Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Demande de priorité

Financement des entreprises et attractivité de la France (Conclusions de la CMP)

M. Jean-François Husson, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la CMP

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation

Discussion du texte élaboré par la CMP

Article 2

M. Louis Vogel

Article 13

Vote sur l'ensemble

M. Thomas Dossus

M. Pascal Savoldelli

M. Michel Masset

M. Bernard Buis

Mme Florence Blatrix Contat

Mme Marie-Claire Carrère-Gée

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Michel Canévet

Ingérences étrangères en France (Conclusions de la CMP)

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat de la CMP

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

Discussion du texte élaboré par la CMP

Article 1er

Article 1er bis A

Article 4

Article 5 (Pour coordination)

Vote sur l'ensemble

M. Pascal Savoldelli

M. Raphaël Daubet

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Rachid Temal

M. François-Noël Buffet

Mme Vanina Paoli-Gagin

Mme Nathalie Goulet

M. Jacques Fernique

Ordonnance de protection (Conclusions de la CMP)

Mme Dominique Vérien, rapporteure pour le Sénat de la CMP

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Nathalie Delattre

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Laurence Harribey

Mme Elsa Schalck

Mme Laure Darcos

Mme Olivia Richard

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Marie-Claude Varaillas

Simplification de la vie économique (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission spéciale

M. Yves Bleunven, rapporteur de la commission spéciale

Mme Nadège Havet

M. Michaël Weber

M. Rémy Pointereau

M. Jean-Luc Brault

M. Michel Canévet

M. Thomas Dossus

M. Pierre Barros

M. Michel Masset

Mme Audrey Linkenheld

Mme Patricia Demas

Mme Anne-Sophie Romagny

M. Hervé Reynaud

Discussion des articles

Article 4 (Appelé en priorité)

Après l'article 4 (Appelé en priorité)

Ordre du jour du mardi 4 juin 2024




SÉANCE

du lundi 3 juin 2024

92e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président

Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Patricia Schillinger

La séance est ouverte à 17 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Demande de priorité

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.  - Dans le cadre de l'examen en séance publique à venir du projet de loi relatif à la simplification de la vie économique, le Gouvernement souhaiterait, conformément à l'article 44, alinéa 6 du règlement, que soient examinés en priorité les articles 4 à 14, puis 24 A à 29 et les amendements portant articles additionnels qui s'y rapportent, avant l'article 1er, ainsi que les articles 17 puis 22 et 23 ainsi que les additionnels qui s'y rapportent, avant l'article 16.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission spéciale.  - La commission spéciale y est favorable.

La priorité est ordonnée.

Financement des entreprises et attractivité de la France (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France.

M. Jean-François Husson, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - Je souligne l'efficacité du travail parlementaire : ce n'est pas tous les matins que, quelques semaines après l'examen en première lecture, nous abordons celui des conclusions de la CMP.

Ce texte pourrait avoir un effet concret sur l'attractivité de la place de Paris et, dans une moindre mesure, sur la vie des entreprises. Ce n'est pas souvent que nous travaillons sur ces sujets, et nous regrettons que la proposition de loi d'Alexandre Holroyd ne traite pas de la régulation.

Une place bien régulée est un facteur d'attractivité. Le Sénat y travaille depuis des années. Il reste regrettable que le Gouvernement semble y porter un moindre intérêt...

Nos travaux ont été guidés par la double exigence de préserver l'équilibre entre l'attractivité financière de la place de Paris et orienter les financements vers les PME et les ETI. L'assouplissement des critères d'éligibilité au PEA-PME en est la preuve.

La commission des lois et son rapporteur, Louis Vogel, ont aussi amélioré le texte. Le Sénat a ainsi pleinement soutenu la création d'actions à droits de vote multiples et facilité le fonctionnement dématérialisé des organes sociaux dans des conditions sécurisées.

Comme Albéric de Montgolfier, je remercie l'auteur de la proposition de loi et son rapporteur à l'Assemblée, Alexandre Holroyd, pour la qualité de nos échanges. Les apports du Sénat sont conservés, pour favoriser le financement des entreprises ou la place des actionnaires minoritaires.

Le Sénat a précisé le champ de l'habilitation demandée par le Gouvernement pour légiférer par ordonnance afin de revoir le cadre juridique des organismes de placement collectif (OPC), ce que retient la CMP. Convenez, madame la ministre, que le champ initial était bien trop large. Nous sortons ainsi du principe selon lequel le Parlement devrait tout accepter.

Sur les indemnités de licenciement des traders, les dispositions votées sont essentielles pour l'attractivité de la place de Paris.

Je vous invite à voter les conclusions de la CMP. (MM. Roger Karoutchi, Louis Vogel et Bernard Buis applaudissent.)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation .  - Pour développer une entreprise, l'énergie de nos entrepreneurs et de leurs salariés ne suffit pas toujours. Il faut aussi un financement abondant, accessible, des procédures adaptées, un cadre simple - en somme, un environnement attractif. Nous y travaillons depuis des années. Le projet de loi de simplification de la vie économique, que nous examinerons ce soir, s'inscrit dans cette ligne.

Le texte d'Alexandre Holroyd simplifie et facilite le financement des entreprises. Le travail de la commission des finances du Sénat a été précieux pour consolider le texte. Je salue le travail d'Albéric de Montgolfier et de Jean-François Husson.

L'accord trouvé en CMP montre que, lorsque l'essentiel est en jeu, les parlementaires savent travailler ensemble de manière constructive et rapide, pour citer Jean-François Husson.

Le PEA-PME financera davantage d'entreprises, plus facilement, puisque la valorisation maximale des entreprises éligibles sera portée à 2 milliards d'euros. Les critères d'éligibilité seront simplifiés.

L'investissement de l'épargne salariale, via les fonds communs de placement d'entreprise (FCPE), sera élargi, au bénéfice des PME.

Le régime des actions fractionnées sera en outre introduit en droit français, permettant de placer de petits montants.

Les droits des actionnaires seront renforcés par la procédure d'examen accélérée au tribunal de commerce : en cas de désaccord entre actionnaires et conseil d'administration, une résolution sera inscrite à l'ordre du jour afin de trancher en amont de l'assemblée générale.

Les rapporteurs du texte, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, ont souhaité faciliter la relocalisation en France de certains emplois financiers. Les plafonds de l'ordonnance travail de 2017 seront applicables aux indemnités de licenciement des traders.

Gain de compétitivité et simplicité, voilà ce qu'apporte le texte.

Avec les actions à droits de vote multiples, les entrepreneurs pourront faire le choix de la France et conserver leur siège social en France.

Je vous remercie, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, pour cet accord rapide. Quand certains, à l'extrême droite, misaient sur le seul financement familial et que d'autres, à l'extrême gauche, comptaient uniquement sur les banques - en attestent les comptes rendus des séances de l'Assemblée nationale -, je salue le point d'équilibre trouvé au service du financement de nos entreprises. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Louis Vogel et Michel Canévet applaudissent également.)

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement, puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.

Article 2

M. Louis Vogel .  - Au-delà de ces deux amendements, je salue cette proposition de loi et remercie les parties prenantes de leur travail : l'auteur du texte, Alexandre Holroyd, les membres des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat et de la commission des lois du Sénat, ainsi qu'Albéric de Montgolfier, rapporteur sur le fond.

La plupart des apports de la commission des lois ont été retenus en CMP, ce dont je me félicite. À l'article 1er, nous avons complété les catégories de résolution pour lesquelles les droits de vote multiples ne s'appliqueront pas.

De même, à l'article 10, le droit pour tout membre de conseil d'administration de s'opposer à une procédure de consultation écrite est une garantie raisonnable dans la mesure où le dispositif du Sénat s'applique à l'ensemble des sociétés anonymes.

Ce texte nous permettra d'attirer de nouvelles entreprises et surtout d'empêcher le départ de certaines vers des places plus agressives. Nous avons renforcé notre attractivité, tout en trouvant un équilibre entre droits des actionnaires et des investisseurs et protection des entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 17

Rédiger ainsi cet alinéa :

- à la seconde phrase, les mots : « mentionnés au b du V ci-dessus » sont remplacés par les mots : « relevant des paragraphes 1, 2 et 6 de la sous-section 2, du sous-paragraphe 1 du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 de la sous-section 3 de la présente section ».

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Il s'agit d'un amendement de coordination. En effet, la suppression, par la CMP, du b du V de l'article 214-164 du code monétaire et financier crée une insécurité juridique. Nous proposons de la corriger, en accord avec l'Autorité des marchés financiers (AMF).

M. Jean-François Husson, au nom de la CMP.  - Je rends un avis favorable à titre personnel, la commission n'ayant pu se réunir.

L'amendement n°1 est adopté.

Article 13

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 39

Remplacer les mots :

douzième ligne

par les mots :

treizième ligne

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Rédactionnel.

M. Jean-François Husson, au nom de la CMP.  - Avis favorable à titre personnel.

L'amendement n°2 est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Pascal Savoldelli applaudit également.) Cette proposition de loi, portée en réalité par le Gouvernement pour se passer d'une étude d'impact, est présentée comme indispensable. Derrière ce discours lénifiant se cache une vision jusqu'au-boutiste de la financiarisation de l'économie, qui nous a pourtant conduits plusieurs fois dans le mur...

Les actions à droits de vote multiples, censées faciliter la levée de capitaux, risquent en réalité de concentrer le pouvoir entre les mains de quelques-uns, mettant fin au principe de « un homme, une voix ». Mais la course entre les places financières justifie tout...

L'assouplissement des règles d'augmentation du capital et la dématérialisation des titres transférables visent à accélérer les mouvements de capitaux, sans songer aux enjeux sociaux et environnementaux, de même que le traitement des indemnités de licenciement des traders est minime par rapport à la philosophie du texte, qui est aveugle quant à la nécessaire place de la transition écologique dans les investissements.

Les travailleurs sont réduits à de simples ressources humaines et, comme les limites planétaires, sont éliminés de l'équation. Le Gouvernement semble prêt à tout sacrifier sur l'autel de la financiarisation à outrance !

La liquidité des marchés et la disponibilité des marchés figurent en queue de classement du baromètre EY (Ernst & Young) sur les critères d'attractivité de la France, contrairement aux infrastructures ou à la stabilité du cadre réglementaire. Mais de cela, il n'est pas question aujourd'hui !

Nous devons faire un choix de société : une économie au service des hommes, ou au service des marchés ? La proposition de loi y répond. Mon groupe votera contre un texte qui ne répond ni aux besoins des citoyens ni à ceux de la planète. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

M. Pascal Savoldelli .  - (M. Akli Mellouli applaudit.) Rappelons deux faits : Paris est devenue la première place financière de l'Union européenne et la France et les métropoles sont plus attractives pour les investissements étrangers. Voilà qui rassure !

Mais nous sommes rattrapés par l'actualité. L'agence ultralibérale Standard & Poor's - je le dis en français -, en service commandé, a dégradé la note de la France, jeu de dupes qui justifiera encore le rationnement des services publics. (Mme Olivia Grégoire le réfute.)

Il faudrait aller encore plus loin dans la déréglementation : une action ne vaudrait plus une voix, mais vingt-cinq ! C'est soumettre encore davantage l'économie réelle au pouvoir de la finance.

Cette proposition de loi renforcera-t-elle la démocratie en entreprise ? La réponse est non !

Toutes nos propositions ont été rejetées. Permettre aux travailleurs, par le biais du comité social et économique (CSE), de s'opposer à une introduction en bourse ou à une ouverture du capital ? Pas retenue. Réserver les droits de vote multiples aux seuls salariés ? Pas retenue. Proposer aux salariés la moitié des titres lors d'une ouverture au capital ? Pas retenue non plus ! Or il n'y a pas d'entreprise sans travailleurs.

Les entreprises protègent leurs actionnaires en versant 100 milliards d'euros de dividendes, plus du double qu'en 2012 : c'est ce qu'on appelle le coût du capital !

Augustin Landier et David Thesmar, en 2005, affirmaient que les mutations du capitalisme faisaient peser sur les salariés des risques dont ils étaient jusque-là protégés. Total Énergies est caricatural : sur 21 milliards d'euros de bénéfice net, 9 milliards de rachats d'actions et 7,79 milliards d'euros de dividendes, soit 70 % pour les actionnaires !

Le transfert de sa cotation principale serait abandonné ? Mais le Gouvernement ne doit accepter aucun chantage ! La fermeté, madame la ministre, rien que la fermeté face à ceux qui menacent de quitter la France !

Roland Lescure a dit que le secteur financier n'était pas une fin en soi, mais au service de l'économie. Belle citation, mais c'est une fable ! La sphère financière est décorrélée de la sphère productive : voyez la volatilité des valorisations boursières.

Où sont passées les PME dans cette proposition de loi ? Quelles mesures les concernent ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Les droits de vote multiples !

M. Pascal Savoldelli.  - Il n'y en a que pour les gros.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - C'est faux !

M. Pascal Savoldelli.  - En revenant sur les principes du droit financier, ce texte est contre-productif : par exemple, en dérogeant au droit de préférence ou en favorisant la publicité commerciale aux personnes physiques étrangères.

Les risques sont multiples : éviction des PME et ETI non cotées ; une épargne française qui quitte le territoire ; concurrence exacerbée entre anciens et nouveaux actionnaires. Permettre par ordonnance - vous en êtes fière, madame la ministre - aux citoyens d'acheter des quarts voire des dixièmes d'actions est révélateur de l'esprit du texte : consacrer chaque centime à la finance. Le groupe CRCE-K s'y opposera. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Bernard Buis applaudit également.) L'accord en CMP sur ce texte faisait peu de doute. Si ce texte passe inaperçu aux yeux de la presse généraliste - pas de la presse spécialisée -, il comporte des mesures non négligeables pour le financement des entreprises.

L'utilisation de l'initiative parlementaire pour traduire des annonces gouvernementales peut soulever des questions.

Contrairement à son intitulé, le texte porte sur l'attractivité financière et bancaire, non sur l'économie en général. La volonté est de tirer le meilleur parti des effets du Brexit, dans la bataille avec les autres places européennes -  Francfort, Amsterdam, Luxembourg.

Un objectif affiché est de renforcer le financement des PME et ETI par les marchés tout en leur offrant des garanties. Le mix de financement doit préserver leur identité, mais il est vrai que le financement des marchés est peu développé en France par rapport aux pays anglo-saxons. Mais ne nous jetons pas à corps perdu dans les modes de financement risqués et ne négligeons pas les droits des actionnaires minoritaires.

Je souligne que la version retenue en CMP circonscrit les actions de préférence à certaines sociétés et retient une hausse du seuil de capitalisation pour l'éligibilité au PEA-PME.

Une disposition adoptée au Sénat lève le blocage sur les autorités étrangères de supervision. La dématérialisation des assemblées générales d'actionnaires va dans le sens de l'histoire, même si elle soulève des enjeux de cybersécurité.

Plusieurs mesures seront prises par ordonnance, dont la réforme des OPC. Le Parlement devra les ratifier.

Cette proposition de loi doit répondre aux besoins d'investissement dans la transition écologique, l'industrie de défense et la transition numérique. Cela ne pourra pas se faire sans mobiliser l'épargne. Espérons des retombées positives en termes d'emplois, et pas seulement à Paris.

Ce texte nous semble aller dans le bon sens. En dépit des points de vigilance évoqués, le RDSE le votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)

M. Bernard Buis .  - Les jeux Olympiques débuteront dans cinquante-trois jours, mais la France a déjà gagné la médaille de l'attractivité en Europe.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Médaille d'or !

M. Bernard Buis.  - C'est le fruit d'un travail de longue haleine.

Notre pays a su tirer son épingle du jeu après le Brexit. Paris a pris la tête en Europe aussi bien pour la capitalisation boursière que pour les investissements étrangers. Nous sommes désormais en concurrence avec Amsterdam, qui offre des réglementations plus souples que Paris. Il faut donc aller plus loin.

Je me réjouis donc des conclusions de cette CMP, qui conservent de nombreux apports du Sénat, comme le délai de recours d'une décision de l'AMF, de cinq mois pour les cas complexes, et trois mois sinon.

Le plafonnement des indemnités des preneurs de risques est restreint aux seuls traders pour des licenciements sans cause réelle ni sérieuse. Il porte désormais sur les rémunérations servant au calcul des indemnités, tenant compte de l'ancienneté.

Le champ d'habilitation du Gouvernement à prendre des ordonnances a été précisé. Nous serons attentifs à leur contenu.

Le nombre d'entreprises éligibles aux fonds communs de placement à risque (FCPR) augmente de 21 %, soit autant de retombées pour nos emplois.

Pour que la réindustrialisation devienne chaque jour une réalité retrouvée, notre groupe votera le texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Michel Canévet applaudit également.)

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les réserves du groupe SER n'ont pas été levées en CMP : cette proposition de loi répond de façon insatisfaisante au sous-financement de nos entreprises à forte croissance, notamment les start-up.

Sur la forme, nous avons dû nous contenter d'une proposition de loi qui nous prive d'une étude d'impact et d'un avis du Conseil d'État, au détriment de la qualité des débats.

Sur le fond, nous partageons le constat, mais pas les réponses. Les épargnants se méfient des marchés financiers, ce qui freine notre économie. Mais, en retour, vous appliquez toujours les mêmes recettes de dérégulation, vous alignant sur Amsterdam. Au contraire, la régulation est un gage de sécurité pour les investisseurs. Nous regrettons que cette proposition de loi ne l'aborde guère, comme l'a fait observer Jean-François Husson.

Nous doutons de l'efficacité de ce texte, en dépit des apports des rapporteurs. L'article 1er, relatif aux actions à droits de vote multiples, concentre nos inquiétudes. Nous aurions préféré, comme l'AMF, les limiter à dix plutôt que vingt-cinq - qui permet le contrôle de la société avec 4 % des actions -, tout en les réservant aux dirigeants. (Mme Olivia Grégoire s'en émeut.)

Un autre motif de regret est lié aux FCPR : nous craignons que le relèvement du seuil de capitalisation par l'article 2, de 150 à 500 millions d'euros, ne favorise que les grandes entreprises.

Nous saluons l'adoption d'amendements de notre groupe facilitant l'accès au financement des sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) et renforçant le financement des sociétés coopératives participatives (Scop). Ces deux avancées étaient attendues par les acteurs de l'économie sociale et solidaire.

En revanche, nous regrettons les habilitations à légiférer par ordonnance sur le cadre des OPC.

Compte tenu de ces fortes réserves, nous nous opposerons à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée .  - L'Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à un accord : je m'en réjouis, même si le texte est modeste.

La mesure principale est la mise en place de droits de vote multiples, disposition qui existe aux États-Unis. Le Sénat a encadré le dispositif en garantissant les droits des actionnaires. Les droits de vote seront limités à vingt-cinq sur les plateformes multilatérales de négociation, mais illimités sur les marchés réglementés.

