SÉANCE

du jeudi 10 octobre 2024

5e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Véronique Guillotin.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Imposition des sociétés

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à mettre en place une imposition des sociétés plus juste et plus écologique, présentée par M. Rémi Féraud et plusieurs de ses collègues à la demande du groupe SER.

Discussion générale

M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Cette proposition de loi a été déposée il y a un an à l'issue d'un travail commun des membres socialistes de la commission des finances, que je remercie. Je remercie également le président Patrick Kanner pour son inscription à l'ordre du jour.

Le contexte actuel des finances publiques, détérioré, confirme la nécessité de ce texte.

Un changement de paradigme fiscal s'impose. Notre attractivité économique ne finance plus notre modèle social, comme le montre le creusement du déficit. Le système fiscal doit être changé pour assurer le bon fonctionnement des services publics, ce que les gouvernements précédents ont refusé de faire.

Depuis 2017, quelle a été leur approche, revendiquée par Bruno Le Maire ? La baisse du taux de prélèvements obligatoires. Mais le ruissellement n'est jamais venu, d'où un déficit à 6 % du PIB et une dette qui atteint 110 % du PIB.

Cette politique, qui avait sa logique, même si nous ne la partagions pas, a échoué. Il est temps d'en changer. Le Gouvernement est face à un mur de financements : investissements écologiques, fonctionnement quotidien de l'État, solidarité et services publics.

Cette proposition de loi renverse une approche injuste, fondée sur la politique de l'offre, et rééquilibre la fiscalité pour la rendre plus équitable et davantage tournée vers l'intérêt général.

Comme le montrent notamment les travaux de l'économiste Anne-Laure Delatte, les prélèvements sur les ménages représentent les deux tiers du budget de l'État et du budget social quand ceux sur les entreprises n'en représentent qu'un tiers. Elles doivent contribuer davantage avec, en sus, des bonus fiscaux perçus par celles d'entre elles qui sont vertueuses, des malus pour celles qui génèrent des externalités négatives, contraires à l'intérêt général et aux objectifs de politiques publiques.

La logique des niches fiscales, coûteuse, doit être inversée. Ainsi, s'il n'est pas interdit aux entreprises de mener des actions polluantes, celles qui le feront seront assujetties à un taux d'imposition sur les sociétés plus élevé. Ce changement de modèle générera des recettes durables, contrairement aux hausses d'impôt annoncées par Michel Barnier, qui ne feront que combler les trous et pèseront sur tous les Français, même les plus modestes.

Mettons donc en place un dispositif incitatif, sans hausse d'impôt pour les entreprises ayant contribué à l'atteinte de nos objectifs sociaux et écologiques.

Le premier chapitre de la proposition de loi porte une réforme d'ensemble de la fiscalité des entreprises.

L'article 1er instaure un nouveau taux d'impôt sur les sociétés de 30 % pour les entreprises dont les activités sont polluantes, celles qui ne publient pas le rapport annuel sur les écarts de rémunération hommes-femmes prévu par la loi Rixain, celles qui n'emploient pas au moins 6 % de personnes en situation de handicap, celles qui ne sont pas gérées dans leur intérêt social, et enfin celles qui pratiquent des écarts de rémunération de plus de 1 à 30.

Ce dispositif ne remet en cause ni la liberté d'activité ni la liberté de gestion des entreprises.

L'article 2 reprend notre proposition de loi référendaire de taxation des superprofits, mais avec une progressivité de l'impôt sur les sociétés permanente et non plus temporaire. Nous souhaitons que les entreprises qui connaissent des pics de bénéfices contribuent à l'effort fiscal de manière plus juste et plus équitable.

Le chapitre II rationalise certaines niches fiscales.

L'article 3 recentre le crédit d'impôt recherche (CIR) sur les PME, en supprimant la tranche à 5 % pour les dépenses supérieures à 100 millions d'euros et en portant de 30 % à 40 % son taux pour les PME, et sur les dépenses de recherche relatives à l'environnement, pour atteindre un « CIR vert ».

L'article 4 exclut le gaz naturel véhicule (GNV), énergie fossile, de la déduction exceptionnelle applicable aux poids lourds et aux véhicules utilitaires légers qui utilisent des énergies propres.

L'article 5 réserve les exonérations d'impôt sur les sociétés dans le cadre des zones franches urbaines - territoires entrepreneurs (ZFU-TE) aux activités économiques durables sur un plan environnemental.

Telle est notre vision : un changement de modèle nécessaire, afin que l'impôt sur les sociétés soit non pas unilatéralement augmenté, mais réformé pour répondre à l'urgence écologique et contribuer à une plus grande justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Éric Bocquet applaudit également.)

M. Laurent Somon, en remplacement de M. Bruno Belin, rapporteur de la commission des finances .  - Cette proposition de loi, qui alourdit la fiscalité des entreprises, a été rejetée en commission le 3 juin dernier. La réforme fiscale proposée affecterait l'ensemble de nos entreprises, dans un contexte marqué par le ralentissement de la croissance. Un tel alourdissement de la fiscalité des entreprises serait contre-productif, car il nuirait à leur compétitivité, donc à leur capacité d'investissement en faveur de la transition. De plus, toutes les entreprises seraient taxées, nonobstant leur capacité à contribuer au redressement des finances publiques.

