit un certain nombre de chiffres. Entre 1998 et 2021, le nombre de mesures ASE a été multiplié par 1,4. Les mesures d'accueil ont contribué à 80 % à cette hausse depuis 2015.

La part des bénéficiaires de l'ASE accueillis par les assistants familiaux, de 50 % en 2015, est passée à 40 % en 2021. Il y a plus de mesures d'accueil, mais une dégringolade du nombre d'assistants familiaux, alors que c'est le mode d'accueil qui doit être privilégié.

Cette proposition de loi répondra-t-elle à cette optique ? Certes non, mais elle apporte une avancée essentielle. Le groupe UC la votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP, ainsi que du RDPI et du RDSE)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER) Cette proposition de loi nous rassemble autour du constat de la pénurie d'assistants familiaux et de ses conséquences sur la protection de l'enfance.

Loin de l'image réductrice de la nourrice, 38 000 assistants familiaux, essentiellement des femmes, exercent une profession de travail social et de soin qu'il s'agit de valoriser en améliorant ses conditions d'exercice et en renforçant son statut.

Mais cette proposition de loi divise. Si elle ouvre un débat légitime, la réponse proposée risque de précariser la profession et de nuire à l'accueil de qualité des enfants.

Assistant familial est un métier qualifié qui exige une disponibilité à toute épreuve. (Mme Marie-Claude Lermytte approuve.) Il faut s'occuper de l'enfant, l'emmener à des rendez-vous, assurer son suivi. Le cumul avec une autre activité professionnelle à temps plein est illusoire. D'ailleurs, les départements, qui emploient 88 % des assistants familiaux, ne l'autorisent que rarement.

La possibilité de cumuler avec un emploi de la fonction publique, surtout à temps complet, nous semble donc difficile. Aussi avons-nous déposé des amendements, soutenus par des syndicats d'assistants familiaux, pour réserver la possibilité de cumul avec un emploi à temps partiel à certains temps de congé et en binôme. Cela permettrait à l'assistant familial référent de bénéficier de ce que le sociologue Erving Goffman appelle des « coulisses », des temps de vie pour se ressourcer, et à son binôme de découvrir la profession.

La crise des éducateurs et la raréfaction de l'offre de soins entraînent un isolement croissant des assistants familiaux. Améliorer les conditions d'exercice de leur métier va de pair avec le souci de prendre soin des enfants placés, qui ont besoin d'une attention particulière. Les solutions sont structurelles et ne sauraient reposer sur une version du « travailler plus » créant des sous-assistants familiaux !

Sécurisons le statut des assistants familiaux avec une protection sociale égalitaire, un cadre d'emploi dans la fonction publique territoriale, des structures d'accueil de jour et des possibilités de relais.

Le GEST déterminera sa position finale en fonction du sort réservé à ses amendements. (Applaudissements sur de nombreuses travées à gauche)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le RDPI propose aux agents de la fonction publique à temps partiel de cumuler leur emploi avec celui d'assistant familial, alors que le ministre Guerini veut supprimer le statut de la fonction publique et faciliter le licenciement des fonctionnaires...

M. Xavier Iacovelli.  - Vous anticipez un peu...

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - C'est ce qu'il a annoncé !

Dans le Pas-de-Calais, en six ans, ce sont 10 % de signalements en plus et 20 % d'enfants placés en plus, soit 7 200 enfants placés, alors que le nombre d'assistants familiaux est en baisse.

Même les meilleures intentions peuvent être contre-productives. Le cumul d'activités présente de nombreuses limites. Ce texte accompagne l'explosion du travail à temps partiel, qui concerne 17 % des salariés, majoritairement des femmes. Cette évolution du monde du travail n'épargne pas la fonction publique.

Le salariat à temps partiel concerne une femme sur quatre, et 31 % dans la fonction publique.

