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Table des matières
M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi
M. Laurent Somon, en remplacement de M. Bruno Belin, rapporteur de la commission des finances
Mixité sociale et scolaire dans les établissements publics et privés
Mme Colombe Brossel, auteure de la proposition de loi
Mme Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale
Ordre du jour du mardi 15 octobre 2024
SÉANCE
du jeudi 10 octobre 2024
5e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président
Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Véronique Guillotin.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Imposition des sociétés
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à mettre en place une imposition des sociétés plus juste et plus écologique, présentée par M. Rémi Féraud et plusieurs de ses collègues à la demande du groupe SER.
Discussion générale
M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Cette proposition de loi a été déposée il y a un an à l'issue d'un travail commun des membres socialistes de la commission des finances, que je remercie. Je remercie également le président Patrick Kanner pour son inscription à l'ordre du jour.
Le contexte actuel des finances publiques, détérioré, confirme la nécessité de ce texte.
Un changement de paradigme fiscal s'impose. Notre attractivité économique ne finance plus notre modèle social, comme le montre le creusement du déficit. Le système fiscal doit être changé pour assurer le bon fonctionnement des services publics, ce que les gouvernements précédents ont refusé de faire.
Depuis 2017, quelle a été leur approche, revendiquée par Bruno Le Maire ? La baisse du taux de prélèvements obligatoires. Mais le ruissellement n'est jamais venu, d'où un déficit à 6 % du PIB et une dette qui atteint 110 % du PIB.
Cette politique, qui avait sa logique, même si nous ne la partagions pas, a échoué. Il est temps d'en changer. Le Gouvernement est face à un mur de financements : investissements écologiques, fonctionnement quotidien de l'État, solidarité et services publics.
Cette proposition de loi renverse une approche injuste, fondée sur la politique de l'offre, et rééquilibre la fiscalité pour la rendre plus équitable et davantage tournée vers l'intérêt général.
Comme le montrent notamment les travaux de l'économiste Anne-Laure Delatte, les prélèvements sur les ménages représentent les deux tiers du budget de l'État et du budget social quand ceux sur les entreprises n'en représentent qu'un tiers. Elles doivent contribuer davantage avec, en sus, des bonus fiscaux perçus par celles d'entre elles qui sont vertueuses, des malus pour celles qui génèrent des externalités négatives, contraires à l'intérêt général et aux objectifs de politiques publiques.
La logique des niches fiscales, coûteuse, doit être inversée. Ainsi, s'il n'est pas interdit aux entreprises de mener des actions polluantes, celles qui le feront seront assujetties à un taux d'imposition sur les sociétés plus élevé. Ce changement de modèle générera des recettes durables, contrairement aux hausses d'impôt annoncées par Michel Barnier, qui ne feront que combler les trous et pèseront sur tous les Français, même les plus modestes.
Mettons donc en place un dispositif incitatif, sans hausse d'impôt pour les entreprises ayant contribué à l'atteinte de nos objectifs sociaux et écologiques.
Le premier chapitre de la proposition de loi porte une réforme d'ensemble de la fiscalité des entreprises.
L'article 1er instaure un nouveau taux d'impôt sur les sociétés de 30 % pour les entreprises dont les activités sont polluantes, celles qui ne publient pas le rapport annuel sur les écarts de rémunération hommes-femmes prévu par la loi Rixain, celles qui n'emploient pas au moins 6 % de personnes en situation de handicap, celles qui ne sont pas gérées dans leur intérêt social, et enfin celles qui pratiquent des écarts de rémunération de plus de 1 à 30.
Ce dispositif ne remet en cause ni la liberté d'activité ni la liberté de gestion des entreprises.
L'article 2 reprend notre proposition de loi référendaire de taxation des superprofits, mais avec une progressivité de l'impôt sur les sociétés permanente et non plus temporaire. Nous souhaitons que les entreprises qui connaissent des pics de bénéfices contribuent à l'effort fiscal de manière plus juste et plus équitable.
Le chapitre II rationalise certaines niches fiscales.
L'article 3 recentre le crédit d'impôt recherche (CIR) sur les PME, en supprimant la tranche à 5 % pour les dépenses supérieures à 100 millions d'euros et en portant de 30 % à 40 % son taux pour les PME, et sur les dépenses de recherche relatives à l'environnement, pour atteindre un « CIR vert ».
L'article 4 exclut le gaz naturel véhicule (GNV), énergie fossile, de la déduction exceptionnelle applicable aux poids lourds et aux véhicules utilitaires légers qui utilisent des énergies propres.
L'article 5 réserve les exonérations d'impôt sur les sociétés dans le cadre des zones franches urbaines - territoires entrepreneurs (ZFU-TE) aux activités économiques durables sur un plan environnemental.
Telle est notre vision : un changement de modèle nécessaire, afin que l'impôt sur les sociétés soit non pas unilatéralement augmenté, mais réformé pour répondre à l'urgence écologique et contribuer à une plus grande justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Éric Bocquet applaudit également.)
M. Laurent Somon, en remplacement de M. Bruno Belin, rapporteur de la commission des finances . - Cette proposition de loi, qui alourdit la fiscalité des entreprises, a été rejetée en commission le 3 juin dernier. La réforme fiscale proposée affecterait l'ensemble de nos entreprises, dans un contexte marqué par le ralentissement de la croissance. Un tel alourdissement de la fiscalité des entreprises serait contre-productif, car il nuirait à leur compétitivité, donc à leur capacité d'investissement en faveur de la transition. De plus, toutes les entreprises seraient taxées, nonobstant leur capacité à contribuer au redressement des finances publiques.
Les prélèvements obligatoires représentant déjà 46 % du PIB, augmenter la fiscalité affaiblirait notre économie et restreindrait l'adhésion des entreprises à nos objectifs climatiques, d'autant que, contrairement aux intentions de l'auteur de la proposition de loi, de très nombreux acteurs économiques seraient concernés. Le texte complexifierait en outre notre droit fiscal, à rebours de la volonté de simplification que nous partageons tous.
Le premier chapitre alourdit la fiscalité pour un très grand nombre d'entreprises et risque de créer une surtaxe pour celles qui sont en forte croissance, pourtant créatrices d'emploi dans nos territoires.
Par son étendue, le périmètre du dispositif ferait basculer un grand nombre d'entreprises vers le taux d'imposition de 30 %. Ce périmètre est en outre mal défini, notamment pour ce qui concerne la notion de contribution indirecte à une activité polluante.
L'article 1er s'inscrit dans une logique d'écologie punitive, à rebours de l'écologie positive prônée par le Premier ministre et que nous appelons de nos voeux : il sanctionne les entreprises sans apporter aucune solution favorisant la transition écologique du tissu productif.
L'article 2 instaure une contribution, non pas sur les revenus exceptionnels, mais sur la croissance des entreprises. Le cumul des deux premiers articles conduirait en outre à une imposition marginale des bénéfices à 63 %, un taux proche de ce que le Conseil constitutionnel qualifie de « confiscatoire ».
Le second chapitre, dont l'objectif est de verdir certaines niches fiscales, dégraderait notre solde public et complexifierait notre droit, sans effet tangible sur la transition écologique.
Concernant la réforme du CIR introduite par l'article 3, je rappelle qu'il s'agit de la première dépense fiscale du budget général - 7,7 milliards d'euros en 2024 - et que toutes les dépenses de recherche sont éligibles, quel que soit le domaine de recherche concerné : les recherches en matière environnementale y sont donc bien incluses.
De plus, la réforme du barème conduirait à une dépense fiscale supplémentaire de 630 millions d'euros par an, injustifiée au regard de la dégradation des finances publiques.
Rien ne justifie par ailleurs l'exclusion du GNV du périmètre du suramortissement pour l'acquisition de poids lourds utilisant des gaz alternatifs, introduite par l'article 4, s'agissant d'une énergie de transition dont les émissions sont réduites par rapport au pétrole et au charbon. De plus, les moteurs GNV pouvant également fonctionner au biométhane carburant, l'inclusion de ce dernier dans le dispositif de suramortissement s'en trouverait fragilisée.
L'écoconditionnalité introduite par l'article 5 pour bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés en ZFU-TE ne semble pas adaptée. En effet, elle complexifierait le dispositif et en limiterait la portée sociale, en réduisant l'incitation à créer une activité dans un quartier défavorisé.
La commission des finances s'oppose à ces mesures, tant sur la méthode sur le fond.
Sur la méthode, le recours à l'instrument fiscal pour punir certains comportements des entreprises est inadapté et risquerait d'avoir des conséquences imprévues sur leur compétitivité.
Sur le fond, la commission des finances s'oppose à des mesures d'augmentation générale de la fiscalité des entreprises qui ne tiennent pas compte de leur faculté contributive. En outre, augmenter la fiscalité sur un périmètre très large d'entreprises n'est pas pertinent pour préserver l'activité économique.
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre chargée de l'économie sociale et solidaire, de l'intéressement et de la participation . - La réduction de la dette budgétaire et écologique comme la justice fiscale sont des enjeux prioritaires pour le Premier ministre et pour le Gouvernement. Il faut de la cohérence.
Il importe de protéger la politique de l'offre pour garantir l'activité et la production sur notre territoire, renforcer la compétitivité de nos entreprises, stimuler la croissance économique et l'investissement et favoriser l'emploi. Nous devons aussi garantir la construction d'une écologie des solutions et orienter l'investissement privé vers la transition écologique. Avec les plans France Relance et France 2030, l'État investit, aux côtés des entreprises, pour construire l'économie verte de demain, comme le montrent les contrats de transition signés avec les 50 sites industriels les plus émetteurs.
La loi Pacte a entraîné des avancées majeures en matière de responsabilité sociétale des entreprises, et la France a porté à l'échelle européenne l'importance de prendre en compte les critères extrafinanciers. Nous devons poursuivre les efforts pour que les entreprises intègrent davantage de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leur fonctionnement.
Parlons de simplification. Le temps et l'énergie de nos entreprises ne devraient pas être grevés par le fardeau administratif. La clarté et la simplicité des dispositifs mis en oeuvre sont donc aussi des priorités.
La proposition de loi prévoit une augmentation du taux d'imposition des sociétés de 25 % à 30 % pour les entreprises qui ne remplissent pas certains critères. Les gouvernements successifs se sont efforcés d'améliorer l'attractivité de la France, par la stabilité fiscale notamment.
Depuis 2017, la France a baissé son taux d'impôt sur les sociétés pour le rapprocher de celui de nos voisins européens. La compétitivité des entreprises françaises en est sortie renforcée, stimulant leur capacité à investir. Augmenter durablement l'impôt sur les sociétés nuirait à l'activité économique et à l'investissement des entreprises, alors qu'elles doivent satisfaire à nos ambitieux objectifs de transition écologique. Cela nuirait également, in fine, au pouvoir d'achat des ménages.
En outre, l'impôt sur les sociétés n'est pas le bon outil pour encourager les entreprises à s'aligner sur les valeurs d'inclusion, d'égalité et de préservation de l'environnement. Des mécanismes existent déjà pour ce faire, comme le mécanisme européen d'échanges des droits d'émissions de gaz à effet de serre ou l'index de l'égalité professionnelle.
Ici, l'entreprise ne serait pas sanctionnée à la hauteur de la faute commise, mais de sa profitabilité. Le cas extrême serait une entreprise déficitaire qui échapperait à la sanction, quels que soient ses manquements éthiques.
