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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Projet de loi de finances pour 2025

Discussion générale

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

M. Claude Raynal, président de la commission des finances

Question préalable

M. Pierre Barros

Discussion générale (Suite)

M. Raphaël Daubet

M. Michel Canévet

M. Pascal Savoldelli

Mme Ghislaine Senée

M. Thierry Cozic

M. Aymeric Durox

M. Emmanuel Capus

Mme Christine Lavarde

M. Georges Patient

M. Bernard Delcros

Mme Frédérique Espagnac

M. Stéphane Sautarel

M. Vincent Capo-Canellas

Mme Florence Blatrix Contat

M. Olivier Rietmann

M. Jean-Baptiste Olivier

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

CMP (Nominations)

Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024

Discussion générale

M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

M. Jean-Marie Mizzon

M. Pascal Savoldelli

Mme Ghislaine Senée

Mme Isabelle Briquet

M. Joshua Hochart

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Stéphane Sautarel

M. Georges Patient

M. Raphaël Daubet

M. Vincent Delahaye

M. Jean-Baptiste Olivier

Discussion des articles

Article liminaire

M. Vincent Delahaye

Discussion des articles de la première partie

Article 1er

Article 2

Après l'article 2

Article 3 (État A)

Discussion des articles de la seconde partie

Article 4 (État B)

Article liminaire (Coordination)

Article 3 (État A) (Coordination)

Projet de loi de finances pour 2025 (Suite)

Discussion de l'article liminaire

Discussion de l'article 40

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

M. Olivier Henno

M. Pierre Barros

M. Jacques Fernique

Mme Florence Blatrix Contat

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Alain Cadec

M. Georges Patient

M. Michel Masset

M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe

Discussion des articles de la première partie

Après l'article 1er

Article 2

Modifications de l'ordre du jour

Mise au point au sujet d'un vote

Projet de loi de finances pour 2025 (Suite)

Discussion des articles de la première partie (Suite)

Après l'article 2

Ordre du jour du mardi 26 novembre 2024




SÉANCE

du lundi 25 novembre 2024

25e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président

Secrétaires : Mme Nicole Bonnefoy, M. Philippe Tabarot.

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Projet de loi de finances pour 2025

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale.

Discussion générale

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie .  - J'ai l'honneur de vous présenter, avec Laurent Saint-Martin, le PLF 2025. Vous connaissez le contexte politique exceptionnel dans lequel ce budget a été préparé, et le contexte économique international, qui ne l'est pas moins. L'économie mondiale se remet de plusieurs chocs, dont le covid et l'invasion de l'Ukraine, et la croissance mondiale est estimée à 3 % en 2024 et en 2025.

L'Union européenne court un risque de décrochage, notamment en matière de productivité et de compétitivité, selon le rapport Draghi. La compétition mondiale fait peser un risque existentiel sur nos industries et sur notre tissu économique. Le résultat des élections américaines risque d'aggraver ce contexte.

Cela nous appelle à un agenda européen d'investissement et de compétitivité. Nous devons sortir de la naïveté, exiger la réciprocité dans les accords et, parfois, assumer une préférence européenne. (M. Olivier Paccaud acquiesce.)

La France a des arguments, avec une croissance de 1,1 % en 2024, supérieure à la zone euro - 0,8 % - , une inflation en cours de stabilisation sous les 2 % et un taux de chômage parmi les plus bas depuis quarante ans. Entre 2017 et 2023, nous avions créé 130 000 emplois industriels. Les dirigeants d'entreprise ont maintenu leur confiance dans le pays.

Notre situation financière est très préoccupante. La dette atteint 113 % du PIB, soit 3 300 milliards d'euros, à la suite de déficits successifs. Nous n'avons pas connu de budget à l'équilibre depuis 1974. Depuis cette date, la dette française a augmenté de près de 100 points de PIB. Ce niveau de dette affecte notre souveraineté et notre crédibilité. Nous paierons bientôt plus de 50 milliards d'euros d'intérêt par an, soit 1 euro sur 8 euros dépensés par l'État. Est-ce ce que nous voulons ? Notre taux d'emprunt, supérieur de 0,5 point à celui de l'Allemagne, a augmenté de 0,3 point, soit 10 milliards d'euros supplémentaires de charge de la dette. C'est autant que nous ne consacrerons pas aux dépenses prioritaires.

On trouve toujours des justifications pour augmenter les dépenses. Ce n'est jamais le bon moment pour faire des économies. Il est tentant de laisser le problème aux suivants. Mais nous sommes à la croisée des chemins : soit nous décidons de réduire le déficit, processus long, demandant des efforts structurels...

M. Albéric de Montgolfier.  - J'ai déjà entendu cela.

M. Antoine Armand, ministre.  - Soit nous repoussons encore cette exigence et l'austérité sera imposée de l'extérieur, de façon plus brutale.

Oui, le texte que nous vous soumettons est perfectible, et nous comptons sur les débats au Sénat pour l'améliorer. Mais nous devons nous retrouver sur l'objectif de déficit public à 5 % du PIB en 2025. Nous le devons aux Français et à l'Union européenne, pour repasser sous la barre des 3 % en 2029, afin d'aller vers le désendettement et de renforcer notre souveraineté financière.

Cet objectif doit d'abord être atteint par la baisse des dépenses : nous avons la dépense publique la plus élevée de l'Union européenne. Il faut la maîtriser, réduire le train de vie de l'État, supprimer les doublons.

Tout ne pourra être fait cette année : nous lancerons des revues de dépenses régulières, afin d'améliorer de 8 milliards d'euros l'efficacité de cette dépense publique. Toutes les administrations seront mises à contribution. Cette revue portera aussi sur les niches fiscales et sociales.

Cette efficacité de la dépense publique devra s'accompagner d'un renforcement de la lutte contre toutes les fraudes. Aucun effort n'est acceptable si certains enfreignent les règles.

Les prélèvements obligatoires doivent rester temporaires, exceptionnels et ciblés. Ils doivent affecter le moins possible la croissance et la décarbonation de l'économie. Nous demandons un effort aux 400 groupes dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1 milliard d'euros et qui sont bénéficiaires. Je salue l'esprit de responsabilité de leurs représentants.

Nous proposons de décaler la suppression de la CVAE, même si le Gouvernement la souhaite. Les impôts de production ont déjà baissé de 15 milliards d'euros depuis 2017 et continueront, car ils affectent l'emploi et l'investissement. Mais nous devons être responsables : nous ne pouvons pas nous le permettre cette année.

Chacun devra contribuer : l'État, les collectivités territoriales, la sphère sociale. Non parce qu'il y aurait de bons et mauvais gestionnaires, mais parce que l'effort à fournir nécessite l'engagement de chacun.

L'État doit réduire son train de vie, même quand c'est symbolique. Sinon, comment justifier des prélèvements supplémentaires ? Et comment ramener le déficit à 5,5 % d'ici à 2025, dans un pays champion des prélèvements obligatoires ? Les crédits de mon ministère seront ainsi réduits de 22 %.

Ce n'est pourtant pas un budget d'austérité. La dépense publique augmente de 0,4 % en volume.

Ce budget est conçu pour éviter l'austérité, afin d'éviter, comme dans d'autres pays, la diminution de 25 % du salaire des fonctionnaires ou la baisse des pensions de retraite. Au contraire, nous revaloriserons les petites retraites et soutiendrons l'activité et l'emploi.

De nombreuses propositions ont été avancées à l'Assemblée nationale pour augmenter les impôts et les dépenses. Le texte final, heureusement rejeté, ajoutait 34 milliards d'euros de prélèvements obligatoires. Il faut faire tout l'inverse : la France taxe trop et dépense trop. Elle travaille moins que ses voisins. Or ce n'est qu'en travaillant plus que nous financerons notre modèle social.

Je sais que le Sénat partage cette urgence et je salue ses propositions constructives. Dans le contexte politique actuel, il a plus que jamais une responsabilité majeure. Je ne doute pas que chacun en ait conscience.

Notre stratégie économique doit rester une politique de l'offre, répondant à la dette budgétaire et écologique, pour être résilients face aux chocs sans casser la croissance et l'emploi. Nous voulons préserver notre modèle social sans faire des entreprises la variable d'ajustement de notre incapacité à réduire le déficit.

Notre priorité est de réindustrialiser le pays et d'atteindre le plein emploi, en baissant la fiscalité sur les entreprises, en transformant le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), en soutenant les TPE et PME, qui en ont besoin. C'est pourquoi les crédits d'impôt recherche (CIR) et les crédits d'impôt innovation (CII) sont maintenus.

Nous voulons aussi poursuivre la décarbonation du tissu industriel, pour avoir des sites industriels pérennes : France 2030, crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte (C3IV)... Au 15 octobre, pas moins de 64 demandes avaient été déposées pour 13 milliards d'euros d'investissement pour ce crédit d'impôt.