Les prélèvements obligatoires représentant déjà 46 % du PIB, augmenter la fiscalité affaiblirait notre économie et restreindrait l'adhésion des entreprises à nos objectifs climatiques, d'autant que, contrairement aux intentions de l'auteur de la proposition de loi, de très nombreux acteurs économiques seraient concernés. Le texte complexifierait en outre notre droit fiscal, à rebours de la volonté de simplification que nous partageons tous.

Le premier chapitre alourdit la fiscalité pour un très grand nombre d'entreprises et risque de créer une surtaxe pour celles qui sont en forte croissance, pourtant créatrices d'emploi dans nos territoires.

Par son étendue, le périmètre du dispositif ferait basculer un grand nombre d'entreprises vers le taux d'imposition de 30 %. Ce périmètre est en outre mal défini, notamment pour ce qui concerne la notion de contribution indirecte à une activité polluante.

L'article 1er s'inscrit dans une logique d'écologie punitive, à rebours de l'écologie positive prônée par le Premier ministre et que nous appelons de nos voeux : il sanctionne les entreprises sans apporter aucune solution favorisant la transition écologique du tissu productif.

L'article 2 instaure une contribution, non pas sur les revenus exceptionnels, mais sur la croissance des entreprises. Le cumul des deux premiers articles conduirait en outre à une imposition marginale des bénéfices à 63 %, un taux proche de ce que le Conseil constitutionnel qualifie de « confiscatoire ».

Le second chapitre, dont l'objectif est de verdir certaines niches fiscales, dégraderait notre solde public et complexifierait notre droit, sans effet tangible sur la transition écologique.

Concernant la réforme du CIR introduite par l'article 3, je rappelle qu'il s'agit de la première dépense fiscale du budget général -  7,7 milliards d'euros en 2024  - et que toutes les dépenses de recherche sont éligibles, quel que soit le domaine de recherche concerné : les recherches en matière environnementale y sont donc bien incluses.

De plus, la réforme du barème conduirait à une dépense fiscale supplémentaire de 630 millions d'euros par an, injustifiée au regard de la dégradation des finances publiques.

Rien ne justifie par ailleurs l'exclusion du GNV du périmètre du suramortissement pour l'acquisition de poids lourds utilisant des gaz alternatifs, introduite par l'article 4, s'agissant d'une énergie de transition dont les émissions sont réduites par rapport au pétrole et au charbon. De plus, les moteurs GNV pouvant également fonctionner au biométhane carburant, l'inclusion de ce dernier dans le dispositif de suramortissement s'en trouverait fragilisée.

L'écoconditionnalité introduite par l'article 5 pour bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés en ZFU-TE ne semble pas adaptée. En effet, elle complexifierait le dispositif et en limiterait la portée sociale, en réduisant l'incitation à créer une activité dans un quartier défavorisé.

La commission des finances s'oppose à ces mesures, tant sur la méthode sur le fond.

Sur la méthode, le recours à l'instrument fiscal pour punir certains comportements des entreprises est inadapté et risquerait d'avoir des conséquences imprévues sur leur compétitivité.

Sur le fond, la commission des finances s'oppose à des mesures d'augmentation générale de la fiscalité des entreprises qui ne tiennent pas compte de leur faculté contributive. En outre, augmenter la fiscalité sur un périmètre très large d'entreprises n'est pas pertinent pour préserver l'activité économique.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre chargée de l'économie sociale et solidaire, de l'intéressement et de la participation .  - La réduction de la dette budgétaire et écologique comme la justice fiscale sont des enjeux prioritaires pour le Premier ministre et pour le Gouvernement. Il faut de la cohérence.

Il importe de protéger la politique de l'offre pour garantir l'activité et la production sur notre territoire, renforcer la compétitivité de nos entreprises, stimuler la croissance économique et l'investissement et favoriser l'emploi. Nous devons aussi garantir la construction d'une écologie des solutions et orienter l'investissement privé vers la transition écologique. Avec les plans France Relance et France 2030, l'État investit, aux côtés des entreprises, pour construire l'économie verte de demain, comme le montrent les contrats de transition signés avec les 50 sites industriels les plus émetteurs.

La loi Pacte a entraîné des avancées majeures en matière de responsabilité sociétale des entreprises, et la France a porté à l'échelle européenne l'importance de prendre en compte les critères extrafinanciers. Nous devons poursuivre les efforts pour que les entreprises intègrent davantage de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leur fonctionnement.

Parlons de simplification. Le temps et l'énergie de nos entreprises ne devraient pas être grevés par le fardeau administratif. La clarté et la simplicité des dispositifs mis en oeuvre sont donc aussi des priorités.

La proposition de loi prévoit une augmentation du taux d'imposition des sociétés de 25 % à 30 % pour les entreprises qui ne remplissent pas certains critères. Les gouvernements successifs se sont efforcés d'améliorer l'attractivité de la France, par la stabilité fiscale notamment.