Nous saluons l'assouplissement des critères d'éligibilité des entreprises au PEA-PME, sous-utilisé, ainsi que le renforcement de la consultation dématérialisée des organes sociaux et la dématérialisation des titres transférables.

Le Sénat a tenu à réduire la durée et à préciser le champ de l'habilitation du Gouvernement à réviser par ordonnance le cadre juridique des OPC. Il est fâcheux que les ordonnances soient devenues le premier mécanisme d'adoption de la loi, avec un record sous le premier quinquennat Macron, alors que leur usage avait déjà doublé sous Hollande, une évolution dangereuse que rien ne justifie.

La CMP ayant conservé l'essentiel des précisions et garde-fous introduits par le Sénat, le groupe Les Républicains votera ce texte. Mais enfin ! Comment croire que ces quelques mesures techniques suffiront à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France ?

Si le Gouvernement avait opté pour un projet de loi au lieu de cette proposition de loi téléguidée, nul doute que l'étude d'impact aurait mis en évidence le caractère maigrelet des mesures proposées. Le défaut d'attractivité de la France tient d'abord au manque d'épargne longue pour financer les entreprises et l'innovation : c'est l'enjeu de la démocratisation du capital investissement. Il tient aussi au manque de crédibilité de nos politiques économiques et budgétaires, sanctionné il y a quelques heures par Standard & Poor's.

Nous voterons ce texte, mais demeurons frustrés que si peu soit fait pour améliorer le financement de nos entreprises et renforcer l'attractivité de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également.) La prospérité d'une nation dépend de sa capacité à mettre la science au service de l'industrie et son appareil productif au service de sa vision stratégique. Une industrie qui ne se nourrit pas d'innovation se condamne à la sous-traitance, et une économie de la sous-traitance est vulnérable et à faible valeur ajoutée.

M. Jean-François Husson, au nom de la CMP.  - C'est un bon début ! (Sourires)

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Inversement, si la science ignore l'industrie, si notre écosystème de recherche n'est pas tourné vers le développement de nouveaux produits ou services, la France continuera à fournir au monde, grâce à sa science financée sur deniers publics, des découvertes exploitées ailleurs...

Ce phénomène explique l'effondrement de notre balance commerciale : excédentaire de 20 milliards d'euros en 2000, elle présentait en 2022 un déficit record de 164 milliards d'euros. À l'instar de la batterie lithium - dont nous avions l'antériorité sur le plan scientifique grâce au CNRS, mais brevetée par les Américains et industrialisée par eux et par la Chine - nous finissons par importer des produits issus de notre propre recherche, mais que nous n'avons pas su exploiter.

Pour enrayer cette mécanique infernale, le Gouvernement a engagé une politique volontariste de réindustrialisation. Élue d'un territoire, l'Aube, qui a souffert des délocalisations, j'y vois la mère des batailles.

Mon rapport d'information sur la recherche-développement identifie le maillon faible de notre chaîne de l'innovation : le financement. Renforcer nos capacités de financement pour permettre à nos entreprises, singulièrement nos PME et start-up, de développer des solutions industrielles de rupture est un enjeu stratégique. Car lorsqu'une start-up industrielle ne trouve pas en France le financement nécessaire, c'est l'ensemble de la chaîne de valeur qui nous échappe - et ce sont les États-Unis, le Canada, la Chine ou l'Inde qui tirent profit des deniers publics français investis pour l'innovation.

Cette proposition de loi s'inscrit dans cette logique. Elle est technique, mais c'est dans les mécanismes financiers que se joue, pour une large part, notre destin industriel. Le groupe INDEP la votera et salue le travail des rapporteurs.

Deux mesures issues d'amendements de notre groupe ont été conservées : l'éligibilité des bons de souscription d'actions au PEA, très attendue par les business angels et investisseurs, et celle des sociétés de capital-risque au PEA-PME, à l'assurance vie et au plan d'épargne retraite. Il s'agit de drainer l'épargne des Français vers le financement de l'innovation, en s'inspirant du cercle vertueux californien.

D'apparence austère, ce texte marque une étape sur le chemin d'une France plus prospère. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. Michel Canévet .  - (Mme Nathalie Goulet encourage l'orateur.) Le groupe UC se félicite de l'accord intervenu en CMP sur ce texte issu de l'Assemblée nationale, mais sérieusement retravaillé au Sénat sous l'égide d'Albéric de Montgolfier et Louis Vogel.

L'enjeu est majeur. Si le texte ne marque pas un grand soir, la politique des petits pas permet d'avancer. Ne boudons pas notre plaisir de voir se poursuivre la politique menée en faveur de la compétitivité.

Voilà cinq ans, Jean-François Husson était rapporteur de la loi Pacte et vous-même, madame la ministre, présidente de la commission spéciale à l'Assemblée nationale. Beaucoup a été fait pour favoriser le développement des entreprises, comme le prélèvement forfaitaire unique à 30 %. Il est important d'avoir une politique fiscale identifiable et stable. C'est vrai notamment pour l'impôt sur les sociétés, dont le niveau a été opportunément aligné sur celui des autres grands pays développés.

À la suite du Brexit, le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts pour faire de Paris la première place financière en Europe, alors que d'autres capitales européennes cherchent à nous supplanter. L'AMF fait un excellent travail, avec pertinence et agilité ; c'est un atout.

Le texte aligne dans plusieurs domaines notre droit sur celui d'autres pays afin de simplifier la vie des entreprises, notamment en matière de dématérialisation - je pense aux assemblées générales ou à certains titres. Le gain de temps sera facteur d'efficacité.

Je me félicite du maintien des apports du Sénat en faveur des preneurs de risque.

Le groupe UC votera ce texte qui facilitera l'investissement dans les entreprises et les rendra plus compétitives. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et du RDPI ; M. Roger Karoutchi applaudit également.)

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.

Ingérences étrangères en France (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France.

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je me réjouis de l'accord trouvé en CMP sur cette proposition de loi dont le parcours législatif aura été particulièrement rapide. C'est heureux, au regard des lacunes de notre droit que ce texte vient compléter.

Les objectifs sont largement partagés, et le texte issu de la CMP est équilibré et raisonnable.

Le Sénat avait repris les recommandations du rapport de la délégation parlementaire au renseignement : création d'un registre des activités d'influence étrangère sur le modèle du Foreign Agents Registration Act (Fara) américain, amélioration de l'information du Parlement, expérimentation de l'extension à deux nouvelles finalités de la technique dite de l'algorithme, élargissement aux ingérences étrangères du gel des avoirs.

Nous avons trouvé un compromis sur les trois points de divergence avec l'Assemblée nationale.

D'abord, nous voulions autonomiser le nouveau registre par rapport au registre relatif aux conflits d'intérêts et reporter son entrée en vigueur au 31 décembre 2025, pour laisser aux acteurs le temps de s'adapter. Les députés ont entendu nos arguments sur l'étanchéité des registres et nous nous sommes entendus pour l'appliquer au 1er juillet 2025.

Ensuite, nous avions limité à des finalités préventives les mesures de gel des avoirs, par crainte d'une censure constitutionnelle. Nous avons maintenu cette restriction en acceptant un élargissement du champ des comportements visés.

Enfin, la CMP a conservé les apports du Sénat : contrôle des mobilités public-privé par la HATVP étendu aux risques d'influence étrangère pour les anciens membres du Gouvernement et anciens exécutifs locaux et instauration d'un débat annuel au Parlement sur l'intelligence économique, mesure issue d'un amendement de Jean-Baptiste Lemoyne, sous-amendé par Sophie Primas, qui traduisait une recommandation de la mission sénatoriale sur l'intelligence économique.

Je vous invite à adopter ce texte de compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI ; M. Claude Malhuret applaudit également.)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Veuillez excuser Jean-Noël Barrot, retenu par des engagements diplomatiques.

Je salue le travail mené par le Parlement, singulièrement le Sénat, sur la lutte contre les ingérences étrangères. Je remercie en particulier Mme Canayer et M. Malhuret. Je me félicite aussi des travaux de votre commission d'enquête, présidée par Dominique de Legge et dont Rachid Temal est rapporteur.

La manipulation de l'information menace nos démocraties. Les citoyens sont noyés de fausses informations qui se propagent à toute vitesse. La prime à la radicalité en sort gagnante. Les adversaires de la démocratie ont compris que ces fausses informations sont des armes et n'hésitent pas à les utiliser pour influencer les processus électoraux. Il est essentiel d'agir contre ces ingérences.

Le Gouvernement s'y emploie depuis des années. Dès 2018, nous avons fait adopter une loi contre la manipulation d'informations qui élargit les pouvoirs de modération de l'Arcom. Créée en 2021, Viginum a permis de mettre au jour l'opération russe Portal Kombat et d'identifier plus de deux cents sites internet créés pour diffuser de fausses informations avant les élections européennes. À l'échelle européenne, le règlement DSA a été voté, ainsi que l'IA Act, qui impose aux logiciels de deepfakes d'identifier les contenus artificiellement générés ou manipulés.

Ce texte va plus loin encore pour renforcer la protection de nos concitoyens. L'article 1er crée un répertoire destiné à retracer les activités d'influence menées pour le compte d'un État étranger, sous l'autorité de la HATVP. L'article 4 permet à nos services de renseignement de mobiliser des outils algorithmiques au service de la défense nationale, de la prévention des ingérences étrangères et de l'exécution des engagements de la France. Le Gouvernement salue le doublement par le Sénat des peines en cas d'atteinte aux biens ou aux personnes commises pour le compte d'une puissance étrangère.

Le Gouvernement a déposé des amendements rédactionnels, que, j'espère, vous approuverez, ainsi que l'ensemble du texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Claude Malhuret applaudit également.)

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois.  - Je demande une brève suspension pour permettre à la commission d'examiner les amendements du Gouvernement.

La séance, suspendue à 18 h 10, reprend à 18 h 20.

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement, puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 45, deuxième phrase

Remplacer les mots :

du I

par les mots :

de la présente section

II.  -  Alinéa 66

Remplacer la deuxième occurrence de la référence :

18-17

par la référence :

18-16

L'amendement rédactionnel n°1 rectifié, accepté par la commission, est adopté.

Article 1er bis A

Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

au même article 18-12-1

par les mots :

au I bis de l'article 18-13

L'amendement rédactionnel n°2, accepté par la commission, est adopté.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par huit alinéas ainsi rédigés : 

4° A l'article L. 562-5, après les mots : « L. 562-2, », sont insérés les mots : « L. 562-2-1, » ;

5° A l'article L. 562-7, après les mots : « L. 562-2, », sont insérés les mots : « L. 562-2-1 » ;

6° Au premier alinéa de l'article L. 562-8, après les mots : « L. 562-2, », sont insérés les mots : « L. 562-2-1, » ;

7° Au premier alinéa de l'article L. 562-9, après les mots : « L. 562-2 », sont insérés les mots : «, L. 562-2-1 » ;

8° Le premier alinéa de l'article L. 562-11 est ainsi modifié :

a) Les mots : « de l'article » sont remplacés par les mots : « des articles » ;

b) Après les mots : « L. 562-2 », sont insérés les mots : « et L. 562-2-1 ». 

II.- Au deuxième alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, après le mot : « terrorisme », sont insérés les mots : « ou des actes d'ingérence ».

L'amendement de coordination n°4, accepté par la commission, est adopté.

Article 5 (Pour coordination)

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

I.  -  La deuxième ligne du tableau du deuxième alinéa du I de l'article L. 775-37 du code monétaire et financier est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :

« 

L. 562-1

la loi n°       du       visant à prévenir les ingérences étrangères en France

L. 562-2

l'ordonnance n° 2016-1575 du 24 novembre 2016

L. 562-2-1

la loi n°       du       visant à prévenir les ingérences étrangères en France

».

L'amendement de coordination n°3, accepté par la commission, est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Pascal Savoldelli .  - Ce texte marque un tournant dans la lutte contre les influences extérieures qui s'immiscent insidieusement dans les rouages de nos institutions. Mais il pâtit d'une lacune béante : rien sur l'influence, non moins pernicieuse, des multinationales, le plus souvent américaines, qui, prédatrices insatiables, infléchissent les lois et règlements à leur avantage.

L'article 1er, créant un répertoire des représentants d'intérêts agissant pour le compte de mandants étrangers, est fondé, mais sa mise en oeuvre doit être à la hauteur de nos attentes. La loi Sapin II a montré que la multiplication des obligations déclaratives conduisait à privilégier la quantité à la qualité. En outre, de nombreuses actions de l'initiative des décideurs publics eux-mêmes, sollicitées par des parlementaires ou des conseillers ministériels. Il aurait donc été judicieux d'étendre l'obligation de reporting aux décideurs publics.

Il conviendrait aussi de mettre en place un registre des lobbyistes au sein des cabinets ministériels, des autorités administratives indépendantes et de certaines directions d'administration centrale, pour avoir une vision plus large des influences étrangères sur nos décisions publiques.

Quid des moyens de la HATVP ? Leur légère augmentation doit correspondre à un renforcement réel de ses capacités d'action. Vice-président de la commission des finances, je serai particulièrement vigilant sur ce point lors du prochain projet de loi de finances. Pour que cette instance soit véritablement efficace, ne devrions-nous pas lui conférer des pouvoirs d'enquête étendus et la rendre moins dépendante d'autres organes ?

Enfin, l'article 3 ouvre la porte à l'utilisation d'algorithmes par les services de renseignement en matière d'ingérences étrangères. Cette normalisation de la surveillance numérique est une menace pour nos libertés fondamentales. Si ces pratiques sont acceptées au nom de la lutte contre le terrorisme ou de la sécurité nationale, elles risquent d'être étendues progressivement à d'autres domaines, sans que nous en mesurions les conséquences.

Il est essentiel d'engager la responsabilité humaine derrière l'algorithme. Quels seront les biais discriminants de ces techniques et qui en aura l'usage ? L'utilisation de dispositifs exceptionnels sans contre-pouvoir peut attenter gravement aux libertés. Je regrette qu'aucun de nos amendements visant à contrôler ces pratiques n'ait été retenu.

Le groupe CRCE-K votera une nouvelle fois contre cette proposition de loi. Nous devons mettre en place des mesures de transparence et de contrôle adaptées, sans sacrifier nos principes fondamentaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Raphaël Daubet .  - Je me félicite de l'accord en CMP sur ce texte important pour notre démocratie.

Nous faisons face à un phénomène aiguisé et insaisissable. Les ingérences économiques et politiques comme l'espionnage industriel et scientifique prospèrent alors que les réseaux sociaux et l'hyper-communication créent les conditions d'une multiplication des cyberattaques et manoeuvres destinées à influencer l'opinion.

Un nouveau champ de bataille est apparu, nous faisant redécouvrir une réalité vieille comme le monde. Car ces malveillances s'appuient sur le même ressort que la propagande ou les campagnes de désinformation que le monde a toujours connues : diviser pour mieux régner. L'affiche rouge de 1944 n'est pas si éloignée des « mains rouges » de 2024.

Nous avions créé des espaces de paix au sein de nos démocraties. Mais ces espaces ne sont plus protecteurs, et les agressions extérieures deviennent un fait courant. Or un destin soumis à des ingérences étrangères cesse d'être totalement entre nos mains.

Ce texte marque un premier pas vers une meilleure protection, en renforçant nos exigences de transparence et nos moyens d'action. Il nous faudra, demain, créer des espaces de paix nouveaux, y compris dans les horizons numériques. Notre commission d'enquête apportera un éclairage complémentaire et permettra d'enrichir notre arsenal législatif.

Légiférer, oui, mais je ne suis pas sourd aux mises en garde de certains. Jusqu'où pouvons-nous aller sans empiéter sur les libertés fondamentales ? Nous prônons la prudence, mais en l'espèce, l'expérimentation de la technique de l'algorithme nous paraît acceptable. La transparence passera par la constitution d'un répertoire tenu par la HATVP - mesure bienvenue. Je souscris à la volonté de donner plus de temps à la HATVP pour la mettre en oeuvre.

Annick Girardin nous a alertés sur la vulnérabilité particulière de nos outre-mer. Ils sont insuffisamment sécurisés, alors qu'ils sont une porte d'entrée sur l'ensemble des réseaux publics français. Les récents événements en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte ou en Polynésie française nous rappellent que les ingérences étrangères tirent leur force de nos propres faiblesses. La moindre faute politique, la moindre erreur d'appréciation, le moindre mouvement social offre à nos adversaires une occasion de nous déstabiliser. C'est dire l'ampleur de notre responsabilité. (M. Rachid Temal applaudit.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Dépôt du texte en mars, adoption définitive en juin : l'affaire a été rondement menée.

Les réponses apportées sont attendues, dans un monde marqué par le retour de velléités impériales - russes, chinoises, turques - et un passage de la compétition à la confrontation. Les ingérences prennent diverses formes : désinformation, manipulation, opérations comme la macabre mise en scène des cercueils au pied de la Tour Eiffel, après celle des « mains rouges ». Elles peuvent être low cost ou hypersophistiquées. Pour ces États qui cherchent à battre en brèche le multilatéralisme et ses valeurs, tous les coups sont permis. Face à une menace protéiforme - classique, cyber, hybride -, nous devons nous armer et nous protéger.

La délégation parlementaire au renseignement appelait à une riposte démocratique. Cette proposition de loi en est l'illustration : registre d'activités d'influence étrangère, meilleure information du Parlement, extension de la technique de l'algorithme, gel des avoirs. Le signal est clair : qui s'y frotte s'y pique !

Sur le volet économique, nos alliés n'agissent pas toujours comme des amis. La guerre juridique ou l'extraterritorialité pratiquée notamment par les États-Unis en sont la preuve. Je me félicite que le texte reprenne certaines recommandations de la mission d'information sur l'intelligence économique menée avec Marie-Noëlle Lienemann : ainsi de l'article 2 bis, issu d'un amendement que nous avons porté avec Franck Montaugé, qui prévoit un débat au Parlement sur le contrôle des investissements étrangers en France. La première édition s'est tenue ici la semaine dernière ; le Gouvernement s'est engagé à ce qu'il ait lieu chaque année. Il s'est engagé aussi à suivre dans la durée les engagements pris par les investisseurs.

Nous passons d'une vision purement défensive à une vision offensive de l'intelligence économique, concept que nous inscrivons dans la loi. Nous devons embarquer les collectivités locales, les partenaires sociaux, les entreprises, les citoyens.

Le RDPI votera les conclusions de la CMP et sera attentif aux travaux futurs sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; Mme Dominique Vérien applaudit également.)

M. Rachid Temal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce texte démontre, s'il le fallait, la capacité du Parlement à bien légiférer. Les travaux de la délégation parlementaire au renseignement, puis cette proposition de loi, largement bonifiée par le Sénat, en sont la preuve.

