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Table des matières
Futur accueil d'une délégation
Avenir du modèle départemental
M. Michel Barnier, Premier ministre
Effort budgétaire demandé aux collectivités territoriales (I)
M. Michel Barnier, Premier ministre
Effort budgétaire demandé aux collectivités territoriales (II)
M. Michel Barnier, Premier ministre
Insécurité dans les petites villes
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur
Effort budgétaire demandé aux collectivités territoriales (III)
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation
M. Michel Barnier, Premier ministre
Scolarisation des enfants à Mayotte
Mme Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale
Effort budgétaire demandé aux collectivités territoriales (IV)
M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics
M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi
Finances des collectivités territoriales
M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics
Retraite des sapeurs-pompiers volontaires
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur
M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports
Violences faites aux élus (II)
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins
Surexposition des enfants aux écrans
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins
Commission d'enquête (Nominations)
Financement de la sécurité sociale pour 2025 (Suite)
Discussion des articles de la deuxième partie (Suite)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale
Modification de l'ordre du jour
Financement de la sécurité sociale pour 2025 (Suite)
Discussion des articles de la deuxième partie (Suite)
Mise au point au sujet d'un vote
Discussion des articles de la deuxième partie (Suite)
Article 8 (Réservé jusqu'avant l'article 11)
Ordre du jour du jeudi 21 novembre 2024
SÉANCE
du mercredi 20 novembre 2024
21e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président
Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Catherine Conconne.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
M. le président. - Le Président du Sénat ne peut présider notre séance car il intervient cet après-midi devant le Congrès des maires et présidents d'intercommunalité de France. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et sur quelques travées du groupe SER)
Futur accueil d'une délégation
M. le président. - Nous accueillerons demain, dans notre tribune, dans le cadre de la semaine européenne de l'emploi pour les personnes en situation de handicap, une soixantaine de duos constitués de nos collègues, de collaborateurs ou membres du personnel et de personnes en situation de handicap pour leur faire découvrir le fonctionnement de notre institution et nos métiers.
Le Sénat est pleinement mobilisé pour l'inclusion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail, notamment au travers de ces journées d'échanges qui constituent un moment privilégié pour changer de regard et, ensemble, dépasser les préjugés. (M. Michel Savin applaudit.) Je remercie chaque sénateur, sénatrice, fonctionnaire, contractuel et collaborateur de sa participation à cette journée.
M. Michel Savin. - Très bien !
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Avenir du modèle départemental
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe SER) Fidèle à la Constitution, le Sénat est la maison des collectivités locales, ouverte toute l'année à tous les élus qui maillent le territoire, en métropole, en outre-mer, ou à l'étranger. En cette semaine du Congrès des maires, ils garnissent nos tribunes, et c'est un honneur de les recevoir. Je vous salue tous autant que vous êtes.
Sur les bancs du Sénat, nous défendons les communes, les intercommunalités, les départements, les régions. Nous travaillons pour répondre à leurs besoins : un statut, un cadre simplifié pour l'exercice de leurs compétences, une clarification des règles d'autonomie financière.
Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré à Angers que « le modèle départemental est arrivé jusqu'à ses limites ». Pouvez-vous en dire plus sur votre « projet d'instance de pilotage partagée » ?
Les départements jouent un rôle de bouclier social. Ils investissent de plus en plus pour aider nos concitoyens - y compris les agriculteurs qui lancent en ce moment un appel de détresse.
Pour le RDSE, le département ne doit pas être la variable d'ajustement des défaillances de l'État. Si partenariat il y a, il devra s'inscrire dans un contrat de confiance. Idem pour les relations entre l'État déconcentré et les communes, garantes de la cohésion des territoires. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)
M. Michel Barnier, Premier ministre . - Je m'associe à l'hommage rendu aux élus locaux, acteurs et sentinelles de la République. Je me réjouis que le Président Larcher porte ce même message de soutien au Congrès des maires.
Je n'ai rien oublié de ce que j'ai appris pendant les dix-sept années où j'ai présidé le conseil général de la Savoie, à travailler au quotidien avec les maires. Je l'ai dit à Angers, je pense que le modèle départemental est à bout : les conseils départementaux se sont transformés en distributeur de subventions obligatoires - collèges, action sociale - et sont devenus malgré eux des opérateurs de l'État. Or le destin des départements n'est pas d'être sous-traitant de l'État. Ils assurent la cohésion sociale et territoriale.
C'est pourquoi nous bâtirons, avec Catherine Vautrin, un contrat de confiance partagé, coconstruit, et non imposé d'en haut - qui offre de la visibilité sur plusieurs années aux départements et aux communes.
Nous améliorerons la copie, avec les maires et avec le Sénat.
Vous avez évoqué d'un mot le monde agricole, qui souffre. Annie Genevard s'attache à répondre à la colère et aux inquiétudes des agriculteurs. Nous tenons tous les engagements pris par Marc Fesneau. Au-delà, nous complétons les fonds pour faire face à la fièvre catarrhale ovine (FCO) ainsi que les dispositifs de prêts bonifiés, car les agriculteurs ont besoin de trésorerie.
Nous irons très loin en matière de simplification et de déconcentration. À raison, les agriculteurs nous demandent de regarder une par une l'application des normes européennes en France. Preuve est faite que, depuis vingt ans, nous avons surtransposé. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE ; M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.) Cela crée une concurrence déloyale pour nos propres entreprises. Le Parlement devra se saisir de cette question, de manière « bicamérale » ; il faudra tout expertiser et mettre fin aux surtranspositions injustifiées. Nous nous y engageons. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)
Effort budgétaire demandé aux collectivités territoriales (I)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les maires de France devront-ils demain augmenter le prix de la cantine, ou réduire le grammage des repas distribués aux enfants ? (Soupirs exaspérés sur les travées du groupe Les Républicains)
En les privant des moyens nécessaires à l'exercice de leurs missions, les gouvernements successifs d'Emmanuel Macron ont détricoté, maille par maille, le contrat constitutionnel entre l'État et les collectivités. Votre Gouvernement s'inscrit dans cet engrenage, et l'aggrave avec une austérité budgétaire sans précédent qui ferait presque passer les contrats de Cahors pour acceptables ! On passe de l'illusion du ruissellement à l'assèchement total.
Les élus locaux ne sont pas dupes de vos astuces politiciennes. Ce n'est pas parce que les coupes budgétaires seront moins élevées qu'annoncées que nous les accepterons. Non à la baisse des moyens des collectivités, non à la fin de leur autonomie financière.
Affaiblir les communes est une faute politique. Ce sont des amortisseurs de crise, des investisseurs essentiels. Nous ne vous laisserons pas fracasser l'avenir de nos communes sur le mur de votre incurie budgétaire. (Exclamations indignées à droite)
Votre casse de la décentralisation risque de conduire à une crise non des gilets jaunes mais des écharpes tricolores ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. Michel Barnier, Premier ministre . - Monsieur le président Kanner, je vous ai connu plus mesuré. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI) Lors du 80e anniversaire de l'Assemblée consultative provisoire, ici même, j'ai émis l'espoir - utopique ? - que nous puissions, à son image, renouer avec le sens du respect (protestations à gauche), de la justesse, de la nuance - nuance hélas absente de votre question. (Exclamations indignées à gauche)
Je ne vous renverrai pas aux baisses de crédits pour les collectivités territoriales durant le quinquennat de François Hollande. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI) Ni au devoir d'humilité que doit nous inspirer cette dette que j'ai trouvée, et que j'essaye de gérer.
M. Hussein Bourgi. - La faute à qui ?
M. Michel Barnier, Premier ministre. - La faute à qui, précisément ? Une partie peut s'expliquer par la crise covid, mais, on le sait, cette dette s'accumule depuis au moins vingt ans. (On le conteste vivement à gauche) Elle coûte aujourd'hui près de 870 euros d'intérêts à chaque Français. Cela ne peut pas durer !
C'est un devoir de responsabilité que de l'assumer ensemble, un sujet d'intelligence nationale que de réduire la dette. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)
Vous croyez que cela me fait plaisir de proposer ce budget de freinage et de réductions ? Mais nous y sommes obligés, dans l'intérêt national ! (Clameurs à gauche)
M. Hussein Bourgi. - Cherchez les recettes là où elles sont !
M. Pascal Savoldelli. - Ce n'est pas un Premier ministre mais un président de groupe !
M. Michel Barnier, Premier ministre. - Nous devrions tous être un peu plus solidaires. (Murmures appuyés à gauche)
Ce budget n'est pas parfait - j'ai eu quinze jours pour le fabriquer ! J'ai dit dès le premier jour qu'il était améliorable. C'est ce que nous faisons. Avec le Sénat, nous allons réduire l'effort demandé aux communes et départements, car il n'était pas toujours juste.
M. Akli Mellouli. - Quelles recettes ?
M. Michel Barnier, Premier ministre. - Nous gérons ce budget dans l'urgence, dos au mur. Puis nous repartirons d'un nouveau pied, nous relèverons la ligne d'horizon, ensemble, pour les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI ainsi que sur quelques travées du RDSE)
M. Patrick Kanner. - Sous François Hollande, inflation zéro, équilibre des comptes, aucune atteinte à l'autonomie financière des collectivités. (Huées à droite, applaudissements sur les travées du groupe SER) Vous mettez à genoux les élus locaux... (Le brouhaha à droite couvre la voix de l'orateur, qui a épuisé son temps de parole ; applaudissements sur les travées du groupe SER)
Effort budgétaire demandé aux collectivités territoriales (II)
Mme Cécile Cukierman . - La baisse des dotations aux collectivités a toujours eu des conséquences sur l'investissement local. Au-delà des chiffres - l'effort de 5 milliards d'euros serait plutôt, selon certaines estimations, de 8,5 ou 9 milliards - que d'inquiétudes et d'incertitudes ! Les élus locaux qui, dans leur diversité, arpentent les allées du Congrès des maires, sont profondément inquiets : réduction du fonds vert, fragilité du financement des différentes strates de collectivités, équilibre des budgets communaux. Les entreprises, présentes au Congrès, s'inquiètent, elles aussi, des conséquences sur l'investissement local.
L'annonce de la réduction du taux et de l'assiette du FCTVA pénalisera toutes les collectivités qui investissent, des plus fragiles aux plus riches, à rebours de votre philosophie du partage de l'effort par tous. Cette mesure drastique est d'autant plus injuste qu'elle serait rétroactive. Quid des communes qui ont décidé un plan d'investissement il y a trois ou cinq ans ? Monsieur le Premier ministre, y renoncerez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)
M. Michel Barnier, Premier ministre . - Je vous remercie du fond, et du ton, de votre question. (On ironise sur les travées du groupe SER.) Je dis ce que je pense !
Je ne reviens pas sur les conditions dans lesquelles nous avons appelé tous les partenaires, en essayant d'être juste. Nous tenterons ici d'atteindre l'objectif, en intégrant les bonnes idées de l'Assemblée nationale, et d'améliorer l'équilibre final de ce budget. Mais nous devons réduire le déficit à 5 % du PIB l'année prochaine, c'est l'intérêt national.
Jamais je ne montrerai du doigt les collectivités territoriales, car elles sont nos partenaires. Je sais leurs efforts d'investissement, leur rôle vital pour la cohésion sociale et territoriale, en ce moment où la République est fragile. Voilà qui justifie l'effort sur le fonds de réserve.
Comme le demande également la majorité sénatoriale, nous reviendrons sur la rétroactivité de la mesure concernant le FCTVA, tout comme nous étalerons sur quatre ans au lieu de trois la hausse des cotisations employeurs à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
Puis viendra le moment où il faudra relever la ligne d'horizon, dans un contrat de confiance avec les collectivités territoriales : le contrat, plutôt que la contrainte. Eau et assainissement, ZAN, statut de l'élu, prévention des risques ou sécurité au quotidien - sujet qui a fait l'objet d'une circulaire de MM. Retailleau et Daragon aujourd'hui même - les chantiers sont nombreux.
Nous relèverons ces défis ensemble, avec les collectivités territoriales. Il y a tant de choses à faire pour améliorer la vie au quotidien ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
Insécurité dans les petites villes
M. Loïc Hervé . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Connaissez-vous Rumilly, en Haute-Savoie ? Dimanche, cette commune de 16 000 habitants a été le théâtre d'un nouveau drame. En plein après-midi, une bagarre générale entre deux bandes se solde par la mort d'un jeune de 17 ans, tué d'une balle ; un autre jeune est entre la vie et la mort. Je pense à leurs familles et au traumatisme pour les habitants et les élus de Rumilly.
L'enquête dira si l'affaire est liée aux trafics de stupéfiant. En tout état de cause, ce drame prouve que même nos petites villes n'échappent pas à l'hyperviolence. Les Français aspirent à la paix dans l'espace public.
En cette période de Congrès des maires, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour les soutenir dans leurs actions visant à préserver la sécurité et à prévenir les violences ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur . - Le constat est tragique : violence de plus en plus désinhibée, auteurs et victimes de plus en plus jeunes. Plus aucun territoire n'est épargné. Un jeune homme de 17 ans est décédé ; un autre, de 19 ans, est entre la vie et la mort. Je pense à leurs proches et à leurs familles.
Nous ne réglerons pas la question de l'hyperviolence avec des coups de menton, ou en un claquement de doigts. L'État ne pourra y répondre seul. J'ai demandé aux acteurs de la sécurité - préfets, police, gendarmerie - d'élaborer localement des plans d'action pour restaurer la sécurité publique. C'est un contrat : plus de liberté, contre des résultats. J'ai demandé qu'ils travaillent avec les élus locaux, dans un continuum de sécurité.
À Meaux ou à Metz, j'ai pu constater que, lorsque les élus se sentent concernés, qu'ils réunissent tous les acteurs dans des comités locaux de sécurité, qu'il y a de la vidéoprotection, une police municipale armée, il y a des résultats !
Paris ne sait pas tout. Il y aura autant de plans départementaux que de départements.
Mais la réponse devra être plus large : il faut restaurer l'autorité parentale et éducative, restaurer la discipline, le respect de l'autre et de la règle, le respect de la hiérarchie entre le jeune et l'adulte, entre l'élève et le maître. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Laure Darcos applaudit également.)
M. Loïc Hervé. - Les maires sont très actifs dans la prévention, en matière d'éducation ou de politique de la ville, mais aussi dans l'autorité publique, au travers de leur police municipale. L'État doit se tenir à leurs côtés : la police et la gendarmerie, mais aussi la justice. Merci d'aider Rumilly et toutes les communes de France face au défi de l'insécurité ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP)
Effort budgétaire demandé aux collectivités territoriales (III)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La responsabilité de la dette ne peut être imputée aux collectivités. Le PLF 2025 demandait initialement un effort de 5 milliards d'euros des collectivités territoriales. Ce chiffrage est contesté par tous : Charles de Courson l'évalue à 7,8 milliards d'euros, France Urbaine à entre 8,5 et 9 milliards, l'AMF à 8,7 milliards - 10,9 milliards si l'on ajoute le désengagement de l'État sur les programmes destinés aux territoires.
Tous craignent de voir disparaître des actions essentielles : prise en charge du RSA et des mineurs non accompagnés par les départements, services de la petite enfance pour les communes, transition écologique...
Même après les dernières annonces, le compte n'y est pas. Amateurisme ou insincérité, le résultat sera néfaste.
Ce Gouvernement sera-t-il celui de l'abandon des collectivités et des services au public ? Assumez-vous de mettre en péril les communes, piliers de la République, pour laver les péchés d'une politique budgétaire nationale coupable ? (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation . - À mon tour de saluer les maires qui assistent à cette séance de questions au Gouvernement.
Le Gouvernement est mobilisé pour travailler avec l'ensemble des collectivités : régions, départements et bloc communal. Le Premier ministre vous a répondu sur les départements, j'axerai ma réponse sur les communes.
Ce budget, dont on sait les conditions d'élaboration, et sur lequel travaille actuellement le Sénat - je remercie Jean-François Husson et Stéphane Sautarel - demandait initialement un effort aux communes dont le budget est supérieur ou égal à 40 millions d'euros, non bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine, et non concernées par la péréquation. Toutes les communes de France n'étaient donc pas concernées, sauf par le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), sur lequel le Premier ministre vous a répondu : il n'y aura pas de rétroactivité sur le FCTVA.
Nous répondons point par point, de façon à préserver la capacité d'investissement des collectivités. Les maires sont les premiers visages de la République. L'honneur du Gouvernement est d'être à leurs côtés pour répondre aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Jacques Panunzi. - Bravo !
M. Guy Benarroche. - Le dialogue entre État et collectivités prend des allures de rupture. Il s'agit de faire payer aux collectivités la politique fiscale à crédit d'Emmanuel Macron. La majorité sénatoriale est prête à lâcher les collectivités territoriales (« Oh ! » à droite ; applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER) au nom de la « responsabilité » et en prétextant des petites avancées que vous appellerez victoires. Le caractère récessif de ce coup de rabot condamnera nos collectivités à la décroissance.
M. Jacques Grosperrin. - Ça, c'est plutôt chez vous !
M. Guy Benarroche. - Ce serait déplacé, pour un Gouvernement mal né et qui mourra vite. (Huées à droite et au centre, l'orateur ayant dépassé son temps de parole ; le brouhaha couvre la fin du propos ; applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER.)
Zéro artificialisation nette
M. Mathieu Darnaud . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, depuis votre nomination, vous n'avez cessé de faire preuve de courage et d'audace (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; marques d'ironie à gauche) : caractère facultatif du transfert des compétences eau et assainissement, statut de l'élu, baisse de la participation des collectivités territoriales à la maîtrise des finances publiques - mais aussi zéro artificialisation nette (ZAN). Celui-ci se heurte à une crise sans précédent du logement, à la volonté des élus d'accueillir de l'activité économique sur leurs territoires et à leur désespérance de ne plus pouvoir être des maires bâtisseurs.
Un travail collégial du Sénat, grâce à Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier, a produit une proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, dite Trace (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC), qui propose des dispositions opérationnelles (M. Akli Mellouli proteste) tout en respectant les efforts de sobriété foncière et les mesures climatiques.
Êtes-vous prêt à la soutenir ? Peut-on espérer une pause dans la mise en application du ZAN ? Au chemin tortueux du ZAN, préférons la trace sénatoriale ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, UC et INDEP)
M. Michel Barnier, Premier ministre . - J'aime bien les mots de chemin, de trace... Dans mon pays de Savoie, nous savons ce qu'est une trace durable, et nous aimons les chemins, même escarpés - et je ne parle pas du rôle de Premier ministre. (Sourires)
Dans le long parcours qui est le mien, dont attestent mes cheveux blancs, j'ai été président de département et ministre de l'environnement et de la prévention des risques. Nous ne renoncerons pas à l'objectif de sobriété foncière ni de maîtrise des risques liés à l'excessive artificialisation des sols. (Marques de satisfaction à gauche) Je n'oublie pas les catastrophes auxquelles nous avons dû faire face et qui se répètent chez nos voisins et amis. N'ayons pas la mémoire courte ! Les maires sont toujours en première ligne.
Ni les espaces ni les ressources naturelles ne sont inépuisables ou gratuits. Je sais que vous avez le même état d'esprit dans votre région. (On en doute sur les travées du GEST.)
Mais il est vrai que la réglementation enserre les maires dans un carcan qui les empêche d'être des bâtisseurs.
Il est possible de trouver un chemin, une trace, entre ces deux objectifs qui ne sont pas contradictoires. Je remercie Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc de leur proposition de loi : nous la soutiendrons. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Nous devons nous assurer que l'objectif reste effectif, mais aussi partir davantage de la réalité des besoins et du dialogue avec chaque territoire. (Marques d'ironie sur les travées du GEST)
Avec Catherine Vautrin, nous prendrons avant cela plusieurs dispositions pour gagner en souplesse ; les préfets se saisiront de la circulaire dite des 20 % qui donne des marges supplémentaires aux collectivités territoriales. (M. Guillaume Gontard s'exclame) ; nous modifierons les décrets pour que les jardins pavillonnaires ne soient plus considérés comme des surfaces artificialisées (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) ; nous prendrons enfin en compte les projets d'envergure nationale et européenne. Je veillerai à ce que les préfets soient informés d'un changement prochain de la loi pour que les décisions futures soient prises en bonne intelligence avec les maires...
M. Guy Benarroche. - Elle sera rétroactive ?
M. Michel Barnier, Premier ministre. - Je me réserve la possibilité de prendre toutes les mesures réglementaires en ce sens.
Nous pourrions enfin changer le nom du dispositif - ce serait la trace du Sénat, le symbole d'un nouvel état d'esprit. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également ; M. Guillaume Gontard proteste.)
M. Mathieu Darnaud. - Merci de ces réponses qui sont autant d'encouragements. Suivre cette trace, c'est redonner à la France communale un souffle dont elle a grand besoin ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP.)
Scolarisation des enfants à Mayotte
M. Saïd Omar Oili . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Les chiffres de l'enseignement scolaire à Mayotte parlent d'eux-mêmes : 20 % d'élèves en plus inscrits dans le primaire entre 2019 et 2023 ; déficit de 1 200 places à ce jour ; 55 % des élèves ne disposant que de deux jours d'enseignement par semaine, l'école étant par rotation ; 92 % des élèves privés de repas chaud le midi ; entre 6 000 et 10 000 enfants non scolarisés, soit 9 % de la tranche d'âge. Cela pourrait bien expliquer la progression de la délinquance juvénile, notamment les caillassages de bus scolaires ou les tentatives d'incendie d'établissements qui forment le quotidien des Mahorais. Hier matin encore, un bus de 37 élèves a été caillassé à Mamoudzou !
Quelles mesures d'urgence prendrez-vous pour lutter contre cette situation intolérable ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale . - En cette période budgétaire, rappelons que notre école républicaine n'est jamais une dépense, mais un investissement pour l'avenir, à Mayotte comme ailleurs. Ce matin, au congrès des maires, M. Soumaila, maire de Mamoudzou, m'a expliqué qu'avec 10 000 naissances par an sur l'île, il faudrait construire à terme une nouvelle salle de classe par jour, et qu'il en manquait 300 pour que chaque enfant mahorais puisse aller à l'école !
La réponse de l'État est claire : il faut construire. Plus de 500 millions d'euros seront mis sur la table pour Mayotte d'ici à 2027 pour le bâti scolaire, dont 138 millions dès 2025. Cela permettra d'accueillir 14 000 élèves en plus.
Il faut aussi des professeurs devant chaque élève - ils sont actuellement 15 000, sur 19 000 agents de l'éducation nationale - avec des moyens de formation.
Mais il faut aller plus loin, et nous serons à vos côtés. Personne ne doit être laissé au bord de la route. Les jeunes Mahorais ont droit comme les autres à la promesse républicaine. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Effort budgétaire demandé aux collectivités territoriales (IV)
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Les élus locaux sont très inquiets : 2 000 maires ont démissionné depuis 2020, dont beaucoup n'ont pas achevé leur premier mandat. Les autres hésitent à se représenter. Avec l'inflation normative, la compensation à l'euro près, la baisse de l'autonomie financière, ils ont des raisons. Alors qu'ils doivent présenter des budgets à l'équilibre, ils ont été désignés, l'été dernier, comme responsables du déficit catastrophique de notre pays.
L'évolution de la DGF et les conditions d'attribution du FCTVA les inquiètent, comme le fonds de réserve abondé par les prélèvements sur leurs recettes.
Or les élus, premiers investisseurs publics, portent à bout de bras notre économie et font face à la transition écologique. Les sommes prélevées seront-elles bien restituées aux mêmes collectivités au 1er janvier 2026 ? Ne s'agit-il pas d'un fonds de péréquation déguisé ?
Ce mécanisme ne sera-t-il pas étendu à d'autres collectivités territoriales en cas de dégradation supplémentaire des finances publiques ?
