Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mise au point au sujet de votes

Prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique

M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi

M. Gilbert Bouchet, auteur de la proposition de loi

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Corinne Féret, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes

Mme Émilienne Poumirol

M. Daniel Chasseing

Mme Chantal Deseyne

Mme Nicole Duranton

Mme Véronique Guillotin

Mme Jocelyne Guidez

Mme Cécile Cukierman

Mme Raymonde Poncet Monge

M. Laurent Somon.

Mme Marie Mercier

Discussion des articles

Article 1er

Mme Marie-Pierre Monier

Article 2

M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes

M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi

Article 4

Élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet (Procédure accélérée)

Explications de vote

Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat

M. Aymeric Durox

Mme Corinne Bourcier

M. Stéphane Le Rudulier

Mme Patricia Schillinger

M. Michel Masset

Mme Annick Billon

Mme Cécile Cukierman

M. Guy Benarroche

M. Éric Kerrouche

Modification de l'ordre du jour

Programmation et simplification dans le secteur économique de l'énergie

Discussion générale

M. Daniel Gremillet, auteur de la proposition de loi

M. Alain Cadec, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Hommage à une délégation

Programmation de simplification dans le secteur économique de l'énergie (Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie

M. Pierre Médevielle

M. Stéphane Piednoir

Mme Nadège Havet

M. Henri Cabanel

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Fabien Gay

M. Yannick Jadot

M. Jean-Jacques Michau

M. Christopher Szczurek

Mme Martine Berthet

M. Stéphane Demilly

M. Gilbert-Luc Devinaz

Mme Sylviane Noël

Discussion des articles

Avant l'article 1er

Article 1er

Après l'article 1er

Article 2

Article 3

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques

Décès d'un ancien sénateur

Avis sur une nomination

Programmation et simplification dans le secteur économique de l'énergie (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 3 (Suite)

Article 4

Article 5

Après l'article 5

Article 7

Après l'article 7

Article 8

M. Fabien Gay

Après l'article 8

Article 9

Article 10

Article 11

Après l'article 11

Ordre du jour du mercredi 16 octobre 2024




SÉANCE

du mardi 15 octobre 2024

6e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, Mme Catherine Conconne

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral, est adopté.

Mise au point au sujet de votes

Mme Nathalie Goulet.  - Lors des scrutins nos5, 6 et 7, je souhaitais voter pour.

Acte en est donné.

Prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d'autres maladies évolutives graves, présentée par MM. Gilbert Bouchet, Philippe Mouiller et plusieurs de leurs collègues, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements) Je souhaite donner la parole à Gilbert Bouchet, qui a tenu à être présent parmi nous, et qui s'est fortement mobilisé ces dernières semaines en faveur de la proposition de loi. Le combat qu'il mène est juste et bon pour les personnes touchées par la maladie de Charcot. (Applaudissements ; M. Paul Christophe et Mme Nathalie Delattre applaudissent également.)

M. Gilbert Bouchet, auteur de la proposition de loi .  - Mes chers collègues, je tiens moi aussi à saluer le président Mouiller, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet, ainsi que l'ensemble des collègues qui ont soutenu cette initiative. Je suis heureux de cette mobilisation. Lorsque la maladie vous tombe dessus, il faut la comprendre, c'est ce que j'essaie de faire.

La prise en charge de la maladie n'est pas facile ; cela prend plusieurs semaines, plusieurs mois. L'objet de cette proposition de loi est d'aller plus vite. Je vous remercie, monsieur le président Larcher, d'avoir soutenu ce texte. (M. Gérard Larcher apprécie.)

Je remercie aussi les collègues de mon département, M. Bernard Buis et Mme Marie-Pierre Monier. Il faut plus de moyens, renforcer la communication pour lutter contre cette maladie qui peut toucher tout le monde. Encore mille fois merci de participer à ce vote. (Applaudissements nourris et chaleureux ; M. Paul Christophe et Mme Nathalie Delattre applaudissent également.)

M. Philippe Mouiller.  - Ce texte a reçu le soutien de l'ensemble des groupes, je m'en félicite. J'espère que l'Assemblée nationale l'inscrira rapidement à son ordre du jour, car le temps presse.

Ce texte a longuement été préparé par Gilbert et les associations. « Avant ce terrible diagnostic, j'ai dû subir plusieurs examens », m'a-t-il écrit. En l'occurrence, le diagnostic est vite tombé. Mais c'est loin d'être toujours le cas, en particulier pour les sujets jeunes.

La sclérose latérale amyotrophique (SLA) touche entre 6 000 et 7 000 personnes, et on dénombre 1 000 nouveaux cas par an, ce qui en fait l'une des maladies rares les plus fréquentes.

Quand la SLA est détectée, il y a urgence à agir. Ses formes sont multiples, tout comme ses évolutions. Le rythme de progression est spécifique à chaque patient, ce qui empêche d'anticiper les besoins en compensation du handicap. L'équipe pluridisciplinaire avait prescrit à Gilbert un matériel qui, lorsque la décision a été rendue, ne lui était plus d'aucune utilité. Il a dû acheter lui-même le fauteuil électrique qui convenait à son handicap à ce moment-là.

Avec les représentants de l'Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique (Arsla) -  présents en tribune  - , nous avons détecté des freins dans la prise en charge sociale des malades.

Il faut encourager la recherche pour freiner la maladie, voire trouver les voies de la guérison, mais aussi favoriser la formation des personnes en contact avec les malades et sensibiliser le plus grand nombre à cette pathologie, via des actions tant nationales que locales.

Je m'associe aux remerciements que Gilbert a adressés à Gérard Larcher, au président Retailleau et aux très nombreux collègues qui se sont mobilisés.

Ce texte s'inspire aussi des difficultés relayées par les associations, qui, bien souvent, prêtent le matériel nécessaire à la survie des patients.

La SLA est une maladie au pronostic dramatique. Or les dispositifs de droit commun échouent à soutenir décemment les malades. Le temps administratif est en décalage avec le rythme de progression de la maladie ; la famille fait face à des restes à charge très élevés, et à des choix impossibles.

Cette proposition de loi vise à apporter une réponse spécifique à cette pathologie hors norme. Nous simplifions les procédures, notamment au sein des MDPH.

Les travaux de la commission ont mis en avant la nécessaire coordination entre les acteurs, notamment pour mieux identifier les dossiers relatifs à ce type de pathologie.

Après 60 ans, les malades relèvent non plus de la prestation de compensation du handicap (PCH) mais de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), avec des différences majeures de prise en charge. Ainsi, le reste à charge moyen sur les aides techniques s'élève à 16 000 euros, deux fois plus que les bénéficiaires de la PCH. La levée de la barrière d'âge est nécessaire, même si elle constitue un précédent.

Je remercie Mme Féret et Mme Muller-Bronn ainsi que tous les sénateurs mobilisés sur ce texte. Au nom de Gilbert Bouchet et de la commission, j'espère le soutien de l'ensemble du Sénat. (Applaudissements ; M. Paul Christophe et Mme Nathalie Delattre applaudissent également.)

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.) Je salue notre collègue Gilbert Bouchet, auteur de cette proposition de loi, et le remercie pour son témoignage fort. J'ai aussi une pensée pour Claude, Alfred et Pascal, que j'ai suivis en préparant mon rapport et qui ne sont plus là désormais.

Ce texte vise à pallier les lacunes d'un système qui laisse les malades et leur famille dans le désarroi. Le SLA est une maladie rare et incurable due à une dégénérescence progressive des motoneurones. Les personnes diagnostiquées avant 60 ans s'adressent à leur MDPH en vue d'obtenir la PCH, or les délais de traitement des demandes sont incompatibles avec la progression rapide de la maladie. Le délai est de quatre mois en moyenne, mais peut atteindre six voire neuf mois, c'est trop long. Les temps de traitement des dossiers doivent s'adapter à la maladie, et non l'inverse.

Les familles doivent avancer les frais, alors même que ceux-ci peuvent s'alourdir à mesure que la maladie progresse, les besoins pouvant s'aggraver avant même que la demande ait abouti. Elles doivent constituer des dossiers complexes, à chaque nouvelle demande.

Face à de tels constats, la proposition de loi vise à faciliter et améliorer les aides aux personnes atteintes de SLA.

L'article 1er instaure une procédure dérogatoire spécifique pour le traitement des maladies évolutives graves au sein des MDPH ; la liste des maladies concernées serait fixée par décret. Il suffirait d'un membre de l'équipe pluridisciplinaire de la MDPH pour proposer directement à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), sur la base d'une prescription médicale, les adaptations du plan personnalisé de compensation du handicap (PPCH) et les aides humaines nécessaires. Notre commission des affaires sociales a considéré que les spécificités de telles maladies justifiaient ce traitement dérogatoire.

Cela dit, l'efficacité de la réponse suppose de pouvoir identifier d'emblée les dossiers et de favoriser une meilleure coordination avec les équipes médicales. La commission a rendu systématique l'identification de ces dossiers par la MDPH ; ceux-ci devront être traités en partenariat avec les 22 centres de référence pour les maladies rares, qui établissent un bilan avec les personnes concernées tous les trois mois. La commission a donc permis un accès à la procédure dérogatoire prévue par l'article 1er, sur la base de l'évaluation d'un centre de référence SLA. Enfin, il faut éviter que le patient soit contraint de constituer un nouveau dossier à chaque évolution de la maladie.

Mes chers collègues, je vous invite à voter ce texte, attendu par les familles concernées et les associations. (Applaudissements ; M. Paul Christophe applaudit également.)

Mme Corinne Féret, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - À mon tour, je salue notre collègue Gilbert Bouchet, dont le témoignage est très émouvant. Je pense également à ceux que nous avons auditionnés.

Le traitement différencié des besoins en compensation en fonction de l'âge de la personne représente une autre difficulté pour les malades.

Le bénéfice de la PCH est limité aux personnes diagnostiquées avant 60 ans ; au-delà, le malade a accès uniquement à l'APA. Or les différences entre les deux aides sont majeures. L'APA est rattachée à un plan d'aide global dont le montant est déterminé dans la limite d'un plafond mensuel pour chaque groupe iso-ressources (GIR). Mais cette aide ne suffit pas à financer la présence continue d'intervenants auprès du malade et ne couvre pas non plus les aides techniques dont a besoin le patient. Résultat : le reste à charge est deux fois plus élevé dans le cadre de l'APA.

Selon l'Arsla, 30 aides techniques sont nécessaires au cours de la durée de vie d'un patient touché par la SLA.

Bien que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ne dispose pas de données consolidées sur cette pathologie, on estime que deux tiers à trois quarts des personnes atteints de SLA relèvent de l'APA.

Les personnes dépassant l'âge limite pourraient bénéficier, grâce à l'article 2 de cette proposition de loi, de la PCH. La suppression de cette iniquité nous paraît légitime.

En cohérence avec les modifications apportées à l'article 1er, l'article 2 qualifie le champ des maladies concernées par cette suppression de la barrière d'âge. La question se pose, plus largement, de savoir si cette dernière est fondée pour bénéficier du droit à la compensation.

D'autres enjeux relatifs à l'accès aux aides techniques ne relèvent pas de la loi, mais mériteraient d'être pris en compte. Ainsi du remboursement pour la location de certains équipements ou de la formation des intervenants.

L'article 3 prévoit un concours financier de la CNSA aux départements pour compenser le surcroît de dépenses de PCH, dont nous estimons le montant à 30 millions euros, faute de statistiques précises.

À mon tour, je vous invite à voter cette proposition de loi, très attendue, pour mieux prendre en considération les personnes atteintes par cette maladie. (Applaudissements)

M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes .  - Cette proposition de loi, dès son dépôt en avril dernier, a retenu toute mon attention de parlementaire - et c'est l'un de vos collègues qui vous salue, monsieur Bouchet : je vous adresse ma compassion, mon écoute, mon respect et mon amitié. (M. Gilbert Bouchet salue M. Paul Christophe en levant la main.)

Elle a aussi retenu mon attention d'homme et de citoyen. Ce sujet concerne la dignité des individus et l'effectivité de leurs droits ; il faut mettre fin à cette situation insatisfaisante. Nous devons agir vite ! Car l'enjeu, c'est le temps : l'espérance de vie des personnes atteintes de la maladie de Charcot est de deux ans et se heurte au temps administratif, trop long.

L'objet de ce texte, c'est aussi l'âge : la maladie se déclenche à 68 ans en moyenne, un temps de la vie où l'on peut bénéficier de l'APA ; son montant varie de 762 à 1 955 euros. Lorsque la maladie se déclare avant 60 ans, les personnes concernées peuvent bénéficier de la PCH. Quel que soit leur âge, elles ont accès aux centres de référence des maladies rares, avec une prise en charge par l'assurance maladie à 100 %.

La proposition de loi vise à lever deux blocages : les délais pour obtenir la PCH et une demande d'accès dérogatoire à la PCH après 60 ans.

Nous avons la même analyse de la situation. Les besoins de la personne évoluent plus vite que le temps de traitement des dossiers, et les familles avancent des frais dont le montant est important. L'État prend toute la mesure de ce problème. Lors de la Conférence nationale du handicap de 2023, le Président de la République a réaffirmé son souhait de réduire les délais de l'accès aux droits ; cet objectif a été inscrit dans la feuille de route des MDPH.

Ce texte facilite la coordination entre la MDPH et le centre de référence des maladies rares en vue de repérer en amont les dossiers des personnes concernées. Une coordination similaire est aussi envisageable dans le cadre de l'APA.

Le Gouvernement porte également une attention particulière à la simplification de l'acquisition du fauteuil roulant électrique.

À propos de la dérogation à la barrière d'âge, la réflexion doit se poursuivre. Certes, nous devons, dans certains cas, dépasser des catégories trop enfermantes ; il y va de notre humanité et du sens même de notre système de protection. Toutefois, comment garantir l'égalité du droit à toutes les personnes victimes d'autres maladies ? Nous pouvons et devons améliorer la prise en charge de la maladie de Charcot, sans créer des inégalités entre les personnes en situation de handicap ; nous y reviendrons à l'article 2.

L'enjeu de ce texte, au fond, il est question de notre modèle de protection sociale, mais aussi de notre modèle de fraternité ; je suis le garant de son fonctionnement équitable. S'il nous faut revenir sur la méthode proposée, il n'en demeure pas moins que le texte est essentiel. Je salue cette belle initiative parlementaire. Nous avons tous le même objectif : la faire aboutir. (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes Les Républicains et UC et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Émilienne Poumirol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce texte, défendu par 318 de nos collègues issus de toutes les travées, vise à améliorer la prise en charge des patients atteints de maladies évolutives graves, telles que la SLA. Je salue à mon tour Gilbert Bouchet. Je remercie également nos rapporteures pour leurs travaux, menés dans un esprit de consensus.

Mise en lumière en 2014 par le Ice Bucket Challenge, la maladie de Charcot est une maladie neurodégénérative : à mesure que la maladie progresse, la personne voit sa capacité respiratoire affectée. L'espérance de vie des personnes touchées est de deux ans en moyenne. Seuls 5 % des malades ont une espérance de vie de plus de cinq ans. L'écrivain Bertrand Poirot-Delpech parlait d'emmurement vivant.

Le profil des malades est très divers. La SLA sporadique représente près de 80 % des cas. Dans 20 % des cas, il s'agit d'une forme génétique, à transmission familiale ; la recherche a beaucoup avancé dans ce domaine. Un médicament à accès dérogatoire, le Tofersen, ralentit l'évolution de cette forme de la maladie.

Les personnes atteintes de SLA sont prises en charge par les vingt-deux centres spécialisés dépendant de la Filière de santé Maladies Rares SLA et Maladies du Neurone moteur (FilSLAN) ; malheureusement, c'est le cas de 70 % des malades seulement. Ces centres doivent théoriquement revoir les patients tous les trois mois, mais ces délais sont plus longs par manque de place. Les patients non suivis et leurs familles se retrouvent isolés et dans le plus grand désarroi.

Face au destin implacable en l'absence de traitement curatif, le texte tend à améliorer la prise en charge sociale des malades, en favorisant l'accès aux aides et aux accompagnements.

L'article 1er instaure une procédure dérogatoire au traitement des demandes. Le temps administratif de traitement des dossiers ne correspond pas à celui de la progression de la maladie.

L'aide accordée n'est parfois plus d'actualité quand elle arrive. De plus, les familles multiplient les dossiers chaque fois qu'une adaptation est nécessaire.

À la suite d'une demande formulée par un malade sur la base d'une prescription médicale, un membre de la MDPH pourra proposer directement à la CDAPH de statuer de manière prioritaire sur les adaptations nécessaires.

Je salue l'amendement des rapporteures qui prévoit une identification systématique, dès leur dépôt, de ces dossiers à la MDPH, en partenariat avec les centres de référence.

La barrière de l'âge de 60 ans pour l'attribution des aides constitue une inégalité. Seules les personnes dont le diagnostic a été posé avant cet âge peuvent bénéficier de la PCH, alors que l'APA ne suffit pas à financer les aides techniques.

À terme, la prise en charge 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 est une nécessité, pour tous les malades.

Le reste à charge, de 8 000 euros dans le cadre de la PCH, s'élève à 16 000 euros dans le cadre de l'APA. La PCH étant plafonnée, les patients sont contraints de faire des choix quant à l'aide technique qu'ils souhaitent, ce qui est intolérable. Certains robots d'aide pour les gestes des membres supérieurs ne sont pas remboursés.

Le groupe SER votera, bien sûr, ce texte, qui représente une avancée attendue par les patients et leurs familles.

Comme les rapporteures, je juge indispensable d'autoriser le remboursement de la location, et non plus de la seule vente, des matériels, qui pourraient ensuite être réutilisés.

Le manque de personnel formé au maniement des aides techniques pose par ailleurs problème. Certaines sociétés d'aide à la personne refusent ces malades ou leur appliquent des tarifs très élevés.

En cas d'embauche directe par les patients eux-mêmes, les complications sont nombreuses.

Nous devons rendre les métiers d'accompagnement des malades plus attractifs.

Des fonds de compensation départementaux sont prévus pour l'achat de matériel, mais ils varient beaucoup d'un territoire à l'autre. Le reste à charge demeure donc très important pour les malades et leurs familles.

Il faut créer davantage de structures d'accueil pour les personnes souffrant de handicaps lourds, pour donner du répit aux aidants. L'habitat inclusif est un sujet majeur.

Le sujet de la fin de vie préoccupe particulièrement les malades souffrant de SLA. Je pense ici à Loïc Résibois, que nous avions reçu en audition et qui est décédé il y a quelques semaines. Je rends hommage à sa dignité et son courage. Son combat nous oblige.

Monsieur le ministre, l'engagement du Premier ministre de présenter le projet de loi relatif à la fin de vie en début d'année 2025 sera-t-il tenu ? Ces patients doivent pouvoir aborder leur fin de vie avec sérénité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Je salue Gilbert Bouchet pour son témoignage et son courage.

La SLA est liée à une dégénérescence des cellules qui dirigent et contrôlent les muscles volontaires centraux et périphériques. On dénombre environ 1 000 cas par an, apparaissant entre 50 et 70 ans. La forme familiale ne représente que 10 % des cas. Il n'y a pas de cause environnementale.

Cette maladie peut entraîner des troubles de la motricité des membres supérieurs et inférieurs, ainsi que des troubles de la parole et de la déglutition. Les fonctions intellectuelles sont conservées, comme la vision, l'ouïe et le toucher. C'est une maladie progressivement handicapante.

Un bilan doit être fait régulièrement, pour adapter les aides.

Il n'existe malheureusement pas de traitement efficace, les situations variant selon les patients. Mais plusieurs études sont en cours.

Le traitement actuel consiste en une prise en charge pluridisciplinaire au sein d'une vingtaine de CHU. La prise en charge des frais médicaux est totale ; il n'en va pas de même pour les aides.

Le présent texte a pour objet de remédier aux difficultés rencontrées par les patients touchés par cette maladie.

Les délais moyens de traitement des demandes, de six mois en moyenne, sont incompatibles avec l'évolution rapide de la maladie. La procédure dérogatoire introduite par le texte devrait régler ce problème.

La MDPH pourrait s'appuyer sur les évaluations des patients réalisées tous les trois mois par les centres de référence pour adapter le plan de compensation du handicap.

Cette proposition de loi corrige une seconde anomalie : la barrière d'âge à 60 ans. L'APA est souvent moins avantageuse que la PCH. Or elle est la seule accessible aux personnes diagnostiquées après 60 ans.

L'article 3 prévoit une participation financière de la CNSA aux départements pour compenser les surcoûts de nouvelles dépenses de la PCH.

Ce texte, pragmatique et pertinent, améliore la prise en charge de la SLA et des maladies semblables. Je félicite les rapporteures qui l'ont fait évoluer positivement.

Le groupe INDEP votera sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements)

Mme Chantal Deseyne .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue les auteurs de cette proposition de loi, particulièrement Gilbert Bouchet. Leur initiative reflète une véritable sensibilité aux besoins criants des malades et de leurs familles. Ses auteurs ne sont pas seulement des législateurs, mais des acteurs engagés pour une cause juste.

La SLA progresse rapidement. Son évolution, propre à chaque patient, complexifie l'anticipation des besoins.

Les aides des personnes diagnostiquées avant 60 ans peuvent être financées par la PCH. Malheureusement, les délais de traitement des dossiers sont souvent trop longs -  six ou neuf mois dans certains départements. Or le protocole national SLA impose des bilans trimestriels ; la prise en charge n'est pas immédiate et les familles doivent donc souvent avancer des frais.

La PCH provisoire peut être accordée dans un délai de quinze jours ouvrés, sous certaines conditions. Mais l'application de cette disposition varie selon les départements.

Après 60 ans, il faut se tourner vers l'APA, beaucoup moins favorable. Le reste à charge peut grimper alors jusqu'à 16 000 euros. Or 79 % des malades sont concernés. Une réforme de la prise en charge est donc nécessaire pour alléger le fardeau financier des familles.

La procédure dérogatoire introduite par l'article 1er répondra aux besoins urgents des patients.

L'article 2 vise à supprimer la barrière d'âge.

L'article 3 prévoit un financement supplémentaire de la CNSA pour soutenir cette mesure.

Ce texte constitue une avancée significative. Je vous invite donc à le voter très largement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Daniel Chasseing et Mme Corinne Féret applaudissent également.)

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je tiens à témoigner, au nom du RDPI, mon amitié et ma gratitude à Gilbert Bouchet, pour son courage face à la maladie et sa mobilisation pour ce texte.

La maladie de Charcot vous crucifie en neutralisant les muscles un à un. Elle se caractérise par un affaiblissement progressif des muscles des jambes, des muscles respiratoires, puis de ceux permettant la déglutition et la parole. Son évolution est rapide. À tout moment, une vie peut basculer.

De multiples formes de handicap apparaissent au cours de la maladie, rendant les gestes de la vie quotidienne difficiles, voire impossibles. Les besoins en aides techniques et humaines sont très lourds, mais c'est un véritable parcours du combattant pour les obtenir : les malades et leurs familles subissent une double, voire une triple peine, compte tenu des frais à avancer, notamment. La prise en charge financière est inadaptée ; ce texte y remédie.

Les délais de traitement par les MDPH sont trop longs face à une maladie aussi évolutive. Selon la CNSA, il faut six, voire neuf mois d'attente : c'est trop long !

Les conséquences financières de ces délais sont importantes.

S'ajoute à cela une inégalité d'accès liée à l'âge.

L'APA ne suffit pas pour répondre aux besoins techniques et humains. Il en résulte un reste à charge important, jusqu'à 16 000 euros, contre 8 000 euros pour la PCH.

Le texte prévoit un aménagement des procédures pour accélérer la prise en charge des patients.

Il introduit également une exception à la barrière d'âge de 60 ans pour bénéficier de la PCH. Cessons la différence de traitement selon l'âge ! C'est une nécessité, quand on sait que les trois quarts des personnes atteintes de cette maladie relèvent de l'APA.

L'article 3 prévoit l'intervention de la CNSA pour compenser le surcoût engendré par le dispositif.

Plusieurs amendements ont été adoptés en commission visant à rendre systématique l'identification des dossiers de SLA par les MDPH.

De nombreuses familles sont touchées par cette maladie. Pas moins de 1 700 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Nous ne pouvons rester insensibles à leur sort.

Je félicite les rapporteures pour leur travail. Notre groupe votera cette proposition de loi essentielle, tant attendue par les malades et leurs familles. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je salue la décision du Premier ministre d'avoir répondu à l'appel des associations en nommant un ministre délégué chargé des personnes en situation de handicap.