Depuis 2017, la France a baissé son taux d'impôt sur les sociétés pour le rapprocher de celui de nos voisins européens. La compétitivité des entreprises françaises en est sortie renforcée, stimulant leur capacité à investir. Augmenter durablement l'impôt sur les sociétés nuirait à l'activité économique et à l'investissement des entreprises, alors qu'elles doivent satisfaire à nos ambitieux objectifs de transition écologique. Cela nuirait également, in fine, au pouvoir d'achat des ménages.

En outre, l'impôt sur les sociétés n'est pas le bon outil pour encourager les entreprises à s'aligner sur les valeurs d'inclusion, d'égalité et de préservation de l'environnement. Des mécanismes existent déjà pour ce faire, comme le mécanisme européen d'échanges des droits d'émissions de gaz à effet de serre ou l'index de l'égalité professionnelle.

Ici, l'entreprise ne serait pas sanctionnée à la hauteur de la faute commise, mais de sa profitabilité. Le cas extrême serait une entreprise déficitaire qui échapperait à la sanction, quels que soient ses manquements éthiques.

Le mécanisme proposé pour cibler les superprofits tirés d'une situation conjoncturelle particulière ne semble pas approprié. En effet, la proposition de loi ne définit pas les bénéfices exceptionnels et un tel mécanisme limiterait le dynamisme économique.

Les entreprises en forte croissance tendancielle seraient assujetties à ce surcroît d'impôt sans que leurs bénéfices relèvent d'une situation conjoncturelle spécifique. De plus, le taux d'imposition marginale maximal induit par le texte frôle le seuil confiscatoire défini par le Conseil constitutionnel, et le dépasserait si certains amendements étaient adoptés.

D'autres solutions sont possibles sans nuire à notre économie ni à la compétitivité des entreprises. Nous y reviendrons lors du PLF.

Le redressement des comptes publics nécessitera un effort, limité dans le temps et partagé, soutenu par une exigence de justice fiscale. Le PLF 2025 prévoira ainsi une participation des grandes entreprises qui réalisent des profits importants au redressement des finances publiques, ainsi qu'une contribution exceptionnelle des Français les plus fortunés. Nous lutterons en outre contre les fraudes fiscale et sociale. Ces mesures seront débattues lors de l'examen du PLF.

Le CIR est un mécanisme puissant bien connu des entreprises, qui a été soutenu par les gouvernements successifs. Nous sommes attachés à sa stabilité. Plus de 16?000 entreprises y ont recours, et ses effets incitatifs sur les dépenses de recherche et développement sont bien documentés. La mise en place d'un plafond à 100 millions d'euros menace la stabilité, et donc l'attractivité du dispositif et induit des risques de contournement ou de délocalisation des activités de recherche et développement.

Concernant la proposition de modifier le taux de CIR pour les TPE-PME, la lisibilité du dispositif est primordiale. Maintenons-le donc tel qu'il est, et garantissons la stabilité fiscale. Le PLF exemptera d'ailleurs les TPE et PME de l'effort exceptionnel et temporaire demandé aux grandes entreprises.

Les dépenses de recherche favorables à l'environnement font déjà partie de l'assiette du CIR. Il est en outre difficile d'identifier l'impact environnemental positif des activités de recherche et développement, ce qui compromet l'efficacité d'un taux de CIR majoré sur ce critère.

Un CIR vert serait redondant avec le plan France 2030 notamment, qui déploie plusieurs actions pour favoriser la décarbonation. Par ailleurs, le crédit d'impôt au titre des investissements verts prévoit déjà des déductions d'impôts.

Les poids lourds roulant au gaz naturel seraient exclus du suramortissement. Certes, les émissions de gaz à effet de serre sont élevées, mais il existe déjà diverses solutions fiscales. La réflexion mériterait donc d'être plus large.

S'agissant du régime d'exonération dans les zones franches urbaines, le critère proposé serait complexe à mettre en oeuvre, ce qui contreviendrait à nos objectifs de simplification et d'équité.

Oui, il faut accélérer la prise en compte des critères écologiques par les entreprises et le Gouvernement est pleinement mobilisé pour l'égalité hommes-femmes et les personnes en situation de handicap.

Cette proposition de loi ne répond cependant pas aux impératifs de clarté pour les entreprises et de cohérence avec l'existant. Elle ne fait pas les bons choix de leviers et de paramètres.

Nous poursuivrons ces débats fiscaux lors de l'examen du PLF.

M. Éric Bocquet .  - Un cuisinier sans recette fait souvent un plat raté. Un budget sans recettes n'est pas plus savoureux.

Cette proposition de loi de nos collègues socialistes vise à augmenter les ressources de l'État, en rendant la politique fiscale plus incitative.

En somme, nous examinons le budget rectificatif qui n'est pas venu, car Bruno Le Maire et Emmanuel Macron ont préféré laisser les finances publiques plonger vers un déficit abyssal de 6,1 % - pour l'instant. Michel Barnier refuse de corriger la trajectoire et concentre l'effort sur la seule année 2025, avec un risque de récession.

Nous sommes dans une économie dopée à l'argent public. La politique de l'offre coûte un pognon de dingue : aux 160 milliards d'euros d'aides aux entreprises, s'ajoutent 62 milliards d'euros de baisses d'impôts non financées et, en 2027, 5 milliards d'euros d'extinction de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Les macronistes et Les Républicains, déjà associés à l'époque, l'avaient votée ; ils partageront désormais le même bilan.