Le mécanisme proposé pour cibler les superprofits tirés d'une situation conjoncturelle particulière ne semble pas approprié. En effet, la proposition de loi ne définit pas les bénéfices exceptionnels et un tel mécanisme limiterait le dynamisme économique.
Les entreprises en forte croissance tendancielle seraient assujetties à ce surcroît d'impôt sans que leurs bénéfices relèvent d'une situation conjoncturelle spécifique. De plus, le taux d'imposition marginale maximal induit par le texte frôle le seuil confiscatoire défini par le Conseil constitutionnel, et le dépasserait si certains amendements étaient adoptés.
D'autres solutions sont possibles sans nuire à notre économie ni à la compétitivité des entreprises. Nous y reviendrons lors du PLF.
Le redressement des comptes publics nécessitera un effort, limité dans le temps et partagé, soutenu par une exigence de justice fiscale. Le PLF 2025 prévoira ainsi une participation des grandes entreprises qui réalisent des profits importants au redressement des finances publiques, ainsi qu'une contribution exceptionnelle des Français les plus fortunés. Nous lutterons en outre contre les fraudes fiscale et sociale. Ces mesures seront débattues lors de l'examen du PLF.
Le CIR est un mécanisme puissant bien connu des entreprises, qui a été soutenu par les gouvernements successifs. Nous sommes attachés à sa stabilité. Plus de 16?000 entreprises y ont recours, et ses effets incitatifs sur les dépenses de recherche et développement sont bien documentés. La mise en place d'un plafond à 100 millions d'euros menace la stabilité, et donc l'attractivité du dispositif et induit des risques de contournement ou de délocalisation des activités de recherche et développement.
Concernant la proposition de modifier le taux de CIR pour les TPE-PME, la lisibilité du dispositif est primordiale. Maintenons-le donc tel qu'il est, et garantissons la stabilité fiscale. Le PLF exemptera d'ailleurs les TPE et PME de l'effort exceptionnel et temporaire demandé aux grandes entreprises.
Les dépenses de recherche favorables à l'environnement font déjà partie de l'assiette du CIR. Il est en outre difficile d'identifier l'impact environnemental positif des activités de recherche et développement, ce qui compromet l'efficacité d'un taux de CIR majoré sur ce critère.
Un CIR vert serait redondant avec le plan France 2030 notamment, qui déploie plusieurs actions pour favoriser la décarbonation. Par ailleurs, le crédit d'impôt au titre des investissements verts prévoit déjà des déductions d'impôts.
Les poids lourds roulant au gaz naturel seraient exclus du suramortissement. Certes, les émissions de gaz à effet de serre sont élevées, mais il existe déjà diverses solutions fiscales. La réflexion mériterait donc d'être plus large.
S'agissant du régime d'exonération dans les zones franches urbaines, le critère proposé serait complexe à mettre en oeuvre, ce qui contreviendrait à nos objectifs de simplification et d'équité.
Oui, il faut accélérer la prise en compte des critères écologiques par les entreprises et le Gouvernement est pleinement mobilisé pour l'égalité hommes-femmes et les personnes en situation de handicap.
Cette proposition de loi ne répond cependant pas aux impératifs de clarté pour les entreprises et de cohérence avec l'existant. Elle ne fait pas les bons choix de leviers et de paramètres.
Nous poursuivrons ces débats fiscaux lors de l'examen du PLF.
M. Éric Bocquet . - Un cuisinier sans recette fait souvent un plat raté. Un budget sans recettes n'est pas plus savoureux.
Cette proposition de loi de nos collègues socialistes vise à augmenter les ressources de l'État, en rendant la politique fiscale plus incitative.
En somme, nous examinons le budget rectificatif qui n'est pas venu, car Bruno Le Maire et Emmanuel Macron ont préféré laisser les finances publiques plonger vers un déficit abyssal de 6,1 % - pour l'instant. Michel Barnier refuse de corriger la trajectoire et concentre l'effort sur la seule année 2025, avec un risque de récession.
Nous sommes dans une économie dopée à l'argent public. La politique de l'offre coûte un pognon de dingue : aux 160 milliards d'euros d'aides aux entreprises, s'ajoutent 62 milliards d'euros de baisses d'impôts non financées et, en 2027, 5 milliards d'euros d'extinction de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Les macronistes et Les Républicains, déjà associés à l'époque, l'avaient votée ; ils partageront désormais le même bilan.
Tel un équilibriste, Michel Barnier propose, dans son projet de budget, une surtaxe sur l'impôt sur les sociétés, aux antipodes des positions de Bruno Belin, qui écrivait dans son rapport du 5 juin dernier : « l'augmentation d'impôt proposée s'inscrit à rebours de la baisse de l'impôt sur les sociétés, qui a pourtant fait l'objet d'un consensus politique très large depuis 2016, afin de soutenir la compétitivité des entreprises et l'emploi ».
La majorité sénatoriale rejettera-t-elle le budget d'un Premier ministre de son camp ? (MM. Bernard Jomier et Thierry Cozic s'en amusent.) La sortie des postures devrait vous pousser à voter l'article 1er.
Qui peut expliquer à nos concitoyens que les entreprises non vertueuses ne pourraient pas voir leur imposition augmenter ? Personne.
Nos recettes ont perdu 2,4 points de PIB entre 2018 et 2023. Si l'on y ajoute l'évolution des dépenses de plus 0,6 point de PIB, voilà un gouffre de 85 milliards d'euros... Les recettes en pourcentage du PIB sont au niveau de 1985, mais certains disent que c'est encore trop...
Pour être taxé sur les superprofits, encore faut-il avoir réalisé des superbénéfices ! La vigueur de l'article 2 mériterait d'être renforcée.
Nous partageons avec nos collègues socialistes l'objectif de mettre les recettes publiques au centre du débat budgétaire.
La bonne cuisine, c'est quand les choses ont le goût de ce qu'elles sont. Ici, les recettes sont légères, fines, gastronomiques et ne rassasieront pas les sénateurs communistes. Aussi, nous voterons ce texte, mais défendrons aussi des amendements. Les divergences entre nous sont loin d'être indépassables. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)
M. Daniel Salmon . - Cette proposition de loi instaure une imposition des sociétés plus juste et plus écologique, ce qui va dans le sens de nos combats.
Conditionner le niveau d'imposition à des engagements sociaux et environnementaux bien réels est essentiel. C'est un important levier d'économies pour une gestion des finances publiques plus vertueuse.
Cette proposition de loi propose de réformer notre système fiscal pour répondre à des objectifs environnementaux et sociaux.
La modulation du taux d'impôt sur les sociétés en fonction des activités des entreprises introduit une logique de bonus-malus écologique, défendue par les écologistes, notamment lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 2022. Il s'agit d'internaliser les coûts environnementaux et d'orienter l'économie vers la durabilité.
La proposition de loi crée une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés liée aux bénéfices exceptionnels des grandes entreprises. Cela fait deux ans que nous plaidons pour une telle mesure de justice fiscale. Les grandes multinationales échappent à une juste imposition alors même qu'elles réalisent des bénéfices records, souvent au détriment des ressources naturelles.
Je vous renvoie au rapport Pisani-Ferry-Mahfouz sur le niveau d'investissements nécessaires pour la transition écologique, ainsi qu'à la note d'analyse de France Stratégie sur la rentabilité des investissements bas-carbone.
Nous avons toutefois une réserve sur l'inclusion du nucléaire et du gaz dans la liste des activités éligibles à des conditions fiscales favorables. Le GEST s'est toujours opposé à leur introduction dans la taxonomie environnementale européenne. Le nucléaire pose des problèmes liés aux risques, à la gestion des déchets et à la souveraineté nationale : en achetant 50 % de notre uranium enrichi à la Russie, nous finançons l'effort de guerre russe !
Nous voterons néanmoins cette proposition de loi qui constitue une avancée, dans le sens d'une écologie plus responsable.
L'économie n'est pas à égalité avec l'environnement ; elle en dépend, comme l'avenir de l'humanité.
Il ne s'agit pas de punir, mais d'orienter. C'est le propre des politiques publiques. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; M. Éric Bocquet applaudit également.)
Mme Florence Blatrix Contat . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je félicite Rémi Féraud pour cette proposition de loi.
Depuis son passage en commission, j'observe le changement de ton de la majorité sénatoriale, devenue majorité gouvernementale. Le Premier ministre que vous soutenez admet que l'effort fiscal devra aussi concerner les entreprises réalisant d'importants profits. Inutile d'attendre le prochain PLF, cette proposition de loi vous offre l'occasion de traduire ces bonnes intentions en actes.
Il faut répondre aux crises climatiques et sociales, mais aussi restaurer des finances publiques gravement détériorées par les choix politiques depuis 2017, et notamment l'échec de la politique de l'offre.
Or la transition écologique va nécessiter des investissements colossaux, estimés à 34 milliards d'euros par an, selon le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz.
Nous devons mobiliser de nouvelles ressources, revoir les dépenses coûteuses et antiécologiques et réorienter notre appareil productif vers la durabilité.
Cette proposition de loi s'inscrit pleinement dans cette exigence : elle adapte l'impôt sur les sociétés aux réalités du dérèglement climatique et participe au redressement des finances publiques en supprimant des niches fiscales.
L'article 1er instaure un taux dérogatoire d'impôt sur les sociétés, qui passerait de 25 à 30 % pour les entreprises qui manquent à leurs obligations sociales, environnementales et sociétales.
L'article 2 instaure une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises affichant des superprofits. Il est juste qu'elles participent à l'effort, quand de nombreuses PME sont à la peine.
Les articles suivants visent la rationalisation des dépenses publiques, en ciblant spécifiquement trois niches fiscales.
En 2019, France Stratégie estimait le montant des aides publiques aux entreprises à 223 milliards d'euros par an. Les subventions directes, visibles et quantifiées, constituent la partie émergée de l'iceberg. Les niches fiscales et sociales, plus difficiles à quantifier, sont la partie immergée. Selon l'économiste Anne-Laure Delatte, leur part est passée d'à peine 1 % en 1979 à près de 4 %, alors que les subventions aux entreprises ont stagné à 2 %.
Progressivement, notre mode d'action publique a donc privilégié les exonérations aux subventions directes. Cela réduit la capacité de l'État à définir des priorités alors que nous devrions réorienter notre action en faveur de la transition écologique.
L'article 3 a trait au CIR qui coûte 7 milliards d'euros par an, pour une efficacité contestée. L'État finance plus de 20 % des dépenses privées de R&D via le CIR, soit plus du triple de la moyenne des pays de l'OCDE. Pourtant, la part de la R&D privée n'atteint que 1,4 % du PIB, contre 1,8 % en moyenne dans l'OCDE et 2 % en Allemagne et aux États-Unis. Le CIR va surtout aux grandes entreprises. Le rapport de Vanina Paoli-Gagin a démontré un effet d'aubaine : les dépenses de R&D des grandes entreprises augmentent dans une proportion trois fois moindre que celles des PME. Il faut réformer cette niche fiscale. L'imposition des sociétés doit évoluer pour répondre aux grands enjeux contemporains.
Nous soutiendrons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Éric Bocquet applaudit également.)
Mme Vanina Paoli-Gagin . - La situation des finances publiques est très préoccupante. La dette n'a jamais été aussi élevée sous la Ve République, en valeur relative comme absolue. Nous devons nous endetter pour rembourser notre dette, c'est un comble ! Pour un particulier, cela s'appelle le surendettement. Par chance, la signature de la France inspire encore confiance.