Aucun traitement curatif de la maladie de Charcot n'est connu à ce jour. Je salue le courage de Gilbert Bouchet et l'engagement de Philippe Mouiller sur ce sujet ; nous y sommes tous particulièrement sensibles. Plus de 315 sénateurs ont d'ailleurs cosigné cette proposition de loi.

Cette maladie engendre des défis émotionnels, médicaux et financiers.

Rapidement handicapante, elle rend les patients prisonniers de leurs corps. Mais la prise en charge de cette maladie pernicieuse est complexe, les besoins variant selon les patients.

Une trentaine d'aides techniques sont nécessaires, auxquelles il faut ajouter les aides humaines, toutes étant coûteuses.

Outre les délais de traitement inadaptés, la barrière d'âge constitue une injustice manifeste.

Cette proposition de loi, très attendue, aménage les procédures et les conditions d'accès à la PCH. Les apports des rapporteures, dont je salue le travail, l'ont améliorée.

Les patients pourront bénéficier de la PCH après 60 ans.

Ce texte nous donne surtout l'occasion de parler de la maladie de Charcot, la moins rare des maladies rares, pour reprendre les mots d'Olivier Goy.

Environ 8 000 personnes seraient atteintes de cette maladie en France. Selon certaines études européennes, le nombre de personnes touchées augmenterait de 20 % d'ici à 2040.

Favoriser l'accès aux soins, améliorer la qualité de vie des patients et de leurs proches, renforcer l'information, améliorer la formation des aidants, soutenir la recherche, sensibiliser nos concitoyens à cette maladie au pronostic sombre, voilà autant d'enjeux essentiels.

Avant la dissolution, Catherine Vautrin avait assuré que la promesse faite par le Président de la République de remboursement intégral des fauteuils roulants serait tenue avant la fin de l'année. Cette mesure de justice sociale est très attendue.

Poursuivons la lutte contre la SLA, nous le devons à tous ces combattants. Le RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes INDEP et Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions)

Mme Jocelyne Guidez .  - Je salue le travail de Gilbert Bouchet, de Philippe Mouiller et de nos rapporteures. J'associe Anne-Sophie Romagny à mes propos.

La maladie de Charcot est la plus répandue des maladies attaquant le système neuromoteur. Il n'existe pas de traitement ; nous pouvons néanmoins améliorer la prise en charge des malades. Tel est l'objet de ce texte.

Je précise d'emblée que la proposition de loi n'oublie pas d'autres pathologies évolutives graves qui freinent la capacité de marcher, de s'alimenter, de respirer.

Les travaux des rapporteures ont montré les multiples handicaps qui apparaissent au fil de la maladie, rendant toute activité impossible. Il est impossible de compenser les besoins par anticipation, mais il existe des aides pour faire face aux besoins du quotidien : aides humaines, adaptation du logement ou du véhicule. Ceux dont la SLA a été diagnostiquée avant 60 ans peuvent solliciter une PCH. En revanche, tous les malades bénéficient d'une prise en charge à 100 % par l'assurance maladie de leurs frais de santé.

L'article 1er est le coeur du texte. Pour percevoir la PCH, la MDPH se prononce dans un délai de quatre mois. En réalité, ce délai peut atteindre neuf mois, ce qui s'avère bien trop long au regard de la rapidité de l'évolution de la maladie. Les besoins du malade peuvent avoir changé entre-temps et les familles doivent avancer les frais.

Si une procédure spéciale d'attribution de la PCH existe, ce n'est qu'à titre provisoire. La proposition de loi prévoit de pallier les délais de traitement trop longs et inégaux en fonction des départements.

La rédaction initiale du texte prévoyait que la liste des maladies serait fixée par décret, ce qui n'était pas assez précis.

La proposition de loi s'est donc concentrée sur les « pathologies d'évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles ». Elle prévoit la possibilité, pour l'équipe pluridisciplinaire de la MDPH, de proposer les adaptations nécessaires au plan personnalisé de compensation. La collégialité est un élément essentiel du traitement des dossiers.

L'article 2 renforce l'article 1er en supprimant la condition d'âge, ce qui semble plus juste.

La proposition de loi prévoit aussi un concours financier de la CNSA aux départements pour compenser le surcroît de dépenses. Les gages financiers sont souvent cosmétiques : nous attendons donc des garanties.

Le groupe UC votera sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP, du RDPI et du RDSE)

Mme Cécile Cukierman .  - Cette proposition de loi nous invite à réfléchir à l'amélioration de la prise en charge de la SLA. Je salue le courage et la détermination de notre collègue Gilbert Bouchet et la volonté de Philippe Mouiller de rassembler le plus largement possible. Mon groupe, dans son intégralité, a répondu présent.

La SLA concerne 1 700 nouveaux cas chaque année. Selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), la maladie est multifactorielle : il existe des facteurs génétiques, mais aussi environnementaux, comme l'exposition aux métaux lourds. Dans le bassin minier du Pas-de-Calais par exemple, nous subissons encore les conséquences de la pollution au plomb. Je pense à Metaleurop, qui a contaminé au plomb les sols de la ville d'Évin-Malmaison, faisant des milliers de victimes, dont des enfants atteints de graves troubles neurologiques. Il est nécessaire de responsabiliser davantage les entreprises.

Les malades peinent à concilier la rapidité de l'évolution de la maladie et la lenteur des démarches administratives au sein des MDPH : patienter cinq mois semble à contretemps. La procédure d'urgence existe déjà pour attribuer une prestation provisoire dans un délai de quinze jours. Il faut maintenant la généraliser, tout en maintenant l'analyse des besoins par une équipe pluridisciplinaire.

Je souhaite néanmoins rappeler notre attachement aux MDPH, dont la lenteur vient principalement du manque de moyens humains et financiers décidés par les gouvernements successifs.

Nous étions inquiets des conséquences des procédures dérogatoires, craignant un système à deux vitesses, mais nous sommes rassurés par les modifications introduites en commission.

La proposition de loi supprime la barrière d'âge de 60 ans pour accorder la PCH à tous les patients atteints de la maladie de Charcot. C'est un progrès. Depuis 2015, notre groupe dépose un amendement en ce sens au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La contribution de la CNSA aux départements, indispensable, progresse chaque année. Nous refusons cependant que les 30 millions d'euros supplémentaires reposent uniquement sur les salariés, la CNSA étant financée à 90 % par les salariés et les retraités. La solidarité des entreprises devrait jouer bien plus fortement. Toutefois, pour éviter toute polémique, nous n'avons pas déposé d'amendements pour les mettre à contribution. Cela dit, au pays de Voltaire et de Hugo, je reste convaincue que la question de la justice fiscale se pose.

Le groupe CRCE-K votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, du GEST, du groupe SER et du RDSE, sur quelques travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Cette proposition de loi est nécessaire. L'heure de modifier une procédure inadaptée est arrivée. La CDAPH bénéficie de quatre mois pour statuer, mais les délais peuvent aller jusqu'à neuf mois. Les plans de compensation sont alors inadaptés, le matériel demandé arrive parfois après le décès de la personne !

Valérie Caramel-Goutti, présidente de l'Arsla, expliquait dans une tribune publiée dans Le Monde en juin 2023 que le temps nécessaire à l'administration pour statuer sur les dossiers ne coïncidait pas avec le temps des malades. Il est urgent de revoir le parcours de soins et d'adapter les politiques publiques aux besoins réels des patients.

La procédure dérogatoire accordée aux patients atteints de SLA est bienvenue. L'APA couvre mal les soins techniques nécessaires. Il est choquant que beaucoup renoncent à des aides médicales pour des raisons financières, creusant les inégalités sociales de santé.

Les personnes en situation de handicap subissent des pertes de revenus importantes liées au handicap, et l'économiste Thomas Blavet estime que le coût est plus important pour les personnes de moins de 60 ans.

Il faut enfin appliquer la loi du 11 février 2005, qui met fin à la distinction entre les personnes en situation de handicap en fonction de l'âge au cours duquel le diagnostic est posé, en attendant l'instauration, comme le souhaitent les écologistes, d'une prestation unique d'autonomie.

Il faut aussi diminuer le reste à charge, trop important ; selon l'Arsla, il est deux fois plus important pour les bénéficiaires de l'APA que pour les bénéficiaires de la PCH.

Nous invitons à un effort de financement de la recherche sur l'incidence d'éventuels facteurs environnementaux. Aucune cause environnementale directe n'a été clairement identifiée, mais les recherches épidémiologiques partout dans le monde démontrent que les facteurs environnementaux peuvent jouer un rôle déterminant dans le déclenchement de la maladie : tabac, sport de haut niveau, exposition à des métaux lourds ou aux toxines dans certaines algues sont autant de facteurs à prendre en compte.

Nous soutenons d'autres demandes de l'Arsla -  accélération du diagnostic, renforcement de la coordination du parcours de soins  - et nous nous félicitons que la commission ait amélioré le texte en suivant des recommandations du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

Le GEST votera avec détermination cette proposition de loi utile. (M. Philippe Mouiller et Mme Évelyne Perrot applaudissent.)

M. Laurent Somon. .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Un philosophe qui a traversé et ne cesse de traverser plusieurs états de santé a passé par autant de philosophies. » C'est en ces termes que s'exprime Nietzsche dans Le Gai savoir. Le corps pense, et il s'agit d'harmoniser le corps et l'esprit avec sagesse. Nous, législateurs, voulons aider l'homme à éviter l'enfermement physique. La SLA est sans doute la maladie qui illustre le plus ces pensées.

La proposition de loi facilite l'accès aux aides. Je pense alors à René, mon premier adjoint, à Michèle, présidente de l'association des élus de mon canton, à Jean-Manuel, mon ami et mon confrère vétérinaire et à Loïc Résibois, parti trop tôt il y a quelques semaines -  vous l'aviez auditionné au Sénat.

Dépourvu de la capacité de soulager la douleur, le législateur a décidé d'alléger le parcours des malades. Cette proposition de loi se distingue du projet de loi sur la fin de vie, qui prolonge la demande des malades atteints par cette pathologie d'avoir l'assurance de pouvoir choisir l'issue. Ce texte, lui, tend à amoindrir l'anxiété d'une fin prédite comme épouvantable, grâce à un accompagnement adapté. La SLA, c'est 8 000 patients et cinq nouveaux cas diagnostiqués par jour.

Dans la Somme, cinq cas ont été recensés en quinze ans dans une même rue, d'où la saisine de Santé publique France.

La lutte contre la maladie passe par des traitements innovants, mais aussi par une prise en charge évolutive d'une maladie qui change rapidement.

La grande majorité des malades vit à domicile. Leurs proches réalisent l'aménagement du logement - encore faut-il que ce soit possible ! Les aides humaines, médicales et techniques représentent des sommes importantes.

L'exemple du Morbihan mérite d'être suivi. Il n'existe pas de service dédié, mais les associations y ont accompagné depuis quarante ans 35 000 patients et proches.

Je remercie Gilbert pour son témoignage, ainsi que la commission des affaires sociales. Assurons-nous que les prises en charge soient facilitées, quel que soit l'âge du patient au moment du diagnostic. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE, ainsi qu'au banc des commissions)

Mme Marie Mercier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Mieux que quiconque, Marguerite Yourcenar a su parler de la dégradation physique : « Corps, mon vieux compagnon, nous périrons ensemble. Comment ne pas t'aimer, forme à qui je ressemble, puisque c'est dans tes bras que j'étreins l'univers ? »

Cette proposition de loi crée une procédure dérogatoire devant la MDPH et supprime la limite de 60 ans pour accéder à la PCH, dont le montant est supérieur à l'APA.

Cette proposition de loi est une avancée, mais les patients méritent davantage. En l'absence de traitement curatif, seuls les traitements symptomatiques améliorent la vie du patient. D'où l'importance cruciale des aidants.

Il faut augmenter la prise en charge des pathologies complexes et à terme trouver un traitement curatif. Pour cela, monsieur le ministre, il faut des moyens.

La France est à l'avant-garde de la recherche sur les malades graves comme le cancer, mais elle doit absolument maintenir une politique volontariste et solidaire pour toutes les autres maladies graves. Il faut des financements pérennes.

Les coûts élevés de la recherche de pointe, les difficultés à financer les essais cliniques, la complexité des partenariats public-privé freinés par des procédures administratives et juridiques longues et coûteuses et les divergences d'intérêt sont autant d'obstacles à franchir.

La France doit maintenir son niveau d'excellence, au service des patients.

Merci à Gilbert Bouchet, mon voisin d'hémicycle. Merci aux patients, qui nous donnent des leçons de vie. Merci à Olivier Goy, qui, dans son livre Invincible, dit : « La mort ne va pas m'empêcher de vivre, et de vivre intensément ». (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du RDSE et du RDPI)

Discussion des articles

Article 1er

Mme Marie-Pierre Monier .  - Ce n'est pas sans émotion que je prends la parole. Je pense tout particulièrement à Gilbert Bouchet. Je le remercie, ainsi que Philippe Mouiller, de s'être emparé de ce sujet. Les malades et leurs proches aidants ont besoin d'être accompagnés. Ils méritent d'avoir toute leur place dans le débat public.

Notre mobilisation collective doit être amplifiée, notamment en matière de recherche : des associations, je retiens un cri du coeur contre le manque de fonds.

La dérogation prévue par la proposition de loi prend tout son sens. Cela dit, les délais actuels de traitements des demandes au sein des MDPH doivent nous inciter à leur accorder les moyens de fonctionner dans de bonnes conditions.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié bis de M. Chasseing et alii.

M. Daniel Chasseing.  - Selon l'article 1er, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées va statuer sur le plan personnalisé de compensation du handicap lors de sa première réunion suivant la réception de la demande. Mon amendement vise à ce que cette obligation s'applique aux demandes d'attribution des droits et prestations.

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure.  - Cette proposition est cohérente avec les travaux de notre commission. Avis favorable.

M. Paul Christophe, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°2 rectifié bis est adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Article 2

M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes .  - Je partage votre objectif d'améliorer la prise en charge des personnes atteintes de SLA.

Si l'objectif est partagé, les moyens sont plus divers. Il est possible d'améliorer les dispositions existantes : je pense aux hospitalisations à domicile ou aux 200 centres de ressources territoriaux (CRT), qui mettent en place des interventions pluridisciplinaires rapides sans reste à charge pour les patients. Leur nombre sera porté à 500 d'ici à 2028. L'ARS pourrait identifier au moins un CRT par département pour l'accompagnement renforcé des personnes âgées atteintes de maladies rares.

Il ne faut pas exposer les départements à un risque de traitement inéquitable entre les malades. Pour nous en prémunir, il faut travailler avec les collectivités territoriales ; c'est la « coconstruction souhaitée » par le Premier ministre. Nous devrons continuer à travailler pour préparer l'avenir. Je sais pouvoir compter sur vous.

M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi .  - Monsieur le ministre, je salue votre ouverture. Vous nous proposez d'utiliser une nouvelle disposition, mais le dispositif en vigueur n'est pas opérationnel.

Puissions-nous voter cette proposition de loi, afin d'en appliquer les dispositifs le plus vite possible : voilà le pragmatisme du Sénat.

L'article 2 est adopté.

L'article 3 est adopté.

Article 4

Mme la présidente.  - Amendement n°4 du Gouvernement.

M. Paul Christophe, ministre.  - Cet amendement vise à lever le gage. C'est un engagement du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)

Mme Corinne Féret, rapporteure.  - Cet amendement, déposé tardivement, n'a pas été examiné par la commission des affaires sociales. À titre personnel, mon avis est favorable et je remercie le Gouvernement.

L'amendement n°4 est adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°8 :

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 335
Contre     0

La proposition de loi est adoptée.

Mme la présidente.  - À l'unanimité ! (Applaudissements prolongés)

M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi.  - Je salue ce vote unanime, ainsi que la mobilisation du Gouvernement. J'ai une pensée chaleureuse pour Gilbert Bouchet.

Monsieur le ministre, nous avons entendu votre message. Le texte va poursuivre son chemin parlementaire. Nous espérons que vous aurez le même enthousiasme à l'Assemblée nationale. Je vous remercie, pour tous les malades. (Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.

Élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet, présentée par Mme Annick Billon, M. Bruno Retailleau, Mme Françoise Gatel et plusieurs de leurs collègues, à la demande des groupes UC et Les Républicains. Ce texte est examiné selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre 14 bis du règlement du Sénat.

Explications de vote

Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Lors de l'examen de la loi du 16 décembre 2010 de réforme collectivités territoriales, la création des communes nouvelles fut accueillie avec prudence.

Conçue sur des bases théoriques, nous savions qu'elle demanderait des ajustements ultérieurs. Il revenait au Sénat de répondre concrètement aux difficultés liées à son application, sur la base des retours d'expérience locale.

Cette proposition de loi s'inscrit dans cet esprit.

Ce texte rectifie l'incohérence du régime juridique existant. La commission des lois a adopté à l'unanimité le texte dans le cadre de la procédure de législation en commission. Pragmatique, il vise à assouplir le dispositif applicable aux communes nouvelles récemment créées en cas de démission ou de décès du maire.

L'élection du maire et des adjoints nécessite un conseil municipal complet, mais des exceptions existent : dans les communes de moins de 500 habitants, le conseil municipal peut être réputé complet, même si un ou deux sièges sont vacants.

Par ailleurs, grâce à des procédures allégées, il est possible de compléter le conseil municipal sans renouvellement intégral : recours au suivant de liste ou élection partielle. Toutefois, dans les communes nouvelles, le renouvellement intégral s'impose. Ce qui pose des difficultés.

Une première exception a été introduite par la loi du 1er août 2019 : l'exécutif d'une commune nouvelle peut être élu par un conseil municipal incomplet si la vacance a lieu avant la première réunion du conseil municipal.

Mais cela ne suffit pas. Les auteurs de la proposition de loi ont souhaité prolonger cette exception jusqu'au premier renouvellement général du conseil municipal, et non pas seulement sa première réunion.

Il s'agit de faciliter la transition de la commune nouvelle vers le régime du droit commun, sachant que cette dérogation est caduque si le conseil municipal a perdu un tiers de ses membres.

Le législateur évite ainsi d'exclure des élus trop rapidement, il autorise une représentation équitable de toutes les communes et il encourage l'adhésion au projet de fusion.

Ainsi, jusqu'au premier renouvellement, l'ensemble des membres des conseils municipaux est maintenu ; après le premier renouvellement général, le nombre de conseillers est ajusté sur celui qui est prévu pour les communes de la strate démographique immédiatement supérieure ; le second renouvellement acte le retour au droit commun.

Ainsi, pour une commune nouvelle résultant de la fusion d'une commune de 1 000 habitants et d'une autre de 300 habitants, le nombre de conseillers serait d'abord de 29, puis de 19 après le premier renouvellement.

La proposition de loi garantit ainsi la continuité de la gouvernance des communes nouvelles, sans introduire de régime dérogatoire disproportionné. Elle n'altère ni la substance ni les limites du cadre transitoire : au contraire, elle affine le dispositif existant avec pragmatisme.

La commission des lois vous propose donc de l'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon et M. Michel Masset applaudissent également.)

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce texte concrétise des solutions adaptées à des situations non prévues par le législateur, situations qu'il faut aborder avec intelligence et clarté tout en garantissant une sécurité juridique.

La création d'une commune nouvelle est à la seule main des élus locaux. Ce dispositif a été inventé par Jacques Pélissard, ancien président de l'Association des maires de France, afin que toutes les communes soient fortes et vivantes, car de tels rapprochements sont gages d'efficacité. Au 1er janvier 2024, on compte 796 communes nouvelles regroupant 2 500 communes et 2,5 millions d'habitants.

Cette proposition de loi améliore la règle de droit.

Si les communes nouvelles donnent satisfaction, des situations particulières existent. Je pense à la commune de Rives-du-Fougerais en Vendée, qui a été créée au 1er janvier 2024, après la fusion de trois communes de moins de 1 000 habitants. La sénatrice Billon, la première, a alerté le Gouvernement sur cette situation très grave.

Le code général des collectivités territoriales (CGCT) comprend, pour toute création d'une commune nouvelle, des dispositions transitoires, car un peu comme une famille qui se recompose, cela prend du temps !

À la suite du décès du maire, juste après son élection, cette commune a été mise en difficulté : quelques mois après sa création, le nombre de conseillers devait y passer de 37 à 23 ; une évolution si violente est de nature à mettre en péril l'harmonie même de cette commune nouvelle.

Le cadre juridique est strict : le décès du maire de la commune nouvelle Rives-du-Fougerais, Claude Clerjaud, à qui je rends hommage, a obligé la commune à procéder à de nouvelles élections. Le conseil municipal a dû être renouvelé : comment expliquer à quatorze conseillers municipaux qu'ils ne pourront plus y siéger, quelques mois après la première élection ?

Nous allons utiliser l'exception d'incomplétude du conseil municipal existante en l'élargissant, pour éviter tout retour prématuré devant les électeurs ; c'est un gage précieux de stabilité. Cette disposition sera valable pour toutes les communes nouvelles, à condition que celles-ci n'aient pas connu de renouvellement antérieur.

Je salue le travail de Nadine Bellurot qui a sécurisé le texte en écartant le risque de censure constitutionnelle au motif de la création d'une exception abusive.

Il s'agit d'un ajustement nécessaire et pertinent, qui montre combien les parlementaires sont attentifs aux difficultés de nos territoires. Je vous remercie d'examiner cette proposition de loi, qui, empreinte de sagesse, vous ressemble. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; MmeCécile Cukierman et Patricia Schillinger applaudissent également.)

M. Aymeric Durox .  - Je salue le travail de la commission des lois, qui va fluidifier la mise en place des communes nouvelles. Habitant moi-même une commune nouvelle constituée il y a dix ans, j'ai constaté que le mariage consenti des communes pouvait être une bonne solution.

Bien qu'au Rassemblement national nous soyons soucieux de la préservation du triptyque commune-département-État, nous souhaitons aider les communes qui veulent agréger leurs moyens, pour rendre leurs services publics plus efficients.

Comme dans la vie, le moment le plus important pour une commune nouvelle est sa naissance, par fusion de deux communes ou plus - cinq pour celle dans laquelle je vis.

Cette proposition de loi étend la dérogation existante au principe de complétude du conseil municipal pour élire le maire et les adjoints d'une commune nouvelle jusqu'au premier renouvellement général. Il s'agit d'éviter, en cas de vacance, une élection intégrale ayant pour conséquence d'évincer trop rapidement les élus artisans de ce projet de territoire. Il s'agit aussi d'assurer la continuité de la gouvernance, de garantir l'attractivité du dispositif et d'offrir de la lisibilité aux élus.

De fait, l'application stricte du principe de retour aux élections réduit brutalement l'effectif du conseil municipal, dans la mesure où la jurisprudence du Conseil d'État ne permet pas de faire appel aux suivants de liste et où il est impossible, dans les communes de moins de 1 000 habitants, de tenir des élections partielles complémentaires pour ne pas organiser un scrutin dans une seule partie de la commune.

Le présent texte, consensuel, règle ce problème certes technique, mais qui a des conséquences notables sur la constitution des communes nouvelles. Les sénateurs du Rassemblement national le voteront sans réserve.

Mme Corinne Bourcier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Cette proposition de loi n'est pas simplement technique : elle marque une avancée réelle pour la gestion des communes nouvelles en traitant un cas de figure oublié. Plus précisément, il s'agit d'autoriser, par dérogation, l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet, pour permettre le bon fonctionnement de ces communes, que je connais bien.

Son adoption aura des implications réelles sur le fonctionnement de nos institutions locales. Elle assurera la continuité de la gouvernance en cas de vacance liée à une démission ou un décès. Or nous savons que le phénomène des démissions d'élus augmente dramatiquement, sous l'effet de causes diverses : incivilités et violences, complexité procédurale et réglementaire. Ce texte est l'occasion d'envoyer un signal de pragmatisme et de confiance aux élus locaux.

À la création d'une commune nouvelle, il est primordial de stabiliser les équipes et les objectifs pour faire avancer les affaires locales et les projets du territoire. Le renouvellement intégral du conseil municipal pour cause de vacance a des conséquences aberrantes - coûts, complexité, délais - et risque de paralyser la gestion de la commune nouvelle.

Cette proposition de loi facilite donc concrètement l'exercice de la démocratie locale, en réponse à une difficulté de terrain. Pour avoir exercé, pour nombre d'entre nous, un mandat local, nous savons que les imprévus sont nombreux ; ce texte permettra de les anticiper et d'y faire face.