Je salue le travail de l'Assemblée nationale pour ouvrir 1,5 milliard d'euros de crédits supplémentaires pour décarboner l'industrie.

Pour libérer la croissance et gagner en compétitivité, la simplification sera la boussole du Gouvernement, aussi bien à l'échelon européen, principal producteur de normes, en étant plus parcimonieux dans les transpositions, qu'à l'échelon national.

Je salue le travail sur le projet de loi de simplification, qui comprend des propositions concrètes pour prendre en compte l'impact des normes sur nos entreprises.

Enfin, cette responsabilité budgétaire collective doit passer par plus de transparence et d'exactitude. Nous devons mieux piloter nos finances publiques et mieux associer la représentation nationale.

Nous avons établi un plan d'action pour améliorer nos capacités de prévision et assurerons un suivi plus régulier de l'évolution des comptes. Un mécanisme d'alerte précoce se déclenchera en cas de dérapage.

Le redressement de nos équilibres budgétaires est non seulement l'occasion d'améliorer l'efficacité de notre dépense, mais aussi celle de lancer un grand chantier d'amélioration de l'action publique. Tout cela doit entraîner les entreprises vers plus de confiance. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Louis Vogel applaudit également.)

M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics .  - Je me réjouis de commencer l'examen de ce PLF 2025. La première partie ayant été rejetée à l'Assemblée nationale, c'est le texte initial qui a été transmis au Sénat. Je regrette d'avoir à m'en réjouir. Le socle commun a agi en responsabilité en rejetant la copie...

M. Pascal Savoldelli.  - Avec le Rassemblement national !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - ... car celle-ci n'avait plus rien à voir avec la proposition initiale du Gouvernement : alourdissement des impôts jusqu'à l'overdose, rejet de la contribution de la France à l'Union européenne et amendements manifestement contraires à la Constitution. C'était tout simplement inacceptable, irresponsable.

Le texte du Gouvernement n'est pas parfait. Depuis plusieurs jours, des débats ont lieu pour trouver le meilleur chemin d'une juste participation de l'ensemble des acteurs de notre pays, l'État au premier chef, pour redresser les comptes.

Je connais votre attachement aux collectivités territoriales. Je souhaite que nous travaillions à leur participation de façon constructive.

Le Gouvernement ne fera pas table rase des débats à l'Assemblée nationale et reprendra certaines avancées par voie d'amendement. Nous améliorerons le budget tout en protégeant le pouvoir d'achat des Français : indexation du barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation ; baisse des factures d'électricité ; refus de renchérir le coût du logement. J'ai noté à ce titre les propositions intéressantes du Sénat.

Nous veillerons à améliorer le budget tout en protégeant l'activité économique et la compétitivité. La politique de l'offre n'est pas un totem politique, mais nous mènerons une politique du travail, de la création d'emploi, pour que notre chômage baisse toujours - il est sous la barre des 8 %. Grâce à cette politique, notre croissance s'élèvera à 1,1 %, soit plus que nos voisins européens. C'est ainsi que nous rouvrirons des usines.

Nous pouvons améliorer le budget, à condition que le cadre de responsabilité du Gouvernement soit respecté. C'est une ligne de crête entre l'exigence de protéger le pouvoir d'achat des Français, les fondamentaux de notre économie, mais aussi la nécessité de renouer avec une trajectoire des finances publiques soutenable.

Notre niveau d'endettement et notre charge de la dette s'accroissent. Il est urgent d'agir.

Nous proposons un effort de 60 milliards d'euros pour atteindre 5 % de déficit public en 2025, et revenir sous les 3 % à l'horizon 2029, condition sine qua non pour financer nos services publics, investir dans l'avenir, retrouver nos marges de manoeuvre et protéger nos concitoyens. L'état actuel de nos finances publiques résulte de l'action de l'ensemble des agents de notre pays face à la crise sanitaire. Il nous faut désormais les redresser pour nous préparer aux nouvelles crises.

Tel est l'équilibre : économies budgétaires et contributions fiscales.

La fiscalité doit représenter une part minoritaire de l'effort de redressement des finances publiques. Nous avons une règle d'or : pour 1 euro de recettes supplémentaires, 2 euros d'économies. Autrement dit, pour 40 milliards d'euros de baisse de la dépense, 20 milliards d'euros de recettes supplémentaires. Si cet équilibre devait évoluer, nous souhaiterions aller vers plus d'économies. Nous refusons le matraquage fiscal alors que notre taux de prélèvements obligatoires est l'un des plus élevés d'Europe.

La fiscalité doit être ciblée. Il faut la limiter à certains contribuables, tels que les ménages les plus fortunés et certaines très grandes entreprises profitables. Cette fiscalité doit réduire notre dette écologique autant que notre dette financière. Consolider le malus automobile ne doit pas être un gros mot. Idem sur la contribution sur les billets d'avion, surtout en classe affaires sur les longs courriers plutôt que vers nos territoires d'outre-mer.

Le budget atteste de notre préoccupation environnementale : 47 milliards d'euros de dépenses financent des actions favorables à l'environnement, soit 3 milliards d'euros de plus que l'an dernier.

Enfin, la fiscalité doit augmenter de façon temporaire, pour plus de prévisibilité. Les contributions exceptionnelles sur les ménages et les entreprises ne dureront pas. Nous donnons un cap de réduction des dépenses d'abord, de réforme structurelle ensuite.

Nous devons baisser la dépense publique - ce n'est pas un tabou. C'est par sa hausse que nous avons dégradé nos finances publiques. C'est une fierté d'avoir su maintenir notre niveau d'activité et éviter une récession trop importante pendant la crise du covid. C'était un choix collectif ; celui de dépenser moins désormais doit en être un aussi.

L'effort doit être partagé entre toutes les administrations. D'abord, les administrations de sécurité sociale (Asso), dont le déficit risque de déraper plus encore. Ainsi, dans le PLFSS, nous avons proposé un réel coup de frein, nécessaire.

Ensuite, nous demandons aux collectivités territoriales de contribuer. Ce n'est pas une punition ni une façon de les désigner comme responsables. Mais toutes les administrations publiques doivent participer à l'effort. Les marchés regardent le solde public et non ce qui le constitue. Nous avons entendu les alertes des élus locaux. Le Premier ministre a déjà annoncé que le Gouvernement était prêt à modifier l'effort : nous réduirons fortement les contributions au fonds de précaution et nous assurerons que les fonds prélevés seront reversés aux collectivités contributrices. Les mesures relatives au FCTVA n'auront pas d'effet rétroactif. Et nous soutiendrons les départements, avec le relèvement du plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Nous proposons que l'État et ses opérateurs prennent en charge la moitié des économies, soit 21,5 milliards d'euros. Nous avons procédé en deux étapes : les 15 milliards d'euros d'économies issus des lettres plafonds du précédent gouvernement sont assortis de 5 milliards d'euros d'efforts supplémentaires sur les missions de l'État et ses opérateurs, par voie d'amendement.

Nous augmentons cependant certains budgets prioritaires comme les armées, l'intérieur, la justice et la recherche. (M. Thomas Dossus ironise.) Il n'est pas question de transiger avec ces priorités, même si elles sont parfois décalées ou lissées dans le temps.

Nous ferons cet effort, car nous le pouvons : oui, nous pouvons faire mieux avec moins d'effectifs, de moyens, à condition de réformer et de mieux les utiliser. (M. Pascal Savoldelli proteste.)

La fin des boucliers tarifaires sur l'inflation et l'électricité doit être assumée. C'est de la bonne gestion. Le bouclier énergétique, l'aide sur l'apprentissage, l'aide à l'achat de véhicules propres ont été efficaces. Nous devons savoir décélérer et allouer des moyens à d'autres priorités. Un ministère avec une bonne politique n'est pas forcément un budget dans lequel les dépenses publiques augmentent.

Ayons le courage d'adapter les emplois publics aux besoins réels. On a beaucoup parlé de la baisse du nombre d'enseignants. Nous ne souhaitons pas réduire leur faculté à exercer leur métier. Au contraire, nous augmenter le taux d'encadrement. Mais face à la baisse attendue de 97 000 élèves à la rentrée 2025, réduire de 4 000 le nombre de recrutements est de bonne gestion !

L'enjeu de ce budget est le plus important de notre histoire récente : si nous ne démontrons pas, comme l'ont fait nos voisins européens, notre capacité à opérer un redressement des finances publiques après des années de protection inédite et de dépense publique extrêmement élevée...

M. Albéric de Montgolfier.  - Un peu trop !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - ... alors la charge de la dette, systématiquement en hausse, grèvera nos politiques publiques et notre pays ne sera plus capable de protéger ses citoyens et ses entreprises. C'est un enjeu de souveraineté. Ayons collectivement la volonté de rester un pays qui protège. Concilions politique de l'offre et État-providence. C'est une histoire de cycles : après la protection, le redressement. Le groupe socialiste a eu à l'assumer en son temps, entre 2012 et 2017.