Notre incapacité à tenir nos engagements européens entrave notre souveraineté. Les programmes des deux extrêmes montrent qu'ils s'en moquent éperdument. C'est le principe actif de tout populisme : ne pas dire la vérité, mais le faire croire pour accéder au pouvoir.
Cette proposition de loi viserait une imposition des sociétés plus juste et écologique, selon son auteur. C'est le programme de la Nupes 2.0, expression de la pensée économique lunaire de la gauche, et ses trois axiomes : seuls les petits sont gentils ; c'est vert donc c'est juste ; le privé c'est mal, le public c'est bien !
M. Patrick Kanner. - Caricature !
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Small is beautiful - mais vous voulez augmenter les impôts pour toutes les entreprises. PME et ETI apprécieront. Pour l'impôt sur les sociétés comme pour l'impôt sur le revenu, il s'agit d'introduire partout de la progressivité, ce qui, on le sait, ne fonctionne pas. Considérant que le profit est un mal dont on s'absout par l'impôt, on appauvrit les individus pourvu que l'État s'enrichisse. Résultat, les libertés individuelles reculent et la société s'appauvrit - et l'État avec, dès lors qu'il ne crée pas de valeur économique.
« C'est vert donc c'est juste » - voilà qui justifie la sempiternelle obsession de la gauche d'augmenter les impôts. Comme le Canada Dry, cela ressemble à du soutien à la transition écologique, sans en être. On rétablit l'impôt sur la fortune, mais « vert ». Idem pour le CIR ou l'impôt sur les sociétés à 33 % : vous avez droit à un discount à 25 % s'il est « vert ». Si l'innovation fait passer du brun au brun clair, cela ne passe pas ! (M. Patrick Kanner proteste.)
Interrogez donc ceux qui innovent et vous verrez que votre approche tue la R&D dans l'oeuf. Il faut à la fois réduire la dette économique et la dette climatique. Nous prônons une approche libérale de la lutte contre le changement climatique.
M. Patrick Kanner. - Réactionnaire !
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Il faut un cadre favorable pour les entreprises qui incite les financeurs à investir dans les technologies vertes. (Exclamations amusées à gauche)
C'est ce que nous faisons au niveau européen, de façon transpartisane et consensuelle. Cette proposition de loi pénalise les initiatives privées. Or il faut des objectifs stratégiques définis de façon démocratique et soutenus par la commande publique, pour que le secteur privé contribue à l'intérêt général.
Nous voterons contre ce texte gadget qui n'apporte aucune réponse sérieuse. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Christine Lavarde applaudit également.)
M. Thierry Cozic. - Caricature !
Mme Christine Lavarde . - Je n'aurais pas dit mieux que Mme Paoli-Gagin. (Exclamations amusées sur les travées du groupe SER)
Pour Edgar Faure, la réforme fiscale, c'est promettre de réduire l'impôt sur les choses qui étaient taxées depuis longtemps et créer de nouvelles taxes sur ce qui ne l'était pas encore.
M. Patrick Kanner. - C'est ce qui va arriver avec Barnier !
M. Thierry Cozic. - Et vous allez le soutenir !
Mme Christine Lavarde. - Faut-il envisager la justice fiscale comme un idéal à atteindre ou une réalité comptable ?
À l'article 1er, le critère de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) est si large que vous augmenteriez l'impôt sur les sociétés pour 30 % de nos entreprises.
À l'article 2, vous entendez taxer les superprofits, avec un seuil très bas : il suffit que l'entreprise réalise des bénéfices supérieurs de 1,25 % à la moyenne des trois années précédentes. Cette taxe n'est pas exceptionnelle, ne vous en déplaise, mais bien pérenne. Toutes les entreprises françaises les plus profitables seront touchées.
Vous nous attaquez sur ce que nous pourrions faire, demain...
M. Bernard Jomier. - C'est un constat.
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Une taxation temporaire, exceptionnelle, sur une année, avec un effort collectif, pour soutenir les finances publiques.
M. Bernard Jomier. - Nous verrons...
M. Thierry Cozic. - On peut rêver !
Mme Christine Lavarde. - En cumulant l'article 2 et l'article 1er, on atteint 63 % d'imposition. Vous condamnez les entreprises, l'innovation, et in fine, l'emploi. À ce niveau de fiscalité, l'impôt est confiscatoire. Le général de Gaulle estimait qu'au-delà de 50 %, ce n'est plus de l'impôt mais de la spoliation. Le taux moyen d'imposition des sociétés dans l'OCDE était de 20 % en 2022. La France s'en rapproche doucement.
Selon les économistes Say et Laffer, un impôt excessif détruit la base sur laquelle il porte et va donc, à terme, diminuer les recettes fiscales.
Vu son niveau actuel, on ne peut pas creuser encore le déficit, ce que prévoit pourtant l'article 3.
Enfin l'article 4, en l'état, ne me semble pas pertinent. Rapporteure de la loi Climat et résilience après la convention citoyenne, j'avais regretté que les documents fournis aux membres de la convention ne soient pas complets.
Il manquait des informations sur le verdissement de la mobilité lourde. Trois ans plus tard, même constat. Il n'existera quasiment pas de poids lourds électriques ou fonctionnant à l'hydrogène avant 2030. Leur coût est exorbitant et leur utilisation non rentable. La taille de la batterie est telle que la capacité d'emport est ridicule.
On ne compte que trente stations de recharge d'hydrogène et cent stations de recharge d'électricité, insuffisant pour alimenter une flotte sur l'ensemble du territoire.
Je reste cohérente : j'étais favorable à la prime à la conversion pour un ménage modeste passant d'un véhicule Crit'Air 5 à un véhicule Crit'Air 2. En matière de décarbonation, chaque petit geste est utile. Or vous êtes radical : soit on est tout vert, soit on n'est rien du tout. Acceptons de faire la transition selon différentes phases, en fonction de l'évolution des technologies.
La transition écologique est onéreuse. Vous avez le mérite de rechercher des recettes à court terme. Mais notre groupe ne soutiendra jamais l'écologie de la décroissance à laquelle vous aspirez.
Actuellement, les entreprises sont sous la surveillance des directives CSRD et devoir de vigilance. Chacun peut prendre le temps de lire ces publications extrafinancières. Voyez ce que font les Ateliers du Futur, ou la charte Alliance Pacte PME, signée par sept grands groupes pour accompagner des PME vers la décarbonation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Samantha Cazebonne . - Nous estimons qu'il faut concilier l'objectif écologique avec la préservation du tissu des entreprises. La situation budgétaire peut justifier une contribution temporaire des grandes entreprises, mais on ne saurait faire peser durablement sur les entreprises un impôt sur leurs bénéfices.
La majoration de l'impôt sur les sociétés à 30 % se fonde sur un périmètre trop large. La notion de contribution indirecte à la pollution concernerait un trop grand nombre d'entreprises. En cumulant les deux dispositions, une entreprise pourrait être imposée à 63 % sur ses résultats marginaux !
Si nous sommes passés de la neuvième à la trente-quatrième place en matière d'imposition effective moyenne parmi les juridictions membres du Cadre inclusif depuis 2020, c'est grâce aux baisses d'impôts. Une fiscalité trop lourde porterait atteinte à l'activité économique. Les majorations d'impôts ne sont pas le bon vecteur.
C'est dévoyer le dispositif de zones franches urbaines (ZFU) que de le restreindre aux seules entreprises entrant dans le champ de la taxonomie verte. L'écoconditionnalité risque de freiner l'activité.
Le RDPI votera contre ce texte.
M. Raphaël Daubet . - Je salue la clairvoyance du groupe socialiste qui travaillait dès juillet 2023 sur des solutions radicales pour trouver les 60 milliards d'euros manquants.
Ce texte prévoit une métamorphose écologique de l'économie. Le changement climatique est désormais une réalité. La France a connu, en 2024, une quarantaine de catastrophes naturelles, fauchant des vies. La crise environnementale s'intensifie.
Cette proposition de loi instaure une fiscalité comportementale, écologique et sociale, une fiscalité du bâton plutôt que de la carotte, pour inciter les entreprises à des pratiques vertueuses.
L'impôt sur les sociétés est-il le levier à actionner pour faire contribuer les entreprises à l'effort budgétaire ? Doit-il se doter d'une dimension morale et politique ?
Les radicaux sont attachés à la liberté d'entreprendre et à l'entreprise comme un acteur solidaire de la société et de la République : elle doit être soutenue mais aussi contribuer.
Nous sommes plus réservés sur une fiscalité environnementale revêtant une dimension morale et politique. La consécration de la responsabilité individuelle a quelque chose de très libéral et d'assez dérangeant. Notre responsabilité est collective. Plutôt que de stigmatiser, ne devrions-nous pas revoir en profondeur notre modèle de société ?
Quelle entreprise du BTP n'utilise pas de granulats ? Faut-il toutes les surtaxer ?
Je m'interroge aussi sur la constitutionnalité de certaines mesures, comme la surtaxe appliquée aux entreprises victimes d'actes anormaux de gestion.
Nous croyons fermement à l'intégration plus profonde et cohérente de la question environnementale dans la République. Bien que nous partagions l'objectif de la proposition de loi, le RDSE ne peut la soutenir. Néanmoins, nous voterons symboliquement l'article 2 sur la taxation des surprofits. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Michel Canévet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe UC se réjouit de votre nomination, madame la ministre. Nous pourrons travailler à la répartition de la valeur - à condition qu'il y ait de la valeur à répartir, et donc une fiscalité qui ne soit pas trop contraignante.
Nous saluons le travail du groupe SER. Toutefois, un tel sujet nécessite une large concertation, pour mesurer les capacités réelles des entreprises.
L'impôt sur les sociétés baisse depuis 2016, sous la présidence de François Hollande. Son successeur a poursuivi cette politique pour atteindre un taux de 25 %, contre 21 % en moyenne européenne et 24 % en moyenne mondiale.
Dans un contexte de compétition internationale, la fiscalité ne doit pas pénaliser nos entreprises, sinon elles iront à l'étranger. Notre groupe est attaché à la stabilité fiscale et à la prévisibilité.
À l'article 1er, la contribution indirecte à l'activité polluante est une notion trop imprécise, que nous ne pouvons accepter.
Le groupe UC défend l'idée d'une contribution additionnelle sur les superprofits, mais la rédaction de l'article 2 taxerait la croissance des profits des entreprises de façon pérenne. Nous ne pouvons la partager.
Le CIR est certes coûteux mais nécessaire car il accompagne l'innovation dans les entreprises. La modification envisagée à l'article 3 réduirait l'investissement des entreprises dans l'innovation. Là encore, nous ne pouvons y souscrire.
L'article 4 remet en cause le suramortissement pour certains véhicules lourds. Les entreprises doivent pouvoir, en fonction des réalités technologiques, être soumises à une fiscalité différente, mais pas de cette manière.
L'article 5 pénalise les entreprises investissant dans les zones franches urbaines, alors qu'il faudrait les y inciter.
Le groupe UC ne peut donc soutenir cette proposition de loi. (Mme Annick Billon applaudit.)
Discussion des articles
Article 1er
M. le président. - Amendement n°3 de M. Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. - Madame Lavarde, je vois qu'il y a, ce matin, plus de sénateurs au Gouvernement que sur les travées du groupe Les Républicains. Vous n'avez donc aucune leçon de responsabilité à donner à la gauche ! (Applaudissements à gauche)
M. Michel Canévet. - C'est faux...
M. Pascal Savoldelli. - Le taux d'impôt sur les sociétés s'est effondré inexorablement depuis 1986, où il atteignait 50 %. Le passage de 33 à 25 % sous la première présidence Macron représente 11 milliards d'euros qui échappent aux finances publiques chaque année. Voici un élément de réponse aux causes de la dette publique... Nous assistons à un démantèlement social.