En permettant aux assistants familiaux d'exercer cumulativement un autre emploi, on fait un second job de ce qui est un métier à temps plein. Le Gouvernement devrait plutôt s'attaquer à la précarité des agents de la fonction publique en les revalorisant.

Il nous faut trouver des solutions pour que les enfants de l'ASE s'épanouissent dans une famille d'accueil et construisent une vie d'adulte. Les 88 % d'assistants familiaux employés par les départements doivent être intégrés dans la fonction publique territoriale. Les assistants familiaux attendent des garanties d'emploi stables, un statut reconnu et une rémunération juste. Les frais de déplacement pour les rendez-vous de l'enfant et les charges d'équipements en puériculture doivent être couverts, et le droit à la déconnexion garanti au moins un week-end par mois.

Ce texte ne répond pas à l'urgence du manque d'attractivité de la profession. Le groupe CRCE-K s'abstiendra. J'espère que, dans les prochaines années, les effets de ce texte seront évalués. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Guylène Pantel .  - Je remercie l'auteur de cette proposition de loi. Élue en Lozère, j'y mesure le rôle essentiel des assistants familiaux. Grâce à un flux régulier d'agréments, mon département est relativement épargné par la crise d'attractivité qui frappe dans d'autres départements et constitue un enjeu essentiel.

Force est de constater que la loi Taquet ne suffit pas. Les effectifs d'assistants familiaux diminuent chaque année de 1,4 % depuis 2017. Dans ces conditions, quel avenir pour notre système de protection de l'enfance ?

Nous sommes plutôt partisans d'une grande loi de protection de l'enfance, fixant un cap clair et ambitieux. Cette proposition de loi a toutefois le mérite de lever le frein juridique au cumul entre un emploi public et celui d'assistant familial.

Le RDSE salue cette mesure, en soulignant la nécessité de prévoir des garde-fous. Accueillir uniquement un enfant de plus de trois ans en est un premier. Les professionnels du secteur sont unanimes : chaque enfant est unique et présente des spécificités qui requièrent un suivi adapté : rendez-vous médicaux, visites médiatisées avec les parents, réunions de concertation, par exemple.

Il faut aussi un garde-fou fondamental sur la quotité de travail : un agent à temps complet ne peut pas être aussi assistant familial.

En attendant une meilleure reconnaissance pour la profession, le RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)

Mme Nadège Havet .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte est l'occasion de saluer l'engagement de M. Iacovelli en faveur de la protection de l'enfance.

Les assistants familiaux sont les acteurs premiers de la protection de l'enfance. Mais seul un jeune sur deux bénéficiant d'une mesure de placement est pris en charge par un assistant familial.

L'enjeu premier est le renouvellement des assistants familiaux, dont le nombre baisse constamment, de 1,4 % par an depuis sept ans. Or la loi de 2022 s'avère insuffisante pour redynamiser leur recrutement.

Les agents publics à temps partiel pourront cumuler leur emploi avec celui d'assistant familial. Je compte sur la ministre pour une navette rapide entre les deux assemblées.

Le statut de la fonction publique impose que l'agent se consacre entièrement à son activité. De ce fait, la profession d'assistant familial n'est pas actuellement susceptible d'être exercée à titre accessoire par un agent de la fonction publique. La commission a adopté un amendement à l'article 1er soumettant l'activité d'assistant familial à l'autorisation préalable de l'autorité hiérarchique. Elle a estimé qu'il était préférable de renvoyer à un décret l'encadrement du cumul d'activités.

Il s'agit d'encourager quantitativement les vocations, sans sacrifier la qualité de l'accompagnement. Ce texte va donc dans le bon sens. Je salue l'engagement remarquable de tous les professionnels de la protection de l'enfance, qui aident les enfants à bien grandir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Marion Canalès .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi concerne deux secteurs en proie à une crise d'attractivité : la fonction publique et la protection de l'enfance.

L'idée initiale semble simple, mais la crise de la profession d'assistant familial est complexe.

Je salue la présence dans nos tribunes de membres du comité de vigilance des enfants placés.