Il est temps de démontrer que nous pouvons relever le pari de l'emploi, de l'activité et de l'attractivité en redressant nos comptes publics. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Louis Vogel applaudit également.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe INDEP) Rarement, peut-être jamais, les incertitudes budgétaires n'ont suscité autant de débats dans notre pays. Les contingences de notre vie politique l'expliquent largement, mais le contexte économique et budgétaire tout autant, car il est à l'origine du contenu même du PLF 2025. J'invite les Français à prendre de la hauteur, car si l'on ne comprend pas la situation budgétaire, on ne peut comprendre le budget. La France vit à crédit depuis cinquante ans. Depuis 1975, elle est en déficit. Ce n'est pas en soi un problème, sauf quand deux limites sont franchies : un remboursement de la dette insoutenable et des investisseurs qui n'ont plus confiance.

En 2022, le déficit de la France s'élevait à 4,8 % du PIB. Depuis, la France a laissé ses comptes se dégrader : on est passé à 5,5 % sans récession ni choc particulier, et l'on atteindra 6,1 % cette année, toujours sans récession ni choc particulier. La charge de la dette explose dangereusement : de 30 milliards d'euros par an en 2020, elle atteindra 100 milliards d'euros par an en 2029.

Il n'y a pas d'argent magique. Ces 70 milliards d'euros supplémentaires seront financés soit par de l'impôt en plus, soit par des dépenses en moins.

La France emprunte à des taux plus élevés que l'Espagne, le Portugal ou la Grèce, alors que cette dernière frôlait la cessation de paiements il y a dix ans. Nous sommes dans un état d'urgence budgétaire.

Nous avons travaillé sur cette question au cours de notre mission d'information sur la dégradation budgétaire depuis 2023, avec le président Claude Raynal. Je vous renvoie à nos travaux.

Le déficit pour 2024 est prévu à 6,1 % alors que la loi de finances, adoptée avec le 49.3, l'estimait à 4,4 %. Un regret : personne n'endosse la responsabilité de ces 50 milliards d'euros d'écart. Tous les responsables politiques auditionnés ont rétorqué qu'ils n'étaient responsables de rien. Cela représente tout de même la moitié de l'impôt sur le revenu ou deux fois le budget de notre police et de notre gendarmerie. « Ce n'est pas moi », « ce n'est pas ma faute », « pas de bol »... Comment lutter contre la crise démocratique quand nos responsables politiques n'assument pas leur responsabilité ?

Comment faire comprendre le budget 2025 aux Français si l'on nous explique que tout va bien ? Ou que c'est la faute d'un gouvernement constitué le 21 septembre ?

Il est temps de dire la vérité aux Français. J'approuve donc ce budget de vérité et d'efforts collectifs inédits.

Cette année, les sous-jacents macro-économiques du budget me semblent crédibles, contrairement à l'an dernier, où les prévisions de croissance du Gouvernement étaient plus élevées que toutes les autres prévisions institutionnelles.

La croissance, prévue à 1,1 % en 2025, pourrait être affectée par l'effet récessif d'un budget de redressement. Mais selon le consensus des économistes, elle s'élèverait 0,9 %. C'est très proche.

Enfin, le Gouvernement fait autre chose que parler. Messieurs les ministres, je regrettais que les belles paroles de vos prédécesseurs n'aient pas été suivies d'effets. L'an dernier, les dépenses de l'État continuaient d'augmenter, encore et encore, de près de 6 milliards d'euros hors mesures de crise par rapport à 2023. Au total, si l'on neutralise l'inflation, elles ont progressé de 14 % depuis 2017. C'est une hausse historique.

Je me réjouis que ce projet de loi de finances signe la fin du « quoiqu'il en coûte ». Il aura fallu quatre ans pour nous désintoxiquer de la dépense publique. Pour 2025, les dépenses de l'État baissent de 3,2 %. L'effort est réel n'est pas seulement dû au retrait des mesures de crise. Il était nécessaire, compte tenu de l'état d'urgence budgétaire. Nous ne pouvons pas demander à nos concitoyens de payer plus d'impôts ni continuer à vivre à crédit. Il nous faut donc réduire la dépense publique.

La commission des finances proposera d'aller plus loin que le texte initial, non par dogmatisme, mais pour sortir du marasme budgétaire sans augmenter les impôts. Nous avons voté plus de 3 milliards d'euros d'économies supplémentaires, sur l'apprentissage, les opérateurs de l'État, l'aide médicale de l'État (AME), le service national universel ou encore l'immobilier de l'État et l'audiovisuel public.

J'entends, venant de certains bancs, la nécessité de réformes structurelles. Je partage ce constat. Mais le Gouvernement a été constitué le 21 septembre. Qui peut lui demander de mettre en oeuvre des réformes structurelles en si peu de temps ? Je tends la main aux ministres pour mener des réformes d'ampleur.

Notre priorité doit être de préserver le pouvoir d'achat des Français plutôt que telle ou telle enveloppe budgétaire. Pour cela, il faut faire des économies et éviter les hausses de fiscalité. D'où notre refus d'augmenter la fiscalité sur l'électricité. Oui, le prix de l'électricité va baisser. Mais ce ne doit pas être, pour l'État, l'occasion d'augmenter subrepticement les impôts. La commission des finances propose 3,4 milliards d'euros d'impôts en moins et donc de pouvoir d'achat en plus pour les Français.

Le Sénat est la maison des collectivités territoriales. Voilà des années qu'elles sont montrées du doigt. Or c'est l'État et non les collectivités territoriales qui est responsable de l'explosion des déficits. C'est donc lui qui doit fournir l'essentiel de l'effort de redressement des comptes publics.

Grâce à votre gouvernement, nous sortirons, j'espère, de la caricature que les relations entre l'État et les collectivités territoriales étaient devenues. À la différence notable de vos prédécesseurs, vous ne faites pas semblant de croire que la dégradation viendrait de la mauvaise gestion des collectivités territoriales. C'est salutaire. Merci, cela fait du bien ! (M. Antoine Armand apprécie.)

Je suis favorable à un effort des collectivités territoriales pour contribuer au redressement des finances publiques. Il serait irresponsable de préserver de tout effort les collectivités territoriales, qui bénéficient de 50 milliards d'euros de transferts financiers de l'État. Mais nous divergeons sur l'ampleur de cet effort. Nous souhaitons qu'il soit de 2 milliards d'euros et non de 5 milliards d'euros. Nous proposerons donc le rejet de votre réforme du FCTVA.

La Commission des finances proposera un dispositif de lissage conjoncturel élaboré par Stéphane Sautarel, qui remplacera le fonds de réserve de 3 milliards d'euros proposé par le Gouvernement.

Tel est l'équilibre que je défendrai au cours de nos débats.

Enfin, comment proposer un redressement des comptes publics de 60 milliards d'euros sans effort sur la fraude fiscale, sans lutter contre les CumCum ? Vous connaissez ces pratiques. Sous le nom « d'arbitrage des dividendes », on désigne des pratiques organisées de démarchage de clients dans le but de détourner l'impôt. On entend tout et n'importe quoi : ces pratiques n'existeraient pas, y mettre un terme aurait des conséquences sur l'attractivité de la place de Paris...

Soyez raisonnables : elles existent et s'élèvent à plusieurs centaines de milliers d'euros par an. Notre priorité à tous doit être l'application de la loi fiscale. D'autres pays l'ont fait et les pratiques frauduleuses, comme par enchantement, ont disparu... C'est ce que nous proposerons. L'initiative, collégiale et unanime, est partagée sur tous les bancs.

Voilà les orientations de la commission des finances. Dans un monde idéal, le gouvernement Barnier n'aurait pas eu à affronter un déficit à 7 points de PIB. Faute d'avoir réagi plus tôt, ce budget est néanmoins celui de la vérité et de la raison.

Sous réserve de l'adoption des amendements de la commission des finances, je proposerai d'adopter ce PLF. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et du RDSE)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En ma qualité de président de la commission des finances, je rappellerai que voilà plus d'un mois que les rapporteurs généraux et les rapporteurs spéciaux analysent ce nouveau budget. Que l'ensemble des membres de la commission et les rapporteurs pour avis soient remerciés pour leurs travaux.

Alors que le précédent PLF avait été marqué par l'utilisation du 49.3, le Sénat est saisi cette année du texte initial, soit 65 articles seulement. Le Sénat se trouve donc doté d'un rôle inédit ; le texte issu de ses débats pourrait servir de base à la future commission mixte paritaire (CMP).

Nous ne pouvons que collectivement regretter que le texte initial du Gouvernement n'ait pas été enrichi par l'assemblée la plus représentative de l'état actuel de l'opinion, et que le volet des dépenses n'ait même pas été examiné.