Chacun doit contribuer aux efforts, mais il ne faut pas pénaliser les plus vertueux. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics . - Le Premier ministre et Mme Vautrin ont déjà largement répondu. Pourquoi demandons-nous une contribution aux collectivités territoriales ? Parce que l'état des finances publiques exige une participation de toutes les personnes publiques. D'abord par la baisse de la dépense publique...
M. Jean-François Husson. - Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - ... mais l'effort doit être juste et proportionné. Il est de 20 milliards d'euros pour l'État, de 15 milliards d'euros pour la sécurité sociale, et nous demandions initialement 5 milliards d'euros aux collectivités territoriales - mais nous allons retravailler le texte.
La contribution des départements sera considérablement réduite, avec une annulation du caractère rétroactif de leur FCTVA.
Les mécanismes du fonds de précaution seront revus et aucune nouvelle collectivité ne sera concernée. Quant au retour des fonds aux collectivités, il aura lieu, car il s'agit bien d'un fonds qui leur est destiné. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Mme Laure Darcos. - J'espère que c'est bien à chaque collectivité que l'argent reviendra. En cette semaine de Congrès des maires, il faut être à l'écoute de leur détresse. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Violences faites aux élus (I)
M. Antoine Lefèvre . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Saint-Brevin-les-Pins, Pibrac, La Chapelle-Neuve, Saint-Pierre-des-Corps, Châtenois-les-Forges, Dizimieu, Chéry-Chartreuve : sept communes parmi les 1 300 dont les maires ont démissionné, usés par les menaces, les insultes, les attaques physiques.
Dans la Creuse, un homme a été condamné en juin dernier après avoir déclaré à son maire : « une mairie, ça brûle bien. » Le mois dernier, un député a reçu des injures et un coup de poing dans le ventre alors qu'il faisait les courses avec sa fille.
Selon une récente étude sur la santé mentale des maires, 83 % d'entre eux estiment que leur mandat est usant pour leur santé et près de la moitié songe à démissionner. Leur santé mentale est alarmante.
Vous avez annoncé une nouvelle circulaire à l'attention des procureurs afin de lutter contre ces violences.
La loi de mars dernier a renforcé le dialogue entre les collectivités territoriales et les parquets. Mais les résultats ne sont pas à la hauteur.
Quelles sont vos pistes pour assurer la sécurité de nos élus ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
M. Jacques Grosperrin. - Très bien !
M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice . - La lutte contre les atteintes aux élus est une priorité et le restera. Attaquer des élus, c'est attaquer la République. C'est insupportable et cela mérite une réponse extrêmement ferme.
Un certain nombre de circulaires ont été publiées par mon prédécesseur. J'entends poursuivre son action.
La loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la proximité des maires et élus locaux a élargi le spectre des atteintes aux élus en incluant les candidats, en aggravant certaines durées de peines et en parachevant les mécanismes juridiques d'information des élus.
Les procureurs s'emparent du sujet, comme les juridictions. La réponse pénale doit être ferme.
Nous avons adressé aux procureurs généraux un modèle de protocole relatif aux relations entre parquets et maires. Je souhaite évaluer les mesures prises avant de renforcer notre action, en me nourrissant des remontées de terrain.
Soyez assuré de ma pleine mobilisation et de celle de la justice pour que les menaces contre les élus soient sanctionnées avec la plus grande fermeté. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe Les Républicains)
M. Antoine Lefèvre. - Il est indispensable que chaque tribunal soit doté d'un référent. Les élus ne veulent plus être des gladiateurs prêts à descendre dans la fosse aux lions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)
CNRACL
M. Hervé Gillé . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) C'est la double peine pour les communes et les employeurs territoriaux et hospitaliers. Monsieur le Premier ministre, vous avez affirmé vouloir redonner de l'oxygène aux collectivités, mais avec la hausse brutale de 12 points, sur trois ans, du taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), vous faites l'inverse : vous les asphyxiez ! Comment justifiez-vous une telle contradiction ? Toutes les collectivités et leurs groupements seront touchés. Aucune compensation par l'État. Aucune concertation : c'est une décision unilatérale du Gouvernement.
Les Sdis risquent de se trouver privés des moyens nécessaires à l'exercice de leurs missions - plus de 9 millions d'euros, sur trois ans, pour le Sdis de la Gironde.
Rétablissez un véritable dialogue avec les collectivités territoriales avant qu'il ne soit trop tard ! (Applaudissements à gauche)
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi . - Nous préemptons le débat sur l'article 40 du PLFSS. J'en profite pour saluer le travail de concertation mené par la rapporteure générale Élisabeth Doineau et le président Philippe Mouiller.
La CNRACL est très gravement déficitaire : 2,8 milliards d'euros en 2024 ; 10 milliards d'euros en 2030 - sur les 14 milliards d'euros de déficit de toute la branche vieillesse. Son redressement est impératif.
En septembre, une mission a émis des recommandations beaucoup plus dures que nos propositions. Le Premier ministre a choisi de lisser l'augmentation sur quatre ans plutôt que trois ; d'où l'amendement de la rapporteure générale. Nous discuterons des autres recommandations de la mission avec les collectivités.
C'est ensemble que nous devons relever ce défi.
M. Hervé Gillé. - Le lissage ne répond pas aux attentes des associations d'élus : abandon de la réforme et concertation, voilà ce qu'elles réclament ! Pourquoi en sommes-nous là ? Parce que la CNRACL a versé au total plus de 100 milliards d'euros à d'autres caisses ! Ce n'est pas aux collectivités de payer. Monsieur le Premier ministre, soyez équitable. (Applaudissements à gauche)
Finances des collectivités territoriales
M. Stéphane Sautarel . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.) Les communes, heureusement ! C'est le thème du 106e Congrès des maires. Je dirais : le bloc territorial, heureusement !
Les collectivités territoriales ne représentent que 19 % de la dépense publique totale - contre 34 % en Europe - , alors qu'elles réalisent 70 % de l'investissement public et ne portent que 8 % de la dette publique.
Certes, chacun doit contribuer à l'effort de redressement des comptes publics, mais cet effort doit être juste et soutenable. La priorité est de garantir l'épargne des collectivités.
Avant d'engager les réformes structurelles de la fiscalité locale, de la DGF et du desserrement bureaucratique, voilà trois engagements que vous pourriez prendre sur-le-champ pour rassurer les collectivités.
D'abord, réduire de 5 à 2 milliards d'euros l'effort demandé aux collectivités, l'alléger pour les départements et les communes, et le supprimer pour les communes rurales.
Ensuite, supprimer toute mesure rétroactive - je pense notamment au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
Enfin, et surtout, renoncer à capter l'épargne des collectivités territoriales, tout en la gelant pour partie dans leurs comptes. Il faut revoir le fonds de précaution, en faisant confiance aux collectivités.
Des amendements en ce sens au PLF pourraient éviter un black-out territorial et amorcer le contrat de confiance souhaité par le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)
M. Jean-François Husson. - Bravo !
M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics . - Merci pour votre engagement depuis plusieurs semaines afin que nous trouvions ensemble un compromis sur la juste contribution des collectivités territoriales.
Nous allons réduire l'effort des collectivités, conformément aux engagements pris par le Premier ministre auprès des départements et pour tenir compte du lissage annoncé concernant la CNRACL.
Je vous confirme une nouvelle fois que nous reviendrons sur la rétroactivité concernant le FCTVA. Nous débattrons aussi de son recentrage sur l'investissement.
Le Gouvernement est ouvert aux propositions pour revoir la gouvernance et la finalité du fonds de précaution. Vous proposez un gel au sein des collectivités, et non d'un fonds ad hoc ; nous l'expertiserons.
Oui, il faut de la confiance entre l'État et les collectivités. Notre débat sur le PLF au Sénat y contribuera. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. François Patriat applaudit également.)
M. Stéphane Sautarel. - Je vous remercie pour le dialogue engagé, également avec Mme Vautrin. Le meilleur acte de confiance serait de laisser l'épargne dans les comptes des collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)
Retraite des sapeurs-pompiers volontaires
M. Olivier Cigolotti . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le modèle de notre sécurité civile, qui associe sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, démontre chaque jour sa pertinence et son efficacité pour protéger la population, les biens et l'environnement.
Ce modèle nous permet de faire face aux accidents du quotidien comme aux crises exceptionnelles - on l'a vu encore récemment en Haute-Loire, hélas. Le volontariat est une ressource précieuse.
Dans le cadre de la réforme des retraites, le Sénat a souhaité, à l'unanimité, octroyer une bonification de trimestres de retraite aux sapeurs-pompiers volontaires. Mais vingt mois plus tard, le décret d'application n'est toujours pas paru !
Le 13 décembre 2023, l'ancien ministre de l'intérieur nous disait sa volonté d'avancer. Fin septembre 2024, le Premier ministre a rappelé sa volonté de mener ce travail interministériel à son terme.
Quand pourrons-nous exprimer à nos sapeurs-pompiers la reconnaissance qui leur est due ? (Applaudissements)
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur . - La force de notre modèle, c'est la mixité des statuts - civil et militaire, professionnel et volontaire. Sans nos 200 000 sapeurs-pompiers volontaires, notre modèle s'effondrerait.
Je me souviens très bien de notre unanimité. Le vote des parlementaires et l'engagement du Premier ministre doivent être respectés. Ce décret interministériel devrait être publié tout début 2025. Il devra respecter l'esprit de la loi, dans un cadre budgétaire raisonnable. J'y tiens comme à la prunelle de mes yeux !
Cette reconnaissance est due à nos sapeurs-pompiers volontaires pour les vies sauvées, mais aussi pour une raison plus symbolique. Vous connaissez les paroles de la très belle chanson que Bruce Springsteen a écrite pour rendre hommage aux pompiers de New York : « Que votre force nous donne de la force, (...) que votre espoir nous donne de l'espoir. » J'y entends la force de l'engagement, mais aussi l'espoir que les sapeurs-pompiers nous donnent d'une cité fraternelle, où les devoirs viennent avant les droits, où le don de soi prévaut sur le chacun pour soi.
Vive les sapeurs-pompiers et honneur à eux ! (Bravos sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et du RDPI ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)
M. Olivier Cigolotti. - Nous ne manquerons pas de relayer votre message aux fêtes de la Sainte-Barbe. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Fret aérien
M. Christian Bruyen . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'embolie grandissante des plateformes aéroportuaires franciliennes doit nous pousser à réagir, face aux nuisances sonores, à la saturation du réseau routier et à la pollution de l'air dont le fret est l'un des responsables.
Pourtant, à Vatry, dans la Marne, à moins de deux heures de Paris, une infrastructure remarquable pourrait accueillir une partie de ce trafic. Il ne s'agit pas de déplacer le problème, mais d'organiser la répartition des vols, afin de ne pas dépasser le seuil d'acceptabilité des populations.
Est-il souhaitable que du fret français soit traité à l'étranger puis camionné sur nos routes, avec l'impact environnemental que l'on sait ?
Prendrez-vous enfin les décisions qui s'imposent ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Marc Laménie et Franck Menonville applaudissent également.)
M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports . - Merci de votre engagement, ancien et constant, pour Vatry. Cet aéroport est un atout pour la France, car il offre des conditions idéales : une piste très longue - près de 4 km - , des conditions d'exploitation assez libres, des coûts d'exploitation faibles.
C'est aussi un enjeu pour le transport de marchandises : Aéroports de Paris (ADP) étudie la complémentarité des flux entre les plateformes franciliennes et celle de Vatry et FTL Airlines y a des projets de développement.
Nous réorganiserons les flux de marchandises qui viennent trop souvent d'Europe du Nord, alors que Vatry permettrait d'en rapatrier un certain nombre. Je suis mobilisé sur ce bel enjeu pour la France. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Christian Bruyen. - Merci de cet espoir, mais il faut aller plus loin, car nos voisins - Amsterdam, Bruxelles - y travaillent déjà. La souveraineté économique tient aussi à la maîtrise des approvisionnements, le covid l'a montré.
Il faut mieux considérer les aéroports provinciaux, gages d'un aménagement équilibré du territoire, et ne pas laisser les opérateurs étrangers entrer dans la gouvernance de ces infrastructures. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Violences faites aux élus (II)
Mme Marion Canalès . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les réseaux sociaux sont le nouvel eldorado des atteintes à l'intégrité des individus. Un maire sur quatre y a été victime de violences. Un clip peut blesser plus qu'un coup. Il y a quatre jours, le visage d'un député du Puy-de-Dôme y a été découpé en deux au couteau, tandis que les têtes du maire de Clermont-Ferrand et d'un adjoint ont été écrabouillées dans une presse.
L'intelligence artificielle générative crée des contenus toujours plus extrêmes, augmentant les risques de passage à l'acte. Nous ne devons pas banaliser l'intolérable, même en ligne. Les plaintes doivent être suivies d'effets.
À 500 jours des élections municipales, la formule culte d'Astérix et Obélix « Engagez-vous, qu'ils disaient... » pourrait être celle de nombreux maires. Avec le retrait de l'État et des services publics de nos territoires, les administrés s'adressent au maire, le dernier à portée d'engueulade. Les élus locaux, vulnérables, se trouvent démunis, et, faute de moyens, accusés d'être de mauvais gestionnaires, voire inutiles, soumis aux mépris.
Pompier pyromane, allez-vous entretenir la gronde avec des plans à 5 millions d'euros ? Quid de ces crédits pour 2025 ? Le doute plane. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur . - On ne réglera pas la violence faite aux élus à coups de millions d'euros. Les premières victimes de cette violence qui se généralise, ce sont les élus locaux.
Jamais la France n'a eu autant besoin d'eux, et jamais ils n'ont été si découragés, notamment par les règles bureaucratiques...
M. Adel Ziane. - Ce n'est pas la question !
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur. - ... et par ces violences.
Le 21 mars dernier, la proposition de loi du Sénat a donné des outils pour lutter contre les violences faites aux élus, y compris sur les réseaux sociaux. Les préfets doivent signaler systématiquement ces violences, ce qu'a fait votre préfet.
L'intelligence artificielle générative nous met face à de nouveaux défis. Internet ne peut devenir une zone de non-droit, et nous devons agir dans la sphère virtuelle aussi bien que dans la sphère réelle. C'est ce que propose le texte européen sur l'intelligence artificielle.
Nous sommes parfaitement mobilisés. Et vous avez raison : l'élu doit être systématiquement informé des suites données à sa plainte. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Loïc Hervé. - Bien sûr ! Mais ce n'est pas toujours le cas.
Mme Marion Canalès. - Nous espérons que le plan de 5 millions d'euros annoncé par Dominique Faure sera maintenu ; je le redis, le doute plane. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Fermeture de maternités
Mme Marta de Cidrac . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nos territoires sont fragilisés non seulement par les inégalités d'accès aux soins, comme l'a montré Bruno Rojouan, mais aussi par les fermetures de maternités, année après année. Plus de 40 % ont disparu. On a dit que c'était la faute de la désertification, qu'il fallait concentrer l'offre de soin. On évoque parfois le peu de rentabilité, la baisse des naissances. Les bonnes raisons ne manquent pas !
Mais la France continue de chuter dans le classement européen en matière de mortinatalité spontanée et de mortalité infantile : elle est à la 22e place sur 34 pour la prise en charge des naissances.
Les rapports, plus alarmants les uns que les autres, s'empilent. Doit-on s'y résoudre et laisser nos soeurs, filles et petites-filles redouter l'arrivée de leurs enfants ? Que répondez-vous à celles qui n'ont plus la certitude d'accoucher en toute sécurité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Michel Laugier applaudit également.)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins . - Nous devons repenser les structures d'accueil de la santé périnatale. Il est urgent d'améliorer la prise en charge.
Les maternités ne peuvent fonctionner qu'en toute sécurité, que s'il y a suffisamment de gynécologues obstétriciens, d'anesthésistes et de sages-femmes pour assurer la sécurité des parturientes.
Quand une petite maternité ferme, par manque de personnel, il ne faut pas laisser la place vide mais créer une unité de suivi de périnatalité, afin que les femmes enceintes, les pères et les mères puissent être accompagnés.
Je salue le rapport, très argumenté, des sénatrices Annick Jacquemet et Véronique Guillotin sur la santé périnatale. Ses conclusions inspirent notre travail pour un maillage territorial sécurisant, efficace et suffisant, afin que les familles soient prises en charge dans d'excellentes conditions. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Florence Lassarade. - Et les pédiatres ?
Mme Marta de Cidrac. - À Saint-Germain-en-Laye, la maternité fermera au 1er janvier 2025. Le maire a appris cette décision brutale et unilatérale il y a quelques jours, par un coup de fil.
Il vous a écrit en apprenant ces décisions iniques, qui s'inscrivent dans les orientations de l'ARS. Il est quand même étonnant que les maires ne soient pas tenus informés en amont !
Aidez-nous à trouver une solution. Beaucoup de futures mamans ne savent pas où elles accoucheront. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Michel Laugier applaudit également.)
Surexposition des enfants aux écrans
Mme Catherine Morin-Desailly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La ministre de la santé a annoncé que le nouveau carnet de santé comprendrait des pages sur l'exposition des enfants aux écrans. Enfin ! En 2018, j'avais déjà alerté Agnès Buzyn à ce sujet, en vain : la proposition de loi sénatoriale issue des travaux de notre commission, adoptée à l'unanimité, n'a pas prospéré. Idem pour la proposition de loi de la députée Caroline Janvier.
Il s'agit pourtant d'une urgence nationale, comme le montre le rapport commandé par le Président de la République en janvier 2024. Le phénomène s'aggrave, entraînant des retards dans l'apprentissage, des difficultés d'attention, une attitude passive de l'enfant face au monde.
À quand un plan global de prévention et d'action, associant élus, professionnels de santé, familles, enseignants et éducateurs, qui s'appuie sur nos propositions ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins . - Le temps d'exposition des jeunes enfants aux écrans, ainsi que les contenus qu'ils visionnent, sont un fléau qui favorise la sédentarité, l'obésité, la myopie, les troubles du développement socio-émotionnel, le mal-être, l'anxiété et la dépression.
Notre réflexion s'inscrit dans le cadre des travaux voulus par le Premier ministre sur la santé mentale, grande cause nationale pour 2025. C'est un vrai sujet de santé publique.
Dès le 1er janvier, les nouveaux carnets de santé incluront des pages de prévention à destination des parents. Nous modifions également les carnets de maternité afin de donner des indications aux futurs parents. Nous devons construire une feuille de route commune, à partir du rapport Mouton-Benyamina, remis en avril dernier au Président de la République. La prévention est clé, car la coercition sera difficile. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Catherine Morin-Desailly. - Pourquoi attendre encore et appeler à une nouvelle réflexion ? Il existe déjà un rapport du Sénat. La proposition de loi de Caroline Janvier est dans la navette, saisissez-la ! En attendant, que le Gouvernement engage une campagne de santé publique promouvant des mesures de sécurisation de l'espace numérique et l'utilisation des dispositifs de contrôle parental. Nous le devons aux enfants, dont c'est aujourd'hui la journée internationale des droits. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et du RDPI ; Mme Guylène Pantel et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)
M. Xavier Iacovelli. - Merci !
La séance, suspendue à 16 h 30, reprend à 16 h 35.
Rappel au règlement
M. Bernard Jomier. - Mon rappel au règlement s'appuie sur l'article 32. Selon la rumeur, la Gouvernement souhaiterait renoncer à la réduction des exonérations de cotisations sociales, à la hausse du ticket modérateur sur les dispositifs médicaux et à la réduction de 5 % des remboursements de médicaments. Qu'en est-il ? Nous devons pouvoir nous prononcer en connaissance de cause. Nous ne voudrions pas nous retrouver Gros-Jean comme devant, en cas de volte-face du Gouvernement !
Acte en est donné.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi. - Au nom du Gouvernement, je démens les informations du Figaro, retirées depuis du site du journal, concernant la suppression de l'article 6. Je viens d'en discuter avec la ministre de la santé : je démens toutes les rumeurs que vous avez citées.
Commission d'enquête (Nominations)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la désignation des 23 membres de la commission d'enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés.
En application de l'article 8 ter, alinéa 5 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
Financement de la sécurité sociale pour 2025 (Suite)
Discussion des articles de la deuxième partie (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution.
Après l'article 6 (Suite)
M. le président. - Amendement n°464 rectifié bis de Mme Malet et alii.
Mme Viviane Malet. - Cet amendement place pour deux ans les entreprises ultramarines du BTP dans le barème renforcé du régime d'exonérations de charges sociales patronales.
À La Réunion, le secteur a perdu un tiers de ses salariés et la moitié de ses entreprises entre 2008 et 2017.
L'adoption de cet amendement constituerait un signal fort pour soutenir l'activité et préserver l'emploi.
M. le président. - Amendement identique n°1093 rectifié bis de M. Lurel et alii.
M. Victorin Lurel. - Réparons une inégalité de traitement entre les différentes filières en faisant bénéficier le BTP du régime de la Lodéom, la loi pour le développement économique des outre-mer.
Chez nous, le BTP est le moteur de la croissance. Or, depuis quelques années, les entreprises du secteur ont tout subi, et doivent tout payer. Elles s'en prennent plein la figure !
M. le président. - Amendement identique n°1297 rectifié ter de Mme Bélim et alii.
Mme Audrey Bélim. - Les acteurs de la filière souhaitent que leur situation critique soit prise en compte via un allègement temporaire - j'insiste sur ce terme - des cotisations, jusqu'à la reprise de l'activité.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. - Le barème Lodéom renforcé concerne les entreprises soumises à la concurrence internationale. Or les emplois du BTP ne sont pas délocalisables : ce sont des activités locales.
La commission a toujours émis un avis de sagesse sur ces amendements, déposés tous les ans, parce qu'elle partage votre constat. Mais les ministres successifs y sont défavorables, car la mesure coûterait 100 millions d'euros. Difficile d'accéder à cette demande, dans le contexte budgétaire actuel. Sagesse donc.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi. - Retrait ou avis défavorable Ce régime de compétitivité renforcée concerne les entreprises soumises à la concurrence internationale. Par ailleurs, nous ne disposons pas de vision d'ensemble sur les effets de la Lodéom ; une mission de l'Igas et de l'IGF rendra ses conclusions dans les prochains jours.
M. Victorin Lurel. - J'entends les avis de la commission et du Gouvernement mais ne peux les approuver. Quelle est l'ouverture à l'international des économies insulaires ? La concurrence ne se fait pas avec l'étranger, mais avec l'Hexagone.
Il n'y a plus de PTZ, la commande publique a baissé, le coût des matières premières augmente. On parle de la survie des entreprises ! Si l'on ne tient pas compte du moteur de la croissance qu'est le BTP, on aura des problèmes. Faut-il attendre des émeutes pour agir ? Quand le BTP va, tout va. Or, pour le moment, cela ne va pas. Donnons ce coup de pouce aux entreprises et tirons le bilan dans deux ans.
Mme Catherine Conconne. - Merci à la rapporteure générale pour son avis de sagesse. Je sens bien que la ministre aurait envie de dire oui, mais elle est malheureusement contrainte par le royaume de Bercy. Je compatis ! (Sourires)
Les constats de M. Lurel et Mme Bélim sont réalistes.
Mon pays compte 340 000 âmes. Nous n'allons pas attirer toutes les multinationales du monde ! Notre concurrence se fait contre le chômage, le mal-être et les difficultés des entreprises à survivre dans des marchés microscopiques.
Il faut certainement renouveler le concept de concurrence internationale. Nous serons les premiers à vos côtés pour vous y aider.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Les secteurs à compétitivité renforcée sont par exemple les centres d'appels, qui peuvent être localisés n'importe où, en fonction de la langue parlée. Cela justifie ce régime. Le BTP, en revanche, est une activité locale.
J'entends vos propos. N'attendons pas les émeutes. Mais en l'état du droit, le BTP n'est pas soumis à une forte exposition internationale.
La remise en état de la Lodéom sera l'occasion de corriger les erreurs. C'est vrai : quand le BTP va, tout va, tant il a un impact sur toute la filière.
