Régime d'indemnisation des catastrophes naturelles

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles (CatNat) à la demande de la commission des finances.

Discussion générale

Mme Christine Lavarde, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.) Je ne monte pas seule à cette tribune : je me fais la porte-parole des 203 autres sénateurs qui ont signé cette proposition de loi, et l'écho des sénateurs qui travaillent sur ce sujet depuis longtemps  - je pense notamment à la mission d'information animée par Michel Vaspart et Nicole Bonnefoy de 2019 qui avait débouché sur une proposition de loi adoptée ici à l'unanimité, reprise en partie à l'Assemblée nationale sous le nom de loi Baudu.

Ce texte comportait des avancées, notamment pour le retrait-gonflement des argiles (RGA), mais omettait la question de la soutenabilité financière du régime CatNat. J'ai donc réalisé un contrôle budgétaire sur ce thème, dont résulte cette proposition de loi.

Merci au président de la commission des finances, qui a demandé son inscription à l'ordre du jour, ainsi qu'aux membres des deux commissions. Aspects financiers et prévention : les deux sont liés.

Les chiffres font froid dans le dos : en 2023, plus de 2 milliards d'euros de primes CatNat ont été collectés, pour couvrir entre 1,6 et 3 milliards d'euros de dommages - tous n'ayant pas été évalués.

Ces montants sont très inférieurs au coût global des sinistres climatiques, soit 6,5 milliards d'euros, car certains biens, notamment ceux des collectivités locales, ne sont pas assurés par ce régime, comme l'observait Jean-François Rapin dans les conclusions de sa mission sur l'assurance des collectivités locales.

En 2024, la trajectoire est encore plus mauvaise : sur les six premiers mois, le coût de la sinistralité climatique augmente de 20 %. Depuis neuf années consécutives, le régime CatNat est en déficit - à hauteur de 703 millions d'euros en 2023.

Depuis 1982, date de sa création, le risque inondations, qui était le plus important, a laissé la place aux risques liés à la sécheresse, notamment le RGA, qui devrait augmenter de 40 % entre 2020 et 2050. C'est 1,4 milliard d'euros par an qu'il faudra trouver pour indemniser ce seul risque !

Nous avons ouvert toutes les pistes : fallait-il conserver ce régime, y inclure de nouveaux risques ? Nous devons conserver ce régime que de nombreux pays nous envient, car il partage les risques - à titre d'exemple, les outre-mer ne représentent que 1,8 % des primes, mais 10 % des indemnisations. Nous ne devons pas l'étendre aux grandes tempêtes, risque bien couvert par le régime grêle-neige-tempête.

L'article 1er assure l'équilibre financier du régime, grâce à une actualisation annuelle de la surprime en fonction de la sinistralité constatée dans le passé. Cela permettra d'éviter ce que nous subirons tous au 1er janvier 2025 : une hausse des surprimes de 12 à 20 %.

Autre axe majeur : l'équilibre entre les assurés et les assureurs. Nous avons trop lu d'articles sur le thème : « Les experts sont-ils honnêtes ? » Il fallait donc graver leur indépendance dans la loi.

Nous interdisons clairement la double franchise en cas de répétition d'un aléa de même nature  - la simple déclaration du ministre de l'économie à ce sujet posait en effet des problèmes d'application, faute de base juridique.

Enfin, nous nous sommes penchés sur le refus d'assurance. La rédaction actuelle, qui renvoie au Bureau central de tarification (BTC) est certes perfectible ; j'espère que les travaux de l'Observatoire des assurances, sous l'égide de la Caisse centrale de réassurance (CCR), porteront leurs fruits, notamment via le name and shame : nous verrons alors dans la navette si nous pouvons retirer l'article en question. En attendant, il fallait envoyer un message aux assurés comme aux assureurs, qui ne pourront se débarrasser des « mauvais risques ».