Le texte initial suscitait des réflexions qui ne nous auraient pas empêchés d'avancer. Mais le texte de la commission pose bien plus de questions.

L'alignement de la fonction publique sur le privé est à manipuler avec précaution, car cela revient à toucher aux lois de 1946 et 1983. Cela pourrait se concevoir si la mesure proposée avait fait ses preuves dans le privé. Or nous n'avons aucune statistique sur le cumul entre emploi privé et emploi d'assistant familial ni ses conséquences sur les enfants. Adrien Taquet avait même déclaré que ce cumul n'avait jamais vraiment été demandé par les professionnels.

Partout, les places manquent. Mais cette proposition de loi ne traite pas les causes des difficultés. C'est une parade à une situation compliquée. On entend que la profession d'assistant familial peut être une activité annexe, mais le cumul ne dégradera-t-il pas la qualité de l'accueil des enfants ?

En outre, la fonction publique peine à recruter faute d'attractivité, comme le montre le récent rapport de Cédric Vial, Catherine Di Folco et Jérôme Durain. Et nos agents du service public ne vont pas très bien.

Trois lois ont parachevé une cathédrale normative de 131 articles sur la protection de l'enfance. Nous n'avons pas besoin d'une nouvelle loi, mais d'appliquer ces réformes, en prenant tous les décrets d'application qui manquent encore à l'appel. Il faut aussi transformer les pratiques professionnelles, en intégrant les assistants familiaux à l'équipe autour de l'enfant : la loi le prévoit. Il faut aussi garantir une stabilité de l'encadrement, réduire le turn-over, sécuriser le parcours de soins des enfants, améliorer les salaires et prévoir de vrais relais.

Voter le texte de Xavier Iacovelli, pourquoi pas ? Il aurait pu répondre à des cas particuliers, même si la durée prévue de formation de 60 heures était beaucoup trop faible.

En revanche, le texte issu de la commission pose beaucoup de problèmes. La notion de temps partiel des fonctionnaires a disparu au profit de celle de temps non complet, alors que le texte de Xavier Iacovelli comportait une idée de choix -  car on se met à temps partiel, mais on est embauché à temps non complet.

Pis, vous ouvrez au temps complet, vous faites sauter le verrou des trois ans, autorisez l'accueil de plusieurs enfants et renvoyez à un décret : combien de mois l'attendrons-nous ?

Faute de personnels, faute de vocation, faute d'attractivité, est-on prêt à tout ? La crise aiguë de la protection de l'enfance, les scandales à répétition, les suicides auxquels ont été conduits certains enfants nous obligent à l'action. Faut-il accepter que des veilleurs de nuit soient embauchés ? Qu'un titulaire de Bafa encadre des jeunes ?

L'intuition initiale ayant été dévoyée par la commission, nous sommes réservés sur ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Mme Nadia Sollogoub .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 14 décembre 2021, ici même, Adrien Taquet nous proposait un renouvellement massif de l'investissement de la puissance publique dans la protection de l'enfance. Nous avions alors fait le constat que nous devions sortir d'une approche trop institutionnelle, avec pour unique boussole l'intérêt supérieur de l'enfant. Car chaque enfant est unique, chaque histoire est singulière. Par un placement dans un foyer familial, auprès de professionnels formés, nous pouvons donner de la stabilité à ces enfants.

Or les conditions de travail des assistants familiaux ne se sont pas améliorées et ils sont de moins en moins nombreux à exercer. Les difficultés ont bien été identifiées en 2021, mais elles n'ont pas été traitées. La question de l'attachement freine l'engagement : c'est dur de se séparer d'un enfant accueilli pendant trois ans !

Nous devons rendre ses lettres de noblesse à cette profession.