M. le président. - Retirez-vous l'amendement ?
M. Victorin Lurel. - Certainement pas ! Il y a des émeutes chez moi !
Les amendements identiques nos464 rectifié bis, 1093 rectifié bis et 1297 rectifié ter sont adoptés et deviennent un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°221 rectifié ter de Mme Malet et alii.
Mme Viviane Malet. - Nous ouvrons une période d'exception pour les entreprises ultramarines en nous inspirant des plans instaurés après l'ouragan Irma : ainsi, celles-ci pourront régulariser leur situation sans augmenter de manière exponentielle leur dette sociale.
Durant deux ans, les cotisants ultramarins auraient la possibilité de négocier avec les caisses compétentes des plans d'étalement de la dette en fonction de leur situation.
M. le président. - Amendement identique n°289 rectifié bis de Mme Petrus et alii.
Mme Annick Petrus. - Nous offrons aux entreprises ultramarines en difficulté la possibilité de négocier des plans d'apurement des dettes sociales de 6 à 60 mois, en nous inspirant des plans créés après Irma et le covid-19. En cas de non-respect des engagements des entreprises, le plan serait annulé et le paiement rétroactif s'enclencherait.
Ainsi, nous lutterions contre les cessations de paiement, aux conséquences sociales majeures. Mieux vaut des paiements différés que des entreprises qui ferment ou qui se délocalisent.
M. le président. - Amendement identique n°337 rectifié de M. Lurel et alii.
M. Victorin Lurel. - Offrons un sursis aux entreprises pour l'apurement de leurs dettes sociales.
En Guadeloupe, mais aussi dans l'ensemble des outre-mer, celles qui bénéficient d'un moratoire font l'objet de poursuites avec dépôt de bilan.
Alors ministre, j'avais signé une circulaire avec Jean-Marc Ayrault : le recouvrement des cotisations sociales pouvait être étalé durant six mois, même lorsque les infractions relevaient du code pénal.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Ces dernières années, nous avions émis des avis de sagesse sur ces amendements, mais ils n'avaient pas prospéré lors de la navette.
Des mesures d'accompagnement existent déjà. Créer un dispositif législatif est sans doute hasardeux : comment distinguer les bonnes et les mauvaises raisons ? Adoptons un point de vue juridique.
Avis défavorable. Les services de recouvrement sont attentifs aux situations particulières des entreprises qui sont en difficulté pour de bonnes raisons.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Même avis.
M. Victorin Lurel. - Je remercie l'assemblée pour le vote précédent.
Je ne demande pas une dérogation ou une exception, mais la suspension des poursuites pendant un temps : il y a urgence. Certes, la sécurité sociale est devenue le banquier des entreprises, mais les moratoires se multiplient depuis quelques années, face aux difficultés.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. - Sans revenir sur le fond, des mesures équivalentes ont été mises en place lors de la crise du covid. Malgré la crise en outre-mer, une telle mesure ne franchirait pas la barrière du Conseil constitutionnel.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Ces dettes sont liées aux cotisations des employeurs ; les cotisations salariales, elles, ont bien été collectées. M. Mouiller a raison : il n'est pas possible de différer ce qui a été collecté, comme les cotisations salariales. Quand vous êtes en difficulté, vous pouvez négocier des échéanciers sur les cotisations patronales. L'Urssaf n'a aucun intérêt à voir une entreprise disparaître.
Les amendements nos221 rectifié ter, 289 rectifié bis et 337 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°833 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Selon une étude de 2019 du Conseil d'analyse économique (CAE), les baisses de cotisations sociales sur les salaires les plus élevés n'ont pas encore fait la preuve de leur efficacité sur l'emploi. De même, un rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) préconise de supprimer les exonérations de cotisations familiales. Même les économistes missionnés par le Gouvernement, MM. Bozio et Wasmer, ne parviennent pas à démontrer un effet sur l'emploi des exonérations de cotisations au-delà d'un certain seuil.
Pourtant, les gouvernements successifs s'obstinent à ne pas remettre en cause cette politique, malgré son coût.
Cet amendement demande un rapport afin d'évaluer la perte de recettes qui aurait été évitée par la suppression des allégements généraux au-delà de deux Smic.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Avis défavorable.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Même avis.
Le comité de suivi créé après l'adoption de l'amendement n° 123 rectifié de la rapporteure générale répond à votre demande.
L'amendement n°833 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°823 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - J'espère que le travail du comité de suivi sera meilleur que le vôtre pour le suivi des rapports du Sénat ! (M. Philippe Mouiller et Mme Astrid Panosyan-Bouvet s'en amusent.)
Nous voulons fixer le plafond de l'abattement de 1,75 % sur l'assiette de la CSG-CRDS au titre des frais professionnels à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass), contre quatre actuellement. Cet abattement doit être ciblé sur les revenus bas et moyens, et non profiter mécaniquement aux revenus aisés ; cette injustice avait été soulignée dans le rapport Vachey.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - L'enjeu du financement de la branche autonomie à long terme est crucial.
L'abattement pour frais professionnels est partiellement conventionnel et est censé représenter les frais engagés par les intéressés. Lors du précédent PLFSS, il était proposé de le plafonner à une fois le Pass, mais cette solution a été rejetée, tant par la commission que par le Gouvernement. Avis défavorable.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Même avis.
L'amendement n°823 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°586 rectifié de M. Cabanel et alii.
M. Henri Cabanel. - Actuellement, les exploitants agricoles ont le choix pour calculer l'assiette de leurs cotisations sociales : se référer à l'année N-1 ou à la moyenne des trois dernières années. Or les aléas climatiques, de plus en plus nombreux, affectent la trésorerie des exploitations, par exemple lorsque les cotisations sont collectées une année de mauvaise récolte alors que leur montant a été calculé une année de bonne récolte.
Dans un souci d'équité, il faudrait revenir sur ce point, comme nous l'avions fait dans la LFSS 2022 pour les travailleurs indépendants et les non-salariés.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - La troisième voie que vous proposez semble recueillir l'approbation de nombre d'agriculteurs. La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable. Toutefois, à titre personnel, je trouve votre proposition d'expérimentation très intéressante, d'autant qu'elle a été testée auprès de beaucoup d'agriculteurs.
La commission a estimé que le secteur agricole vivait actuellement de nombreuses transformations. En ajouter une nouvelle nuirait à la lisibilité de l'ensemble du système.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Lors des précédents PLFSS, le Gouvernement s'était engagé à faire évoluer l'assiette des cotisations pour les exploitants agricoles, pour plus de contemporanéité.
Mais l'intérêt de cette mesure semble avoir été mis en doute par les exploitants eux-mêmes.
Il ne semble pas raisonnable d'engager une telle expérimentation dans le contexte de la réforme de l'assiette dite « super-brute ». Retrait, sinon avis défavorable.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - La commission a émis un avis défavorable, non sur le fond, mais sur la forme : au vu de l'ensemble des réformes en cours, le calendrier semblait difficile à tenir. Mais cette expérimentation constituerait un test en grandeur réelle. L'amendement renvoie en outre à un décret.
Même si je comprends l'avis de la commission, que j'ai d'ailleurs voté, nous pourrions garder notre avis défavorable, mais en tout état de cause, le résultat sera parfait... (Sourires)
M. Laurent Duplomb. - Une expérimentation ne coûterait rien ! On ne demande pas une diminution des cotisations, mais la possibilité de les payer l'année des revenus.
Les bonnes années de récolte peuvent se solder par des cotisations très élevées au moment où les revenus sont les plus bas. Les exploitants disposeraient ainsi de plus de souplesse.
Le président de la Mutualité sociale agricole (MSA) et les représentants des syndicats agricoles sont d'accord pour expérimenter. À l'issue de l'expérimentation, nous pourrons choisir de le garder ou non. Mais il faut expérimenter pour se faire une opinion ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Nathalie Goulet. - Je vois que les Deux-Sèvres se rapprochent de la Normandie : « P'têt ben qu'oui, p'têt ben qu'non »... (Sourires)
Je voterai cet amendement de bon sens. Notre assemblée doit se montrer sensible aux problèmes des agriculteurs.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Je ne conteste pas l'intérêt de l'expérimentation, mais je m'interroge sur la possibilité de la mettre en oeuvre en même temps que la révision de l'assiette sociale par la MSA, et que la réforme des retraites des exploitants agricoles. Ce sont les mêmes équipes qui sont sollicitées pour ces différents dossiers. Nous devons tenir compte de ces difficultés de mise en oeuvre. (MM. Laurent Burgoa et Laurent Duplomb le contestent.)
Il ne serait pas raisonnable de demander à la MSA...
MM. Laurent Burgoa, Laurent Duplomb et Daniel Laurent. - Ils sont d'accord !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - ... une expérimentation supplémentaire.
Mme Pascale Gruny. - Je voterai cet amendement. La MSA s'est dite prête à faire cette expérimentation, qui n'aurait aucun caractère obligatoire.
Les agriculteurs en ont assez d'attendre ! Ils ne comprennent pas pourquoi ils seraient toujours traités différemment. C'était la même chose avec le calcul de leur retraite sur les 25 meilleures années.
En agriculture, les récoltes ne sont plus linéaires, compte tenu des aléas climatiques. D'où la pertinence d'une assiette contemporaine, tenant compte des moyens financiers des agriculteurs à l'instant T. Ils en ont besoin, ce n'est pas le moment de les énerver davantage !
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Laurent Burgoa. - Je voterai également cet amendement.
Henri Cabanel est un élu de bon sens. Il parle peu, mais toujours dans le sens de l'intérêt général... (Mme Pascale Gruny renchérit.)
Madame la ministre, si le Parlement décide, l'administration n'a pas à dire qu'elle ne peut pas mettre en oeuvre ! (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Anne-Sophie Romagny, MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek applaudissent également.)
Alors que nos viticulteurs souffrent, les élus doivent pouvoir décider pour eux.
M. Henri Cabanel. - C'est la quatrième fois que je présente cet amendement. Chaque fois, on me répond qu'on réfléchit.
Des élus et des agents de la MSA sont prêts à mener cette expérimentation. Pourquoi ne pas les laisser faire ?
Comme l'a dit Laurent Burgoa, je ne m'exprime pas beaucoup, mais j'ai mon BSP, mon bon sens paysan ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Maryse Carrère applaudit également.)
À la demande du RDSE, l'amendement n°586 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n 53 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 341 |
Contre | 0 |
L'amendement n°586 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Jean-Luc Brault, Daniel Chasseing, Henri Cabanel et Mme Émilienne Poumirol applaudissent également.)
Article 7
Mme Céline Brulin . - Le montant des exonérations de cotisations pour les contrats d'apprentissage a explosé : de 6 milliards d'euros en 2018 à 14 milliards d'euros en 2022, contre 11 milliards consentis par les entreprises pour le recrutement d'apprentis. Les exonérations pèsent pour 1,5 milliard d'euros en 2023 et les pertes de CSG et de CRDS pour 1,2 milliard.
Réduire la voilure, comme le prévoit cet article, oui ! Mais, au passage, vous assujettissez les apprentis à la CSG et à la CRDS au-dessus d'un demi-Smic, ce qui leur ferait perdre entre 50 et 100 euros, soit 10 % de leur rémunération ! C'est d'autant plus injuste qu'il s'agit souvent de jeunes de familles populaires, qui pourraient difficilement poursuivre leurs études autrement.
M. Daniel Chasseing . - Cet article supprime l'exonération de cotisations employeur dont bénéficient les Jeunes entreprises innovantes (JEI) et les Jeunes entreprises de croissance (JEC), réduit le seuil d'exonérations des cotisations pour les apprentis et applique la CSG et la CRDS sur les rémunérations des apprentis. On compte un million d'apprentis, deux fois plus qu'il y a cinq ans. C'est un succès pour l'emploi et les jeunes !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Exact !
M. Daniel Chasseing. - L'apprentissage est un ascenseur social qui fonctionne et favorise l'accès à l'emploi. Un tiers des apprentis viennent de familles modestes et n'auraient pu être diplômés sans alternance.
J'ai cosigné les amendements de suppression, mais soutiens néanmoins la position de la commission, en espérant que l'apprentissage n'en perdra pas en attractivité.
M. Jean-Marie Mizzon . - Je dénonce l'inégalité de traitement entre un salarié frontalier et un salarié frontalier qui est par ailleurs élu. Le premier bénéfice totalement des services de santé du pays voisin, puisqu'il y paye ses cotisations, quand le second n'en bénéficie que dès lors que son indemnité d'élu, doublée de sa rémunération, est inférieure à un certain seuil. C'est injuste, et n'encouragera pas les candidatures. Madame la ministre, êtes-vous sensibilisée à ce problème ?
M. Jean-Luc Brault . - En 1963, j'avais 13 ans, et j'ai passé un CAP. J'ai monté une entreprise, qui compte aujourd'hui une centaine de compagnons. Désormais, il n'y a plus de compagnons pour former les apprentis ! On en fait venir du Portugal, à 48 euros de l'heure, pour faire de la soudure qualifiée. Un bon compagnon forme de nombreux apprentis.
Il faut sans doute encadrer le dispositif et ne pas recruter d'apprentis dans les multinationales. (Mmes Anne Souyris et Raymonde Poncet Monge renchérissent.) En revanche, nos artisans, nos TPE, nos PME, en chauffage, maçonnerie, plâtrerie, ont besoin d'apprentis. Il nous faut des compagnons pour les former ! (Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit.)
M. Xavier Iacovelli . - Sans surprise, nous voterons les amendements de suppression.
L'article 7 revient sur plusieurs mesures de soutien à l'emploi, notamment en faveur des plus jeunes.
Ces dernières années, nous avons déployé des mesures pour développer l'apprentissage. Nous avons passé le cap symbolique du million d'apprentis en 2023. Ils étaient 350 000 en 2017 !
L'article envoie un signal désastreux.
Idem pour les entreprises innovantes, alors que l'écosystème subit une crise de financement.
M. André Reichardt . - Sénateur alsacien, j'appelle à ne toucher à l'apprentissage que d'une main tremblante. J'ai dirigé la chambre des métiers d'Alsace - au temps béni où c'était encore une région - et j'atteste de l'importance de l'apprentissage pour l'insertion et la qualification professionnelle. L'Alsace, pour des raisons historiques, compte beaucoup plus d'apprentis qu'ailleurs, et sa prospérité leur doit beaucoup.
Les nombreuses entreprises artisanales ont formé une main-d'oeuvre qualifiée. Puis l'apprentissage s'est ouvert à toujours plus de diplômés - jusqu'au doctorat. En quelques années, nous sommes passés de 300 000 à un million : ne cassons pas cette dynamique ! (Mme Solanges Nadille et M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérissent.)
Mme Annie Le Houerou . - Cet article 7 fait peser les économies sur les jeunes apprentis. Alors que le développement de l'apprentissage a été une avancée pour des jeunes souvent discriminés à l'embauche, la proposition gouvernementale est une erreur manifeste.
Pour nous, les exonérations ne doivent être conservées que lorsqu'elles sont efficaces. Or réduire l'exonération dédiée aux apprentis attaque directement leurs moyens de subsistance. Nous connaissons leur précarité. Cela dissuadera les artisans de recruter des apprentis.
Certains proposent de limiter cette mesure aux apprentis avant le bac, ou avant bac +3. Mais deux tiers des apprentis ne financent leurs études que grâce à l'apprentissage ! Supprimons cet article.
M. Pierre Jean Rochette . - Nos concitoyens ne comprendraient pas que nous votions cet article.
De grâce, il y a assez d'économies à faire ailleurs ! Les Français nous demandent de lutter contre la fraude, de réformer, non de taxer ceux qui démarrent dans la vie active et à qui l'apprentissage offre une chance !
Mme Frédérique Puissat . - L'article 6 était dans la même veine, et nous ne l'avons pas voté de gaieté de coeur.
Depuis 2018, la mission « Travail et emploi » est passée de 14 milliards d'euros à 22 milliards d'euros. Certes le nombre d'apprentis a augmenté, et l'on peut s'en réjouir - mais à quel prix !
En 2018, l'apprentissage a été centralisé avec la création de France Compétences.
Mme Monique Lubin. - Quelle erreur !
Mme Frédérique Puissat. - Nous avons créé, selon la Cour des comptes, un guichet ouvert sans limite, et, à la clé, un déficit que nous n'arrivons pas à résorber.
Certes, cet article pèse non pas sur l'aide aux employeurs, mais sur la rémunération des apprentis. Certains ont des revenus faibles, d'autres un peu moins. Il pèse 350 millions d'euros. Maintenons-le : sinon, il faudra trouver ailleurs cette somme pour résorber le déficit.
Mme Ghislaine Senée . - Oui, une dépense qui passe de 14 à 22 milliards d'euros est un vrai sujet. Nous sommes pour les cotisations, qui sont un acte de solidarité. Un étudiant qui, pour payer ses études, travaille à McDonald's, paie la CSG. Un fils de famille qui intègre une école d'ingénieurs en tant qu'apprenti ouvre des droits à la retraite sans cotiser à la CSG. Pourtant, leurs niveaux de salaires seront différents. Voilà la réalité. Il nous faut trouver de l'équité.
Mme Raymonde Poncet Monge . - Je comprends qu'on veuille amender cet article, mais cette unanimité à vouloir le supprimer m'étonne.
Selon France Travail, 10 % de ses nouveaux inscrits sont d'anciens apprentis. Certains groupes font tourner les apprentis. Il y a une explosion du nombre d'apprentis, mais aussi des excès.
Que proposez-vous pour les 17 % de smicards ? Ce discours nourrit le mythe d'un coût du travail toujours trop élevé. Lorsque les apprentis s'inscrivent au chômage, ils bénéficient de droits contributifs, qui ont été payés par des cotisations. Ce n'est pas équitable pour les jeunes salariés. Je ne crois pas qu'il y aura moins d'apprentis s'ils doivent payer des cotisations.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale . - Oui, l'apprentissage est une filière d'excellence.
Attention : cet article ne concerne pas que les apprentis, mais aussi les entreprises de transport maritime et les dispositifs JEI et JEC.
Peut-on financer la sécurité sociale avec toujours plus d'exonérations ? Bien sûr que non ! En théorie, quand on cotise, on ouvre des droits. Mais actuellement, les apprentis ont des droits sans cotiser, tandis que les stagiaires paient la CSG et la CRDS.
J'aurais préféré n'avoir à demander d'efforts à personne, mais la situation est grave. Cette mesure permettra de surcroît d'éviter les effets d'aubaine.
Nous aurons l'occasion de débattre de l'apprentissage lors de l'examen PLF ; ce sera plus approprié qu'en supprimant cet article.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Bien sûr !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je m'inquiète de la multiplication des exonérations : ce sont les cotisations sociales qui ouvrent les droits.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Initialement très sceptique, j'en ai parlé avec des chefs d'entreprise, et j'ai appris que les apprentis ne payaient ni la CSG-CRDS, ni l'impôt sur le revenu, contrairement à un jeune salarié.
Lisez bien l'amendement : nous ne supprimons les exonérations qu'au-dessus de 900 euros. Ce n'est pas la fin de l'apprentissage ! Si vous êtes contre cet article, c'est pour une autre raison. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno et Mme Jocelyne Guidez applaudissent également.)
M. le président. - Amendement n°108 rectifié de MM. Bonhomme et Chaize.
M. François Bonhomme. - L'article 7 réduirait le montant de l'aide unique à l'embauche pour toutes les entreprises, au lieu de la concentrer sur les entreprises de moins de 250 salariés.
Les efforts consentis depuis 2018 ont eu des effets très positifs : 550 000 apprentis supplémentaires.
Le Gouvernement pourrait au moins n'appliquer la CSG que progressivement, pour lisser les effets de la disposition. (M. Philippe Mouiller acquiesce.) Ne cassons pas la dynamique.
M. le président. - Amendement identique n°112 rectifié de Mme Boyer et alii.
M. Jean-Jacques Panunzi. - Défendu.
L'amendement identique n°214 rectifié ter n'est pas défendu
M. le président. - Amendement identique n°247 rectifié sexies de M. Louault et alii.
M. Daniel Chasseing. - Cet article serait un très mauvais signal pour notre économie.
M. le président. - Amendement identique n°283 de M. Durox et alii.
M. Christopher Szczurek. - Les sénateurs RN s'opposent également à cet article 7 qui augmente le coût d'embauche des apprentis. Cela freinerait la dynamique de l'apprentissage, qui ouvre la porte à l'insertion professionnelle.
Plutôt que de réduire les exonérations sociales, mieux vaudrait cibler les primes à l'embauche sur les entreprises et les secteurs qui en ont le plus besoin.
M. le président. - Amendement identique n°855 rectifié bis de M. Chaillou et alii.
M. Christophe Chaillou. - Cet échange est intéressant, notamment la comparaison avec des salariés dans une situation proche de celle des apprentis. Mais, Madame la rapporteure générale, est-il juste d'enlever 151 euros par mois à un apprenti en deuxième année de CAP et 180 euros à un apprenti en deuxième année de bac pro ?
La confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) du Loiret attire l'attention sur les conséquences de cette mesure sur des secteurs qui peinent à recruter, comme le BTP. Soyons prudents et reportons-la.
M. le président. - Amendement identique n°1158 rectifié de M. Masset et alii.
M. Michel Masset. - L'effort de formation consenti par les entreprises au profit des apprentis ne doit pas être fragilisé. Or cet article pourrait renchérit le coût de l'apprentissage de 30 %.
Le contexte est déjà tendu dans l'apprentissage, avec la baisse des soutiens de l'État : dans le Lot-et-Garonne, le centre de formation d'apprentis (CFA) du BTP estime l'impact financier à 300 000 euros en 2025, alors même que la filière accuse une décroissance de 5 %.
Les apprentis perdraient du pouvoir d'achat, les entreprises seraient lésées : tout le monde en pâtirait. Conservons le système actuel.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Faut-il exonérer certains et pas les autres ? Nous priverions la sécurité sociale de moyens, alors que ces personnes bénéficient des droits ouverts. Les 8 % d'anciens apprentis qui ne trouvent pas d'emploi bénéficient ainsi de l'assurance chômage.
Nous pourrons débattre de l'apprentissage lors de l'examen du PLF. La sécurité sociale est en péril, recentrons-nous !
Les montants en jeu sont faibles : 9,2 % au-dessus de 900 euros par mois. Pour un salaire de 1 000 euros, c'est une perte de 9 euros.
Ces jeunes rentreront dans la vie active, ils doivent apprendre à cotiser en échange de droits. Arrêtons de raboter ! Avis défavorable sur les amendements de suppression.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Le Gouvernement rejoint les propos de la rapporteure générale et du président de la commission des affaires sociales. Nous ne parlons pas des aides à l'embauche, qui relèvent du PLF ; elles sont uniformes, et pourraient être modulées selon la taille de l'entreprise et le diplôme visé.
L'exonération des apprentis pose une question d'équité par rapport aux salariés ayant un même niveau de rémunération. En effet, 60 % des apprentis suivent une formation de niveau Bac+2 ou plus ; leur rémunération est comparable avec celle des salariés. Parfois, leurs tuteurs ou des compagnons gagnent moins qu'eux ! (MM. Pierre Jean Rochette et Jean-Luc Brault le contestent.)
Nous ne prévoyons pas de les assujettir dès le premier euro, mais à partir de 900 euros. Vu la typologie des apprentis, cela aura un faible impact. Si vous êtes réticents, choisissez plutôt un amendement qui n'applique les nouvelles règles qu'aux nouveaux entrants.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - La vraie vie, ce sont des jeunes en déshérence sauvés par l'apprentissage, des CFA, des chambres de métiers qui pratiquent d'excellence, des Capeb, que vous avez reçus ! (Mme Marie-Claude Lermytte applaudit.)
M. Pierre Jean Rochette. - Très bien !
Mme Raymonde Poncet Monge. - Allons !
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Vous n'envoyez pas le bon message. Je voterai l'amendement.
Mme Raymonde Poncet Monge. - On comprend pourquoi 10 % des apprentis s'inscrivent au chômage : ils ont du mal à revenir au régime général, sans exonération.