J'en viens à la construction et à la reconstruction. Un aléa naturel doit être l'occasion de rendre le bâti plus résilient, soit en renforçant les fondations des maisons, soit en autorisant une utilisation dérogatoire de l'indemnité dans les cas de RGA lorsque la reconstruction dépasse la valeur vénale du bien - sans parler de l'impact psychologique lorsqu'une maison a été rendue inhabitable.

Dernier volet : la prévention. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a introduit des dispositifs visant à établir une culture du risque chez les assurés. Nous avons prévu des outils financiers incitatifs.

À compter du 1er janvier 2025, 450 millions d'euros seront prélevés sur tous les assurés pour assurer la prévention des risques : nous devrons nous assurer que le budget prévoit bien des dépenses d'un même montant, conformément à la philosophie du fonds Barnier. On en est très loin ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI ; M. Michel Masset applaudit également.)

M. Jean-François Husson, en remplacement de M. Jean-François Rapin, rapporteur de la commission des finances .  - Cette proposition de loi traduit neuf des recommandations du contrôle budgétaire conduit par Christine Lavarde. Elle s'inscrit dans la continuité de la mission d'information conduite par Jean-François Rapin sur l'assurance des collectivités territoriales et de celle qu'il avait conduite avec Jean-Yves Roux sur les inondations de l'hiver dernier.

Cela fait plus de deux ans que la commission travaille sur ce sujet.

Les récentes inondations en Ardèche illustrent une fois de plus l'augmentation de la fréquence et de l'intensité des inondations due au changement climatique. La sinistralité liée à la sécheresse devrait, elle, exploser : 43 milliards d'euros entre 2020 et 2050, contre 13 milliards d'euros les trente années précédentes.

Jusqu'ici, le régime CatNat a fait montre de sa durabilité : la garantie de l'État a été appelée une seule fois, lors des tempêtes Lothar et Martin en 1999, tandis que le taux de couverture est de 97 % en métropole.

De nombreux pays nous l'envient, mais il est à bout de souffle. La provision pour égalisation de la CCR sera bientôt nulle ; le risque que la garantie de l'État soit mobilisée est donc réel. L'augmentation de la surprime le 1er janvier 2025 offrira une respiration au régime, mais au prix d'une plus grande taxation des assurés.

L'article 1er établit une revalorisation automatique de la surprime afin de la lisser dans le temps. Nous avons décalé la date de mise en oeuvre de la revalorisation au 1er janvier 2027 pour que les assureurs aient le temps de modifier leur système informatique.

L'article 2 supprime la possibilité d'appliquer de manière répétée la franchise d'assurance en cas de répétition d'un même aléa naturel : c'est une mesure de justice, déjà parfois appliquée, mais qui ne dispose pas de base légale. Nous avons assoupli le dispositif en supprimant la condition de même aléa naturel.

L'article 3 introduit une présomption de refus d'assurance pour motif d'exposition aux aléas naturels dans les zones les plus à risques. La saisine du BCT étant actuellement entravée, nous renversons la charge de la preuve : l'assureur devra motiver son refus pour d'autres raisons. L'archaïsme de la saisine du BCT a souvent été évoqué en audition ; nous avons donc proposé une saisine électronique.

L'article 4 conforte l'indépendance des experts, qui font face à une crise de confiance, faute d'encadrement. Indépendance capitalistique des sociétés d'expertise, déliaison entre les rémunérations et les résultats des expertises : cette ébauche de statut devrait y remédier et renforcer l'attractivité de la profession.

L'article 5 rétablit la liberté d'utilisation des indemnités en cas de sinistre lié au RGA et impose à l'assureur de notifier l'information au maire de la commune sous trois mois. Cela revient sur l'ordonnance du 20 février 2023 qui impose à l'assuré de les utiliser exclusivement pour réparer les dommages. Je souscris à l'objectif, mais je crains des fraudes. Il ne faudrait pas que les assurés effectuent des travaux superficiels avant de vendre le bien. Il faut donc maintenir l'affectation sauf deux exceptions : lorsque le coût de la réparation excède le prix de vente et lorsque le bien est inhabitable.