Tel un équilibriste, Michel Barnier propose, dans son projet de budget, une surtaxe sur l'impôt sur les sociétés, aux antipodes des positions de Bruno Belin, qui écrivait dans son rapport du 5 juin dernier : « l'augmentation d'impôt proposée s'inscrit à rebours de la baisse de l'impôt sur les sociétés, qui a pourtant fait l'objet d'un consensus politique très large depuis 2016, afin de soutenir la compétitivité des entreprises et l'emploi ».

La majorité sénatoriale rejettera-t-elle le budget d'un Premier ministre de son camp ? (MM. Bernard Jomier et Thierry Cozic s'en amusent.) La sortie des postures devrait vous pousser à voter l'article 1er.

Qui peut expliquer à nos concitoyens que les entreprises non vertueuses ne pourraient pas voir leur imposition augmenter ? Personne.

Nos recettes ont perdu 2,4 points de PIB entre 2018 et 2023. Si l'on y ajoute l'évolution des dépenses de plus 0,6 point de PIB, voilà un gouffre de 85 milliards d'euros... Les recettes en pourcentage du PIB sont au niveau de 1985, mais certains disent que c'est encore trop...

Pour être taxé sur les superprofits, encore faut-il avoir réalisé des superbénéfices ! La vigueur de l'article 2 mériterait d'être renforcée.

Nous partageons avec nos collègues socialistes l'objectif de mettre les recettes publiques au centre du débat budgétaire.

La bonne cuisine, c'est quand les choses ont le goût de ce qu'elles sont. Ici, les recettes sont légères, fines, gastronomiques et ne rassasieront pas les sénateurs communistes. Aussi, nous voterons ce texte, mais défendrons aussi des amendements. Les divergences entre nous sont loin d'être indépassables. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)

M. Daniel Salmon .  - Cette proposition de loi instaure une imposition des sociétés plus juste et plus écologique, ce qui va dans le sens de nos combats.

Conditionner le niveau d'imposition à des engagements sociaux et environnementaux bien réels est essentiel. C'est un important levier d'économies pour une gestion des finances publiques plus vertueuse.

Cette proposition de loi propose de réformer notre système fiscal pour répondre à des objectifs environnementaux et sociaux.

La modulation du taux d'impôt sur les sociétés en fonction des activités des entreprises introduit une logique de bonus-malus écologique, défendue par les écologistes, notamment lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 2022. Il s'agit d'internaliser les coûts environnementaux et d'orienter l'économie vers la durabilité.

La proposition de loi crée une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés liée aux bénéfices exceptionnels des grandes entreprises. Cela fait deux ans que nous plaidons pour une telle mesure de justice fiscale. Les grandes multinationales échappent à une juste imposition alors même qu'elles réalisent des bénéfices records, souvent au détriment des ressources naturelles.

Je vous renvoie au rapport Pisani-Ferry-Mahfouz sur le niveau d'investissements nécessaires pour la transition écologique, ainsi qu'à la note d'analyse de France Stratégie sur la rentabilité des investissements bas-carbone.

Nous avons toutefois une réserve sur l'inclusion du nucléaire et du gaz dans la liste des activités éligibles à des conditions fiscales favorables. Le GEST s'est toujours opposé à leur introduction dans la taxonomie environnementale européenne. Le nucléaire pose des problèmes liés aux risques, à la gestion des déchets et à la souveraineté nationale : en achetant 50 % de notre uranium enrichi à la Russie, nous finançons l'effort de guerre russe !

Nous voterons néanmoins cette proposition de loi qui constitue une avancée, dans le sens d'une écologie plus responsable.

L'économie n'est pas à égalité avec l'environnement ; elle en dépend, comme l'avenir de l'humanité.

Il ne s'agit pas de punir, mais d'orienter. C'est le propre des politiques publiques. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; M. Éric Bocquet applaudit également.)

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je félicite Rémi Féraud pour cette proposition de loi.

Depuis son passage en commission, j'observe le changement de ton de la majorité sénatoriale, devenue majorité gouvernementale. Le Premier ministre que vous soutenez admet que l'effort fiscal devra aussi concerner les entreprises réalisant d'importants profits. Inutile d'attendre le prochain PLF, cette proposition de loi vous offre l'occasion de traduire ces bonnes intentions en actes.

Il faut répondre aux crises climatiques et sociales, mais aussi restaurer des finances publiques gravement détériorées par les choix politiques depuis 2017, et notamment l'échec de la politique de l'offre.

Or la transition écologique va nécessiter des investissements colossaux, estimés à 34 milliards d'euros par an, selon le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz.

Nous devons mobiliser de nouvelles ressources, revoir les dépenses coûteuses et antiécologiques et réorienter notre appareil productif vers la durabilité.

Cette proposition de loi s'inscrit pleinement dans cette exigence : elle adapte l'impôt sur les sociétés aux réalités du dérèglement climatique et participe au redressement des finances publiques en supprimant des niches fiscales.

L'article 1er instaure un taux dérogatoire d'impôt sur les sociétés, qui passerait de 25 à 30 % pour les entreprises qui manquent à leurs obligations sociales, environnementales et sociétales.