Adopté à l'unanimité en commission, il vise à garantir la continuité de l'action locale. Au Sénat, nous savons combien la constance est importante, notamment en matière d'investissements. Le groupe INDEP confirme donc son soutien à la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

M. Stéphane Le Rudulier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi est issue de la réflexion croisée d'Annick Billon, de Françoise Gatel et de Bruno Retailleau. Elle a été examinée en juin dernier selon la procédure de législation en commission, puis son examen en séance a été reporté par la dissolution.

Je rends hommage à Françoise Gatel pour sa défense ardente des communes, échelon de proximité et de liberté. Je sais, madame la ministre, que vous poursuivrez ce combat au sein du Gouvernement.

La commune nouvelle est une exception dans notre paysage institutionnel, mais elle marque une révolution silencieuse, fondée sur le principe de subsidiarité. Celui-ci n'est pas technocratique : il signifie que l'individu est responsable de son destin et que chaque collectivité gère ses affaires, en mutualisant ce qui doit l'être. Mais il n'y a pas de responsabilité sans liberté. Tout ce qui entrave la liberté d'action des collectivités - schémas directeurs, non-indexation des dotations, prélèvements de l'État - porte préjudice à l'intérêt général et à la performance publique.

La commune nouvelle, c'est le contraire de la verticalité, d'une approche centralisée selon laquelle les grands ensembles sont toujours plus pertinents que les échelons de proximité. Elle est issue de la volonté du terrain.

Mais la mise en place de ces communes peut s'accompagner de difficultés, notamment en cas de conseil municipal incomplet qui empêche l'élection du maire. Durant la mandature qui suit la constitution de la commune nouvelle, il n'est pas possible de recourir aux suivants de liste ou à une élection complémentaire. Il s'avère donc que la dérogation que nous avions prévue au principe de complétude ne couvre pas tous les cas possibles.

Pour faire face aux cas de vacance liée à un décès ou à une démission, la présente proposition de loi étend cette dérogation jusqu'au premier renouvellement général du conseil municipal. Elle a recueilli un accord très large en commission.

En remerciant la rapporteure Bellurot pour la qualité de son travail, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. Nous espérons un vote conforme à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP ; Mme Annick Billon applaudit également.)

Mme Patricia Schillinger .  - Notre pays présente une spécificité bien connue : l'émiettement communal - nous comptons plus de 34 000 communes. Ce maillage dense est une richesse pour la proximité, mais aussi un défi.

Pour tenter de rationaliser cette organisation territoriale, la loi de 2010 a introduit les communes nouvelles pour encourager les fusions dans le respect des identités locales. Depuis lors, des améliorations ont été apportées au dispositif, à l'instar de la garantie de maintien du niveau de dotation de l'État pendant trois ans.

Toutefois, la mise en oeuvre du dispositif a donné lieu à certaines difficultés pratiques, notamment en cas de vacance au sein du conseil municipal. Imposer son renouvellement complet pour permettre l'élection du maire déstabilise ces jeunes collectivités.

La loi de 2019 prévoit une dérogation au principe de complétude, si la vacance intervient avant la première réunion du conseil municipal. Il s'agit d'une avancée notable, mais insuffisante. D'où la présente proposition de loi, qui étend la dérogation jusqu'au premier renouvellement général du conseil.

Cette mesure pragmatique évitera l'organisation d'élections inutiles et préservera le rôle des élus qui ont été les artisans du projet. Sa portée est limitée, puisque 28 communes sont concernées. Mais l'enjeu est crucial : renforcer l'attractivité du dispositif des communes nouvelles en évitant l'éviction trop rapide des élus ayant participé à la construction du projet et en garantissant la continuité de la gouvernance.

Le texte assouplit le cadre juridique des communes nouvelles, pour tenir compte des réalités locales. Quoique limité par le nombre de ses bénéficiaires, il est important pour soutenir les élus qui s'engagent courageusement en faveur de la modernisation territoriale. Le RDPI le votera pour encourager le développement harmonieux des communes nouvelles. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)

M. Michel Masset .  - Consensuel, ce texte touche à un principe parfois rigide, mais qui est au coeur de notre démocratie : le maire et ses adjoints doivent être élus par un conseil municipal complet. Des exceptions, strictement encadrées par le CGCT, sont prévues.

La proposition de loi répond à un problème déjà identifié par le Sénat en 2019 : l'obligation d'organiser une élection en cas de vacance au sein du conseil municipal, qui conduit à faire baisser trop rapidement l'effectif des conseillers. La dérogation existante ne vaut que jusqu'à la première réunion du conseil municipal. Les difficultés rencontrées nous conduisent à l'étendre jusqu'au premier renouvellement général de celui-ci. Les élus ayant défendu la création de la commune nouvelle pourront ainsi s'y investir au lieu d'être évincés prématurément.

Je me réjouis que ce texte soit sur le point d'être adopté. Nous réglons une difficulté de sécurité juridique et de compréhension du droit. Chaque fois que le législateur simplifie les normes, il renforce le lien de confiance avec les citoyens et les élus.

Le Sénat prouve une nouvelle fois sa proximité avec les problèmes de terrain : ce texte est né de la situation de la commune nouvelle de Rives-du-Fougeray, exposée par Mme Billon en commission.

Qu'importe notre opinion sur les communes nouvelles - le Lot-et-Garonne n'est pas particulièrement friand de ce dispositif... Il s'agit de faciliter le dispositif pour les territoires volontaires. Il est impératif que les communes nouvelles restent le choix des territoires, sans marche forcée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Absolument !

M. Michel Masset.  - Il faut aussi évaluer les conséquences des communes nouvelles en matière de démocratie, de finances ou de services publics.

Le RDSE s'inscrit dans cette dynamique de soutien aux élus et votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur des travées du groupe UC ; MM. Louis Vogel et Guy Benarroche applaudissent également.)

Mme Annick Billon .  - Je remercie le président Gérard Larcher, Hervé Marseille et Bruno Retailleau d'avoir facilité l'inscription de ce texte à notre ordre du jour.

Les cosignataires en sont nombreux : preuve que le sujet n'est pas propre à la Vendée... Au 1er janvier dernier, la France comptait 804 communes nouvelles, issues de 2 575 communes et totalisant 2,5 millions d'habitants. Mais alors que le dispositif s'essouffle, comme le confirme en 2022 un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA), nous devons répondre aux difficultés concrètes rencontrées.

Je suis honorée que notre texte compte désormais parmi ses auteurs deux ministres, Bruno Retailleau et Françoise Gatel. (On s'en félicite à droite.)

Madame la ministre, je connais votre engagement en faveur des collectivités territoriales, en particulier des communes nouvelles. En 2019, vous avez travaillé avec moi sur le regroupement de trois communes dont est issue la commune nouvelle des Sables d'Olonne.

Ce texte, qui s'inscrit dans la continuité de la loi Gatel, a été pensé pour répondre aux difficultés rencontrées par la commune nouvelle de Rives-du-Fougerais, mais 28 communes sont confrontées au même problème. Il s'agit d'étendre la dérogation en cas de vacance au sein du conseil municipal jusqu'au premier renouvellement général de celui-ci.

Rives-du-Fougerais a été frappée, deux mois et demi après sa création, par le décès de son maire, Claude Clerjaud, dont je salue la mémoire. Quelques mois après sa création, le conseil municipal aurait alors dû passer de 37 à 23 membres et se soumettre à l'obligation nouvelle de parité.

Or nous savons que la réussite d'une commune nouvelle tient au travail mené par les élus en amont et au bon déroulement de la période transitoire. Les élus engagés pour réaliser la fusion doivent pouvoir poursuivre leur mission sereinement jusqu'au premier renouvellement général.

Ce texte apporte une réponse concrète à un problème réel. Le groupe UC le votera. L'engagement des élus et crucial : aidons-les en facilitant l'exercice de leur mandat. Je remercie la rapporteure et j'appelle de mes voeux une adoption rapide à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et du RDSE)

Mme Cécile Cukierman .  - Ce texte, je le dis sans détour, ne nous pose pas de difficulté. Il s'agit d'une difficulté oubliée : quel que soit notre avis sur les communes nouvelles, il convient de légiférer pour la résoudre.

Je formulerai toutefois quatre remarques.

Madame Billon, s'il est vrai que le texte a été largement cosigné, il n'a pas été ouvert à la cosignature de l'ensemble de l'hémicycle. Je le précise pour éviter tout malentendu.

Ensuite, cette proposition de loi est nécessaire parce que nous avons tendance à légiférer trop vite. C'est ainsi que les lois que nous votons omettent parfois certaines situations.

En outre, faut-il faire d'un cas particulier une règle générale ? En l'espèce, la proposition de loi répond à la situation particulière de la commune dont Mme Billon a parlé, sans affecter les autres.

Enfin, il y a parfois lieu de remettre un peu d'ordre dans le CGCT. Loin de nous l'idée de soutenir la nouvelle Sainte-Trinité du ministre de l'intérieur : l'ordre, l'ordre, l'ordre... Il s'agit simplement de faciliter le fonctionnement des communes, pour que celles-ci puissent mieux répondre aux besoins de leurs populations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Michel Masset applaudit également.)

M. Guy Benarroche .  - Une nouvelle fois, nous nous intéressons aux collectivités territoriales - de manière justifiée, quoique très spécifique. Mais ce texte devrait connaître un sort plus favorable que celui de la semaine dernière sur la réduction du nombre de conseillers municipaux...

Il s'agit d'assouplir le principe de complétude des conseils municipaux pour l'élection des maires dans les communes nouvelles. Nous connaissons les problèmes d'attractivité des fonctions électives locales ; ils pèsent sur notre vie démocratique, notamment dans les petites communes, où la difficulté à former des listes est patente.

En cas de vacance, si la commune concernée compte moins de 1 000 habitants et que le scrutin de liste ne s'y est donc pas appliqué, il est impossible de recourir au suivant de liste et il faut organiser une nouvelle élection intégrale, ce qui entraîne des complications pratiques et des coûts. Or l'effectif du conseil municipal d'une commune nouvelle est censé décroître à chaque nouvelle élection, et il est politiquement compliqué de ne pas donner aux élus ayant contribué à la naissance de la commune la possibilité de participer à son éclosion et à son développement.

Pour éviter que ne soit mise à mal la progressivité du retour du conseil municipal à un effectif normal, la proposition de loi prolonge la dérogation existante jusqu'au premier renouvellement général du conseil. Mais la dérogation ne sera pas absolue : les vacances ne devront pas excéder un tiers des sièges.

Il s'agit d'un texte de résilience face à la désertion croissante des fonctions électives et syndicales. On estime à 1 300 le nombre de démissions de maire au cours des trois dernières années, un rythme en nette hausse par rapport à la précédente mandature.

Le GEST soutient une réforme en profondeur du statut de l'élu. Il faut aussi aux élus une capacité fiscale et d'action renforcée. Nous avons besoin enfin d'un renouveau démocratique fondé sur une participation citoyenne réelle. En l'absence de tels changements, ce texte ne peut être qu'un pansement.

Mais les pansements ont du bon. En l'occurrence, il faut répondre à des préoccupations urgentes. Madame la ministre, le GEST sera à vos côtés pour agir plus largement en faveur du statut des élus : il est plus que temps de susciter l'engagement des citoyens dans l'action locale ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Patricia Schillinger et M. Pierre-Antoine Levi applaudissent également.)

M. Éric Kerrouche .  - Difficile d'être original sur un tel sujet, surtout lorsqu'on prend la parole en dernier... (Sourires)

Les communes nouvelles relèvent d'une histoire particulière au sein de notre paysage institutionnel : il s'agit de faire ensemble, lorsqu'on le souhaite.

Depuis les initiatives de Jacques Pélissard jusqu'à la loi de 2019 - que vous connaissez bien, madame la ministre - en passant par les lois de 2010 et 2015, le Sénat est au chevet des communes nouvelles. Le rapport flash de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales que nous avons commis ensemble, madame la ministre, met en évidence la nécessité d'améliorer leur situation fonctionnelle et financière.

De fait, la progression de leur nombre, d'abord rapide, s'est ralentie. Aucun facteur désincitatif ne doit être maintenu.

Ce texte apporte un traitement particulier à une situation particulière. Les communes nouvelles voient le nombre de leurs conseillers municipaux diminuer dans le temps : on passe ainsi de la pluralité à la singularité. Mais nous devons éviter des renouvellements inutiles qui risquent de briser la dynamique engagée.

Le groupe SER votera bien entendu cette proposition de loi, qui aurait pu constituer, comme l'a souligné Mme Cukierman, une initiative transpartisane. Cette mesure doit nous inspirer : il faut écouter les problèmes de terrain et les traiter de bas en haut, plutôt que de façon prescriptive. (Mme Annick Billon applaudit.)

La proposition de loi est adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date du 9 octobre, M. Claude Raynal, président de la commission des finances, a demandé l'inscription à l'ordre du jour d'un débat sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme et sur l'orientation des finances publiques.

Nous pourrions inscrire ce débat à l'ordre du jour du mardi 29 octobre, le soir.

Il en est ainsi décidé.

Programmation et simplification dans le secteur économique de l'énergie

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie, présentée par M. Daniel Gremillet, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Bruno Retailleau et plusieurs de leurs collègues, à la demande du groupe Les Républicains.

Discussion générale

M. Daniel Gremillet, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.) La loi quinquennale sur l'énergie se fait attendre. Sur l'initiative des commissions des affaires économiques du Sénat et de l'Assemblée nationale, la loi Énergie-climat en a fixé le principe, pour consacrer la préséance du Parlement sur l'administration, de la politique sur la technique, dans ce secteur stratégique.

Cette loi doit déterminer les objectifs de notre politique énergétique dans plusieurs grands domaines : la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), celle de la consommation énergétique, le développement des énergies renouvelables, la diversification du mix électrique, la rénovation énergétique des bâtiments et l'autonomie énergétique dans les outre-mer.

Elle prévaudra sur quatre documents réglementaires : la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), le plan national intégré en matière d'énergie et de climat et la stratégie de rénovation à long terme.

Seulement voilà : de loi quinquennale, il n'y a point.

Certes, Agnès Pannier-Runacher avait présenté un projet de loi sur la souveraineté énergétique, dont le titre premier était consacré à la programmation énergétique. Mais il n'a pas survécu au remaniement de janvier dernier.

Voici donc notre propre texte, très largement adopté en commission et dont la dissolution a reporté l'examen en séance, initialement prévu en juin.

Le pacte législatif d'urgence présenté par les présidents des groupes Les Républicains des deux assemblées prévoit une loi de programmation et de transition énergétiques. Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a annoncé que les travaux de planification énergétique reprendraient immédiatement. Le moment est venu d'avancer de manière transpartisane sur ce sujet crucial.

Car l'absence de loi quinquennale sur l'énergie, donc de stratégie énergétique, pose une vraie difficulté politique et juridique. Elle est source d'incertitude, alors que la transition énergétique nécessite une stratégie claire, des normes adaptées et des moyens suffisants.

Cette absence pose problème au regard des engagements pris. La loi quinquennale sur l'énergie, proposée par l'Assemblée nationale puis élargie par le Sénat, est un élément du compromis de la commission mixte paritaire sur la loi Énergie-climat. Respecter les compromis de CMP, c'est une marque de confiance essentielle en la démocratie parlementaire.

Elle pose problème aussi au regard de l'application de la loi. Le code de l'énergie prévoit en effet qu'une loi de programmation intervienne à compter du 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, et que les documents réglementaires soient compatibles avec ses objectifs. Par ailleurs, la PPE et la SNBC doivent être élaborées dans les six mois suivant son adoption. Des outils concrets - appels d'offres, zones d'accélération - doivent concourir à l'atteinte de ses objectifs.

Elle pose problème, d'autre part, au regard du cadre européen. Nos objectifs énergétiques sont à jour du paquet d'hiver de 2016, mais non du paquet Ajustement 55 de 2021. Il nous faut intégrer les mesures prises, s'agissant en particulier du climat, de l'aviation et des énergies renouvelables. Les directives doivent être transposées - et non surtransposées, j'insiste... - d'ici à 2025. Nous devons nous y atteler, en choisissant toujours les options les moins créatrices de normes et les plus favorables à nos intérêts.

Elle pose problème, en outre, au regard des attentes soulevées. Dès 2021, des concertations ont été lancées. Les entreprises, les collectivités territoriales et les citoyens consultés sont dans l'expectative.

Dans sa délibération du 19 janvier dernier, le Conseil national de la transition écologique (CTE) a demandé la présentation d'un calendrier de travail sur l'élaboration de la programmation Énergie-Climat. La semaine suivante, le Conseil supérieur de l'énergie (CSE) a regretté la suppression du titre programmatique qui aurait permis de fixer un cap indispensable à la réussite de la transition.

L'absence de loi de programmation pose problème, par ailleurs, au regard des besoins. Les filières économiques attendent un État stratège, un cap clair et prévisible, pour réaliser leurs investissements. Ainsi, la filière nucléaire est demandeuse d'une assise législative actant la construction de nouveaux réacteurs. Nous estimons aussi que seule la loi peut offrir à la relance du nucléaire l'ambition politique et la protection juridique nécessaires. On a trop reproché au plan Messmer d'avoir été décidé de manière technocratique. Légiférons pour donner à la relance du nucléaire une légitimité démocratique et la mettre à l'abri des soubresauts politiques et des accroches contentieuses !

Les filières renouvelables sont aussi demandeuses d'une loi, pour diversifier la production ou modérer la consommation. Le fonctionnement des marchés ne conduira pas naturellement à la transition énergétique : nous devons mettre en place des outils pour catalyser les investissements et infléchir les comportements.

À cet égard, nous soutenons une ambition forte en matière d'hydroélectricité, de chaleur, de biogaz et de biocarburants, toutes énergies indispensables pour diffuser la transition énergétique dans les territoires ruraux.

Enfin et surtout, l'absence de loi de programmation pose problème sur le plan démocratique. Même au Parlement européen, un débat a eu lieu sur ces sujets, dans le cadre de l'examen du paquet Ajustement 55. C'est à la représentation nationale de se prononcer.

Le texte présenté par Dominique Estrosi Sassone, Bruno Retailleau et moi-même vise à acter la relance du nucléaire pour maintenir la part de cette énergie dans notre mix aux deux tiers en 2030 et à plus de la moitié en 2050.

Président du groupe d'études Énergie depuis près de dix ans, j'ai acquis la conviction que, dans le secteur de l'énergie, l'essentiel des sujets peut et doit relever d'un compromis national. Pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050, la promotion de toutes les énergies décarbonées, nucléaire comme renouvelables, est une évidence. Sortons des postures et avançons de manière ambitieuse, mais concrète, dans le sens de la transition et de la souveraineté énergétiques.

Je souhaite que ce débat nous conduise à poser les bases d'un mix plus résilient, plus décarboné et de nature à relever les défis de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, de la réduction de la consommation fossile et de l'augmentation de la consommation électrique. Nous devons à la fois maximiser la production, adapter les réseaux, réduire la consommation, favoriser les rénovations et protéger les consommateurs.

Je remercie Mme Estrosi Sassone et le président Darnaud, qui ont permis ce débat, ainsi que les rapporteurs Cadec, Chauvet et Mandelli. Ce texte est le fruit du travail du Sénat. Je salue particulièrement les membres du groupe Énergie et ceux de la commission des affaires économiques, ainsi que les associations que nous avons consultées. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Alain Cadec, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.) J'ai été désigné rapporteur du titre Ier de la proposition de loi, relatif à la programmation.

Le texte fixe une programmation ambitieuse. Pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, il prévoit de maximiser la production, nucléaire comme renouvelable, et de maîtriser la consommation via les rénovations énergétiques et les économies d'énergie.

L'article 1er consacre les grands principes des systèmes électriques et gaziers, dont les participations de l'État dans certaines entreprises, la propriété publique de certains réseaux, la péréquation tarifaire en électricité et le prix de référence du gaz.

L'article 2 abroge la trajectoire de hausse de la composante carbone des taxes intérieures sur la consommation d'énergie.

L'article 3 acte la relance du nucléaire, avec au moins 27 gigawatts de nouveau nucléaire, dont quatorze EPR2 et quinze SMR. L'objectif est de garantir dans la loi le scénario N03, de RTE, le plus nucléarisé, et de maintenir un mix nucléaire aux deux tiers en 2030 et majoritairement en 2050. Six EPR2 supplémentaires sont proposés pour couvrir les besoins de la réindustrialisation. Un effort de recherche et d'innovation dans ce domaine est également prévu.

L'article 4 consacre les différentes flexibilités, dont au moins 6,5 gigawatts d'hydrogène, 1 gigawatt de batteries et 4 mégatonnes de captage du carbone d'ici à 2030.

L'article 5 promeut les énergies renouvelables, avec au moins 29 gigawatts pour l'hydroélectricité, 45 % de chaleur, 20 % de biogaz, et 50 térawattheures (TWh) de biocarburants d'ici à 2030 ou 2035.

Les articles 6 et 7 prévoient une baisse de 15 % des émissions de gaz à effet serre du secteur du transport et une part de 5,5 % de carburants renouvelables d'ici à 2030.

Les articles 8 et 11 consacrent une réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre, de 30 % de la consommation finale totale et de 45 % de la consommation primaire fossile d'ici à 2030. Sous réserve de la sécurité d'approvisionnement, la fin du recours aux centrales à charbon est prévue d'ici à 2027.

L'article 9 prévoit 900 000 rénovations énergétiques par an, soutenues par MaPrimeRénov', dès 2030, et jusqu'à 2 500 TWh d'économies annuelles, soutenues par les certificats d'économies d'énergie (C2E), dès 2026.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons auditionné une trentaine de personnalités, issues d'une vingtaine d'organismes. Toutes ont indiqué soutenir la proposition de loi.

S'agissant du nucléaire, EDF a salué l'inscription de six EPR2, correspondant à 10 gigawatts, et précisé que d'autres réacteurs sont nécessaires. La Société française d'énergie nucléaire a appelé à inscrire dans la loi l'objectif de 25 gigawatts d'ici à 2050. Quant à RTE, il a confirmé que le texte semble se rapprocher de son scénario N03. S'agissant des filières renouvelables et de l'hydrogène, les organismes consultés ont jugé pertinents les objectifs prévus.

En commission, nous avons ajusté les objectifs pour l'énergie nucléaire en ce qui concerne la disponibilité des installations, le recours au recyclage et le développement des réseaux. Nous avons aussi conforté les objectifs pour les énergies renouvelables, en promouvant l'énergie hydrolienne, le froid renouvelable et le stockage hydraulique.

En séance, nous proposerons de consolider les objectifs de production nucléaire, de compléter celui de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d'ajuster celui de réduction des consommations totales.

La programmation proposée offre un horizon mobilisateur en faveur de la transition énergétique. Je vous invite donc à adopter le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) J'ai rapporté le titre II, consacré à la simplification.

S'agissant du nucléaire, l'article 14 modifie la loi afin de prolonger l'existant, de faciliter l'installation des SMR et d'allonger les concessions maritimes à cinquante ans. L'article 15 modifie la loi pour l'appliquer au projet Iter. L'article 16 renforce les sanctions contre les intrusions dans les installations nucléaires.

S'agissant des collectivités territoriales, l'article 17 étend le champ des sociétés locales de production d'énergie renouvelable à l'hydrogène. L'article 18 élargit la contribution au partage territorial de la valeur à l'éolien en mer et à l'hydrogène.

S'agissant des énergies renouvelables, l'article 19 applique le bilan carbone aux projets hydroélectriques soutenus par guichets ouverts. L'article 20 facilite les dérogations aux débits réservés et les augmentations de puissance pour les installations hydroélectriques. L'article 21 autorise à titre expérimental et pour les concessions hydroélectriques échues le passage du régime des concessions à celui des autorisations. L'article 22 renforce les sanctions contre les projets agrivoltaïques alibis.

S'agissant de la protection des consommateurs, l'article 23 dote la Commission de régulation de l'énergie (CRE) de compétences pour surveiller les contrats de long terme d'électricité et de gaz renouvelables et favorise l'essor des installations d'hydrogène et de captage du carbone. L'article 24 encadre la définition des offres, la modification des contrats et l'information des consommateurs.

Ces dispositions sont issues des travaux de la commission des affaires économiques du Sénat sur l'application des lois. Daniel Gremillet et moi-même avions identifié des dispositions à ajuster ou à compléter.

Les acteurs auditionnés ont accueilli très favorablement nos propositions. La CRE et le Médiateur national de l'énergie ont également suggéré des compléments.