L'article 6 était peu opérationnel : le faible montant des franchises - 380 euros pour des habitations, 1 520 euros en cas de RGA - est peu incitatif. Nous l'avons supprimé, tout en insérant un article additionnel pour inclure, dans les rapports d'expertise, des préconisations de réduction de la vulnérabilité du bien, conformément au dispositif Mieux reconstruire après inondation (Mirapi).

L'article 7 crée un dispositif incitatif de soutien à l'acquisition de prêts pour la prévention des risques.

L'article 8 conditionne l'octroi de MaPrimeRénov' pour les logements les plus exposés à la réalisation de travaux de prévention. Question certes désagréable, mais pertinente, pour reprendre les mots de Jean-Marc Jancovici. Il n'y a pas lieu de subventionner la rénovation énergétique de biens qui pourraient disparaître en raison de catastrophes naturelles.

L'article 9 étend le champ du fonds Barnier à la réalisation d'études relatives au RGA - qui concerne la moitié des logements individuels. En revanche, si le recul du trait de côte est un problème majeur, l'intégrer au régime CatNat poserait problème : nous l'en avons retiré. 

Ce texte est un vrai progrès : il apporte une réponse aux enjeux actuels, tout en préparant l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Entre 2020 et 2025, la sinistralité liée aux catastrophes naturelles devrait augmenter de 47 % : les inondations se multiplient, la vie de nos concitoyens est déstabilisée. Notre commission avait adopté en septembre à l'unanimité les conclusions de la mission d'information de Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin à ce sujet.

Le phénomène de RGA est de plus en plus présent. Si nous voulons continuer à traduire dans la réalité le principe constitutionnel de solidarité et d'égalité devant les charges qui résultent des calamités nationales, nous devons adapter le régime CatNat. Tel est le sens de ce texte.

Les apports de notre commission se sont concentrés sur le volet prévention des risques : notre résilience ne pourra être pleinement acquise que par l'incubation progressive d'une culture du risque.

À la source d'abord, à l'école, dans la continuité de la loi Climat et résilience, qui a instauré un objectif d'éducation en matière environnementale. L'article 11 s'inscrit dans cette logique. Le cadre scolaire me semble propice à la prise de conscience.

Il faut aussi renforcer la culture du risque au moment de la cession de terrain. Depuis la loi Elan, l'étude géotechnique G1 est obligatoire en cas de RGA, mais elle se limite parfois à un plagiat des données nationales réalisé par des professionnels peu scrupuleux. Au stade de la construction, le particulier a le choix entre recourir à une étude G2 et suivre des prescriptions minimales qui se révèlent insuffisantes. L'article 10 rend donc l'étude G2 obligatoire. Cette mesure aura un coût, mais qu'il faut comparer avec la valeur du sauvé.

Pour les ménages les plus modestes, j'appelle de mes voeux une prise en charge par la solidarité nationale.

Lors d'une vente ou d'une location, l'habitant doit connaître les risques : l'article 12 fait figurer le RGA dans les informations obligatoires.

L'article 8 bis indique que l'Agence nationale de l'habitat (Anah) prend en compte la prévention des risques, pour plus de cohérence entre atténuation du changement climatique et adaptation à ses effets,

Enfin, le conditionnement de l'octroi de MaPrimeRénov' ne doit pas être un frein aux travaux de rénovation : un rapport du Gouvernement devra l'évaluer. Je sais que cela fait débat, mais c'est une solution adaptée au contexte budgétaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée chargée de l'économie sociale et solidaire, de l'intéressement et de la participation .  - L'actualité nous rappelle combien ce sujet est central. Aux quatre coins du pays, le changement climatique entraîne une multiplication des aléas. Je rends hommage à toutes les victimes, particuliers, collectivités et entreprises, que j'assure de la solidarité du Gouvernement. Je rends aussi hommage aux élus locaux et aux agents publics venus en aide aux victimes.

Notre pays dispose d'un outil efficace : le régime CatNat, géré par la CCR et qui repose sur les principes de responsabilité, de solidarité et d'équité - c'est la solidarité nationale en actes. Pas moins de 3,5 millions de sinistrés ont été pris en charge depuis sa création et 56 milliards d'euros ont été décaissés. C'est une fierté pour notre pays.