Notre collègue Xavier Iacovelli veut compenser une érosion démographique. Mais ce faisant, il va permettre d'accueillir des enfants dont le profil a évolué. Conservons notre idéal : placer chaque enfant auprès d'un adulte formé et bienveillant. Or les dispositions de la loi Taquet non encore en vigueur concernent justement la désignation de ces adultes - parrains, marraines, tiers de confiance, adoption...

La question de la compatibilité de ces missions exigeantes avec un emploi se pose. Mais des fonctionnaires de l'Éducation nationale, dont les horaires de travail sont compatibles avec le temps scolaire, rempliront parfaitement ces missions. J'espère, tant pour les adultes candidats que pour les enfants en souffrance, que des solutions pourront être trouvées. Faute de ressources humaines suffisantes, ne casons pas les enfants là où l'on trouve une place ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI et au banc des commissions, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Laurence Muller-Bronn .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte est une avancée : il ouvrira la profession d'assistant familial aux fonctionnaires qui exercent à temps partiel. Cela augmentera les chances d'accueil pour les enfants, permettra de diversifier le profil des assistants familiaux et répondra aux aspirations légitimes des assistants familiaux, qui sont souvent des femmes.

En tant que conseillère départementale, je me suis entretenue avec les services de la Collectivité européenne d'Alsace. Ils sont prêts à travailler avec de nouveaux profils d'assistants familiaux - ils recrutent déjà des salariés à temps partiel du secteur privé.

En Alsace, nous devons faire face à un départ massif à la retraite d'assistants familiaux : en 2022, on comptait 556 assistants familiaux sur les deux départements, cette année ils seront 122 de moins.

J'avais déposé deux amendements en collaboration avec Départements de France. L'un d'eux visait à ne pas limiter l'accueil à un enfant, afin d'accueillir des fratries. Le second amendement levait la limite des trois ans pour augmenter les chances d'accueil des plus petits. En effet, en Alsace, le nombre de bébés sans foyer est en hausse, faute de places suffisantes en crèche et en pouponnière. Résultat : des nourrissons sont maintenus à l'hôpital, victimes d'hospitalisme ! Les assistants familiaux peuvent prendre le relais le soir d'une garde assurée en crèche la journée, par exemple.

Notre collectivité départementale milite également pour la fusion de l'agrément et du recrutement.

Veillons à ce que ces éléments soient bien pris en compte dans les décrets annoncés et que les départements y soient étroitement associés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du RDPI)

Discussion des articles

Article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

I.  -  Alinéa 3

1° Au début

Insérer les mots :

S'il occupe un emploi à temps partiel,

2° Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées : 

Ce cumul est uniquement autorisé lors de périodes courtes dans le cadre d'un accueil relais, et de la constitution de binômes d'assistants familiaux. Les modalités de ce cumul sont définies par décret.

II.  -  Alinéa 4

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Ce cumul est uniquement autorisé lors de périodes courtes dans le cadre d'un accueil relais, et de la constitution de binômes d'assistants familiaux. Les modalités de ce cumul sont définies par décret.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Cet amendement, soutenu par plusieurs associations d'assistants familiaux, limite tout d'abord la possibilité de cumul de l'activité d'assistant familial aux seuls agents exerçant à temps partiel. Je ne suis pas favorable au cumul d'emploi au-delà d'un ETP et un accueil en continu exige une grande disponibilité.

Par ailleurs, cet amendement réserve le cumul de deux emplois à des périodes courtes, pour offrir un temps de répit aux assistants familiaux référents. Cela permettrait en outre l'acculturation des nouveaux entrants.

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Alinéa 3, au début

Insérer les mots :

S'il occupe un emploi à temps partiel,

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'est un amendement de repli.

Dans la version actuelle du texte, on peut être un agent administratif à temps complet et avoir une activité d'assistant familial ; on cumulerait ainsi deux ETP, si je puis dire.