En commission, nos amendements ont concerné l'application des mesures de simplification aux installations d'entreposage liées au nucléaire, un éventuel recours aux centrales à charbon après 2027, l'intégration des technologies de captage du carbone dans la prochaine loi de programmation, la définition d'une base légale pour la détermination du prix de référence du gaz, la déclinaison opérationnelle des compétences de la CRE en matière d'hydrogène et de captage du carbone et enfin, la protection du consommateur, suivant les propositions de la CRE et du Médiateur national de l'énergie.

En séance, nous proposerons des amendements relatifs au bilan carbone des projets hydroélectriques, aux contrôles d'urbanisme des installations agrivoltaïques, au rôle de la CRE dans la détermination du prix de référence du gaz et dans la certification des réseaux d'hydrogène.

Voilà des outils concrets pour la transition énergétique.

Merci à Daniel Gremillet pour ce texte d'intérêt général qui, je l'espère, accompagnera une vraie politique de réindustrialisation de notre pays et que je vous invite à adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable partage pleinement les objectifs des auteurs de ce texte. La transition énergétique est une nécessité évidente. Nous devons être collectivement à la hauteur des ambitions.

Mais il faut définit l'objectif stratégique avant de réfléchir aux moyens de l'atteindre. Or les gouvernements précédents ont fait l'inverse : la loi du 10 mars 2023 a prévu de développer les énergies renouvelables et celle du 22 juin 2023 de relancer le nucléaire, sans qu'à aucun moment nous ne débattions du mix énergétique ! Un débat parlementaire sur un sujet aussi crucial est indispensable.

Je remercie Daniel Gremillet, Dominique Estrosi Sassone et Bruno Retailleau pour ce texte qui comble une lacune regrettable.

Je souscris pleinement à ses objectifs : la baisse des émissions brutes de gaz à effet de serre de 50 % d'ici à 2030, grâce à la réduction de 30 % de la consommation énergétique par rapport à 2012 et à des énergies décarbonées pour plus de 50 % de notre mix énergétique.

Mais en 2030, la relance du nucléaire n'aura pas encore produit ses effets ; il est donc nécessaire d'accélérer la production d'énergies renouvelables. Nous avons enrichi la programmation prévue avec des objectifs pour le photovoltaïque et l'hydrolien.

Nous souhaitons également alerter sur la question des puits de carbone dont la capacité d'absorption doit augmenter si nous voulons atteindre nos objectifs. Malheureusement, elle a été divisée par deux au cours des dernières décennies. Le Gouvernement doit engager sans délai un plan de restauration des puits de carbone. Les technologies de captage et de stockage de CO2 doivent être réservées aux émissions incompressibles et ne doivent pas servir de prétexte pour retarder les efforts nécessaires.

Espérons que le Gouvernement saura organiser un véritable débat au Parlement sur ce sujet qui suscite tant d'attentes chez nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions)

Hommage à une délégation

M. le président.  - J'ai le plaisir de saluer, dans la tribune d'honneur, une délégation de l'Assemblée parlementaire de l'Otan, composée de seize parlementaires issus de huit pays de l'Alliance atlantique : l'Espagne, la Grèce, la Hongrie, le Luxembourg, le Portugal, la Turquie, la Roumanie et, évidemment, la France.

L'Assemblée parlementaire de l'Otan assure le lien entre les Parlements des pays membres et l'organisation internationale. Elle constitue à ce titre un forum de discussion privilégié et, par ses rapports et ses résolutions, un instrument utile et efficace de la diplomatie parlementaire.

Après Paris, où elle rencontrera nos industriels de la défense, la délégation, conduite par le président de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Cédric Perrin, se rendra à Belfort pour une visite au 1er régiment d'artillerie et au 35e régiment d'infanterie, puis à l'Institut franco-allemand de recherche de Saint-Louis, dédié à l'armement.

Nous souhaitons à nos collègues une visite fructueuse en France et la plus cordiale bienvenue au Sénat ! (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

Programmation de simplification dans le secteur économique de l'énergie (Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie .  - C'est un honneur de prononcer mon premier discours au Sénat sur ce sujet majeur. Nos décisions d'aujourd'hui auront des répercussions jusqu'à la fin du siècle. Voyez le plan Messmer, qui a lancé notre premier programme électronucléaire au début des années 1970 et qui a fait de la France le pays le plus attractif d'Europe.

L'énergie est au coeur de notre économie, de nos infrastructures, de notre industrie, de notre empreinte environnementale. C'est un enjeu de souveraineté.

Notre besoin est clair : une énergie abondante -  pour relocaliser nos productions  - , décarbonée -  pour répondre à l'urgence climatique  - et compétitive -  pour notre industrie et le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Nous partageons ces objectifs, même si nous divergeons sur les moyens de les atteindre.

Je remercie le sénateur Gremillet pour son implication sincère et efficiente. Son texte propose une voie pour les générations à venir.

De nombreux points ne posent pas de difficulté. Pour les autres, j'ai souhaité que nous puissions avancer, en retravaillant les amendements déposés par le Gouvernement avant l'été, afin d'aboutir à un texte commun. Car nous avons besoin d'un cadre législatif solide sur l'avenir énergétique de la France. Dès mon arrivée, les équipes du ministère se sont donc lancées dans un important travail de coconstruction. Merci aux rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet, pour les nombreux consensus auxquels nous sommes parvenus.

Le Président de la République a donné le cap en 2022 à Belfort : sobriété, efficacité, nucléaire, renouvelable -  tout le renouvelable ! Avec Agnès Pannier-Runacher, nous avons travaillé sur la stratégie française énergie-climat.

Mes trois objectifs tiennent en un seul mot, maîtriser : maîtriser les prix pour protéger les consommateurs ; maîtriser nos consommations, avec une baisse de 30 % d'ici à 2030 et de 45 % sur les énergies fossiles, comme le prévoit l'article 5 ; maîtriser nos outils de production en relançant le nucléaire et en développant le renouvelable.

C'est le choix le plus pertinent pour l'économie et l'écologie, le plus adapté à nos besoins, le plus sûr pour notre souveraineté et aussi le plus consensuel. Nous avons les talents, les ressources et les technologies nécessaires.

Notre position sur le nucléaire est claire : nos centrales nucléaires doivent continuer à fonctionner de manière sûre et compétitive. Nous voulons développer le nouveau nucléaire avec un haut niveau d'exigence en matière de sûreté au travers de six EPR2 - huit autres sont à l'étude -, mais aussi de petits réacteurs et de réacteurs innovants.

Nous voulons poursuivre la stratégie française pour l'aval du cycle du combustible au-delà de 2040, avec pour perspective la fermeture du cycle.

Nos objectifs sur la production de chaleur sont ambitieux, mais réalistes : fois cinq pour le biogaz d'ici à 2030, fois deux pour la chaleur renouvelable d'ici à 2035.

Nous devons développer l'éolien en mer, en nous assurant de son acceptabilité, car je connais vos craintes -  c'est pourquoi nous avons lancé une grande concertation nationale. Notre objectif est d'atteindre 45 gigawatts en 2050, dont 18 d'ici à 2035.

Nous voulons quintupler le volume du photovoltaïque d'ici à 2035, en accompagnant les projets industriels.

Je connais les réticences des élus locaux sur l'éolien terrestre, mais cette énergie fonctionne et est très compétitive. Nous devons maintenir le rythme d'installation et ne pas freiner les projets soutenus par les élus.

Nous devons réinvestir dans l'hydroélectricité pour rester compétitifs. Nous étudions les moyens d'éviter la mise en concurrence des barrages,...

M. Michel Savin.  - Très bien !

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - ... grâce notamment à la mission d'information Battistel-Bolo. Ce sujet de blocage dure depuis trop longtemps. (M. Michel Savin renchérit.)

Nous voulons un mix énergétique équilibré et prévoyons d'investir 100 milliards pour le réseau de distribution et autant pour le réseau de transport d'ici à 2040.

Sortons des énergies fossiles, préservons notre attachement au nucléaire et au renouvelable, protégeons les consommateurs et faisons de la France une grande nation de l'énergie ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et sur les travées du RDPI)

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Alors que l'indépendance énergétique est au coeur de toutes nos préoccupations, nous devons faire preuve d'ambition et d'efficacité. La guerre en Ukraine nous a douloureusement rappelé combien nous étions dépendants.

Plusieurs textes législatifs sur l'énergie ont été adoptés et la réglementation est désormais plus simple. Je suis fier d'avoir défendu des mesures pour encadrer l'agrivoltaïsme. Notre groupe s'est toujours positionné en faveur d'un mix faisant la part belle aux énergies renouvelables et au nucléaire.

La commission d'enquête sénatoriale sur l'électricité a montré que la décarbonation passera par l'électrification des usages. Il convient donc d'élaborer un plan national d'électrification.

Cette proposition de loi est intéressante : les acteurs ont besoin d'un cap.

Sur le nucléaire, faciliter la relance est vital. L'utilisation d'une part de recyclé est particulièrement intéressante et la valorisation des déchets est cruciale pour l'acceptabilité sociale.

Le groupe INDEP croit aux promesses de l'hydrogène vert, avec un objectif ambitieux. Mais il faudra un maillage précis, car si la voiture à hydrogène est une réalité, l'accès à une station l'est moins.

En mai, j'ai rendu un rapport à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur la décarbonation de l'aéronautique. Les évolutions technologiques -  électrification, hydrogène, carburants durables, etc.  - seront très utiles pour tous les autres modes de transport. Nous pouvons être à la fois vertueux et ambitieux, car la décroissance est mortifère !

Nous sommes favorables à l'expérimentation proposée pour les barrages. Une solution doit impérativement être trouvée avec la Commission européenne, il en va de notre sécurité énergétique.

Et n'oublions pas le bois cher à Anne-Catherine Loisier !

Madame la ministre, pouvez-vous nous donner un calendrier clair sur les prochaines étapes de la programmation de l'énergie ?

Cette proposition de loi étant encourageante, le groupe INDEP la votera. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Certaines crises sont révélatrices : le conflit ukrainien a révélé le caractère éminemment stratégique des politiques de l'énergie. Assurer un approvisionnement fiable et bon marché doit être une priorité de l'exécutif pour assurer la souveraineté et la prospérité d'un pays.

L'énergie est redevenue une préoccupation de premier plan de nos concitoyens, victimes de choix dogmatiques funestes... Même les experts du Giec le disent : nous devons passer du dogmatisme au pragmatisme.

Première étape : s'appuyer sur nos succès. Il fallut beaucoup d'audace pour lancer le plan Messmer et garantir notre souveraineté grâce à une électricité produite sur notre sol essentiellement par le nucléaire et l'hydraulique.

Deuxième étape : s'accorder sur les atouts et les faiblesses de notre pays. La France n'a pas le potentiel hydraulique de la Norvège ni l'ensoleillement ou les réserves fossiles d'autres pays. Les choix doivent se porter vers la technologie la moins mauvaise, sur la base de critères scientifiques et non de lubies dogmatiques.

Troisième étape : la constance. Dire tout et son contraire est catastrophique. C'est pourtant ce à quoi nous avons assisté depuis 2017 : fermeture de Fessenheim, arrêt du programme Astrid, jusqu'au changement total de cap avec le retour en grâce du nucléaire...

Quel est notre cap ?

Les collectivités territoriales ne manquent pas de documents de planification : schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), schémas directeurs, plans d'action... Cette architecture doit s'inscrire dans un cadre clair, défini à l'échelle nationale, en cohérence avec nos atouts géologiques et technologiques.

Cette programmation pluriannuelle existe : elle date de 2019, mais les gouvernements Philippe, Borne et Attal ont procrastiné ! (M. François Bonhomme renchérit.) Face à ce regrettable refus d'obstacle, le Sénat a pris le dossier à bras-le-corps, sous la houlette de Daniel Gremillet.

Point de départ : le consensus sur la nécessité de décarboner notre mix énergétique, déjà plutôt vertueux. Avec 6 tonnes de CO2 émises par habitant et par an, la France est septième dans l'OCDE, très loin des 15 tonnes des Nord-Américains. Mais la vertu n'empêche pas les efforts.

Je voudrais évoquer la fin de la fin du nucléaire, car il n'y a pas d'alternative crédible -  le vent et le soleil ne pourront pas tout. Alors affirmons qu'il faudra faire fonctionner nos centrales pendant 60, 80 voire 100 ans (M. Yannick Jadot s'exclame en levant les bras au ciel) et lançons les grands projets d'EPR pour éviter l'effet falaise.

Je vous proposerai un amendement pour sanctuariser notre stock d'uranium appauvri.

Sur les SMR, les différents rapports, dont celui de l'Opecst, doivent permettre de prendre les mesures nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nadège Havet .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) S'attaquer à l'épée de Damoclès redoutable de la dette écologique, c'est la volonté affichée par le Premier ministre ici même, lors de sa déclaration de politique générale. Il a annoncé la reprise immédiate des travaux de planification. Nous y sommes favorables et nous nous y employons, notamment au travers de ce texte.

Pour atteindre nos objectifs en matière de transition énergétique et écologique et pour réussir notre réindustrialisation, nous devons nous engager dans une planification énergétique complète. Ainsi, nous enverrons un signal fort aux acteurs du secteur de l'énergie, qui attendent de la clarté.

Sans vision de long terme, la France ne sera pas le premier grand pays industriel à sortir des énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone. D'ailleurs, la loi de 2019 avait fixé le principe d'une loi quinquennale sur l'énergie, la fameuse loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC). À la suite des travaux de sept groupes de travail, un projet de loi de souveraineté énergétique avait été dévoilé fin 2023. Hélas, nos espoirs ont été refroidis lorsque Bercy a supprimé la partie sur la programmation, avant d'annoncer qu'elle serait mise en oeuvre par voie réglementaire ! Sur des enjeux cruciaux, le Parlement doit s'exprimer, car ces décisions engagent la France.

Sauf quelques réserves, le RDPI est favorable à ce texte, largement inspiré de la stratégie française énergie-climat de 2023.

Selon le Giec, la trajectoire du réchauffement d'ici à 2100 à plus 3,2°C : le défi à relever est exceptionnel. En 2023 en France, nous avons baissé de 6 % nos émissions de CO2, grâce notamment à l'action de la France en Europe : plan de relance, pacte vert, nouvelle taxonomie favorable au nucléaire. Au Sénat nous n'avons pas le nucléaire honteux ! Mais pour atteindre nos objectifs, nous aurons besoin de toutes les énergies décarbonées : nucléaire et renouvelable.

Les dépenses de l'État en faveur de la décarbonation augmenteront en 2024, pour atteindre près de 40 milliards à l'horizon 2027.

La liquidation de la société quimpéroise Sabella a été un coup dur, alors qu'un cinquième du potentiel national hydrolien est en Bretagne.

Mon groupe défendra plusieurs amendements, notamment sur le biogaz, les biocarburants et l'éolien.

Certains objectifs de l'article 3 sur le nucléaire ou des dispositions de l'article 21 paraissent excessifs, mais notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE ; M. Daniel Gremillet applaudit également.)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Quelle confiance accorder à un Gouvernement qui contourne le Parlement ? Madame la ministre, quelles sont vos intentions ? (M. Michel Savin renchérit.)

Cette proposition de loi est symbolique : chaque camp se retranche dans ses clivages, oubliant l'intérêt général. La dissolution a mis à l'arrêt des pans entiers de la politique environnementale, or l'action climatique est urgente.

Le gouvernement démissionnaire avait renoncé à légiférer sur la programmation sur l'énergie, pourtant prévue par la loi de 2019 : décision gravissime. Les lois ne serviraient-elles donc à rien ? Cela interroge sur notre rôle. Quel message envoyé aux citoyens ? Celui du contournement du Parlement ?

En réaction, les sénateurs du groupe Les Républicains ont présenté leur propre texte, comme les députés du groupe écologiste, début avril.

Certes, nous ne sommes pas tous d'accord sur le cap à donner, mais nous devons envoyer aux acteurs du secteur des signaux clairs.

Lors de l'examen, houleux, du projet de loi de finances pour 2025, nous devrons choisir : comment développer nos énergies bas-carbone, accompagner l'électrification des usages ou susciter des investissements verts tout en préservant nos finances publiques ? Le budget du ministère de la transition écologique a déjà été amputé de 2 milliards d'euros en février et le fonds vert va passer de 2,5 à 1 milliard d'euros en 2025.

Alors que l'on multiplie les obligations environnementales dans les marchés publics, les collectivités territoriales sont accusées de dépenser trop !

Le 4 avril dernier, le Haut Conseil pour le climat s'est alarmé des retards de publication de textes essentiels et des reculs sur l'environnement, notamment pour répondre à la crise agricole. Notre transition écologique ne peut être une variable d'ajustement soumise aux crises politiques, à la conjoncture économique et à la personnalité du couple exécutif.

Dans ce contexte d'urgence, nos orientations énergétiques ne sont toujours pas fixées... Le cadre européen actualisé prévoit 55 % et non pas 50 % de réduction comme la présente proposition de loi, d'où un de mes amendements. (M. Yannick Jadot approuve.)

La méthode est encore à déplorer, avec une prise de décision en silos. C'est un mal français : ne pouvons-nous pas aborder les problématiques dans leur globalité ?

La baisse de 5,8 % des émissions de GES en 2023 montre que les efforts paient. Il faut poursuivre. Il est temps de nous hâter ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du GEST)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La loi Énergie-climat prévoyait le principe d'une loi quinquennale. Le renoncement du Gouvernement à légiférer a été préjudiciable. Les récentes lois d'accélération auraient eu plus d'impact si elles avaient été précédées par une loi de programmation. Le travail de Daniel Gremillet et des rapporteurs replace le Parlement au centre de la définition d'une politique énergétique.

Le groupe UC salue la relance du nucléaire. Permettez-moi d'insister sur le fonds chaleur et le bois énergie, que vous n'avez pas cité madame la ministre...

La politique énergétique de la France doit servir notre économie et la réindustrialisation. Entre 2021 et 2024, le prix moyen de l'électricité payé par les entreprises industrielles a augmenté de 67 %. Ainsi, à court terme, l'énergie est un coût qu'il faut absolument maîtriser pour maintenir la compétitivité de nos entreprises et la réindustrialisation et de nos territoires.

La proposition de loi vise à réduire les coûts de distribution et de transport de l'électricité. Or le coût de l'électricité en Europe resterait d'ici à 2050 encore 40 % supérieurs à ceux des États-Unis, de la Chine ou de l'Inde.

Ce texte poursuit une trajectoire initiée dans les années 1970 et confirmée en février dernier. La commission d'enquête sénatoriale a alerté sur le risque de raréfaction de l'uranium. La fermeture du cycle devrait permettre à la France de bénéficier demain d'une énergie pour des centaines d'années. Avec les sites de La Hague et de Marcoule et le projet Cigéo, nous poursuivons la maîtrise aval du combustible.

Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Fabien Gay .  - Après de longs mois, voire des années, d'atermoiements des gouvernements précédents, nous avons réclamé ce débat, sur tous les bancs. Le Gouvernement a découpé notre politique énergétique par petits bouts et nous a refusé une vision globale.

En décembre 2023, Agnès Pannier-Runacher avait prévu un texte global. Mais le petit Mozart de Bercy a commis un remaniement et Roland Lescure a décidé d'enterrer le texte faute de majorité à l'Assemblée nationale et de prendre les mesures par la voie réglementaire.

Notre collègue Daniel Gremillet, avec la droite sénatoriale, a alors pris cette initiative - je l'en félicite !  (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mais patatras, dissolution et élections législatives, dont on connaît les résultats : les perdants d'hier sont devenus les gagnants, les anciens ennemis sont devenus les nouveaux amis...

Ce texte est-il désormais un projet de loi gouvernemental ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du GEST et du RDSE) Je suis favorable à la relance du nucléaire, mais la construction de six ou vingt EPR ne se décide pas dans une proposition de loi, car il nous faut une étude d'impact et l'avis du Conseil d'État.

De plus, ce texte est désormais caduc. Il prévoit en effet d'importants investissements pour EDF. Mais dans le projet de loi de finances, la droite sénatoriale et le Gouvernement ont prévu de transformer la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité (Crime) en une taxe sur les capacités de production : moins 3 milliards d'euros pour EDF ! Nous voterons contre, je vous l'annonce. C'est incohérent ! Nous vous proposerons plutôt une taxe sur la rente des acteurs alternatifs, ceux qui ne produisent rien.

Deuxième incohérence : vous augmentez la taxe sur la consommation finale d'électricité (TCFE) et la TVA sur les factures, alors que nous devons aller vers l'électrification des usages ! Vous augmentez la fiscalité sur l'électricité, alors que vous n'êtes pas d'accord pour taxer le gaz !

M. Vincent Delahaye.  - Eh oui !

M. Fabien Gay.  - Troisièmement, quand allons-nous débattre de l'après-Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) et du nouveau calcul des tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE) ? Vous nous disiez que le véhicule législatif ne pouvait pas être le projet de loi de finances, et pourtant c'est ce que vous faites...

Et enfin, une politique globale pourrait s'appuyer sur les collectivités territoriales, mais votre gouvernement a décidé de les ponctionner de 5 milliards d'euros ! (M. Stéphane Piednoir s'exclame.)

M. Daniel Salmon.  - Plus !

MM. Michel Savin et François Bonhomme.  - Ça va changer !

M. Fabien Gay.  - Tout le monde m'interrompt, vous ne vous voulez pas le débat ! (Sourires sur plusieurs travées)

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Fabien Gay.  - En commission, mon amendement a été adopté - en présence, d'ailleurs, de plusieurs personnes désormais ministres... - pour faire vivre le projet Écocombust. Mais EDF a décidé de ne pas le faire. La droite sénatoriale va-t-elle être contre, après avoir été pour en juin ?

Ce n'est que lorsque vous aurez répondu à toutes ces questions sur vos incohérences que nous pourrons engager un débat sérieux. (Applaudissements sur les travées de groupes CRCE-K, SER, du GEST et du RDSE)

M. Yannick Jadot .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je salue le travail de nos collègues Daniel Gremillet, Alain Cadec et Patrick Chauvet !

M. Laurent Somon.  - Voilà un modéré !

M. Yannick Jadot.  - C'est un texte utile. Notre pays a impérativement besoin d'une programmation de l'énergie. Les retards accumulés démontrent le désintérêt des gouvernements successifs pour cette question et leur mépris du Parlement.

C'est dramatique pour le climat - réchauffement, retrait-gonflement des argiles, canicules, pertes agricoles, feux de forêt, inondations -, or le coût de l'inaction demain est supérieur au coût de l'action aujourd'hui.

C'est aussi un sujet de souveraineté. La guerre en Ukraine a montré combien nous étions dépendants des régimes pétroliers -  et complaisants !

Notre mix énergétique dépend encore majoritairement des énergies fossiles, avec plus de 100 millions d'euros d'importations. Tout cela nous coûte extrêmement cher.

Notre responsabilité est claire : décarboner massivement, électrifier nos usages et nos modes de production. Pour cela, il faut développer les énergies décarbonées.

Tout d'abord, nous saluons l'objectif de cette proposition de loi qui rappelle le Gouvernement à ses obligations, notamment européennes : d'ici à 2030, nos émissions de GES devront avoir diminué de 55 % et les énergies renouvelables devront représenter 44 % de notre consommation finale.

Nous saluons la sortie des énergies fossiles et la meilleure information du consommateur prévues par ce texte. Mais soyons sérieux, au regard des coûts, les objectifs de rénovation thermique ne seront pas tenus.

En revanche, nous divergeons sur les priorités, car vous donnez la priorité absolue au nucléaire, alors qu'en 2035, aucun EPR2 ne sera encore en service !

Dans cet hémicycle, vous avez la passion des EPR et qui dit passion, dit irrationalité. Voyez Flamanville, douze ans de retard et 16 milliards d'euros de surcoûts ! Idem pour Hinkley Point. Les EPR2, ce sera au moins 13 milliards d'euros par tête de pipe... Comment va-t-on financer cela ? Autant de réacteurs supplémentaires, ce n'est pas sérieux et aucun d'entre eux ne sera opérationnel d'ici à 2035.

Pour décarboner, il faut donc développer les énergies renouvelables, or vous êtes frileux sur l'éolien et le photovoltaïque, qui se développent pourtant partout dans le monde. D'ici 2030, ces énergies fourniront plus de la moitié de l'électricité dans dix pays européens, dont la plupart de nos voisins ! Il est temps que nous mettions le paquet.