Ce système doit être sanctuarisé et renforcé. Dans le cadre de la loi du 21 février 2022, dite loi 3DS, une ordonnance a été prise en 2023 sur le péril RGA - que ce texte complète en renforçant la prise en charge. Un décret est en cours de préparation pour homogénéiser les expertises et raccourcir les délais.

Le Gouvernement a aussi détaillé par circulaire la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et les critères utilisés pour chaque péril - fruit d'un travail entre les services centraux et déconcentrés et les parlementaires.

Cette proposition de loi s'inscrit donc dans un contexte normatif dynamique. Notre régime CatNat est notre bien commun, pérennisons-le.

Le rapport Langreney sur l'assurabilité des risques climatiques a pointé trois limites : un équilibre financier fragilisé, la tendance à la non-assurance sur des territoires exposés, et l'insuffisance de la prévention pour les maisons individuelles.

Le Gouvernement a proposé un plan d'action en trois volets : une augmentation de la surprime de 12 % à 20 % au 1er janvier 2025, certes insuffisante, mais nécessaire ; un suivi de l'offre, notamment outre-mer, par un observatoire de l'assurabilité, annoncé cet été, et une cartographie des risques par le Gouvernement ; une amélioration de la prévention avec le plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) annoncé vendredi dernier par le Premier ministre et la ministre de la transition écologique - le fonds Barnier passera de 225 à 300 millions d'euros par an et le plan est soumis à la consultation du public pour deux mois. Participez-y.

Le Gouvernement a une conviction forte : il faut trouver un équilibre entre la soutenabilité du régime, le coût et l'équité. Nous sommes ouverts à la discussion, avec un objectif : mieux protéger les Français face aux catastrophes naturelles. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP et UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Cuypers .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe ma collègue de Seine-et-Marne Anne Chain-Larché à mes propos.

Rééquilibrer le régime CatNat est une priorité. Je remercie Christine Lavarde pour ses travaux et Jean-François Rapin pour sa contribution, dans la continuité de son rapport sur les inondations.

Cette proposition de loi doit être mise en oeuvre rapidement, notamment la création d'un Eco-PTZ pour financer les travaux de prévention. Voilà une mesure audacieuse : conditionner des aides MaPrimeRénov' à des travaux de prévention relève du bon sens !

Je salue l'augmentation du taux de la surprime en fonction des risques réels encourus. La garantie d'indépendance pour les experts est à saluer, tout comme l'extension du fonds Barnier aux études liées au RGA - à condition que le PLF suive.

Je soutiens donc cette proposition de loi, mais je m'interroge : le transfert de la compétence Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) aux EPCI est-il adapté ? Il y va de la protection civile, qui est un sujet régalien. Les intercommunalités manquent de moyens. Les régions et départements, dotés de plus de moyens financiers et techniques, ne sont-ils pas mieux placés ?

Il faut une stratégie pérenne contre les inondations, les crues et les phénomènes de ruissellement, en dépassant le morcellement des compétences, il faut assouplir les contraintes sur les travaux de curage.

Le code de l'environnement limite les périmètres d'action des collectivités et empêche l'entretien de nos cours d'eau. Le millefeuille administratif est un problème bien connu et les marges de manoeuvre des EPCI sont insuffisantes. Quel paradoxe : d'un côté, l'urgence climatique qui appelle des réponses rapides pour prévenir les catastrophes et, de l'autre, des délais administratifs hors du temps...

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Pierre Cuypers.  - La réactivité face aux crises doit devenir un réflexe. (Marques d'impatience à gauche, d'amusement à droite) Les maires doivent disposer des moyens nécessaires pour agir de manière préventive. (Mêmes mouvements)

M. le président.  - Il faut vraiment conclure.

M. Pierre Cuypers.  - L'histoire nous rappelle qu'il vaut mieux prévenir que guérir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nadège Havet .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Mon groupe adresse son soutien aux sinistrés des dernières inondations. Les dommages dépassent les 400 millions d'euros - sans parler de la détresse de ceux qui ont tout perdu.