Mme Lavarde invoquait l'esprit de responsabilité : en 2021, les 300 grandes entreprises s'acquittaient du tiers de l'impôt sur les sociétés pour 23,5 milliards d'euros, dont on déduit 4,1 milliards d'euros de crédits d'impôt. Or vous ne remettez pas en cause les crédits d'impôt dans votre projet de réforme. Il faut rétablir un niveau d'imposition suffisant des entreprises pour que la richesse soit partagée, avec ceux qui travaillent. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)
M. Laurent Somon, rapporteur. - Cet amendement relève le taux de l'impôt sur les sociétés à 33,3 %, soit le taux en vigueur sous la présidence Hollande. Vous partagiez alors cette orientation. Depuis cinq ans, la France fait partie des pays les plus attractifs pour les entreprises, et en a bénéficié en matière de recettes fiscales et d'emploi. Le niveau de fiscalité actuel doit être préservé. Il est cohérent au regard de la moyenne mondiale. Avis défavorable.
Ensuite, votre amendement vise les entreprises de façon indiscriminée, sans cibler celles qui sont les plus à même d'aider au redressement des finances publiques. Une recette complexe ne garantit pas la qualité d'un plat.
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée. - Le Gouvernement propose une contribution exceptionnelle et temporaire limitée au périmètre des grandes entreprises. Avis défavorable.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°3 est mis aux voix par scrutin public. (Quelques protestations à gauche)
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°1 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 267 |
Pour l'adoption | 34 |
Contre | 233 |
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°2 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l'adoption | 98 |
Contre | 233 |
L'article 1er n'est pas adopté.
M. Patrick Kanner. - Monsieur le président, je tiens à faire un rappel au règlement sur le déroulement de notre débat. Plusieurs minutes viennent déjà d'être perdues du fait de difficultés techniques liées aux scrutins publics, alors que le temps accordé à notre groupe est limité. Je souhaite que ce temps ne soit pas décompté.
M. le président. - Nous tiendrons compte de votre demande, monsieur le président.
Article 2
M. le président. - Amendement n°2 de M. Savoldelli.
M. Éric Bocquet. - Nous pouvons nous réjouir qu'il soit devenu possible de débattre de la notion de superprofit. Il n'y a pas si longtemps, le ministre Le Maire disait ne pas savoir ce que c'est : qu'il profite aujourd'hui de sa méditation sur les bords du lac Léman ! (Marques d'ironie sur de nombreuses travées)
Les superprofits n'entraînent pas automatiquement des superinvestissements ou des supersalaires. En revanche, ils pourraient contribuer à la réduction de notre superdéficit...
Nous visons les profits indus, ceux qui n'ont pas d'autre objet que de rémunérer un capital qui se porte bien. Certaines ETI aussi peuvent être concernées. Je le répète, c'est le surplus, le « gras », qui est ici visé.
La gestion budgétaire catastrophique exige de réexaminer le niveau d'effort contributif des entreprises qui ont les moyens.
M. Laurent Somon, rapporteur. - Avis défavorable. La contribution additionnelle proposée aurait un périmètre trop large et affecterait de nombreuses ETI. En outre, c'est la croissance des entreprises qui serait taxée, et non des surprofits liés à des crises extérieures.
Il est plus facile de critiquer que d'avoir raison : les recettes de l'impôt sur les sociétés étaient de 30 milliards d'euros en 2016, 57 milliards en 2023.
Notre pays est au bord du gouffre. Nous avons besoin de la confiance qu'inspire une fiscalité raisonnable et stable, sans laquelle les entreprises n'ont pas intérêt à s'installer en France.
La transition écologique est nécessaire, comme l'a souligné Christine Lavarde, mais on ne passe pas forcément d'un seul coup du rez-de-chaussée à l'étage. Avançons progressivement, comme nous le faisons sur la fiscalité du gaz naturel liquéfié (GNL). C'est ainsi que la transition sera bénéfique pour notre économie et nos territoires.
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée. - La situation de nos comptes nécessite un effort partagé avec une exigence de justice fiscale. Dans ce cadre, nous demanderons une participation temporaire aux plus grandes entreprises, sans remettre en cause notre compétitivité. Ces choix seront faits lors de l'examen du PLF, dans le cadre d'une approche globale. Avis défavorable.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4 de M. Féraud.
M. Rémi Féraud. - Nous corrigeons une erreur rédactionnelle.
Je précise, pour qu'il n'y ait pas de confusion, que le dispositif proposé par notre groupe est bien pérenne, mais qu'il vise des profits exceptionnels.
L'amendement n°4, repoussé par la commission et le Gouvernement, est adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 2, modifié, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°3 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l'adoption | 113 |
Contre | 218 |
L'article 2 n'est pas adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°4 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l'adoption | 98 |
Contre | 233 |
L'article 3 n'est pas adopté.
L'article 4 n'est pas adopté.
Article 5
M. le président. - Si l'article 5 n'est pas adopté, il n'y aura pas lieu de voter sur l'ensemble, tous les articles ayant été supprimés.
M. Rémi Féraud . - Je vous remercie pour ce débat, même s'il a parfois été caricatural. Nous avons pu préparer le débat budgétaire en faisant des propositions en matière d'impôt sur les sociétés, de taxation des superprofits et de réduction des niches fiscales, à commencer par la plus importante d'entre elles, le CIR. Ces réflexions, partagées bien au-delà de la gauche, doivent se poursuivre dans la perspective d'un vrai changement de modèle. Ce sera plus intelligent, plus porteur d'avenir que ce que prévoit le PLF 2025, c'est-à-dire simplement boucher des trous, un peu au détriment des grandes entreprises et des plus riches et beaucoup au détriment de tous les Français.
Hélas, la majorité sénatoriale, avec le Gouvernement, s'apprête dans quelques semaines à augmenter les impôts de manière indiscriminée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST)
M. Daniel Salmon . - La main d'Adam Smith continue de voler au-dessus des travées dégarnies de la droite... C'est toujours le meilleur des mondes libéraux ! On procrastine, on dénonce l'écologie punitive, mais, pendant ce temps, les inondations frappent et tous les aléas climatiques se multiplient. Ce sont les effets de la croissance insoutenable. Non, la transition ne va pas trop vite : elle est loin d'avancer à la bonne vitesse ! Et ne pas agir aujourd'hui nous coûtera plus cher demain.
À quoi servent les politiques publiques, sinon à orienter les comportements dans la bonne direction ? Hélas, le culte du profit règne toujours. Le CAC 40 a réalisé l'année dernière 73 milliards d'euros de profits. Il faut chercher l'argent là où il est et orienter les entreprises vers l'indispensable transition ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER)
L'article 5 n'est pas adopté.
En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.
La séance est suspendue quelques instants.
Mixité sociale et scolaire dans les établissements publics et privés
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à assurer la mixité sociale et scolaire dans les établissements d'enseignement publics et privés sous contrat des premier et second degrés et à garantir davantage de transparence dans les procédures d'affectation et de financement des établissements privés sous contrat, présentée par Mme Colombe Brossel et plusieurs de ses collègues.
Rappel au règlement
M. Patrick Kanner. - Madame la ministre Marie-Agnès Poussier-Winsback, je vous félicite pour l'élargissement de votre périmètre... (Sourire) Au-delà de la facétie, nous regrettons l'absence au banc de la ministre de l'éducation nationale.
Ce débat est important et il était prévu. J'ai été ministre : dans un pareil cas, ne pas organiser un déplacement qui empêche d'être présent, c'est le b.a.-ba ! (Mme Laure Darcos acquiesce.)
J'ai reçu par SMS des excuses de la ministre chargée des relations avec le Parlement, mais cet incident regrettable laisse penser que le Gouvernement a peu d'égards pour la proposition de loi de Mme Brossel. En l'appelant à respecter le Parlement, je ne doute pas, mes chers collègues, de recueillir votre large assentiment. (Applaudissements à gauche et sur les travées du groupe INDEP)
Mme Laure Darcos. - Bravo !
Acte en est donné.
Discussion générale
Mme Colombe Brossel, auteure de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie mes collègues pour leur confiance, en particulier Patrick Kanner, Marie-Pierre Monier et la rapporteure, Karine Daniel. L'examen de cette proposition de loi est crucial, car il nous permet d'interroger les fondamentaux de l'école.
La France est l'un des pays où l'origine sociale influence le plus la réussite scolaire. Selon l'OCDE, le fossé social explose depuis vingt ans. La publication des indices de position sociale (IPS) nous offrirait une cartographie précise et étayée de la ségrégation sociale et scolaire. Alors que les écarts se creusent, notre responsabilité politique est d'agir.
Nombre de collectivités territoriales mènent des politiques en faveur d'une plus grande mixité sociale et scolaire. La bonne nouvelle, c'est que cela marche ! Elles sont efficaces pour la réussite, le climat scolaire et la capacité des jeunes à s'ouvrir aux autres. Donnons à toutes les collectivités les moyens de mener de telles politiques, en les inscrivant dans un cadre national qui garantit l'égalité républicaine.
La proposition de loi vise, d'abord, à renforcer les objectifs légaux pour en faire de véritables obligations. En 2013, la loi Peillon inscrivait dans le code de l'éducation l'objectif de mixité sociale et scolaire. Franchissons une nouvelle étape : l'État doit être le garant de la mise en oeuvre de cet objectif.
Nous voulons aussi donner une base légale à l'IPS, pour objectiver les très fortes disparités territoriales. Nous souhaitons que ces indicateurs soient transmis régulièrement aux collectivités territoriales et aux chefs d'établissement. Le texte donne également une base légale à Affelnet, auquel l'enseignement privé sous contrat doit être intégré. Il faut aussi conditionner le financement public de l'enseignement privé sous contrat au respect des objectifs de mixité, car la loi s'applique à tous.
Le fossé social s'est creusé depuis une vingtaine d'années. Les élèves favorisés et très favorisés sont désormais majoritaires, à 55 %, dans le privé sous contrat, alors qu'ils étaient 41 % en 2000. Quant aux enfants de milieux défavorisés, ils étaient déjà moins de 25 % dans le privé sous contrat en 2000 : ils ne sont plus aujourd'hui que 16 %.
L'enseignement privé sous contrat est financé à 76 % par l'argent public. De nombreux élus, de tous bords, souhaitent mieux savoir comment ces sommes sont dépensées. Je remercie M. Ouzoulias, auteur de cette partie de la proposition de loi. Je sais que nous divergerons avec la majorité sénatoriale sur ces questions, mais, mes chers collègues, je ne désespère pas de vous convaincre... (M. Max Brisson s'en amuse.) Merci en tout cas d'avoir permis l'examen du texte en séance, conformément à la tradition sénatoriale. Je remercie aussi la rapporteure d'avoir retravaillé la question des IPS dans un esprit de compromis.
Je ne puis imaginer que la chambre des territoires s'oppose à la communication aux collectivités territoriales d'indicateurs destinés à être des outils de politiques publiques.
Alors que les élections européennes ont montré les progrès inquiétants de l'extrême droite dans les consciences, quel pays voulons-nous construire ? Permettons à tous nos enfants d'apprendre, de jouer et de grandir ensemble, sans quoi les fractures continueront de se creuser. Pour construire un avenir partagé pour les enfants de notre pays, votons cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)
Mme Karine Daniel, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport . - Voilà dix ans que l'objectif de mixité sociale et scolaire est inscrit dans la loi. La publication depuis trois ans de l'IPS, seule mesure nationale en la matière, confirme la persistance d'inégalités entre établissements privés et publics, ainsi qu'entre établissements publics.