L'article 2 instaure une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises affichant des superprofits. Il est juste qu'elles participent à l'effort, quand de nombreuses PME sont à la peine.

Les articles suivants visent la rationalisation des dépenses publiques, en ciblant spécifiquement trois niches fiscales.

En 2019, France Stratégie estimait le montant des aides publiques aux entreprises à 223 milliards d'euros par an. Les subventions directes, visibles et quantifiées, constituent la partie émergée de l'iceberg. Les niches fiscales et sociales, plus difficiles à quantifier, sont la partie immergée. Selon l'économiste Anne-Laure Delatte, leur part est passée d'à peine 1 % en 1979 à près de 4 %, alors que les subventions aux entreprises ont stagné à 2 %.

Progressivement, notre mode d'action publique a donc privilégié les exonérations aux subventions directes. Cela réduit la capacité de l'État à définir des priorités alors que nous devrions réorienter notre action en faveur de la transition écologique.

L'article 3 a trait au CIR qui coûte 7 milliards d'euros par an, pour une efficacité contestée. L'État finance plus de 20 % des dépenses privées de R&D via le CIR, soit plus du triple de la moyenne des pays de l'OCDE. Pourtant, la part de la R&D privée n'atteint que 1,4 % du PIB, contre 1,8 % en moyenne dans l'OCDE et 2 % en Allemagne et aux États-Unis. Le CIR va surtout aux grandes entreprises. Le rapport de Vanina Paoli-Gagin a démontré un effet d'aubaine : les dépenses de R&D des grandes entreprises augmentent dans une proportion trois fois moindre que celles des PME. Il faut réformer cette niche fiscale. L'imposition des sociétés doit évoluer pour répondre aux grands enjeux contemporains.

Nous soutiendrons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Éric Bocquet applaudit également.)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - La situation des finances publiques est très préoccupante. La dette n'a jamais été aussi élevée sous la Ve République, en valeur relative comme absolue. Nous devons nous endetter pour rembourser notre dette, c'est un comble ! Pour un particulier, cela s'appelle le surendettement. Par chance, la signature de la France inspire encore confiance.

Notre incapacité à tenir nos engagements européens entrave notre souveraineté. Les programmes des deux extrêmes montrent qu'ils s'en moquent éperdument. C'est le principe actif de tout populisme : ne pas dire la vérité, mais le faire croire pour accéder au pouvoir.

Cette proposition de loi viserait une imposition des sociétés plus juste et écologique, selon son auteur. C'est le programme de la Nupes 2.0, expression de la pensée économique lunaire de la gauche, et ses trois axiomes : seuls les petits sont gentils ; c'est vert donc c'est juste ; le privé c'est mal, le public c'est bien !

M. Patrick Kanner.  - Caricature !

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Small is beautiful mais vous voulez augmenter les impôts pour toutes les entreprises. PME et ETI apprécieront. Pour l'impôt sur les sociétés comme pour l'impôt sur le revenu, il s'agit d'introduire partout de la progressivité, ce qui, on le sait, ne fonctionne pas. Considérant que le profit est un mal dont on s'absout par l'impôt, on appauvrit les individus pourvu que l'État s'enrichisse. Résultat, les libertés individuelles reculent et la société s'appauvrit - et l'État avec, dès lors qu'il ne crée pas de valeur économique.

« C'est vert donc c'est juste » - voilà qui justifie la sempiternelle obsession de la gauche d'augmenter les impôts. Comme le Canada Dry, cela ressemble à du soutien à la transition écologique, sans en être. On rétablit l'impôt sur la fortune, mais « vert ». Idem pour le CIR ou l'impôt sur les sociétés à 33 % : vous avez droit à un discount à 25 % s'il est « vert ». Si l'innovation fait passer du brun au brun clair, cela ne passe pas ! (M. Patrick Kanner proteste.)

Interrogez donc ceux qui innovent et vous verrez que votre approche tue la R&D dans l'oeuf. Il faut à la fois réduire la dette économique et la dette climatique. Nous prônons une approche libérale de la lutte contre le changement climatique.

M. Patrick Kanner.  - Réactionnaire !

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Il faut un cadre favorable pour les entreprises qui incite les financeurs à investir dans les technologies vertes. (Exclamations amusées à gauche)

C'est ce que nous faisons au niveau européen, de façon transpartisane et consensuelle. Cette proposition de loi pénalise les initiatives privées. Or il faut des objectifs stratégiques définis de façon démocratique et soutenus par la commande publique, pour que le secteur privé contribue à l'intérêt général.

Nous voterons contre ce texte gadget qui n'apporte aucune réponse sérieuse. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Christine Lavarde applaudit également.)

M. Thierry Cozic.  - Caricature !

Mme Christine Lavarde .  - Je n'aurais pas dit mieux que Mme Paoli-Gagin. (Exclamations amusées sur les travées du groupe SER)

Pour Edgar Faure, la réforme fiscale, c'est promettre de réduire l'impôt sur les choses qui étaient taxées depuis longtemps et créer de nouvelles taxes sur ce qui ne l'était pas encore.