Les sinistres augmentent, conséquence de risques climatiques accrus, comme dans le Finistère avec la tempête d'il y a un an. Les assureurs qui répondent aux appels d'offres des collectivités se font de plus en plus rares. Les périmètres de couverture réduits pénalisent les collectivités. Les conditions de réassurance sont durcies.

L'inquiétude des élus est grande, face à des difficultés insurmontables.

Le rapport d'Alain Chrétien, maire de Vesoul, et Jean-Yves Dagès, ancien président de Groupama, rendu en septembre dernier, propose une mutualisation du risque social exceptionnel. Nos outils contributifs doivent s'inscrire en phase avec la nouvelle donne climatique. Tel est l'objet du texte de Mme Lavarde, qui vise à améliorer le financement du régime, à mieux protéger les assurés et à renforcer la prévention.

En 1995, le fonds Barnier a été créé pour couvrir les risques non assurables par le seul secteur privé. Près de 2 milliards d'euros ont été engagés dans la dernière décennie, notamment au profit de travaux de prévention des inondations dans les écoles ou les Sdis de Guadeloupe et de Martinique. Son budget sera porté à 300 millions d'euros en 2025 - 75 millions d'euros de plus que l'année précédente.

Sans ce système, selon la localisation, les tarifs d'assurance varieraient de 1 à 30 - certains territoires ne seraient plus couverts. Le RGA implique de rééquilibrer le régime ; d'où la surprime portée à 20 % en janvier, qui générera 1,2 milliard d'euros supplémentaires.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable veut aller plus loin, avec une revalorisation annuelle.

Le recul du trait de côte a été retiré du fonds Barnier ; j'en comprends les raisons, mais nous ne pourrons faire l'économie d'une réflexion sur cette question. L'année dernière, l'état de catastrophe naturelle n'avait pas été reconnu en Bretagne, alors que les dégâts étaient considérables.

Notre groupe accueille ce texte favorablement. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et sur quelques travées du groupe INDEP ; Mme Christine Lavarde applaudit également.)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI ; M. Jean-François Husson applaudit également.) Notre régime CatNat est à bout de souffle, c'est un secret de polichinelle. Plus d'aléas climatiques exigent plus de moyens, dans la continuité de notre modèle, protecteur et précieux, sans équivalent en Europe, sinon en Espagne. Grâce à lui, 97 % des Français sont couverts, contre 5 % en Italie.

À Lourdes, les habitants ont obtenu 100 millions d'euros, et les professionnels de l'hôtellerie, 150 millions.

Ce texte renforce le régime, mais il faut faire de la prévention avant tout. L'équilibre du système ne peut se contenter de la revalorisation de la surprime. Nous serons attentifs à la revalorisation du fonds Barnier dans le PLF ; le déséquilibre atteignait 73 millions d'euros l'année dernière, cela ne peut plus durer ! Le Gouvernement annonce 300 millions d'euros en 2025 : c'est insuffisant.

Les collectivités doivent avoir les moyens d'agir, or on leur demande 5 milliards d'euros d'économie et l'on ampute le fonds Vert de 1,5 milliard d'euros. Or la stratégie pluriannuelle des financements de la transition climatique, publiée par Bercy, recommande d'accroître les dépenses publiques pour atteindre nos objectifs climatiques.

Notre groupe défendra un amendement pour une reconstruction plus rapide des biens des collectivités locales endommagés par une catastrophe naturelle, dans une logique de résilience et d'adaptation.

Dans les Hautes-Pyrénées, j'ai mesuré le traumatisme des victimes confrontées aux procédures pour la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, véritable parcours du combattant. Nous devons être plus clairs, plus simples, plus rapides pour indemniser. Nos mots d'ordre : prévention, investissement, simplification, solidarité, adaptation.