Le monde de 1945 a volé en éclats. Il n'y a plus de blocs, chacun concurrence chacun, au niveau international comme au niveau régional. Un État, aussi petit soit-il, peut concurrencer une puissance nucléaire comme la France. Cela change radicalement les relations interétatiques.

Les nouvelles technologies d'aujourd'hui et de demain, avec l'IA générative, modifieront notre rapport à la vérité.

Cette proposition de loi est une première étape. Nous sommes d'accord sur le répertoire, mais il faut entendre la HATVP. Aura-t-elle la capacité financière de mettre en oeuvre les dispositifs prévus ? Le Gouvernement devra y pourvoir.

L'intégration des instituts culturels est bienvenue, une grande puissance asiatique étant particulièrement mobilisée dans ce domaine.

Le rapport est une bonne chose, mais je regrette que le débat au Parlement ne soit pas obligatoire.

S'agissant des algorithmes, je partage la vigilance affichée. La meilleure réponse est toujours la démocratie.

Notre commission d'enquête, dont je suis rapporteur, souligne l'importance de l'enjeu. Nos alliés sont enclins à défendre leurs propres intérêts. Cela soulève la question de la capacité de la France à avoir de l'influence et à déployer son propre narratif. Une société fracturée, pessimiste, est un terreau fertile pour les ingérences. Nous l'avons vu en Nouvelle-Calédonie : ce n'est pas le groupe de Bakou qui a créé les difficultés, mais sa capacité à raconter un narratif. Idem sur le continent africain, au Mali notamment.

Il faudra une vision globale ; ce sera une prochaine étape. Sortons de la naïveté, pour créer un programme national. La société civile, de l'université jusqu'aux gamins, doit comprendre ce que sont les ingérences, pour pouvoir les combattre.

La commission rendra ses conclusions début juillet. J'espère que nous serons prochainement appelés à légiférer de nouveau. En attendant, nous voterons les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. François-Noël Buffet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La délégation parlementaire au renseignement produit chaque année un rapport sur un thème donné. En 2015, ses travaux ont donné lieu à la loi sur le renseignement, qui a donné à nos services les moyens pour mettre en oeuvre les techniques de renseignement. En 2018, elle soulignait déjà l'importance du renseignement d'intérêt économique comme enjeu de puissance.

La situation internationale change, plusieurs puissances étrangères cherchent à déstabiliser les intérêts français, en Afrique ou dans nos outre-mer. La guerre est de retour sur le territoire européen, en Ukraine, avec des conséquences certaines. D'où la nécessité pour nos services de détenir les moyens suffisants pour lutter contre les ingérences, qui se manifestent tous les jours.

La CMP est parvenue rapidement à un accord. Quelques points de discussion subsistaient, notamment sur la date de mise en oeuvre du registre, ou sur le rôle de la HATVP - que le Sénat avait défendu unanimement ; ses moyens seront renforcés, il faut s'en réjouir.

Nous avons montré que le Parlement savait travailler vite : dépôt en mars, vote en juin. Nous aimerions qu'il en aille ainsi plus souvent !

Nous aurons à examiner, à l'automne ou début 2025, un autre texte sur le renseignement, car il faut continuer à adapter nos moyens techniques et juridiques à l'évolution de la menace. Nous avons besoin d'outils pour lutter contre la volonté de déstabiliser la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - L'Union européenne est un projet de paix, bâti sur un continent dévasté par deux guerres mondiales. La France et ses partenaires ont choisi le commerce et les échanges pour repousser les conflits - sans voir que la compétition entre États se poursuivait.

Nos adversaires ne franchissent pas le seuil qui les exposerait à des représailles, mais déploient tout un spectre d'actions hostiles, entre guerre et paix. La Russie, la Chine et l'Iran sont coutumiers des stratégies indirectes. La France, patrie des droits de l'homme, membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU, est une cible de choix. Or elle est démunie sur le théâtre de la néo-guerre informationnelle. Elle a attendu 2018, après les ingérences dans la présidentielle de 2017, pour renforcer la lutte contre la manipulation de l'information. La création de Viginum est plus récente encore.

En démocratie, la souveraineté nationale appartient au peuple, qui est donc très exposé aux actions d'influence. Nous l'avons vu avec l'Ukraine, le conflit à Gaza ou les émeutes en Nouvelle-Calédonie. Après l'interdiction de Russia Today et de Sputnik, voilà Euromore : l'hydre renaît toujours.

La plus grande transparence qu'imposent les obligations déclaratives permettra de détecter les stratégies mises en oeuvre par les puissances étrangères, et le cas échéant de les entraver.

Pendant quatre ans, nos services de renseignement pourront mettre en oeuvre des traitements automatisés de données. Les menaces pesant sur notre défense nationale seront ainsi mieux détectées.

La CMP a conservé plusieurs apports du Sénat, je m'en félicite. Le gel des avoirs compte parmi les meilleures réponses aux ingérences.

L'influence qui se transforme en ingérence doit être punie. Ce texte est une première étape nécessaire. Le volet économique reste à traiter. Je regrette l'absence d'un cloud français ou européen souverain : utiliser celui de nos alliés est un pis-aller. Grâce à Jean-Baptiste Lemoyne, nous débattrons chaque année des investissements étrangers en France.

La France était en retard, mais nous serons plus attentifs et intransigeants pour mieux protéger nos citoyens et notre souveraineté. Le Royaume-Uni, l'Australie et le Canada légifèrent en ce sens. La loi américaine contre les ingérences étrangères date, elle, de 1938 !

Alors que nous entrons dans une période de confrontation accrue, le meilleur bouclier reste les forces morales au sein d'une démocratie vigoureuse. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.) À ce stade de la discussion, tout a déjà été dit. Le registre ? Très bien. L'algorithme ? Très bien. Le gel des avoirs ? Encore mieux. Le dispositif pénal ? Parfait ! (Sourires)

Quand on veut aller vite, on peut, madame la ministre. Dommage que vous ne manifestiez pas le même allant sur le texte relatif aux cabinets de conseil, tout aussi nécessaire ! Imputer ingérences et influences uniquement à l'étranger, c'est faire fi des sujets franco-français : lobbies, cabinets de conseil. Après notre récent débat musclé, j'espère que la navette se poursuivra. Vous ne pouvez pas à la fois plaider pour plus de transparence dans le présent texte et conserver tant d'opacité pour les cabinets de conseil. Le pantouflage et le rétro-pantouflage sont aussi vecteurs d'influence et d'ingérence. Il faudra y remédier.

Dix ans après la loi Sapin - qui faisait suite au scandale Cahuzac, selon la logique « un scandale, une loi » - il est temps d'évaluer ses dispositions relatives aux lanceurs d'alerte ou aux aviseurs en matière fiscale. Relions les maillons !

Limiter les ingérences et influences au numérique est bien trop réducteur. Parlons aussi de la lutte contre l'islam radical (M. Roger Karoutchi acquiesce), y compris pour le financement du terrorisme. Parlons des collectes de fonds sur le territoire national, ouvrant droit à déductions fiscales, au profit d'écoles oulémas fréristes en Mauritanie, dont les élèves fomentent des attentats contre nos soldats en Afrique... Soyons cohérents ! Ce texte ne traite qu'une partie du problème.

Le groupe UC votera le texte issu de la CMP, tout en appelant à la vigilance sur les ingérences franco-françaises et les questions de transparence. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, du RDSE et RDPI)

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je remplace Mélanie Vogel, empêchée.

Quand La Fontaine écrivit la fable du lièvre et de la tortue, il ne pensait certainement pas aux ingérences étrangères. Méditons néanmoins sa morale. Les stratégies malveillantes de puissances étrangères commencent par l'influence, la diffusion d'informations dans les médias, des investissements massifs dans des infrastructures essentielles - les ports maritimes du Havre et de Marseille appartiennent ainsi à une entreprise d'État chinoise. Puis vient l'ingérence : le Qatargate, qui a impliqué des eurodéputés, les prêts du Rassemblement national auprès de banques russes.

Si la nécessité de lutter contre l'ingérence étrangère fait consensus, il aurait fallu une réponse globale, des mesures ciblées et efficaces, un projet de loi accompagné de son étude d'impact. Le Gouvernement n'a manifestement pas mesuré l'importance du problème. L'adoption à la va-vite d'une proposition de loi ne peut qu'apporter une réponse incomplète.

Certes, le texte comporte des avancées. Si nous saluons la création d'un répertoire des activités d'influence menées pour le compte d'un acteur étranger, ou le pouvoir de sanction de l'HATVP en cas de manquement aux obligations déclaratives, nous déplorons que ces obligations restent incomplètes. Il aurait fallu obtenir que les lobbyistes détaillent les financements perçus, comme au Parlement européen.

Nous saluons le maintien par la CMP du gel des avoirs des personnes responsables de faits d'ingérence.

Cette proposition de loi a deux défauts. D'abord, en élargissant le recours au traitement algorithmique, elle restreint les libertés publiques, car cette technique, à l'efficacité incertaine, relève de la surveillance de masse. Comment éviter que les données collectées ne soient vendues ? Ne seront-elles pas vulnérables à une cyberattaque ?

Elle est, en outre, incomplète. Pas un mot sur les postes de police chinois sur notre territoire, sur les imitations des publications de presse qui érodent la confiance dans les médias, sur le financement de la vie politique, quand l'extrême droite accueille à bras ouverts les financements étrangers. À quand une banque de la démocratie ?

Le GEST votera ce texte, qui comprend des mesures que nous appelons de nos voeux depuis longtemps. Il est grand temps que le Gouvernement prenne le risque d'ingérence étrangère à bras-le-corps. Comme la course de la fable, ce combat ne se gagnera pas par quelques sauts tardifs, mais grâce à un effort tenace et durable. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Christophe Chaillou applaudit également.)

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.

Ordonnance de protection (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi allongeant la durée de l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate.

Mme Dominique Vérien, rapporteure pour le Sénat de la CMP .  - Un an après la présentation du Plan rouge VIF que nous avons remis au Gouvernement avec Émilie Chandler, nous nous apprêtons à avaliser la sixième réforme des ordonnances de protection depuis leur instauration en 2010 : preuve de l'attention que porte le Parlement à la lutte contre les violences intrafamiliales.

La CMP a maintenu les deux mesures phares du texte : en amont, la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate (OPPI) ; en aval, le doublement de la durée maximale de l'ordonnance de protection.

Elle a également conservé les enrichissements du Sénat. Sur l'initiative d'Olivia Richard, Elsa Schalck et Mélanie Vogel, nous avions précisé dans le code civil qu'il peut y avoir danger même lorsque la cohabitation a pris fin ou n'a jamais eu lieu. Cela répondra à la frilosité de certains juges. Reste qu'il est complexe de confier au juge civil des mesures d'ordre pénal, comme l'a souligné Laurence Rossignol.

En ce qui concerne l'OPPI, je regrette que la personne en danger ne puisse saisir directement le juge aux affaires familiales (JAF), même si je me réjouis de l'extension des mesures qu'il pourra prononcer : suspension de l'autorité parentale ou dissimulation de l'adresse de la victime.

Nous avons aligné les peines encourues pour non-respect d'une OPPI et d'une ordonnance de protection : le juge pourra imposer le port d'un bracelet antirapprochement (BAR) à la personne ayant violé une mesure édictée dans le cadre d'une ordonnance de protection.

Nous avons permis au procureur d'attribuer à la victime un téléphone grave danger.

Grâce à Anne-Sophie Romagny, nous avons adapté le code électoral afin de garantir l'effectivité de la dissimulation de l'adresse de la victime, y compris sur les listes électorales.

Enfin, grâce à Arnaud Bazin, le juge pourra désormais attribuer à la personne en danger la jouissance des animaux de compagnie du couple, qui constituent souvent un moyen de pression pour le conjoint violent.

Ce texte constitue un progrès. Nous suivrons avec attention les textes d'application sur lesquels s'est engagée Mme El Haïry.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Bien sûr.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Je connais votre volontarisme, monsieur le ministre, et sais pouvoir compter sur vous.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Oui !

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Aussi je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et SER)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.) La CMP a été conclusive, et je suis heureux de voir cette proposition de loi aboutir. Les luttes contre les violences intrafamiliales et conjugales sont un combat sans relâche, avec un niveau de mobilisation et de vigilance rouge - je dirais même « rouge VIF », chère Dominique Vérien, en référence à votre rapport dont le texte reprend l'une des mesures phares : l'ordonnance provisoire de protection immédiate.

Cinq ans après le Grenelle, nous continuons de porter haut cette grande cause. Depuis que je suis garde des sceaux, la lutte contre la récidive et contre les violences faites aux femmes est une priorité de politique pénale, sans cesse rappelée aux procureurs de la République.

Les juridictions ont tous les outils à leur disposition. Les téléphones grave danger sont remplacés automatiquement : leur nombre a été multiplié par six, de 976 en 2020 à 5 693 aujourd'hui. En 2023, plus de mille bracelets antirapprochements ont permis plus de 10 400 interventions, autant de vies sauvées. Les condamnations pour violences ont augmenté de 136 % depuis 2017, de 22 202 à 52 302 en 2023. Le nombre d'ordonnances de protection a explosé.

La création de l'ordonnance de protection immédiate (OPI) est un vrai progrès. Nous étions en 2017 à 42 jours, nous sommes aujourd'hui à 6 jours. Demain, grâce à cette loi, nous passerons à quelques heures.

Ce dispositif inédit confère au juge civil des prérogatives de nature quasi pénale en amont de toute déclaration de culpabilité et surtout en l'absence de contradictoire.

Je souligne le travail accompli par la CMP, qui n'a éludé aucun sujet pour offrir aux juges civils un cadre sécurisé d'interventions urgentes. Mmes Vérien et Chandler ont permis de retrouver les équilibres initiaux du texte tout en le perfectionnant.

Cette proposition de loi allonge la durée de l'ordonnance de protection à douze mois. Elle crée l'OPPI, une mesure essentielle parfaitement articulée avec la saisine du JAF et avec l'action du procureur, seul en mesure de détecter un danger grave et immédiat et d'éviter tout risque d'instrumentalisation. La partie demanderesse pourra manifester son consentement à la protection immédiate lors de la requête initiale -  nous le préciserons par une circulaire et modifierons le formulaire de la requête.

Je salue plusieurs apports parlementaires, comme le fait de confier l'animal de compagnie à la personne en danger. Il s'agit de répondre à une réalité et de briser les mécanismes de l'emprise.

La proposition de loi étend également le mécanisme de l'OPPI aux mariages forcés. Elle autorise le juge à suspendre l'exercice du droit de visite et d'hébergement. Elle permet la dissimulation de l'adresse de la personne en danger, jusque sur les listes électorales. Elle harmonise et renforce les sanctions : les peines encourues en cas de non-respect des obligations de l'ordonnance sont désormais fixées à trois ans de prison et à 45 000 euros d'amende.

Je soutiens pleinement ce texte, qui concilie l'urgence de la protection avec la nécessité de ne pas porter atteinte aux libertés. Gage de son efficacité, il sera complété par un décret et par une circulaire d'application décrivant la mise en oeuvre opérationnelle du dispositif. Je veillerai personnellement à la diffusion de tous les outils pratiques qui permettront aux procureurs de détecter les situations les plus urgentes.

Il s'agit d'utiliser toutes les passerelles entre le civil et le pénal, notamment au sein des pôles Violences intrafamiliales. Il faut fluidifier le circuit de l'information pour mieux détecter le danger.

Les juridictions se sont adaptées pour diviser par sept le délai pour prononcer les ordonnances de protection. Le taux d'acceptation est désormais de 70 % ; 3 997 ordonnances de protection ont été délivrées en 2023, contre 1 392 en 2017.

Avec ce texte, nous avons l'occasion de franchir une nouvelle étape, pour agir vite et efficacement. Mon objectif est d'améliorer sans relâche nos outils afin de terrasser ce fléau des violences faites aux femmes. En la matière, il n'y a aucune fatalité, mais une volonté totale d'avancer.

Je vous invite à adopter ce texte le plus largement possible : nous le devons aux victimes et à celles qui risquent de le devenir ; il est grand temps de les sauver. (Applaudissements sur toutes les travées)

Mme Nathalie Delattre .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Dominique Vérien applaudit également.) Cette proposition de loi fait partie des textes sur lesquels nous sommes fiers d'avoir obtenu un compromis. (M. Éric Dupond-Moretti renchérit.)

Elle répond à un constat toujours aussi alarmant : près de 110 féminicides ont été recensés en 2023 et des centaines de milliers de faits de violences sont commis chaque année. Les ordonnances de protection ont été multipliées par 3,6 entre 2011 et 2021. C'est une satisfaction de voir que les mécanismes fonctionnent - mais un désarroi de les voir inlassablement sollicités.

Les mesures du texte sont pragmatiques et emportent notre adhésion. Je salue le travail de la rapporteure.

L'article 1er double le délai d'application de l'ordonnance de protection, qui passe à douze mois. Il crée également l'OPPI, pour mieux répondre à la détresse des victimes.

Le texte conserve certains apports du Sénat : l'octroi d'un téléphone grave danger, la garde de l'animal de compagnie, la dissimulation de l'adresse de la personne bénéficiant de l'ordonnance de protection.

En revanche, je regrette que d'autres aient été écartés. Ainsi de l'article 1er bis, qui permettait au JAF de dissimuler l'adresse de l'école des enfants. Pour avoir exfiltré des mamans et des enfants de chez eux, je peux dire que nous manquons là un rendez-vous.

La commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) préconisait une procédure judiciaire d'urgence pour les enfants, sur le modèle de l'OPPI. Une proposition de loi de Maryse Carrère, déposée le 10 avril, y pourvoit.

En attendant, le RDSE salue le texte et le votera à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Bravo !

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Le 21 mai dernier, députés et sénateurs réunis en CMP ont trouvé un accord sur cette proposition de loi, dont les enjeux nous rassemblent, comme en témoigne son adoption à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 5 mars et le 14 mai au Sénat. Les rapporteurs ont trouvé un compromis, autour de deux mesures majeures : la création de l'OPPI et l'allongement à douze mois de la durée maximale de l'ordonnance de protection.

Le Sénat a enrichi le texte : mise à disposition d'un téléphone grave danger, possibilité pour le juge de se prononcer sur la garde de l'animal de compagnie, dissimulation de l'adresse de la victime, entre autres.

Nous avons eu des débats intéressants, tant en séance qu'en CMP. Ainsi de l'exigence du double critère des violences alléguées et du danger, ou encore de la préférence donnée à l'interdiction de paraître dans certains lieux, notamment l'école des enfants, plutôt que de dissimuler l'adresse de cette dernière.

Nous avons également échangé sur l'application effective de la loi. Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous confirmer que vous poursuivrez et amplifierez la formation à destination des magistrats et des forces de sécurité intérieure ?