La pénurie risque de conduire à lever les garde-fous. Il s'agit donc de réserver ce cumul aux agents à temps partiel.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ce cumul est uniquement autorisé lors de périodes courtes dans le cadre d'un accueil relais, et de la constitution de binômes d'assistants familiaux. Les modalités de ce cumul sont définies par décret.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Il s'agit de disposer d'une sorte de pool de relais, afin d'organiser du temps de répit pour les assistants familiaux référents. Je regrette que vous ne repreniez pas cette proposition, car votre texte est purement quantitatif, nullement qualitatif. Vous auriez ainsi montré du respect pour ce métier.

Mme Solanges Nadille, rapporteure.  - La commission a renvoyé à un décret les modalités d'encadrement du cumul d'emploi. Une définition a priori dans la loi apparaît trop rigide et risquerait d'amoindrir la portée utile de ce texte. L'intention d'organiser un accueil relais est tout à fait louable. Mais le prévoir dans la loi serait trop rigide. Le décret pourra bien sûr le préciser.

Avis défavorable sur ces trois amendements. Mme la ministre s'est engagée à prendre ce décret. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Même avis. Pourquoi distinguer salariés du privé et du public ? Dans le décret, nous poserons les règles et je me suis engagée à en discuter avec les conseils départementaux, les associations d'assistants familiaux et les usagers eux-mêmes, à savoir les enfants.

Mme Marion Canalès.  - Le temps partiel qui figurait dans la version initiale du texte avait du sens. Le temps partiel est choisi, le temps non complet est subi. Nous voterons cet amendement.

Madame la ministre, vous dites qu'il n'y a pas de raison de faire de différence entre privé et public. En ce cas, supprimons les activités accessoires et les fonctionnaires feront ce qu'ils veulent - cela sera peut-être dans le projet de loi de Stanislas Guerini...

L'idée initiale de Xavier Iacovelli était bonne. Pourquoi revenir dessus ? Maintenant, des fonctionnaires à temps complet accueilleraient plusieurs enfants, de moins de trois ans ! Nous sommes allés trop loin.

M. Xavier Iacovelli.  - Les dispositions de l'article 2 seront reprises dans un décret concerté avec les départements et les associations d'assistants familiaux. Cela fait sept ans que je travaille avec ces dernières. Elles soutiennent cette proposition de loi qui élargira les possibilités de recrutement et leur donnera un droit au répit. Je veux bien que l'on se batte pour le droit au répit, mais sans recrutement, il sera inapplicable !

Le décret permettra de fixer un cadre commun au public et au privé.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Pour les enseignants, on a des pools de remplaçants. Je reprends une suggestion des associations : constituer des pools de répit avec les quelques centaines de nouveaux assistants familiaux. Sans quoi, il n'y aura toujours pas de répit ! Je ne comprends pas votre refus.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Pour intégrer un pool d'assistants familiaux, il faut être assistant familial. Idem pour les enseignants.

Cette proposition de loi nous offre l'opportunité d'avancer. La procédure accélérée témoigne de notre bonne volonté.

L'amendement n°2 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos1 et 3.

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Alinéa 3

Remplacer le mot :

accessoire

par le mot : 

complémentaire

Mme Raymonde Poncet Monge.  - La sémantique est importante : il s'agit de remplacer le mot « accessoire » par le mot « complémentaire », le premier ayant une connotation dépréciative pour la profession. Car malheureusement, les représentations simplistes de ce métier du prendre soin, très qualifié, perdurent. Il s'agit d'un métier à part entière, et non d'une activité accessoire.

Mme Solanges Nadille, rapporteure.  - Le terme accessoire ne vise pas à déprécier le métier d'assistant familial, reconnu par un diplôme d'État. Nous avons d'ailleurs veillé en commission à ne pas créer une profession à deux vitesses. Le terme accessoire est employé par le code général de la fonction publique, avec un sens juridique précis. Avis défavorable.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Corinne Bourcier .  - Le manque d'assistants familiaux est criant. Des enfants fragiles en pâtissent. Tous les leviers doivent être utilisés pour attirer de nouveaux candidats. Cette proposition de loi le permettra.