Cet article maintient la spécificité des apprentis. (Mme Astrid Panosyan-Bouvet le confirme.) Le nombre d'apprentis a explosé, mais le nombre de ruptures aussi. En considérant que le régime général n'est pas tenable, vous alimentez le mythe du « coût du travail », selon lequel le jeune ne serait pas employable au salaire normal. Je m'y refuse et vous invite à étudier les causes du chômage des apprentis.
M. Olivier Henno. - Lionel Stoléru - je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître- vantait déjà les bienfaits de l'apprentissage. Son succès est indéniable. Mais je suis sensible aux arguments de la commission : à chaque baisse de recettes, on endette un peu plus la sécurité sociale. Cette année n'est pas une année comme les autres : notre responsabilité est accrue. Ce n'est pas facile. (M. Bernard Jomier apprécie.) Je ne voterai pas ces amendements. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC)
Mme Céline Brulin. - Nous non plus. Je suis favorable à l'apprentissage, mais lorsqu'il est financé à hauteur de 14 milliards d'euros par de l'argent public, contre seulement 11 milliards par les entreprises, cela pose un petit problème.
Hier, nous proposions de conditionner les exonérations. Distinguons le cas d'un artisan qui recrute un apprenti susceptible de lui succéder, de celui d'une grande entreprise qui emploie un futur ingénieur en alternance ; ils ne doivent pas être soutenus de la même manière.
Nous proposerons également de supprimer l'assujettissement des stagiaires et apprentis à la CSG-CRDS. Les étudiants qui travaillent y sont assujettis, eux - c'est pourquoi nous avions voté la proposition de loi écologiste créant une allocation d'autonomie.
Mais ce n'est pas en rémunérant moins les apprentis que nous augmenterons les revenus des autres jeunes.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Ne nous trompons pas de texte. Moi aussi je suis favorable à l'apprentissage, mais nous en parlerons lors de l'examen du PLF. Pensez-vous qu'il ait été boosté par cette exonération de 9 euros sur une rémunération de 1 000 euros ? J'en doute. (M. Pierre Jean Rochette le conteste.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Les documents que nous avons tous reçus dans nos permanences indiquent des chiffres erronés. Pour 1 000 euros de revenus, la cotisation serait en réalité de 9 euros. Les auteurs de ces documents ont fait leur calcul sur la totalité de la rémunération alors qu'il faut calculer à partir de 900 euros.
L'article que suppriment ces amendements concerne aussi d'autres sujets : vous ne creuseriez pas le budget de 360 millions d'euros, mais de 700 millions ! D'autres amendements ultérieurs sont plus ciblés.
À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos108 rectifié, 112 rectifié, 247 rectifié sexies, 283, 855 rectifié bis et 1158 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°54 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l'adoption | 60 |
Contre | 271 |
Les amendements identiques nos108 rectifié, 112 rectifié, 247 rectifié sexies, 283, 855 rectifié bis et 1158 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°198 de M. Hochart et alii.
M. Joshua Hochart. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°215 rectifié bis de M. Pellevat et alii.
M. Jean-Jacques Panunzi. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°248 rectifié sexies de M. Louault et alii.
M. Daniel Chasseing. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°278 rectifié bis de Mme Billon et alii.
Mme Annick Billon. - Le nombre d'apprentis a dépassé le seuil du million en 2023, ce dont nous pouvons nous féliciter. Mais leur assujettissement à la CSG et à la CRDS affecterait leur pouvoir d'achat. Les apprentis ne sont pas des stagiaires comme les autres. Ils s'engagent dans cette voie pour financer leurs études. J'ai reçu la Capeb de Vendée à la Roche-sur-Yon, je ne le cache pas. Il faut soutenir les filières d'apprentissage dans nos territoires. Les mesures en faveur de l'apprentissage ont été bien accueillies par les TPE-PME. Soutenons-les.
M. le président. - Amendement identique n°415 rectifié bis de M. Menonville et alii.
M. Olivier Henno. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°664 de Mme Lubin et du groupe SER.
Mme Monique Lubin. - Supprimer l'assujettissement à la CSG et à la CRDS de la rémunération des apprentis au-dessus de 0,5 Smic me semble être un bon compromis. Madame la ministre, en audition, vous n'aviez pas l'air très à l'aise avec cette disposition.
Clin d'oeil amical à la rapporteure générale qui ne supporte plus les exonérations : nous avons beaucoup de propositions pour remplir les caisses de la sécurité sociale - mais vous nous dites toujours non ! (Mme Élisabeth Doineau s'en amuse.)
M. le président. - Amendement identique n°939 de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.
Mme Silvana Silvani. - C'est le même : nous parlons de rémunérations situées entre 694 et 1 389 euros ! Les apprentis sont des jeunes qui démarrent dans la vie active, avec, souvent, un statut précaire. Sans doute, par équité, il faudrait aligner les stagiaires sur un tel régime - je ne parle pas ici des professionnels en formation continue, mais des jeunes en situation d'insertion.
Oui, tout le monde doit contribuer, mais, dans le cas présent, le message serait plutôt négatif.
M. le président. - Amendement identique n°1159 rectifié de M. Masset et alii.
M. Michel Masset. - Ne diminuons pas la rémunération des apprentis ; selon les organisations consultées, la perte serait de 150 à 180 euros...
Mme Frédérique Puissat. - Non !
M. Michel Masset. - Ne frappons pas au portefeuille des jeunes en insertion.
M. le président. - Amendement identique n°1227 rectifié de M. Théophile et du RDPI.
M. Xavier Iacovelli. - La politique en faveur de l'apprentissage a fait ses preuves : nous sommes passés de 350 000 à 1 million de contrats. Ne pénalisons pas leur pouvoir d'achat. Pour une fois qu'une politique fonctionne bien, préférons le statu quo ! (Mme Patricia Schillinger renchérit.)
M. le président. - Amendement n°376 de M. Szczurek et alii.
M. Christopher Szczurek. - Nous saluons les effets de la politique gouvernementale en faveur de l'apprentissage. Toutefois, dans ce contexte de dégradation budgétaire, résultat d'une politique inefficace depuis sept ans, le Gouvernement veut le mettre à contribution. Ce n'est pas concevable : préservons au moins le dispositif pour les entreprises de moins de 50 salariés.
M. le président. - Amendement n°440 rectifié bis de Mme Paoli-Gagin et alii.
Mme Marie-Claude Lermytte. - Dans sa logique de rationalisation des dépenses publiques, le Gouvernement veut restreindre le soutien à l'apprentissage. Mais si la hausse du coût du travail représentée par l'assujettissement des apprentis à la CSG et à la CRDS pourrait être absorbée par les grandes entreprises, elle le serait difficilement par les TPE-PME. Exonérons-les.
M. le président. - Amendement n°573 rectifié de Mme Le Houerou et alii.
Mme Annie Le Houerou. - Nous limitons la mesure aux entreprises de plus de 250 salariés. L'apprentissage est important pour la transmission des savoir-faire dans les TPE-PME.
M. le président. - Amendement n°439 rectifié bis de Mme Paoli-Gagin et alii.
M. Daniel Chasseing. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°280 rectifié bis de Mme Billon et alii.
Mme Annick Billon. - Cet amendement exonère de CSG et de CRDS la rémunération des apprentis dans les métiers en tension : bâtiment, restauration, services à la personne... D'autres pays européens ont pris ce genre de mesures pour sauvegarder leur compétitivité industrielle. Si mon précédent amendement n'était pas adopté, cela pourrait être une voie médiane.
M. le président. - Sous-amendement n°565 de M. Pillefer.
M. Bernard Pillefer. - Le BTP, la restauration et les soins à la personne sont des métiers exigeants : 40 % des jeunes hésitent à s'y consacrer en raison des conditions de travail difficiles. En Allemagne, le déficit de main-d'oeuvre qualifiée dans l'industrie a été réduit de 25 % entre 2010 et 2020, grâce à la fiscalité.
Mon sous-amendement introduit les métiers du soin et de l'aide à domicile parmi les métiers en tension. Il manque 50 000 postes d'aides-soignants et d'aides à domicile en 2024, alors qu'il y aura 20 millions de personnes âgées en 2030 contre 13,5 millions aujourd'hui. Cela est particulièrement vrai en milieu rural, où il manquait 15 000 professionnels de santé en 2023.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Les amendements identiques, du n°198 au n°1227 rectifié, visent à maintenir l'exonération intégrale de CSG et CRDS dont bénéficient les apprentis ; cela serait inéquitable au regard des publics similaires ! Bien sûr, il ne faut pas comparer stagiaires et apprentis, mais ils sont dans les mêmes entreprises. Pourquoi certains cotiseraient et d'autres non ? L'article 7 ne concerne que les seuils au-delà de 883 euros par an, soit 9,20 euros pour un salaire de 1 000 euros. Avis défavorable.
Les amendements nos376, 440 rectifié bis, 573 rectifié et 439 rectifié bis excluent de l'assujettissement les apprentis des TPE-PME. Bien sûr, il faut les soutenir, car les TPE et PME sont les premiers employeurs dans nos territoires. Mais l'exonération de CSG concerne l'apprenti et non l'employeur : comment justifier qu'au sein d'une même classe d'un CFA, deux apprentis dans deux entreprises différentes ne soient pas assujettis au même taux ?
L'amendement n°280 rectifié bis et le sous-amendement n°565 excluent les apprentis qui travaillent dans un secteur en tension. Là encore, il faut soutenir ces secteurs, mais, on le sait, cela change rapidement, et il y en a beaucoup : M. Brault parlait ainsi des soudeurs, que l'on doit recruter à l'étranger. Une telle inégalité de traitement n'est pas acceptable. Avis défavorable.
Croyez-vous vraiment que pour 9 euros, un jeune ne choisira pas la voie de l'apprentissage ? Non. Nous pourrons soutenir l'apprentissage dans le cadre du PLF.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Madame Poncet-Monge, si vous affirmez que 10 % des apprentis sont inscrits à France Travail, c'est donc que 90 % sont insérés ou en poursuite de formation. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)
M. André Reichardt. - Bien sûr !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Célébrons quand même le succès de la révolution culturelle de l'apprentissage, voie royale vers l'emploi, quel que soit le niveau de qualification.
Madame Billon, je ne compare pas les apprentis et les salariés, mais les niveaux de rémunération. À rémunération égale, on constate des distorsions entre ceux qui bénéficient d'exonérations et les autres, parfois entre un apprenti et son tuteur.
Monsieur Iacovelli, notre mesure ne concerne que les apprentis qui gagnent au moins 50 % du Smic. Les apprentis de moins de 21 ans, même post-bac, s'ils perçoivent des rémunérations minimales, ne seront donc pas assujettis.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Exactement !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Madame Lubin, vous avez eu raison de rappeler que j'étais mal à l'aise avec la proposition initiale, mais mes réserves ont été largement levées par les amendements qui réservent la mesure aux seuls futurs apprentis.
Sur les métiers en tension, je suis d'accord avec la rapporteure générale : on ne peut pas assujettir différemment deux apprentis qui perçoivent le même salaire. L'enjeu est de mieux flécher les financements publics de la formation professionnelle vers les besoins des entreprises et de travailler avec les branches sur la différenciation autour des coûts contrats. Nous devons aussi mieux informer en amont les jeunes et les familles sur le taux d'insertion professionnelle et les rémunérations attendues.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Michel Masset parle de 150 euros, quand la rapporteure générale et le président évoquent 9 euros... Difficile de prendre parti. Je voterai les amendements.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Je confirme les 9 euros !
Mme Raymonde Poncet Monge. - J'aurais aimé avoir plus de deux minutes pour évoquer tous ces amendements aux objets différents : pourquoi une discussion commune ? (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
J'ai dit que 8 % des inscrits à France Travail étaient d'anciens apprentis. Ce n'est pas 8 % des apprentis ! Erreur courante... J'espère que vous comprenez la nuance, madame la ministre.
J'admire l'intérêt du Sénat pour le pouvoir d'achat. J'espère que vous vous en souviendrez en temps utile.
La sécurité sociale n'est pas là pour améliorer le pouvoir d'achat des salariés, mais pour soigner et garantir une retraite et des conditions de travail dignes.
Il serait bon de revenir au consentement à la cotisation, qui, je le rappelle, est un droit socialisé.
Mme Silvana Silvani. - On ne sait plus où donner de la tête !
Je ne voudrais pas que cette mesure soit noyée dans un débat sur l'apprentissage.
Ces 9 euros peuvent paraître dérisoires vus d'ici, mais pour certains, c'est important.
Même s'ils apprennent en faisant, les apprentis ne sont pas encore des salariés. (Mme Christine Bonfanti-Dossat renchérit.)
Mme Anne-Sophie Romagny. - Les stagiaires non plus !
Mme Silvana Silvani. - C'est comme si on voulait assujettir les bourses étudiantes !
Mme Nathalie Goulet. - Tout cela montre que l'on a besoin d'un grand débat sur l'apprentissage, hors PLF et PLFSS. La dernière loi sur l'apprentissage date de 2018. Madame la ministre, inscrivez un tel débat à l'ordre du jour. (Approbations sur quelques travées du groupe UC)
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Très bien !
Mme Annick Billon. - Nous défendons tous l'apprentissage. Les différents dispositifs mériteraient d'être débattus, notamment la certification Qualiopi et l'enseignement à distance.
Ces mesures auront des répercussions. Nous avons fait beaucoup pour renforcer l'attrait de l'apprentissage, or on risque d'y mettre un coup d'arrêt. Je regrette que nous débattions autour de chiffres contestés. L'apprentissage se porte bien, préservons-le ! Et oui à un grand débat !
M. Jean-Luc Fichet. - On parle d'équité, en assujettissant des apprentis qui gagnent 800 euros par mois...
Je rappelle que de grands groupes font des superprofits, avec une imposition cinquante fois moindre que celle des TPE PME qui embauchent des apprentis. (Murmures désapprobateurs sur les travées du groupe Les Républicains) Et l'on débat pendant plus d'une heure sur 9 ou 150 euros prélevés sur des jeunes qui commencent leur vie professionnelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; marques de désapprobation au banc des commissions)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je ne peux pas vous laisser dire cela. À 800 euros par mois, l'apprenti ne sera pas assujetti, puisque le seuil est à 50 % du Smic. Et à 1 000 euros, il ne s'agira que de 9 euros. En outre, ces cotisations ouvrent des droits, notamment à la retraite. Ne mélangeons pas tous les sujets.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - La mesure vise à assujettir à la CSG et à la CRDS la rémunération des apprentis au-delà de 50 % du Smic : un apprenti à 800 euros ne sera donc pas assujetti. Il s'agit de prélever 9 euros par tranche de 100 euros, au-delà de 900 euros de rémunération. Un apprenti à 1 000 euros se verra prélever 9 euros ; un apprenti à 1 100 euros se verra prélever 18 euros.
La question de l'équité se pose, non pas au regard du statut, mais du niveau de rémunération, entre un salarié et un apprenti. Je maintiens qu'un apprenti est en formation.
M. Olivier Rietmann. - Ce débat ne porte pas sur l'apprentissage, mais sur le PLFSS : comment utiliser au mieux l'argent public ?
Je considère que l'argent public a permis d'amorcer le mouvement et de développer l'apprentissage : on a doublé le nombre d'apprentis et convaincu de son utilité.
Mais si nous avons besoin d'amorcer une nouvelle politique publique, il faut pouvoir reprendre cet argent, car la bourse de l'État n'est pas illimitée. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
M. Simon Uzenat. - Je souscris aux propos de mon collègue Fichet.
Hier soir, nous défendions la suppression des exonérations de cotisations sociales au-delà de 4 Smic. Mme la ministre et Mme la rapporteure générale étaient là. La nuit porte manifestement conseil, car quel incroyable renversement de raisonnement ! Mon groupe combat pour la justice, mais on n'y est vraiment pas ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER)
À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos198, 215 rectifié bis, 248 rectifié sexies, 278 rectifié bis, 415 rectifié bis, 664, 939, 1159 rectifié, 1227 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°55 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 133 |
Contre | 202 |
Les amendements identiques nos198, 215 rectifié bis, 248 rectifié sexies, 278 rectifié bis, 415 rectifié bis, 664, 939, 1159 rectifié et 1227 rectifié ne sont pas adoptés.
L'amendement n°376 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos440 rectifié bis, 573 rectifié, 439 rectifié bis, le sous-amendement n°565 et l'amendement n°280 rectifié bis.
M. le président. - Amendement n°357 rectifié ter de Mme Devésa et alii.
Mme Jocelyne Guidez. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°383 rectifié bis de M. Dhersin et alii.
M. Franck Dhersin. - La loi pour l'économie bleue de 2016 a étendu les exonérations dont bénéficiaient les entreprises d'armement maritime de transport de passagers à toutes les entreprises d'armement maritime, dans un souci d'attractivité du pavillon français face à la concurrence européenne - notamment italienne et danoise.
Maintenons cette exonération de charges afin de ne pas désavantager nos entreprises françaises.
M. le président. - Amendement n°281 rectifié bis de Mme Lavarde et alii.
Mme Frédérique Puissat. - Cet amendement de Christine Lavarde vise à rétablir l'équité fiscale entre les résidents fiscaux français selon qu'ils travaillent en Europe ou sur le territoire français.
Quand on est Français et que l'on travaille en France, on cotise à 17,2 % sur ses revenus de placement. Si on est Français et que l'on travaille dans l'Union européenne, on cotise à 7,5 % seulement, en raison d'une jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Cet amendement et son miroir dans le PLF visent à rapprocher ces deux taux, pour un rendement de 2 milliards d'euros.
M. le président. - Amendement n°783 rectifié ter de Mme Havet et alii.
Mme Nadège Havet. - Maintenons les exonérations pour les navires qui exercent dans le secteur des énergies marines renouvelables et dans celui des câbles sous-marins. Le coût brut est estimé à 4 millions d'euros, mais le coût net est bien moindre.
M. le président. - Amendement n°360 rectifié de M. Dhersin et alii.
M. Franck Dhersin. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°1228 rectifié de M. Iacovelli et du RDPI.
M. Xavier Iacovelli. - La suppression de la partie sociale du dispositif JEI serait néfaste pour l'emploi et l'innovation. Ce dispositif a pourtant fait l'objet de nombreuses évaluations positives depuis sa création en 2004 et la Commission européenne l'a même classé en tête des dispositifs européens de soutien à l'innovation.
Alors que l'écosystème subit une vraie crise de financement, ne créons pas de la confusion et n'envoyons pas un mauvais signal.
M. le président. - Amendement n°1345 de Mme Doineau au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Il s'agit d'un amendement de coordination pour l'outre-mer.
L'avis de la commission est défavorable sur l'ensemble des amendements qui viennent d'être présentés.
Concernant les amendements nos357 rectifié ter et 383 rectifié bis, les exonérations de cotisations ciblent les entreprises soumises à la concurrence internationale, c'est-à-dire celles dont les salariés sont les moins qualifiés. Or dans les navires de fret hors passagers et dans les navires de service, les salaires sont compris entre 2,5 et 4 Smic. Quant aux entreprises de transport fluvial, leur exposition à la concurrence internationale est plus que limitée. Avis défavorable.
Les amendements nos281 rectifié bis, 783 rectifié ter et 360 rectifié ciblent les navires câbliers et ceux du secteur des énergies renouvelables, peu concernés par la concurrence internationale. Leur importance est stratégique, mais un soutien à l'investissement ou à la R&D semblerait plus approprié. Avis défavorable.
L'amendement n°1228 rectifié ne vise pas le bon alinéa. Retrait ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - La mesure que nous portons vise à restreindre l'exonération de cotisations famille et chômage aux seuls marins opérant sur des navires de transport de plus de douze passagers. La Cour des comptes a en effet souligné des effets d'aubaine, pour les marins les mieux rémunérés. Avis défavorable, donc, aux amendements identiques nos357 rectifié ter et 383 rectifié bis.
Le Gouvernement est en revanche favorable aux amendements nos281 rectifié bis, 783 rectifié ter et 360 rectifié.
Avis défavorable sur l'amendement n°1345, qui concerne Wallis-et-Futuna, mais qui risque de créer une ambiguïté juridique au profit des croisiéristes.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Demande de retrait de l'ensemble des amendements relatifs aux JEI au profit de l'amendement n°1237 du Gouvernement, qui modifie le critère d'intensité de la R&D.
La volonté du Gouvernement est bien de protéger ce secteur. Nous avons eu un débat à l'Assemblée nationale et je salue les travaux de Paul Midy.
Les amendements identiques nos357 rectifié ter et 383 rectifié bis ne sont pas adoptés, non plus que les amendements nos281 rectifié bis, 783 rectifié ter, 360 rectifié et 1228 rectifié.
L'amendement n°1345 est adopté.
M. le président. - Amendement n°218 rectifié octies de M. Louault et alii.
M. Daniel Chasseing. - Cet amendement de Vincent Louault vise à revenir sur la réforme du dispositif JEI souhaitée par le Gouvernement. L'exonération de cotisations sociales était le seul avantage restant, après la suppression de l'exonération d'impôt sur les sociétés décidée par la loi de finances pour 2024 pour les nouvelles entreprises.
M. le président. - Amendement identique n°254 rectifié ter de M. Pillefer et alii.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°441 rectifié ter de Mme Paoli-Gagin et alii.
M. Daniel Chasseing. - La suppression de la partie sociale du dispositif JEI serait délétère pour l'emploi et freinerait l'innovation française. Ce dispositif a pourtant fait l'objet de nombreuses évaluations positives.
Ne pénalisons pas les start-up, qui connaissent déjà des difficultés de financement, et rétablissons le volet social du régime JEI, sans oublier les crédits de compensation dans le PLF.
M. le président. - Amendement identique n°529 rectifié sexies de M. Ros et alii.
Mme Audrey Linkenheld. - Nous voulons aussi rétablir le volet social du dispositif JEI - avec une compensation en PLF pour un impact nul sur le budget de la sécurité sociale - , pour accompagner la création et la croissance de milliers de PME innovantes, essentielles à notre souveraineté et à notre réindustrialisation. Ce sont souvent les premières à souffrir des difficultés économiques. Ne leur envoyons pas de mauvais signal.
Le Gouvernement semble de nouveau favorable au dispositif JEI. Puisse-t-il revenir sur l'augmentation de la contribution demandée en matière de R&D - c'est toujours plus difficile pour une petite entreprise.
M. le président. - Amendement identique n°849 rectifié bis de M. Daubet et alii.
Mme Véronique Guillotin. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°1081 rectifié de M. Haye.
M. Ludovic Haye. - Nous parlons d'entreprises créées ex nihilo depuis moins de huit ans et qui respectent un taux minimum d'investissement en R&D. Dans plus de 80 % des cas, elles emploient moins de 20 salariés. Pourquoi décourager ceux qui ont de grandes idées et de petits moyens ?
Le dispositif JEI est le seul outil horizontal de soutien à la R&D des jeunes entreprises. En région Grand Est, on compte plus de 800 JEI. La nécessaire réduction des dépenses ne doit pas se faire au détriment de la R&D, qui est toujours du côté des solutions, jamais des problèmes !
M. le président. - Amendement n°1234 de M. Iacovelli et du groupe RPDI.
M. Xavier Iacovelli. - C'est un amendement de repli par rapport au n°1228 rectifié. Il s'agit de relever le seuil d'intensité en R&D, dans la lignée du rapport Midy, pour une économie budgétaire de 50 millions d'euros.
M. le président. - Amendement identique n°1237 du Gouvernement.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Nous souhaitons maintenir le régime d'exonération des JEI, tout en augmentant le taux d'intensité de R&D de 15 % à 20 %.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Avis favorable aux amendements identiques nos1237 et 1234 ; avis défavorable à tous les autres.
Mme Audrey Linkenheld. - Dommage.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Avis favorable à l'amendement n°1234 ; avis défavorable aux autres amendements.
Les amendements identiques nos218 rectifié octies, 254 rectifié ter, 441 rectifié ter, 529 rectifié sexies, 849 rectifié bis et 1081 rectifié ne sont pas adoptés.