Pourtant, les expérimentations menées par certaines collectivités donnent des résultats encourageants : je pense à la Loire-Atlantique, à la Haute-Garonne ou à Vendôme, dont nous avons auditionné des représentants. Les élèves défavorisés scolarisés dans un établissement plus favorisé progressent. La mixité a des effets bénéfiques pour tous et les meilleurs élèves n'en pâtissent pas. Le niveau global des établissements progresse.
Cette proposition de loi vise ainsi à contribuer à une meilleure réussite des élèves, objectif annoncé par la ministre de l'éducation nationale. (Mme Anne Genetet prend place au banc du Gouvernement.) Quel à-propos, madame la ministre ! (Sourires)
Pap Ndiaye avait fait du renforcement de la mixité l'un des axes de son action. Dans cet esprit, un protocole a été signé avec l'enseignement catholique, qui vient de mettre en place son propre outil de mesure. L'objectif de doubler le nombre de boursiers a été réaffirmé. Un dispositif pour les cantines a aussi été mis en place.
Madame la ministre, quelles mesures prendrez-vous pour favoriser la mixité sociale et scolaire ? Mettrez-vous en place des binômes d'établissements géographiquement proches, mais aux IPS différents ? Des directives devaient être données aux recteurs pour renforcer la mixité au sein de ces binômes : qu'en est-il ? Et quid de la mise en oeuvre du protocole signé avec l'enseignement privé ?
Ce texte vise à instaurer des mesures plus coercitives, au nom de la cohésion nationale. L'État deviendrait le garant d'une répartition équilibrée des élèves entre établissements. Le texte généralise les outils favorables à la diversité, comme la sectorisation multisites. Il étend à l'ensemble du territoire le mécanisme d'affectation des élèves en vigueur dans l'académie de Paris, avec prise en compte de critères sociaux. Il empêche toute ouverture de classe dans le privé dans les trois ans qui suivent la fermeture d'une classe dans le public sur le même territoire, afin d'éviter les effets de vases communicants. Il impose la publicité des dons et legs reçus par les établissements privés sous contrat.
L'IPS est un outil important de mesure des inégalités scolaires. Il aide à prendre des mesures correctrices - mais les résultats sont transmis trop tardivement et de manière aléatoire.
La commission a émis des réserves sur ce texte tout en permettant son examen en séance, conformément à la tradition sénatoriale. Un consensus peut toutefois se dégager sur la transmission des IPS, de nature à fluidifier le dialogue entre les collectivités territoriales et l'État. Les premières pourront s'emparer de ces indicateurs pour mener des politiques à moyen et long termes.
J'ai proposé d'isoler l'article 1er, afin de renforcer les objectifs légaux de mixité sociale.
Depuis Jules Ferry, l'école a deux missions : la transmission des savoirs fondamentaux et la construction de la nation. La mixité sociale est au coeur de sa mission, renforçons-la. (Applaudissements à gauche)
Mme Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale . - Je vous prie de bien vouloir excuser mon retard. Monsieur le président Kanner, j'accepte vos critiques : j'étais ce matin à Tourcoing pour marquer le soutien de la nation à nos professeurs et rappeler le respect dû à leur autorité.
En 2013 puis 2021, la loi a fixé comme objectif à l'école d'améliorer la mixité sociale. C'est évidemment louable. Oui, nos territoires sont façonnés par des situations sociales contrastées. Mais ni ce constat ni la volonté de bien faire ne justifient de voter un texte inadapté.
Des outils existent déjà et le Gouvernement ne souhaite pas relancer la guerre scolaire. En outre, nous n'avons pas à nous substituer aux collectivités territoriales. La gestion de la carte scolaire ne pose pas les mêmes problèmes à Paris, dans le Lot-et-Garonne ou à La Réunion.
Reste qu'il est sain de débattre de la mixité sociale et scolaire, qui est un facteur d'égalité des chances. Le manque de mixité n'est pas la faute de l'école, mais résulte de politiques d'aménagement du territoire et de développement, d'une histoire. Par ailleurs, la démographie scolaire n'est pas toujours favorable au maintien de la mixité dans certains territoires.
Mais il n'y a pas de fatalité. La mixité est une condition essentielle de la réussite de chaque élève, elle est au coeur de la promesse d'émancipation de l'école de la République. Nous devons donc nous attaquer au poids de l'origine sociale dans la réussite.
Je ne serai pas la ministre du tri social, ni celle qui minera notre pacte républicain. Cette proposition de loi impose des obligations aux établissements. Ne faisons pas peser sur eux le poids de situations dont ils ne sont pas responsables.
La mixité doit rester un objectif de portée nationale. Sans doute faut-il aller plus loin, mais l'État comme les collectivités territoriales agissent déjà. Ainsi, dans le second degré, des secteurs de recrutement multisites ont été mis en place, notamment pour endiguer les phénomènes de contournement. Parmi les exemples de réussite, je pense aussi à Toulouse, qui mène une politique de rénovation urbaine et une réflexion sur la carte scolaire qui portent leurs fruits.
Nous devons développer l'accueil des élèves boursiers dans les écoles favorisées. Plus de 300 établissements à IPS élevé accueillent déjà des boursiers. Mais soyons lucides, l'autocensure existe. Nous devons combattre les inégalités de destin en informant mieux les jeunes et les familles et en les encourageant à oser, à se projeter.
Nous continuerons aussi à rendre plus attractifs les établissements défavorisés, car la mixité doit se faire dans les deux sens. Je pense à l'implantation dans ces établissements de sections internationales, un succès, mais aussi de classes bilangues, européennes ou langues et civilisations de l'antiquité. C'est ainsi que nous transformerons durablement ces établissements.
La publication des IPS a mis en lumière l'écart entre l'enseignement public et l'enseignement privé, mais aussi entre établissements publics. L'enseignement catholique, principal réseau d'enseignement privé, déploie une politique active de mixité, en liaison avec le ministère. Le protocole signé l'an dernier a donné lieu à un plan d'action partagé qui fait l'objet d'un suivi régulier, dans un esprit constructif et respectueux du libre choix des familles - principe auquel nous sommes très attachés.
La lutte contre les inégalités de destin passe aussi par la maîtrise des savoirs fondamentaux. L'élévation du niveau des élèves, notamment en français et mathématiques, est la meilleure façon de lutter contre le poids de la sociologie dans la réussite. C'est notre priorité.
Cela passera par des pédagogies innovantes et des initiatives de terrain, non par des réponses toutes faites, planificatrices et centralisatrices. Je préfère les solutions aux obligations. Si je suis d'accord avec l'objectif du texte, j'en désapprouve la méthode : je vous appelle donc à ne pas le voter.
La séance est suspendue à midi cinquante-cinq.
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
La séance est reprise à 14 h 30.
Mme Monique de Marco . - Je remercie nos collègues socialistes d'avoir inscrit à l'ordre du jour cette proposition de loi qui répond au souhait de nombreux élus locaux de disposer d'outils clairs pour mettre en oeuvre l'objectif de mixité sociale prévu par la loi.
Cette mixité concerne tant le secteur public que privé. Lors des auditions, les élus ont souligné le manque d'outils pour mesurer les inégalités, mais aussi l'attitude de certains établissements privés et le chantage à la fermeture qu'ils exercent pour obtenir des subventions complémentaires. Le rapport des députés Vannier et Weissberg a montré l'opacité du financement des établissements privés.
Plusieurs élus font état de pressions d'établissements privés sur leur territoire. L'AMF évoque des conversations de marchands de tapis. Mettre l'IPS à disposition, comme le propose Colombe Brossel, protégerait les élus. J'avais proposé d'interdire la fermeture de classes publiques dans les zones où l'indice est inférieur à la moyenne nationale, mais mon amendement a été déclaré irrecevable.
Certes, l'enseignement privé a comblé des lacunes dans les territoires où l'État s'est désengagé. Mais l'affaire Stanislas a montré que le privé pouvait disposer de moyens supplémentaires au public. Le rapport de juin 2023 de la Cour des comptes est sans appel : « La mixité sociale dans les établissements privés sous contrat est en fort recul depuis une vingtaine d'années. » Pourtant, ceux-ci sont financés aux trois quarts par l'État et les collectivités. Comme le dirait Jean-Pierre Raffarin, la route est droite mais la pente est forte.
Il ne s'agit pas ici de rejouer la guerre scolaire, ...
M. Max Brisson. - Un peu quand même ! (Mme Mathilde Ollivier s'en amuse.)
Mme Monique de Marco. - ... mais d'adapter le code de l'éducation pour généraliser les bonnes pratiques. Car, quelle que soit leur couleur politique, des collectivités s'emparent du sujet.
Nous ne remettons pas en cause la liberté de l'enseignement - d'ailleurs protégée par une décision du Conseil constitutionnel. Nous voulons simplement qu'elle s'exerce en toute équité, et que les écoles privées ne soient pas avantagées au détriment des écoles publiques.
Il y a urgence à remettre l'école publique au milieu du village. La mixité sociale est le terreau du vivre ensemble, elle fonde la tolérance. Son affaiblissement nous concerne tous. (Applaudissements à gauche)
M. Adel Ziane . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Y a-t-il plus beau sujet pour nous rassembler que l'école ? Dans les salles de classe et les cours de récré, la nation prend forme : les élèves ne sont pas réduits à de simples producteurs ou consommateurs, mais appelés à se construire comme citoyens, acteurs de la vie de la cité, qui ont des droits et des devoirs.
Or l'école de la République peine à remplir ses missions ; elle est en péril. Au fil des ans, des choix politiques ont affaibli notre système éducatif. Chaque rapport Pisa rappelle que l'école française échoue à remplir ses missions.
Nous partageons le constat, mais doutons des moyens employés, à l'image du choc des savoirs. Nous ne pouvons ignorer que certaines écoles - publiques ou privées - concentrent les richesses, d'autres les difficultés. Les IPS sont des outils solides ; ils méritent d'avoir une base légale, comme le prévoit le texte.
Cette proposition de loi promeut le partage de l'excellence, en vue d'offrir à tous nos enfants les moyens de leur réussite. Voilà la promesse républicaine que nous devons tenir.
Je salue la qualité et la concorde républicaine de nos échanges en commission, bien loin de la guerre scolaire.
Les élus locaux n'ont pas attendu pour expérimenter des solutions innovantes. Le conseil départemental de Haute-Garonne a instauré une politique volontariste en faveur de la mixité sociale. Point de nivellement par le bas, mais une mixité par le haut : le taux de réussite au brevet a augmenté. Préservons les moyens de financement des collectivités territoriales. À ce titre, je m'inquiète du contenu du prochain PLF.
La proposition de loi de Colombe Brossel s'inspire des bonnes pratiques en inscrivant dans la loi les outils favorisant la mixité sociale et scolaire. Elle réaffirme notre engagement envers les valeurs fondamentales de la République. Nous avons l'obligation de garantir à chaque élève un cadre éducatif équitable et propice à son épanouissement. (Applaudissements à gauche)
Mme Laure Darcos . - L'école doit offrir à ses enfants les mêmes conditions d'apprentissage et de réussite. Or la promesse républicaine s'incarne de plus en plus difficilement ; elle est fragilisée et fracturée, à l'image de la France.