Il nous faut travailler sur la politique industrielle, car le nucléaire a besoin de compétences et d'usines. Or on a abandonné nos entreprises - souvenez-vous d'Alstom, quand Emmanuel Macron était ministre de l'économie ! En Loire-Atlantique, GE supprime 60 % des postes.

Notre souveraineté énergétique, c'est aussi notre souveraineté industrielle. Nous attendons du Gouvernement un texte conforme à nos engagements européens. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Fabien Gay applaudit également.)

M. Jean-Jacques Michau .  - L'article L. 100-1 A du code de l'énergie prévoit qu'avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d'action de la politique énergétique. Cela consacre la primauté des politiques sur les techniciens. Or depuis 2019, aucun gouvernement n'a mis un tel texte à l'ordre du jour. Notre groupe a dénoncé ce déni démocratique, qui revient à dessaisir le Parlement.

Madame la ministre, il vous revient de présenter un projet de loi ouvrant le débat sur la stratégie énergétique de long terme de la France, en cohérence avec nos engagements européens et internationaux.

La présente proposition de loi est donc légitime, mais ne répond que partiellement aux objectifs, faute de programmation financière. Quel scénario de mix retenir, au regard des coûts moyens des composants du mix, de la performance de nos filières, de nos objectifs d'indépendance et de souveraineté nationale, de l'impact prix pour les consommateurs, des considérations géopolitiques ? Nous défendrons des amendements inspirés du scénario N03 de RTE.

L'absence d'étude d'impact pose problème, d'autant que le texte comporte de nouvelles mesures de simplification, quelques mois à peine après les lois relatives à l'accélération du nucléaire et des énergies renouvelables. Quid des nouvelles mesures relatives au partage territorial de la valeur, ou visant à faciliter l'investissement des collectivités territoriales dans les projets d'énergie renouvelable ?

Le soutien à l'hydroélectricité, petite ou grande, emporte mon adhésion. Il faut enfin sortir du contentieux européen qui pèse sur la filière.

Saluons aussi les mesures renforçant la protection des consommateurs en matière de prix.

À la veille de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, je redis notre opposition à ce que l'on ponctionne le secteur de l'énergie pour renflouer les caisses de l'État. Le relèvement de la taxe sur l'électricité au-delà de son niveau d'avant crise pénaliserait les plus modestes. Une contribution exceptionnelle sur les dividendes d'EDF aurait également des répercussions sur les catégories populaires et moyennes. Comptez sur nous pour y revenir lors de l'examen budgétaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Fabien Gay applaudit également.)

M. Christopher Szczurek .  - Ce texte est une avancée, reconnaissons-le. Le Rassemblement national a longtemps été presque seul à défendre le nucléaire comme source d'énergie décarbonée, soutenable et souveraine. (M. Yannick Jadot s'exclame.)

Les gouvernements gaullistes ont lancé une grande aventure industrielle et écologique, créant 58 réacteurs, dotant la France d'une énergie compétitive et décarbonée et faisant d'EDF un leader mondial.

Malgré ce formidable atout, le nucléaire a souffert de décennies d'hésitations et de recul, dont les conséquences ont été analysées par la commission d'enquête parlementaire sur la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France.

Jusqu'à peu, le consensus des experts tablait sur une consommation électrique stable dans les années 2000, puis orientée à la baisse. Un fiasco qui s'explique largement par la croyance irrationnelle dans les vertus de la mondialisation, des contre-chocs pétroliers et de la construction européenne.

La relance - trop tardive - du nucléaire en France ne fut actée qu'avec le discours de Belfort, le 10 février 2022. Depuis, rien, bien que la loi de 2019 ait prévu une loi de programmation quinquennale avant le 1er juillet 2023. Il est pourtant indispensable de donner une direction à notre politique énergétique.

Alors que la transition écologique impose une électrification intensive des usages, ce texte manque d'ambition. Il faudrait viser au moins 32 gigawatts de nouvelles capacités de production d'électricité d'origine nucléaire, dont au moins vingt réacteurs de troisième génération à l'horizon 2050, et exclure définitivement les énergies éoliennes, gabegie d'argent public ne profitant qu'à quelques acteurs intéressés !

Méfiants à l'égard des énergies intermittentes, nous nous abstiendrons sur ce texte.

Mme Martine Berthet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cela fait 441 jours que nous attendions une loi de programmation de l'énergie - plus d'un an de vide législatif ! Faute de cadre, la SNBC comme le Pniec n'ont pas été actualisés, laissant les entreprises, les collectivités et les citoyens dans le flou, et affaiblissant notre sécurité énergétique et économique.

Je remercie donc Daniel Gremillet de ce texte, qui garantit notre indépendance énergétique en assurant le caractère majoritairement public de notre production et de sa distribution. Il donne un cadre tout en simplifiant, pour pouvoir aller plus loin dans l'innovation et la décarbonation. Ce cap clair est vital pour développer le nouveau nucléaire ou le stockage du renouvelable.

L'article 21 apporte une solution au contentieux européen sur les concessions hydrauliques échues, avec l'expérimentation, pour trois ans, du régime d'autorisation, ce qui favorisera l'investissement d'EDF dans notre potentiel hydroélectrique.

La survie de nos industriels électro-intensifs dépend d'un accès à une électricité à prix stable et compétitif. L'accord signé en novembre 2023 entre l'État et EDF sur l'après-Arenh devait y répondre, mais l'absence de régulation préalable, de transparence et de liquidité du marché font obstacle. Les tarifs avoisinent les 80 euros, bien plus que chez les concurrents internationaux. Nous devons protéger nos industries.

Mon amendement n°4 rectifié, hélas déclaré irrecevable, renforçait les compétences de la CRE pour améliorer la transparence et la liquidité sur le marché. Je reviendrai à la charge lors du projet de loi de finances.

Nous ne pouvons plus attendre pour définir une stratégie énergétique à la hauteur des défis et garantir à nos entreprises, à nos citoyens et à nos collectivités une énergie fiable, décarbonée et compétitive ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Demilly .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Le désordre qui règne en l'absence de texte gouvernemental met en péril les projets d'énergies renouvelables portés par les territoires et ne nous permettra pas d'atteindre les objectifs de l'accord de Paris. Les différentes filières ont besoin d'une stratégie claire et pérenne pour orienter leurs investissements. Cette proposition de loi répond à ces impératifs - elle a d'ailleurs reçu un accueil positif de la part des acteurs de l'énergie.

L'article 3 intègre la relance du nucléaire au titre préliminaire du code de l'énergie. Le conflit russo-ukrainien a mis en lumière l'importance d'un mix énergétique majoritairement nucléaire. C'est un levier de souveraineté, de décarbonation, ainsi qu'une industrie d'excellence, avec 220 000 emplois directs et directs et 3 200 entreprises dans notre pays. Si nous voulons sortir des énergies fossiles et garantir notre approvisionnement, il nous faut développer le renouvelable et le nucléaire en même temps.

Nos objectifs en matière d'énergies renouvelables sont bien pris en compte par le code de l'énergie. Il faut toutefois les chiffrer, et simplifier les démarches. Pour un élu local, se lancer dans des projets hydroélectriques ou bioénergétiques est un parcours du combattant. Je vous invite dans mon territoire à venir le constater, madame la ministre !

La commission a veillé à la soutenabilité fiscale, clé de l'acceptabilité sociale de la transition énergétique - car les choix énergétiques se traduisent dans les factures ! Les récentes hausses de prix pèsent lourd sur les foyers modestes vivant dans des logements mal isolés.

Il est urgent de tracer une stratégie pérenne, résiliente et soutenable. Le groupe UC votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi était une réponse au refus du précédent gouvernement de présenter un projet de loi quinquennale fixant les objectifs de la PPE. Le contexte a changé, or le texte est resté figé au 8 juin. Il apparaît désormais comme un « projet de loi » - sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État...

L'objectif de 6,5 gigawatts d'hydrogène décarboné en 2030 et de 10 gigawatts en 2035 est-il réaliste ? Peut-on réellement espérer capter 4 mégatonnes de CO2 en 2030 et 15 mégatonnes en 2050 ? Les technologies de captage sont-elles mûres ? Et à quel coût ?

Dans un contexte de forte inflation, et de nécessaire baisse de notre consommation énergétique, une tarification sociale et progressive de l'énergie résidentielle s'impose, pour une transition écologique socialement juste.

L'article 5 fixe des objectifs de production de chaleur et de froid renouvelables, de biocarburants, de biogaz et d'énergie hydraulique. Sont-ils réalistes ? Les filières sont-elles prêtes ?

Notre mission d'information sur les biocarburants a mis en évidence les enjeux liés à la concurrence des usages, notamment la disponibilité des matières premières. Pour atteindre les objectifs de décarbonation des transports, il faut raisonner en termes de bilan carbone plutôt que de technologies, et privilégier les usages pour lesquels les substitutions se révèlent difficiles.

Enfin, la question de notre gestion de la ressource en eau est cruciale pour répondre à l'urgence écologique et climatique.

Je m'interroge sur le calendrier. Comment fixer des objectifs chiffrés sans rapport préalable ? Nous demandons que l'État, via l'Ademe, présente un plan d'action afin de fixer une trajectoire claire et partagée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Fabien Gay applaudit également.)

Mme Sylviane Noël .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi salutaire comble le vide législatif laissé par l'absence de loi de programmation énergétique. L'objectif est clair : proposer des mesures concrètes pour simplifier la mise en oeuvre de la politique énergétique.

Je m'attacherai au mode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE), qui concerne près de 30 millions de logements. En effet, alors que le tout électrique est mis à l'honneur, les logements anciens chauffés à l'électricité sont pénalisés par le coefficient de conversion de 2,3 qui leur est appliqué, qui multiplie artificiellement leur consommation par rapport aux logements chauffés au gaz ou au fioul. Pénalité d'autant plus incohérente que 90 % de notre production d'électricité est d'origine nucléaire et donc décarbonée !

Entre deux logements identiques par ailleurs, le logement chauffé au gaz qui émet 227 g de CO2 par kWh obtiendra une meilleure note au DPE que celui chauffé à l'électricité, qui n'émet que 40 g de CO2 par kWh ! On en perd son latin.

Alors que seront bientôt exclus du marché de la location les logements classés G et F, cela nous priverait de 8,5 millions de logements ! En Haute-Savoie, où 50 % des habitations sont chauffées à l'électricité, plus de 160 000 logements se retrouvent ainsi classés en E, F et G. Mesurez le séisme qui nous attend !

Cette manipulation réglementaire dégrade la performance environnementale du parc français, qui est en réalité parmi les plus vertueux. S'agissant d'une mesure réglementaire, le Gouvernement peut résoudre cette absurdité technique en abaissant le coefficient de conversion à 1, comme je le propose dans ma proposition de loi. Aucune raison scientifique ou technologique ne justifie ce biais injuste, sinon la défense de certains intérêts commerciaux ! Ce serait une mesure de justice sociale, cohérente avec nos ambitions climatiques. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Quelques éclairages, avant d'aborder la discussion des articles.

Une proposition de loi, par définition, obéit à une procédure propre. Le Gouvernement a bien une proposition en matière de planification, mais pour le moment, je souhaite que nous avancions ensemble, pour tenter de converger et de trouver un cadre législatif adapté.

Cela permettra d'aborder rapidement la question de la PPE. Nul doute que les débats ici seront sereins - peut-être moins à l'Assemblée nationale. Étant donné le contexte politique, mieux vaut travailler dans l'intérêt des Français que d'utiliser les projets de loi pour sanctionner le Gouvernement ! Les entreprises attendent stabilité et visibilité. Grâce à la planification, nous pourrons leur proposer des contrats de production.

Le DPE ne relève pas de ce texte, mais je reconnais que le coefficient est pénalisant : nous y travaillons avec Agnès Pannier-Runacher.

L'énergie est d'abord une question de territoires. Vous avez tous des projets dans vos départements ; je m'y rendrais volontiers, pour voir comment chacun s'attache à produire de l'énergie, qu'elle soit hydroélectrique, éolienne ou nucléaire. Merci de votre implication.

Discussion des articles

Avant l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°77 de M. Jadot et alii.

M. Yannick Jadot.  - La proposition de loi doit respecter l'esprit et la lettre de l'accord de Paris, pour éviter le chaos climatique.

L'article 6 prévoit ainsi l'obligation pour les fournisseurs de carburants de réduire de 14,5 % l'intensité de leurs émissions de gaz à effet de serre ; l'article 8 conforte l'objectif de sortie des énergies fossiles. Notre amendement est dans le même esprit.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - L'objectif de neutralité carbone à horizon 2050 est partagé. La France contribuera à l'effort mondial exigé par l'accord de Paris, mais ne peut garantir seule l'atteinte de cet objectif. Votre rédaction est source d'insécurité juridique. Avis défavorable.

L'amendement n°77 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°130 de M. Gay et du groupe CRCE-K.

M. Fabien Gay.  - Pour nous, l'énergie est surtout une question d'aménagement du territoire. Répondre aux besoins de la population, produire là où sont les besoins, passe par un service public unifié. D'où notre proposition de loi créant un grand service public de l'énergie, afin de doter l'État d'un bras armé pour décarboner le mix et sortir quinze millions de personnes de la précarité énergétique, avec un tarif proche du coût de production, autour de trois Epic - électricité, gaz, pétrole.

Cette idée doit faire son chemin. J'invite le Gouvernement à se saisir de cette proposition de loi et à remettre un rapport. Je suis prêt à y travailler avec la majorité. Notre proposition est chiffrée à 193 milliards d'euros, et amortissable en sept à dix ans.

Il ne s'agit pas de revenir à ce qu'a créé Marcel Paul le 8 avril 1946, mais bien d'une nouvelle étape de nationalisation.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - L'amendement me semble inédit. Un service public de l'énergie englobant l'électricité, le gaz et le pétrole serait contraire au cadre européen. Les directives du 13 juillet 2009 organisent la mise en concurrence dans les secteurs de l'électricité et du gaz. Il serait également contraire au cadre national, car la loi de nationalisation de 1946 n'a jamais concerné le pétrole. Avis défavorable.

M. Fabien Gay.  - On peut innover !

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - L'organisation du système énergétique repose sur des institutions aux missions clairement établies.

La loi Brun d'avril 2024 a acté la détention à 100 % du capital d'EDF par l'État. L'objectif poursuivi par l'amendement n'est pas étayé par les éventuels bénéfices. Avis défavorable.

M. Fabien Gay.  - La loi Brun n'est pas une re-nationalisation, mais une ré-étatisation : EDF reste une société anonyme, loin d'un service public démocratisé impliquant les usagers et usagères.

Je vous transmettrai notre proposition de loi.

Oui, elle est contraire au droit européen. C'est pourquoi nous proposons de lancer un débat politique - un combat politique - pour que l'énergie soit sortie du secteur marchand, reconnue comme besoin fondamental et donc relève du service public. En répondant que c'est interdit, car non conforme au droit européen, on nourrit le désespoir - et le vote pour l'extrême droite !

Nous proposons un autre chemin, la soumission à la loi du marché nous ayant menés dans le mur.

Je n'attends pas de la droite sénatoriale qu'elle vote une loi de nationalisation plus ambitieuse que celle de Marcel Paul (sourires), mais nous pouvons travailler et réfléchir. D'où l'intérêt d'un rapport.

L'amendement n°130 n'est pas adopté.

Article 1er

M. le président.  - Amendement n° 40 de M. Devinaz et du groupe SER.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Nous voulons protéger les ménages via une tarification sociale et progressive de l'énergie résidentielle, pour plus de justice et pour répondre à l'urgence sociale provoquée par la hausse des dépenses d'énergie, qui sont des dépenses captives.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Sur le fond, avis défavorable. En outre, l'amendement présente une difficulté juridique, puisqu'il déstabiliserait la construction des TRVE, ce qui nuirait aux consommateurs. Par ailleurs, une décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 7 septembre 2016 et un arrêt du Conseil d'État du 19 juillet 2017 ont mis fin aux tarifs réglementés du gaz, qui se sont éteints le 1er juillet 2023.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Une telle tarification progressive serait très complexe à mettre en oeuvre. Souvenez-vous de la loi Brottes, censurée par le Conseil constitutionnel en 2013.

Nous privilégions le chèque énergie pour aider les ménages modestes, quelle que soit l'énergie qu'ils consomment.

Votre amendement n'est en outre pas compatible avec le droit communautaire.

M. Yannick Jadot.  - Nous attendons les débats autour du chèque énergie lors de l'examen du projet de loi de finances, mais le rapport de la Cour des comptes sur le bouclier énergétique révèle que l'on a dépensé des milliards d'euros pour des ménages qui n'en avaient pas besoin !

Instaurer la gratuité des premiers kilowattheures pour les familles les plus en difficulté serait possible, avec un peu de volonté politique.

L'amendement n°40 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié de M. Michau et du groupe SER.

M. Jean-Jacques Michau.  - Le marché européen de l'électricité n'a pas su répondre à l'urgence écologique et sociale et aux trois défis que sont la décarbonation, la sécurité, et le maintien de prix abordables et compétitifs. À partir de l'été 2021, les prix de l'électricité ont explosé. Ils étaient en outre décorrélés de nos coûts de production.

La volatilité des prix de l'électricité est préjudiciable à l'activité économique. Les entreprises ont besoin de visibilité à long terme.

Alors que la réforme du marché européen de l'énergie est en cours, veillons à ce que les prix de l'électricité reflètent bien les coûts complets de notre production d'électricité. Notre amendement complète en ce sens l'alinéa 2 de l'article.

M. le président.  - Amendement n°30 de M. Michau et du groupe SER.

M. Jean-Jacques Michau.  - Défendu.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n°34 rectifié, avis défavorable à l'amendement n°30.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Le Gouvernement partage l'objectif de garantir un prix stable et abordable de l'électricité qui soit représentatif des coûts du système électrique. Il a défendu cette position au niveau européen. Mais les dispositions prévues à l'article L. 100-2 du code de l'énergie suffisent. Demande de retrait de l'amendement n°34 rectifié ; sagesse sur l'amendement n°30.

L'amendement n°34 rectifié est adopté.

L'amendement n°30 n'a plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°118 rectifié de M. Buis et alii.

Mme Nadège Havet.  - Cet amendement lève une ambiguïté du texte sur la propriété publique du réseau de transport d'électricité en renvoyant aux autres dispositions du code de l'énergie.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Clarification bienvenue. Avis favorable.

L'amendement n°118 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°78 de M. Jadot et alii.

M. Yannick Jadot.  - L'article 1er réaffirme l'importance de notre sécurité d'approvisionnement et notre souveraineté, mais développe une vision très exportatrice pour l'électricité. Or d'ici à 2035, la difficulté sera de boucler notre équation énergétique ! Nous n'aurons pas forcément l'offre suffisante pour répondre à l'électrification de nos usages. Mettons plutôt l'accent sur la solidarité électrique européenne et les interconnexions, signe de stabilité sur le marché.

Nous devons sortir du gaz, et non diversifier notre approvisionnement en gaz ! Notre commission d'enquête sur Total a appelé la France à cesser ses importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe, gaz bien plus polluant que le gaz naturel ! En outre, quand il vient d'Amérique du Nord, c'est du gaz de schiste, plus polluant que le pétrole, voire que le charbon ! Renforçons plutôt nos objectifs en matière d'énergies renouvelables.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Cet amendement est inopportun. Il amoindrirait l'ambition de l'article 1er. Il serait en outre redondant avec l'article 9, qui relève déjà l'objectif de réduction de la consommation d'énergie fossile. Des mécanismes de solidarité européens sont prévus par le paquet gaz présenté en 2021, et des interconnexions ont déjà été intégrées à notre droit national. Avis défavorable, à défaut de retrait, auquel je ne crois guère ! (Sourires)

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Disposer de marges sur notre système électrique est un enjeu majeur pour notre sécurité et notre souveraineté. La France a vocation à rester exportatrice.

Votre amendement est largement satisfait. Le code de l'énergie fixe déjà un objectif de développement des interconnexions et de réduction progressive de la consommation d'énergies fossiles. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Yannick Jadot.  - On a eu la guerre en Ukraine. L'économie européenne s'est largement construite, à bas coût, sur le gaz russe, arrivant par gazoduc. Nous savons combien nous avons payé cette dépendance ! Penser que l'on pourra substituer du GNL venu de partout dans le monde au gaz russe est une illusion : le GNL sur les tankers est vendu au plus offrant. Nous dépendrions d'un marché mondial en situation de guerre économique ! Si l'on veut être souverains en matière énergétique, le GNL est la pire des solutions.

M. Franck Montaugé.  - Cet amendement soulève une question fondamentale. À terme, quand le système énergétique sera totalement décarboné, comment fixera-t-il les prix ?

Actuellement, c'est la dernière centrale européenne appelée, qui fonctionne généralement au gaz naturel, qui fixe le prix.

Madame la ministre, quelle est la vision du Gouvernement pour aller vers un mix décarboné ? Comment cela fonctionnera-t-il ?

Se demander comment s'affranchir du gaz naturel revient à se demander quelle énergie marginale fera fonctionner la dernière centrale européenne appelée sur le réseau.

L'amendement n°78 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°131 de M. Gay et du groupe CRCE-K.

M. Fabien Gay.  - Le prix repère de vente de gaz naturel (PRVG) a été instauré par la CRE afin d'accompagner les consommateurs résidentiels dans le choix de leur offre de fourniture gazière. Il doit refléter la construction d'une offre de marché efficace et peut donc différer des tarifs d'une offre à prix fixe. Nous proposons d'exclure l'indexation des coûts commerciaux sur l'inflation dans la construction de ce prix repère, afin qu'il soit établi sur des coûts stables et transparents, indépendamment des performances des fournisseurs.

De nombreux consommateurs optent pour des offres à prix fixe, pour échapper aux fluctuations du marché. Garantissons la publication des tarifs de référence pour les offres à prix fixe en complément du PRVG. La CRE y est favorable, pour permettre au consommateur de comparer les offres à prix fixes avec une référence homogène.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Il serait inconventionnel de recréer des offres de fourniture du gaz à prix fixe. Un prix repère est publié tous les mois par la CRE. L'article 1er confère pour la première fois une base légale à ce dispositif. Un amendement à l'article 24 ira plus loin encore. La CRE s'est dite favorable à cette évolution. Avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Même avis. Nous renvoyons à l'amendement n°177 à l'article 24.

M. Fabien Gay.  - J'ai consulté l'avis de la CRE (M. Fabien Gay brandit un document) : j'ai tout surligné. Ce n'est pas du tout ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur ! (M. Alain Cadec le conteste.)

Je lis : « la publication additionnelle d'un prix repère divise les acteurs. Les deux associations de consommateurs et la fédération syndicale y sont favorables, tandis que les quatre associations d'entreprises gazières et les cinq fournisseurs expriment leur opposition. » C'est donc un débat politique ! Vous prenez le parti des fournisseurs alternatifs de gaz.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Oui, c'est essentiellement politique.

M. Fabien Gay.  - Ah !

M. Alain Cadec, rapporteur.  - C'est pourquoi nous défendrons à l'article 24 l'amendement dont je vous ai parlé.

L'amendement n°131 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°45 de M. Devinaz et du groupe SER.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - L'intégration de l'économie circulaire dans nos politiques énergétiques est une nécessité environnementale, mais aussi une stratégie essentielle pour renforcer la sécurité de nos approvisionnements, la souveraineté nationale et la gestion durable des matériaux critiques. Notre dépendance excessive à ces derniers nous expose à des risques considérables.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Cet amendement n'est pas pertinent, car il est satisfait par des dispositions du code de l'énergie. Ensuite, à l'article 5, nous avons adopté, en commission, un amendement sur la nécessité de renouveler les parcs éoliens, qui soulèvent les principales questions en matière de recyclage. Avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Votre amendement me plaît. J'ai intégré dans mon cabinet un focus sur la durabilité.

Avis favorable.

M. Yannick Jadot.  - C'est une nécessité impérative ! Le repowering, ce n'est pas l'économie circulaire. On peut faire monter nos éoliennes en puissance sans rien recycler !

L'économie circulaire est un enjeu international. On ne fondera pas notre révolution énergétique sur un nouvel extractivisme dans les pays du sud ; nous connaissons les conséquences, elles sont absolument dramatiques. L'extraction des matériaux critiques s'y fait dans des conditions abominables.

L'amendement n°45 n'est pas adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°69 rectifié quater de M. Canévet et alii.

M. Claude Kern.  - Il faut distinguer les zones urbaines des zones rurales, où la consommation d'énergie présente des caractéristiques différentes : en zone rurale, les bâtiments ne sont pas tous raccordables à des réseaux de chaleur ou de gaz naturel.