Je comprends l'agacement de certains face au refus de dissimuler l'adresse de l'école des enfants. Une telle mesure aurait pu être déclarée inconstitutionnelle ; nous devons aussi être vigilants sur ce point.

Les mesures de ce texte, inédites et dérogatoires aux règles de la procédure civile, notamment le contradictoire, sont sécurisées sans que leur efficacité en soit affectée. Grâce à cet outil, les autorités judiciaires disposeront de moyens spécifiques pour empêcher le pire.

Pour toutes ces raisons, le RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC)

Mme Laurence Harribey .  - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K) Les demandes d'ordonnances de protection sont passées de 1 600 en 2011 à 6 000 en 2021 ; entre 2019 et 2021, 70 % ont été acceptées. Au 23 mai, nous déplorons déjà 41 féminicides pour l'année 2024. Ce texte est une étape supplémentaire dans le continuum législatif qui se construit pas à pas.

Notre groupe plaide pour un allongement de la durée de l'ordonnance de protection depuis plusieurs années. Michelle Meunier et Laurence Rossignol avaient déposé des amendements en ce sens lors de la loi Taquet en février 2022. Cécile Untermaier a déposé une proposition de loi sur le sujet et j'avais moi-même déposé des amendements à la proposition de loi d'Isabelle Santiago - qui avaient été rejetés. Nous sommes heureux que l'allongement de l'ordonnance de protection devienne réalité.

Nous sommes pleinement favorables à la création de l'OPPI, de même qu'à la saisine du JAF. Nous souscrivons à la suspension provisoire durant l'OPPI du droit de visite de l'auteur présumé des violences ainsi qu'à la dissimulation de l'adresse de la personne en danger sur les listes électorales.

Deux regrets : un amendement de notre groupe visait à dissimuler l'adresse de l'école des enfants aux parents auteurs de violence. Adopté en séance, il n'a pas été retenu en CMP. Nous le redéposerons.

Nous avons également longuement débattu de la notion de danger : nous voulions supprimer le caractère cumulatif des notions de violences et de danger pour le transformer en critère alternatif, mais le débat n'était pas encore mûr. Monsieur le garde des sceaux, vous avez apporté des garanties, qui, je l'espère, éviteront aux juges de retenir ce critère -  je pense notamment à une jurisprudence de la Cour de cassation.

Malgré ces remarques, nous voterons ce texte qui constitue un progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du groupe UC)

Mme Elsa Schalck .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Olivia Richard applaudit également.) Ce texte s'inscrit dans notre combat commun contre les violences conjugales et les violences intrafamiliales. Il complète les outils renforçant les droits des victimes, avec l'allongement de la durée des effets de l'ordonnance de protection de six à douze mois et la création d'un outil inédit, l'OPPI.

Je salue le travail de Dominique Vérien, auteure du rapport Plan rouge VIF.

L'ordonnance de protection a connu six réformes depuis 2010 : c'est un outil pertinent, en témoigne l'augmentation du nombre de demandes.

L'OPPI permettra de répondre en 24 heures aux violences intrafamiliales, c'est un progrès majeur. Je salue également l'allongement de la durée de l'ordonnance de protection.

La CMP a validé la modification de l'article 2 et l'harmonisation des sanctions en cas de violation de l'ordonnance de protection et de l'OPPI. Des moyens doivent être prévus pour que celles-ci soient effectives : combien de sanctions sont réellement prononcées contre ceux qui violent l'ordonnance de protection ? Les victimes continuent à rencontrer des difficultés. J'espère que les pôles Violences intrafamiliales apporteront des réponses concrètes.

Deux points avaient fait débat au Sénat.

Nous étions nombreux à souhaiter que la partie demanderesse puisse déposer une demande d'OPPI. Cela n'a pas été retenu, mais je salue le compromis trouvé : la partie demanderesse pourra apporter des éléments en vue de caractériser un danger grave et immédiat.

Deuxièmement, les conditions d'octroi de l'ordonnance de protection. Le danger peut toujours être présent, même lorsque la cohabitation a pris fin. Je salue la nouvelle rédaction de l'article 515-11 du code civil, qui, désormais, prévoit expressément que l'ordonnance peut être délivrée même en l'absence de cohabitation entre les deux parties.

Notre groupe salue le travail de la CMP et votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Laure Darcos .  - La lutte contre les violences conjugales doit être menée sans faillir : plus de 320 000 femmes ont été victimes de violences et 118 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint en 2022 ; une femme meurt en France tous les trois jours. Ces statistiques sont effrayantes.

Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de notre engagement pour mieux protéger les victimes de violences conjugales, récemment marqué par l'adoption de la proposition de loi sur la justice patrimoniale au sein de la famille.

L'ordonnance de protection est un dispositif indispensable ; le choix d'y recourir plus fréquemment est le corollaire de l'explosion des violences auxquelles les femmes sont confrontées chaque année. Ainsi, 5 800 demandes d'ordonnances de protection ont été comptabilisées en 2022, contre 1 600 en 2011. Le JAF n'a toutefois fait droit à ces demandes que dans 62,5 % des cas.

Sixième réforme depuis 2010, ce texte se traduit par des acquis majeurs. Je me réjouis de l'esprit consensuel qui a présidé à nos débats. La représentation nationale montre ainsi sa volonté de renforcer la protection des victimes et d'assurer la réactivité de l'action judiciaire.

Plusieurs dispositions introduites par le Sénat ont été conservées ; c'est un motif de satisfaction. La possibilité pour le procureur d'accorder un téléphone grave danger aux bénéficiaires d'une OPPI est la mesure la plus efficace en cas de conjoint menaçant. À l'occasion d'une ordonnance de protection, la victime pourra bénéficier de la dissimulation de son adresse.

Je salue le travail de notre rapporteure et son engagement constant en faveur du droit des femmes.

Cette proposition de loi est une nouvelle traduction de notre détermination collective à faire reculer toutes les formes de violence mettant en danger les personnes au sein de leur foyer. Le groupe INDEP la votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Olivia Richard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Elsa Schalck applaudit également.) Je rends hommage à Dominique Vérien pour son engagement sans faille contre les violences intrafamiliales. Le Plan rouge VIF trace une véritable feuille de route. Mmes Chandler et Vérien ont montré qu'il était possible de lutter concrètement contre ces violences. Ce phénomène, s'il n'est certes pas nouveau, devait être pointé du doigt.

Il est nécessaire de nommer les choses pour qu'elles soient prises en compte : d'où l'apparition du terme féminicide. L'utiliser, c'est reconnaître cette réalité, en prendre la mesure, et la dénoncer. Les nommer pour qu'elles existent, les compter pour qu'elles comptent, voilà l'axe de travail principal de la délégation aux droits des femmes du Sénat.

L'article 1er permet de délivrer une ordonnance de protection quand les enfants sont en danger. Cette clarification d'une virgule permettra de mieux protéger les enfants, également victimes des violences intrafamiliales.

Le texte vise aussi à mieux protéger les femmes qui n'ont pas d'enfant. Être ou ne pas être mère, telle n'est pas la question.

Ce texte comble une faille : la publicité des listes électorales. Ainsi est-il désormais impossible pour le conjoint dangereux de consulter la nouvelle adresse de la victime, grâce au travail de notre collègue Anne-Sophie Romagny.

La victime peut également garder désormais l'animal du couple, afin d'enlever cet outil d'emprise de la main du conjoint violent.

Deux points ont été particulièrement débattus lors de l'examen en première lecture, à commencer par la notion de danger dans la jurisprudence, interprétée de façon trop restrictive. La fin de la cohabitation n'éteint pas la menace, contrairement à ce qu'estiment de nombreux magistrats. Un compromis a été trouvé, les arguments du garde des sceaux ont été entendus. Je félicite Dominique Vérien pour sa démarche pragmatique. Une augmentation rapide du nombre d'ordonnances accordées est attendue.

Nous avons trouvé un compromis sur l'initiative de l'OPPI : elle pourra être demandée par le procureur avec l'accord de la victime ; le nombre d'OPPI accordées fera l'objet d'une grande vigilance.

Grâce à ce texte, les JAF pourront protéger les femmes victimes de mariage forcé. Le juge pourra prononcer une obligation de quitter le territoire français (OQTF). En 2023, douze mariages forcés ont pu être évités à l'étranger grâce à l'action de notre administration consulaire.

OPPI, allongement de la durée de six à douze mois : ce texte marque d'importantes avancées. Nous le voterons avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et CRCE-K ; M. Raphaël Daubet applaudit également.)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je prends la parole au nom de Mélanie Vogel.

À chaque fois qu'une femme devient victime de harcèlement, c'est une vie qui est brisée. Pour lutter contre les violences patriarcales, il faut faire de la prévention, poursuivre les agresseurs et protéger les victimes.

Les efforts demeurent insuffisants. L'État ne remplit pas l'objectif légal de dispense des cours d'éducation à la sexualité, qui relèvent bien de la prévention. Un violeur est condamné dans seulement 0,6 % des cas et la protection des victimes reste parcellaire.

Je salue Émilie Chandler et Dominique Vérien qui ont travaillé sur ce texte, que nous soutenons, évidemment. Il complète les mécanismes de l'ordonnance de protection, dont la mise en oeuvre prenait plusieurs jours. Résultat : avant que celle-ci ne soit délivrée, votre agresseur vous retrouvait et redevenait une menace.

C'est pourquoi nous saluons sans réserve la création des OPPI. La liste des mesures pouvant être prononcées pour leur mise en oeuvre a été élargie, je m'en félicite, tout comme de l'octroi des téléphones grave danger et l'allongement des ordonnances de protection de six mois à un an. Nous rattrapons ainsi notre retard par rapport à d'autres pays.

Le Sénat avait adopté des mesures plus protectrices des personnes en danger, mais celles-ci n'ont pas été retenues en CMP, c'est dommage. Ainsi, les victimes ne pourront elles-mêmes demander une OPPI : ce rôle a été confié aux procureurs, mais nous craignons que cette barrière nuise à l'efficacité du dispositif.

Nous souhaitions également revenir sur le critère cumulatif des violences et du danger. Mais la CMP a pointé un risque d'inconstitutionnalité : devancer ainsi la décision du Conseil constitutionnel limite le débat parlementaire.

Même s'il a été amputé de certaines mesures efficaces, ce texte comprend malgré tout des avancées importantes que nous soutenons. C'est pourquoi notre groupe votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Dominique Vérien et M. Christophe Chaillou applaudissent également.)

Mme Marie-Claude Varaillas .  - (M. Jacques Fernique applaudit.) Les chiffres sont effroyables : 244 000 victimes de violences commises par un conjoint ou ex-conjoint ont été comptabilisées en 2022, 86 % des victimes sont des femmes ; entre 2022 et 2023, les violences intrafamiliales ont augmenté de 9 %. Mon département, la Dordogne, n'est pas épargné ; en 2023, les violences intrafamiliales représentaient 63 % des affaires de coups et blessures volontaires, avec une hausse terrible de 52,8 % selon la préfecture. Derrière ces chiffres : des femmes meurtries, détruites, victimes. Agir est plus qu'un devoir, c'est un impératif.

Je me félicite que nous ayons voté ensemble cette proposition de loi qui crée l'OPPI et renforce l'ordonnance de protection. Instaurée en 2010, cette dernière permet au JAF de statuer sur une situation de danger et de prendre des mesures contre le conjoint violent. Sa durée a été portée à douze mois, c'est une victoire. La création de l'OPPI est aussi une grande avancée : le JAF pourra prendre les mesures de protection afin d'interdire au conjoint ou ex-conjoint violent d'entrer en contact avec la victime, qui peut désormais dissimuler son adresse.

Mais il faut que des formations soient dispensées aux magistrats afin de promouvoir le recours à ces mécanismes et d'unifier les pratiques. Le ministère public n'était à l'origine que de 2 % des ordonnances de protection en 2022. Le besoin de formation est donc criant.

Si la protection des femmes victimes de violences intrafamiliales est indispensable, il faut surtout lutter contre le sexisme, à la racine de toutes ces violences immondes. Selon un rapport de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe paru en 2010, la lutte contre les stéréotypes sexistes est un outil de prévention de la violence de genre.

Le rapport annuel 2024 du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) montre que le sexisme est en augmentation dans la société française. Justifié par la culture patriarcale, le sexisme est un tout. Il procède d'une représentation du monde fondée sur l'inégalité entre femmes et hommes considérée comme naturelle. Il est à l'origine d'un continuum de violences des plus anodines aux plus graves. La lutte contre le sexisme et contre le patriarcat sont indissociables. Sexisme et patriarcat se nourrissent mutuellement, ils avancent et reculent de concert. Plus les femmes s'affirment sur la scène publique, plus les préjugés perdent du terrain.

Nous devons donc lutter ensemble contre ce système patriarcal sous toutes ses formes : dans les entreprises et les administrations, notamment. Sinon nous continuerons de perdre du terrain.

Notre groupe, unanime, votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST ; Mme Dominique Vérien applaudit également.)

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements)

La séance est suspendue à 20 heures.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Simplification de la vie économique (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de simplification de la vie économique.

Discussion générale

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation .  - Ce projet de loi s'inscrit dans un plan plus large pour simplifier le quotidien de nos entrepreneurs. Nous ne simplifions pas pour le plaisir, mais pour leur libérer du temps utile pour innover, pour recruter et pour se développer. Le rôle des pouvoirs publics est de retirer des cailloux de leurs chaussures, non d'en semer. Alléger la charge normative qui pèse sur nos entrepreneurs, c'est alléger leur charge mentale.

Telle est l'ambition que nous portons avec le Président de la République et Bruno Le Maire depuis 2017, concrétisée par les lois Essoc, Pacte et Industrie verte. Nous avons aussi allégé la fiscalité qui pèse sur les entreprises.

Ces mesures ont favorisé la croissance, fait de la France le pays le plus attractif pour les investisseurs étrangers pour la cinquième année consécutive, créé 2 millions d'emplois en sept ans et réduit le chômage.

Mais une nouvelle impulsion est nécessaire. Nous avons consulté les entreprises, les Français et les organisations professionnelles pendant six mois, réuni 33 000 participants et recueilli plus de 730 000 votes.

Ce texte s'appuie sur les remontées de terrain, notamment des parlementaires : je salue le travail de Nadège Havet et le rapport de la délégation aux entreprises du Sénat, présidée par Olivier Rietmann.

Notre premier objectif est de mettre l'administration au service des entreprises. La simplification n'est pas un choc, mais un état d'esprit, qui doit devenir l'esprit de l'État, à chaque échelon.

Trop souvent, les entrepreneurs râlent contre les lenteurs de l'administration. Nous devons faire un travail de remise à plat, sans totem ni tabou, qui s'inscrive dans la durée, avec des lois annuelles et un suivi au peigne fin. Si nous devons réduire le stock de normes, un débat annuel permettra aussi, en plus des tests PME, de s'attaquer au flux.

Notre deuxième objectif est de soulager les plus petits acteurs économiques. Pour avoir eu l'impertinence de créer ma petite entreprise, il m'est arrivé aussi de râler. Les TPE, comme les PME, ne sont pas outillées, contrairement aux ETI et aux grandes entreprises, pour mettre en oeuvre les nouvelles normes. Non, nous ne sommes pas tous égaux devant la norme et la complexité administrative. Un tiers des chefs d'entreprise consacrent plus de huit heures hebdomadaires à l'administratif. Une entreprise sur deux renonce à une aide, effrayée par les démarches à réaliser. Le non-recours aux prestations sociales est souvent le fait des plus fragiles. Il en va de même pour les entreprises.

Nous proposons de rapprocher le droit des professionnels et celui des particuliers, en matière de résiliation des contrats d'assurance par exemple. Les délais d'indemnisation doivent être raccourcis.

Nous proposons aussi de simplifier les démarches pour l'exploitation des commerces dans les galeries marchandes et les centres commerciaux, qui prennent parfois jusqu'à quatre mois -  autant de chiffre d'affaires manqué !

Nous proposons de libérer 2 milliards de trésorerie grâce à la mensualisation des loyers, issue d'un accord de place historique.

Nous proposons la suppression des formulaires Cerfa d'ici à 2030 et de 80 % d'entre eux d'ici à 2026. J'entends votre réticence à donner cette habilitation au Gouvernement : elle est large parce que la matière est foisonnante. Supprimer 1 800 formulaires au Parlement serait une tâche titanesque. Le Gouvernement vous rendra, bien sûr, des comptes et un projet de loi de ratification sera déposé dans les trois mois suivant la publication de l'ordonnance.

Notre troisième objectif est d'accélérer les transitions écologique, énergétique et numérique. Nous voulons lever les freins au développement de la géothermie, de l'éolien en mer, du stockage du carbone, du biogaz, ainsi que de l'exploitation du lithium et du cuivre.

Nous serons favorables aux amendements tendant à prolonger le mandat de La Poste comme prestataire du service universel postal et du recensement de la population.

Le temps que nous terminions l'examen de ce texte, une bonne dizaine de nouvelles normes seront probablement en vigueur. C'est pourquoi la simplification doit devenir une hygiène quotidienne. Nous proposons une nouvelle méthode : chaque projet de loi concernant les entreprises et chaque texte réglementaire si le Gouvernement l'estime utile devront faire l'objet d'un « test PME », suivant la préconisation de votre délégation aux entreprises.

J'entends les craintes de la commission spéciale à propos de la simplification du bulletin de paie. La situation actuelle, coûteuse pour l'entreprise et peu lisible pour les salariés, ne satisfait personne. Il faut moins d'informations, mais mieux d'informations. Nous souhaitons travailler avec les partenaires sociaux, d'ici à 2027, un nouveau format en quinze lignes. Le salarié aura toujours accès à l'intégralité de l'information, qui sera gardée à sa disposition par l'entreprise et qu'il pourra consulter sur le portail national des droits sociaux. (M. Thomas Dossus s'exclame.) Cette réforme ne doit pas être une charge supplémentaire pour l'employeur.

Je ne doute pas de votre soutien à notre ambition de simplification et remercie les rapporteurs et la commission spéciale pour leurs travaux.

Ce texte n'est pas un aboutissement, mais un point de départ. La simplification, je l'ai dit, est avant tout un état d'esprit, qui doit devenir celui des services de l'État, à chaque projet de loi.

Le défi est immense ; pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler les mots de Léonard de Vinci : « La simplicité est la sophistication suprême. » (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission spéciale .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Au regard de l'ambition de l'intitulé du texte et de l'attente des entreprises, nous ne pouvions que nous réjouir de voir le Gouvernement emboîter le pas au Sénat.

Quelle ne fut pas notre déception devant cette accumulation de mesures techniques ! La chair de ce texte squelettique n'est constituée que par les ordonnances que le Gouvernement voudrait prendre à l'abri du regard du Parlement... C'est parce que le Sénat soutient la simplification qu'il est opposé aux demandes d'habilitation ! Que le Gouvernement estime qu'une oeuvre aussi importante puisse se faire sans le Parlement pose problème. En matière d'ordonnances, la bureaucratie a toujours le dernier mot.