Je salue le renvoi à un décret, qui donnera davantage de souplesse aux territoires, où les situations sont très variables. Dans le Maine-et-Loire, l'ASE suit 2 983 enfants, mais beaucoup attendent une place. Il est urgent de les aider.

Adoptons le dispositif simple et efficace introduit par le texte. Ce n'est pas une révolution, certes, mais c'est déjà un pas.

Le groupe INDEP votera cette proposition de loi.

Mme Monique Lubin .  - Je ne comprends pas pourquoi la première version du texte, intéressante, a été remise en question.

Certains arguments m'étonnent. Lorsque j'entends qu'un enfant placé dans une famille où le parent d'accueil travaille dans la fonction publique va acquérir la valeur travail, comme la rapporteure l'a dit, que cela signifie-t-il ? Qu'un enfant placé dans une famille où le métier d'assistant familial est le seul emploi n'acquerra pas cette valeur ?

De même, entendre dire que certains fonctionnaires travaillent moins que d'autres et que les enseignants pourraient être intéressés par le métier d'assistant familial me surprend.

Je réfute ces arguments, simplistes, voire dangereux.

Si nous manquons d'assistants familiaux, c'est parce que le métier est peu valorisé, que les rémunérations sont insuffisantes, et que les familles d'accueil sont démunies face aux difficultés de ces enfants. C'est sur ces problèmes-là que nous devons travailler.

Le renvoi à un décret finit de semer le doute, tant les décrets jamais publiés sont nombreux.

M. Xavier Iacovelli .  - Je remercie tous ceux qui ont défendu cette proposition de loi, petite brique dans la protection de l'enfance, qui contribuera à augmenter le nombre d'assistants familiaux.

Il reste un chantier à mener sur le temps consacré en journée au métier d'assistant familial. Les visites médiatisées, les rendez-vous médicaux et les rendez-vous ASE ne doivent pas se faire sur le temps scolaire. Quelque 70 % des enfants pris en charge par l'ASE sortent de leur parcours sans diplôme et seuls 13 % des enfants de l'ASE obtiennent le brevet, contre 80 % des enfants hors ASE. Le temps scolaire doit être sanctuarisé.

Le chantier de l'attractivité du métier d'assistant familial reste aussi à mener. Madame la ministre, vous vous êtes engagée à ouvrir une concertation avec les parties prenantes. J'espère que nous serons nombreux à suivre ces travaux.

Nous ne parlons pas assez de la protection de l'enfance. Je vous invite à soutenir ma proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants. C'est indispensable. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Corinne Bourcier applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - C'est vrai !

Mme Marion Canalès .  - On nous a dit qu'il fallait aligner le public sur le privé. Mais être fonctionnaire, ce n'est pas être salarié de droit privé ! On n'est pas obligé de tendre vers l'équité !

L'exposé des motifs de la proposition de loi avoue à demi-mot qu'il s'agit aussi de trouver une meilleure stabilité économique. Le péché originel est aussi dans le manque de reconnaissance et de rémunération des assistants familiaux.

Le texte initial aurait pu nous convenir, mais en faisant sauter tous les verrous, en permettant le cumul avec un emploi à temps complet, l'accueil de plusieurs enfants...

M. Xavier Iacovelli.  - Non, personne n'a dit cela !

Mme Marion Canalès.  - ... vous semez le doute. Comme l'a dit Monique Lubin, les décrets d'application de la loi Taquet se font encore attendre deux ans et demi après le vote de la loi... Et ce décret sera monstrueux.

Nous nous abstiendrons.

Mme Catherine Conconne .  - Je remercie mon groupe de m'accorder le statut de non-alignée ce soir... Sans avoir le monopole du coeur, je recherche toujours l'intérêt de l'enfant. Or un enfant est toujours mieux en famille qu'en foyer.

Ouvrons le champ des possibles.