L'école devrait refléter la diversité de la population française en réunissant des jeunes d'origines différentes. Elle a vocation à être le creuset de la cohésion nationale. La mixité scolaire est essentielle.
La proposition de loi de Colombe Brossel pose les bons diagnostics : persistance de la ségrégation scolaire, écart d'attractivité entre les établissements publics et privés. Elle vise à agir par la contrainte, en étendant par exemple la procédure Affelnet.
Quoique d'accord sur les constats, nous divergeons sur les recommandations. Ne faisons pas de l'enseignement privé un clone de l'enseignement public, au risque de gommer toute différence de nature.
L'excellence du privé passe notamment par le choix de recruter librement les enseignants. Pourquoi ne pas l'appliquer au public ?
Nous devons aussi relever un autre défi : la réussite des jeunes issus de la ruralité. En mars 2023, nous avions souligné lors d'un débat l'importance particulière de la mixité sociale à l'école en milieu rural.
Cette proposition de loi ne répond pas aux enjeux auxquels fait face l'éducation nationale. L'objectif de mixité sociale doit être notre boussole au même titre que la laïcité et la méritocratie, qui doit redevenir l'unique moteur pour tous les élèves de France.
Notre groupe votera contre, mais appelle à poursuivre la réflexion sur cet enjeu majeur.
M. Max Brisson . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Je ne partage qu'un seul des constats de Colombe Brossel : oui, notre ascenseur social est en panne, oui, il faut le reconstruire. Pour le reste, nous retrouvons dans ce texte les marqueurs d'une gauche toujours plus encline à l'uniformisation et à l'étatisation. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER)
Nous questionnerons la faisabilité du texte. Nous pourrions aussi contester la volonté de graver dans la loi des indicateurs et des outils imparfaits, alors que tous les indicateurs de la réussite scolaire - notes, appréciations, examens, bref les outils de la méritocratie républicaine- ont été éjectés !
Si nous devons rejeter ce texte, c'est pour ce qu'il est : une proposition de loi idéologique et planificatrice. (Murmures à gauche) Il donne une base légale à l'IPS, pourtant qualifié de « rustique » par notre rapporteur : en d'autres termes, la boussole ne serait plus le mérite des élèves, mais leur détermination sociale ! C'est la fin de toute méritocratie.
Rapport après rapport, la Cour des comptes plaide pour une plus grande autonomie des établissements. Or vous proposez une méthode verticale, contraignante, créant des barrières rigides.
Si la mixité sociale et scolaire est en panne, c'est que l'école est de longue date victime de politiques de ségrégation. S'il y a toujours de la mixité sociale dans le monde rural, c'est que la mixité sociale existe dans nos villages. Ce n'est pas par la répartition autoritaire des élèves que l'on favorisera leur réussite ; je crois davantage à la différenciation.
Autre lubie chère à la gauche : la remise en cause méthodique des fondements de la liberté d'enseignement. Beaucoup d'établissements privés sous contrat participent à l'effort de mixité sociale et scolaire. Pourquoi gagnent-ils des élèves issus de milieux favorisés ? N'est-ce pas parce qu'ils n'ont pas renoncé à la méritocratie républicaine ? La liberté pédagogique est source de performance. Pour ne pas perdre la face, vous préférez pointer du doigt un réseau qui fonctionne bien plutôt que tenter de résoudre les difficultés de l'école publique.
Vous refusez obstinément toute introspection, vous nous proposez toujours les mêmes recettes, même si celles-ci ont échoué. Voilà plus de vingt ans que la rue de Grenelle suit votre cahier des charges, en vain.
Aucune planification, aucune uniformisation, aucune idéologie centralisatrice ne relancera l'ascenseur social.
Le groupe Les Républicains votera résolument contre cette proposition de loi qui traduit un dogmatisme nocif pour notre école publique. (Marques d'exaspération à gauche)
Mme Solanges Nadille . - Dans La Reproduction, Pierre Bourdieu estime que « la cécité aux inégalités sociales condamne et autorise à expliquer toutes les inégalités, particulièrement en matière de réussite scolaire, comme inégalités naturelles, inégalités de dons ».
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
Mme Solanges Nadille. - La France reste l'un des pays de l'OCDE où les déterminismes sociaux pèsent le plus sur la réussite scolaire.
Le manque de mixité scolaire nuit à la réussite de tous les élèves et à la promesse d'égalité des chances. De fortes disparités existent au sein de l'enseignement public : les collèges classés REP+ ont un IPS moyen de 74, contre 106 pour les collèges publics hors éducation prioritaire.
Les gouvernements successifs depuis 2017 ont mobilisé les acteurs avec pour but de réduire la ségrégation scolaire de 20 % d'ici à 2027. Ainsi, la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) a identifié des binômes d'établissements proches géographiquement mais aux IPS différents, afin de renforcer la mixité.
L'éducation nationale peut aussi rendre des établissements défavorisés plus attractifs, notamment en ouvrant des sections internationales. De plus, la prime d'internat a été revalorisée : les efforts sont donc réels et portent leurs fruits.
Selon une étude d'avril 2023, le renforcement de la mixité sociale n'a pas entraîné d'évolution significative, positive ou négative, des résultats. En revanche, les élèves les plus défavorisés scolarisés dans un établissement socialement plus favorisé ont progressé. L'amélioration de la mixité n'a pas conduit à une mobilité massive vers le privé.
Ce texte va plus loin, avec des mesures coercitives. Il casse le contrat tacite qui existe avec les établissements privés, mais aussi avec les parents d'élèves en portant atteinte à leur liberté de choix. Plutôt que de contraindre les parents et de raviver la guerre scolaire, nous préférons faire de la pédagogie et accompagner les acteurs vers une plus grande mixité sociale.
Le texte conditionne les subventions des établissements privés à une mixité sociale équivalente à celle des classes publiques d'un niveau comparable situées sur le même territoire. Nous rejetons cet égalitarisme fondé sur des critères flous, qui risque in fine de pénaliser les élèves.
Enfin, la proposition de loi interdit purement et simplement l'ouverture de classes dans le privé si une classe équivalente ferme dans le public.
Le RDPI votera contre. Les efforts déjà entrepris en matière de mixité scolaire sont très encourageants ; poursuivons en ce sens.
M. Bernard Fialaire . - La principale injustice dans notre pays demeure le déterminisme familial et la trop faible mobilité sociale. La réponse se trouve dans l'école, dans l'orientation, a dit le Président Macron lors de ses voeux aux Français pour 2023. (On ironise sur les travées du groupe SER.)
En 2013, la loi Refondation de l'école de la République a chargé les services publics de l'éducation de veiller à la mixité sociale. Onze ans plus tard, l'objectif est loin d'être atteint : près de 40 % d'élèves très aisés dans le privé, 20 % dans le public. À l'inverse, 42 % des élèves du public sont issus de milieux sociaux défavorisés, 18 % dans le privé.
Et les disparités augmentent : le privé scolarise de plus en plus d'élèves issus de milieux favorisés, selon une note de la Depp.
Sous l'impulsion de Pap Ndiaye, l'éducation nationale a signé avec l'enseignement catholique un protocole d'accord renforçant la mixité scolaire et sociale. Le privé s'engage à augmenter la part des élèves boursiers. Cette démarche est positive pour la mixité sociale, mais n'aura pas d'effets pour la mixité scolaire.
Les filières d'excellence telles les classes européennes peuvent mener à des ségrégations au sein des établissements.
L'intégration des lycées Louis-le-Grand et Henri-IV dans Affelnet a eu des résultats prometteurs, en permettant de diversifier les profils. L'extension d'Affelnet aux établissements privés est donc une bonne chose, tout comme l'intégration des IPS dans la loi.
L'IPS permet de repérer les inégalités, utilisons-le comme outil d'harmonisation. Notre amendement en ferait un critère dans le calcul des contributions communales aux dépenses de fonctionnement des classes : plus l'IPS est faible, plus les dépenses seront élevées.
La mixité sociale et scolaire n'entraîne pas de baisse des résultats scolaires ; elle permet aux élèves défavorisés de progresser. Elle est bénéfique : elle favorise le bien-être social, la coopération et la fraternité.
Je remercie Colombe Brossel ; le RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées à gauche)
Mme Annick Billon . - Madame la ministre, je vous félicite pour votre nomination.
En faisant le choix du collège unique en 1975, la France a affirmé sa volonté de proposer une école démocratique ouverte à toutes et tous. La notion de mixité sociale n'est apparue dans la loi qu'en 2013. Un objectif de mixité sociale a ensuite été inscrit dans le code de l'éducation en 2021, pour les établissements publics et privés.
Nous ne partons donc pas de rien ; il existe déjà un cadre. Force est de constater la persistance d'inégalités dans la composition sociale des établissements scolaires. Pap Ndiaye a annoncé en 2023 un objectif de réduction de la ségrégation sociale de 20 % d'ici à 2027 pour les établissements scolaires publics, grâce à diverses mesures : sections internationales, classes à horaires aménagés, internats d'excellence. Les collectivités territoriales disposent elles aussi d'outils pour agir.
Pour aller plus loin, cette proposition de loi entend instaurer des outils coercitifs, mais je suis réservée. L'impératif de mixité sociale et scolaire n'est pas en phase avec le besoin de simplification et d'autonomie des collectivités territoriales. La généralisation d'outils peut être intéressante, mais attention à une centralisation contre-productive. Quelle logique territoriale derrière l'instauration d'un IPS national ?
L'enseignement privé sous contrat est devenu le bouc émissaire de l'éducation nationale, alors qu'il est un atout. Il aspire à plus de mixité sociale, mais doit faire face à nombre d'obstacles. C'est ainsi qu'un élève du privé sous contrat coûte à l'État 60 % du coût d'un élève du public. En conditionnant le financement de l'enseignement privé, cette proposition de loi remet en cause les principes de la loi Debré.
Un chef d'établissement privé sous contrat vendéen m'a fait part de son désarroi : en un an, près d'une dizaine de familles ont dû retirer leurs enfants de son établissement, en raison des frais de scolarité. Certains besoins vitaux ne sont pas pris en charge de la même façon dans le public et le privé : la facture de la restauration scolaire dans le privé sous contrat peut être deux fois plus importante que dans le public, alors même que le coût de revient du repas est 25 % supérieur dans le public.
La question n'est pas d'imposer plus de mixité dans le privé sous contrat, mais plutôt de permettre aux familles d'y scolariser leurs enfants.
Le groupe UC ne votera pas ce texte, mais je salue la démarche de l'auteure et le travail de la rapporteure.
Les nombreux travaux de notre commission contribuent à la construction de l'école de demain : loi Vial sur les AESH, mission d'information sur la formation des enseignants menée avec Max Brisson. Malheureusement, la valse des ministres cette année ne favorise pas la mise en oeuvre d'une politique de long terme.
M. Pierre Ouzoulias . - Je remercie vivement Colombe Brossel de nous permettre de confronter nos conceptions politiques sur l'enseignement catholique dans notre République laïque du XXIe siècle.
Lors de son audition devant la commission de la culture, Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique, a déclaré que ses établissements assurent une mission de service public - certains d'entre vous considèrent qu'il est une des composantes du service public de l'éducation nationale. Pourtant, l'enseignement catholique ne le revendique pas ! Son statut, voté le 18 avril 2013 par la conférence des évêques de France, indique que le « caractère ecclésial de l'école est inscrit au coeur même de son identité d'institution scolaire ». Cette volonté de donner, à tous les élèves et dans toutes les matières, un enseignement fondé sur l'Évangile distingue radicalement l'école confessionnelle de l'école publique laïque, dont la mission est de délivrer des connaissances fondées sur la liberté de pensée, la libre recherche, les progrès de la raison et de la science, hors de tout dogme et de toute croyance, selon les mots de Condorcet de 1792.