Outre la suppression de ces habilitations malvenues, la commission spéciale a apporté des précisions nécessaires, notamment à l'article 6. La main du Gouvernement a manifestement tremblé dans son geste simplificateur, que la commission a parfait en supprimant purement et simplement l'obligation d'information des salariés en cas de cession d'une entreprise de moins de 50 salariés. On peut « légitimement s'interroger sur l'efficacité du dispositif » a dit Bruno Le Maire... Le Gouvernement retirera-t-il son amendement de rétablissement de l'article 6 ?

L'article 27 a été entièrement réécrit afin de préserver l'équilibre des dispositions votées par le Sénat en mars, dans la proposition de loi Rietmann sur les tests PME.

Nous nous sommes efforcés de donner du souffle à ce texte fourre-tout et espérons que les prochains projets de loi associeront mieux le Parlement. À l'année prochaine, j'espère ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Yves Bleunven, rapporteur de la commission spéciale .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Roger Karoutchi applaudit également.) En prenant connaissance de ce projet de loi, j'ai été décontenancé par sa complexité. Autant de sujets que d'articles, presque autant de mesures visant à simplifier la vie de l'administration que celle des entreprises, autant de mesures disparates que de mesures réellement simplificatrices !

Si ce texte n'est pas un premier essai, il est le premier d'un exercice annuel. La copie est loin d'être satisfaisante, mais nous soutiendrons les futurs exercices de simplification à trois conditions : que le Gouvernement précise ses intentions ; qu'il s'engage à la stabilité normative -  évitons de rouvrir des débats récents sur l'artificialisation des sols, par exemple, et de revenir des normes votées trop récemment ...

Mme Audrey Linkenheld.  - Eh oui...

M. Yves Bleunven, rapporteur.  - ... et qu'il s'engage à consulter les partenaires sociaux -  je pense aux organisations syndicales et patronales qui ont critiqué la réforme du bulletin de paie.

Les mesures de simplification de la vie des commerçants telles que la mensualisation des loyers commerciaux, l'encadrement des dépôts de garantie et l'assouplissement de la politique d'aménagement commercial sont bienvenues. J'y ai ajouté une mesure en faveur de la réouverture des cafés et bistrots dans les petites communes.

La commission spéciale a souhaité rééquilibrer le rapport de force entre les assureurs et assurés.

La simplification des mesures compensatoires environnementales était une attente forte des acteurs de nos territoires.

Trois secteurs sont l'objet d'une attention particulière. Dans celui des télécommunications, il s'agit de lutter contre la spéculation foncière sur les emplacements d'antennes-relais. Le Sénat plaide pour une meilleure information des élus locaux, plus de mutualisation et une régulation accrue du marché.

Dans le secteur de l'énergie, la commission a soutenu les mesures sur le droit minier et le développement des énergies renouvelables.

En matière d'urbanisme et de déploiement des projets industriels, le groupe de suivi ZAN complète utilement nos travaux.

Si ce texte apporte des avancées sectorielles, ce sera déjà une première victoire.

Soyons constructifs, écoutons-nous, sans oublier, madame la ministre, l'expertise du Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, du RDSE et du RDPI)

Mme Nadège Havet .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Dominique Vérien et M. Michel Canévet applaudissent également.) Le rapport sénatorial de juin 2023 de nos collègues Rietmann, Moga et Devinaz débutait ironiquement ainsi : « Nul chef d'entreprise n'est censé ignorer les 11 176 articles du code du travail, les 7 008 du code de commerce ou encore les 6 898 du code de l'environnement. » Avec plus de 400 000 normes, la France se classe au deuxième rang des pays où la bureaucratie est la plus complexe.

Il faut simplifier, sans déréguler ni recomplexifier. Avant d'en faire le procès, nous devons expliquer les règles que nous adoptons et former ceux qui doivent les appliquer.

Le coût des normes est estimé à 84 milliards d'euros par an, soit 3 % du PIB. Cette inflation normative crée aussi de la désespérance et un sentiment d'inutilité sociale. Dans l'agriculture, la restauration, le bâtiment ou la coiffure, tous le disent : il faut arrêter de légiférer sans cesse. Il faut passer d'un principe de contrôle à un principe de confiance.

Simplifier dans un pays légicentriste est difficile, mais nécessaire. Dans son rapport, Éric Woerth a souligné combien l'enchevêtrement des compétences entre l'État et les collectivités territoriales avait atteint un niveau de complexité problématique.

Mme la ministre l'a rappelé devant la commission spéciale : la simplification doit devenir la règle. Il faut simplifier les démarches, pour relancer la croissance et renforcer notre attractivité.

Ce texte vise à mettre l'administration et le droit au service de l'économie, en simplifiant les démarches, en facilitant l'accès à la commande publique ou encore le règlement des litiges ; soutenir les petits acteurs économiques qui n'ont pas les moyens de mettre en oeuvre les normes en rapprochant leur droit de celui des particuliers et en simplifiant le développement des commerces ; faciliter la transition écologique, énergétique et numérique.

Mon groupe salue cette ambition portée par le Gouvernement depuis 2017 : lois Essoc - avec le droit à l'erreur -, Pacte et Industrie verte.

« Contraintes administratives, le ras-le-bol des PME et ETI » titrait le Journal des entreprises le 15 novembre dernier. Le même jour, les Rencontres de la simplification étaient lancées. Pas moins de 1 500 propositions et 730 000 votes ont été recensés.

Notre rapport de février 2024, qui propose quatorze pistes de réflexion pour simplifier la vie des entreprises, a nourri ce projet de loi, sorte d'acte II, après la proposition de loi Rietmann sur les tests PME.

En commission, 90 amendements ont été adoptés et je salue le travail des rapporteurs. À l'article 20, la commission a élargi les dérogations aux PLU pour l'installation de systèmes de production d'énergies renouvelables, grâce à deux amendements du RDPI.

Il nous reste à en débattre. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Dominique Vérien applaudit également.)

M. Michaël Weber .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La simplification est sur toutes les lèvres : « simplification massive » pour le Premier ministre, « simplification à fond la caisse » pour le Président de la République, « choc de simplification » pour le ministre de l'agriculture. Dernier avatar : la « simplification de la vie économique » du ministre de l'économie, pour fluidifier les procédures sans remettre en cause les droits essentiels - objectif louable !

C'est le dualisme cartésien du corps et de l'esprit : on modifie la lettre de la loi en criant au loup de l'inflation normative, sans porter préjudice à son esprit ; on simplifie la forme tout en garantissant le fond, le respect des principes et valeurs dont le droit est garant.

Ce projet de loi illustre pourtant l'impossibilité de distinguer fond et forme : en procédant dans l'urgence, le Gouvernement veut soit ignorer la technicité de la simplification à droit non constant, soit en faire la caution de sa politique du passage en force.

Simplifier pourrait être de bonne gouvernance si cela ne signifiait pas dérégulation et régression du droit au profit d'une minorité d'acteurs. Il appartient au législateur de garantir que la vie économique respecte nos valeurs sociales, écologiques et démocratiques.

Une bonne simplification permet l'effectivité des droits. Tel n'est pas le cas ici : fragilisation des droits des salariés, détricotage du droit de l'environnement, rognage des compétences des élus locaux, dérogation aux règles du droit commun pour l'implantation des projets industriels, sans jamais poser la question de leur acceptation sociale.

Problème de méthode - qui est aussi un problème démocratique - : un tel projet, qui touche à tant de domaines, ne peut se faire dans l'urgence, sans concertation, sans un travail minutieux d'expertise. Quinze jours pour examiner un texte aussi important, c'est un déni de démocratie et un mépris pour le travail parlementaire !

Le Gouvernement veut améliorer la cohérence et la lisibilité du droit ? Mais il nous propose un texte incohérent et illisible.

Et il y a ce que le texte ne dit pas. Voyez le bulletin de paie : le Gouvernement veut en faire disparaître les cotisations sociales, qui garantissent pourtant nos droits sociaux.

Cette circumnavigation du droit, qui simplifie pour certains mais complexifie pour la plupart, montre bien les biais du Gouvernement.

La vie économique n'est pas que celle des entrepreneurs : c'est aussi celle des salariés, des administrés et des citoyens. Ni les syndicats ni les associations environnementales n'ont été associés à ce projet qui touche pourtant au travail et à l'environnement : compensations environnementales rendues inopérantes par l'article 18, suppression du délit d'entrave à l'audit de durabilité, disparition de la prise en compte du bilan carbone dans les projets de production de biogaz, mécanismes de contrôle et d'enquête publique jetés aux oubliettes !

Les règles du droit protègent l'intérêt général. Que le Gouvernement s'attelle donc au vrai chantier : simplifier à droit constant, pour permettre l'effectivité du droit, sans attenter à son contenu.

Bien sûr, nous sommes favorables à une simplification qui rende la loi plus lisible et plus cohérente, mais pas à la fragilisation des droits. La multiplication des dérogations crée de l'insécurité juridique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Rémy Pointereau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Madame la ministre, lors de votre audition devant la commission spéciale, vous avez indiqué que ce projet de loi constituait l'un des piliers de la stratégie française présentée à l'Union européenne.

Je constate qu'il s'appuie sur nombre de travaux conduits par le Sénat et je remercie les rapporteurs pour leur travail.

Nous sommes sensibles à la question de l'empilement des normes. Il faut distinguer la norme qui protège de celle qui entrave inutilement. Relevons ensemble le défi de la simplification, mais sans renoncer aux prérogatives du Parlement : n'abusons pas des ordonnances !

Malgré le court délai pour préparer ce texte - douze jours utiles -, nous avons réalisé un travail sérieux : tous les acteurs entendus veulent de la simplification, mais pas d'une simplification de façade, qui serait une complexification - je fais bien sûr référence aux bulletins de paie qu'il faudra faire en double : l'un de quinze lignes, l'autre de trente-sept !

Afin d'améliorer l'évaluation des normes à venir, nous avons repris des dispositions tirées du texte adopté par le Sénat en mars dernier sur l'initiative d'Olivier Rietmann.

Ce projet de loi ne réglera pas tous les problèmes ; nous aurons quelques déceptions.

Je note des avancées sur l'accès aux marchés publics ou les relations avec les assurances, mais des progrès restent à faire pour lutter contre les recours abusifs.

Nous regrettons aussi que votre projet de loi exclue le monde agricole et les collectivités territoriales. Nous ferons en sorte que la simplification soit au coeur des prochains textes. Nous avons souligné notre attachement à l'implantation des commerces dans les zones rurales et refusé les mesures qui n'étaient que de simplification apparente -  je pense notamment à la réforme du contentieux.

Même si ce texte n'est pas le grand rendez-vous attendu et ne s'attaque à l'océan normatif qu'avec une petite cuillère, il a le mérite de sortir la simplification de son statut d'Arlésienne.

Prenons rendez-vous pour examiner un prochain texte sur ce même sujet ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Dominique Vérien et M. Michel Canévet applaudissent également.)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Avec plaisir !

M. Jean-Luc Brault .  - La bureaucratie est bien souvent la mort de tout travail sensé, disait Einstein. La France est experte en la matière, avec sa réglementation, voire sa surrèglementation.

On tue dans l'oeuf les initiatives de trop de jeunes entrepreneurs ! Le cortège des déclarations sur l'honneur et autres demandes d'autorisation est pesant tant pour les citoyens que pour les entreprises. Il faut être fou pour être chef d'entreprise, et c'est un entrepreneur qui vous le dit !

Reconnaissons au Gouvernement le mérite de certaines avancées : lois Pacte et Asap, droit à l'erreur créé par la loi Essoc.

Nous nous félicitons de l'adoption en commission de l'article 3 bis, issu des travaux de notre collègue Dany Wattebled sur le principe « le silence vaut acceptation » : excellent principe ? Mais que l'administration avait trop encadré, allant presque jusqu'à le renverser... La mesure introduite permettra davantage de simplicité et une plus grande économie de moyens.

Je défendrai un amendement améliorant les contrats d'exécution de sous-traitance pour réduire les délais de remplacement en cas de redressement judiciaire et permettre ainsi une reprise rapide du chantier.

Ce projet de loi est l'un des volets législatifs de la démarche de simplification lancée par l'exécutif.

La commission spéciale a supprimé toutes les demandes d'habilitation à légiférer par ordonnance. Si je comprends sa volonté de défendre jalousement les prérogatives du Parlement, ces suppressions ne doivent pas conduire à l'abandon des réformes envisagées.

Il faut développer la procédure du rescrit administratif, nos concitoyens en ont besoin. Mais quand les dérogations se multiplient, il faut aussi se demander si le droit commun ne doit pas être revu.

Le rescrit et les dérogations sont les symptômes d'une maladie délétère qui affecte notre pays : l'inflation normative. En vingt ans, le volume des lois et décrets a plus que doublé ! Et le stock de normes a encore crû de plus de 20 % au cours des sept dernières années. Nous devons changer de mode de fonctionnement.

Benjamin Constant disait : « La multiplicité des lois flatte dans les législateurs deux penchants naturels : le besoin d'agir et le plaisir de se croire nécessaires. » (Mme Olivia Grégoire manifeste de l'intérêt pour la formule.) À nous de le faire mentir, en votant des lois vraiment utiles. Les entrepreneurs sont là pour créer, bâtir, avec des compagnons fiers de leur entreprise ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe UC plaçait beaucoup d'espérances dans ce texte, pour simplifier la vie économique et réduire le volume de normes. Las, nous avons été déçus par sa technicité comme par son manque d'ambition : on eût aimé qu'il fût plus garni !

À notre grand désespoir, nos excellents rapporteurs Catherine Di Folco et Yves Bleuven ont fait un usage immodéré des articles 40 et 45... (Sourires) Nombre de nos pistes d'amélioration n'ont ainsi pas pu être examinées.

Les attentes sont fortes dans nos départements. Les entrepreneurs se plaignent des lourdeurs administratives. Le week-end dernier, un entrepreneur du Finistère, de la race des seigneurs, m'exposait, à l'occasion des soixante ans de son entreprise, l'ampleur des démarches nécessaires pour un projet de carrière ou de stockage et de valorisation des déchets. Parfois, des procédures conjointes - permis de construire et installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE), par exemple - n'aboutissent pas au même résultat... Beaucoup de chemin reste à parcourir pour que l'administration accompagne les entreprises.

Ce texte comporte des mesures qui ne simplifient pas vraiment la vie des entreprises : ainsi du nouveau bulletin de paie, qui n'apportera aucune simplification tant que le portail social ne sera pas mis en place. (M. Rémy Pointereau acquiesce.)

Veillons aussi à maintenir la concurrence, pour les marchés publics comme en matière d'antennes téléphoniques. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions ; Mme Nadège Havet applaudit également.)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) « Rendre des heures aux Français », c'est le titre du rapport dont ce texte est issu : pompeux, mais aussi ironique, alors que vous venez de leur prendre deux ans par votre réforme des retraites. (Mme Olivia Grégoire lève les yeux au ciel.)

Ce projet de loi, étudié en toute hâte, présente d'énormes trous dans la raquette. Il serait fondé sur une consultation citoyenne, mais ses mesures reflètent davantage les priorités des directions centrales que les besoins des parties prenantes...

De fait, difficile de trouver un sens à ce texte fourre-tout. La commission spéciale a d'ailleurs elle-même fait oeuvre de simplification en l'allégeant de six articles... (M. Jacques Fernique ironise.)

La simplification de la fiche de paie, rejetée même par les syndicats patronaux, n'est qu'une opération de propagande, sans bénéfice de temps pour les employeurs.

Par ailleurs, ce projet de loi engage un recul du droit et de la démocratie en matière environnementale. Les dérogations au droit environnemental pour l'implantation des data centers ouvrent la voie à l'installation de grands projets à fort impact environnemental. Aucune audition n'a permis de quantifier l'impact de ce dispositif.

De même, il est prévu d'affaiblir les compensations des atteintes à la biodiversité : « compenser les atteintes dans un délai raisonnable » est une formule bien trop vague. Les dispositifs de la loi Industrie verte, votée l'année dernière, seront ainsi rendus caducs. Quel est l'intérêt de compenser une atteinte aux milieux vivants une fois qu'ils sont détruits ? Une réglementation cohérente aide les porteurs de projet à s'y retrouver. Et affaiblir la compensation, c'est affaiblir aussi l'acceptation des grands projets industriels. Vous allez soulever des oppositions toujours plus fortes et faire perdre du temps aux entreprises ! Nous dénonçons ces dangereux reculs environnementaux masqués par l'alibi de la simplification.

Quant au test PME, il était vide de sens avant l'examen du texte en commission. Nous proposerons d'exclure de cette évaluation les normes relatives aux droits sociaux, environnementaux ou sanitaires de la compétence du Haut Conseil à la simplification et de prévoir une consultation des acteurs syndicaux.

Ce texte prévoit de supprimer un certain nombre de commissions nationales consultatives : poursuivons la réflexion en nous interrogeant sur le bien-fondé des comités créés par décret autour du Président de la République, qui accentuent la concentration des pouvoirs. Nous proposerons une simplification, incluant le Haut-Commissariat au Plan, afin de tenir compte du besoin de leviers pour la transition écologique.

Nous voterons contre ce texte qui masque mal le cap dangereux du Gouvernement. Nous refusons de sacrifier les normes environnementales au nom de la simplification administrative ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Pierre Barros .  - Madame la ministre, en présentant ce projet de loi, vous avez annoncé une véritable révolution et un changement de culture de l'administration. Hélas, ce texte est plus une compilation de mesures dérogatoires qu'une rationalisation du droit. Pis, il contribue à l'inflation législative, nourrit l'insécurité juridique et le risque contentieux et multiplie les comités Théodule !

Je salue le travail colossal de la commission spéciale, qui a supprimé de nombreuses aberrations du texte initial.

La remise en cause des dispositions de la loi Industrie verte, votée il y a moins de six mois, montre la volonté du Gouvernement de contourner le Parlement.

Ce texte comprend trois demandes d'autorisation à légiférer par ordonnance. Votre désir de déréguler le droit des travailleurs est parfaitement clair. L'article 7 sur la fiche de paie, jamais demandé par les syndicats patronaux, encore moins par les syndicats de salariés, en est l'exemple flagrant. La commission spéciale l'a supprimé à l'unanimité. Vouloir le réintroduire est une insulte au travail du Sénat ! (Mme Olivia Grégoire le conteste.)

Deux poids, deux mesures : pour les patrons, confiance, indulgence et droit à l'erreur ; mais défiance pour les salariés et traque des chômeurs. Vous voulez redonner du temps utile aux entrepreneurs, mais avez privé des millions de nos concitoyens de deux ans de vie en bonne santé !