M. Patrick Kanner.  - C'est ce qui va arriver avec Barnier !

M. Thierry Cozic.  - Et vous allez le soutenir !

Mme Christine Lavarde.  - Faut-il envisager la justice fiscale comme un idéal à atteindre ou une réalité comptable ?

À l'article 1er, le critère de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) est si large que vous augmenteriez l'impôt sur les sociétés pour 30 % de nos entreprises.

À l'article 2, vous entendez taxer les superprofits, avec un seuil très bas : il suffit que l'entreprise réalise des bénéfices supérieurs de 1,25 % à la moyenne des trois années précédentes. Cette taxe n'est pas exceptionnelle, ne vous en déplaise, mais bien pérenne. Toutes les entreprises françaises les plus profitables seront touchées.

Vous nous attaquez sur ce que nous pourrions faire, demain...

M. Bernard Jomier.  - C'est un constat.

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Une taxation temporaire, exceptionnelle, sur une année, avec un effort collectif, pour soutenir les finances publiques.

M. Bernard Jomier.  - Nous verrons...

M. Thierry Cozic.  - On peut rêver !

Mme Christine Lavarde.  - En cumulant l'article 2 et l'article 1er, on atteint 63 % d'imposition. Vous condamnez les entreprises, l'innovation, et in fine, l'emploi. À ce niveau de fiscalité, l'impôt est confiscatoire. Le général de Gaulle estimait qu'au-delà de 50 %, ce n'est plus de l'impôt mais de la spoliation. Le taux moyen d'imposition des sociétés dans l'OCDE était de 20 % en 2022. La France s'en rapproche doucement.

Selon les économistes Say et Laffer, un impôt excessif détruit la base sur laquelle il porte et va donc, à terme, diminuer les recettes fiscales.

Vu son niveau actuel, on ne peut pas creuser encore le déficit, ce que prévoit pourtant l'article 3.

Enfin l'article 4, en l'état, ne me semble pas pertinent. Rapporteure de la loi Climat et résilience après la convention citoyenne, j'avais regretté que les documents fournis aux membres de la convention ne soient pas complets.

Il manquait des informations sur le verdissement de la mobilité lourde. Trois ans plus tard, même constat. Il n'existera quasiment pas de poids lourds électriques ou fonctionnant à l'hydrogène avant 2030. Leur coût est exorbitant et leur utilisation non rentable. La taille de la batterie est telle que la capacité d'emport est ridicule.

On ne compte que trente stations de recharge d'hydrogène et cent stations de recharge d'électricité, insuffisant pour alimenter une flotte sur l'ensemble du territoire.

Je reste cohérente : j'étais favorable à la prime à la conversion pour un ménage modeste passant d'un véhicule Crit'Air 5 à un véhicule Crit'Air 2. En matière de décarbonation, chaque petit geste est utile. Or vous êtes radical : soit on est tout vert, soit on n'est rien du tout. Acceptons de faire la transition selon différentes phases, en fonction de l'évolution des technologies.

La transition écologique est onéreuse. Vous avez le mérite de rechercher des recettes à court terme. Mais notre groupe ne soutiendra jamais l'écologie de la décroissance à laquelle vous aspirez.

Actuellement, les entreprises sont sous la surveillance des directives CSRD et devoir de vigilance. Chacun peut prendre le temps de lire ces publications extrafinancières. Voyez ce que font les Ateliers du Futur, ou la charte Alliance Pacte PME, signée par sept grands groupes pour accompagner des PME vers la décarbonation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Samantha Cazebonne .  - Nous estimons qu'il faut concilier l'objectif écologique avec la préservation du tissu des entreprises. La situation budgétaire peut justifier une contribution temporaire des grandes entreprises, mais on ne saurait faire peser durablement sur les entreprises un impôt sur leurs bénéfices.

La majoration de l'impôt sur les sociétés à 30 % se fonde sur un périmètre trop large. La notion de contribution indirecte à la pollution concernerait un trop grand nombre d'entreprises. En cumulant les deux dispositions, une entreprise pourrait être imposée à 63 % sur ses résultats marginaux !

Si nous sommes passés de la neuvième à la trente-quatrième place en matière d'imposition effective moyenne parmi les juridictions membres du Cadre inclusif depuis 2020, c'est grâce aux baisses d'impôts. Une fiscalité trop lourde porterait atteinte à l'activité économique. Les majorations d'impôts ne sont pas le bon vecteur.

C'est dévoyer le dispositif de zones franches urbaines (ZFU) que de le restreindre aux seules entreprises entrant dans le champ de la taxonomie verte. L'écoconditionnalité risque de freiner l'activité.

Le  RDPI votera contre ce texte.

M. Raphaël Daubet .  - Je salue la clairvoyance du groupe socialiste qui travaillait dès juillet 2023 sur des solutions radicales pour trouver les 60 milliards d'euros manquants.

Ce texte prévoit une métamorphose écologique de l'économie. Le changement climatique est désormais une réalité. La France a connu, en 2024, une quarantaine de catastrophes naturelles, fauchant des vies. La crise environnementale s'intensifie.

Cette proposition de loi instaure une fiscalité comportementale, écologique et sociale, une fiscalité du bâton plutôt que de la carotte, pour inciter les entreprises à des pratiques vertueuses.