Le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) arrête le déficit de nos finances publiques à 6,1 % du PIB, déficit le plus élevé depuis la guerre, hors période de crise.

Le déficit a augmenté en un an de plus de 50 milliards d'euros ; il s'établit à 6,1 %, contre les 4,4 % annoncés. Il faut donc redresser les finances publiques, réduire le niveau de déficit pour diminuer l'appel à l'emprunt, et tout cela sans peser sur la qualité des services publics et la croissance, qui, au regard du contexte économique international, ne sera guère très élevée.

Les moyens pour y parvenir divergent. Le diable se cache dans les détails. Au moins nous n'entendons plus les principaux responsables de la situation dire que l'augmentation d'impôts est une ligne rouge. Mais ces baisses d'impôts auraient dû prendre fin dès le début de la crise covid. Face à deux crises majeures, l'une sanitaire, l'autre énergétique et inflationniste, la France seule s'est privée de produits fiscaux très lourds, dont la suppression de la taxe d'habitation...

M. Albéric de Montgolfier.  - Connerie !

M. Claude Raynal, président de la commission.  - ... et celle de la CVAE. Imperturbables, les gouvernements successifs ont poursuivi méthodiquement leur politique de l'offre, creusant la dette et le déficit.

Depuis 2018, les baisses de produits fiscaux coûtent 62 milliards d'euros par an. Elles sont la cause de l'augmentation de la dette de 10 points de PIB, soit 300 milliards d'euros.

Quelles solutions ? Toujours les mêmes : des coupes budgétaires sévères, et quelques recettes nouvelles, temporaires pour le monde économique, ...

M. Albéric de Montgolfier.  - Je demande à voir.

M. Claude Raynal, président de la commission.  -  ... permanentes pour les ménages.

Il n'est pas inutile de porter un jugement sur cette politique de baisse fiscale. La mesure de suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages a coûté 20 milliards d'euros ; son extension aux plus aisés, à la suite d'un avis sans surprise du Conseil constitutionnel, a coûté 9 milliards d'euros. Ces derniers l'ont vue comme un bonus, permettant d'épargner plus, non de consommer davantage. Le taux d'épargne, stabilisé à 12,9 % en 2018, s'élevait à 17,8 % au deuxième trimestre 2024, soit l'un des plus élevés d'Europe.

Au lieu de sous-indexer les retraites, je propose que nous reprenions, grâce à une surtaxe temporaire d'impôt sur le revenu, un tiers du gain des Français les plus aisés, soit 3 milliards d'euros. Si nous ne le faisons pas, l'État aura rendu aux plus aisés ce qu'il propose maintenant de prélever sur tous. Une sorte de Robin des bois, mais à l'envers.

France Stratégie n'a pas pu évaluer l'impact de la suppression de 15 milliards d'euros d'impôts de production. Encore un milliard d'euros a été rendu aux entreprises, ce qui n'aura aucun effet, selon le président même du Medef. Je propose donc que la CVAE soit rendue aux intercommunalités et aux départements et que l'État récupère la TVA correspondante, pour renouer le lien entre l'économie et les territoires, redonner des recettes à l'État et restaurer une contribution résidentielle.

Le Gouvernement a lui-même ouvert la voie à une remise en question des baisses d'impôts non gagées actées par ses prédécesseurs. Avec une surtaxe sur deux ans des très grandes entreprises, il revient sur la baisse du taux d'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 %. Faisons la même chose pour une partie du produit perdu de la taxe d'habitation ou de la CVAE. Plutôt que d'augmenter les impôts, revenons sur des baisses d'impôts inconséquentes.

Concernant la suppression d'exonérations de cotisations patronales, je vous propose une lecture symétrique : il s'agit d'une baisse de la dépense, non d'une augmentation des recettes. Pour l'impôt sur Ie revenu, pour la taxe d'habitation, pour la CVAE, faisons la même chose.

Dans son rapport sur la libre administration des collectivités territoriales, le groupe de travail du Sénat sur la décentralisation a suggéré d'inscrire dans la Constitution un principe d'autonomie fiscale des communes. La crise des finances publiques nous impose d'avancer en revenant sur les erreurs passées. C'est un moment unique pour trouver une sortie constructive aux travaux du Sénat. Une telle opportunité ne se représentera pas de sitôt. Adoptons les réformes du Sénat !

Si quelqu'un a quelque raison que ce soit de s'opposer à ce mariage, qu'il parle maintenant ou se taise à jamais ! (Sourires ; Mme Marie-Arlette Carlotti et M. Thierry Cozic applaudissent.)

M. Albéric de Montgolfier.  - On va se taire alors ! (Sourires)

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Si vous êtes favorable à un pouvoir fiscal des collectivités territoriales, dites-le maintenant ou n'en parlez plus jamais. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDSE ; M. Louis Vogel applaudit également.)

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - On va le faire en anglais ! (Sourires)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°I-1541 de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.

M. Pierre Barros .  - Que les choses soient claires : il n'est pas question de refuser le débat. Mais quel est l'intérêt de débattre d'un tel texte ? Le PLF 2025 est annoncé comme celui du partage de l'effort pour redresser les finances publiques, à la suite de la gestion calamiteuse des gouvernements précédents.

Face à un budget de récession sociale, les députés ont légitimement adopté 472 amendements à l'issue de trois semaines de débat. La gauche a démontré qu'un autre budget pour la France est possible : un budget pour le partage des richesses, un budget qui montre que l'austérité pour tous est un choix politique, non une fatalité. La taxe Zucman a été adoptée, l'exit tax renforcée, la soumission à cotisation sociale des dividendes inscrite dans le marbre.

Le travail de nos collègues à l'Assemblée nationale a été riche d'enseignements politiques, à l'image des alliances opportunistes entre le Gouvernement, la droite républicaine et l'extrême droite pour faire barrage à plus de justice fiscale - voyez le résultat des votes...

Le Premier ministre, inquiet de voir son PLF transformé, agite le spectre du 49.3, ce qui aggraverait encore davantage la crise démocratique.

Pourquoi refuser de prendre à bras-le-corps le sujet de la justice fiscale ? Pourquoi ne pas reconnaître l'échec absolu de la politique de l'offre et ses conséquences désastreuses : chômage en hausse, licenciements à venir, fermetures d'usine, charge de la dette qui s'envole ?

Nous refusons d'être réduits à un rôle de figurants, face à un budget écrit d'avance, nous refusons de participer à cette comédie politique, qui renforce le ressentiment de la population à l'égard de tous les élus.

Rassurez-vous, si cette motion n'est pas validée, nous démontrerons, article après article, que votre projet est injuste. Et nous serons force de proposition.

Mais parlons de ce PLF pour 2025. En sept ans, nous sommes passés du « quoi qu'il en coûte » au « quoi qu'il advienne ». Bruno Le Maire (M. Albéric de Montgolfier ironise.) s'était targué d'avoir réalisé 55 milliards d'euros de baisses d'impôts. Mais selon la Cour des comptes, « les baisses d'impôts et de cotisations depuis six ans ont contribué à la dégradation des déficits publics et modifié la structure des recettes des administrations publiques », et ce pour 62 milliards d'euros en 2023.

Pas de changement de cap : vous vous attaquez désormais aux services publics portés par les collectivités territoriales, partant du postulat mensonger selon lequel elles seraient responsables du déficit.

Dans cette situation politique lunaire, je salue votre habileté sémantique : vous utilisez des mots qui ont un sens, mais pas forcément celui qu'on attend...

Dans votre présentation du texte à l'Assemblée nationale, nous avons été choqués de la façon dont vous traitiez les collectivités. Vous avez décidé de créer un fonds de résilience des finances locales - en réalité un mécanisme de prélèvement, parfois nommé « fonds de précaution », « fonds d'autoassurance » ou « fonds de réserve », en ponctionnant les collectivités de 3 milliards d'euros. Il faudra nous préciser de quoi il retourne. Résilience... mais face à quoi ?

Le discours du Premier ministre devant l'Assemblée des départements de France était, là aussi, des plus habiles : renonciation prétendue aux efforts demandés aux collectivités, mais par le biais d'un lissage des mesures, sans réelles perspectives. C'est aussi le ressenti de nombreux élus locaux à l'issue du Congrès des maires de France.

Que vous envisagiez de telles coupes budgétaires pour le service public local montre votre déconnexion à l'égard des réalités quotidiennes de nos villes et villages. Tandis que le PLFSS culpabilise malades et retraités, le PLF, avec 10 milliards d'euros de recettes en moins pour nos territoires, culpabilise agents et élus. Baisses de recettes, dépenses qui augmentent : l'effet ciseau est une réalité. S'y ajoutent les émeutes et les catastrophes climatiques, qui laissent les élus démunis.