Le Gouvernement s'attaque aussi à la biodiversité, sacrifiée au profit du développement économique. Ce qui ne l'empêche pas de présenter, au titre VIII, des mesures censées simplifier et accélérer la transition énergétique et écologique... Et que dire de sa méconnaissance de nos territoires quand il remet en cause les compétences des élus locaux en matière de projets d'aménagement de zones d'activités ou commerciales ?

Nous ne partageons ni le diagnostic posé ni les solutions avancées. La véritable révolution culturelle consisterait à mener une évaluation fine des lois Pacte, Essoc et Asap. Bruno Le Maire a dit : « La confiance ne se décrète pas, elle se construit. » Il a raison ! Mais elle se construit avec tous les acteurs économiques : chefs d'entreprise, mais aussi salariés, collectivités locales, services de l'État.

Nous ne voterons pas ce texte, qui apportera de la complexité et de l'opacité. Il faut stabiliser le droit, améliorer le respect des normes et consacrer davantage de moyens à leur mise en oeuvre juste et efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Voici venu le temps de la simplification de la vie des entreprises !

Les constats sur lesquels se fonde ce texte sont certains. Notre délégation aux entreprises a souligné le fardeau qui pèse sur les entreprises et appelé à une politique durable d'évaluation des normes, loin des coups de communication.

Avec Christian Klinger, j'ai dressé un constat similaire dans notre rapport sur le foncier économique : l'écosystème s'est complexifié et l'insécurité juridique s'est accrue ; mais la simplification nécessite des investissements pour être efficace.

Les TPE et PME, qui forment l'essentiel de notre tissu économique, sont les principales victimes de la complexification. L'article 27 sur les tests PME, une proposition du président Olivier Rietmann, est donc bienvenu.

La simplification en France est une entreprise de longue haleine, qui suppose à la fois volonté et prudence, car il faut refuser les approches simplistes. L'évaluation en est le corollaire indispensable. Or ce texte étend une dérogation prévue par la loi Industrie verte sans qu'elle ait fait l'objet de la moindre évaluation. Il est vrai que, à l'article 19, il modifie aussi une norme qui n'est pas encore entrée en vigueur...

Ne confondons pas simplification et précipitation. D'autre part, la simplification doit avoir un sens politique clair : il faut être transparent sur les objectifs visés. Prenons garde en particulier aux dérogations aux PLU, qui risquent, dans certains cas, de priver les élus locaux de leurs prérogatives. (Mme Olivia Grégoire soupire.)

Il faut enfin prendre en compte les spécificités des outre-mer, souvent les grands oubliés des politiques publiques. La médiation prévue à l'article 9 revêt une importance particulière.

Certaines mesures, comme la plateforme profil acheteur, sont importantes, car elles améliorent les relations entre le monde économique et l'administration. L'existence même de ce texte va dans le bon sens, et le RDSE l'aborde favorablement (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Audrey Linkenheld .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Simplifier, oui : l'intention est louable, tant la complexité de notre système normatif pèse sur le quotidien de nos entreprises et administrations. Mais cela ne peut se faire au détriment des droits sociaux et environnementaux.

Faire disparaître le détail des cotisations sociales et des heures supplémentaires sur les bulletins de paie, c'est priver les salariés de la possibilité de détecter de potentielles erreurs et contraindre les entreprises à archiver ces données pour pouvoir les transmettre sur demande. Nulle simplification ! En revanche, il y a un risque, voire une volonté, d'invisibiliser les droits sociaux.

Vous limitez aussi les droits par l'article 6. La loi Hamon de 2014 obligeait les employeurs à informer leurs salariés d'un projet de reprise de la société dans un délai de trois mois. Ce délai, déjà réduit à deux mois, serait porté à trente jours. Il est impossible, dans un délai aussi court, de monter un projet de reprise sérieux. La rapporteure Di Folco a d'ailleurs été au bout de la logique en actant la suppression totale de ce droit d'information. Notre groupe en proposera le rétablissement.

S'agissant de l'article 5, sur l'unification des contentieux de la commande publique au profit du juge administratif, nos travaux ont montré que cette réforme serait, notamment pour les entreprises publiques locales, source de complexification plus que de simplification. Nous nous félicitons de sa suppression et nous opposerons à son rétablissement.

Pour les mesures les plus radicales, relatives aux démarches déclaratives des entreprises, aux contrats spéciaux et aux rescrits sectoriels, le Gouvernement nous demande un blanc-seing, alors que l'impact des réformes envisagées sur la législation sociale et environnementale n'est pas mesuré. Nous refuserons le rétablissement des articles 2, 3 et 11.

Je me félicite du rétablissement de la Commission supérieure du numérique et des postes (CNSP), dont je puis témoigner de l'utilité pour faire avancer la réflexion sur des enjeux numériques à fort enjeu sociétal.

Malgré quelques avancées, ce projet de loi s'avère plus décevant que simplificateur. Envisagez la simplification comme non pas un moyen de déréguler, mais une opportunité d'accélérer les transitions sociale et environnementale, leviers d'un développement économique soutenable pour les hommes et la planète ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Patricia Demas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je félicite à mon tour la commission spéciale pour son travail dans un délai contraint.

Mon propos portera sur l'article 17, dont j'ai appris l'existence en m'entretenant à Bercy avec Mme Ferrari à propos de la proposition de loi que j'ai déposée en réponse à l'exaspération de nombreux maires des Alpes-Maritimes face à l'implantation anarchique d'antennes-relais.

L'article vise avant tout à accélérer la couverture du territoire en téléphonie mobile : à cette fin, il renforce le dispositif de lutte contre la spéculation foncière, permet de déroger à la possibilité d'une administration ou d'un maire de retirer une autorisation d'implantation d'antennes-relais et renforce les obligations d'information du maire.

Il a été utilement enrichi en commission, mais il faut aller plus loin, dans le respect des prérogatives des maires, pour l'information des citoyens et la protection de la santé publique.

Dans un monde où la dynamique de construction des réseaux est indispensable, la téléphonie mobile est une pierre angulaire de nos sociétés. Nous devons accélérer le déploiement, mais cela ne peut se faire au détriment de l'intérêt général des territoires ni de la sobriété.

Les oppositions locales sont motivées par des préoccupations légitimes relatives aux paysages et à la santé.

La mutualisation des infrastructures de téléphonie mobile est donc d'une importance cruciale. Je proposerai des amendements en ce sens, reprenant ma proposition de loi de terrain, largement cosignée.

Nous pouvons réduire les délais d'implantation et minimiser les dommages visuels et environnementaux, en anticipant davantage. Une décision équilibrée sera plus rapide à mettre en oeuvre et évitera les contentieux. Entre les opérateurs et les communautés locales, nous devons rééquilibrer les rapports de force pour favoriser un dialogue constructif.

Ouvrons la voie à un avenir où connectivité et sobriété vont de pair : c'est un impératif moral et environnemental.

Je me réjouis aussi du sauvetage de la CSNP, car, dans un monde où le numérique occupe une place croissante, elle joue un rôle essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Anne-Sophie Romagny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Comme chef d'entreprise, la simplification de la vie économique me tient particulièrement à coeur. Mais je ne puis vous cacher ma déception profonde quant au contenu du texte, comme au délai qui nous a été accordé pour l'examiner -  quinze jours à peine pour cet enjeu majeur. Vous donnez-vous réellement les moyens de vos ambitions ? Je n'ose répondre à la question...

Nos entrepreneurs doivent être à la fois commerciaux, informaticiens, DRH, comptables -  et experts en jungle administrative. La simplification est un enjeu majeur et un chantier d'ampleur. Je remercie le président et les rapporteurs de la commission spéciale pour le travail colossal réalisé dans un délai restreint.

Elle a supprimé les articles 2 et 3, concentrant les effets d'annonce du Gouvernement sur la mise en oeuvre du principe « Dites-le nous une fois », qui manque cruellement de substance et pour l'application duquel les services ne sont pas prêts. Nous risquons, une fois de plus, de décevoir sur un sujet attendu.

De même, nous avons supprimé l'article 7, relatif à la simplification du bulletin de paie. Présenté comme exemplaire, ce dispositif n'apporte aucune simplification -  d'ailleurs, personne ne l'avait demandé.

Par ailleurs, la commission spéciale s'est attachée à combler le manque d'ambition du projet de loi, notamment en renforçant l'article 27 par l'ajout de la proposition de loi du Président Rietmann, récemment adoptée par notre assemblée. Je suis très sensible au test PME, dans la continuité du rapport que j'ai réalisé avec Marion Canalès sur la directive CSRD. Je me réjouis, madame la ministre, que vous ayez finalisé un travail sur le sujet.

Le groupe UC est favorable à ce texte amélioré -  et simplifié  - par le Sénat, mais la tâche est loin d'être terminée. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Hervé Reynaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte, attendu, part d'un constat ancien : notre pays excelle dans l'inflation normative. Le Sénat s'en préoccupe de longue date. De fait, les normes peuvent freiner la compétitivité des entreprises et leur capacité d'innovation.

Simplifiez, simplifiez, il en restera toujours quelque chose ? Pas forcément. Comme le cholestérol, il y a du bon et du mauvais... Rémy Pointereau l'a dit : il faut distinguer les normes qui protègent de celles qui entravent. Depuis plusieurs années, notre assemblée travaille sur cette question. Le rapport de Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Pierre Moga et Olivier Rietmann a souligné l'importance de l'évaluation des normes.

Je me réjouis de voir le mécanisme de test PME inclus dans ce texte. Reste qu'il y a un décalage entre l'importance de l'enjeu et les dispositions minimalistes proposées, sans parler du délai d'examen très court. La coconstruction avec les syndicats n'a pas été aboutie. (Mme Olivia Grégoire s'agace.) Le Conseil d'État lui-même regrette le bref délai laissé pour l'examen du texte !

Les rapporteurs Catherine Di Folco et Yves Bleunven ont apporté des éclairages précieux. Je félicite le président Pointereau d'avoir mené les travaux de la commission spéciale tambour battant.

Sur l'accès des entreprises à la commande publique, je salue la simplification de la plateforme unique, mais il aurait été bon que le texte s'adresse aussi aux collectivités territoriales.

Le Conseil d'État a déploré que l'étude d'impact soit insuffisamment aboutie. C'est regrettable, car pour simplifier, il faut des études d'impact rigoureuses et une mesure objective du rapport coût-bénéfice de chaque norme.

Je salue la suppression des articles 2, 3 et 11. Ces habilitations beaucoup trop larges dessaisissaient le pouvoir législatif sur des mesures d'importance.

Ce projet de loi est très attendu, mais il ne s'agit que d'une première étape. Nous le voterons dans la version nettement améliorée par la commission spéciale. Nos entrepreneurs ont besoin de liberté et de stabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Et de simplicité !

Discussion des articles

Article 4 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°275 rectifié, présenté par MM. Levi, Klinger et Laugier, Mme Demas, MM. A. Marc et Menonville, Mme O. Richard, M. H. Leroy, Mme de La Provôté, MM. Henno, Kern, Cadec, Panunzi, Chatillon, J.M. Arnaud et Chasseing, Mme Guidez, MM. Grand et Belin, Mmes Antoine et Billon et MM. Fargeot et Duffourg.

Supprimer cet article.

Mme Patricia Demas.  - Cet amendement vise à supprimer l'article 4, qui ne répond pas à l'objectif de simplification de l'accès à la commande publique en ligne. Le choix d'une plateforme unique de publication fragiliserait l'équilibre économique précaire des supports habilités à publier des annonces légales (Shal). De plus, nos petites entreprises locales risqueraient d'être plus facilement mises en concurrence avec les grands groupes et les ETI nationales.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - L'article 4 constitue un juste équilibre pour la centralisation des procédures de passation de la commande publique. Le recours au dispositif est facultatif pour les collectivités territoriales. Le délai de cinq ans permettra aux éditeurs de plateformes privées de se préparer, notamment en recentrant leurs prestations vers les personnes non soumises à l'obligation. Rien n'empêchera les acheteurs dont l'offre est publiée sur la plateforme de l'État de la publier aussi via la presse quotidienne régionale (PQR). Il s'agit d'une simplification de l'accès des petites entreprises à la commande publique qui ne remet pas en cause le modèle économique des autres plateformes de dématérialisation. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Nous adhérons aux arguments de la rapporteure. Ce dispositif, qui n'est qu'un point d'entrée, ne déstabilisera pas les autres plateformes, notamment celles de la PQR. La date d'entrée en vigueur, en 2028, permettra à chacun de s'adapter. Le marché des annonces légales ne sera pas remis en cause. Nous parlons d'une évolution de 7,5 à 15 % du flux des marchés publics : les 85 % restant demeureront à la main des plateformes mutualistes. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°275 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°274 rectifié, présenté par MM. Levi, Klinger et Laugier, Mme Demas, MM. A. Marc et Menonville, Mme O. Richard, M. H. Leroy, Mme de La Provôté, MM. Henno, Kern, Cadec, Panunzi, Chatillon, J.M. Arnaud et Chasseing, Mme Guidez, MM. Grand et Belin, Mmes Antoine et Billon et MM. Fargeot et Duffourg.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Le code de la commande publique est ainsi modifié :

1° L'article L. 2132-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes morales de droit public, à l'exception des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements, et les organismes de sécurité sociale peuvent utiliser la plateforme de dématérialisation mise gratuitement à leur disposition par l'État, après autorisation de celui-ci, pour réaliser les communications et les échanges mentionnés au premier alinéa dans les conditions et sous réserve des dérogations définies par voie réglementaire. » ;

2° L'article L. 3122-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes morales de droit public, à l'exception des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements, et les organismes de sécurité sociale peuvent utiliser la plateforme de dématérialisation mise gratuitement à leur disposition par l'État, après autorisation de celui-ci, pour réaliser les communications et les échanges mentionnés au premier alinéa dans les conditions et sous réserve des dérogations définies par voie réglementaire. »

II.  -  Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret en fonction de la catégorie d'acheteurs et d'autorités concédantes et au plus tard le 31 décembre 2028.

L'État peut autoriser l'acheteur ou l'autorité concédante qui en fait la demande à utiliser gratuitement sa plateforme de dématérialisation dès la date de publication de la présente loi.

Le présent II est applicable aux contrats soumis au code de la commande publique dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Mme Patricia Demas.  - Cet amendement d'appel supprime la possibilité pour les collectivités territoriales d'utiliser la plateforme Place, ainsi que l'obligation faite aux personnes morales de droit public et aux organismes de sécurité sociale de l'utiliser ; ces derniers pourront utiliser la plateforme s'ils en formulent la demande.

Gare à ne pas mettre en péril un écosystème qui fonctionne depuis des années. Le transfert de ne serait-ce que 15 % des collectivités sur Place entraînerait la disparition des plateformes mutualistes et, partant, l'effondrement de toute la commande publique française. Il y va de la survie de la PQR. C'est enfin un danger pour nos PME locales, qui seront en concurrence avec les grands groupes, sans accompagnement.

M. le président.  - Amendement identique n°306, présenté par M. Barros, Mme Apourceau-Poly, MM. Bacchi, Bocquet et Brossat, Mmes Brulin et Corbière Naminzo, M. Corbisez, Mmes Cukierman et Gréaume, M. Lahellec, Mme Margaté, MM. Ouzoulias et Savoldelli, Mmes Silvani et Varaillas et M. Xowie.

Mme Marianne Margaté.  - Cet amendement d'appel relaie les inquiétudes des éditeurs privés qui ont développé des plateformes dédiées à la commande publique, sous l'impulsion des pouvoirs publics. Ils ont permis à l'État d'atteindre ses objectifs de transparence et de digitalisation. Tel que rédigé, l'article 4 mettrait à mal tout un écosystème, sans parler de la perte financière pour la PQR.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Retrait, sinon avis défavorable. Mme la ministre a tenté de rassurer la PQR et les plateformes. S'ils étaient adoptés, ces amendements ralentiraient la centralisation des procédures de passation des contrats.

Les collectivités pourront toujours recourir à ces plateformes, qui leur apportent des services très intéressants. C'est une concurrence saine.

Nous avons reçu les représentants de la PQR et des plateformes et ne sommes pas sourds à leurs inquiétudes, mais il n'y a pas lieu de s'affoler. Seule une petite partie du marché sera affectée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Même avis.

Nous avons également reçu les éditeurs de plateformes et de logiciels mutualistes ainsi que les acteurs de la PQR. Je le redis, seule une petite partie du flux est concernée.

Rassembler sur une seule plateforme l'ensemble des appels d'offres obéit à une volonté de simplification. Chacun sait combien il est laborieux pour des TPE de se coltiner quinze plateformes différentes pour répondre à un appel d'offres public - c'est un doux enfer !

Il n'y a aucune malice dans cet article 4, qui ne vise qu'à rassembler, soyons fous, 15 % du flux des marchés publics en un seul lieu.

L'amendement n°274 rectifié est retiré.

L'amendement n°306 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié undecies, présenté par M. J.B. Blanc, Mme Noël, M. Sautarel, Mme Goy-Chavent, M. Daubresse, Mmes Valente Le Hir, Estrosi Sassone, Demas et M. Mercier, MM. J.P. Vogel, Pellevat, Burgoa, Brisson, Reynaud, Chevrollier et Klinger, Mme Muller-Bronn, M. Genet, Mme Dumont, M. Chaize, Mmes Josende, P. Martin et Belrhiti, MM. Lefèvre, Belin, Chatillon, Milon, Houpert et Gremillet, Mmes Lassarade et Pluchet, M. Bouchet, Mme Canayer, M. D. Laurent et Mmes Nédélec et Schalck.

I.  -  Alinéa 3

Supprimer les mots :

, à l'exception des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements,

II.  -  Alinéas 7 à 10

Supprimer ces alinéas.

III.  -  Alinéa 12

Supprimer les mots :

, à l'exception des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements,

IV.  -  Alinéas 16, 17, 20 à 23

Supprimer ces alinéas.

Mme Patricia Demas.  - Il s'agit de standardiser l'usage de cette plateforme par tous les acteurs publics, y compris les collectivités territoriales, en supprimant son caractère facultatif pour ces dernières. Les avantages sont multiples : simplifier les processus pour les TPE- PME, favoriser l'innovation dans nos régions, alléger les démarches administratives pour les collectivités, renforcer la transparence.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. Karoutchi, Mme Chain-Larché, MM. Cuypers, Cambon, Milon et Burgoa, Mme Lavarde, MM. Sido, D. Laurent et Levi, Mme Malet, M. de Legge, Mmes Eustache-Brinio et Imbert, MM. Meignen, H. Leroy et Paul, Mmes Micouleau et Dumas, M. Genet, Mmes Josende et Canayer, MM. Belin et Brisson, Mmes Richer et Estrosi Sassone, MM. Folliot et Grosperrin, Mmes Muller-Bronn, N. Goulet et Carrère-Gée, MM. Pellevat, Mandelli, Bouchet, Reynaud, Pernot, Bruyen, Bonnecarrère et Savin, Mme Lassarade, MM. Mouiller et Panunzi, Mmes Herzog, Gatel, M. Mercier et F. Gerbaud, MM. J.P. Vogel, de Nicolaÿ et Hugonet, Mme Puissat, M. Henno, Mme Demas, M. Paumier, Mme Perrot, M. Lefèvre et Mmes Dumont, Schalck et Bonfanti-Dossat.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements peuvent utiliser, si elles le souhaitent, la plateforme de dématérialisation mentionnée à l'alinéa précédent.