Je remercie Christine Lavarde pour son travail ; nous voterons cette proposition de loi que nous avons largement cosignée. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)

Mme Jocelyne Antoine .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean-François Husson applaudit également.) Pensons aux victimes frappées par les récentes inondations : des vies bouleversées, des commerces et souvenirs emportés, des territoires profondément meurtris. À tous ceux dont le travail d'une vie a été parfois réduit à néant, j'adresse mes pensées les plus sincères et solidaires.

La proposition de loi de Christine Lavarde arrive à point nommé. Il est impératif de mieux protéger nos concitoyens.

Les aléas naturels ont quintuplé depuis les années 1970, sous l'effet du réchauffement climatique. Le RGA et les inondations ne cesseront d'augmenter.

Face à ces risques, la solidarité nationale est essentielle, car elle vise non seulement à renforcer l'indemnisation, mais aussi à développer la prévention.

Nous encourageons la mise en place d'un mécanisme de revalorisation automatique de la surprime. Partageant le constat d'une crise de confiance entre assurés et compagnies d'assurances, nous soutenons la suppression de l'application de la franchise multiple et l'instauration d'une présomption de refus d'assurance dans les zones les plus à risques. Nous sommes favorables au renforcement des garanties d'indépendance des experts spécialistes des catastrophes naturelles.

Nous soutenons également l'obligation de faire figurer des préconisations de réduction de vulnérabilité dans le rapport d'expertise.

Enfin, nous sommes favorables aux deux exceptions aux principes d'affectation de l'indemnité d'assurance.

L'indemnisation des catastrophes naturelles est indissociable de la prévention des risques. Notre capacité à résister aux catastrophes naturelles à long terme repose sur la généralisation de la culture du risque : le PTZ pour financer des travaux de rénovation est nécessaire, de même que l'extension du fonds Barnier à des études pour travaux de prévention.

Nous soutenons la position de la commission sur le conditionnement de MaPrimeRénov' à des travaux de prévention des risques. Comme les rapporteurs, nous souhaitons promouvoir une véritable culture du risque - je salue à ce titre le travail de Pascal Martin, qui défend la prise de conscience de la réalité des risques, aussi bien dans les écoles primaires que dans la réalisation des études géologiques du sol lors de la cession d'un terrain. La prise en compte du risque dans les missions de l'Anah est une mesure de bon sens.

Il est urgent d'améliorer l'assurance en matière de catastrophes naturelles ; les réponses du texte sont convaincantes : pérennité du régime d'indemnisation, rééquilibrage des relations entre assurés et assurances, incitation à la prévention, réduction de la vulnérabilité du bâti, promotion d'une culture du risque. Ce texte tire les conséquences des difficultés rencontrées par les populations sinistrées dans les territoires, même si nous serons plusieurs fois obligés de remettre l'ouvrage sur le métier. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Claude Varaillas .  - À mon tour, j'apporte mon soutien aux populations et aux collectivités territoriales confrontées aux inondations d'octobre. Je salue les forces de l'ordre et de sécurité, ainsi que la solidarité des habitants.

L'adaptation, essentielle, n'est qu'un palliatif : elle ne contribuera pas à maintenir la vie dans les territoires menacés. Depuis novembre 2023, plus de 200 communes du Pas-de-Calais et plus de 450 000 habitants ont subi trois épisodes d'inondation d'une violence inouïe. Chaque semaine, les habitants se démènent et constatent, impuissants, les carences du système assurantiel : délais, difficulté à justifier les pertes, franchises... Au bas des contrats, ils lisent des petites clauses contenant de grandes exclusions. Les pouvoirs publics doivent souvent le rappeler aux assureurs.

Il n'y a pas de civisme assurantiel : après les épisodes climatiques majeurs, ils augmentent les tarifs : une augmentation de 115 euros dans le Pas-de-Calais ! Sans oublier le quasi-doublement de la prime CatNat le 1er janvier prochain, qui atteindra 40 euros en moyenne.

Or vous proposez l'augmentation annuelle des surprimes CatNat. Cette proposition de loi est fondée sur la logique du chacun pour soi, la responsabilité individuelle supplante la responsabilité des assureurs. La collectivisation du risque climatique se heurte à la préservation de leur rentabilité. Aucune contribution nouvelle ne leur est demandée, hormis de ne pas multiplier les franchises pour un même événement climatique.