Les amendements identiques nos98 rectifié quater et 106 rectifié ne sont pas défendus.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Les spécificités des zones rurales sont déjà prises en compte, par exemple par la péréquation. De plus, la loi garantit aux plus démunis l'accès aux services énergétiques. Cet amendement est satisfait. Retrait ?

M. Claude Kern.  - L'objet de l'amendement est bien de distinguer les zones rurales sans possibilité de raccordement !

L'amendement n°69 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°31 de M. Michau et du groupe SER.

M. Jean-Jacques Michau.  - Cet article supprime la trajectoire de hausse de la composante carbone de la fiscalité énergétique. Au contraire, nous sommes favorables au maintien de cette taxe carbone, car il nous faut transformer radicalement nos modes de production pour faire face à l'urgence écologique.

S'il faut aller vers la décarbonation, le mouvement des gilets jaunes a rappelé au Gouvernement que la transition doit être juste. Il faut concilier fin du monde et fin du mois.

Le caractère particulièrement régressif de cette fiscalité, qui pénalise les plus modestes et les ménages ruraux contraints de recourir à l'automobile, a conduit le Gouvernement à modifier la trajectoire.

Pourtant, des études montrent que les Français, y compris ceux résidant en zone rurale, ne sont pas défavorables à cette taxe, si elle est compensée par la création de transports, d'emplois et de services de proximité. Les recettes fiscales issues d'une telle taxe doivent être plus transparentes et fléchées vers les populations les plus impactées.

M. le président.  - Amendement identique n°79 de M. Jadot et alii.

M. Yannick Jadot.  - Même constat, même diagnostic. Depuis plus de vingt ans, la construction d'une politique climatique repose aussi sur la fiscalité carbone. Cela fait l'objet d'un consensus absolu chez les économistes. J'ai participé à la négociation du Grenelle de l'environnement, du temps du Président Sarkozy : dès le début, nous avions indiqué : « pas un euro collecté qui ne soit un euro redistribué » ; idem au sein du comité de la fiscalité écologique, avec Christian de Perthuis.

Sans logique redistributive, nous courrons à l'échec. Le mouvement des gilets jaunes était lié à l'absence totale de redistribution. Ceux qui roulent 30 à 40 km par jour pour aller travailler ou voir un médecin doivent être aidés.

Acter une telle rupture, par ce texte, n'est pas sérieux !

M. Alain Cadec, rapporteur.  - J'entends vos arguments, mais ils ne me semblent pas opportuns. Ce texte veille à l'acceptabilité sociale de la transition énergétique. Avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Même avis.

M. Yannick Jadot.  - J'espère, madame la ministre, que vous êtes consciente du contenu de l'article que vous soutenez. Vous devrez défendre à l'échelle européenne le fait que la France s'affranchisse totalement de la trajectoire de décarbonation !

Vous avez participé à des gouvernements qui ont fait de la fiscalité carbone une fiscalité de rendement. Vous n'avez jamais accepté le caractère redistributif de la fiscalité carbone !

Rejeter à ce point l'idée d'une trajectoire sérieuse est une rupture inédite. Madame la ministre, révisez la position du Gouvernement : votre avis est irresponsable !

M. Franck Montaugé.  - Revenons au récent rapport de la Cour des comptes, qui dresse un constat clair sur la fiscalité énergétique en France : c'est un empilement de décisions historiques, sans véritable visée environnementale, et cette fiscalité pèse avant tout sur les particuliers, surtout les plus modestes. En 2022, les particuliers payaient 27 euros par MWh et les professionnels 14 euros.

C'est une fiscalité de rendement et non une fiscalité écologique. Madame la ministre, que répondez-vous à ce rapport de la Cour des comptes ?

Les amendements identiques nos31 et 79 ne sont pas adoptés.

L'article 2 est adopté.

Article 3

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques .  - Cet article est particulièrement important, car il acte la relance de la filière nucléaire française.

La commission des affaires économiques est engagée depuis de nombreuses années sur le sujet. En 2021, lors du vote de la loi Climat et résilience, face à l'absence d'études d'impact sur la sûreté nucléaire, sur la sécurité d'approvisionnement et sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous nous étions opposés à la fermeture de centrales.

En 2023, lors du vote de la loi sur le nouveau nucléaire, nous avons abrogé l'objectif de réduction à 50 % de la production d'énergie nucléaire d'ici à 2030.

Le Sénat, et plus particulièrement la commission des affaires économiques, a mis le nucléaire au coeur de l'agenda législatif. C'est pourquoi nous avons voulu graver dans le marbre de la loi la relance du nucléaire. Nous avons acté la construction de quatorze EPR2, conformément au discours de Belfort du Président de la République en 2022, et avons été plus loin en incluant dans la loi le scénario N03, c'est-à-dire le plus nucléarisé.

J'entends Yannick Jadot, selon lequel nous serions trop ambitieux, parce que nous prévoyons quinze SMR et potentiellement six EPR2 supplémentaires en cas de réindustrialisation. Pourquoi afficher une ambition forte ? Pourquoi un mix nucléaire de deux tiers d'ici à 2030 et majoritaire d'ici à 2050 ? Parce que la filière nucléaire le demande pour mobiliser des investissements : il leur faut un cap clair et cohérent, qui leur donne de la prévisibilité. C'est l'objet de l'article.

Nous voulons un nucléaire plus innovant, avec les petits réacteurs modulaires et les réacteurs de quatrième génération. Nous voulons aussi un nucléaire plus propre, avec l'installation de structures de recyclage des déchets nucléaires.

M. le président.  - Amendement n°80 de M. Yannick Jadot et alii.

M. Yannick Jadot.  - J'entends la réflexion de la présidente Estrosi Sassone. Nous sommes dans un exercice de programmation. Les quatorze EPR et les quinze SMR n'existeront pas avant 2035 : c'est hors cadre par rapport à notre discussion !

Ensuite, il n'y a eu aucune évaluation. Le président d'EDF, Luc Rémont, nous a dit qu'ils étaient en train de finaliser le design de l'outil nécessaire. On n'y est pas ! On ne sait rien des conditions de financement, alors qu'il faut compter 13 milliards d'euros par tête d'EPR2 !

Le scénario que vous privilégiez est le plus risqué. Vous dites marcher sur vos deux jambes, le nucléaire et les énergies renouvelables... ce n'est pas vrai. On sacrifie en permanence les énergies renouvelables, en pensant que le nucléaire suffira à résoudre en dix ans toutes les difficultés.

Il y a même un groupe à l'Assemblée nationale qui s'appelle EPR (sourires) : si ce n'est pas de l'idéologie et du dogmatisme !

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Avis défavorable. Contrairement à vos propos, monsieur Jadot, les dispositions prévues à l'article 3 ont fait l'objet d'une concertation publique. Depuis 2021, le Gouvernement a organisé des ateliers, une concertation nationale et des groupes de travail.

De plus, un avant-projet de loi sur la souveraineté énergétique a fait l'objet d'une étude d'impact et d'un avis du Conseil d'État, du Conseil national de la transition écologique et du Conseil supérieur de l'énergie.

Vous êtes dans l'idéologie !

M. Yannick Jadot.  - Et le prix ?

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - L'objectif est bien d'être sur nos deux jambes. Je suis favorable au nucléaire, qui nous aidera à passer des étapes difficiles. J'ai milité pour un EPR dans le Bugey, dans mon département, et j'en suis fière.

Le débat doit avoir lieu, je défendrai des amendements sur ce sujet ; mais il faut avancer sur la relance du nucléaire.

M. Yannick Jadot.  - On me parle de pragmatisme, mais l'EPR2 du Bugey ne fonctionnera pas avant 2040 ! Il y a du travail d'ici là.

L'Agence internationale de l'énergie dit que, dans le monde, on installera plus de capacités en éolien et en photovoltaïque en 2024 que de capacités nucléaires depuis des décennies. La France va-t-elle s'intéresser aux énergies qui font l'objet d'une lutte mondiale, notamment avec les Chinois ? Pourquoi nous affranchir de telles perspectives industrielles ?

Dans les années à venir, les seules solutions sont l'éolien et le photovoltaïque, car ce sont les industries les plus rapides à installer. Les énergies renouvelables coûtent moins cher que le nucléaire, qu'on soit pour ou contre. Ce n'est pas du dogmatisme, c'est la réalité.

M. Franck Montaugé.  - Tous les modes de production d'énergie font courir des risques et créent des difficultés. Il est fondamental de donner de la visibilité aux industriels. Il ne faut entraver aucune filière. Donnons à EDF les moyens de ses ambitions nucléaires, qui sont nationales.

En revanche, madame la ministre, où en est le Gouvernement de ses discussions avec EDF sur le financement du nucléaire ? Nous n'en savons rien. Nous appelons à la clarté. C'est le flou le plus complet. La commission d'enquête sur les prix de l'électricité a bien mis en évidence l'opacité qui règne en la matière.

Le groupe SER ne souhaite pas sacrifier le nucléaire au profit d'autres technologies. Toutes ont leur place.

M. Stéphane Piednoir.  - Le nucléaire est la marotte d'un certain nombre d'élus. Je me réjouis des propos de Franck Montaugé qui a présidé la commission d'enquête dont Vincent Delahaye était rapporteur : voilà une vision équilibrée de notre mix énergétique.

M. Jadot fait allusion aux problèmes du nucléaire ces 50 dernières années... Le problème du nucléaire date d'il y a vingt-cinq ans, quand le groupe politique auquel vous appartenez, monsieur Jadot, a saccagé le nucléaire durable et l'avenir des réacteurs à neutrons rapides, qui étaient opérationnels.

M. Yannick Jadot.  - Nous ?

M. Stéphane Piednoir.  - Oui, vous !

M. Yannick Jadot.  - Nous n'avons jamais gouverné !

M. Stéphane Piednoir.  - Et la gauche plurielle, en 1997 ?

Si l'on regardait les filières les unes après les autres, on leur trouverait toujours des problèmes. Quel que soit le mode de production, nous n'avons pas de souveraineté : l'éolien est intermittent, et nous dépendons de la Chine pour le photovoltaïque. Vos propos, fallacieux, vous discréditent, monsieur Jadot !

Quand M. Rémont dit que l'EPR2 est une simplification du design de l'EPR, il faut peut-être le croire. Demain, les têtes de série seront beaucoup moins chères. (M. Yannick Jadot s'exclame.)

M. Daniel Gremillet.  - Je remercie le rapporteur de sa position. Il est réducteur d'opposer ambition pour le nucléaire et ambition pour les énergies renouvelables.

Ce texte est le fruit de la réflexion. Monsieur Jadot, vous dites qu'il est dommage de voir sombrer la filière éolienne. De la même manière, si nous n'avons pas d'ambition française pour les SMR, nous n'y arriverons pas. Il nous faut des énergies pilotables, et le nucléaire est une réponse à l'urgence climatique. Affichons nos ambitions !

Pour ce qui est du nombre de réacteurs, nous restons réalistes : sans réindustrialisation de la France, nous ne les construirons pas.

Ce texte trace un chemin, une stratégie. Un réacteur, c'est entre dix et quinze ans de construction. Du courage ! Soyons au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Fabien Gay.  - Il n'existe pas d'énergie propre. Toute activité humaine a un impact sur les écosystèmes.

Ensuite, arrêtons avec les pourcentages, source d'erreur d'appréciation. Fixons plutôt des objectifs de capacité ambitieux.

Enfin, le temps du nucléaire est le temps long. Pour décarboner notre mix énergétique, nous devons investir lourdement dans le renouvelable ; mais pour sortir du pétrole, je pense que nous ne pouvons pas nous passer du nouveau nucléaire. Il faut envoyer un signal clair à la filière, redonner une impulsion politique.

Enfin, il faut affronter un certain nombre de questions. Où va-t-on installer les quinze SMR ? Et quid des conflits d'usage, notamment en matière d'eau ?

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Notre politique énergétique a souffert d'un manque de planification depuis plusieurs années. Nous redonnons une voie claire...

M. Fabien Gay.  - C'est faux, madame la ministre !

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - EDF doit nous fournir un devis finalisé d'ici à la fin de l'année. Nous espérons pouvoir tenir notre ambition.

Ayons un débat, planifions, y compris jusqu'en 2040. L'éolien en mer devra aussi faire l'objet d'une planification. N'ayons pas peur de parler de toutes les énergies.

L'amendement n°80 n'est pas adopté.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de Jean-François Picheral, qui fut sénateur des Bouches-du-Rhône de 1998 à 2008.

La séance est suspendue à 20 h 05.

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

Avis sur une nomination

M. le président.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable (21 voix pour, 18 contre) à la nomination de M. Philippe Mauguin aux fonctions de président de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.

Programmation et simplification dans le secteur économique de l'énergie (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 3 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°179 de MM. Cadec et Chauvet au nom de la commission des affaires économiques.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Nous voulons non seulement poursuivre, mais renforcer l'effort de recherche et d'innovation dans le domaine nucléaire.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Avis favorable.

L'amendement n°179 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°119 rectifié de M. Buis et alii.

Mme Nadège Havet.  - Nous proposons d'inscrire dans le code de l'environnement la poursuite des efforts de R&D et d'innovation dans le nucléaire en mentionnant explicitement les réacteurs EPR, les petits réacteurs modulaires, Iter et Cigéo, ainsi que des objectifs plus généraux, dont la fermeture du cycle du combustible nucléaire.

M. le président.  - Amendement n°180 de MM. Cadec et Chauvet au nom de la commission des affaires économiques.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Renforçons le soutien aux réacteurs de quatrième génération à neutrons rapides refroidis au sodium, dans la perspective d'un éventuel déploiement industriel de la filière.

Avis défavorable à l'amendement n°119 rectifié.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Avis favorable à l'amendement n°119 rectifié et retrait de l'amendement n°180 à son profit. Les objectifs visés sont les mêmes, mais restons neutres sur le plan technologique.

M. Ronan Dantec.  - Je suis un peu surpris du manque d'ambition de l'amendement de Mme Havet. Dans son énumération, elle ne mentionne pas l'uranium naturel graphite gaz. Or nous avons à Brennilis une centrale qui attend depuis quarante ans d'être démantelée... Il serait temps de s'y atteler !

M. Stéphane Piednoir.  - Ce n'est pas sérieux !

L'amendement n°119 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°180 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°47 de M. Michau et du groupe SER.

M. Jean-Jacques Michau.  - Nous sommes favorables à la relance du nucléaire, mais la technologie SMR n'est pas mature. Il faut donc élaborer une doctrine d'emploi spécifique. Ces installations sont-elles destinées à l'exportation ? Où seront-elles implantées ? Qui en sera propriétaire ? Alors que les risques de dissémination sont réels, quels seront les moyens alloués à la sûreté et à la sécurité ? Il faut répondre à ces questions fondamentales.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Le Pniec et la stratégie française pour l'énergie et le climat prévoient le développement d'un petit réacteur modulaire et d'un petit réacteur innovant dès 2030. En outre, l'Autorité nationale de radioprotection, de sûreté et de sécurité nucléaire (ARSN) est chargée du contrôle de l'ensemble des installations nucléaires de base : le législateur n'a pas à s'immiscer dans une compétence déléguée à une autorité administrative indépendante. Avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Nous ne connaissons pas encore tout le potentiel de ces technologies émergentes. (Exclamations ironiques sur les travées du GEST) La PPE a vocation à définir cette doctrine. Les petits réacteurs seront déployés dans le strict respect des exigences de sécurité, sous le contrôle de l'ARSN. Point n'est besoin d'une doctrine d'emploi supplémentaire. Avis défavorable.

M. Daniel Salmon.  - Les SMR n'ont pas exprimé tout leur potentiel, dites-vous... C'est très clair, et je ne sais pas quand ils le feront ! (L'ironie redouble sur les travées du GEST.)

Une multitude de start-up inventent, avec de l'argent public, des SMR voués à rester des projets sur le papier. Il est probable que tout cela n'aboutira à rien. D'autant que la viabilité économique des projets suppose une multiplication à l'envi : compte tenu des divergences de réglementation et des tensions géopolitiques, ce n'est pas demain que nous exporterons en masse des SMR !

M. Fabien Gay.  - Qui aura la maîtrise de ces SMR ? Sera-t-elle publique, confiée à EDF, ou allez-vous continuer à engraisser un certain nombre de start-up ? Pour nous, si les SMR doivent être développés, c'est sous maîtrise publique.

Par ailleurs, que l'ARSN surveille ces installations, c'est la moindre des choses. Mais je doute, compte tenu des missions confiées à cette agence unique que vous avez voulue, que ses moyens actuels suffisent.

Enfin, il faut un débat sur l'implantation territoriale des SMR. Ils ne peuvent être installés n'importe où ni n'importe comment.

Nous voterons l'amendement de nos collègues socialistes.

M. Franck Montaugé.  - Président de la commission d'enquête sur les prix de l'électricité, j'ai cherché à comprendre à quoi pouvaient servir les SMR. D'ailleurs, à cette époque, on ne parlait que d'exportation. J'ai demandé s'ils pouvaient servir à la flexibilité du réseau, si ce seraient des outils de forte production. Ce ne sera pas le cas. Je ne vois donc que les filières industrielles pour la décarbonation.

C'est le sens de la doctrine d'emploi que nous demandons : c'est au Gouvernement, dans la discussion avec le Parlement, de définir les filières prioritairement concernées.

J'ajoute que, dans le cadre militaire, nous maîtrisons de petits réacteurs à propulsion sous-marine. Je n'ai toujours pas compris pourquoi il serait si difficile de transposer ces technologies dans le domaine civil pour des puissances comparables.

M. Yannick Jadot.  - Je trouve toujours surprenant, quand on parle de souveraineté et de patriotisme, d'utiliser des sigles anglais comme EPR ou SMR...

Plus fondamentalement, nous avons une responsabilité en matière de prolifération. Or, votre fantasme, c'est de vendre des SMR dans le monde entier, en vous affranchissant des enjeux liés aux risques ou aux régimes politiques.

En réalité, il est aberrant de continuer à investir de l'argent public dans ces projets qui n'ont aucune maturité. Un ancien Président de la République disait : pour un euro dans le nucléaire, un euro dans les énergies renouvelables. Il s'appelait Nicolas Sarkozy !

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Sur la transposition de la technologie des sous-marins nucléaires, c'est moins un problème technologique que d'environnement et de publics. Dans les sous-marins, il y a des professionnels. Les SMR seront installés au milieu du grand public. (Exclamations à gauche)

M. Daniel Salmon.  - Ils seront gérés par des amateurs ? Nous voilà rassurés !

M. Franck Montaugé.  - C'est justement de cela que nous voulons parler, madame la ministre ! Il nous faut cette doctrine d'emploi.

L'amendement n°47 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°133 de M. Gay et du groupe CRCE-K.

M. Fabien Gay.  - Je reviens sur le dimensionnement du parc nucléaire. Oui, monsieur Jadot, il faut faire vivre la question de la solidarité en Europe, d'autant que la France est au coeur des interconnexions. Mais gardons à l'esprit que notre parc ne tourne jamais à plein régime. En plus de quarante ans, il n'est arrivé que deux fois que tous nos réacteurs fonctionnent en même temps... Même en temps normal, un quart du parc est à l'arrêt. Il faut en tenir compte pour dimensionner correctement notre parc dès le départ.

M. le président.  - Amendement n°143 rectifié du Gouvernement.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Nous devons relancer le nucléaire et accélérer le déploiement des énergies renouvelables, deux énergies complémentaires. Leurs parts respectives dans notre mix dépendront des contraintes techniques, industrielles et de sûreté. Il ne peut être exclu que la part du nucléaire soit légèrement inférieure à 50 % en 2050, notamment en cas d'électrification massive des usages. Conservons une plus grande latitude sur l'objectif à cet horizon.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Avis défavorable à ces amendements. Ils supprimeraient un objectif déjà adopté par le Sénat en 2023, sur l'initiative de Daniel Gremillet. En outre, ils dénatureraient complètement la proposition de loi. Enfin, ils vont à l'encontre des positions de tous les acteurs économiques que nous avons consultés. (Murmures sur les travées du GEST)

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Demande de retrait de l'amendement n°133 au profit de l'amendement n°143 rectifié.

L'amendement n°133 n'est pas adopté.

À la demande de la commission, l'amendement n°143 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°9 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 249
Pour l'adoption   51
Contre 198

L'amendement n°143 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°134 de M. Gay et du groupe CRCE-K.

M. Fabien Gay.  - Le texte propose la construction de quatorze EPR2, quinze SMR et six EPR2 supplémentaires. Prendre cette décision sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État ni débat sur la question de l'eau pose problème. Revenons à l'objectif initial de six EPR2.

Et il y a la question du financement : six EPR2, ce sont 67 milliards d'euros, qu'EDF n'a pas ! Comment le Gouvernement compte-t-il trouver ces financements, alors que, dans son budget, il s'apprête à taper les énergéticiens sur la production ? Il est impossible de relancer la production avec une fiscalité aussi négative. Ce sont des signals totalement contradictoires !

Voix à droite.  - Des signaux !

M. Fabien Gay.  - Des signaux, en effet. C'est vrai que c'est mieux de rester assis à ne rien dire... (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Burgoa.  - Quelle élégance ! Vous vous croyez à l'Assemblée nationale ?

M. le président.  - Amendement n°144 rectifié du Gouvernement.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - L'objectif du Gouvernement est d'engager d'ici à 2026 un programme de 10 gigawatts supplémentaires à travers six EPR2. Le développement des SMR est soutenu dans le cadre de France 2030. Les travaux pour huit réacteurs supplémentaires sont en cours, mais ne figeons pas prématurément la puissance totale ni le nombre de réacteurs à l'horizon 2050 et ne nous enfermons pas dans une technologie.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - L'amendement n°144 rectifié consoliderait l'ambition initiale. La rédaction proposée permettrait de cranter les capacités de 23 gigawatts d'ici 2030 et 27 gigawatts d'ici 2050. Les 10 gigawatts supplémentaires mis à l'étude correspondraient à six EPR2 de plus, en cas de réindustrialisation. Avis de sagesse.

L'amendement n°134 éroderait l'ambition initiale de l'article : on ne cranterait que 23 gigawatts d'ici à 2030. En outre, la mention d'une maîtrise publique poserait des difficultés eu égard aux règles de la commande publique. Elle n'est d'ailleurs pas nécessaire, les EPR2 ne pouvant être construits que sur des sites déjà nucléarisés. Avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Retrait de l'amendement n°134 au profit de celui du Gouvernement.

M. Fabien Gay.  - Que répondez-vous sur le financement, madame la ministre ? Où allez-vous trouver 67 milliards d'euros pour les six premiers réacteurs ? Même sans la taxe que vous vous apprêtez à lui imposer, EDF ne les a pas...

Avec l'Arenh et l'Arenh+, vous lui avez fait perdre beaucoup d'argent. Et voilà que, en plus, vous voulez taxer la production. Qu'en pense la droite sénatoriale, qui veut relancer la production nucléaire ? La contradiction est extrêmement forte !

Répondez-nous sur ce point, madame la ministre, et nous verrons si nous retirons notre amendement... (Sourires)

M. Franck Montaugé.  - Fabien Gay a raison, il faut entrer dans le détail du financement. Trois techniques peuvent permettre de financer de tels investissements : recours à des fonds souverains, mise en place d'une base d'actifs régulés, contrats pour différence. Quelles sont les orientations du Gouvernement pour le financement du nouveau nucléaire, mais aussi de la prolongation des réacteurs actuels et des réseaux de transport et de distribution ? Cette question surdétermine toutes les autres et conditionne notre souveraineté.

M. Yannick Jadot.  - J'abonde dans le sens de M. Gay. EDF fait face à un mur d'investissements colossal, de 100 à 150 milliards d'euros, pour le carénage, les démantèlements futurs et le traitement des déchets. En plus, la façon dont le ministre Macron a négocié Hinkley Point fait que tous les surcoûts retomberont sur EDF. Les coûts à prévoir pour les EPR sont plutôt de 13 milliards d'euros par réacteur. On ne peut pas faire ainsi valser les milliards sans se demander où l'on trouvera l'argent - ni s'interroger sur l'efficacité et la rentabilité des projets.

L'amendement n°134 n'est pas adopté.