(On le déplore à gauche.)
Les amendements identiques nos1234 et 1237 sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°279 rectifié bis de Mme Billon et alii.
Mme Annick Billon. - Cet amendement vise à restreindre l'assujettissement des rémunérations des apprentis à la CSG et à la CRDS aux seuls contrats d'apprentissage conclus à partir du 1er janvier 2025, afin de ne pas modifier les conditions de rémunération en cours de contrat. Ménageons une période de transition.
M. le président. - Amendement identique n°1238 rectifié bis de M. Capus et alii.
Mme Laure Darcos. - C'est le même. Je rappelle que le Gouvernement a fixé le seuil d'assujettissement à 50 % du Smic pour préserver les apprentis les plus jeunes et en début de formation.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - La commission a émis un avis défavorable. Il nous a semblé plutôt équitable que tous les apprentis soient assujettis aux cotisations sociales, quelle que soit leur date de début de contrat.
Nous avions pensé à la solution que vous proposez. Mais selon leur date d'entrée dans une même entreprise, deux apprentis se trouveraient logés à deux enseignes différentes.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Avis favorable aux amendements nos279 rectifié bis et 1238 rectifié bis. Il s'agit d'une question de stock et de flux et la rétroactivité serait effectivement assez injuste.
M. Claude Kern. - Très bien !
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Lors de l'examen en commission, nous n'avions pas encore eu les éclairages de la commission des finances sur l'attractivité des métiers. Disons, pour ne pas nous déjuger, que notre avis est bienveillant.
M. Michel Savin. - Très bien !
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je note votre adhésion à la clause du grand-père !
Nous verrons bien si le nombre d'apprentis s'effondre parce qu'une partie d'entre eux sera assujettie à la CSG et à la CRDS. Je ne le crois pas.
Les amendements identiques nos279 rectifié bis et 1238 rectifié bis sont adoptés.
L'article 7, modifié, est adopté.
Après l'article 7
M. le président. - Amendement n°1213 de Mme Puissat.
Mme Frédérique Puissat. - Cet amendement vise à restreindre l'exonération de cotisations sociales salariales dont les apprentis bénéficient, en la limitant à 50 % du Smic. Le Gouvernement avait annoncé que cette mesure serait prise par voie réglementaire. Je préfère la voie législative.
M. Michel Savin. - Très bien !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Avis favorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Retrait, sinon avis défavorable, car ce plafond doit bien être fixé par décret.
L'amendement n°1213 est adoptéet devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°942 rectifié de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Le président du Medef a annoncé qu'il préférait une augmentation de TVA à une diminution des exonérations de cotisations. Le groupe centriste du Sénat a immédiatement cédé aux sirènes du grand capital et proposé une augmentation de deux points du taux normal de la TVA, pour un gain de 13 milliards d'euros. Faire ce choix, c'est s'attaquer aux travailleurs et aux familles, pour défendre les intérêts des grandes entreprises !
Mettons plutôt le capital à contribution, en augmentant la CSG de 9,2 % à 19,2 % sur les produits de patrimoine et de placement, pour un gain de 15 milliards d'euros.
M. le président. - Amendement n°1107 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - De l'argent, il y en a, il suffit d'aller le chercher. Ce ne sont pas les moyens qui manquent pour financer notre modèle social, mais la volonté de mieux répartir l'effort !
Les revenus du capital progressent plus vite que ceux du travail, mais ce sont toujours les travailleurs les premiers mis à contribution. Nous proposons d'inverser cette logique, pour un gain de 3 milliards d'euros supplémentaires.
Cet argent viendra de là où les marges sont les plus confortables, plutôt que d'imposer sans cesse de nouveaux sacrifices aux actifs, comme cette nouvelle corvée d'Ancien régime.
Cet amendement est une réponse pragmatique et réaliste, ainsi qu'un acte de justice. Refuser cette mesure, c'est refuser d'admettre que l'effort est trop souvent porté par les mêmes.
M. le président. - Amendement n°368 rectifié bis de M. Michau et alii.
Mme Monique Lubin. - Augmentons de deux points la CSG assise sur le capital afin de financer la branche autonomie de la sécurité sociale. L'abandon d'un projet de loi Grand Âge et le renoncement à trouver des financements supplémentaires sont incompréhensibles. Le rapport Libault évalue à 9 milliards d'euros les besoins d'ici à 2030 pour prendre en charge le vieillissement de la population.
M. le président. - Amendement n°1221 rectifié ter de M. Mérillou et alii.
Mme Marie-Pierre Monier. - Renforçons le financement des organismes de sécurité sociale par une hausse exceptionnelle de la taxation des revenus du capital pour le seul exercice 2024. Nous proposons une augmentation d'1,4 point de la CSG, ce qui équivaut à 1,5 milliard d'euros de recettes.
M. le président. - Amendement n°1068 rectifié bis de Mme Lavarde et alii.
Mme Frédérique Puissat. - Cet amendement, couplé à un autre présenté dans le cadre du PLF, rapporterait à terme 2 milliards d'euros. C'est une mesure d'équité fiscale.
Un Français qui travaille à l'étranger, notamment dans un pays européen, devrait cotiser quasiment au même niveau que les résidents français.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Avis défavorable à tous les amendements, sauf à l'amendement n°1068 rectifié bis sur lequel nous demandons l'avis du Gouvernement. Il rapporterait jusqu'à 1 milliard d'euros à la sécurité sociale, selon nos calculs. C'est tentant ! Le Gouvernement pense-t-il pouvoir mettre en place un tel mécanisme ? Les enjeux sont énormes. Quoi qu'il en soit, nous devons nous assurer de ce qui sera voté dans le PLF.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Avis défavorable à l'amendement n°1068 rectifié bis, qui souffre de fragilités juridiques au regard du droit européen. Toutefois votre proposition est intéressante. Il ne rapporterait que 250 millions d'euros, selon les estimations de mes services.
M. Michel Savin. - Ce n'est pas pareil !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Je demanderai donc son retrait.
Les autres amendements augmentant la CSG sur les revenus du capital annulent la réforme de la flat tax. Or le succès de l'attractivité des investissements en France en dépend, puisque nous sommes en économie ouverte. Ne cassons pas cette dynamique.
Augmenter à ce point-là la fiscalité des revenus du capital, ce serait un repoussoir, mais l'on peut débattre du bon niveau.
M. Olivier Henno. - Mme Apourceau-Poly a interpellé le groupe UC sur l'augmentation de la TVA. Faut-il continuer éternellement à faire reposer la protection sociale sur le travail ? Ne serait-il pas pertinent de la faire reposer sur la consommation, par une hausse de la TVA ? Les idées n'ont pas de couleur, mais une valeur. Cette proposition d'Hervé Marseille est essentielle.
J'y vois un autre intérêt : la TVA est supportée par tous les produits vendus, y compris chinois. C'est une question de dynamisme économique. À l'heure où les États-Unis vont augmenter leurs droits de douane, il faut voir le monde avec les lunettes d'aujourd'hui et de demain : financer notre protection sociale par la TVA est une bonne solution.
Mme Olivia Richard. - En 2012, François Hollande a soumis les revenus du patrimoine immobilier des Français établis à l'étranger à la CSG-CRDS, en contradiction avec la liberté de circulation des travailleurs. La France a dû leur rembourser des sommes astronomiques.
Je ne suis pas d'accord avec l'idée de faire porter sur les ressortissants français résidant en Europe l'effort de protection sociale, alors qu'ils le paient déjà dans leur pays de résidence.
Mme Frédérique Puissat. - Conformément à la jurisprudence Mouiller, tout ce qui est dans le texte sera discuté en CMP. Si ce n'est pas dans le texte, cela ne sera pas discuté : je maintiens l'amendement. Mme Lavarde estime qu'il en ressortira 2 milliards d'euros - et je crois qu'elle sait compter...
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Il y a effectivement une situation inéquitable entre les Français qui habitent dans l'Union européenne et ceux qui vivent en dehors. Mais on ne peut pas régler cette question en augmentant la fiscalité uniquement d'une de ces catégories. Ce serait contraire au droit européen. La France risquerait d'être condamnée.
Mme Raymonde Poncet Monge. - La TVA est un impôt dégressif, alors que nous sommes pour les impôts progressifs. Les premiers déciles seront les plus touchés ; ils ont pour mauvaise habitude de consommer plutôt que d'épargner, n'est-ce pas...
Monsieur le ministre, comment pouvez-vous être fier de votre politique ? Une politique de cadeaux fiscaux, concomitante à la survenue des déficits de la sécurité sociale ? Une politique qui a conduit à ces 90 milliards d'euros qui pèsent sur l'État et qui sont financés par la dette ?
Certes il nous faut une politique économique, mais aussi de la justice sociale !
M. Bernard Jomier. - L'objet principal du débat est la fiscalité du capital, qui est insuffisante par rapport à la contribution du travail, ce qui est injuste. Or l'injustice perdure, car ceux qui ont le plus de capitaux et de moyens sont aussi ceux qui savent le mieux se défendre !
Tout aussi injuste, la concentration du patrimoine vers les plus âgés, même si certains retraités sont pauvres, bien sûr. Mais cela n'ouvre aucune piste de recettes, car cela nécessiterait de réformer la fiscalité des successions.
Faire financer la protection sociale par la TVA est particulièrement injuste, car elle représente 10 % des revenus des déciles les plus bas et 3 ou 4 % de ceux des déciles les plus élevés. C'est contraire au principe même de la sécurité sociale, qui veut que l'on contribue selon ses moyens.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - La TVA est l'impôt le plus injuste, car il s'applique à chacun, peu importent ses revenus. Être assujetti à une TVA de 5,5 % sur les produits alimentaires n'a pas le même poids si l'on gagne 1 500 ou 4 000 euros ! Cette taxe pèse lourdement sur le pouvoir d'achat des familles les plus modestes.
Votons notre amendement.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Ce n'est pas une question de fierté, madame Poncet Monge. Force est de constater qu'avec la flat tax, l'assiette d'imposition a augmenté. Dès 2018, le produit fiscal a été supérieur. C'est gagnant-gagnant : plus d'investissements et plus de recettes. Il ne s'agit pas de fierté idéologique, mais d'efficacité.
Il existe une différence objective entre la fiscalité du capital et celle du travail, mais l'un est plus mobile que l'autre et se retrouvera rapidement hors de nos frontières si l'on augmente les taux. Il faut davantage favoriser les investissements dans notre pays et non les faire fuir. La politique économique menée depuis 2017 a donné raison à l'abaissement des taux.
M. Daniel Chasseing. - Grâce au CICE, voté par les communistes et les socialistes, nos entreprises sont devenues compétitives. Avant, le coût du travail était plus élevé en France qu'en Allemagne. En baissant ce coût, nous mettons aussi en avant la valeur travail, qui est une source de fierté, de développement personnel et familial.
Entre 2018 et 2023, il y a eu 600 créations nettes d'entreprises ; entre 2012 et 2018, 600 entreprises en moins. C'est autant de cotisations en plus d'un côté, en moins de l'autre ! Nous devons continuer la politique de l'offre : il nous faut plus de cotisants et plus d'entreprises.
En revanche, pourquoi avoir dépensé 22 milliards d'euros en supprimant la taxe d'habitation ? Nous n'avions pas les moyens de cette politique, pas plus que pour la suppression de la redevance audiovisuelle, qui nous a coûté 3 milliards d'euros.
L'amendement n°942 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos1107, 368 rectifié bis et 1221 rectifié ter.
Mme Frédérique Puissat. - Je retire l'amendement n°1068 rectifié bis, mais, en échange, je demande un engagement du ministre à demander un rapport Igas-IGF sur ce sujet. (On ironise à gauche.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Sans m'engager sur un rapport, je m'engage à travailler le sujet avec mes services.
L'amendement n°1068 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°945 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Cet amendement fait contribuer les plateformes au financement des caisses de retraite. Depuis dix ans, elles ont vendu aux travailleurs l'illusion de la liberté et de l'autonomie. Or Uber et autres ont imposé un mode d'entrepreneuriat précaire qui permet de s'affranchir des cotisations sociales : selon l'Urssaf, près de 2 milliards d'euros de recettes sont passés à la trappe en trois ans. Si les 300 000 travailleurs des plateformes étaient requalifiés en salariés et rémunérés au niveau du Smic, ils contribueraient à hauteur de 1,5 milliard d'euros à notre système de solidarité.
Les travailleurs ne sont pas indépendants. Ils subissent une subordination algorithmique, prouvée par de nombreuses décisions de justice. Il est urgent d'instaurer une présomption légale de salariat. À défaut d'une telle requalification, nous souhaitons que les plateformes contribuent.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Sous couvert de créer une nouvelle contribution sur les plateformes, vous revenez sur la réforme des retraites.
Cela reviendrait à fiscaliser davantage le mode de financement de la protection sociale, en renforçant le rôle de l'État au détriment de celui des partenaires sociaux. Est-ce bien ce que vous souhaitez ?
Avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis.
Mme Monique Lubin. - Quand prendrez-vous à bras-le-corps la question des plateformes ? Par ailleurs, je ne vois pas en quoi l'amendement reviendrait sur la réforme des retraites.
Malgré quelques avancées au niveau européen, les travailleurs des plateformes sont exploités. (Mmes Frédérique Puissat et Pascale Gruny le contestent.) Pardon ? C'est incontestable ! (Mme Frédérique Puissat maintient sa position.)
L'amendement n°945 n'est pas adopté.
La séance est suspendue à 20 heures.
Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président
La séance reprend à 21 h 30
Modification de l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l'inscription à l'ordre du jour du mercredi 27 novembre d'une déclaration, en application de l'article 50-1 de la Constitution, portant sur les négociations en cours relatives à l'accord d'association entre l'Union européenne et le Mercosur, suivie d'un débat et d'un vote.
Ce débat pourrait avoir lieu à 16 h 30, à l'issue des questions d'actualité au Gouvernement.
Acte est donné de cette demande.
Pour ce qui concerne son organisation, nous pourrions prévoir que les orateurs des groupes interviennent selon un ordre suivant l'effectif décroissant des groupes.
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat serait fixé au mardi 26 novembre à 15 heures.
Il en est ainsi décidé.
Financement de la sécurité sociale pour 2025 (Suite)
Discussion des articles de la deuxième partie (Suite)
Après l'article 7
M. le président. - Amendement n°575 rectifié de Mme Le Houerou et alii.
Mme Annie Le Houerou. - Toujours pour proposer des recettes à notre chère sécurité sociale, et dans l'attente d'une loi Grand Âge, cet amendement assujettit à la contribution de solidarité à l'autonomie (CSA) des revenus qui en sont aujourd'hui exonérés, notamment les sommes allouées au salarié au titre de l'intéressement et de la participation.
Il s'agit d'une recommandation du rapport Vachey, qui rapporterait 600 millions d'euros à la branche autonomie.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Ces derniers temps, le régime des travailleurs indépendants a subi beaucoup de changements, tant sur son assiette que sur ses taux.
Contrairement à un salarié classique, le travailleur indépendant supporte seul la charge d'employeur comme de salarié. C'est ce qui justifie l'existence de taux spécifiques.
Or la CSA est à la charge unique des employeurs. Il n'est pas souhaitable d'alourdir les cotisations des travailleurs indépendants. Parce qu'ils cotisent moins, ces derniers bénéficient en contrepartie d'une moins bonne couverture sociale.
Le rapport Vachey appelle à une réponse d'ensemble et non à des mesures isolées. (Mme Annie Le Houerou acquiesce.) Avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°575 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°754 rectifié de Mme Conconne et alii.
Mme Monique Lubin. - Cet amendement crée une contribution de 1 % assise sur les revenus de capitaux mobiliers pour financer la branche autonomie. Celle-ci doit être dotée de financements propres.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - La création d'une contribution sur les dividendes serait une menace pour l'attractivité de la place financière française, alors que les plans de sauvegarde pour l'emploi se multiplient chez les fleurons de notre industrie.
Cette disposition irait à rebours du rapprochement de la fiscalité européenne sur l'actionnariat. La contribution de solidarité par le travail dégage le même rendement et semble plus souhaitable. Avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Tout ne passe pas par une hausse de la fiscalité. Le débat des recettes n'est pas tabou, mais prenons garde aux effets négatifs de telles mesures. Avis défavorable.
L'amendement n°754 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°616 rectifié de Mme Pantel et alii.
Mme Sophie Briante Guillemont. - La loi du 7 août 2020 a créé la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Il semble juste de mobiliser les transmissions de patrimoine les plus importantes pour la financer. Cette contribution ne s'appliquera qu'aux successions et donations dont l'actif net taxable dépasse 150 000 euros ; son taux a été fixé à 1 % sur l'excédent au-delà de ce seuil.
M. le président. - Amendement n°831 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Cet amendement crée une contribution autonomie de 1 % sur les successions. Les rendements de la taxation sont très faibles, car seule une minorité de successions est concernée. Ainsi, les droits de succession n'ont rapporté que 12,6 milliards d'euros en 2020.
Cette proposition n'est pas nouvelle. Une réforme en profondeur de la taxation de l'héritage était déjà suggérée par le CAE en 2021. L'OCDE plaide aussi pour des impôts sur les successions et donations.
Le rapport Vachey estimait qu'un prélèvement obligatoire sur les successions aurait un rendement de 500 millions d'euros.
Ce nouveau financement représente une mesurette en matière de redistribution du patrimoine. Il permettrait toutefois de faire face aux besoins financiers de la perte d'autonomie. Il faut davantage taxer les successions.
Mme Nathalie Goulet. - Non, non, non !
M. Laurent Burgoa. - Arrêtez de taxer !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - C'est non pas une mesurette, mais une mesure d'ampleur ! Cela mériterait une étude d'impact approfondie dans le cadre d'un projet de loi.
De telles taxes remettraient en cause les efforts fournis en faveur de la solidarité intergénérationnelle aux bénéfices des plus jeunes.
Avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Cela représente 20 milliards d'euros ! J'ai vu plus modéré comme mesurette ! C'est une taxation très lourde sur le patrimoine ; les Français n'en veulent pas.
Le Gouvernement assume un budget prévoyant des prélèvements exceptionnels et temporaires, mais certainement pas de cette façon.
Avis défavorable.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je parlais de mesurette pour la redistribution des patrimoines. Lisez les livres de Thomas Piketty sur la croissance des inégalités patrimoniales. Notre proposition est très ciblée. Le CAE et l'OCDE nous invitent à mieux taxer le patrimoine.
Le rendement de l'impôt, au-delà de son taux formel, est absolument déplorable par rapport aux richesses patrimoniales.
L'amendement n°616 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°831 rectifié.
M. le président. - Amendement n°948 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Cet amendement crée une journée de solidarité des dividendes (on s'en amuse à gauche) en faveur de la branche autonomie, et en particulier la prise en charge à 100 % des fauteuils roulants.
Nous proposons une contribution modique de 2 % sur les dividendes distribués aux actionnaires.
La majorité sénatoriale souhaite faire travailler gratuitement les salariés sept heures par an. Nous, nous mettons les actionnaires à contribution.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Avis défavorable. (On s'en émeut à gauche.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis pour les mêmes raisons. (Sourires)
L'amendement n°948 n'est pas adopté.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Pourtant, cela rapporte de l'argent !
M. le président. - Amendement n°940 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.
Mme Silvana Silvani. - Nous voulons créer de nouvelles recettes en mettant à contribution les revenus financiers des entreprises. Mettre le capital à contribution n'est pas plus incongru que de fiscaliser la TVA.
Nous modulons le taux de cotisation en fonction des choix de répartition des richesses des entreprises, pour encourager la gestion vertueuse d'entreprises émancipées de la finance et pourvoyeuses d'emplois.
Notre amendement dégagerait 60 milliards d'euros de recettes nouvelles, tout en revenant sur l'étatisation de la sécurité sociale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - La recette est importante. Ce n'est pas une mesurette ! C'est une charge fiscale énorme pour nos entreprises, pourtant déjà les plus taxées d'Europe.
Nous proposons un choix différent, alors que les plans sociaux se multiplient. Avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis.
Mme Silvana Silvani. - Nous ne traiterions pas toutes les entreprises de la même façon : nous ne sanctionnerions pas les entreprises vertueuses en matière d'emploi et de répartition des richesses, mais bien celles qui ne respectent pas les règles.
L'amendement n°940 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°649 rectifié de M. Fichet et du groupe SER.
M. Jean-Luc Fichet. - Cet amendement instaure une taxe sur les superprofits réalisés par les Ehpad privés à but lucratif. Il s'inspire de ma proposition de loi, malheureusement rejetée par le Sénat le 17 octobre dernier.
Au-delà d'Orpea et des dénonciations de Victor Castanet, nous constatons une montée en puissance des groupes privés : le nombre de places en Ehpad privés à but lucratif a augmenté de 560 % entre 1986 et 2015 ! Cette financiarisation se développe sous les yeux des pouvoirs publics, souvent pris de court.
Les fondateurs d'Orpea détiennent un patrimoine de plus d'un milliard d'euros. Pourtant, le financement des Ehpad est largement public - 40 % des revenus des Ehpad privés lucratifs.
Il faut redistribuer ces superprofits en prévoyant une contribution additionnelle affectée à la CNSA. On pourrait utiliser cet argent pour assurer une prise en charge plus digne de nos aînés.
M. le président. - Amendement n°753 rectifié de Mme Conconne et alii.
Mme Marion Canalès. - Cet amendement d'appel crée une contribution additionnelle sur les Ehpad privés à but lucratif. Il faut de l'argent pour nos aînés, or il y en a dans ce secteur.
M. le président. - Amendement n°957 rectifié de Mme Apourceau-Poly et le groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Nous avions identifié le problème originel de la branche autonomie : l'absence de cotisations. Celle-ci est aujourd'hui financée à 88 % par la CSG. Nous proposons de doubler la CSA payée par les entreprises. C'est plus viable et plus juste que de faire contribuer les salariés par du travail gratuit.
Oui, madame la rapporteure générale, la situation de certaines entreprises est compliquée : les plus petites d'entre elles, celles qui remboursent leur prêt garanti par l'État (PGE) et qui rencontrent des difficultés. Mais ce n'est pas le cas pour toutes. Nous devons mettre à contribution les entreprises en bonne santé, propriétés de fonds financiers qui veulent accroître leurs marges.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - L'amendement n° 649 rectifié reprend la proposition de loi de Jean-Luc Fichet, que le Sénat a rejetée il y a quelques semaines. Je suis tentée de croire que notre assemblée n'a pas changé d'avis depuis.
Un tel alourdissement de la fiscalité ferait peser un risque majeur de désinvestissement dans le secteur des Ehpad privés lucratifs. La dénonciation de M. Castanet était légitime. Je ne mâcherai pas mes mots : c'est faire de l'argent sur le dos des anciens.
Mais tout le secteur des Ehpad commerciaux a été touché, jusqu'aux résidents et à leurs familles. Certes, des établissements se comportaient mal, mais l'opprobre a été jeté sur tous.
Il faut nuancer le tableau. Les Ehpad publics ont aussi leurs limites. Il faut trouver un équilibre entre tous ces acteurs dont nous avons besoin.
Avis défavorable à l'amendement n°649 rectifié.
Quant à l'amendement n°753 rectifié, je renvoie au rapport de notre commission sur ce point, qui jugeait non pertinent un alourdissement de la fiscalité sur ces structures.
Enfin, l'amendement n°957 rectifié plaide pour d'autres sources de financement que celles qui sont utilisées actuellement, mais nous formulerons dans quelques minutes une autre proposition. Avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis. Vous pointez un problème réel, mais vous proposez de très mauvaises solutions ! Un alourdissement de la fiscalité pourrait avoir deux conséquences : tout d'abord, une baisse d'investissements du privé lucratif. Or nous avons besoin de l'ensemble des acteurs, car nous manquons de places. Ensuite, les Français paieraient plus cher si l'on suivait vos solutions.
Accroître la fiscalité est une fausse bonne idée.