L'impôt sur les sociétés est-il le levier à actionner pour faire contribuer les entreprises à l'effort budgétaire ? Doit-il se doter d'une dimension morale et politique ?

Les radicaux sont attachés à la liberté d'entreprendre et à l'entreprise comme un acteur solidaire de la société et de la République : elle doit être soutenue mais aussi contribuer.

Nous sommes plus réservés sur une fiscalité environnementale revêtant une dimension morale et politique. La consécration de la responsabilité individuelle a quelque chose de très libéral et d'assez dérangeant. Notre responsabilité est collective. Plutôt que de stigmatiser, ne devrions-nous pas revoir en profondeur notre modèle de société ?

Quelle entreprise du BTP n'utilise pas de granulats ? Faut-il toutes les surtaxer ?

Je m'interroge aussi sur la constitutionnalité de certaines mesures, comme la surtaxe appliquée aux entreprises victimes d'actes anormaux de gestion.

Nous croyons fermement à l'intégration plus profonde et cohérente de la question environnementale dans la République. Bien que nous partagions l'objectif de la proposition de loi, le RDSE ne peut la soutenir. Néanmoins, nous voterons symboliquement l'article 2 sur la taxation des surprofits. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe UC se réjouit de votre nomination, madame la ministre. Nous pourrons travailler à la répartition de la valeur - à condition qu'il y ait de la valeur à répartir, et donc une fiscalité qui ne soit pas trop contraignante.

Nous saluons le travail du groupe SER. Toutefois, un tel sujet nécessite une large concertation, pour mesurer les capacités réelles des entreprises.

L'impôt sur les sociétés baisse depuis 2016, sous la présidence de François Hollande. Son successeur a poursuivi cette politique pour atteindre un taux de 25 %, contre 21 % en moyenne européenne et 24 % en moyenne mondiale.

Dans un contexte de compétition internationale, la fiscalité ne doit pas pénaliser nos entreprises, sinon elles iront à l'étranger. Notre groupe est attaché à la stabilité fiscale et à la prévisibilité.

À l'article 1er, la contribution indirecte à l'activité polluante est une notion trop imprécise, que nous ne pouvons accepter.

Le groupe UC défend l'idée d'une contribution additionnelle sur les superprofits, mais la rédaction de l'article 2 taxerait la croissance des profits des entreprises de façon pérenne. Nous ne pouvons la partager.

Le CIR est certes coûteux mais nécessaire car il accompagne l'innovation dans les entreprises. La modification envisagée à l'article 3 réduirait l'investissement des entreprises dans l'innovation. Là encore, nous ne pouvons y souscrire.

L'article 4 remet en cause le suramortissement pour certains véhicules lourds. Les entreprises doivent pouvoir, en fonction des réalités technologiques, être soumises à une fiscalité différente, mais pas de cette manière.

L'article 5 pénalise les entreprises investissant dans les zones franches urbaines, alors qu'il faudrait les y inciter.

Le groupe UC ne peut donc soutenir cette proposition de loi. (Mme Annick Billon applaudit.)

Discussion des articles

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°3 de M. Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli.  - Madame Lavarde, je vois qu'il y a, ce matin, plus de sénateurs au Gouvernement que sur les travées du groupe Les Républicains. Vous n'avez donc aucune leçon de responsabilité à donner à la gauche ! (Applaudissements à gauche)

M. Michel Canévet.  - C'est faux...

M. Pascal Savoldelli.  - Le taux d'impôt sur les sociétés s'est effondré inexorablement depuis 1986, où il atteignait 50 %. Le passage de 33 à 25 % sous la première présidence Macron représente 11 milliards d'euros qui échappent aux finances publiques chaque année. Voici un élément de réponse aux causes de la dette publique... Nous assistons à un démantèlement social.

Mme Lavarde invoquait l'esprit de responsabilité : en 2021, les 300 grandes entreprises s'acquittaient du tiers de l'impôt sur les sociétés pour 23,5 milliards d'euros, dont on déduit 4,1 milliards d'euros de crédits d'impôt. Or vous ne remettez pas en cause les crédits d'impôt dans votre projet de réforme. Il faut rétablir un niveau d'imposition suffisant des entreprises pour que la richesse soit partagée, avec ceux qui travaillent. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)

M. Laurent Somon, rapporteur.  - Cet amendement relève le taux de l'impôt sur les sociétés à 33,3 %, soit le taux en vigueur sous la présidence Hollande. Vous partagiez alors cette orientation. Depuis cinq ans, la France fait partie des pays les plus attractifs pour les entreprises, et en a bénéficié en matière de recettes fiscales et d'emploi. Le niveau de fiscalité actuel doit être préservé. Il est cohérent au regard de la moyenne mondiale. Avis défavorable.

Ensuite, votre amendement vise les entreprises de façon indiscriminée, sans cibler celles qui sont les plus à même d'aider au redressement des finances publiques. Une recette complexe ne garantit pas la qualité d'un plat.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée.  - Le Gouvernement propose une contribution exceptionnelle et temporaire limitée au périmètre des grandes entreprises. Avis défavorable.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°3 est mis aux voix par scrutin public. (Quelques protestations à gauche)

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°1 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 267
Pour l'adoption   34
Contre 233

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°2 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption   98
Contre 233

L'article 1er n'est pas adopté.