Si l'on n'a pas de coeur, si l'on n'aime pas les gens, on ne fait pas ça. (M. Jean-Baptiste Lemoyne le confirme.) Il y a une part de tendresse, d'amour, osons le mot, dans ce métier qui n'est pas vraiment un métier.

On a dit que les enfants des parents fonctionnaires ne seraient pas bien éduqués parce que ces derniers n'auraient pas le temps de s'occuper d'eux. La fonction publique n'est pas une succursale du musée Grévin. Elle n'a jamais cessé d'évoluer ! La preuve : les fonctionnaires peuvent faire de la politique aujourd'hui, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Des dizaines et des dizaines d'enfants de mon pays sont en attente d'une place dans une famille, pour retrouver de l'amour. Si cela peut être offert par des fonctionnaires, tant mieux pour les enfants. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Marie-Do Aeschlimann .  - Le groupe Les Républicains votera pour cette proposition de loi.

M. Iacovelli et moi-même sommes élus dans le même département, les Hauts-de-Seine.

L'accueil familial est un devoir de solidarité, de fraternité à l'endroit d'enfants qui n'ont pas eu la chance de grandir dans des familles, auprès de leurs parents biologiques. Nous leur devons une attention particulière.

Assistant familial, ce n'est pas seulement un métier. C'est une vocation, et peut-être aussi une façon de prolonger sa mission parentale.

La proposition de loi est un pas important, qui ne règle certes pas tous les problèmes, mais certains. Les conditions d'attractivité de cet emploi sont importantes, notamment la rémunération. Dans les Hauts-de-Seine, le nombre d'enfants accueillis par l'ASE a été divisé par deux en six ans, et deux primes ont été créées pour améliorer l'attractivité du métier.

Merci pour ce texte, pour tous les enfants qui en bénéficieront. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Le GEST s'abstiendra. Vous avez dit que si un assistant familial a un autre métier, agent administratif par exemple, cela mettra l'enfant dans une « situation de normalité ». C'est dingue d'entendre cela !

Avant d'être une vocation, assistant familial, c'est un métier. Ces femmes travaillent, elles ont une formation. On demande d'ailleurs pour elles un statut et un cadre d'emploi. Si vous voulez que ce métier soit attractif, parlez un peu moins de vocation, et davantage de métier.

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Je remercie Xavier Iacovelli, auteur de cette proposition de loi, sur laquelle nous nous abstiendrons. Je connais son engagement en faveur de l'enfance, sujet qui nous interpelle tous.

Aucun département ne va mieux qu'un autre dans ce domaine, la situation étant liée aux départs en retraite à venir. Nous essayons tous de trouver des solutions.

Je refuse cependant l'idée selon laquelle il y aurait ceux qui ont du coeur et ceux qui n'en ont pas. Ces propos injustes me dérangent.

Nous nous abstiendrons parce que la proposition de loi ne va pas assez loin. L'État se défausse sur les départements en ne présentant pas un projet global sur l'ASE.

Oui, nos enfants ont besoin d'être protégés. Oui, les assistants familiaux ont besoin d'un statut et d'une rémunération à la hauteur. Mais, parce que cette question n'est pas abordée dans sa globalité, nous nous abstiendrons.

À la demande du RDPI, l'article 1er constituant l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°205 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 247
Pour l'adoption 246
Contre     1

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDPI et du groupe INDEP)

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales.  - Je salue l'initiative de M. Iacovelli et du groupe RDPI, et félicite notre rapporteure, dont c'était le premier grand dossier. (Applaudissements)

Madame la ministre, nous avons noté les engagements que vous avez pris pour la rédaction rapide du décret et les consultations avec les parties prenantes. Vous avez entendu les attentes exprimées. Nous comptons sur vous.

Il s'agissait, une fois encore, d'une proposition de loi. Nous attendons toujours l'initiative gouvernementale sur ce sujet fondamental qu'est la protection de l'enfance, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.)

La séance est suspendue à 20 h 20.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

La séance reprend à 22 heures.