Mme Monique Lubin. - Vous trouverez toutes sortes de raisons pour expliquer pourquoi il ne faut pas solliciter les grands groupes lucratifs. Mais c'est bien la puissance publique qui paie le soin et la dépendance au sein des Ehpad. La partie hôtelière reste à la charge du client. C'est sur elle que les grands groupes créent des fortunes considérables.
Je ne suis pas contre les entreprises. Mais on ne peut décemment laisser des fortunes se constituer sans mettre à contribution ces entreprises ! Ce n'est peut-être pas la bonne solution, mais peut-on consentir à travailler sur le sujet ?
La plupart des Français ne pourront pas se payer une place en Ehpad. Monsieur le ministre, vous dites que les prix augmenteront. Mais c'est déjà fait ! Les prix sont astronomiques dans ces structures.
Nous devons nous attaquer à ce problème. (M. Alain Milon marque son approbation.)
Mme Raymonde Poncet Monge. - Le problème du taux d'occupation a touché tous les Ehpad : cela n'a rien à voir avec la fiscalité, mais tout à voir avec un modèle à bout de souffle.
Orpea - et c'est pareil pour les crèches - a financé son développement international grâce à la solvabilisation que lui a apportée la sécurité sociale.
Ces structures croissent par les profits réalisés par les premiers Ehpad ouverts, mais aussi par l'endettement, la Caisse des dépôts et consignations leur servant même de levier !
Quand on fait de telles fortunes, vous ne pourrez pas me dire que c'est raisonnable ! Surtout si la sécurité sociale est la base de leur profitabilité.
M. Jean-Luc Fichet. - En ces journées de congrès des maires, je suggère que vous alliez dans les couloirs pour rencontrer ceux d'entre eux qui sont aussi gestionnaires d'Ehpad publics. Expliquez-leur qu'Orpea fait partie des 500 groupes les plus riches, alors qu'eux n'ont pas un euro de plus pour mieux gérer les Ehpad dont ils ont la charge.
L'ARS attribue des financements aux établissements pour 100 postes. Mais seuls 80 sont réellement occupés. Comme il n'y a pas de contrôle en aval, les 20 postes finissent par disparaître, mais les crédits demeurent et contribuent aux superprofits réalisés par ces grands groupes.
Et vous dites que nos propositions les décourageraient d'investir ? Pas du tout, puisqu'ils s'orientent vers les crèches, désormais !
Mme Anne Souyris. - Le rapport d'information que j'ai rédigé avec Chantal Deseyne et Solanges Nadille montre que les Ehpad privés lucratifs n'ont pas le même cahier des charges que le public ou le privé non lucratif. Résultat : le secteur privé accueille des gens plus riches, moins malades ; les besoins en personnel sont moins importants.
On donne de l'argent à des actionnaires ! Si on le versait à des Ehpad privés non lucratifs, on le dépenserait mieux. Car c'est aussi l'argent de la maltraitance !
Mauvaise gestion, maltraitance institutionnelle : la situation est grave à plus d'un titre.
Donner de l'argent à des actionnaires ne crée pas de places en Ehpad et ne résout aucun problème.
M. Xavier Iacovelli. - Les scandales des Ehpad et des crèches nous obligent à adopter de nouvelles règles, mais qui dit régulation ne dit pas forcément taxation. Il faut plus de contrôle, face aux dérives.
Il faut des cahiers des charges pour mieux contrôler l'utilisation de l'argent public, plutôt que de créer une nouvelle taxe qui se répercutera sur les prix payés par les résidents. (Exclamations sur quelques travées du groupe SER)
Il y a un problème, nous devons trouver des solutions rapidement : les Ehpad publics sont déficitaires, les Ehpad privés font du profit grâce au financement public. Mais, par pitié, pas de taxe supplémentaire !
Mme Émilienne Poumirol. - Sur les pauvres entreprises !
Mme Chantal Deseyne. - Comme vous, je dénonce les abus des Ehpad lucratifs, mais nous avons besoin de ces places d'Ehpad privés, le secteur public et le privé non lucratif ne pouvant pas en proposer suffisamment.
Certes, il faut mieux encadrer, mais ne généralisons pas à partir des abus qui ont pu être constatés. (M. Laurent Burgoa et Mme Frédérique Puissat applaudissent.)
M. Michel Canévet. - La taxation des entreprises n'est pas la meilleure solution pour développer l'économie. Nous avons des défis à relever, à commencer par le vieillissement de la population. L'action publique seule ne suffira pas. Heureusement que des acteurs privés se sont organisés pour assurer l'accueil de nos anciens, en complément de l'action publique. Il y a aussi de la maltraitance dans les établissements publics !
Les usagers ne sont pas toujours pris en charge comme il le faudrait.
Mme Annie Le Houerou. - Ils manquent de moyens !
M. Michel Canévet. - J'ai entendu citer Orpea, mais qui est son premier actionnaire ? La Caisse des dépôts et consignations...
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je l'ai dit !
M. Michel Canévet. - ... sous le contrôle du Parlement !
Son deuxième actionnaire ? La MAIF, organisme mutualiste !
Faisons en sorte que les investisseurs répondent aux besoins de la population, pour développer l'économie. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)
Mme Monique Lubin. - Avec des tarifs à 4 000 euros par mois ?
M. Daniel Chasseing. - Ne mélangeons pas tout. Des contrôles ont montré des cas de maltraitance dans des établissements privés. Les établissements privés à but non lucratif représentent 90 ou 95 % de l'offre dans les départements ruraux, et tout se passe bien. J'en profite pour saluer le travail des employés. Mais les effectifs sont trop peu nombreux pour faire face au vieillissement de la population.
Nous avons besoin d'investisseurs pour créer des emplois, qui généreront des cotisations, lesquelles financeront les retraites.
Mme Céline Brulin. - On prête un réflexe pavlovien aux parlementaires de gauche que nous sommes : la taxation. (On le confirme à droite.) Vous faites erreur !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - C'est quand même bien documenté...
Mme Céline Brulin. - Le personnel des Ehpad agit par vocation - et fait au mieux. (M. Michel Canévet renchérit.)
Sans ouvrir un débat sémantique, « lucratif » signifie « qui apporte des gains, des bénéfices, des profits ». Pas de problème si cet argent est réinvesti pour améliorer les conditions d'accueil des résidents.
Nous ne mettons pas seulement des scandales en avant. Nous dénonçons aussi une logique. Allez sur internet et tapez « investissement en Ehpad » : les taux de rendement laissent rêveur. Prendre soin de nos anciens est-il réellement compatible avec le fait de faire de l'argent pour de l'argent ?
Pas moins de 66 % des Ehpad et 85 % des Ehpad publics sont en déficit. N'est-il pas raisonnable de chercher des nouveaux moyens pour y remédier ?
L'amendement n°649 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos753 rectifié et 957 rectifié.
M. le président. - Amendement n°682 rectifié de Mme Canalès et du groupe SER.
Mme Marion Canalès. - Cet amendement vise à limiter les vocations lucratives démesurées des établissements accueillant des publics fragiles, tels que les Ehpad ou les crèches.
Quatre mastodontes des crèches privées sont financés par des fonds de pension américains. Les salariés du groupe People & Baby n'ont pas été payés en octobre dernier ; des problèmes dans l'accueil des enfants ont aussi été constatés. On ne parle pas de groupes privés locaux qui accompagnent les territoires !
Des collectivités passent des délégations de service public avec ces groupes, qui ne recherchent que le profit, sans s'attacher à la qualité d'accueil des enfants et de ceux qui les encadrent.
Thomas Cazenave, ici même, avait dit qu'il fallait « porter le fer sur la régulation » et non « recourir à une nouvelle taxe ». Depuis, rien !
Il faut trouver des solutions. C'est l'objet de notre amendement : non taxer pour taxer, mais réguler pour un développement plus harmonieux.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - J'aimerais trouver des philanthropes, ce serait l'idéal...
Le privé à but lucratif doit prendre sa part pour faire face au manque de place, mais avec une surveillance accrue.
Vous proposez d'instaurer une cotisation de 15 % sur les dividendes des établissements et services sociaux et médico-sociaux et les établissements d'accueil du jeune enfant, soit des structures dont nous pouvons difficilement nous passer.
Mme Audrey Linkenheld. - Ce n'est pas très clair...
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Cela découragerait un grand nombre d'investisseurs. (Protestations à gauche)
Nous sommes d'accord sur la nécessité de trouver des financements pour l'autonomie et la petite enfance, mais nous ne sommes pas d'accord sur les moyens d'y parvenir.
Mme Audrey Linkenheld. - C'est sûr...
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis, pour les mêmes raisons.
Derrière ces amendements, qu'on peut qualifier d'appel, il y a le souhait de ne plus voir le secteur privé investir dans ce domaine.
Mme Marion Canalès. - Nous n'avons pas vraiment dit cela.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - C'est votre droit le plus strict de penser que seul le secteur public devrait intervenir dans ces secteurs, comme la petite enfance par exemple.
Mais nous avons besoin des acteurs privés, moyennant un meilleur encadrement, par un cahier des charges plus strict.
Demande de retrait, car ce débat ne concerne pas la fiscalité à proprement parler, sinon avis défavorable.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Il ne devrait pas être permis de faire des profits sur les activités des Ehpad et des crèches. Vous mélangez privé et financiarisation. Orpea a des retours sur investissement très rapides, grâce aux financements publics.
Ces groupes rechigneraient à investir, dites-vous ? Mais la sécurité sociale a payé trois ou quatre fois les places de crèche ! Un tel niveau de dividendes pour s'occuper d'enfants ou pour soigner des gens, est-ce normal ?
La financiarisation de ce secteur est insupportable, au vu du niveau de profits générés.
M. Olivier Henno. - C'est l'Union soviétique !
Mme Raymonde Poncet Monge. - Arrêtons la spoliation !
Avec cet argent, on aurait pu créer des crèches publiques. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)
M. Jean-Luc Fichet. - Je suis d'accord pour abandonner l'idée d'une taxe additionnelle, à condition qu'un contrôle de chaque établissement soit réalisé au moins une fois tous les deux ans, de manière aléatoire.
Nous ne sommes pas opposés à l'investissement privé, mais celui-ci doit être contrôlé et l'argent doit être bien utilisé pour améliorer la vie des personnes âgées.
Seules 15 % des personnes résidant en Ehpad sont heureuses d'y vivre : dans le public, du fait du manque de moyens ; dans le privé, du fait du manque de volonté d'investir les moyens importants dont le secteur dispose.
Mme Marion Canalès. - Nous proposons non pas une taxation à l'aveugle du secteur privé, mais bien une cotisation sur les dividendes, qui découlent non seulement de l'argent public, mais aussi de la recapitalisation de fonds de pension.
Monsieur le ministre, je ne retirerai pas mon amendement. L'an dernier, votre prédécesseur avait donné un avis défavorable. Mais Jean Christophe Combes avait déjà dit en 2021 et 2022 qu'il fallait plus de contrôles. Depuis, rien ! Or les déviances se poursuivent.
Arrêtons les rapports : Combes, Igas, Sénat, Assemblée nationale... Il faut passer aux actes !
M. Michel Canévet. - La mise au point de M. Fichet m'a rassuré. C'est une hérésie de croire que l'on pourrait tout résoudre par l'action publique.
Plusieurs voix à gauche. - Ce n'est pas ce que nous avons dit !
M. Michel Canévet. - Le privé a toute sa place pour répondre aux besoins de la population, je le constate chez moi en Bretagne : sans le privé, pas de prise en charge médicale ou sociale !
Mme Annie Le Houerou. - C'est l'assurance maladie qui paie !
M. Michel Canévet. - Les Ehpad, comme les hôpitaux, souvent mutualistes, relèvent du privé.
N'opposons pas privé et public, c'est l'alliance des deux qui répond aux besoins.
Plusieurs voix à droite. - Bravo !
L'amendement n°682 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°125 de Mme Doineau au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - J'ai le sentiment que vous attendiez cet amendement avec impatience, même si ce n'est pas avec enthousiasme...
Comment aborder le mur du Grand Âge, le virage domiciliaire, le défi de l'investissement dans les Ehpad publics ?
Faute d'avoir anticipé le vieillissement de la population, nous sommes au pied du mur. Selon le rapport Libault, il faudrait 10 milliards d'euros pour le financer.
Le rapport Vachey et le rapport de nos collègues sur la situation des Ehpad préconisaient d'affecter un jour de travail pour la solidarité.
La première journée de solidarité date de 2004 : du lundi de Pentecôte on est passé à une journée choisie, un RTT, une fragmentation de ces heures, selon les cas.
Compte tenu de ces évolutions, nous préférons donc parler de « contribution de solidarité par le travail » et proposons une durée de quatorze heures (on feint l'épouvante à gauche) - enfin, sept heures de plus qu'aujourd'hui (on fait mine de se rassurer à gauche), ce qui engendrera un financement pérenne de 5 milliards d'euros. Ce n'est pas de gaieté de coeur que nous faisons ces propositions...
M. Jean-Luc Fichet. - Dans ce cas, ne les faites pas !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Mais vous non plus, tout à l'heure, n'est-ce pas ? (Sourires)
Mme Monique Lubin. - Si, si !
M. le président. - Sous-amendement n°1360 de M. Canévet.
M. Michel Canévet. - La situation est si difficile qu'il faut des moyens importants : je propose donc d'aller plus loin que la proposition de la rapporteure générale.
Nous ne sommes pas assez productifs, les chiffres de l'OCDE le montrent. (On le conteste à gauche.) Étonnez-vous, après, que nous ne soyons pas assez compétitifs à l'échelle internationale ! Il faut donc un effort collectif. (Marques d'ironie sur les travées du GEST)
Mme Cécile Cukierman. - Par le travail gratuit ?
M. Michel Canévet. - La production sociale, chacun y a droit, chacun doit donc y contribuer.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Avec vous, ce sont toujours les mêmes !
M. Michel Canévet. - Voilà pourquoi je propose d'allonger le temps de travail de 1 607 à 1 625 heures.
M. le président. - Sous-amendement n°1365 de Mme Jacquemet.
Mme Annick Jacquemet. - L'amendement de la commission des affaires sociales abonderait la branche autonomie de 2,5 milliards d'euros, via une hausse de la CSA augmentant les ressources de la CNSA. Les départements s'en félicitent. Les taux de couverture d'allocations personnalisées d'autonomie (APA) et de prestations de compensation du handicap (PCH) des départements sont insuffisants pour faire face aux enjeux du vieillissement. Il convient donc de porter les concours de la CNSA aux départements au niveau de 50 % en fléchant vers eux la moitié de la hausse de la CSA.
M. le président. - Amendement n°903 rectifié ter de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.
M. Michel Canévet. - Le problème..., ce sont les 35 heures. (On rivalise d'ironie à gauche ; Mme Audrey Linkenheld lève les bras au ciel.)
Mme Cécile Cukierman. - Ben tiens !
Mme Émilienne Poumirol. - Et les congés payés !
M. Michel Canévet. - Nous proposons non pas un effort exceptionnel, mais un effort à la hauteur des besoins pérennes de la protection sociale. Nous ne vivons pas en autarcie : le monde évolue, il faut travailler plus, d'autant qu'on entre plus tard dans la vie active. Nos entreprises ne sont pas assez concurrentielles. Une augmentation de dix-huit heures sur l'année n'est pas un effort très important ; mais, sans lui, nous traînerons un déficit impossible à résorber.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Faux : nous vous avons proposé des recettes.
M. le président. - Amendement n°1043 rectifié bis de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - La trajectoire actuelle n'est pas à la hauteur du défi du vieillissement : il faut augmenter le personnel en Ehpad, en créant quatre postes par établissement, ainsi que le nombre de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad). Il faut 50 000 emplois supplémentaires, soit 2,5 milliards d'euros de plus. Pour cela, il est impératif d'instaurer une seconde journée de solidarité. La nation doit être consciente de l'enjeu budgétaire de notre pays, d'autant plus que les contribuables ont bénéficié de la suppression de la taxe d'habitation et de la redevance audiovisuelle.
Cela ne représente que dix minutes par semaine pour financer cette noble cause de la solidarité avec nos aînés qui se sont dévoués pour nous. Pas de taxe, mais de la solidarité ! (Applaudissements et acclamations sur les travées du groupe INDEP ; Mme Apourceau-Poly ironise.)
M. le président. - Amendement identique n°820 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous proposons de porter de 0,3 % à 0,6 % le taux de la CSA sans augmenter le temps de travail. Les 35 heures ont entraîné une intensification inédite du travail. Mais c'est de la mauvaise productivité : on fait en 35 heures ce que l'on faisait en 39 heures.
M. Daniel Chasseing. - (Agitant les bras en signe de dénégation) Non !
Mme Raymonde Poncet Monge. - Lisez les études économiques ! Cela a été mesuré par la Dares. (On proteste à droite) Vous pouvez ne pas être d'accord... Dans ces conditions de densification, vous ne pouvez pas augmenter le temps de travail sans récolter du turn-over, de l'épuisement professionnel et des arrêts de travail.
Mme Jocelyne Guidez. - Pour une journée ?
M. le président. - Amendement identique n°904 rectifié ter de M. Canévet et alii.
M. Michel Canévet. - Je partage l'analyse de Raymonde Poncet Monge sur les méfaits des 35 heures... C'est pour cela que je souhaite augmenter le temps de travail ! (Applaudissements et rires au centre et à droite)
M. Patrick Kanner. - Déposez une proposition de loi !
M. Michel Canévet. - J'avais déjà déposé cet amendement de repli à l'amendement n°903 rectifié ter l'année dernière, sans succès, hélas - nous ne serions pas dans une situation aussi grave. Il revient à ajouter dix-huit heures supplémentaires de travail, mais rémunérées. (Exclamations ironiques à gauche)
Mais il serait préférable d'adopter mes amendements précédents. C'est le sens de l'histoire que d'augmenter le temps de travail. N'ayons pas peur ! (Exclamations ironiques à gauche)
M. le président. - Amendement identique n°947 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Cet amendement double le niveau de la CSA payée par les entreprises afin de ne pas laisser les salariés et les retraités seuls à financer la branche autonomie. Il est possible d'augmenter cette contribution sans imposer de travailler gratuitement sept heures supplémentaires par an.
M. le président. - Amendement n°574 rectifié de Mme Le Houerou et alii.
Mme Annie Le Houerou. - Nous proposons une alternative à l'amendement n°125 de la rapporteure générale, qui rapporterait également 2,5 milliards d'euros, en doublant le taux de la CSA.
M. Laurent Burgoa. - On taxe ! On taxe !
M. le président. - Amendement n°1169 rectifié de M. Capus et alii.
M. Emmanuel Capus. - Avec 1 664 heures travaillées en moyenne, la France a l'un des plus bas taux de travail des pays de l'OCDE, dont la moyenne est de 1 770 heures. Pourtant, notre système social est plus protecteur. Or la dépendance augmente, avec le vieillissement des baby-boomers.
Quelle réponse y apporter ? Travailler sept heures de plus. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.) Pour moi, cela passe par un jour de congés payés en moins. (Marques d'ironie à gauche)
Il est vrai que les 35 heures ont été désastreuses pour la qualité de l'emploi et pour la compétitivité - sans créer aucun emploi.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Avis défavorable à l'amendement n°903 rectifié ter et au sous-amendement n°1360. Nous partageons votre objectif, mais la quotité proposée compromettrait le consentement des travailleurs. La journée de solidarité, qui date de vingt ans, n'est pas contestée. (M. Mickaël Vallet le conteste ; M. André Reichardt le confirme.) Restons-en donc à la proposition de la commission - même s'il faudra la compléter par de nouvelles sources de financement : 2,5 milliards d'euros ne sont pas suffisants.
Retrait, sinon avis défavorable sur le sous-amendement n°1365. Certes, les dépenses d'APA et de PCH ne sont couvertes respectivement qu'à 46 % à 31 %. Mais votre amendement priverait la branche autonomie d'une partie de ses ressources. En revanche, la proposition de la commission des affaires sociales finance bien la branche autonomie en affectant directement une partie des recettes nouvelles aux départements. Aller plus loin brouillerait le message.
À l'article 20, le Gouvernement a déposé un amendement réformant le taux de participation de la CNSA aux départements : ce sera l'occasion de débattre de ce sujet.
Retrait, sinon avis défavorable aux amendements nos1043 rectifié bis, 1169 rectifié et 574 rectifié, ainsi qu'aux amendements identiques nos820, 904 rectifié ter et 947. La proposition de la commission des affaires sociales augmente le taux de la CSA de 0,3 % à 0,6 % : ils sont donc satisfaits. (Mme Cécile Cukierman s'en étonne.) C'est pourtant le cas.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - À périmètre constant, avec les annonces faites par le Premier Ministre, la CNSA bénéficiera de 6 milliards d'euros, dont un soutien exceptionnel de 200 millions d'euros de soutien et l'ensemble des concours pour l'APA et la PCH. Le financement de l'autonomie doit-il passer par une augmentation du temps de travail ? Le débat a bien été posé.
Notre modèle de protection sociale est fondé sur le travail - certains le contestent, mais c'est fidèle à l'esprit de ses créateurs. Si nous avons de plus en plus de besoins et de plus en plus de dépenses, alors il faut travailler plus. C'est un simple produit en croix. (Protestations à gauche)
Mme Raymonde Poncet Monge. - Vous savez calculer...
Mme Cécile Cukierman. - Vous êtes le nouvel Ambroise Croizat.
Mme Audrey Linkenheld. - Sérieusement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - J'ai fait des mathématiques, madame la sénatrice ! Comparons avec les autres pays.
M. Patrick Kanner. - Nous attendons.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Les chiffres...
M. Guillaume Gontard. - Les chiffres de quoi ?
M. Thomas Dossus. - De qui ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - ... de la durée annuelle de travail sont de 1 664 heures effectives en France - 122 heures de moins qu'en Allemagne. Nous avons 34 jours de congés en France, contre 27 au Royaume-Uni et 26 en moyenne dans l'Union européenne. Nos 1 664 heures effectives doivent être comparées à 1 696 en Belgique, 1 729 en Espagne, 1 785 en Allemagne, 1 792 en moyenne dans l'Union européenne. On peut en tirer les conclusions que l'on veut mais, à la fin, il faudra financer notre système de sécurité sociale. Comment ? (Marques d'ironie à gauche) Si l'on veut que le travail paye, alors la question du temps de travail n'est pas un tabou.
Mme Audrey Linkenheld. - Est-ce une annonce ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Cela ne passera pas par un amendement au PLFSS, mais il serait bon d'en discuter avec les partenaires sociaux. (L'ironie redouble à gauche) Il serait assez hypocrite de balayer cette question d'un revers de main.
Nous voulons nous payer un système de protection sociale sans un temps de travail suffisant en contrepartie. Tous ici, nous souhaitons renforcer ce système. (On le conteste sur les travées du GEST) S'il repose sur le travail, il faudra travailler plus. (Protestations à gauche)
Retrait, sinon avis défavorable sur tous les amendements.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Issu du dernier rapport sénatorial sur les Ehpad - qui n'a pas été adopté à l'unanimité - voilà le retour de la journée de solidarité. Vous avez beau calculer combien cela fait par semaine, cela ne change rien : c'est une journée de repos en moins.
Pourtant, cette idée ne figure ni dans le rapport Libault - qui constatait qu'aucun participant à la consultation ne le demandait - ni dans le rapport Vachey - qui parle « d'effets incertains ».
M. André Reichardt. - Alors comment fait-on ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - Au lieu de cela, ces rapports recommandent de revenir sur les exonérations de cotisations sociales du bandeau famille au-dessus de 2,5 Smic, ce qui rapporterait 1,1 milliard d'euros, sans effets notables sur l'emploi.
Notre proposition alternative - revenir sur l'exonération non compensée par le budget de l'État des heures supplémentaires - aurait le même rendement : 2,4 milliards d'euros. D'ailleurs, pour les salariés qui effectuent des heures supplémentaires, votre solution représente une perte de revenus immédiate, puisque leurs sept premières heures supplémentaires ne leur seraient plus payées. (On s'impatiente à droite.) La CSA n'est pas une contribution employeur.