Depuis quatre ans, être élu local, c'est de la gestion de crise en continu. C'est se demander, au 31 décembre, si un assureur répondra à nos demandes. C'est accompagner des familles dans la recherche d'un médecin pour constater un décès. C'est être face à des habitants auxquels ne reste que la colère. C'est être incapable de donner des moyens aux écoles, pour les routes, les pompiers, la police municipale, les travailleurs sociaux... Et vous souhaitez encore en rajouter ?

La contribution des collectivités est fixée à 5 milliards d'euros. Monsieur le ministre, à part les dépenses de masse salariale, que réduire ? Quels postes toucher : les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) dans les écoles, les policiers municipaux ? En frappant les collectivités, vous vous trompez de cible. Les 500 plus grandes fortunes ont gagné 1 200 milliards d'euros, soit 5 % de plus qu'en 2023.

Les collectivités territoriales et les services publics ne peuvent être la variable d'ajustement de libéraux qui profitent de la crise. De cet effort budgétaire résulteront un recul de l'investissement local et des services publics, non-sens à tous les niveaux.

Derrière un habillage faussement technique, le PLF distille l'idée que les Français ne travaillent pas assez et génèrent trop de dépenses sociales. Mais avez-vous mesuré l'impact de vos décisions sur leur vie : perte d'accès aux soins, de pouvoir d'achat, dégradation des conditions de travail ?

La gauche sénatoriale propose un budget au service de la solidarité nationale, non au profit de quelques-uns. Nous refusons de renoncer à la justice sociale et à la justice fiscale ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Thierry Cozic et Mme Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Merci à nos collègues d'avoir déposé cette motion. Vos propos mêmes attestent de votre attente d'un débat. Nous la partageons.

Dans les circonstances difficiles que traverse le pays, le Sénat a une responsabilité éminente. La chambre haute, celle des territoires, doit démontrer sa capacité à débattre, à confronter les avis, et à tracer des solutions et des perspectives.

Nos concitoyens attendent de nous, après le mikado politique issu des législatives, que nous prenions nos responsabilités. C'est difficile, les ministres l'ont dit eux-mêmes, mais nous devons nous atteler à cette tâche. À nous de réduire les inquiétudes. La voie est étroite, mais elle mérite la quinzaine de jours de débats qui commence.

Je vous invite à ne pas adopter la motion de rejet, car elle nous priverait d'un temps de débat fort utile pour le pays.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Je suis en ligne avec le rapporteur général. Monsieur le sénateur, auriez-vous déposé une motion de rejet si le texte avait été adopté à l'Assemblée nationale ? C'est plus au fond du texte gouvernemental que vous vous opposez qu'à sa forme. Débattons donc des options qui sont les vôtres.

Nous partageons un même constat : il faut redresser les finances publiques. Si vos propositions diffèrent, échangeons ! Jamais un gouvernement n'a été aussi ouvert ; le texte est perfectible, vu le calendrier contraint de son élaboration. Fuir le débat serait contraire à la séquence politique que traverse le pays. Nous avons tous intérêt à faire vivre ce débat, et le Gouvernement est à la disposition du Sénat.

Il serait contradictoire de rejeter un tel texte, quitte à pousser le Gouvernement à le faire passer sans débat, alors que nous nous sommes dits ouverts à l'évolution de la contribution des collectivités territoriales, et à la révision de la définition du fonds de précaution : qui contribue, pourquoi, comment rétribuer les collectivités territoriales qui y participent ? Sans débat, nous ne pourrons clarifier tout cela.

Rejeter le débat serait donc contre-productif.

M. Pascal Savoldelli.  - Voilà qui clarifie la situation : le ministre vient de dire qu'il était en ligne avec le rapporteur général. Voilà ce que sera la ligne des travaux du Sénat.

Regret ou réjouissance ? Aucun amendement de l'Assemblée nationale n'a été retenu. (M. Antoine Armand le conteste.) Notre motion visait aussi à respecter le travail de nos collègues députés !

En outre, le vote contre les propositions de l'Assemblée nationale s'est fait avec le soutien des députés du RN ! Il faut une certaine clarté politique !

Le 49.3, la CMP... vous éliminez le travail des parlementaires à l'Assemblée nationale, vous vous montrez imperméables à ce qui se passe dans la société : les 7 500 ouvriers qui perdent leur travail, la colère des agriculteurs...

Il fallait un moment de clarification, dès le départ ; tel est le sens de notre motion.

M. Emmanuel Capus.  - Le groupe INDEP s'opposera à cette motion. Favorables au débat, nous nous opposons par principe à toute motion de rejet. C'est se tirer une balle dans le pied que de refuser de débattre.

Qui plus est, cette année, ce serait une aberration. L'Assemblée nationale, fait exceptionnel dans la Ve République, n'a pas voté la première partie. Nous avons la responsabilité historique de modifier et d'améliorer la version du Gouvernement, conformément au pouvoir que la Constitution nous a donné. Ce serait une erreur que de ne pas le faire valoir. (M. Vincent Louault applaudit.)

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - On ne peut pas dire qu'on ne respecte pas la volonté de l'Assemblée nationale quand elle a, elle-même, rejeté le texte ! Ce n'est pas le Gouvernement qui a décidé de ce rejet. Il n'y a pas eu de déni de démocratie à l'Assemblée nationale.

M. Pascal Savoldelli.  - Mais une alliance avec le RN !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Il y a eu alliance avec le RN sur les amendements de fiscalité proposés par la gauche... (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Emmanuel Capus applaudit également.) Je vous invite à regarder les résultats du vote final : le socle commun et le groupe Liot ont rejeté ensemble le texte proposé. Il n'y avait pas besoin des voix du RN pour cela.

L'alliance « main dans la main » avec le RN ne s'est pas faite au niveau du bloc central. Les échanges à l'Assemblée nationale ont été très clairs sur ce point.

M. Pascal Savoldelli.  - Nous aurons des débats difficiles...

La motion n°I-1541 est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°77 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 260
Pour l'adoption   18
Contre 242

La motion n°I-1541 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Raphaël Daubet .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Bien sûr, nous n'ignorons pas la gravité de la situation. Mais nous avons du mal à croire qu'il ait fallu attendre le début de l'automne pour découvrir l'ampleur du déficit. C'est ubuesque ! Le fonctionnement de Bercy serait donc devenu le symptôme d'une maladie de la République en phase terminale ? Le directeur de cabinet du Premier ministre était auparavant celui de Bruno Le Maire ; il fut le directeur général des finances publiques et le directeur de cabinet du ministre des comptes publics : bref, celui qui a préparé tous les budgets depuis 2017. Certes, la haute fonction publique est là pour exécuter les ordres des responsables politiques, non l'inverse, mais on est en droit de s'interroger.

L'Assemblée nationale a échoué à trouver un compromis. Le Sénat se trouve donc, plus que jamais, face à ses responsabilités. Je comprends donc l'urgence à agir. Mais je ne comprends pas, messieurs les ministres, l'exercice que vous nous demandez. Soixante milliards d'euros d'économies dès cette année, est-ce bien raisonnable ? La récession de 1993 et la crise de 2008 avaient plongé le solde public dans les profondeurs que nous connaissons actuellement. Le retour à l'équilibre avait pris, à chaque fois, sept et neuf ans. Face à un effet récessif majeur, aux conséquences dramatiques pour les Français, pourquoi ne pas échelonner davantage ?

Nous savons à quel point l'action publique est indispensable à nos villes, à nos territoires, à notre économie. La technocratie regarde les graphiques et les courbes, mais pas le défi industriel gigantesque qui se dresse devant nous. J'étais à Souillac, pour l'inauguration d'une nouvelle chaîne de l'entreprise familiale Pivaudran : 7,5 millions d'euros d'investissement, une capacité de production qui double et une réduction d'un tiers de la consommation d'eau et d'énergie. Voilà le paradoxe de l'industrie française : plans sociaux et fermetures d'usine d'une part, réussites incroyables d'autre part, là où se font les mutations. Il faut les soutenir. C'est vrai pour l'industrie, mais aussi pour l'agriculture. Je ne vous apprends rien.

Je ne comprends pas non plus, messieurs les ministres, la nature de l'exercice : coup de frein, ou coup de volant ? S'agit-il d'endiguer l'hémorragie des dépenses, ou de remettre en question nos politiques publiques ? Exercice comptable ou budget politique ? Il faut le dire !

Ce budget cache des choix politiques qui ne disent pas leur nom.

Être gestionnaire en bon père de famille ne signifie pas être réactionnaire, ni porter un coup aux collectivités territoriales, aux solidarités internationales, aux ambitions de la recherche et à l'innovation. Ce sont des politiques de renoncement.

Je me réjouis que vous soyez disposés à prendre en compte certains amendements du Sénat. Casser la croissance, qui est portée par la commande publique, serait une erreur funeste. Ne nuisons pas à ce qui nous a permis de faire nation. Les économies doivent être prises dans le fonctionnement de l'État, la surenchère des normes, la suradministration. Attaquons-nous à la multiplication des autorités administratives indépendantes (AAI), des observatoires et des comités Théodule qui dépendent de Matignon.