M. Roger Karoutchi.  - L'alinéa 3 exclut les collectivités territoriales de l'accès à la plateforme. Cet amendement n'impose rien : il permet simplement aux collectivités qui le souhaitent d'y accéder. Vous me rétorquerez qu'à l'alinéa suivant, « l'État autorise les autorités concédantes qui le demandent à accéder à la plateforme ». Mais cela signifie aussi qu'il peut ne pas autoriser !

Je veux, moi, que les collectivités territoriales volontaires aient accès à la plateforme sans devoir passer par l'autorisation de l'État. Je vous sens quasiment d'accord, madame la ministre...

L'amendement n°283 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par M. Karoutchi, Mme Chain-Larché, MM. Cuypers, Cambon, Milon et Burgoa, Mme Lavarde, MM. Sido, D. Laurent et Levi, Mme Malet, M. de Legge, Mmes Eustache-Brinio et Imbert, M. Meignen, Mme Aeschlimann, MM. H. Leroy et Paul, Mmes Micouleau et Dumas, M. Genet, Mmes Josende, Bonfanti-Dossat et Canayer, MM. Belin et Brisson, Mmes Richer et Estrosi Sassone, MM. Folliot et Grosperrin, Mmes Muller-Bronn, N. Goulet et Carrère-Gée, MM. Pellevat, Mandelli, Bouchet, Reynaud, Pernot, Bruyen, Bonnecarrère et Savin, Mme Lassarade, MM. Mouiller et Panunzi, Mmes Herzog, Gatel, M. Mercier et F. Gerbaud, MM. J.P. Vogel, de Nicolaÿ et Hugonet, Mme Puissat, M. Henno, Mme Demas, M. Paumier, Mme Perrot, M. Lefèvre et Mmes Dumont et Schalck.

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements peuvent utiliser, si elles le souhaitent, la plateforme de dématérialisation mentionnée à l'alinéa précédent.

M. Roger Karoutchi.  - Défendu.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Deux visions s'opposent : d'un côté, ceux qui veulent exclure les collectivités territoriales du dispositif ; de l'autre, ceux qui veulent les obliger à utiliser Place.

Imposer aux collectivités d'utiliser une plateforme irait à l'encontre du principe de libre administration. Laissons-leur le choix. Au demeurant, la plateforme n'est pas dimensionnée pour accueillir tous les marchés des collectivités - c'est pourquoi les plateformes actuelles n'ont pas de souci à se faire. Avis défavorable sur l'amendement n°8 rectifié undecies.

Monsieur Karoutchi, votre amendement est satisfait par la rédaction de l'article. (M. Roger Karoutchi le conteste). Si les collectivités ne sont pas obligées d'utiliser la plateforme, cela signifie qu'elles peuvent le faire.

M. Roger Karoutchi.  - Si elles y sont autorisées par l'État ! Ce n'est pas la même chose !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Défavorable à l'amendement n° 8 rectifié, qui impose une obligation aux collectivités territoriales. Le logiciel actuel n'est pas en mesure d'accueillir un tel volume ; cela supposerait un chantier de transformation long et coûteux. Au-delà des questions d'interopérabilité, une telle obligation irait à l'encontre du principe de libre administration des collectivités, cher au Gouvernement.

Monsieur Karoutchi, étant une femme de lettres, comme souvent les ministres de Bercy (Sourires), je ne suis pas insensible à vos propos, mais vous avez effectivement devancé ma réponse. J'ajoute que « autorise » est plus protecteur, en droit, que « peut autoriser ». (M. Roger Karoutchi proteste.) Retrait sinon avis défavorable. L'important est de ne pas forcer la main aux collectivités. Évitons les lois bavardes - les entrepreneurs en bavent !

Mme Audrey Linkenheld.  - Il n'y a pas que les lois qui sont bavardes...

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Je peux aussi me taire !

M. Roger Karoutchi.  - Lisez mon amendement, madame la ministre : « les collectivités peuvent utiliser ». C'est-à-dire qu'il n'y a pas besoin d'autorisation de l'État. Or dans votre rédaction, à l'alinéa suivant, il est écrit « l'État autorise ». Ce n'est pas la même chose ! Cela signifie que l'État peut ne pas autoriser !

M. Laurent Somon.  - N'est-ce pas une loi de simplification ? Obliger les collectivités à demander une autorisation, c'est une complexification. Laissons les collectivités libres de choisir.

Mme Patricia Demas.  - Je retire mon amendement au profit de celui de M. Karoutchi.

L'amendement n°8 rectifié undecies est retiré.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Les collectivités territoriales sont exclues de l'obligation faite aux personnes morales de droit public et les organismes de sécurité sociale d'utiliser la plateforme. Si elles n'y sont pas obligées, elles en ont la possibilité.

M. Roger Karoutchi.  - Avec l'autorisation de l'État !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Non.

M. Roger Karoutchi.  - Mais si !

L'amendement n°5 rectifié est adopté, ainsi que l'amendement n°9 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n°276 rectifié ter, présenté par Mme Bellurot, M. Somon, Mme Borchio Fontimp, MM. Lefèvre et Mouiller, Mmes Dumont, Canayer et Richer, MM. Burgoa et Tabarot, Mme Demas, MM. Milon et Mandelli, Mme Josende, M. Frassa, Mmes Gosselin et Petrus, MM. Brisson et Bouchet, Mme Bonfanti-Dossat et MM. Belin, Favreau, Panunzi, J.B. Blanc, Michallet et Gremillet.

Alinéas 4, 13 et 26

Supprimer ces alinéas.

Mme Nadine Bellurot.  - Je propose qu'il n'y ait plus de dérogation du Gouvernement. Cette plateforme unique mettrait en péril l'écosystème des plateformes mutualistes existantes. La publication des avis de publicité est indispensable à la PQR. C'est aussi une prestation de services de proximité, tant pour les collectivités que pour les entreprises candidates. Pour la PQR, la perte s'élèverait à 20 millions d'euros.

France Marché publie 250 000 avis de marchés publics par an. La PQR, c'est 55 quotidiens, 46 sites web ; elle est lue par 70 % des dirigeants de PME et 80 % des élus locaux. Il y a là un vrai sujet. Adoptons cet amendement pour y travailler au cours de la navette.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Cela devient cocasse ! (Sourires) Nous venons d'adopter les amendements de Roger Karoutchi qui permettent aux collectivités d'utiliser la plateforme - ce que celui-ci leur interdit ! Retrait, sinon avis défavorable, par cohérence.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°276 rectifié ter n'est pas adopté.

L'amendement n°284 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°205 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Brault et Capus, Mme Bourcier, MM. Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc et Wattebled.

Alinéa 24

Remplacer l'année :

2028

par l'année :

2026

M. Jean-Luc Brault.  - Le délai prévu pour la mise en place de la plateforme de dématérialisation est très long : plus de quatre ans. Réduisons-le de moitié.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - J'entends votre souhait d'accélérer le processus, mais la date du 31 décembre 2028 est une date butoir. Selon la direction des achats de l'État, ce délai est nécessaire pour faire évoluer la plateforme de l'État afin qu'elle soit en mesure de faire face à un afflux d'utilisateurs. Retrait, sinon défavorable.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Ne confondons pas simplification et précipitation. Vu l'ampleur du chantier, la prudence est de mise : d'où une échéance à la fin 2028. Si la plateforme est prête avant, elle sera mise en oeuvre plus tôt. Retrait sinon avis défavorable.

L'amendement n°205 rectifié est retiré.

L'article 4, modifié, est adopté.

Après l'article 4 (Appelé en priorité)

L'amendement n°285 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°230, présenté par Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Les acheteurs peuvent conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes.

Ces dispositions sont également applicables aux lots qui portent sur des travaux dont le montant est inférieur à 100 000 euros hors taxes, à la condition que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Les acheteurs veillent à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu'il existe une pluralité d'offres susceptibles de répondre au besoin.

II.- Les dispositions du I entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2025 et s'appliquent aux marchés publics pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2025.

III.- Le présent article est applicable aux marchés publics conclus par l'État et ses établissements publics dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Mme Nadège Havet.  - Il s'agit de relever le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés portant sur des travaux dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros. Nous pérenniserions ainsi un seuil de dispense différencié plus élevé pour les marchés de travaux, comme dans la plupart des États de l'Union.

C'est une mesure de simplification pour les acheteurs, qui n'auront pas à supporter des coûts de procédure supérieurs aux gains attendus d'une mise en concurrence.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Le décret du 28 décembre 2022 prévoit que les marchés d'un montant inférieur à 100 000 euros ne sont pas soumis aux exigences de publicité et de mise en concurrence. Cette disposition prendra fin au 31 décembre 2024.

Cette mesure est plutôt de nature règlementaire. Que compte faire le Gouvernement ? Renouveler ce seuil dérogatoire par décret, ou l'inscrire en dur dans la loi, ce qui n'est pas sans danger ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence a été relevé de 40 000 à 100 000 euros par la loi Asap du 7 décembre 2020. En 2022, cette mesure a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2024 pour soutenir les entreprises du BTP. Elle a montré son efficacité, pour les acheteurs et pour nos PME. En dessous de ce montant, l'enjeu n'est pas suffisamment intéressant. Avis très favorable à l'amendement n°230.

Après deux prolongations, le Gouvernement propose une pérennisation. Nous avons rencontré 75 représentants d'associations et d'organisations professionnelles : la mesure est plébiscitée.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Même avis.

L'amendement n°230 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Brault et Capus, Mme Bourcier, MM. Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc, L. Vogel et Wattebled.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2122-1 du code de la commande publique est complété par un paragraphe ainsi rédigé : 

« ....  -  L'acheteur peut passer un marché public sans publicité ni mise en concurrence préalables portant sur des travaux, fournitures ou services innovants au sens du second alinéa de l'article L. 2172-3 et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 300 000 euros hors taxes. »

M. Jean-Luc Brault.  - Le rapport d'information sénatorial sur l'innovation préconise le triplement du plafond du régime de l'achat innovant, fixé à 100 000 euros, ce qui est trop bas pour soutenir l'innovation industrielle. Nous l'inscrivons dans la loi.

M. le président.  - Amendement n°253 rectifié, présenté par Mme Havet, M. Lévrier, Mme Schillinger, M. Mohamed Soilihi, Mme Duranton et MM. Canévet et Buis.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'acheteur peut passer un marché public sans publicité ni mise en concurrence préalables portant sur des travaux, fournitures ou services innovants au sens du second alinéa de l'article L. 2172-3 et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure aux seuils communautaires.

Mme Nadège Havet.  - Défendu.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Outre que je ne suis pas favorable à l'inscription de seuils dans la partie législative du code, un triplement serait à mon sens disproportionné. Avis défavorable à l'amendement n°12 rectifié bis.

Défavorable également à l'amendement n°253 rectifié : les seuils européens ne prendront pas en compte dans leur évolution future les besoins spécifiques des achats innovants. Les exigences de mise en concurrence et de publicité sont aussi des garanties de transparence et d'accessibilité de la commande publique.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Relever les seuils dans de telles proportions se heurterait au droit européen. Les directives européennes imposent une publicité et une mise en concurrence dès 143 000 euros hors taxes, et 221 000 euros pour les collectivités locales. Avis défavorable sur l'amendement n°12 rectifié bis.

Idem sur l'amendement n°253 rectifié. Nous pérennisons déjà le seuil à 100 000 euros.

L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°253 rectifié.

L'amendement n°254 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°48 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et Jouve, MM. Masset et Roux, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Grosvalet.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l'article L. 2172-3 du code de la commande publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Peuvent être considérés comme innovants les travaux, les fournitures ou les services qui tiennent compte de leurs incidences énergétiques et environnementales et qui recourent en priorité à des matériaux issus de la seconde main, du réemploi, de la réutilisation, du recyclage. »

M. Michel Masset.  - La commande publique, qui représente 10 % du PIB, doit être dirigée en priorité vers des procédés relevant de l'économie circulaire. La définition d'un marché innovant doit être précisée pour intégrer au mieux la notion d'économie circulaire.

Permettons les marchés de gré à gré, sans publicité ni mise en concurrence, pour les achats innovants au-delà de la limite de 100 000 euros, afin de rendre le dispositif plus attractif.

M. le président.  - Amendement identique n°353 rectifié, présenté par Mme Guhl, M. Dossus, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Fernique, Gontard et Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

M. Thomas Dossus.  - Il s'agit de prioriser les méthodes et procédés relevant de l'économie circulaire, notamment pour les achats innovants.

En 2019, seuls 15,8 % des marchés publics intégraient une disposition environnementale, loin de l'objectif de 30 %. Le nouveau plan national pour les achats durables vise 100 % d'ici à 2025.

M. le président.  - Amendement identique n°393 rectifié, présenté par MM. Canévet et Delcros, Mmes N. Goulet et O. Richard, MM. Kern et Longeot, Mmes Havet et Billon, MM. Capo-Canellas et Cambier, Mme Gacquerre, M. Duffourg, Mme Saint-Pé et M. Levi.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°550, présenté par M. M. Weber et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Simon Uzenat.  - J'ai l'expérience de la commande publique et des partenariats d'innovation. Souvent, les services de l'État ont une lecture trop restrictive, qui empêche la mise en oeuvre de solutions de bon sens, mais jugées insuffisamment innovantes. Travaillons avec les entreprises à des solutions nouvelles, même si ce ne sont pas des ruptures technologiques, si nous voulons atteindre 100 % de marchés avec une considération environnementale à l'horizon 2025. En région Bretagne, nous avions pris cet engagement dès 2023.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Ces amendements se heurtent au droit européen. La définition de l'innovation est encadrée par la directive sur les marchés publics du 26 février 2014. Elle n'exclut pas les biens issus du recyclage, de la seconde main ou du réemploi, mais ces derniers ne peuvent être catégorisés comme achats innovants à ce seul titre. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - La France défend des positions ambitieuses au niveau européen. Elle plaide pour une révision des directives, afin que l'environnement, le développement durable et l'économie circulaire soient mieux considérés dans la commande publique. Mais poser une présomption d'innovation serait contraire au droit de l'Union. Si cet amendement était adopté, la France pourrait faire l'objet d'un recours en manquement. Avis défavorable, donc.

M. Simon Uzenat.  - J'entends, mais sur ce sujet l'Europe est à mi-chemin. Il y a certes un risque, mais nous devons aller plus loin.

Le partenariat d'innovation est l'occasion d'expérimenter des solutions nouvelles avec nos TPE et PME et de démontrer leur efficacité. Accélérons, c'est de l'intérêt de tous ! L'État et les collectivités veilleront à une mise en oeuvre raisonnée. Nous comptons sur les services de l'État pour accompagner et encourager les collectivités dans cette voie.

Les amendements identiques n°48 rectifié, 353 rectifié, 393 rectifié et 550 sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°309, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 2141-2 du code de la commande publique, il est inséré un article L. 2141-2-... ainsi rédigé :

« Art. L. 2141-2-....  -  Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui n'ont pas rempli leurs obligations mentionnées à l'article L. 232-21 du code du commerce sur les deux exercices précédents. »

M. Pierre Barros.  - Il s'agit d'exclure des marchés publics les entreprises qui ne publient pas leurs comptes.

Certes, des entreprises ne veulent pas présenter de bilan défavorable ou risquer de fournir des informations stratégiques à un concurrent. Mais la transparence compte dans une relation contractuelle. De nombreux chantiers ont été plantés faute de communication sur la situation économique d'une entreprise répondant à un appel d'offres public. Obliger les entreprises à déposer leurs comptes nous prémunirait de ces situations complexes.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Nous discutons d'un texte de simplification. Or c'est plutôt une sanction. J'entends le besoin exprimé, mais les entreprises peuvent aussi faire des erreurs. Pourquoi les sanctionner ? (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST) Accordons-leur le bénéfice du doute. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - L'acheteur peut déjà exiger que les opérateurs économiques fournissent des informations sur leurs comptes annuels. Nous aurons tout le loisir de parler sanction à l'article 10. Avis défavorable. Plus que six articles avant de parler de sanctions, courage ! (Sourires)

M. Michaël Weber.  - Nous sommes en effet alertés par de nombreux élus de nos territoires : ceux-ci déplorent que certaines entreprises n'offrent pas de visibilité suffisante sur leur situation.

Cet amendement fournit des garanties, et ne complexifie pas les choses. (Mme Olivia Grégoire le réfute.) Je voterai cet amendement.

M. Fabien Gay.  - La publication des comptes est une obligation légale. (On approuve sur les travées des groupes CRCE-K et SER.) Les entreprises qui ne la respectent pas ne sont donc pas en conformité avec le droit. Nous ne prévoyons pas de nouvelles sanctions, nous disons simplement que les entreprises contrevenantes doivent être écartées des marchés publics. Nous devrions nous mettre d'accord sur ce point !

Sinon, si ce n'est pas grave de ne pas respecter le droit... Attention aux argumentaires ! Le Gouvernement en est à sa troisième réforme de l'allocation chômage...

Si une entreprise ne se conforme pas à l'obligation légale, elle ne peut pas concourir aux marchés publics. Une obligation légale n'est pas une sanction !

M. Simon Uzenat.  - Les représentants d'organisations professionnelles le disent bien : les entreprises qui ne respectent pas les règles sont une minorité. Les chefs d'entreprise appellent justement à des sanctions pour celles-ci, car elles pénalisent les autres !

Quand elles sollicitent des subventions, les associations doivent avoir présenté leurs comptes dans les règles. N'instaurons pas un deux poids, deux mesures !

Madame la ministre, je vous rappelle qu'en mai 2022, le Gouvernement a publié un décret visant à interdire de soumissionner les entreprises qui n'ont pas présenté un plan de vigilance...

Les entreprises qui font le choix de ne pas respecter les règles ne doivent pas pouvoir concourir à des marchés publics encadrés par ces mêmes règles. On ne peut pas être gagnant au tirage et au grattage ! Envoyons un message clair. Nous soutiendrons avec conviction cet amendement.

L'amendement n°309 est adopté et devient un article additionnel.

(On s'en félicite à gauche.)