M. Jean-Luc Fichet. - Il y a le temps de travail d'une part, et la productivité de l'autre. En France, les salariés sont très productifs et font en 35 heures ce qu'ils faisaient en 39 heures. J'ai une pensée pour les nombreux Finistériens qui travaillent dans l'agroalimentaire, et qui au bout de dix ou quinze ans, sont opérés pour des troubles musculosquelettiques.
C'est la même chose dans les hôpitaux : après les avoir applaudis pendant le covid, on demandera aux soignants dix-heures heures de travail gratuit ? (Protestations à droite) C'est désastreux, inadmissible, incompréhensible.
Mme Silvana Silvani. - J'ai cru entendre tout à l'heure que l'on n'avait pas anticipé le vieillissement de la population ? C'est faux ! On s'est refusé à l'anticiper, c'est différent. Nous attendons toujours la loi Grand Âge...
Vous modifiez les termes, mais pas le fond de la journée de solidarité. Ce n'est pas de gaieté de coeur que vous le proposez, madame la rapporteure générale ? Mais qui parle de coeur ? Nous en avons tous ! Ce sont des choix politiques : assumez-les ! C'est votre projet : quand il s'agit de faire contribuer les entreprises et les plus riches, c'est toujours non.
Il y a vingt ans a été créée une première journée de solidarité. Certains étaient déjà au Sénat, peut-être. Le ministre délégué au travail était alors Gérard Larcher.
Une voix à droite. - Et alors ?
Mme Émilienne Poumirol. - Nous n'aurions pas anticipé le vieillissement ? Tout le monde savait que le baby-boom allait avoir des effets.
Une cinquième branche a été créée, mais sans financement réel. La seule solution que vous trouvez est de taxer les travailleurs.
Le ministre dit que nous sommes des obsédés des impôts. Ce n'est pas un gros mot.
M. Olivier Rietmann. - Le travail non plus !
M. Patrick Kanner. - Quand il est payé !
Mme Émilienne Poumirol. - Nous avons fait des propositions pour financer cette cinquième branche.
Quand on entend que le rendement des microcrèches privées est de 16 à 18 %... Mais quelle industrie a un tel rendement ? Même Airbus, fleuron de notre industrie n'y est pas. C'est intolérable. Nous proposons des taxations, que vous balayez toujours d'un revers de la main en les qualifiant de dogmatiques. Et maintenant, c'est la course à l'échalote.
M. Olivier Henno. - Quelqu'un tout à l'heure a déclaré que pour distribuer la richesse, il fallait la créer.
Mme Monique Lubin. - C'était moi.
M. Olivier Henno. - C'est bien de cela qu'il s'agit. L'amendement de la rapporteure générale participe à l'équilibre du PLFSS. Nous ne sommes pas en train de dire que les Français sont paresseux... (On en doute à gauche.)
Dans le privé, les 35 heures n'existent plus, sans avoir eu besoin de passer par la loi. La durée moyenne est de 38,5 heures. Les 35 heures ne sont plus un temps de travail mais un seuil de déclenchement des heures supplémentaires. (Mme Silvana Silvani s'exclame.) Cette contribution de sept heures sera gérée par les entreprises et les branches.
Les demandes des travailleurs portent, dans l'ordre, sur les rémunérations, l'organisation, la considération ; le temps de travail ne vient qu'en quatrième position.
Le temps de travail doit-il est calculé par semaine, par mois, ou tout au long de la vie ? La génération Z a un autre regard sur le travail.
Votons l'amendement de la rapporteure générale.
Mme Monique Lubin. - Je ne savais pas que c'était la fête, ce soir ! Tant qu'on y est, je vous propose que l'on supprime les 35 heures, et une semaine de congés payés ! (Mme Frédérique Puissat et M. Olivier Rietmann applaudissent.) C'est bien connu : dans ce pays, dès qu'il y a eu des avancées sociales, toutes les entreprises ont fait faillite et le pays a perdu toute attractivité. C'est le marasme !
Mais où sommes-nous ? M. Canévet estime que l'augmentation du temps de travail va dans le sens de l'histoire ! De l'histoire qui marche à reculons, oui !
Les partenaires sociaux seront ravis de savoir que les Français devront perdre un nouveau jour férié. Continuez à ce rythme-là, il n'y en aura plus beaucoup !
Nous avons perdu 500 milliards d'euros depuis sept ans à cause des cadeaux fiscaux, mais nous ne demandons aucune compensation aux entreprises !
M. André Reichardt. - Nous avons 1 200 milliards d'euros de dette !
Mme Monique Lubin. - Tout cela nous annonce quelques discussions très intéressantes. Vous faites de la provocation, chers collègues. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Daniel Chasseing. - Nous attendions la loi Grand Âge depuis 2020. Nous attendions en 2016 la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement (ASV). Nous avons voté une loi pour une société du bien vieillir, mais sans aucune création d'emploi.
La productivité n'augmente pas en France. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.) Nous finançons notre modèle social en partie par la dette.
La proposition représente dix minutes par semaine pour financer une cause noble. Cela montrerait de la cohésion sociale, comme lors des jeux Olympiques.
Mme Poncet Monge prétend qu'on fait la même chose en 35 heures qu'en 39 heures ? Pas dans les hôpitaux ni dans les Ehpad, où les 35 heures ont supprimé l'équivalent en temps de travail de 80 000 emplois, soit 10 % du personnel ! (M. Laurent Burgoa renchérit ; Mme Cécile Cukierman s'exclame ; applaudissements sur quelques travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; protestations à gauche)
L'amendement n°1043 rectifié bis est retiré.
M. Bernard Jomier. - Monsieur le ministre, vous parlez d'un système social en danger ? Mais depuis que les LFSS existent, mettant fin au paritarisme, il y a des transferts des finances sociales vers le budget de l'État. Dernière en date, la ponction des 136 milliards d'euros de la Cades.
Le déficit de la sécurité sociale est délibéré : il sert à alimenter l'idée selon laquelle notre système de protection sociale n'est pas tenable - alors qu'il l'est, si l'on respecte son périmètre.
Vous rejetez toutes les pistes de mise à contribution des plus aisés. Pour financer la branche autonomie, vous allez demander aux infirmières de travailler sept heures de plus ? Enfin, pas à toutes, puisque, selon leur statut, les fonctionnaires, les salariés et les indépendants ne sont pas traités à la même enseigne. C'est inacceptable.
M. Alain Milon. - Travailler sept heures supplémentaires non payées dégagerait 2,5 milliards d'euros par an pour la branche autonomie.
Si notre pays ne veut pas se paupériser, nous devrons travailler plus, car nous sommes à la traîne par rapport aux autres pays développés en nombre d'heures travaillées.
Nous avons longtemps dit que notre productivité était supérieure à celle des autres, mais cela n'est plus vrai.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Depuis quand ?
M. Alain Milon. - Depuis dix ans, la productivité de la France augmente de 0,4 %, contre 0,7 % en Allemagne et aux États-Unis. (Protestations à gauche)
Si je trouve l'idée de la rapporteure générale économiquement salutaire, son objectif est plus contestable, car il est proposé de travailler plus, non pour renforcer son pouvoir d'achat, mais pour renflouer les caisses de la sécurité sociale.
Mme Cécile Cukierman. - Ce n'est pas sarkozyste, ça !
M. Alain Milon. - On alimente le tonneau des Danaïdes... J'espère que cette mesure ne sera que transitoire.
Mme Anne-Sophie Romagny. - La cinquième branche, qui nous concerne tous, doit être financée par un effort de solidarité.
Je précise : un indépendant ne travaille pas 35 heures, mais 60 ou 70 heures par semaine ! (Murmures à gauche)
On parle de deux minutes de plus par jour ! En est-on incapable, alors qu'il s'agit de sauver la branche autonomie ? (M. Olivier Rietmann applaudit.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Et taxer les actionnaires ?
M. Marc Laménie. - Je salue les membres de la commission des affaires sociales qui travaillent depuis des jours sur ce PLFSS.
M. Emmanuel Capus. - Et pas deux minutes !
Mme Audrey Linkenheld. - Nous aussi, on travaille !
M. Marc Laménie. - L'intitulé de la contribution fait référence à celle qui avait été créée par la loi de juin 2004.
La démographie explique une partie du problème : les personnes âgées en perte d'autonomie sont au nombre de 1,3 million et devraient être 2 millions à horizon 2050. Les missions à financer sont nombreuses : Ehpad, APA, PCH, maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), accompagnement des aidants... Les dépenses sont estimées à 42 milliards d'euros en 2025.
Je voterai l'amendement de la commission.
Mme Céline Brulin. - Nous sommes d'accord avec la rapporteure générale sur un point : il faut nous appuyer sur le rapport Libault.
Mais vous considérez que seuls les salariés doivent être mis à contribution pour financer la branche autonomie. Si l'on suit cette logique, il faut non pas une journée, mais une semaine de travail gratuit !
Si je n'étais pas normande, j'attendrais de vous, monsieur le ministre, autre chose que : « ptêt' ben qu'oui, ptêt' ben qu'non » ou « non, pas ce soir à 23 h 23, mais sinon pourquoi pas ? ».
Cette journée de travail rapporterait 2,5 milliards d'euros, tandis que nous en sommes à 80 milliards d'euros d'exonérations de cotisations. C'est tellement énorme que vous cherchez vous-même à corriger cela, modestement, à hauteur de 3 milliards d'euros. Pourquoi n'allons-nous pas chercher par là pour financer l'autonomie ?
Certains falsifient les chiffres de la compétitivité française pour tuer les 35 heures. Certes, elle a reculé, mais l'OCDE nous place au sixième rang européen - ce n'est pas si mal.
Vous risquez de mettre encore un peu plus de monde dans la rue en novembre et décembre.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Franchement, tout cela n'est pas sérieux. Depuis trois jours, nous vous suggérons des recettes : taxer les Ehpad privés lucratifs ? C'est non. Faire cotiser les actionnaires ? Non. Revenir sur les retraites chapeaux ? Encore non. Alléger les exonérations de cotisations ? Toujours non !
Finalement, vous allez faire payer la note aux plus fragiles, les ouvriers, parce que vous ne voulez pas aller chercher l'argent dans la poche de vos amis.
Vous êtes bienveillants : seulement deux minutes de plus par jour !
Tout cela est une belle arnaque et une sacrée attaque contre le monde ouvrier. (Marques de réprobation à droite)
M. Canévet, qui n'en a jamais assez (M. Canévet s'en amuse), nous propose déjà d'ajouter une troisième journée l'an prochain, et une de plus l'année suivante.
Vous êtes généreux avec les bras des autres ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissement sur quelques travées du GEST)
Mme Cécile Cukierman. - Finalement, au détour d'un amendement apportant des financements indispensables à la branche autonomie, nous débattons du code du travail...
Il y a une hypocrisie : nous connaissons tous des gens qui prennent des congés pour aider un parent vieillissant ou handicapé. Cet effort individuel sur le temps de repos existe déjà. Si demain, les millions de femmes et d'hommes qui sont à temps partiel ou qui prennent des congés pour s'occuper de leurs proches, arrêtent de le faire, nous serons dans un marasme total. Vous dites à ces femmes et à ces hommes que deux minutes par jour, ce n'est pas si grave.
Nous allons suivre l'avis du ministre, même si nous ne partageons pas ses arguments. La sécurité sociale voulue par Ambroise Croizat reposait sur un véritable paritarisme, qui n'existe plus !
M. Guillaume Gontard. - Monsieur Canévet, contrairement à ce que vous prétendez, le sens de l'histoire est à la réduction du temps de travail, non à son augmentation ! De tous temps et partout dans le monde !
Le Front populaire a mis en place les 40 heures, rétablies, après Vichy, par le Conseil national de la Résistance (CNR). Puis sont venues les 35 heures.
On parle IA, mécanisation, technologie : et pourquoi ? Pour travailler moins et mieux, et gagner en productivité !
Le ministre nous a présenté des chiffres sur la durée effective du travail. La France est dans la moyenne européenne ; elle ne décroche pas du tout, bien au contraire !
Mme Jocelyne Guidez. - Avant, on avait la vignette pour les personnes âgées. On a aussi supprimé la taxe d'habitation. Arrêtons de supprimer ce qui rapporte de l'argent !
M. Pierre Jean Rochette. - J'ai les chiffres, ceux que tout le monde cherche ! (L'orateur brandit un rapport.) Ceux de l'OCDE.
Ce soir, nous honorons la mémoire d'Henri Krasucki. (Sourires)
Mme Cécile Cukierman. - Eh oui !
M. Pierre Jean Rochette. - Mais la vraie question c'est celle des 35 heures, qui ne sont pas appliquées partout. Dans le secteur des transports, par exemple, les salariés ont des contrats d'au moins 200 heures par mois, sinon cela ne fonctionne pas.
Dans les collectivités territoriales, tout le monde fait-il 35 heures ?
M. Laurent Burgoa. - Pas à la Ville de Paris...
M. Pierre Jean Rochette. - À Paris, 75 % des agents ne font toujours pas les 35 heures ! Là, on perd de l'argent !
Je voterai l'amendement d'Emmanuel Capus qui propose un jour de congé payé en moins. (Exclamations à gauche)
M. Michel Canévet. - On ne va pas refaire l'histoire, mais essayer de se projeter dans l'avenir.
On a parlé de fête, d'arnaque, d'attaque contre le monde ouvrier... Mais pas du tout ! Que veut-on ?
Mme Silvana Silvani. - Respecter les travailleurs !
M. Michel Canévet. - Assurer l'avenir de la protection sociale, à laquelle nous sommes tous attachés !
Arrêtons de taxer tous azimuts ceux qui entreprennent ! (Mme Céline Brulin s'exclame.) Veut-on que les rémunérations diminuent ou que les entreprises soient obligées de licencier, faute de pouvoir payer leurs collaborateurs ? (Mme Émilienne Poumirol proteste.) Non, pas du tout !
Nous voulons préserver le modèle social.
M. Guillaume Gontard. - C'est cela que l'on veut !
M. Michel Canévet. - Pour cela, il faudra travailler plus.
Mon second amendement vise à rémunérer le travail supplémentaire. Ce sont les cotisations sociales de ces contributions supplémentaires qui financeront la sécurité sociale.
Projetons-nous dans l'avenir et prenons tout de suite les bonnes décisions, pour ne pas rester dans la difficulté.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - (« Ah ! » sur plusieurs travées) Quelle logique a présidé à notre réponse à la proposition de budget du Gouvernement ?
Les financements existant pour la branche autonomie ne sont pas à la hauteur.
Nous avons donc essayé d'avoir une vision globale et de demander un effort à tout le monde : retraités, entreprises, actionnaires, complémentaires santé, établissements, industriels du médicament, professionnels de santé, usagers, mais aussi salariés.
Ces sept heures n'auront de sens que si leurs recettes sont fléchées vers la branche autonomie et non pas vers le « trou de la sécu ».
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Les 35 heures ne sont pas appliquées : un grand nombre de nos concitoyens travaillent davantage ; un quart des Français seulement travaillent strictement 35 heures ; et certains travaillent moins, comme cela a été dit.
La question du temps de travail est loin d'être secondaire. Si l'on regarde à la semaine, au mois, à l'année ou, mieux encore, sur la vie active, la situation française est de moins en moins brillante... Si nous travaillons moins à l'année que nos voisins, c'est en raison d'un nombre de jours de congés très supérieur à la moyenne européenne. Le nombre d'heures de travail effectif n'est pas secondaire, car c'est la base de la cotisation.
Le travail doit-il financer notre protection sociale ? (Mme Cécile Cukierman s'exclame.) On n'est pas obligé de répondre oui ; on pourrait considérer qu'il faut de plus en plus de contributions fiscales.
Mais il ne me semble pas que cela soit votre objectif politique. Vous défendez le paritarisme et la séparation entre l'État et la sécurité sociale (Mme Cécile Cukierman le confirme) ; je suis complètement d'accord.
Alors, soyons cohérents : le financement de la sécurité sociale doit reposer prioritairement sur des contributions assises sur le travail et la question de la durée du temps de travail entre donc en ligne de compte.
Pour la cinquième branche, c'est pareil : la contribution sur le travail est un levier de ressources. Sinon nous devrons trouver d'autres sources de financement et le paritarisme sera fragilisé.
Mme Cécile Cukierman. - Mais le travail, ce n'est pas que les salaires ! Il y a d'autres richesses !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Certes, et d'autres sources de financement ont été trouvées dans ce PLFSS, le président de la commission l'a bien rappelé. Mais faire comme si c'était un tabou fragilise paradoxalement le financement et la gouvernance de notre protection sociale.
Si nous avions une durée du travail bien supérieure à celle de nos voisins européens, tout irait bien. Mais tel n'est pas le cas.
Mme Céline Brulin. - On est plus productif !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Vous pouvez me parler de productivité autant que vous voulez, moi je parle du financement de notre modèle de protection sociale !
Vous ne pouvez pas dire que l'État ponctionne la sécurité sociale et donne des coups de canif. (M. Bernard Jomier le conteste.) Depuis quand les dépenses sociales liées à la crise covid ne sont pas l'affaire de la sécurité sociale, et donc de la Cades ? On ne peut pas avoir une mutualisation des profits et une étatisation des pertes ! La prorogation de la Cades est cohérente avec ce qui s'est passé pendant la crise covid. Faudrait-il ne pas rembourser cette dette sociale ? Ne sommes-nous pas fiers d'avoir protégé nos concitoyens au prix d'une hausse considérable des dépenses ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - Et les recettes ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - On les a mises en face de l'amortissement de la dette sociale !
Mme Raymonde Poncet Monge. - Ce n'était pas des recettes courantes !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Vous ne pouvez pas dire que l'État ponctionne la sécurité sociale, quand il y a 289 milliards d'euros de transferts de fiscalité vers le budget de la sécurité sociale ! Or plus de recettes fiscales pour financer la sécurité sociale, ce n'est pas une bonne nouvelle. L'État finance trop la sécurité sociale.
Le sous-amendement n°1360 n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°1365.
À la demande des groupes CRCE-K et Les Républicains, l'amendement n°125 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°56 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 216 |
Contre | 119 |
L'amendement n°125 est adopté.
L'amendement n°903 rectifié ter, les amendements identiques nos820, 904 rectifié ter et 947, ainsi que les amendements nos574 rectifié et 1169 rectifié n'ont plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°1172 rectifié de M. Capus et alii.
M. Emmanuel Capus. - Cet amendement est l'occasion de rétablir une injustice qui vise les salariés et les ouvriers, dont la retraite est calculée sur les 25 meilleures années, quand la retraite des fonctionnaires est calculée sur les six derniers mois. Arrêtons de taper sur les salariés et prenons comme base de calcul les 25 meilleures années, pour tout le monde.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Le secteur privé tient compte des primes, quand ce n'est pas le cas dans la fonction publique. En outre, les fonctionnaires de catégorie C ont des salaires assez bas.
Ce sujet mérite une véritable concertation. Avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis.
M. Emmanuel Capus. - C'est un débat complexe. Mon amendement est un amendement d'appel. Je suis d'accord pour que l'on intègre les primes dans le calcul des retraites des fonctionnaires, mais le maintien de deux systèmes de retraite différents ne se justifie pas.
Ayons ce débat à tête reposée, à un moment plus serein. Je retire mon amendement.
L'amendement n°1172 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°949 de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.
Mme Silvana Silvani. - Depuis le 8 novembre à 16 h 48, les femmes françaises travaillent gratuitement en raison des inégalités salariales. En moyenne, les femmes gagnent 24 % de moins que les hommes, à compétences égales. Les entreprises sont dans l'illégalité depuis le vote des lois Auroux de 1982, sans que cela choque !
Les femmes représentent 80 % des travailleurs pauvres et des travailleurs à temps partiel, 99 % des assistantes maternelles et 97 % des aides à domicile. Elles aiment leur métier, mais ne parviennent pas à en vivre. Essayez de survivre avec 700 euros par mois !
Le travail à temps partiel est profondément sexiste et les entreprises abusent des contrats précaires. ?uvrons en faveur de l'égalité salariale en majorant de 10 % les cotisations employeurs des entreprises de plus de 20 salariés qui ont plus de 20 % de leurs salariés à temps partiel.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Avis défavorable. Votre amendement punit les entreprises de secteurs d'activité qui ont structurellement besoin de temps partiel.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Avis défavorable.
Mme Silvana Silvani. - Nous votons des lois, faisons-les respecter !
L'amendement n°949 n'est pas adopté.
La séance, suspendue à 23 h 55, reprend à minuit dix.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Ce soir, nous lèverons la séance à 1 h 30. À un tel rythme, nous achèverons l'examen du PLFSS samedi à 20 heures. (Non ! à droite)
M. Mickaël Vallet. - On n'est pas à une journée près ! (Sourires)
Une voix à gauche. - On viendra gratuitement ! (Rires)
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - J'espère vous voir samedi alors ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mise au point au sujet d'un vote
M. Xavier Iacovelli. - Au scrutin public n°56, Mme Nadège Havet souhaitait s'abstenir.
Acte en est donné.
Discussion des articles de la deuxième partie (Suite)
Article 7 bis
Mme Hélène Conway-Mouret . - L'article 7 bis introduit deux mesures problématiques pour les Français de l'étranger. La raison en est peut-être qu'il est issu de députés de la droite à l'Assemblée nationale, dont aucun ne représente nos compatriotes établis hors de France. Il est facile de s'attaquer à ceux que l'on ne connaît pas.
Premièrement, l'article revient sur l'exonération de CSG et de CRDS pour les retraités français établis en Union européenne et en Suisse. Une telle exonération a été instaurée en 2015, à la suite d'une décision de la CJUE. Hier, j'ai proposé que tous les Français de l'étranger en soient exemptés.
Deuxièmement, l'article prévoit que les certificats de vie seront uniquement délivrés par les consulats : les difficultés chroniques qu'ils rencontrent l'empêcheraient. Ce serait un grand bond en arrière. Dans certains pays, se déplacer au consulat est coûteux, long, voire dangereux.
M. le président. - Amendement n°10 de Mme Richard et M. Cadic.
Mme Olivia Richard. - Quelle vision ! Les Français de l'étranger auraient énormément d'argent, parce qu'ils fraudent. On peut donc les faire payer plus, quand bien même ils payent la cotisation d'assurance maladie (Cotam)... Bref, c'est retour vers le futur !
Par ailleurs, près de 1 370 000 retraites sont versées à des Français résidant à l'étranger : la disposition prévue entraînerait une surcharge de l'activité consulaire, si c'est à effectif constant, et donc une forte baisse de la qualité du service public dans les consulats.
Cet article n'est qu'une caricature.
Je salue le rôle du GIP Union Retraite, qui a développé la lutte contre la fraude par des moyens biométriques, notamment au Maroc ; les résultats sont bons.
M. le président. - Amendement identique n°716 rectifié de M. Jomier et du groupe SER.
M. Yan Chantrel. - Supprimons cet article introduit par un amendement du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale, et soutenu lors d'un scrutin public par les macronistes et le RN, car il stigmatise nos compatriotes établis hors de France.
Nous souhaitons taxer dans la justice, quand vous taxez dans l'injustice. La France a déjà été condamnée par la CJUE pour des dispositions similaires. Rien n'obligeait le Gouvernement à intégrer ce dispositif dans le texte déposé au Sénat.
Les certificats de vie n'étaient plus délivrés par les consulats, car ils n'en ont plus les moyens ; ils sont à l'os. Par ailleurs, le consulat est parfois à des milliers de kilomètres du domicile de nos compatriotes !
M. le président. - Amendement identique n°843 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Ce dispositif favorise une politique du soupçon envers les Français de l'étranger, au nom de l'obsession du fraudeur. Sur 3 000 dossiers étudiés à l'étranger, la Cnav n'a recensé que seize cas de fraude, pour 70 millions d'euros de manque à gagner. C'est une goutte d'eau par rapport aux 340 milliards de pensions de retraite.