Les Français attendent un budget de justice sociale et fiscale, qui conduise au redressement des services publics, notamment l'éducation et les hôpitaux, ce patrimoine de ceux qui n'en ont pas.

Le budget que nous attendons, c'est un budget d'équité territoriale et d'aménagement du territoire, qui répare les fractures, et accompagne les communes. Notre pays a besoin d'un choc d'investissements, de décentralisation et d'audace, pour faire vivre les projets attendus, comme toutes les grandes nations l'ont fait. Nous serons attentifs à l'effort demandé aux collectivités territoriales.

Le budget que nous attendons, c'est un budget de progrès technique, scientifique, écologique, de progrès humain, tout simplement, car les radicaux y croient encore !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Nous aussi !

M. Raphaël Daubet.  - Nous devons investir dans la R&D, l'innovation, l'université.

Enfin, le budget que nous attendons, c'est celui qui n'abîmera pas la politique étrangère de la France, en alliant nos ambitions de défense et de sécurité à des politiques d'aide au développement, pour faire entendre la voix d'une France crédible et sans arrogance.

La majorité du RDSE ne votera pas le budget en l'état, mais abordera les débats dans un esprit constructif (M. Jean-François Husson le salue), non par facilité, mais par responsabilité.

La France mérite une autre copie : celle qui préfère l'audace à la peur, la confiance à la défiance et l'action au conservatisme. La grandeur de notre pays ne se mesure pas à l'aune de nos économies, mais de nos ambitions. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Les membres du groupe UC vous souhaitent la bienvenue au Sénat, messieurs les ministres, pour votre premier PLF.

La situation des finances publiques est préoccupante. Un sursaut est nécessaire. Si le Sénat avait été plus écouté, la situation serait moins dégradée. Les membres du groupe UC vous appellent donc à vraiment tenir compte de nos propositions !

Le gouverneur de la Banque de France déclarait hier que « depuis trop longtemps la France vit au-dessus de ses moyens ». Nous sommes nombreux à déplorer ce constat : il y va de la crédibilité de la France !

Notre économie peine, et notre parole au sein de l'Union européenne est décrédibilisée en raison de la situation financière du pays. La France doit continuer à être un moteur de l'Europe ; elle ne le pourra que si elle est exemplaire.

Le groupe UC défend certains principes : stabilité fiscale au service de l'attractivité ; des économies dans un esprit de justice et d'équité fiscale.

La stabilité fiscale est essentielle. Ne battons pas en brèche tous les efforts récents réalisés sur l'impôt sur les sociétés pour revenir dans les standards internationaux.

Monsieur le ministre, les mesures fiscales sur les entreprises risquent d'avoir un effet déstabilisateur, comme le révèle le baromètre Hearst-EY publié la semaine dernière. Les investisseurs étrangers reportent leurs investissements face au manque de visibilité, tandis que notre taux de chômage est de 1 point supérieur à la moyenne européenne.

En matière d'économies, l'État doit être exemplaire pour justifier les efforts demandés à nos concitoyens. Concernant les dépenses de personnel, nous proposons de ne pas remplacer les départs à la retraite des agents qui assument des fonctions support. Nous proposons que les efforts soient systématiquement répartis entre deux tiers d'économies et un tiers de recettes fiscales supplémentaires.

L'effort doit être collectif, d'où notre demande d'accroître la durée du temps de travail. Nous travaillons 132 heures par an de moins que la moyenne des pays de l'OCDE.

Nous proposons aussi une augmentation de la TVA, pour que les efforts soient assumés par tous. (MM. Jacques Fernique, Patrick Kanner et Pascal Savoldelli protestent.)

M. Thierry Cozic.  - Par les salariés !

M. Michel Canévet.  - La TVA est l'impôt qui a le moins d'effet récessif à court et moyen termes, surtout par rapport à l'impôt sur les sociétés. (Marques d'ironie à gauche)

Nous devons aussi lutter contre la fraude sociale et fiscale, priorité défendue depuis longtemps par notre groupe. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

M. Pascal Savoldelli .  - C'est avec sincérité et gravité que je m'exprime devant vous. (« Ah ! » sur plusieurs travées du groupe UC) Je pense à ceux qui subissent les conséquences d'une doctrine qui considère le capitalisme comme indispensable et comme la fin de l'histoire. Je pense aux 7 500 ouvriers sur la sellette : Michelin, Sanofi, ArcelorMittal... Les fermetures d'usines atteignent un niveau inédit. Pour nous, 7 500 ouvriers valent mieux que 70 milliards d'euros de dividendes.

Je pense aux agents de la RATP, aux cheminots, aux travailleurs du fret, qui subissent une privatisation à marche forcée, au nom d'une concurrence illibérale et faussée. Nous pensons aux Ultramarins, qui subissent la vie chère, aux agriculteurs qui subissent la concurrence inégale des accords du Mercosur. Autant de familles touchées par la crise du logement, la froide avalanche de plans sociaux et la fermeture des services publics locaux, familles qui ont en partage le rejet du libéralisme autoritaire.

À cet état de dysharmonie sociale, l'Assemblée nationale a répondu en votant 471 amendements de justice fiscale, pour 34,4 milliards de recettes, soit 10 % de recettes pour l'action publique. C'était responsable, et acceptable ! Seulement, le choix a été fait de refuser ces avancées : 362 voix contre, 192 pour.

Laisser le Sénat débattre, puis arbitrer avec un 49.3 et en CMP. Avec cet artefact institutionnel, le Gouvernement minoritaire rendra ce budget majoritaire, choix déjà fait avec la réforme des retraites et le texte sur l'immigration, projets les plus antisociaux et réactionnaires que notre pays ait connus de longue date.

Ce PLF s'en prend aux plus vulnérables. Le cap reste le même : le piège de la dette, enfermant dans une politique récessive qui pèsera sur les classes populaires et les entreprises.

Certes, vous mettez à contribution les plus riches et les entreprises, mais avec quelle timidité ! Citons la contribution différentielle sur les hauts revenus : seulement 2 milliards d'euros de recettes en 2025, 2026 et 2027. Quant à la contribution exceptionnelle des grandes entreprises, elle ne concerne que celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1 milliard d'euros ! Vous leur avez rendu 11 milliards d'euros d'impôts sur les bénéfices, précisément la somme que vous demandez aux collectivités territoriales. Les bénéfices seront moins imposés qu'en 2017, alors qu'ils atteignent le record de 153 milliards d'euros ! Quant à la taxe sur les rachats d'action, elle ne rapportera que 200 millions d'euros, soit 0,6 % du montant des rachats. On frise l'insolence...

Il faudrait que l'action publique fasse mieux avec moins ? Demandez d'abord aux riches de faire mieux en leur prenant un peu plus.

La mission « Dégrèvements » augmente de 7 milliards d'euros ; à 147 milliards d'euros, c'est la mission la plus importante du budget !

Vos économies affaiblissent la puissance publique, à hauteur de 40 millions d'euros : 4 000 postes d'enseignants supprimés, 500 postes pour la politique de l'emploi, fin du chèque énergie.

Et que dire du soutien à l'investissement local ? Les prélèvements sont intenables ! Vous décentralisez la dette de l'État ! Alors que les collectivités territoriales présentent un solde cumulé positif de 1,9 milliard d'euros, l'État affiche un solde négatif de 690,7 milliards d'euros ! Comment expliquer cette ponction sur les collectivités territoriales ? La dette des collectivités territoriales est saine, car elle repose uniquement sur l'investissement.

La majorité sénatoriale a annoncé quelques modifications substantielles pour réduire l'effort demandé. Mais, au-delà de l'exercice comptable, assécher les moyens des collectivités territoriales est illusoire, car elles ne participent en rien à la dette de l'État.

Il y a un loup : l'effacement de l'action publique nationale et locale, terrain d'entente entre le Gouvernement minoritaire et la majorité sénatoriale, qui va entraîner un transfert des moyens de l'action publique vers le privé. C'est dans cet esprit qu'on privatise les crèches municipales, les bus, les TER et bientôt les agences.

L'objectif n'est pas de rétablir les comptes publics. Le capital a besoin de la dette, pour financer la France : 300 milliards d'euros de titres et d'obligations. Avec Emmanuel Macron, les créanciers de la dette ont pris le pouvoir, et cela continuera avec ce budget.

Monsieur Armand, vous avez parlé de transparence et d'exactitude : pourquoi ne pas dire que le HCFP estime que les prévisions du Gouvernement sont trop optimistes ?

Et que dire de la dette privée, véritable tabou ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Que nenni !

M. Pascal Savoldelli.  - Pourquoi ? Elle frôle les 162 % du PIB. Il faudrait en parler, car c'est nous qui la payons. Mais la majorité sénatoriale partage l'adage « socialisation des profits et privatisation des pertes » !