L'amendement n°144 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°145 rectifié du Gouvernement.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Nous partageons l'objectif de maintenir en fonctionnement les installations nucléaires aussi longtemps que les exigences de sécurité le permettent. Députée, j'avais d'ailleurs fait adopter un amendement mettant à l'étude la possibilité de prolonger la durée de vie des réacteurs au-delà de soixante ans. Mais nous ne sommes pas favorables à la fixation dans la loi d'un objectif chiffré de disponibilité.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Ronan Dantec.  - Mme la ministre a présidé un groupe de travail sur la sobriété, dont j'étais membre. Ce groupe a eu une efficacité redoutable, puisque la consommation électrique ne repart pas... Bravo, madame la ministre ! (Marques d'ironie sur les travées du GEST)

Vous voulez construire six, quatorze, peut-être vingt EPR, plus des SMR, tout en mettant le paquet sur les énergies renouvelables, mais qui va acheter toute cette électricité ? Nous allons avoir des prix négatifs, c'est couru d'avance !

Nous sommes en train de faire quelque chose d'hallucinant, totalement en dehors du marché européen. À aucun moment on ne regarde ce qui se passe en Espagne et au Portugal, où la production d'énergies renouvelables atteint 80 %, avec des prix de marché bien inférieurs aux nôtres.

Avec ce genre de textes, vous ruinez la France. Revenons à la raison !

M. Franck Montaugé.  - Il est intéressant de maintenir dans la loi cet objectif de disponibilité. Il faut donner des perspectives à la filière, à commencer par EDF. Il y a plus d'inconvénients à le supprimer qu'à le garder.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Ce qui est bien avec vous, monsieur Dantec, c'est votre modestie : vous savez tout et vous avez toujours raison. Vous êtes le champion ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; protestations sur les travées du GEST)

M. Daniel Gremillet.  - Si nous avons inscrit un objectif de 75 %, c'est à la suite de la crise que nous avons connue. Ceux qui sont aux commandes doivent comprendre que le Parlement est attaché aux résultats. Mais nous voterons l'amendement, non chiffré, du Gouvernement.

M. Ronan Dantec.  - Ça ne marche pas !

M. Daniel Salmon.  - On peut toujours faire des plans sur la comète ! En 1973, le plan Messmer prévoyait 1 000 TWh de consommation électrique en 2000. Or en 2000, nous en avions 480... D'où un parc surdimensionné et de la vente à perte aux autres pays européens.

Nous risquons à nouveau de créer un parc sous-exploité. Il ne s'agit pourtant pas de petits investissements ! À certaines heures, le prix du MWh est négatif. Comment EDF pourra-t-elle être profitable, tandis que les autres pays européens investissent dans le renouvelable ?

Nous nous retrouverons avec une électricité produite par un superbe parc nucléaire, dont personne ne voudra plus...

M. Stéphane Piednoir.  - J'apprends beaucoup de choses ce soir. Certains devins connaissent déjà l'avenir, alors arrêtons de rédiger des rapports de prospective, car des puits de science sont à nos côtés !

M. Ronan Dantec.  - Absolument !

M. Stéphane Piednoir.  - L'électricité représente 25 % de la consommation d'électricité. (M. Daniel Salmon le confirme.) On veut passer à 55 % avec les changements d'usage, dans les transports, mais aussi dans l'industrie.

L'hydrogène est produit par des moyens très polluants, il nous faudra de l'électricité de masse pour le produire à l'avenir par électrolyse.

Je n'ai pas l'impression que vous ayez vécu la même crise de l'énergie que nous (M. Daniel Salmon proteste), pendant laquelle les Français se sont plaints de leur facture. Nous ne vivons pas sur la même planète ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Yannick Jadot.  - Nous pouvons débattre, mais les chiffres sont têtus. Les énergies sont moins chères selon tous les rapports, de l'agence internationale de l'énergie comme de l'Irena. Et tant mieux ! Pardon, mais 130 euros le MWh d'EPR, ça va être cher !

Regardez les difficultés du gouvernement britannique à faire accepter à ses citoyens que ce sont eux qui vont payer le kWh nucléaire et pas la subvention publique.

Nous pouvons en débattre sans tomber dans les invectives !

M. Fabien Gay.  - L'article 3 est le coeur du sujet.

M. Laurent Somon.  - C'est le coeur du réacteur ! (Sourires)

M. Fabien Gay.  - On a beaucoup subventionné les énergies renouvelables. Nos trente ans de rente nucléaire nous ont permis d'investir dans le réseau et d'amorcer la pompe sur le renouvelable. Alors, prudence... Voilà pourquoi je plaide pour un service public unifié. La droite libérale était d'accord sur l'idée d'une entreprise intégrée.

Nous devons débattre de nos besoins. Il est sûr que nous aurons besoin de davantage d'électricité. Il faudrait déployer 80 à 100 TWh pour électrifier la moitié du parc automobile, et donc 150 à 200 TWh pour électrifier les 39 millions de voitures thermiques en circulation.

Si nous avons l'ambition de réindustrialiser le pays, nous avons également besoin d'énergies. Je défends une ambition haute à la fois pour les énergies renouvelables et le nucléaire.

L'amendement n°145 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°128 rectifié de M. Bernard Buis et alii.

Mme Nadège Havet.  - Retenons un objectif de disponibilité des installations nécessaires au traitement et au recyclage des combustibles nucléaires usés.

M. le président.  - Amendement n°165 rectifié de MM. Alain Cadec et Patrick Chauvet, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Cet amendement complète l'objectif en matière de retraitement et de recyclage.

Sur l'amendement n°128 rectifié, avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - La politique de retraitement et de valorisation des combustibles usés permet de diminuer le besoin en uranium naturel tout en conditionnant les déchets radioactifs sous une forme particulièrement stable.

Le dernier conseil de politique nucléaire a validé le lancement d'un programme d'ampleur, mené par Orano, pour poursuivre au-delà de 2040 notre stratégie sur l'aval du cycle du combustible.

Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n°128 rectifié et demande le retrait de l'amendement n°165 au profit de l'amendement n°128 rectifié.

L'amendement n°128 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°165 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°146 rectifié du Gouvernement.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Le Gouvernement partage l'objectif de tendre vers la fermeture du cycle du combustible, mais il faut laisser une latitude suffisante.

L'amendement adapte la rédaction en conséquence et précise que l'objectif quantitatif porte sur la part de consommation d'uranium naturel évitée par le recyclage.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement qui va dans le sens du texte.

L'amendement n°146 rectifié est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°81 de M. Jadot et alii.

M. Yannick Jadot.  - Vous connaissez mon ambition pour les énergies renouvelables et la décarbonation... mais là, je dois dire que vous y allez fort : 6,5 gigawatts de capacité installée en hydrogène d'ici à 2030, c'est beaucoup au regard des capacités actuelles !

Il en va de même pour les objectifs définis pour les batteries, qui ne tiennent pas compte des dernières réflexions européennes.

Ces objectifs ne sont pas réalistes.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - L'amendement supprime une disposition déjà votée par le Sénat et contrevient à l'ambition du texte. Avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Monsieur Jadot, vous ne voulez pas du nucléaire, mais nous avons aussi besoin d'un réseau stable ! Le Gouvernement est favorable à des déploiements ambitieux, même s'il convient d'être prudent et de tenir compte des moyens de flexibilité de façon plus intégrée que ne le fait l'article 4.

Avis défavorable.

M. Ronan Dantec.  - On est un peu dans la logique du village d'Astérix : un SMR à Babaorum ferait fonctionner la forge du village... Mais on n'est plus dans cette logique !

La stabilité du réseau est européenne, avec une production massive d'énergies renouvelables en provenance de la péninsule ibérique -  voire un jour d'Afrique du Nord  - , mais aussi avec le grand éolien des îles britanniques, qui change la donne du système électrique breton.

Or on nous présente comme une forteresse assiégée dans laquelle nous aurions besoin de l'hydrogène pour stabiliser le réseau : c'était le monde d'hier ! Drôle de façon de faire de la prospective...

L'amendement n°81 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°115 de M. Gremillet.

M. Daniel Gremillet.  - Traduisons les enjeux de l'évolution climatique et de la cybersécurité dans les réseaux de transport et de distribution.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Avis favorable, évidemment.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Les enjeux que vous citez sont majeurs. Ils sont intégrés au niveau national et au niveau européen. Avis favorable, sous réserve d'une modification de la formulation relative à la cybersécurité, pour une mise en conformité avec le code de la défense. Nous y travaillerons dans le cadre de la navette.

M. Ronan Dantec.  - Donc, il y a une navette ? (Sourires sur les travées du GEST)

L'amendement n°115 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°181 de MM. Cadec et Chauvet au nom de la commission des affaires économiques.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Insistons sur la planification des réseaux de distribution d'électricité. Cet amendement a fait l'objet d'échanges avec Vincent Delahaye.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Avis favorable.

L'amendement n°181 est adopté.

L'amendement n°9 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°99 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°182 de MM. Cadec et Chauvet au nom de la commission des affaires économiques.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Il s'agit de promouvoir les opérations d'autoconsommation individuelle ou collective, en laissant inchangés la propriété publique et l'équilibre financier des réseaux publics de distribution d'énergie. Cet amendement a également fait l'objet d'échanges avec Vincent Delahaye.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Si le Gouvernement partage l'objectif d'autoconsommation, il n'est pas favorable à son inscription dans la programmation pluriannuelle. Sagesse.

L'amendement n°182 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°39 de M. Montaugé et du groupe SER.

M. Franck Montaugé.  - Cet amendement introduit de la planification dans les territoires. Une telle territorialisation des politiques de transition énergétique garantirait une plus grande acceptabilité sociale des mesures associées et une juste répartition de l'effort et de la valeur.

Nous avons besoin d'embarquer les élus locaux et les populations dans ces politiques, par la pédagogie.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Des outils de territorialisation en matière énergétique et des modalités de répartition des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre existent déjà.

Et ce sont les États, non les collectivités territoriales ou les entreprises, qui sont parties à l'accord de Paris de 2015 : l'effort des États dans la lutte contre le changement climatique doit donc s'apprécier à l'échelle nationale.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Je souscris à l'avis du rapporteur. Dans son rapport annuel de 2020, le Haut Conseil pour le climat nous alertait sur les risques d'une territorialisation des objectifs de réduction des émissions.

À travers les COP régionales, l'État accompagne les territoires dans leurs objectifs climatiques, dans une démarche concertée.

Avis défavorable.

M. Ronan Dantec.  - L'amendement de nos collègues socialistes n'a pas été bien compris.

J'ai été le porte-parole des collectivités territoriales lors des négociations internationales - le rapporteur va encore dire que je joue au sachant... Tous les territoires doivent faire leur part du boulot, si l'on veut atteindre les objectifs ! C'est du bon sens !

Ayant assisté, avec M. Béchu, à ces grands raouts que sont les COP régionales, j'ai pu voir le fameux Mondrian qui allait très loin en termes de planification. Revenez-vous sur la planification régionale existante ? (Mme Olga Givernet fait signe que non.) Cet amendement va dans le sens des COP régionales, qu'a priori vous soutenez toujours, donc.

Je suis perdu, j'attends vos éclaircissements.

M. Laurent Somon.  - Je suis d'accord avec mon collègue.

On a lancé des COP régionales, et même départementales, dans lesquelles on demandait à chaque territoire de s'engager sur des quantités à produire et de choisir le type d'énergie souhaitée. Parce que 2 000 éoliennes dans la Somme c'est insupportable ! À l'inverse, la méthanisation est cruciale dans un département agricole.

L'amendement n°39 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°100 rectifié bis de Mme Paoli-Gagin et alii.

M. Dany Wattebled.  - Cet amendement prévoit de faire du développement de l'autoconsommation d'électricité, notamment collective, un pilier de la politique énergétique et climatique française, en levant les freins réglementaires et fiscaux.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - L'amendement est satisfait par le vote de notre amendement sur les trois formes d'autoconsommation, individuelle, collective et étendue. Avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

L'amendement n°100 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°166 rectifié de M. Buis et Mme Havet.

Mme Nadège Havet.  - La directive RED III exclut l'hydrogène produit à partir de gaz naturel. Remplaçons les mots « bas-carbone » par « électrolytique bas-carbone » afin d'introduire l'hydrogène dans l'objectif de 77 % d'hydrogène propre dans l'industrie en 2030.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - La transposition de la directive ne serait pas totale avec cet amendement, qui mériterait donc d'être complété, d'une part sur l'objectif à 2035 et d'autre part sur la possibilité d'utiliser des voies alternatives. Conservons la rédaction actuelle. Avis défavorable.

L'amendement n°166 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°120 rectifié de M. Buis et alii.

Mme Nadège Havet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°158 du Gouvernement.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Cet amendement vise à formuler un objectif plus global, portant sur l'ensemble des flexibilités, dans le respect de la neutralité technologique. Il est cohérent avec les conclusions de la commission d'enquête sur le prix de l'électricité, ainsi qu'avec la réforme du marché européen de l'électricité.

Dans son rapport sur les futurs énergétiques en 2050, Réseau de Transport d'Électricité (RTE) indique que les besoins en flexibilité vont croître.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Avis favorable.

Les amendements identiques nos120 rectifié et 158 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°5 de M. Mandelli au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis.  - La solution de captage et de stockage de CO2, pertinente en certains cas, ne peut être exonératoire pour l'ensemble des producteurs de gaz carbonique.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Cette précision me paraît utile. Avis favorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Je suis d'accord, mais la mention « situations transitoires » risque d'avoir des effets de verrouillage. Avis défavorable.

L'amendement n°5 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°46 de M. Devinaz et du groupe SER.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - La technologie de captage et stockage de CO2 ne constitue qu'une piste de recherche parmi les nombreuses solutions de décarbonation de notre économie. En juin 2023, le Gouvernement a annoncé le lancement d'une consultation publique. Certains plaident pour utiliser davantage cette technologie, d'autres appellent à cibler son utilisation sur la décarbonation de l'industrie plutôt que sur la production d'hydrogène.

Comment se fixer des objectifs chiffrés sans un rapport sérieux et complet ? Il faut un plan d'action, notamment via l'Ademe.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Sur la forme, il s'agirait d'une disposition plus normative que programmatique, qui trouverait mal sa place dans le titre Ier de la proposition de loi.

Sur le fond, nous avons adopté un dispositif ayant trait au captage et au stockage proposé par Didier Mandelli.

Avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Nous avons déjà une planification large et détaillée concernant la capture et le stockage du CO2. Le Haut Conseil pour le climat reconnaît la pertinence de ce levier dans le cadre d'une stratégie globale.

Votre amendement n'est pas utile. Avis défavorable.

L'amendement n°46 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°32 de M. Michau et du groupe SER.

M. Jean-Jacques Michau.  - Les nouvelles technologies de capture du dioxyde de carbone suscitent un engouement croissant, du fait de l'accroissement de la valeur financière de la tonne de carbone.

Mais ces technologies ne sont pas matures et leur bilan carbone demeure controversé, car les coûts de transport restent élevés et elles sont fortement consommatrices d'énergie.

Précisions que le recours à ces technologies ne peut être considéré comme un substitut aux efforts de décarbonation des secteurs d'activité fortement émetteurs.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Même punition que pour l'amendement précédent, pour les mêmes motifs : avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Le Gouvernement est d'accord sur le principe, mais cela relève du niveau réglementaire et non législatif. Avis défavorable.

L'amendement n°32 n'est pas adopté.

L'amendement n°167 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°148 du Gouvernement.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - L'amendement proposé vise à supprimer les objectifs actuels de développement des effacements en cohérence avec l'amendement n°158 du Gouvernement. Il s'agit de privilégier le principe d'un objectif global portant sur l'ensemble des flexibilités, dans le respect de la neutralité technologique. Il est cohérent avec les conclusions de la commission d'enquête sur le prix de l'électricité, ainsi qu'avec la réforme du marché européen de l'électricité.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°148 est adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°82 de M. Jadot et alii.

M. Yannick Jadot.  - Nos obligations sont aussi européennes. La directive RED III fixe nos objectifs en matière d'énergies renouvelables : 42,5 % d'énergies renouvelables dans la consommation européenne finale d'ici à 2030, et 44 % pour la France.

Nous proposons de porter l'objectif en matière de consommation de 33 % à 44 %, et de 10 % à 45 % en matière de production.

Je soutiens bien sûr l'éolien offshore flottant, mais ne lui donnons pas la priorité sur l'éolien offshore classique, qui conserve son potentiel.

M. le président.  - Amendement n°52 de M. Montaugé et du groupe SER.

M. Franck Montaugé.  - Il s'agit d'une mise en cohérence programmatique avec la stratégie nationale et le plan Énergie-Climat. La proposition de loi fixe un objectif de 58 % de consommation d'énergie décarbonée en 2030 : nous ajoutons un objectif de 71 % en 2035.

L'amendement n°21 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°121 rectifié de M. Buis et alii.

Mme Nadège Havet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°149 du Gouvernement.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Nous inscrivons un objectif ambitieux de production d'électricité décarbonée, décomposé entre énergies renouvelables et nucléaire. La consommation d'électricité augmentera à l'aune de notre ambition de réindustrialisation, nous devons être au rendez-vous.

L'amendement n°22 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°122 rectifié ter de M. Buis et alii.

Mme Nadège Havet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°150 rectifié bis du Gouvernement.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Il s'agit de rehausser les objectifs de production et d'incorporation de biogaz et de biocarburants pour envoyer un signal à la filière biométhane, particulièrement dynamique. Il y aura un soutien budgétaire et des dispositifs de financement extrabudgétaire.

M. le président.  - Amendement n°56 de M. Montaugé et du groupe SER.

M. Franck Montaugé.  - Pour ce qui concerne la production de froid renouvelable, nous fixons un objectif d'au moins 2,5 TWh en 2035, en référence à la stratégie française énergie-climat.

M. le président.  - Amendement n°168 rectifié de M. Buis et Mme Havet.

Mme Nadège Havet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°55 de M. Montaugé et du groupe SER.

M. Franck Montaugé.  - S'agissant cette fois de l'éolien en mer, flottant ou posé, nous fixons un objectif de 4 gigawatts en 2030 et de 18 gigawatts en 2035.

M. le président.  - Amendement n°151 rectifié du Gouvernement

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - La France est pionnière dans le développement de l'éolien flottant, avec l'attribution en mai dernier d'un parc de 250 mégawatts au sud de la Bretagne. Toutefois, nous tenons à conserver des éoliennes posées, par souci d'équité entre territoires. D'où la suppression de la priorisation de l'éolien flottant.

M. le président.  - Amendement n°53 de M. Montaugé et du groupe SER.

M. Franck Montaugé.  - Même motif de cohérence programmatique, cette fois pour l'électricité photovoltaïque : 75 gigawatts à horizon 2035.

M. le président.  - Amendement n°153 rectifié du Gouvernement.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Nous supprimons la priorité donnée au renouvellement seul pour le développement de l'éolien terrestre. Cette technologie, très compétitive, doit être encouragée. Son développement doit s'appuyer sur le renouvellement des installations mais aussi sur de nouvelles capacités de productions comme celle que j'ai pu voir à Valsonne.

M. le président.  - Amendement n°54 de M. Montaugé et du groupe SER.

M. Franck Montaugé.  - Même motif pour l'éolien terrestre cette fois : capacité installée de 33 gigawatts en 2030 et de 40 gigawatts en 2035

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Sagesse sur les amendements nos149, 150 rectifié bis, 151 rectifié et 153 rectifié du Gouvernement, ainsi que sur les 121 rectifié, 122 rectifié ter. Avis défavorable pour les autres.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Le Gouvernement souhaite un développement équilibré entre énergies renouvelables et nucléaire. Ne nous enfermons pas. Je m'en remets à l'avis du rapporteur. Sagesse sur l'amendement n°53.

M. Yannick Jadot.  - La Commission européenne a indiqué à la France qu'elle ne respectait pas le paquet Fit for 55 et la directive RED III car elle ne déclarait pas d'objectifs en matière d'énergies renouvelables. Vous allez voter un texte illégal au regard du droit européen, comme si nous vivions dans un monde à part !

M. Franck Montaugé.  - Je ne comprends pas la position de la commission ni celle de Mme la ministre. Nos amendements visent à introduire de la cohérence avec la stratégie française Energie-climat et le Pniec. En quoi cela vous gêne-t-il de fixer des objectifs pour 2035 ?

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Cela nous gêne, effectivement.

M. Franck Montaugé.  - Pourquoi ?

M. Alain Cadec, rapporteur.  - C'est comme ça.

M. Franck Montaugé.  - Ce n'est pas une réponse !

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Vous pensez qu'on a décidé sans raison ? Nous ne sommes pas des abrutis, même si nous vivons dans un village gaulois ! (Protestations sur les travées du groupe SER)

M. Ronan Dantec.  - Ces propos ne sont pas à la hauteur du sujet. Derrière, il y a les emplois industriels détruits à Saint-Nazaire, une filière qui souffre. La France sort de l'industrie de l'éolien, faute d'avoir fixé des objectifs quantitatifs. Alors que la Belgique, l'Allemagne et le Danemark, installent 150 gigawatts d'éolien offshore supplémentaires, que Vestas est leader en Europe, ce ne sont pas les 250 mégawatts d'éolien flottant expérimental en Bretagne qui changeront la donne. Nous avions pourtant des entreprises en Vendée, un site industriel à Saint-Nazaire et l'appui des marins pêcheurs. À force de stop-and-go, comme sur le photovoltaïque sous Sarkozy, la France est un nain en matière d'énergies renouvelables !

L'amendement n°82 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°52.

Les amendements identiques nos121 rectifié et 149 sont adoptés, de même que les amendements identiques nos122 rectifié ter et 150 rectifié bis.

L'amendement n°56 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos168 rectifié et 55.

L'amendement n°151 rectifié est adopté.

L'amendement n°53 n'est pas adopté.

L'amendement n° 153 rectifié est adopté.

L'amendement n°54 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°74 de M. Michel Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Ne mettons pas tous nos oeufs dans le même panier, soutenons la diversification de la production d'énergie. Ainsi du gaz liquide - qui sera demain du biopropane. Il nous faudra satisfaire les besoins des zones rurales, notamment dans les Côtes-d'Armor, où beaucoup de maisons sont alimentées par du gaz liquide.

L'amendement identique n°101 rectifié bis n'est pas défendu.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Nous avons déjà visé le cas des foyers ruraux non raccordés aux réseaux d'électricité, de gaz ou de chaleur à l'article 1er bis. Le GPL peut être promu par ce vecteur plus général. Avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°74 est retiré.

M. Franck Montaugé.  - Rappel au règlement, à l'attention de M. le rapporteur.

Je me suis toujours efforcé de respecter tout le monde. Nous apprécions peu que des anathèmes nous soient lancés à la figure. Nous sommes là pour débattre, dans le respect réciproque.

Quand on présente des amendements, quand on pose des questions, la règle veut qu'on obtienne quelques explications. Monsieur le rapporteur, pas d'attaques ad hominem ! Ce n'est pas le Sénat, ne singeons pas ce qui se fait ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. le président.  - Je donne acte à M. Montaugé de son rappel au règlement - sachant que les faits personnels doivent normalement être renvoyés en fin de séance. Disons qu'il s'agissait d'un rappel au règlement sur la tenue des débats.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Rappel au règlement. Si j'ai blessé mon collègue Montaugé, je m'en excuse ; ce n'était pas mon intention.

Il vous arrive également d'être parfois désagréables, vous et vos petits camarades, nous ne faisons pas de rappels au règlement pour autant... (Protestations à gauche)

M. Yannick Jadot.  - On n'est pas des « petits camarades » !

M. Michaël Weber.  - Ce n'est pas au niveau ! (Mme Audrey Linkenheld renchérit.)

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Disons collègues, alors. Je m'excuse de mes propos si je vous ai blessé.

M. le président.  - Nous poursuivons nos débats, dans la joie et la bonne humeur...

Amendement n°43 rectifié de M. Gilbert-Luc Devinaz et du groupe SER.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Notre mission d'information sur les biocarburants a mis en évidence la concurrence des usages. Nous souhaitons un meilleur suivi des ressources de biomasse, via des instances et schémas régionaux.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Satisfait par la loi Transition énergétique du 17 août 2015, qui prévoit une stratégie nationale de mobilisation de la biomasse et des schémas régionaux, ainsi que par l'exercice de modélisation réalisé dans le cadre du Pniec et de la stratégie française pour l'énergie et le climat. Retrait, sinon défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°43 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°152 rectifié du Gouvernement.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - L'amendement supprime les objectifs chiffrés pour l'hydrolien introduits en commission. La PPE actuelle n'en prévoit pas, mais la future PPE pourra prévoir de premiers appels d'offres commerciaux. Pour l'heure, le potentiel brut pour l'hydrolien marin est estimé à 5 gigawatts, nous sommes loin du compte.