Selon la Cnav, les retraités résidant à l'étranger reçoivent une pension du régime général moyenne de 300 euros.
De plus, la disposition aura sans doute un contrecoup financier qui en annulerait tous les bénéfices ; il faudrait embaucher dans les consulats.
Enfin, le dispositif proposé est un doublon d'une expérimentation déjà en cours. Supprimons l'article.
M. le président. - Amendement n°1175 rectifié de Mme Renaud-Garabedian et alii.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Il est regrettable que l'Assemblée nationale ait adopté de telles dispositions présentant les Français de l'étranger comme des nantis et des fraudeurs. Supprimons l'article.
Le Gouvernement a présenté un amendement de suppression de l'alinéa 2 de l'article 7 relatif à la CSG, il est ainsi revenu à la raison.
Pour ce qui concerne les certificats de vie, où est passé le sous-amendement présenté par le Gouvernement à l'amendement n°126 de Mme Gruny ?
M. le président. - Nous n'en sommes pas encore là dans la discussion et ce sous-amendement ne nous est pas parvenu.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Monsieur le ministre, l'avez-vous retiré ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Il va réapparaître dans le dérouleur.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Mes deux amendements seront satisfaits par le sous-amendement du Gouvernement. Je le retire au profit de l'amendement de n°126 et du sous-amendement du Gouvernement.
L'amendement n°1175 rectifié est retiré.
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche vieillesse. - Je vous confirme que le sous-amendement du Gouvernement va arriver.
Cet article apporte deux modifications majeures. D'une part, il assujettit les retraités vivant à l'étranger et percevant des pensions françaises à la CSG et à la CRDS. D'autre part, il restreint les moyens dont disposent les retraités pour justifier leur existence ; actuellement, ils peuvent le faire via un certificat de vie délivré par les autorités consulaires, les autorités locales du pays de résidence ou des professions réglementées comme les notaires, ou via l'utilisation de données biométriques.
L'Assemblée nationale a souhaité préciser que les certificats de vie doivent nécessairement être délivrés par le consulat, pour éviter les faux documents fournis par des notaires corrompus. Or il est très difficile d'obtenir des rendez-vous dans les consulats.
Par ailleurs, l'article 7 bis est contraire au droit européen : les personnes résidant dans un État membre ne peuvent cotiser à perte auprès d'un système de protection sociale d'un autre État membre.
Cela étant dit, je suis défavorable à la suppression de l'article ; je vous invite à voter l'amendement de la commission, sous-amendé par le Gouvernement.
Tous les Français de l'étranger ne sont pas des fraudeurs ! Je connais la situation, vivant près de la Belgique, et une de mes filles vivant au Luxembourg. J'ai déjà monté un dossier pour aider quelqu'un à récupérer la CSG et la CRDS payées à tort !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - L'article 7 bis vise à lutter contre la fraude, objectif que nous sommes nombreux à partager. À la suite de nos discussions avec les parlementaires représentant les Français de l'étranger, nous avons convenu de préciser l'amendement. Il existe déjà un remplacement de la CSG-CRDS, ce qui autorise un taux de 3,20 % pour les avantages de retraite de base et de 4,20 % pour les autres avantages : la CSG et la CRDS n'ont pas de raison d'être.
Les certificats de vie posent davantage de difficultés opérationnelles qu'ils n'apportent de réponse à la lutte contre la fraude. Capitalisons sur les travaux du GIP Union Retraite. Sagesse aux amendements de suppression.
Mme Mathilde Ollivier. - Cet article relève au mieux d'une méconnaissance des réalités et au pire d'une stigmatisation des personnes recevant des pensions à l'étranger. Or les niveaux de pensions de retraite à l'étranger sont faibles. De plus, c'est un droit acquis par cotisation, non une faveur administrative !
Pour gérer les certificatifs de vie de 1,38 million de Français de l'étranger, il faudrait une augmentation substantielle des effectifs des consulats - cela nous laisse rêveurs... Il existe d'autres solutions, comme l'expérimentation déjà évoquée.
Mme Olivia Richard. - Je remercie Mme Gruny pour ses propos. Des actions sont menées contre la fraude à l'étranger, notamment au Maroc, lors de campagnes annuelles. Quelque 8 000 personnes ont été convoquées. Les pensions de celles qui ne s'étaient pas présentées ont été suspendues. Au total, 600 pensions ont été supprimées. Pour rappel, il existe 300 000 retraités de France en Algérie, 100 000 au Maroc.
Les amendements identiques nos 10, 716 rectifié et 843 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°126 de Mme Gruny au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche vieillesse. - Nous supprimons l'assujettissement à la CSG et à la CRDS. Pour le certificat de vie, nous proposons d'abord de faire appel à la biométrie ; se rendre au consulat restera une possibilité. J'entends bien que les consulats manquent d'effectifs.
M. le président. - Sous-amendement n°1383 du Gouvernement.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Avis favorable à l'amendement de la rapporteure, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement, qui garantit la possibilité de recourir à des solutions alternatives au rendez-vous en consulat.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche vieillesse. - Avis favorable au sous-amendement du Gouvernement. Des échanges de données entre les caisses de retraite et les autorités chargées de l'état civil sont prévus.
J'espère que le sous-amendement répondra aux inquiétudes de chacun. Sinon le Quai d'Orsay devra améliorer le traitement des dossiers dans les consulats.
Mme Mathilde Ollivier. - Par cet amendement et ce sous-amendement, on inscrit dans la loi les dispositifs qui existent déjà. Cela me semble inutile. Il suffisait de voter nos amendements de suppression de l'article et le problème était réglé !
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Ce n'est pas du tout les mêmes modalités. Elles sont beaucoup plus précises dans l'amendement de la rapporteure, sous-amendé. On pourra désormais obtenir les certificats de vie par l'intermédiaire d'une banque, ce qui n'existe pas aujourd'hui. (« Très bien ! » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Le sous-amendement n°1383 est adopté.
L'amendement n°126, sous-amendé, est adopté.
Les amendements identiques nos504 et 1263 ainsi que l'amendement n°633 n'ont plus d'objet.
Après l'article 7 bis
M. le président. - Amendement n°416 rectifié bis de M. Menonville et alii.
M. Olivier Henno. - Dans la même logique, cet amendement vise à lutter contre la fraude aux prestations de retraite versées à l'étranger.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Et en faisant quoi ?
L'amendement n°416 rectifié bis, repoussé par la commission et le Gouvernement, est retiré.
Article 8 (Réservé jusqu'avant l'article 11)
Après Article 8
M. le président. - Amendement n°1145 rectifié bis de Mme Conway-Mouret et alii.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Depuis des années, les sénateurs socialistes alertent sur la dégradation des finances de la caisse des Français de l'étranger (CFE). Cette caisse assure une mission de service public en offrant une couverture sociale à tous les Français de l'étranger, sans distinction d'âge ou d'état de santé. Tenue par une obligation d'autonomie financière, elle compte essentiellement sur les recettes issues des contrats d'adhésion. Contrairement aux CPAM, elle ne bénéficie d'un soutien de l'État que pour la partie aidée ; elle ne bénéficie ni de taxes affectées ni de fraction de CSG.
Aussi, nous proposons de transférer à la CFE une part très modeste, à hauteur de 0,01 %, du produit de la fraction de la CSG sur les revenus du patrimoine destiné Fonds de solidarité vieillesse (FSV).
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Cet amendement a été rejeté au Sénat l'année dernière.
Ne réduisons pas les ressources du FSV alors que son déficit croîtra jusqu'en 2028. En outre, l'amendement n°1218 du Gouvernement prévoit de supprimer le FSV.
Avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°1145 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°315 rectifié bis de M. Chantrel et alii.
M. Yan Chantrel. - Nous voulons défendre la CFE, qui est un organisme de sécurité sociale de droit privé, mais chargé d'une mission de service public. Cela signifie qu'elle ne refuse aucun de nos compatriotes, quels que soient leur âge et leurs pathologies, contrairement aux assurances privées. Le coût de ce service public est de 25 millions d'euros.
Nous vous avons demandé d'exonérer de CSG et de CRDS nos compatriotes établis hors Union européenne. Vous l'avez refusé. Puisqu'ils contribuent à la sécurité sociale française, nous demandons au moins qu'une part infime de CSG-CRDS - 25 millions d'euros sur 300 millions - aille à leur caisse.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°315 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°442 rectifié bis de Mme Paoli-Gagin et alii.
M. Marc Laménie. - Les groupements d'employeurs permettent aux petites entreprises de mutualiser leur main-d'oeuvre.
Cet amendement vise à simplifier la gestion de ces groupements d'employeurs, évite des coûts inutiles pour l'administration et garantit la pérennité des avantages sociaux pour les petites entreprises, particulièrement dans le secteur agricole.
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
M. le président. - Amendement identique n°785 rectifié ter de Mme Havet et alii.
Mme Nadège Havet. - La loi prévoit que les salariés de groupements d'employeurs ne sont pas comptabilisés dans l'effectif du groupement. Le transfert des effectifs vers les entreprises utilisatrices est prévu dès 2026, ce qui alourdira leur gestion administrative. Supprimons ce transfert.
M. le président. - Amendement identique n°907 rectifié de M. Canévet.
M. Michel Canévet. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°1040 rectifié bis de Mme Romagny et alii.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Les groupements d'employeurs se substituent aux entreprises en matière de ressources humaines. Contrairement à ce que j'ai entendu, ils paient les cotisations sociales de tous leurs salariés.
Étant donné qu'ils se substituent aux petites entreprises, il est logique de leur appliquer le taux de cotisation patronale prévu pour les TPE et les PME.
M. le président. - Amendement identique n°1202 rectifié bis de Mme Gruny et alii.
Mme Pascale Gruny. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°1270 rectifié bis de Mme Nadille et alii.
Mme Solanges Nadille. - Ces groupements sont très fréquents dans le secteur agricole. Cet amendement simplifierait leur gestion, éviterait des coûts inutiles à l'administration et garantirait la pérennité de ces avantages pour ces groupements.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Nous sommes tous d'accord pour saluer l'utilité des groupements d'employeurs.
Toutefois, ces amendements suscitent plusieurs interrogations : quel est l'avis du Gouvernement ?
En cas de suppression du transfert d'effectifs vers les entreprises utilisatrices, les salariés ne risquent-ils pas de n'être comptabilisés nulle part, suscitant ainsi moins de recettes pour les finances sociales ?
Si la mesure entre en vigueur au 1er janvier 2025, que se passera-t-il pour les entreprises ou les organismes de recouvrement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Retrait. Les salariés mis à disposition d'une entreprise utilisatrice ne seraient comptabilisés ni dans l'effectif du groupement d'employeurs ni dans celui de l'entreprise utilisatrice. D'où un manque à gagner pour les finances sociales, en particulier pour la formation professionnelle et l'apprentissage, ainsi que pour le Fonds national d'aide au logement (Fnal). Nous créerions un précédent et une différence de traitement inexplicable, notamment par rapport aux agences d'intérim.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Nulle lacune dans le système, puisque les groupements d'employeurs paient les cotisations pour tous leurs salariés.
Les agences d'intérim ont un statut différent. Elles visent un accroissement temporaire d'activité et non un besoin pérenne d'emplois à temps partiel.
Quelque 60 % des bénéficiaires des groupements d'employeurs sont des TPE agricoles. Pas moins de 10 % de la masse salariale agricole de la filière dépend de ce système.
Si l'on va dans le sens du Gouvernement, soit on tue les groupements d'employeurs, soit on met des secteurs sous tension le temps pour les groupements d'employeurs de s'organiser afin de rester sous le seuil de dix employés. Ce serait une perte de temps.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Pour une fois, je ne vous suivrai pas, monsieur le ministre.
L'an dernier, nous avons voté cet amendement sous-amendé afin de contourner une partie des difficultés. Je propose de voter cet amendement afin qu'il soit évoqué lors de la CMP. D'ici là, nous tâcherons de répondre aux interrogations du Gouvernement.
Mme Frédérique Puissat. - Très bien !
Les amendements identiques nos442 rectifié bis, 785 rectifié ter, 907 rectifié, 1040 rectifié bis, 1202 rectifié bis et 1270 rectifié bis sont adoptés et deviennent un article additionnel.
L'article 8 bis est adopté.
Article 8 ter
Mme Émilienne Poumirol. - Cet article concerne la fraude sociale. Rappelons que la fraude fiscale (« Oh ! » à droite) fait perdre chaque année entre 80 et 100 milliards d'euros à l'État. Souvenons-nous du livre d'Antoine Peillon, Ces 600 milliards qui manquent à la France.
Parmi les grands acteurs de la fraude sociale, on relève des employeurs indélicats et des travailleurs indépendants. La fraude aux Urssaf est estimée à 691 millions d'euros. Ce chiffre s'élève à 340 millions d'euros pour la MSA. Le travail dissimulé représenterait une fraude comprise entre 8 et 10 milliards d'euros ; or seuls 10 % des sommes ayant fait l'objet d'un redressement sont recouvrées, car certaines entreprises disparaissent ou organisent leur insolvabilité.
Les assurés ne représentent qu'un tiers de la fraude sociale, pour 4 milliards d'euros.
La fraude au RSA et à la prime d'activité et les fausses déclarations à France Travail ne représentent que 0,11 milliard d'euros. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains, l'oratrice ayant épuisé son temps de parole.) Ce sont bien les entreprises et les travailleurs indépendants qui commettent le plus fréquemment des fraudes.
L'article 8 ter est adopté.
Article 8 quater
M. Marc Laménie. - L'article 8 ter ne portait pas sur la fraude, contrairement à cet article.
Le droit de communication au profit des organismes de sécurité sociale remonte à la LFSS 2008. C'était mon premier PLFSS, sous l'autorité notamment d'Alain Milon. (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains)
Les Urssaf et des MSA luttent contre la fraude. La fraude serait estimée à 13 milliards d'euros par an, mais les fautes réellement constatées à 2,1 milliards d'euros.
Il faut améliorer les sources d'information de l'ensemble des corps de contrôle. Le groupe INDEP votera cet article. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
L'article 8 quater est adopté.
Après l'article 8 quater
M. le président. - Amendement n°104 rectifié de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Nous devrions associer les agents consulaires à la lutte contre la fraude. Afin d'obtenir un visa, certains demandeurs doivent prouver leur solvabilité ; ils doivent aussi démontrer qu'ils disposent d'un lieu de résidence.
Une fois sur le sol français, ils sollicitent des prestations sociales auxquelles ils ne devraient pas avoir droit, compte tenu des facultés contributives qui ont servi à justifier l'obtention du visa. Les services consulaires se demandent pourquoi ils ne sont pas davantage consultés.
M. André Reichardt. - Très bien !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je salue le travail de Mme Goulet contre la fraude.
L'article 8 quater propose déjà des avancées.
Votre amendement est satisfait. L'article L. 114-11 du code de la sécurité sociale prévoit que les organismes de sécurité sociale et les services de l'État chargés des affaires consulaires se communiquent les informations nécessaires. Retrait.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis, car votre amendement est satisfait : il existe bien un cadre juridique d'échange avec les autorités consulaires.
L'amendement n°104 rectifié est retiré.
Article 8 quinquies
M. le président. - Amendement n°361 rectifié de Mme Puissat et alii.
Mme Frédérique Puissat. - L'article 6 de la LFSS pour 2024 a prévu l'obligation pour les plateformes numériques de collecter et verser les cotisations sociales des micro-entrepreneurs qui les utilisent. C'était louable pour les VTC, mais il s'est appliqué à d'autres plateformes comme Leboncoin, dont 99 % des utilisateurs sont des particuliers. Un auto-entrepreneur qui l'utilise paie non seulement ses cotisations à l'Urssaf, mais se voit retenir le montant correspondant au bien qu'il a vendu par la plate-forme.
Le nombre de contentieux risque de se multiplier. Les administrations elles-mêmes sont inquiètes. Restons plutôt sur le chemin actuel.
M. Laurent Duplomb. - Bravo !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - L'étude d'impact établit cependant que pas moins de 69 % des micro-entrepreneurs déclareraient à l'Urssaf des chiffres inférieurs à la réalité, et 55 % ne déclareraient rien du tout.
M. André Reichardt. - Ce n'est pas bien !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - C'est considérable. L'article 8 quinquies doit entrer en vigueur le 1er janvier 2026 à titre expérimental, avant d'être généralisé un an après, mais avec les corrections qui s'imposent. Avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - L'amendement me semble disproportionné : il prive les utilisateurs de plateformes d'une simplification bienvenue. Demande de retrait ou avis défavorable. S'il est voté, on le retravaillera en CMP.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Nous avons tous entendu le ministre : le travail reste à faire.
Mme Frédérique Puissat. - Maintenons l'amendement en attendant.
Mme Monique Lubin. - Un particulier qui vend un article sur Leboncoin paye des cotisations à l'Urssaf ?
Mme Frédérique Puissat. - Nous parlons des auto-entrepreneurs !
Mme Monique Lubin. - Nous devons les habituer à verser des cotisations.
Mme Frédérique Puissat. - Ils le font déjà !
Mme Monique Lubin. - Cela me semble une simplification vertueuse.
L'amendement n°361 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°844 de Mmes Poncet Monge et Souyris.
Mme Raymonde Poncet Monge. - La CMP serait donc là pour raccourcir les débats en séance ? Étonnant.
L'article modifie les dispositions de l'article 6 du PLFSS 2024, qui cherchait à remédier à la sous-déclaration des activités des micro-entrepreneurs sur les plateformes - un manque à gagner de 200 millions d'euros -, sous-déclaration qui réduit les cotisations sociales versées, et donc les droits sociaux des travailleurs.
Limiter le dispositif aux seules plateformes « volontaires » est contradictoire avec les objectifs poursuivis. L'intérêt des plateformes ne doit primer ni l'intérêt national ni celui des travailleurs. Supprimons donc cette restriction.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Avis défavorable. Les expérimentations sont utiles, car elles permettent de corriger des erreurs dans les dispositifs avant de les généraliser. C'est ainsi que nous nous y étions pris avec Martin Hirsch pour la mise en place du RSA. Les plateformes volontaires seront forcément les plus dynamiques.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°844 n'est pas adopté.
L'article 8 quinquies, modifié, est adopté.
Après l'article 8 quinquies
M. le président. - Amendement n°15 rectifié de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Les administrations consulaires ne comprennent pas comment une simple élection de domicile peut constituer une résidence. Une famille nombreuse ne peut pas habiter dans un CCAS !
M. le président. - Amendement n°105 rectifié de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Il s'agit de considérer que les contrôles réalisés par une caisse sont opposables sur l'ensemble des risques - cela correspond aux recommandations 55 et 56 du rapport de septembre dernier du Haut-Conseil du financement de la protection sociale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - L'amendement n°15 rectifié est satisfait par l'article R.111-2 du code de la sécurité sociale, qui définit la notion de résidence stable et régulière. Retrait, sinon avis défavorable.
Je comprends la volonté poursuivie par l'amendement n°105 rectifié, mais le dispositif me semble inopérant. Avis défavorable. Il conviendra de reprendre cette réflexion. Monsieur le ministre, je vous invite à y travailler avec Mme Goulet.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis, pour les mêmes raisons, avec la même volonté de travailler avec Nathalie Goulet sur le sujet.
L'amendement n°15 rectifié est retiré.
L'amendement n°105 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
(Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)
M. le président. - Amendement n°1236 rectifié bis de Mme Nadille et alii.
Mme Solanges Nadille. - En cas de fraude avérée d'un salarié, cet amendement prévoit la communication par l'assurance maladie des informations relatives à cette fraude à l'employeur de l'assuré concerné. Celle-ci pourrait justifier une éventuelle sanction disciplinaire.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je partage l'objectif de lutte contre la fraude, notamment la fraude aux arrêts de travail. Anne-Sophie Romagny nous a alertés sur leur vente sur certains sites pour 9 euros seulement... Il faudra étudier cette réalité.
Avis défavorable néanmoins à l'amendement, dont le dispositif me semble restrictif, car il ne vise que les arrêts de travail non délivrés par un médecin ou une sage-femme.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Cet amendement va dans le bon sens, celui de la délivrance d'une information nécessaire à l'employeur. Avis favorable.
Mme Raymonde Poncet Monge. - L'employeur qui voudrait décider une sanction disciplinaire sur la base d'une information extérieure se heurterait à une impossibilité en droit du travail et perdrait aux prud'hommes.
L'amendement n°1236 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°374 rectifié bis de M. Henno et alii.
M. Olivier Henno. - Il s'agit non pas de voler la vedette à Nathalie Goulet sur le thème de la fraude (sourires), mais de faire évoluer le code de la sécurité sociale pour faciliter la circulation de l'information et caractériser les fraudes aux indemnités journalières.
M. le président. - Amendement identique n°449 rectifié de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Défendu.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - La fraude aux arrêts de travail prend de l'ampleur. En 2023, elle a représenté 7,7 millions d'euros de préjudice, contre 5 millions en 2022.
Les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) peuvent décider de sanctions financières et cette fraude est un délit passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Obliger les caisses de sécurité sociale à en informer l'employeur est une idée intéressante. Mon avis est néanmoins défavorable, car le dispositif juridique est perfectible, notamment concernant la définition matérielle de la fraude. Veillons à ne pas fragiliser les procédures civiles et pénales et sécurisons avant tout les dispositifs de sanction et de recouvrement.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Avis favorable, car ces amendements vont dans le bon sens.
Les amendements identiques nos374 rectifié bis et 449 rectifié sont adoptés et deviennent un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°204 rectifié de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Il s'agit d'autoriser certains agents à consulter le fichier Passenger Name Record (PNR). Cela existe déjà en matière de fraude fiscale et c'est une recommandation du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO).
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Le fichier PNR est accessible aux agents du ministère de l'intérieur, de la défense, des transports et des douanes, s'agissant d'actes de terrorisme et d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation.
Cela impliquerait une modification du code de la sécurité intérieure en conséquence : avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°204 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°27 rectifié de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Les droits d'une personne sous obligation de quitter le territoire français (OQTF) doivent être immédiatement suspendus, sauf urgence médicale. C'est de bon sens.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Le droit est clair : les personnes en situation irrégulière ne peuvent bénéficier d'aucune prestation sociale, à l'exception de aide médicale de l'État (AME) et de l'hébergement d'urgence. Nous risquons une censure du Conseil constitutionnel. Nous pourrions avoir ce débat, mais dans un autre véhicule législatif. Avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Nul besoin d'un autre débat, le droit est très clair. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°27 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°18 rectifié de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Il s'agit d'ouvrir la possibilité de consulter les fichiers des services de l'État.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - La consultation du fichier des personnes recherchées (FPR), qui contient des informations sensibles, est très encadrée. Toute modification de ses conditions d'accès doit être soumise à l'avis de la Cnil. Avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°18 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°29 rectifié de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Cet amendement vise à étendre la flagrance sociale, sur le modèle de la flagrance fiscale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Les fraudes aux prestations sont généralement commises par des particuliers, et non par des entreprises. Le problème réside non pas dans la capacité des Urssaf à saisir les biens des fraudeurs, mais dans l'insolvabilité de ceux-ci. Il ne semble donc pas justifié d'étendre la flagrance sociale au-delà du travail dissimulé. Avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis.
Mme Nathalie Goulet. - Le Sénat ayant adopté cette mesure en 2021, je maintiens l'amendement.
L'amendement n°29 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°23 rectifié de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Toute attribution d'un numéro au répertoire national doit être précédée d'une vérification du séjour régulier de son demandeur.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Plusieurs pièces justificatives sont déjà demandées, notamment un titre de séjour. Avis défavorable.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°23 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Nous avons examiné 52 amendements ce soir. Il en reste 563.
Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 21 novembre 2024 à 10 h 30.
La séance est levée à 1 h 25.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 21 novembre 2024
Séance publique
À 10 h 30, l'après-midi, le soir et la nuit
Présidence :
Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente M. Loïc Hervé, vice-président
Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, Mme Véronique Guillotin
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, pour 2025 (n°129, 2024-2025)