M. Patrick Kanner.  - Monsieur le président, je tiens à faire un rappel au règlement sur le déroulement de notre débat. Plusieurs minutes viennent déjà d'être perdues du fait de difficultés techniques liées aux scrutins publics, alors que le temps accordé à notre groupe est limité. Je souhaite que ce temps ne soit pas décompté.

M. le président.  - Nous tiendrons compte de votre demande, monsieur le président.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°2 de M. Savoldelli.

M. Éric Bocquet.  - Nous pouvons nous réjouir qu'il soit devenu possible de débattre de la notion de superprofit. Il n'y a pas si longtemps, le ministre Le Maire disait ne pas savoir ce que c'est : qu'il profite aujourd'hui de sa méditation sur les bords du lac Léman ! (Marques d'ironie sur de nombreuses travées)

Les superprofits n'entraînent pas automatiquement des superinvestissements ou des supersalaires. En revanche, ils pourraient contribuer à la réduction de notre superdéficit...

Nous visons les profits indus, ceux qui n'ont pas d'autre objet que de rémunérer un capital qui se porte bien. Certaines ETI aussi peuvent être concernées. Je le répète, c'est le surplus, le « gras », qui est ici visé.

La gestion budgétaire catastrophique exige de réexaminer le niveau d'effort contributif des entreprises qui ont les moyens.

M. Laurent Somon, rapporteur.  - Avis défavorable. La contribution additionnelle proposée aurait un périmètre trop large et affecterait de nombreuses ETI. En outre, c'est la croissance des entreprises qui serait taxée, et non des surprofits liés à des crises extérieures.

Il est plus facile de critiquer que d'avoir raison : les recettes de l'impôt sur les sociétés étaient de 30 milliards d'euros en 2016, 57 milliards en 2023.

Notre pays est au bord du gouffre. Nous avons besoin de la confiance qu'inspire une fiscalité raisonnable et stable, sans laquelle les entreprises n'ont pas intérêt à s'installer en France.

La transition écologique est nécessaire, comme l'a souligné Christine Lavarde, mais on ne passe pas forcément d'un seul coup du rez-de-chaussée à l'étage. Avançons progressivement, comme nous le faisons sur la fiscalité du gaz naturel liquéfié (GNL). C'est ainsi que la transition sera bénéfique pour notre économie et nos territoires.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée.  - La situation de nos comptes nécessite un effort partagé avec une exigence de justice fiscale. Dans ce cadre, nous demanderons une participation temporaire aux plus grandes entreprises, sans remettre en cause notre compétitivité. Ces choix seront faits lors de l'examen du PLF, dans le cadre d'une approche globale. Avis défavorable.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4 de M. Féraud.

M. Rémi Féraud.  - Nous corrigeons une erreur rédactionnelle.

Je précise, pour qu'il n'y ait pas de confusion, que le dispositif proposé par notre groupe est bien pérenne, mais qu'il vise des profits exceptionnels.

L'amendement n°4, repoussé par la commission et le Gouvernement, est adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 2, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°3 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption 113
Contre 218

L'article 2 n'est pas adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°4 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption   98
Contre 233

L'article 3 n'est pas adopté.

L'article 4 n'est pas adopté.

Article 5

M. le président.  - Si l'article 5 n'est pas adopté, il n'y aura pas lieu de voter sur l'ensemble, tous les articles ayant été supprimés.

M. Rémi Féraud .  - Je vous remercie pour ce débat, même s'il a parfois été caricatural. Nous avons pu préparer le débat budgétaire en faisant des propositions en matière d'impôt sur les sociétés, de taxation des superprofits et de réduction des niches fiscales, à commencer par la plus importante d'entre elles, le CIR. Ces réflexions, partagées bien au-delà de la gauche, doivent se poursuivre dans la perspective d'un vrai changement de modèle. Ce sera plus intelligent, plus porteur d'avenir que ce que prévoit le PLF 2025, c'est-à-dire simplement boucher des trous, un peu au détriment des grandes entreprises et des plus riches et beaucoup au détriment de tous les Français.

Hélas, la majorité sénatoriale, avec le Gouvernement, s'apprête dans quelques semaines à augmenter les impôts de manière indiscriminée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST)

M. Daniel Salmon .  - La main d'Adam Smith continue de voler au-dessus des travées dégarnies de la droite... C'est toujours le meilleur des mondes libéraux ! On procrastine, on dénonce l'écologie punitive, mais, pendant ce temps, les inondations frappent et tous les aléas climatiques se multiplient. Ce sont les effets de la croissance insoutenable. Non, la transition ne va pas trop vite : elle est loin d'avancer à la bonne vitesse ! Et ne pas agir aujourd'hui nous coûtera plus cher demain.

À quoi servent les politiques publiques, sinon à orienter les comportements dans la bonne direction ? Hélas, le culte du profit règne toujours. Le CAC 40 a réalisé l'année dernière 73 milliards d'euros de profits. Il faut chercher l'argent là où il est et orienter les entreprises vers l'indispensable transition ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER)

L'article 5 n'est pas adopté.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.