M. le président.  - Amendement n°368 rectifié bis, présenté par MM. J.B. Blanc, Somon et Burgoa, Mme Canayer, MM. Reynaud, Sautarel et C. Vial, Mmes Micouleau, Imbert et Bonfanti-Dossat, MM. Bruyen, Meignen et Gremillet, Mmes Lassarade et Belrhiti, MM. Laménie, Tabarot et Cadec, Mme Joseph, MM. Sido, Milon et J.P. Vogel, Mme Demas, M. Pernot, Mmes P. Martin et Petrus, M. Chatillon, Mme Dumont, M. Chevrollier, Mme Ventalon, M. Mandelli, Mme Josende, MM. Genet, Michallet, Panunzi et Chaize, Mmes Malet et Noël et MM. Brisson, Piednoir et Klinger.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 2151-1 du code de la commande publique, il est inséré un article L. 2151-... ainsi rédigé :

« Art. L. 2151-.... - Pour les marchés passés selon une procédure formalisée, la présentation des variantes est autorisée sauf mention contraire dans l'avis de marché ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt. Pour les marchés passés selon une procédure adaptée, la présentation des variantes est autorisée sauf mention contraire dans les documents de la consultation. »

M. Laurent Somon.  - Cet amendement vise à simplifier la présentation des variantes dans les marchés publics, trop peu utilisées en raison d'un cadre juridique contraignant.

M. le président.  - Amendement identique n°427 rectifié bis, présenté par MM. Canévet et Delcros, Mmes N. Goulet et O. Richard, MM. Kern et Longeot, Mme Billon, M. Capo-Canellas, Mmes Romagny et Gacquerre et MM. Duffourg et Levi.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°464 rectifié, présenté par Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Nadège Havet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°593 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel et Guiol, Mme Jouve, M. Masset et Mme Pantel.

M. Michel Masset.  - En stimulant l'innovation, la commande publique contribue à faire grandir les entreprises innovantes. En retour, ces dernières offrent aux collectivités la possibilité de répondre plus efficacement aux besoins des citoyens.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Avis favorable, car les variantes sont des outils dont l'utilité est reconnue, notamment d'un point de vue environnemental et social.

En l'état actuel du droit, les variantes sont réputées autorisées -  sauf mention contraire  - , mais cela ne suffit pas : il faut aligner cette présomption d'autorisation sur les procédures formalisées des pouvoirs adjudicateurs.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Les règles relatives à la définition des variantes sont définies à l'article R. 2151-8 du code de la commande publique : lors d'une procédure adaptée, les variantes sont autorisées, sauf en cas d'opposition expresse de l'acheteur.

Pour les procédures formalisées, c'est-à-dire les marchés soumis au droit européen de la commande publique, les modalités de présentation sont imposées par la directive 2014/24, qui pose la règle inverse : les variantes sont interdites, sauf si le pouvoir adjudicateur les autorise expressément. Modifier cette règle serait donc contraire au droit européen. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos 368 rectifié bis, 427 rectifié bis, 464 rectifié et 593 rectifié sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°233, présenté par Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la commande publique est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l'article L. 2152-7, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le marché peut être attribué à une société constituée ou en cours de formation entre l'acheteur et le ou les soumissionnaires déclarés attributaires si les documents de la consultation le prévoient. Cette société est constituée, pour une durée limitée en vue de la conclusion et de l'exécution de ce marché. » ;

2° Après le premier alinéa de l'article L. 3124-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le contrat de concession peut être attribué à une société constituée ou en cours de formation entre l'autorité concédante et le ou les soumissionnaires déclarés attributaires si les documents de la consultation le prévoient. Cette société est constituée, pour une durée limitée en vue de la conclusion et de l'exécution de ce contrat de concession. »

Mme Nadège Havet.  - Cet amendement vise à ouvrir le recours au dispositif de partenariat public-privé institutionnalisé (PPPI) à l'ensemble des marchés de contrats de concession.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - L'élargissement du recours pourrait être intéressant, car ces PPPI présentent un coût réduit pour les finances publiques et renforcent la responsabilité de la personne morale de droit public. Au regard du droit européen, je demande l'avis du Gouvernement : adopter l'amendement n'aurait-il pas des effets délétères que nous n'aurions pas identifiés ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Ces PPPI peuvent être des outils pertinents pour la réalisation de projets complexes. Avis favorable.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Dès lors, avis favorable.

L'amendement n°233 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°232, présenté par Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 3 du chapitre Ier du titre VII du livre Ier de la deuxième partie du code de la commande publique est complétée par un article L. 2171-6-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2171-6-2.  -  L'acheteur peut confier à un opérateur économique une mission globale portant sur tout ou partie de la conception, de la construction et de l'aménagement d'infrastructures ou d'équipements publics ayant vocation à être imbriqués dans un ensemble immobilier plus vaste comportant un programme de logement, et dont l'opérateur économique assurera la maîtrise d'ouvrage globale. »

Mme Nadège Havet.  - Cet amendement prévoit de créer une nouvelle catégorie de marchés globaux sectoriels permettant le transfert de la maîtrise d'ouvrage à l'opérateur privé pour des projets immobiliers complexes dans lesquels s'entremêlent maîtrise d'ouvrage publique et maîtrise d'ouvrage privée.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - N'ayant pu expertiser cette mesure, nous souhaitons connaître l'avis du Gouvernement.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Les opérations dans lesquelles la vente et l'acquisition de l'équipement sont indivisibles entrent parfois en conflit avec certaines règles de la commande publique qui ont justement vocation à régir des opérations moins complexes.

Lorsque l'opération porte sur un ensemble immobilier imbriqué sous les deux types de maîtrise d'ouvrage, cette nouvelle forme de marché permettra à la collectivité ou aux bailleurs sociaux d'en confier la gestion à l'opérateur privé, pour ne pas avoir à supporter les risques : avis favorable.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Dès lors, avis favorable.

L'amendement n°232 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°366 rectifié bis, présenté par MM. J.B. Blanc, Somon et Burgoa, Mme Canayer, MM. Reynaud, Sautarel et C. Vial, Mmes Micouleau, Imbert et Bonfanti-Dossat, MM. Bruyen, Meignen et Gremillet, Mmes Lassarade et Belrhiti, MM. Laménie, Tabarot et Cadec, Mme Joseph, MM. Sido, Milon et J.P. Vogel, Mme Demas, M. Pernot, Mmes P. Martin et Petrus, M. Chatillon, Mme Dumont, M. Chevrollier, Mme Ventalon, M. Mandelli, Mme Josende, MM. Genet, Michallet, Panunzi et Chaize, Mmes Malet et Noël et MM. Brisson, Piednoir et Klinger.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre II du titre VIII du livre Ier de la deuxième partie du code de la commande publique est complété par un article L... ainsi rédigé :

« Art. L.... - L'acheteur notifie le marché au titulaire dans un délai qui ne peut être supérieur à un an à compter de la décision d'attribution. Le marché prend effet à la date de réception de la notification.

« Au-delà de cette date, l'entreprise retenue est en droit de ne pas donner suite à la notification du marché. »

M. Laurent Somon.  - Cet amendement tend à encadrer le délai entre la décision d'attribution et la notification du marché par l'acheteur. Cette attente crée des incertitudes pour les entreprises, ce qui complique la gestion de leurs plans de charge et des ressources humaines, sans parler de l'adéquation entre l'offre et la réalité financière des travaux lors de leur exécution.

M. le président.  - Amendement identique n°423 rectifié, présenté par MM. Canévet et Delcros, Mmes N. Goulet et O. Richard, MM. Kern et Longeot, Mmes Havet et Billon, M. Capo-Canellas, Mme Romagny, M. Cambier, Mme Gacquerre, M. Duffourg, Mme Saint-Pé et M. Levi.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°465 rectifié, présenté par Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Nadège Havet.  - Défendu.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Ces amendements nous semblent intéressants. Les PME attendent parfois plusieurs mois la notification du marché. Ce serait une réelle mesure de simplification : avis favorable.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Je comprends votre souhait. Cela dit, est-il opportun d'encadrer ce délai dans la loi ? Pas sûr, car certains marchés ne peuvent être notifiés avant que l'acheteur n'ait obtenu toutes les autorisations nécessaires.

En cas de retard ou d'absence de notification, les entreprises ne sont pas démunies juridiquement : elles sont alors déliées de leur engagement et peuvent renoncer au marché. La notification tardive peut aussi engager la responsabilité de l'acheteur. Mieux vaut mener des actions de sensibilisation auprès des acheteurs. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos366 rectifié bis, 423 rectifié et 465 rectifié sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°231, présenté par Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article L. 2193-1 du code de la commande publique, après les mots : « marchés de travaux », sont insérés les mots : « pour lesquels l'acheteur est maître d'ouvrage au sens de l'article L. 2411-1 ».

Mme Nadège Havet.  - Les règles relatives à la sous-traitance ne devraient s'appliquer aux marchés de travaux que lorsque l'acheteur est maître d'ouvrage. La règle du paiement direct ne serait pas maintenue lorsque la personne publique aurait transféré la maîtrise d'ouvrage à une personne privée.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Cette mesure paraît de bon sens et semble simplifier notre droit. Néanmoins, en cohérence avec la position de la commission sur les amendements nos232 et 233, je sollicite l'avis du Gouvernement.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - C'est une clarification bienvenue : celle-ci répond aux interrogations des acheteurs publics qui passent des marchés de travaux avec transfert de maîtrise d'ouvrage.

En ce cas, c'est le titulaire du contrat -  et non plus l'acheteur  - qui est le maître d'ouvrage. C'est pourquoi il n'est pas logique que l'acheteur conserve l'obligation de payer directement un éventuel sous-traitant.

Avis favorable à cet amendement remédiant à cette incohérence.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°231 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°234, présenté par Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1° de l'article L. 2512-5 du code de la commande publique est ainsi rédigé :

« 1° Les services d'acquisition ou de location, quelles qu'en soient les modalités financières :

« a) De terrains, de bâtiments existants ou d'autres biens immeubles, ou qui concernent d'autres droits sur ces biens ;

« b) D'une partie minoritaire et indissociable d'un immeuble à construire assortis de travaux répondant aux besoins de l'acheteur qui ne peuvent être réalisés par un autre opérateur économique que celui en charge des travaux de réalisation de la partie principale de cet immeuble lorsqu'il n'existe aucune solution de remplacement raisonnable et que l'absence de concurrence ne résulte pas d'une restriction artificielle des caractéristiques du marché. Les dispositions des articles L. 2183-1 et L. 2184-1 sont applicables lorsque le marché répond à un besoin dont la valeur est égale ou supérieure aux seuils européens figurant dans un avis annexé au présent code ; »

Mme Nadège Havet.  - Nous souhaitons assouplir le régime d'exécution des ventes en l'état futur d'achèvement (Vefa) qualifiées de marchés publics. Alignons ce régime sur celui des contrats exclus, conclus de gré à gré et soumis à des règles d'exécution plus souples.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Cette disposition se justifie par la nature singulière de ces marchés, où l'acheteur public n'acquiert qu'une partie minoritaire d'un ensemble immobilier et pour lequel la maîtrise d'ouvrage est confiée à un opérateur privé. Elle pourrait simplifier les choses. Le Gouvernement peut-il toutefois nous indiquer les éventuels effets délétères d'une telle réforme ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Les Vefa peuvent être qualifiées de marchés publics de travaux. Dans ce cas, alors même que ces opérations sont conclues sans publicité ni mise en concurrence, elles sont néanmoins soumises aux règles d'exécution financière prévues par le code de la commande publique. Or celles-ci sont très peu compatibles avec une maîtrise d'ouvrage privée.

Cet amendement, qui harmonise les Vefa publiques et les Vefa privées, favorisera l'attractivité de ce dispositif utile aux personnes publiques et aux bailleurs sociaux.

L'amendement n°234 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°47 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et Jouve, MM. Masset et Roux, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Grosvalet.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La dernière phrase du dernier alinéa de l'article 53 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement est complétée par les mots : « et pour faire évoluer les règles d'attribution des marchés publics dans un sens favorable à la prise en compte par les acheteurs publics des labels mentionnés au neuvième alinéa du présent article. »

M. Michel Masset.  - Les acheteurs publics devraient prendre en compte le label de responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

Les fédérations professionnelles craignent que les premières avancées pour une commande publique verte, permises par la loi Industrie verte, s'accommodent d'un statu quo des règles européennes exigeant que l'objet de la commande publique ne porte que sur le marché en excluant tous critères relatifs aux entreprises soumissionnaires.

Cet amendement ne saurait être considéré comme satisfait, contrairement à ce qui a été dit en commission.

M. le président.  - Amendement n°57 rectifié, présenté par M. Favreau, Mme Aeschlimann, MM. Belin, J.B. Blanc et Brisson, Mme Evren, M. Gremillet, Mme Josende, MM. Karoutchi, Laménie et Mandelli, Mme Micouleau, M. Panunzi, Mme Petrus et MM. Sautarel, Sido, Tabarot, J.P. Vogel et Genet.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article 53 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce cadre de travail visera également à permettre la prise en compte par les acheteurs publics des labels mentionnés au neuvième alinéa du présent article. »

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Cet amendement vise à permettre la prise en compte par les acheteurs publics des labels RSE.

Les fédérations professionnelles craignent que la loi Industrie verte ne compromette les efforts qu'elles ont réalisés, via la création des labels. Elles redoutent que les critères relatifs aux entreprises soumissionnaires soient exclus de la commande publique.

M. le président.  - Amendement identique n°178 rectifié, présenté par MM. Burgoa, Bouchet, Milon et Menonville, Mmes Imbert, Guidez et Dumont, MM. Piednoir et Henno, Mmes Belrhiti et Lopez, M. Anglars, Mme Demas, MM. Sol et H. Leroy, Mme Canayer et M. Houpert.

Mme Patricia Demas.  - Défendu.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements nos47 rectifié bis, 57 rectifié et 178 rectifié. Ces amendements sont satisfaits, car l'article 53 de la loi du 3 août 2009 précise que l'État « soutiendra les PME s'engageant dans la voie de certification environnementale ». Un tel ajout serait contraire à l'intelligibilité de la loi.

De nombreuses avancées en matière de verdissement de la commande publique ont été mises en oeuvre ces dernières années, démontrant bien la volonté du législateur d'avancer vers une meilleure prise en compte de la démarche environnementale des entreprises.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - La directive relative à la commande publique doit être revue.

La référence aux labels est déjà prise en compte. Les dispositions proposées ne sont pas toutes normatives. Une telle modification du droit de l'Union européenne n'est pas envisageable dès lors qu'elle serait sans lien avéré avec l'objet du marché ; elle serait contraire au principe de non-discrimination issu des traités. Retrait, sinon avis défavorable, aux amendements nos47 rectifié bis, 57 rectifié et 178 rectifié.

M. Simon Uzenat.  - La plateforme RSE de France Stratégie a réalisé un important travail sur ces questions entre 2018 et 2021. Le niveau de maturité est différent selon les branches.

Oui, les avis sont divergents, madame la ministre. Certains juristes expliquent que l'on peut réformer le code des marchés publics à la marge quand d'autres suggèrent de réformer la directive de 2014 sur les marchés publics. Le cadre n'est pas stabilisé.

Soutenons les organisations professionnelles engagées, notamment dans le secteur du BTP ! Nous voterons ces amendements.

L'amendement n°47 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement n°57 rectifié est retiré, ainsi que l'amendement n°178 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°553, présenté par M. M. Weber et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au I de l'article 58 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, les mots : « les services de l'État ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements » sont remplacés par les mots : « les entités adjudicatrices soumises au code de la commande publique ».

M. Simon Uzenat.  - Cet amendement vise à étendre à tous les acheteurs soumis au code de la commande publique les obligations d'achats issues du réemploi, du don, du recyclage et de la réutilisation, car seuls les collectivités et leurs groupements sont concernés aujourd'hui. Ajouter notamment les établissements publics serait un puissant levier en faveur de l'économie circulaire.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - L'évaluation du dispositif par le Commissariat général au développement durable a permis de constater que cette obligation a conduit nombre d'acheteurs à s'engager dans l'achat durable. Plusieurs pistes d'amélioration étaient proposées, dont celle que vous recommandez. Un tel élargissement nécessite une évaluation plus concrète.

De plus, votre amendement présente un défaut de rédaction : vous n'incluez pas les autres acheteurs publics, contrairement à ce qui est inscrit dans son objet. Sagesse.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Vos préoccupations me semblent éloignées de l'objet du texte. L'État et les collectivités sont déjà soumis aux dispositions de la loi Agec. Cela représente 58 milliards d'euros par an. Élargir cette mesure à d'autres organismes ne relève pas du coeur du projet de loi...

M. Thomas Dossus.  - Ce n'est pas clair.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Vous m'excuserez, mais je me suis levée à 5 heures et il est minuit et demi. Avis défavorable.

L'amendement n°553 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°298, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour les marchés dont les montants n'excèdent pas les seuils mentionnés à l'article 4 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, les acheteurs publics peuvent, lorsqu'ils se fondent sur une pluralité de critères pour l'attribution d'un marché, prendre en compte la proximité des soumissionnaires du lieu d'exécution du marché et leurs engagements à cet égard dans l'évaluation de leur offre.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Intégrons un critère de proximité dans la commande publique afin de favoriser nos PME, TPE et nos producteurs locaux dans le cadre des primes d'aménagement du territoire.

Contraire au droit européen, cette disposition illustre la difficulté à redynamiser nos territoires et à préserver l'emploi local, puisque les règles de respect de la concurrence prévalent.

Nous sommes confrontés à une complexité inutile du droit. Nous regrettons l'absence de mécanisme comparable au Small Business Act qui existe aux États-Unis, permettant à l'administration de réserver une partie de la commande publique à ses PME.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Nous ne pouvons que partager votre souhait de favoriser les entreprises locales dans la passation des marchés - c'est évident. Mais c'est contraire au droit européen, comme vous l'avez dit. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Même avis. Peut-être ferons-nous un jour évoluer le droit européen en la matière.

On peut tout de même moduler les cahiers des charges en fonction des spécificités, qu'il s'agisse de la qualité des produits ou de la performance des offres, en favorisant des circuits courts. Il est possible de parvenir à l'objectif que vous défendez sans contrevenir au droit européen. Avis défavorable.

L'amendement n°298 n'est pas adopté.

M. le président.  - Nous avons examiné 36 amendements aujourd'hui ; il en reste 362 à examiner sur ce texte.

Prochaine séance aujourd'hui, mardi 4 juin 2024, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit trente.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 4 juin 2024

Séance publique

À 9 h 30, 14 h 30 et le soir

Présidence : M. Alain Marc, vice-président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président, M. Loïc Hervé, vice-président.

Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp,M. Guy Benarroche.

1. Questions orales

2. Suite du projet de loi de simplification de la vie économique (procédure accélérée) (texte de la commission, n°635, 2023-2024)