M. le président.  - Sous-amendement n°187 de M. Sébastien Fagnen et du groupe SER.

M. Sébastien Fagnen.  - Nous reportons à 2035 l'objectif de mise en service du premier gigawatt d'hydrolien. Les appels d'offres commerciaux tardent, malgré la réussite des hydroliennes britanniques et la présence d'industriels motivés. Le potentiel existe pourtant, notamment au raz Blanchard ou au passage du Fromveur en Bretagne.

M. le président.  - Amendement n°63 rectifié de M. Sébastien Fagnen et du groupe SER.

M. Sébastien Fagnen.  - Défendu.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Sagesse sur l'amendement n°152 rectifié. Retrait de l'amendement n°63 rectifié, sinon défavorable. Je demande l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n°187.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Défavorable au sous-amendement n°187 et à l'amendement n°63 rectifié.

M. Daniel Salmon.  - L'hydrolien n'est pas considéré à sa juste mesure. L'hydrolienne de Sabella en Bretagne, fonctionne depuis plusieurs années, mais la France n'a jamais mis en place de tarif de rachat. Or un industriel a besoin de visibilité.

L'hydrolien a l'avantage d'être une énergie prédictible, car nous connaissons les courants. La faisabilité est bien supérieure que celle des chimériques SMR ! Il manque seulement une vraie volonté politique.

M. Sébastien Fagnen.  - « Il faut repartir sur la bataille de l'hydrolien », a dit le président Macron. La fermeture d'une usine au bout d'un mois, faute de soutien de l'État, fut un échec cuisant.

La Manche contribue à la production électrique à travers la centrale de Flamanville, le retraitement des combustibles usés à La Hague ou encore l'éolien offshore. Nous avons des industriels investis, et la technologie est désormais mature - l'exemple britannique le montre. Ne pas retenir d'objectif chiffré est une erreur.

M. Michel Canévet.  - Le potentiel est considérable. Nous avons le second espace maritime au monde, qui recèle des possibilités de production énergétique insoupçonnées, et des entreprises engagées. La technologie est désormais mature. Soutenons l'hydrolien ! (M. Sébastien Fagnen applaudit.)

Le sous-amendement n°187 n'est pas adopté.

L'amendement n°152 rectifié est adopté.

L'amendement n°63 rectifié n'a plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°41 de M. Devinaz et du groupe SER.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - L'objectif est de mobiliser davantage la biomasse énergétique en priorisant la sécurité alimentaire, la préservation de la biodiversité et le potentiel de stockage de carbone.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - L'amendement est satisfait par la loi du 8 novembre 2019 qui a fixé pour objectif de « valoriser la biomasse à des fins de production de matériaux d'énergie ».

En outre, l'amendement fait référence à la SNBC mentionnée au code de l'environnement, alors qu'il serait plus pertinent de viser la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse mentionnée au code de l'énergie. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Prioriser ces usages sur la mobilisation de la biomasse énergétique prête à confusion. Cela relève davantage du code de l'environnement. Défavorable.

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°171 rectifié bis de M. Grosvalet et alli.

M. Philippe Grosvalet.  - Mme la ministre dit vouloir faire feu de tout bois ? Ici, je propose d'intégrer au mix énergétique les pellets de bois, pour convertir progressivement nos deux dernières centrales à charbon.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Satisfait par l'article L. 100-2 du code de l'énergie, qui fixe un objectif de valorisation de la biomasse à des fins énergétiques. L'article L. 141-9-1 du code de l'énergie prévoit en outre la substitution des centrales recourant à l'énergie fossile par celles qui utilisent la biomasse.

Enfin, votre amendement ne respecte pas le principe de neutralité technologique, et ne comporte aucun garde-fou lié en matière de conflits d'usage ou d'émissions polluantes. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - La production d'électricité à partir de biomasse devra être conditionnée au soutien aux activités industrielles, et examinée à l'aune de la directive RED III. Ce n'est pas une priorité d'usage. N'en faisons pas un objectif législatif. Avis défavorable.

L'amendement n°171 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié de M. Devinaz et du groupe SER.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - La question de la préservation de la ressource en eau est cruciale dans un contexte de réchauffement climatique et de conflits d'usage potentiels. Cela doit figurer comme l'un des objectifs de notre politique énergétique.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Le titre préliminaire du code de l'énergie ne mentionne pas l'articulation de la production énergétique avec les effets du changement climatique - oubli qu'il convient de corriger. Votre rédaction est assez souple pour ne pas pénaliser les centrales hydroélectriques ou nucléaires. Avis favorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Je porte une attention particulière à la durabilité. La disponibilité de la ressource en eau est un sujet majeur, que traite déjà le code de l'environnement. Demande de retrait ; sinon, sagesse.

L'amendement n°42 rectifié est adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

Après l'article 5

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié bis de M. Cabanel et alli.

M. Henri Cabanel.  - Cet amendement, dont je pressens le sort, est l'occasion d'évoquer le crédit d'impôt au titre des investissements dans l'industrie verte, qui accompagne les entreprises dans le financement de projets industriels clés de la transition énergétique et doit faire de la France un leader de l'industrie verte en Europe. Pourquoi le solaire thermique n'est-il pas retenu au même titre que le photovoltaïque, l'éolien, les batteries ou les pompes à chaleur ?

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Le solaire thermique est important pour atteindre nos objectifs en matière de chaleur renouvelable, mais un tel rapport ne me semble pas nécessaire. Avis défavorable.

M. Daniel Salmon.  - Le solaire thermique est un oublié des politiques publiques, alors qu'il aurait toute sa place dans la rénovation thermique, sachant que la part du chauffage dans la consommation d'un ménage diminue par rapport à celle de l'eau chaude sanitaire. Pourquoi n'est-il pas davantage soutenu ? À la différence des panneaux photovoltaïques chinois, les chauffe-eau solaires sont encore fabriqués en France et en Europe.

M. Henri Cabanel.  - Le solaire thermique aura-t-il droit au crédit d'impôt, comme les autres industries ? C'est tout ce que je demande.

L'amendement n°20 rectifié bis est retiré.

L'article 6 est adopté.

Article 7

M. le président.  - Amendement n°169 rectifié de M. Buis et Mme Havet.

Mme Nadège Havet.  - Cet amendement fixe des objectifs pour l'usage du biocarburant dans le secteur du transport maritime.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Les carburants de synthèse sont une technologie très nouvelle. Il est prématuré de fixer un tel objectif. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Une évaluation est en cours sur les objectifs relatifs au secteur des transports, objectifs qui doivent tenir compte de la concurrence et des pratiques des États membres de l'Union européenne. Avis défavorable.

L'amendement n°169 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°44 de M. Devinaz et du groupe SER.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Si, pour des véhicules légers, la batterie électrique semble privilégiée, d'autres moyens peuvent être envisagés pour d'autres modes de transport.

Intéressons-nous au rendement des technologies plutôt qu'à leur nature. Dans le cas d'un poids lourd, l'hydrogène a un rendement de 35 %, contre 75 % pour l'électricité directe.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - L'amendement n'est pas opportun et est satisfait par le droit existant. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Les nouvelles technologies exploitent souvent des ressources plus durables, mais souvent de manière moins efficace et pour un coût plus élevé. Votre amendement pourrait freiner le développement des technologies émergentes, or la filière des biocarburants a besoin de technologies de rupture. Avis défavorable.

L'amendement n°44 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

Après l'article 7

L'amendement n°3 n'est pas défendu.

Article 8

M. Fabien Gay .  - Nous sommes d'accord sur la fermeture des centrales à charbon d'ici à 2027, mais nous avions adopté un amendement concernant la centrale de Cordemais, afin de soutenir un projet de reconversion bas-carbone.

Depuis 2015, les salariés de cette centrale ont développé un projet, qu'ils ont porté seuls, parfois contre l'avis d'EDF, et qui fonctionne. L'entreprise Paprec devait installer à proximité une usine de black pellets.

Je ne reviens pas sur les atermoiements des ministres de l'écologie successifs... Or le PDG d'EDF a annoncé que le projet ne se ferait pas, faute de moyens : il manquerait 70 millions d'euros.

La droite sénatoriale laissera-t-elle, maintenant qu'elle est au Gouvernement, la centrale de Cordemais mourir ?

Les salariés et les syndicats attendent toujours d'être reçus par le ministère, mais les portes sont closes ! (M. Philippe Grosvalet applaudit.)

M. le président.  - Amendement n°172 de MM. Cadec et Chauvet au nom de la commission des affaires économiques.

M. Alain Cadec.  - Consolidons les objectifs de réduction de la consommation d'énergie fossile et totale, en utilisant l'expression « à hauteur de ».

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Avis favorable.

L'amendement n°172 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°59 de Mme Belrhiti.

Mme Catherine Belrhiti.  - Cet amendement de précision rédactionnelle vise une meilleure coordination entre le soutien public annoncé et les projets de reconversion d'installation de production d'électricité à partir de charbon.

Les projets de reconversion bas-carbone doivent pouvoir suivre le calendrier le plus approprié pour leur mise en oeuvre.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Avis favorable. (MM. Philippe Grosvalet et Fabien Gay s'exclament.)

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - La rédaction de l'article reste trop imprécise. Avis défavorable.

M. Fabien Gay.  - Pas de jeu de dupes ! Il reste trois centrales à charbon. À Saint-Avold, il n'y a aucun projet ; à Gardanne, vous avez enterré le projet ; et à Cordemais, c'est EDF qui s'en charge !

On peut voter, mais que se passe-t-il en réalité ?

À Cordemais, pas moins de 350 salariés ont porté à bout de bras un projet, bel exemple d'intelligence ouvrière ! Ils ont montré que c'était faisable. Paprec a dit banco ! Ne manquait que le go gouvernemental. Et Mme Pompili de dire non ; Mme Pannier-Runacher de dire oui, puis non ; M. Macron « pourquoi pas ? » ; et M. Lescure, lui, ne savait pas... et vous, que dites-vous ? Faut-il enterrer le projet, au risque de voir la colère monter ? Je veux bien voter l'amendement de votre collègue, mais c'est du flan !

Madame la ministre, qu'avez-vous à dire sur Cordemais ?

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Nous avons prévu de recevoir les syndicats locaux au ministère. Sortir des énergies fossiles en 2027 et fermer les centrales à charbon est un objectif absolu.

Un accompagnement des salariés est nécessaire pour leur requalification, plutôt que de les positionner sur une production qui pourrait être fermée dans cinq ans. Il faut réfléchir de manière cohérente et humaniste. (M. Fabien Gay s'offusque.)

M. Philippe Grosvalet.  - Humaniste ?

L'amendement n°59 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°83 de M. Jadot et alii.

M. Yannick Jadot.  - La réponse apportée sur le projet de Cordemais n'est à la hauteur ni de nos objectifs de transition ni du volontarisme et de la créativité des personnels.

L'objectif est de fermer les centrales à charbon en 2027, avez-vous dit, madame la ministre. C'est ce que notre amendement garantit, en circonscrivant les exceptions aux seules « menaces graves », conformément à la rédaction initiale.

Il est dommage de ne pas envisager sérieusement les projets alternatifs.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - L'amendement de mon collègue M. Jadot -  et non de mon petit camarade (sourires)  - irait plus loin que le droit existant. D'autre part, il reviendrait sur les travaux du Sénat. Je ne demande pas le retrait, je sais que vous n'en êtes pas un adepte. Avis défavorable.

M. Yannick Jadot.  - Merci, camarade ! (Sourires sur les travées du GEST)

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Nous allons nous retrouver sur cet objectif de sortie du charbon à partir de 2027, mais j'insiste sur le besoin d'accompagnement des personnels, afin qu'ils retrouvent des perspectives dans leurs carrières. Sagesse.

M. Philippe Grosvalet.  - Quand j'entends Mme la ministre dire que des solutions seront apportées aux salariés de Cordemais, je rappelle que 350 salariés, cela représente 350 familles. Ils viennent d'apprendre par la presse la perte de leurs emplois ! L'un d'eux m'a dit que son fils lui avait demandé s'il allait encore changer de maison.

Que proposons-nous à ces salariés ? Une usine qui fabrique des tuyaux, dans un territoire qui produit des avions, des bateaux, et demain un porte-avions.

Dommage que M. Retailleau ne soit pas là : en son temps, il avait défendu le projet.

Faute de main-d'oeuvre, nous employons 2 000 étrangers dans la métallurgie, et vous dites que vous trouverez des solutions !

C'est une insulte aux salariés et à leur famille, alors que ce projet de conversion, original, est porté par tout un territoire, y compris les élus, depuis plus de huit ans ! Et nous brûlerons des pellets de façon raisonnée, pour un temps déterminé.

Nous ne pouvons entendre votre discours.

M. Fabien Gay.  - La centrale de Cordemais nous tient à coeur. Des élus comme moi sont allés régulièrement sur le site. Madame la ministre votre discours est inentendable. La porte du ministère est fermée, c'est insupportable. (Mme Olga Givernet le nie.) Ne racontez pas d'histoire ! Vous auriez reçu le syndicat CGT, ultra majoritaire, que je l'aurais su dans l'heure. Ils me l'ont encore dit ce matin : la porte est fermée.

Il s'agit de devenir métallo ; ce métier correspond à un autre statut. De plus, le département manque de main-d'oeuvre. Ensuite, ce chantier est lancé par les salariés eux-mêmes ; c'est de l'intelligence ouvrière qu'on enterre. Enfin, comment passer la pointe énergétique, en hiver comme en été ? Nous attendons une autre réponse !

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - J'ai rencontré les syndicats au niveau national. (M. Fabien Gay s'exclame.) De plus, une réunion est prévue le 21 octobre à 9 heures. La porte est ouverte, et je suis sûre que vous aurez l'information en temps réel.

M. Philippe Grosvalet.  - Pour leur dire quoi ?

L'amendement n°83 n'est pas adopté.

L'amendement n°8 n'est pas défendu.

L'article 8, modifié, est adopté.

Après l'article 8

L'amendement n°61 est retiré.

Article 9

M. le président.  - Amendement n°109 de M. Gontard et alii.

M. Guillaume Gontard.  - Cet amendement vise à accélérer les objectifs de rénovation thermique. L'objectif de 200 000 rénovations a été repoussé à 2030. Nous souhaitons l'avancer à 2025, pour traduire un engagement du Gouvernement porté par le ministre Béchu, qui avait déjà repoussé cet objectif de 2024 à 2025.

La loi de transition énergétique de 2015 prévoyait que l'intégralité du parc immobilier soit classée « bâtiment basse consommation » (BBC) d'ici à 2050, et la SNBC 370 000 logements BBC d'ici à 2027.

M. le président.  - Amendement n°36 de M. Cardon et du groupe SER.

M. Jean-Jacques Michau.  - Premièrement, la priorité doit être donnée à l'éradication des passoires thermiques. Plus de la moitié des passoires thermiques sont des maisons individuelles, mais seuls 32 % du parc privé a fait l'objet de rénovation.

Deuxièmement, il est proposé au propriétaire occupant de réaliser les travaux par tranches, dans un délai inférieur à six ans, à condition que ces travaux soient accompagnés par un opérateur de l'État et qu'ils soient prévus dès le départ.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Le premier point de l'amendement n°36 est satisfait par le droit existant. Le second point impose une réflexion. Retrait, sinon avis défavorable, pour les deux amendements.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Le Gouvernement est conscient de l'importance du problème des passoires thermiques et du retard pris dans ce domaine.

Sur l'amendement n°109, votre objectif ne paraît pas réaliste au regard des problèmes de montée en puissance des entreprises de la filière. Avis défavorable.

Concernant l'amendement n°36, il faudra m'expliquer ce qu'est une rénovation par tranches. Ne complexifions pas les dispositions existantes. Avis défavorable.

M. Guillaume Gontard.  - Je suis heureux de savoir que le Gouvernement est conscient du problème des passoires thermiques. Il était temps... L'objectif proposé était l'objectif annoncé par le ministre Béchu. Il s'agit de clarifier les choses et d'inscrire l'objectif dans la loi.

Nous avons les moyens de mettre en oeuvre une véritable politique de rénovation thermique. Il faut mettre le turbo. Nous réfléchissons actuellement à la meilleure façon d'économiser 60 milliards d'euros. Or le bouclier tarifaire et énergétique nous a coûté 63 milliards d'euros en un an et demi ! Mettons le paquet sur les économies d'énergie, pour préparer les économies de demain.

M. Michaël Weber.  - Je soutiens ces deux amendements essentiels. Avant de parler de production d'énergie, il faut réfléchir aux économies d'énergie, et mettre les bouchées doubles en la matière.

Concernant la rénovation lourde par tranches, les propriétaires occupants ne peuvent pas toujours faire face à de tels travaux. Or cette rénovation est absolument nécessaire pour réaliser des économies d'énergie.

Cet amendement constitue un signe encourageant.

L'amendement n°109 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°36.

M. le président.  - Amendement n°110 de M. Guillaume Gontard et alii.

M. Guillaume Gontard.  - Pour avancer dans la rénovation des bâtiments, il faut s'appuyer sur les territoires et les collectivités territoriales - Mme Estrosi Sassonne a présidé une commission d'enquête sur ce sujet.

Grâce aux structures existantes, notamment les plateformes de rénovation, il est possible d'agir en proximité, en toute confiance. Or des collectivités territoriales mettent en place de l'accompagnement et de l'ingénierie, mais ne peuvent pas poursuivre leurs efforts. Cet amendement place les collectivités au coeur de la politique de rénovation thermique, avec des financements appropriés.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Cet amendement n'est pas souhaitable, car il prévoit l'exigence d'un soutien public aux collectivités territoriales ; or c'est sur l'État que ce financement doit reposer. De plus, le projet de loi de finances serait un meilleur véhicule. Avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Je le souligne, les collectivités territoriales ont elles-mêmes des objectifs de rénovation de leurs bâtiments. S'appuyer sur les collectivités territoriales pour identifier les bâtiments à rénover en priorité, c'est intéressant. Avis défavorable, néanmoins.

M. Guillaume Gontard.  - Ce n'est pas une question financière. Mon amendement vise à créer un canal efficace depuis l'État vers les collectivités territoriales, pour que ces dernières puissent agir.

L'amendement n°110 n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté.

Article 10

M. le président.  - Amendement n° 37 de Mme Catherine Conconne et du groupe SER.

M. Jean-Jacques Michau.  - Mme Conconne aurait dû défendre cet amendement, mais elle connaît un malheur ; j'ai une pensée pour elle.

Fixer comme objectif l'atteinte de l'autonomie énergétique des zones non interconnectées (ZNI) en 2050 est nécessaire. Le terme de « tendre vers » n'est pas judicieux, nous préférons celui de « parvenir à ».

Les ZNI doivent par ailleurs disposer d'une boussole pour atteindre le cap fixé : il leur faut un document d'orientation.

M. le président.  - Amendement n° 84 de M. Yannick Jadot et alii.

M. Yannick Jadot.  - Il s'agit également d'adopter l'expression « parvenir à ».

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Sagesse sur l'amendement n°84, et avis défavorable à l'amendement n°37.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Le Gouvernement partage cet objectif et cette ambition pour les ZNI. Cependant, un document d'orientation et de programmation stratégique énergétique complexifierait le mécanisme d'adoption des PPE et relève, en outre, du niveau réglementaire. Retrait au profit de l'amendement n°84.

Sagesse sur l'amendement n°84.

L'amendement n°37 n'est pas adopté.

L'amendement n°84 est adopté.

(M. Yannick Jadot lève les bras en l'air en signe de victoire.)

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié de M. Claude Kern et alii.

M. Claude Kern.  - Depuis longtemps le Sénat demande à intégrer le potentiel de toutes les énergies de récupération de la chaleur dans nos objectifs. La valorisation énergétique des déchets, la récupération de la chaleur fatale des sites industriels, les datacenters ou le traitement des eaux usées sont des leviers en la matière. Les énergies de récupération doivent trouver toute leur place.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Cet amendement intéressant valorise la récupération de la chaleur, dans une logique d'économie circulaire. Avis favorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Dans ma circonscription de l'Ain, nous réalisons une récupération de chaleur du Cern (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) au profit d'un écoquartier à Ferney-Voltaire. Avis favorable.

L'amendement n°23 rectifié est adopté.

L'article 10, modifié, est adopté.

Article 11

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié bis de M. Henri Cabanel et alii.

M. Henri Cabanel.  - Le droit de l'Union européenne nous oblige à réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici à 2030. Nous blâmons souvent le Gouvernement pour surtransposition, mais ne nous plaçons pas non plus à rebours du droit européen.

La diminution de la captation du carbone par la forêt est un problème de taille. La SNBC misant sur une hausse de la capacité de stockage des forêts, il faut rééquilibrer l'équation en rehaussant les objectifs d'autres secteurs.

La baisse de nos objectifs à l'horizon 2030 n'est pas souhaitable. L'urgence climatique nous impose de trouver des solutions, par de rationaliser nos objectifs.

M. le président.  - Amendement n°85 de M. Yannick Jadot et alii.

M. Yannick Jadot.  - Pour rester dans le cadre des accords de Paris, nous devons atteindre la neutralité carbone en 2040 et atteindre 65 % de réduction en 2030. Rétablissons au moins l'objectif de 55 % en 2030 et revenons sur la formule « tendre vers », qui marque un affaiblissement de l'ambition.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Ces amendements visent à passer d'une réduction brute à une réduction nette de 55 % et à supprimer l'expression « tendre vers ». La formulation que nous avons retenue est issue de l'article 1er de l'avant-projet de loi Souveraineté énergétique. (M. Yannick Jadot s'exclame.) La Commission européenne n'y a rien trouvé à redire. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Les émissions liées à l'usage des terres et l'agroforesterie sont difficilement pilotables et incertaines. Nous devons conserver l'objectif de neutralité carbone en 2050. Des flexibilités sont possibles pour tenir compte des événements climatiques extrêmes, comme les feux de forêt. Avis défavorable.

L'amendement n°15 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°85.

M. le président.  - Amendement n°173 de MM. Alain Cadec et Patrick Chauvet au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement rédactionnel n°173 de la commission, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°6 de M. Mandelli au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis.  - Pour réduire nos émissions nettes, nous devons réduire les émissions brutes, mais aussi développer les puits de carbone. La planification doit être étendue à cet enjeu. Il s'agira notamment d'encourager l'agriculture de conservation des sols.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Sur le fond, le Gouvernement souscrit à votre objectif. Sur la forme, votre amendement ne s'insère pas correctement dans le texte. En outre, il est satisfait par l'objectif de neutralité carbone en 2050. Avis défavorable.

M. Yannick Jadot.  - Qu'il s'agisse des objectifs de réduction des émissions ou d'énergies renouvelables, je suis stupéfait de voir le Gouvernement aller contre le pacte vert européen. Ce n'est pourtant pas le sens de la campagne qu'a menée le parti présidentiel lors des élections européennes... On apprend par ailleurs que la France cède sur la finalisation de l'accord avec le Mercosur, dont nous connaissons pourtant les répercussions climatiques. C'est assez sidérant !

L'amendement n°6 est adopté.

L'article 11, modifié, est adopté.

Après l'article 11

M. le président.  - Amendement n°72 rectifié bis de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - À l'instar de Jean-François Longeot, président de la commission du développement durable, nous sommes attentifs à la situation des zones rurales. Le gaz liquide y est important, il faut donc être ambitieux en la matière.

Le biopropane et certaines innovations, comme les échangeurs à condensation de l'usine Sermeta de Morlaix, sont de bonnes solutions. Avec cette technologie, les consommations et les émissions sont extrêmement faibles. Il faut encourager le biopropane, pour alimenter à moindre coût les nombreuses zones rurales où la desserte électrique n'est pas adaptée.

Les amendements identiques nos102 rectifié ter et 107 rectifié ne sont pas soutenus.

M. Alain Cadec, rapporteur.  - Nous avons déjà prévu, à l'article 1er bis, un objectif de développement de solutions pour les foyers ruraux non raccordés aux réseaux d'électricité, de gaz ou de chaleur. Le gaz de pétrole liquéfié peut être promu par ce vecteur plus général. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°72 rectifié bis est retiré.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 16 octobre 2024, à 15 heures.

La séance est levée à minuit trente-cinq.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 16 octobre 2024

Séance publique

À 15 heures, 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente, M. Pierre Ouzoulias, vice-président

Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Véronique Guillotin

1. Questions d'actualité

2. Suite de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie, présentée par M. Daniel Gremillet, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Bruno Retailleau et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°643, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)