M. Olivier Paccaud.  - Légère caricature...

M. Pascal Savoldelli.  - Nous divergeons sur la dette, sur les collectivités, sur la place du salariat, sur l'impôt... De citoyens, les Français deviendront-ils des clients consommateurs ?

Dans le PLFSS, vous avez eu l'indécence de demander sept heures de travail gratuit aux salariés. Maximisation des profits grâce à la mondialisation, dogme de la concurrence libre et non faussée et individualisme libéral sont si ancrés qu'il faudrait une révolution fiscale pour changer de paradigme.

C'est ce que nous proposons (l'orateur tape du poing sur le pupitre) : impôt sur les sociétés à 33 %, puis progressif ; abrogation du pacte Dutreil ; création de dix tranches au barème de l'impôt sur le revenu ; plan majeur en faveur du service public pour protéger les Français contre les crises ; soutien au pouvoir d'achat, au logement, à l'énergie décarbonée. Voilà notre conception de la nouvelle décentralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Ghislaine Senée .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce débat s'ouvre dans un contexte politique singulier, l'avenir du Gouvernement étant des plus incertains.

Messieurs les ministres, vous assumez le bilan de sept ans de gestion des finances publiques par Bruno Le Maire. C'est téméraire. Les décisions du président Macron, adoptées au forceps par 49.3, ont été lourdes de conséquences. Le refus d'un projet de loi de finances rectificatif (PLFR) en 2024 et le manque d'anticipation ont mené la France dans cette situation critique de déficit abyssal.

Résultat : les recettes fiscales ont fondu, le dynamisme économique n'est pas au rendez-vous, la croissance est atone et le chômage repart à la hausse. Le constat est sans appel : 900 milliards d'euros de dette supplémentaire, et un déficit à 6,1 %. Un comble, pour des partisans de l'orthodoxie budgétaire !

Le PLF 2025 est un budget de restriction qui se trompe de cible. Vous prenez au plus grand nombre pour préserver les plus riches, vous refusez de nouvelles recettes mais coupez violemment dans les dépenses, sans vous soucier de l'effet récessif de l'austérité budgétaire.

Vous imposez 60 milliards d'euros d'effort, là où la trajectoire de la Commission européenne n'en impose que 30 milliards. Alors que le Premier ministre dit vouloir lutter contre la surtransposition des directives européennes, cela ne manque pas de piquant.

Ce budget achèvera de faire les poches des collectivités territoriales et des institutions publiques. Par votre refus dogmatique de lever de nouvelles recettes sur les hauts patrimoines, vous hypothéquez l'avenir.

Alors que vos prédécesseurs ont accusé les collectivités d'être responsables de la flambée du déficit, pensiez-vous qu'elles apprécieraient de payer les cadeaux fiscaux non compensés depuis sept ans ? Pensiez-vous les mobiliser en n'affichant que 5 milliards d'euros de coupe sur leurs budgets, quand ce sera quasiment le double ?

Les maires vous ont répondu lors de leur Congrès en arborant une écharpe noire. Gel de la DGF, amputation du FCTVA, fonds de précaution, hausse de la cotisation employeur à la CNRACL, réduction de 50 % du fonds vert, suppression du plan vélo, baisses des crédits des missions locales... N'en jetez plus ! Les maires se demandent quelles missions ou quels services publics ils devront sacrifier.

Les concessions aux départements annoncées par le Premier ministre, le rabot de 2 milliards d'euros pour le bloc communal, négocié avec la droite, seront insuffisants.

Pour la première fois, le Sénat sacrifie les collectivités territoriales sur l'autel de la doxa libérale.

Le lien de confiance entre l'État et les élus locaux s'érode. Administrer une collectivité, c'est jongler entre des règles et normes qui changent sans cesse. Les collectivités doivent retrouver une capacité à agir ; cela passe par plus d'autonomie fiscale. S'attaquer aux collectivités, c'est s'attaquer à ceux qui y vivent.

Tout est question de priorités et de choix. Les lois de programmation sont respectées pour l'armée, la justice et l'intérieur, pas pour la recherche ou l'environnement.

L'État dispose de nombreux outils pour répondre à la crise climatique, mais sans financement ni calendrier. Vous ne tenez pas les objectifs malgré l'urgence. Dès qu'il faut faire une économie, c'est sur le climat : décret d'annulation pour 2,1 milliards, gel et surgel décidés cet été pour 1,6 milliard, baisse des crédits de 17 % dans le PLF, aggravée de 745 millions d'euros par un amendement du Gouvernement.

Pourtant, investir dans la décarbonation et l'agroécologie est économiquement rentable et socialement juste, disent tant le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz que le rapport Draghi. L'inaction climatique coûtera bien plus cher à terme.

Votre budget va à l'encontre de l'anticipation nécessaire, sacrifiant l'écologie mais aussi l'éducation - 4 000 postes d'enseignants en moins  - la santé et le social.

Il faut changer de braquet. Vous héritez de sept ans de politiques fiscales qui ont généré de la mauvaise dette et accru les inégalités, mais gardez dogmatiquement le même cap.

Mais des alternatives existent. Avec les groupes de gauche, nous défendrons une autre vision de la fiscalité et de la justice.

La justice fiscale est un enjeu de cohésion sociale. C'est pourquoi nous proposons d'appliquer la taxe Zucman, qui taxe de 2 % les patrimoines supérieurs à 1 milliard d'euros. Cela touche 147 personnes, les « premiers de cordée » qui ont accumulé les richesses. À eux de montrer l'exemple. Cette taxe générerait 16 milliards d'euros. Nous voulons aussi rétablir l'impôt sur la fortune, avec un volet climatique, et élargir la surtaxe Barnier sur les bénéfices des grandes entreprises.

Pour financer nos priorités, nous voulons réaffecter des crédits, notamment rationaliser les primes à l'embauche d'apprentis, ce qui économiserait 1 milliard d'euros par an.

Nous voulons également rétablir durablement la CVAE, augmenter le taux des DMTO, et déplafonner le versement mobilité pour financer les infrastructures de transport du quotidien.

Le GEST porte un regard très critique et inquiet sur ce PLF déconnecté des défis à venir, dix ans après les accords de Paris. Il est temps de rebâtir l'action publique plutôt que de l'affaiblir. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Patrick Kanner applaudit également.)

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Lors de la passation de pouvoirs, M. Armand déclarait, un brin flagorneur, à un Bruno Le Maire autosatisfait : « je mesure la chance d'hériter d'un tel bilan ». (M. Jean-François Husson s'en amuse.) Le bilan de sept ans de macronisme ? Outre les 1 300 milliards d'euros de dette supplémentaire, onze millions de pauvres, 7 % de chômage, un record de défaillances d'entreprises, des plans sociaux sur tout le territoire, une procédure pour déficit excessif à Bruxelles. Vous êtes le seul à vous estimer chanceux !

De cette faillite économique découle le discrédit politique, matérialisé par la déroute de l'ancienne majorité présidentielle aux législatives. Votre présence ici tient de l'anomalie démocratique, tant vous êtes illégitimes à présenter ce budget - le PLF de l'internationale de la lose qui ressert ses vieilles recettes libérales et ose donner des leçons de sérieux budgétaire.

Vous êtes illégitimes : le seul gagnant des élections, c'est le front républicain, sur lequel vous vous êtes assis en vous plaçant dans la main de l'extrême droite. Sans lui, point de groupe Les Républicains à l'Assemblée !

Lors des débats à l'Assemblée, votre attelage brinquebalant a été souvent battu, y compris par vos alliés en carton du « socle commun ». Ils ont concentré plus de la moitié des amendements ; mention spéciale aux députés Les Républicains qui se sont comportés comme des opposants à leur propre budget - et qui prétendent être la voix de la raison... Rappelons qu'ils avaient exigé le chèque carburant en 2023 !

Votre gouvernement est dans une situation insoluble. Il manquait déjà 5 milliards d'euros dans votre budget lors de son dépôt. Mais à mesure des annonces du Premier ministre, les économies fondent comme neige au soleil.

C'est ainsi que le groupe Les Républicains du Sénat refuse la hausse des taxes sur l'électricité, soit un manque à gagner de 3,4 milliards d'euros. En voulant ramener l'effort sur les collectivités territoriales à 2 milliards, il vous prive de 3 milliards d'euros d'économies. De son côté, le groupe Ensemble pour la République à l'Assemblée nationale refuse le coup de rabot à 4 milliards sur les cotisations patronales. On déshabille Paul pour rhabiller Jacques en fonction de la météo politique. Vous avez même laissé Laurent Wauquiez jouer les vice-Premier ministres et annoncer la division de votre mesure sur les retraités...