Voilà la philosophie de ce texte ! Du reste, Christine Lavarde critiquait la proposition de loi de Sandrine Rousseau au motif qu'elle créait un équilibre défavorable aux assureurs. En somme, la protection des assureurs plutôt que des assurés ! Pourtant, vous êtes la même à avoir dit, le 8 octobre dernier, que la réduction de la dette écologique devait être réalisée également par le secteur privé. À l'époque, j'avais beaucoup apprécié votre déclaration. (Mme Christine Lavarde la remercie.)

Pourquoi ne pas mettre à contribution les assureurs pour accroître le financement du fonds Barnier et assurer sa soutenabilité ? Sortons ce fonds du budget de l'État en le finançant par des surprimes et recentrons-le sur le rachat des biens menacés. C'était le sens de mon amendement qui a été déclaré irrecevable.

C'est loin d'être une proposition de loi systématique, majeure et ambitieuse. Si la loi Baudu était imparfaite, celle-ci n'y apporte pas plus de solutions.

L'éco-PTZ, peu rentable donc peu distribué par les banques, n'est pas attractif pour les citoyens au regard d'autres dispositifs de financement.

Les collectivités territoriales sont absentes du texte - je le regrette d'autant que 1 500 d'entre elles ont des difficultés à trouver un assureur.

Malgré certaines améliorations, ce texte reprend des recettes inefficaces et repousse à demain les réformes que notre modèle assurantiel exige aujourd'hui pour se préparer à l'intensification des aléas climatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Lucien Stanzione applaudit également.)

Mme Ghislaine Senée .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je salue la qualité des travaux du Sénat face à la multiplication des fléaux. Après deux années de sécheresse, d'interminables inondations frappent nos territoires. Or la CCR est déficitaire de 83 millions d'euros en 2023 et elle devra sans doute solliciter la garantie de l'État d'ici la fin de l'année. La mise en place d'un mécanisme de revalorisation s'impose donc.

Le précédent gouvernement a décidé, par décret, de porter le taux de la surprime CatNat de 12 % à 20 % au 1er janvier 2025, les recettes passant de 1,9 à 3,2 voire 3,7 milliards d'euros.

Au printemps dernier, le Sénat a rejeté la proposition de loi Rousseau, sous prétexte qu'elle coûterait bien trop cher aux assureurs. Ici, vous inversez la vapeur, sans améliorer la prise en charge des dommages.

Vous décidez de faire porter la charge de la sinistralité aux seuls assurés. Or le réchauffement climatique est davantage dû aux pollueurs, aux capitalistes, aux extracteurs ! (M. Jean-François Husson ironise.)

La hausse du produit de la surprime - 450 millions d'euros en 2025 -doit être affectée au fonds Barnier, mais également à un fonds spécifique pour le risque de RGA, qui provoquera le plus de dommages dans les prochaines années.

Si ce texte nous laisse songeurs, saluons le travail des commissions et des deux rapporteurs, qui se sont employés à préciser et encadrer le périmètre autant que possible.

Nous soutenons les dispositions qui réduisent les doubles franchises pour les assurés, assurent la transparence de l'expertise et promeuvent la prévention et la culture du risque.

Nous espérons pouvoir rééquilibrer le texte afin de protéger davantage les sinistrés. Je rends également hommage aux maires qui déploient toute leur énergie pour aider leurs administrés.

L'article 5 donne plus de liberté sur l'utilisation des indemnités d'assurance. Mais que faire des maisons abandonnées si les habitants utilisent leur indemnité pour déménager ? (Mme Christine Lavarde acquiesce.) Les maires savent combien la charge d'une maison abandonnée est lourde. Le Gouvernement doit répondre clairement : faut-il céder la maison à titre gratuit et le fonds Barnier servira-t-il à la démolition du bâti ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Éric Bocquet et Jean-Luc Brault applaudissent également.)