Au reste, l'article L. 442-5 du code de l'éducation conditionne la conclusion du contrat d'association avec l'État au fait de dispenser un enseignement conforme aux programmes de l'enseignement public.
Jean-François Canteneur, directeur diocésain de l'enseignement catholique de Paris souligne cette aporie : « il va falloir dialoguer sur la notion de laïcité dans l'enseignement catholique ; aujourd'hui, l'État n'a pas la compétence pour juger de la qualité d'un enseignement religieux. » Quelle est la nature du « caractère propre » ? Se rapporte-t-il à tous les enseignements dispensés ou à la seule catéchèse ? Le financement de l'État et des collectivités doit-il se limiter au financement des matières du programme ?
La question est financière, mais aussi juridique, car une majorité de parents qui confient leurs enfants à ces écoles ne le font plus pour des raisons religieuses. Comment est-il possible de donner un enseignement catholique à des élèves qui ne le sont pas et avec des professeurs qui ne le sont plus ?
L'État et les collectivités versent plus de 15 milliards d'euros aux établissements privés, qui revendiquent pourtant une liberté totale de choix de leurs élèves, de leurs professeurs et de leur pédagogie, sans contrainte.
Pis, certains de leurs dirigeants assument de recruter les enfants des plus riches. Selon le directeur diocésain de l'enseignement catholique de Paris, « Plus on dira que l'école privée est une école de l'entre-soi, de gens privilégiés, plus elle attirera. On ne peut se réjouir de cela, mais c'est ainsi ».
Madame la ministre, comment pouvez-vous accepter que l'argent de l'État, dont les établissements publics ont tant besoin, finance un tel séparatisme scolaire, qui menace le contrat social de notre République ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)
Mme Pauline Martin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Intervenant en dernière position, j'essaierai de ne pas vous lasser.
Élue locale, j'ai tâché d'apporter mon humble contribution au fonctionnement, en bonne intelligence, des établissements publics et privés, au sein desquels la mixité sociale est naturelle.
Cette proposition de loi impose des contraintes supplémentaires, sans laisser leur chance aux objectifs de mixité déjà édictés.
L'enseignement privé est visé, mais sachons reconnaître ce qu'il a déjà mis en place : une base de données publique, des frais de scolarité différenciés selon les revenus. Les IPS et Afflenet s'appliquent dans tous les établissements et ne doivent pas devenir les instruments d'un chantage idéologique. La carte scolaire ne doit pas glisser vers une planification autoritaire qui bouleverserait un équilibre difficile à trouver.
Certains établissements privés, situés dans des déserts académiques, assurent une mission de service public. L'interdiction d'ouverture de classes dans le privé ne pourrait qu'aggraver la situation.
La transparence financière existe déjà. Mettons fin au mythe de la manne financière dont disposerait le privé qui a souvent plus de difficultés que de liquidités...
L'école est malheureusement le reflet d'une société qui cherche un cadre. Ce qui fait la force d'un groupe scolaire c'est son autonomie et son adaptation aux particularités locales. Dans ce pays, où la norme devient reine, il faut laisser aux familles le libre choix de la scolarisation de leurs enfants.
Nous devons faire cause commune pour la réussite des élèves, la formation des professeurs, la place des savoirs fondamentaux. Cela ne passe pas par la mixité. Avançons sans dogmatisme et en faisant preuve de bon sens.
Discussion des articles
Article 1er A
M. Pierre Ouzoulias . - Les collectivités territoriales ont besoin de disposer plus rapidement des données IPS. Des collectivités de Haute-Garonne ont mis en place des initiatives en matière de mixité, mais sont en attente des données relatives à la réussite scolaire.
Parlementaire, je n'ai pas accès aux montants des forfaits d'externat versés dans mon département. Ni la préfecture ni le rectorat ne disposent de ces chiffres. Je tâche de les réunir et il semblerait qu'ils fassent apparaître de grandes variations.
Nous ne disposons pas non plus des montants de subventions d'investissement versées par les collectivités.
Madame la ministre, l'article 60 de la loi du 24 août 2021 prévoyait un rapport sur la mixité sociale dans les établissements privés sous contrat, or nous n'en avons pas vu la couleur.
Mme Colombe Brossel . - Chers collègues de la majorité sénatoriale, nous allons débattre, échanger, porter des projets idéologiques différents pour l'école publique. C'est la beauté de la démocratie. Pour moi, la gauche et la droite ne sont pas la même chose.
Mais la situation est dramatique, avec des phénomènes de ségrégation et des écarts qui se creusent. Mettons ces données à disposition des élus locaux qui pourront agir, s'ils le souhaitent.
Je regrette de ne pas vous avoir convaincus. Pourtant, ces politiques locales marchent ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. Bernard Fialaire . - Si nous vivions dans un monde merveilleux, nous n'aurions pas à légiférer.
Dans une commune de mon département, il fallait un deuxième collège et modifier la carte scolaire. Or le département a joué la montre pour laisser un établissement privé s'installer et attirer les élèves des milieux les plus favorisés.
M. Pierre Ouzoulias. - Et voilà !
M. Bernard Fialaire. - C'est dramatique ! Il faut un minimum de contraintes. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Pierre Ouzoulias. - Bravo !
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié de Mme de Marco.
Mme Monique de Marco. - On peut considérer que mes amendements sont défendus.
Mme Karine Daniel, rapporteure. - À titre personnel, je pense que cet amendement allait dans le bon sens, mais la commission a donné un avis défavorable.
Mme Anne Genetet, ministre. - Je suis d'accord avec vous, madame Brossel : la mixité sociale favorise sans aucun doute la réussite scolaire. Une étude de la fondation Jean Jaurès de 2018 a montré que l'ouverture de la carte scolaire en Seine-Saint-Denis n'aurait eu aucun effet positif sur la mixité sociale.
Madame de Marco, il existe quelques outils de mesure. Le rapport de la Cour des comptes de 2023 auquel vous avez fait référence appelle à ne pas remettre en cause l'autonomie des établissements privés sous contrat. Il rappelle aussi que les ouvertures de classes sont décidées par les rectorats, dans un dialogue avec les élus locaux et les réseaux.
Mme Laurence Rossignol. - Il n'y a pas de dialogue avec les élus locaux !
Mme Anne Genetet, ministre. - Cela dépend des endroits.
Vous avez raison, tout ne peut pas se décider en administration centrale, à Paris.
Monsieur Brisson, je souscris à beaucoup de vos propos, notamment le refus de la centralisation. Une raison historique justifie la gestion de ces établissements par les différents niveaux de collectivités territoriales. Il y a des enjeux locaux d'organisation du territoire.
La mixité sociale se joue par la réussite scolaire et la maîtrise des savoirs fondamentaux par tous nos élèves, sans en laisser aucun au bord du chemin.
La carte de l'éducation prioritaire est un enjeu, nous y travaillons, dans un dialogue indispensable avec les collectivités territoriales.
Madame Nadille, vous évoquez les déterminismes sociaux. Dans des établissements prioritaires, nous avons ouvert des filières « d'excellence » : option bilingue, internationale, langues anciennes ; nous sommes passés de 54 sections de ce type à 78.
Monsieur Ouzoulias, les établissements privés doivent appliquer les programmes de l'éducation nationale, sans aucun doute. Nous n'intervenons pas en revanche sur la catéchèse, qui est assurée par des laïcs en charge ecclésiale, bénévoles.
Les données IPS sont connues au printemps. Pour préparer la rentrée 2025, nous n'en disposerons qu'au printemps 2025, ce qui peut être un peu court. Ces chiffres, j'insiste, sont publics.
Nous ne voulons pas rouvrir une guerre scolaire. Nous devons respecter la liberté de choix des parents, mais aussi celle des établissements qui peuvent recruter les élèves de leur choix, selon des engagements de mixité sociale définis dans le cadre de la convention signée avec le secrétariat général de l'enseignement catholique (SGEC).
Sur l'amendement, les données étant publiques, avis défavorable.
M. Max Brisson. - Soyons clairs : nous souhaitons la mixité sociale, mais divergeons sur les moyens de l'atteindre. L'école est plus la victime que la cause de l'absence de mixité sociale - la faute à quarante ans de politiques d'aménagement.
Les IPS sont un outil et ne peuvent être l'alpha et l'oméga de la politique de l'éducation : il n'y a pas lieu de leur donner de base légale.
Il n'est pas non plus nécessaire d'ajouter des règles supplémentaires de contrôle de l'enseignement privé : appliquons celles qui existent ! C'est ce que recommande le rapport Vannier-Weissberg. (Mme Agnès Evren applaudit.)
M. Laurent Somon. - Premier point, nous sommes tous convaincus sur ces travées que l'éducation est prioritaire. Deuxième point, la liberté de choix est essentielle. Troisième point, la mixité sociale est un facteur d'amélioration des résultats scolaires pour tous.
Monsieur Fialaire, dans la Somme, j'ai essayé de restructurer la carte scolaire pour améliorer la mixité sociale, face à la baisse démographique. Que n'ai-je entendu ! L'État nous avait imposé de revoir la carte des REP et REP+ : à gauche comme à droite, on s'est opposé à cette restructuration, je prends votre collègue à témoin. Ce n'est pas une question de couleur politique, mais d'ambition !
Je ne voudrais pas citer de territoires, mais dans l'Ouest, par exemple, la mixité sociale est facteur de réussite. Laissons les chefs d'établissement régler ces problèmes.
Mme Annick Billon. - Le groupe UC votera contre tous les amendements tendant à renforcer les obligations envers les établissements scolaires ou les collectivités territoriales. Nous sommes attachés à la mixité scolaire, mais nous ne sommes pas d'accord avec les solutions proposées dans ce texte.
L'auteur de la proposition de loi postule que les établissements privés sous contrat sont responsables de la non-mixité sociale. Je vous l'assure, les chefs d'établissement du privé font preuve d'inventivité pour garantir la mixité sociale.
Le groupe UC est attaché à la liberté des collectivités territoriales, des enseignants et des chefs d'établissement, qui y sont attachés aussi.
M. Daniel Salmon. - Il est vrai que l'enseignement privé est très présent dans l'Ouest. Mais selon le directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen), la mixité sociale se délite, un tri scolaire se met en place - et je ne parle pas des enfants en situation de handicap, bien mieux accueillis dans le public !
L'amendement n°3 rectifié est adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er A est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°5 :
Nombre de votants | 330 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Pour l'adoption | 109 |
Contre | 198 |
L'article 1er A n'est pas adopté.
Article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié de Mme de Marco.
Mme Monique de Marco. - Défendu.
Mme Karine Daniel, rapporteure. - Cet amendement permettait de baisser le degré de rusticité de l'IPS. J'en profite pour dire à M. Brisson que, dans ma bouche, « rustique » n'est pas défavorable. (Sourires) J'étais plutôt favorable à l'amendement, mais l'avis de la commission est défavorable.
Mme Anne Genetet, ministre. - L'approche serait trop réductrice. Il faut aussi prendre en compte d'autres critères, comme le taux de pauvreté, de boursiers ou de familles monoparentales. (Murmures à gauche) Avis défavorable.
Mme Marion Canalès. - Comment peut-on accepter que l'argent public ne soit pas entièrement consacré à la réussite scolaire, à laquelle concourt la mixité scolaire, comme vous l'avez vous-même reconnu, madame la ministre ?
Président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez a augmenté de 266 %, soit 260 millions d'euros, les aides facultatives aux lycées privés. Dans l'académie de Clermont, les dotations des lycées privés ont augmenté de 80 %.
Il ne faudrait pas que la baisse de la démographie serve de justification à une nouvelle réduction du nombre de professeurs dans les écoles publiques.
Sur l'IPS, comment ne pas soutenir notre proposition, quand on sait que l'absence de données fiables condamne à décider à l'aveugle ?
Quant au moratoire sur l'ouverture d'une classe dans le privé pendant trois ans, Élisabeth Borne elle-même l'avait proposé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Pierre Ouzoulias. - L'IPS est bien mentionné dans le protocole qui lie l'État à l'enseignement catholique. Vous venez de dire, madame la ministre, que ce protocole est obsolète. Y en aura-t-il un autre ?
L'amendement n°4 rectifié est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié bis de M. Fialaire.
M. Bernard Fialaire. - Il s'agit d'utiliser l'IPS pour éclairer les communes lors de la répartition des dotations de fonctionnement. Lorsque des enfants quittent le public pour le privé, le mode de calcul est tel que le coût de la participation par élève augmente.
M. Pierre Ouzoulias. - Très juste !
M. Bernard Fialaire. - Votre prédécesseur m'avait dit que cela pouvait être compensé, mais deux injustices ne font pas une justice ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme Karine Daniel, rapporteure. - Cet amendement me paraissait convergent avec le texte. La commission a émis un avis défavorable.
Mme Anne Genetet, ministre. - Cet amendement porte atteinte à la libre administration des collectivités territoriales. Avis défavorable.
L'amendement n°1 rectifié bis est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié de Mme de Marco.
Mme Monique de Marco. - Défendu.
Mme Karine Daniel, rapporteure. - Comme le précédent, cet amendement me semblait aller dans le sens de la proposition de loi. Là aussi, la commission a émis un avis défavorable.
Mme Anne Genetet, ministre. - Avis défavorable. Rien n'indique qu'un établissement avec un IPS plus faible aurait besoin de plus de moyens de fonctionnement.
L'amendement n°5 rectifié est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié de Mme de Marco.
Mme Monique de Marco. - Défendu.
L'amendement n°7 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°8 rectifié de Mme de Marco.
Mme Monique de Marco. - Défendu.
L'amendement n°8 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°9 rectifié de Mme de Marco.
Mme Monique de Marco. - Défendu.
L'amendement n°9 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, est adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°6 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l'adoption | 109 |
Contre | 217 |
L'article 1er n'est pas adopté.
Article 2
Mme la présidente. - Si l'article 2 n'est pas adopté, il n'y aura pas lieu de voter sur l'ensemble, tous les articles ayant été supprimés.
M. Yan Chantrel . - Ce débat aura eu le mérite de la clarté. Deux visions s'opposent : d'un côté, le laxisme, le laisser-faire, qui mènent volontairement à la ségrégation scolaire, donc sociale ; de l'autre, la volonté de réaliser l'égalité réelle entre toutes et tous.
Ceux qui ont le plus critiqué le texte sont élus dans des départements où la mixité est la plus faible, Pyrénées-Atlantiques ou Vendée.
La mixité, nous avons tous à y gagner. Il n'y a pas d'ordre possible si l'on ne combat pas les inégalités à la racine.
Mme Colombe Brossel . - Le débat se poursuivra dans la société, car la réalité s'impose à nous. Détourner les yeux ne fait pas disparaître une difficulté... Nous ne lâcherons rien sur la mixité sociale et scolaire.
Madame la ministre, vous venez de rencontrer les sénatrices et sénateurs les plus passionnés par la chose éducative. Vous avez dit que le manque de mixité n'est pas de la responsabilité de l'école, c'est faux. Vous avez prétendu ne pas être la ministre du tri social, mais sans faire montre de l'ambition dont l'école a besoin.
Nous avons besoin de volontarisme, d'engagement. C'est ce qui nous anime pour l'école de la République ! (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Ouzoulias . - Nous ne confondons pas l'éducation nationale et l'enseignement privé. La République française est laïque et sociale, pas les écoles privées. Sélectionner les élèves est-il conforme à leur pastorale ? C'est à leurs dirigeants de répondre en conscience. Mais il est inadmissible que ces établissements continuent de recevoir la manne publique, alors qu'ils entretiennent le séparatisme scolaire.
M. Max Brisson. - Vous allez trop loin !
M. Pierre Ouzoulias. - Madame la ministre, vous avez livré une information capitale : le financement de l'État ne porterait que sur l'enseignement des programmes nationaux, c'est-à-dire sur la partie nationale et laïque de l'enseignement catholique. C'est très important, et je vous en remercie.
Vous nous devez un rapport sur la mixité sociale et des informations sur la mise en oeuvre du protocole qui lie l'enseignement catholique à l'État ; plus d'un an après sa signature, nous n'avons rien reçu. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE-K et SER)
M. Adel Ziane . - La mixité sociale est un facteur déterminant de la réussite scolaire, mais aussi du vivre-ensemble. Nous avons jeté les bases d'une réflexion sur la ségrégation spatiale et scolaire. Nous sommes d'accord sur le constat, mais pas sur les outils. Le rapport de la Cour des comptes a mis en évidence que les contrôles au sein de l'enseignement catholique n'étaient pas réalisés. Le secrétaire général de l'enseignement catholique lui-même a dit que l'État ne lui demandait pas de compte.
Vous avez piqué ma curiosité sur le rapport de la Fondation Jean-Jaurès, chère aux socialistes. J'en ai retrouvé deux : l'un sur l'école comme catalyseur de la fragmentation de la société, l'autre consacré à la préférence française pour les inégalités scolaires. N'en restons pas à ces tristes constats. Puisse ce débat ouvrir de nouvelles perspectives.
Mme Annick Billon . - Je remercie l'auteure de la proposition de loi et la rapporteure. Nous sommes tous d'accord sur les constats, moins sur les solutions. Nos outils commencent à faire leurs preuves ; aussi le groupe UC ne votera-t-il pas cette proposition de loi.
L'école privée sous contrat se charge aussi de la réussite de tous les élèves et veille à la mixité sociale, contrairement à ce que j'ai entendu.
Nous avons besoin non de verticalité, mais de liberté pour trouver des solutions. Les territoires sont différents, les publics sont différents ; les chefs d'établissement ont besoin de liberté pour adapter les outils.
La majorité sénatoriale est force de propositions : regardez la loi de Cédric Vial visant à l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap. Nous réussissons à avancer en faveur de l'école inclusive.
Mme Monique de Marco . - Tout le monde est d'accord : la mixité sociale régresse à l'école.
Monsieur Brisson, vous affirmez que les établissements privés sont contrôlés correctement. Soutenez donc ma demande d'une commission d'enquête ou une mission d'information sur la qualité de ces contrôles.
Madame la ministre, vous dites que l'IPS n'est pas un bon indicateur et suggérez de l'étoffer : nous sommes à votre disposition !
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°7 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Pour l'adoption | 109 |
Contre | 218 |
L'article 2 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - L'amendement sur l'intitulé de la proposition de loi devient sans objet. Aucun article de la proposition de loi n'a été adopté. En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.
Mme Karine Daniel, rapporteure. - Je remercie l'ensemble des collègues pour le travail très positif sur ce texte.
Chacun a pu se positionner clairement sur le sujet.
Nous n'avons pas trouvé d'accord sur les moyens à mettre en oeuvre, mais nous aurions pu au moins nous accorder sur les indicateurs, le thermomètre. Les IPS occupent déjà le débat public, le sujet va revenir ; je regrette que le Sénat apparaisse à la traîne. (M. Patrick Kanner renchérit.) Nous aurons l'occasion d'en reparler. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. Max Brisson. - Je remercie Colombe Brossel d'avoir présenté ce texte. Nos débats ont montré que nous avions des visions, des focales, voire des obsessions différentes, même si, je le concède, les travées de la majorité sénatoriale n'étaient pas très fournies. (Sourires ; « Ah ! » sur les travées du groupe SER)
Madame la ministre, même sur le sujet de l'école, je vous assure que le consensus est possible au sein de la commission de la culture et de l'éducation.
M. Pierre Ouzoulias. - Oui !
M. Max Brisson. - Nous pouvons nous retrouver dans le sens de l'intérêt général, et sommes prêts à travailler avec vous.
Nous avons discuté de la relation entre le ministère et les territoires - le rapport de Laurent Lafon et de Jean-Yves Roux à ce sujet n'a pas pris une ride.
Mme Anne Genetet, ministre. - Nous portons tous l'ambition de faire réussir nos enfants pour qu'ils construisent la France de demain. La mixité est utile à la réussite scolaire, mais difficile à mettre en oeuvre. Le chemin que vous proposez ne me semble pas le bon, vous l'avez compris.
Mme Colombe Brossel. - Cela ne nous a pas échappé !
Mme Anne Genetet, ministre. - Madame Brossel, des initiatives fonctionnent : à Paris, Affelnet a renforcé la mixité sociale.
Mme Colombe Brossel. - Absolument.
Mme Anne Genetet, ministre. - Mais ce qui est bon à Paris ne l'est peut-être pas ailleurs : les mesures coercitives que vous avez proposées ne me semblent pas adaptées.
Depuis 2017, l'éducation nationale a reçu 14 milliards d'euros supplémentaires (M. Adel Ziane s'en étonne), ce n'est pas rien. Regardez le dédoublement des classes en CP et en CE1 : les résultats des premières cohortes ont progressé. Voilà des initiatives qui fonctionnent.
Nous sommes tous fiers de notre école et de nos enseignants, qui font un travail remarquable et développent des initiatives innovantes au service des élèves.
Je salue également les collectivités territoriales qui permettent à nos écoles de fonctionner dans les meilleures conditions.
M. Patrick Kanner. - Moins 25 milliards pour les collectivités territoriales !
Mme Anne Genetet, ministre. - Ce matin, j'étais à Tourcoing, où j'ai rencontré le vice-président de région, la maire et le préfet.
M. Patrick Kanner. - Moins 25 milliards !
Mme Anne Genetet, ministre. - Cette décision ne relève pas de mon ministère, je vous laisserai en parler avec ma collègue, Madame Vautrin... (On ironise sur les travées du groupe SER.)
Monsieur Kanner, pour ce qui concerne l'éducation nationale, soyez assuré que je souhaite donner tous les moyens possibles à nos écoles, au service de la réussite de nos élèves. (Mme Samantha Cazebonne et M. Bernard Fialaire applaudissent.)
Prochaine séance, mardi 15 octobre 2024, à 14 h 30.
La séance est levée à 16 h 10.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 15 octobre 2024
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence : Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Alain Marc, vice-président, M. Loïc Hervé, vice-président
Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, Mme Catherine Conconne
1. Proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d'autres maladies évolutives graves, présentée par MM. Gilbert Bouchet, Philippe Mouiller et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°670, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)
2. Explications de vote puis vote sur la proposition de loi visant à permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet, présentée par Mme Annick Billon, M. Bruno Retailleau, Mme Françoise Gatel et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée) (texte de la commission, n°662, 2023-2024) (demande du groupe UC et du groupe Les Républicains)
3. Proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie, présentée par M. Daniel Gremillet, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Bruno Retailleau et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°643, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)