J'en viens au texte. Les hypothèses macroéconomiques ne sont pas crédibles : la prévision de croissance à 1,1 % ne prend pas en compte l'effet récessif du budget - l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) table sur 0,8 point. La réduction trop rapide grèvera la croissance et l'investissement, alors que de nombreux plans sociaux se profilent. Votre budget détruira 130 000 emplois selon l'OFCE.

Selon le Président Macron, le dérapage ne tient pas aux dépenses mais aux moindres recettes. Nous vous ferons des propositions en faveur de la justice fiscale, et contre la régression sociale annoncée.

Comment ne pas parler d'austérité, quand vous supprimez 4 000 postes d'enseignants, 500 postes pour la politique de l'emploi, 100 millions d'euros pour l'insertion des personnes en situation de handicap - un temps privées de ministre dédié ? Quand vous faites 4 milliards d'euros d'économie sur la santé alors que les déserts médicaux s'étendent ? Quand l'écologie est une variable d'ajustement ?

Vous faites plus le cas de la dette budgétaire que vous avez creusée que de la dette économique que vous laisserez à nos enfants.

Prenons acte de la déclaration du Président de la République : nos propositions visent à combler le déficit que vous avez laissé béant.

Nous proposerons d'augmenter le prélèvement forfaitaire unique (PFU) de seulement trois points, soit 1 milliard d'euros de prélèvement supplémentaire, alors que les revenus du patrimoine ont augmenté de 59 milliards d'euros en 2023 ; de taxer les superprofits à hauteur de 15 milliards, alors que le CAC40 en a cumulé 36 milliards ; de mettre fin à la pratique de l'arbitrage, qui a explosé depuis 2017. Sur le front des dépenses, nous couperons dans les coûteux crédits d'impôt.

Enfin, nous vous demanderons de ne pas faire des collectivités locales le bouc émissaire de sept ans de gestion erratique. L'État, en déficit de 3 300 milliards d'euros, ne saurait faire la leçon à des élus locaux tenus par la règle d'or de présenter des budgets à l'équilibre ! Pour leur garantir des marges de manoeuvre solides, nous vous proposerons d'indexer la DGF sur l'inflation ou d'augmenter significativement le taux des DMTO.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Thierry Cozic.  - Nous sommes non pas fatalistes mais responsables. Point d'opposition stérile, nous jugerons sur pièce.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Et sur place !

M. Thierry Cozic.  - En l'état, nous voterons contre ce budget 2025. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

M. Aymeric Durox .  - Le contexte est inédit : pas de majorité à l'Assemblée nationale, pas de consensus dans le pays, un gouvernement ballotté dans une coalition des contraires et des ambitieux, à la longévité incertaine.

La situation budgétaire est dramatique : prévision de croissance excessive, faillite dans l'évaluation des recettes, retournement de l'économie, situation internationale dangereuse.

La réponse semble évidente : faire des économies. Le Premier ministre annonçait un effort de 60 milliards d'euros : deux tiers sur les dépenses, un tiers de recettes nouvelles. La Cour des comptes comme les débats à l'Assemblée ont montré qu'on était loin de la réalité, qui est celle d'un budget de hausse de la dépense, d'efforts pesant surtout sur les collectivités et les droits sociaux des Français, d'impôts nouveaux sur les grandes mais aussi les petites entreprises, de dizaines de taxes supplémentaires sur les Français, déjà les plus taxés au monde.

Alors qu'il faudrait miser sur la croissance, vous répondez par budget flou et récessif. Les plans sociaux s'égrènent, la confiance s'érode, les investissements des entreprises privées sont en baisse, tout comme les investissements immobiliers des ménages. Alors que les collectivités portent 70 % de l'investissement public, vous cassez la dynamique en leur imposant des coupes insensées de 5 milliards d'euros, alors que leurs dépenses sont contraintes et leur autonomie fiscale rognée.

Oui, il faut faire des économies. Le RN plaide pour des baisses claires, afin d'envoyer aux acteurs économiques un message de confiance et de sérieux. Or vous ne touchez pas au coûteux maquis des opérateurs de l'État, qui se partagent un pactole de 80 milliards d'euros. Vous ne touchez pas à la gabegie structurelle de l'aide au développement - on donne des centaines de millions d'euros au Mexique ou à la Chine ! Vous ne revenez pas sur le scandale des contrats léonins dans l'éolien. Vous ne revenez pas sur le dogme immigrationniste, avec 750 millions d'euros de subventions publiques versées à 1 350 associations pro-migrants - un chiffre multiplié par trois en dix ans, quand le nombre de reconduites à la frontière, lui, a été divisé par trois.

Nous proposons 25 milliards d'euros d'économies réelles, par la rationalisation des dépenses publiques, la suppression des comités Théodule et de délires budgétaires comme le plan vélo ou les aides trop nombreuses à la presse. Au lieu de toucher au tonneau des Danaïdes des dépenses sociales, cette chambre a voté sept heures de travail gratuit pour financer les retraites - mais le maintien de notre système social passera par la croissance. Il faut une France des travailleurs et des producteurs, non une France des subventions et des profiteurs.

Au lieu d'augmenter les salaires, vous augmentez les cotisations sociales, au moment où la consommation des ménages et la confiance des entreprises sont au plus bas. Je pourrais poursuivre dans le musée des horreurs... Plutôt que remettre en cause le marché de l'énergie européen, vous réformez encore l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), qui a condamné notre fleuron EDF, et augmentez les taxes sur l'électricité et les chaudières au gaz.

La contribution de la France à l'Union européenne augmente encore, comme si nous pouvions nous le permettre ! Ce budget respire le conformisme des solutions éculées, la douceur endormante du déclin.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Aymeric Durox.  - Nous ne pouvons l'approuver, et attendons la rupture, gouvernementale puis politique, nous permettant de remettre la France en ordre et au travail.

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-François Husson applaudit également.) « L'État c'est moi », disait Louis XIV. En république, l'État, c'est nous tous. Mais qu'attend-on de lui ?

L'État, c'est avant tout ses missions régaliennes : la sécurité, la justice, l'armée, la diplomatie, la monnaie.

M. Olivier Paccaud.  - L'école !

M. Emmanuel Capus.  - Des missiles traversent le ciel européen - et certains parlent encore de décaler la loi de programmation militaire (LPM) qui porte nos dépenses de défense à seulement 2 % du PIB.

Nous dépensons 38 milliards d'euros par an pour la politique du logement, trois fois le budget de la justice. Pour quel résultat ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - On est d'accord.

M. Emmanuel Capus.  - Des gens dorment dans la rue alors qu'il neige et une crise immobilière menace.

Nous dépensons deux fois plus pour payer les intérêts de la dette que pour les forces de l'ordre.

L'État doit penser à ses missions premières, mais aussi à la santé et à l'éducation, ainsi qu'aux générations futures, en investissant dans la recherche et la lutte contre le changement climatique.

Pour y arriver, il a besoin d'un budget équilibré. Karl Marx a écrit « Il n'y a qu'une seule façon de tuer le capitalisme : des impôts, des impôts et toujours plus d'impôts ». Malgré les importants efforts réalisés depuis 2017, notre taux de prélèvement obligatoire reste le plus élevé de l'OCDE. Ce record n'est pas une gloire : il contraint nos concitoyens dans leur liberté et nos entreprises dans leur capacité d'innovation.

Nous n'avons presque plus de marges de manoeuvre fiscales pour faire face à la crise budgétaire.

Les baisses de fiscalité ont produit des résultats : baisse du chômage, hausse des investissements étrangers, compétitivité.

Face à la chute imprévue et rapide des recettes, le Gouvernement fait le choix d'une augmentation temporaire, exceptionnelle et ciblée, de la fiscalité sur les ménages les plus aisés et les plus grandes entreprises. Nous nous y résignons, à contrecoeur. Une fois la crise évitée, cette hausse devra s'éteindre. Nous saurons vous le rappeler.

Attachés aux dépenses régaliennes, nous soutiendrons l'application complète des lois de programmation des ministères de la défense, de la justice et de l'intérieur. Nous proposerons de diminuer les dépenses des missions non régaliennes et de sanctuariser la santé, l'éducation, la lutte contre le réchauffement climatique, la recherche et l'innovation.

Un milliard d'euros, c'est le montant du fonds d'accélération de la transition écologique créé par Christophe Béchu, qui financera des actions concrètes des collectivités en faveur de la transition écologique. Dix milliards d'euros, c'est le coût d'un porte-avions nouvelle génération ; nous n'en construisons qu'un tous les trente ans. En 2024, la charge des intérêts de la dette représente plus de 50 milliards d'euros : chaque année, nous sabordons donc une flotte entière en payant les intérêts d'une dette, fruit de cinquante ans de mauvaise gestion. Sans elle, nous aurions financé la marine la plus puissante du monde en trois ans !

Au-delà de la crise budgétaire, interrogeons-nous sur la manière dont nous dépensons sur le long terme. Édouard Philippe avait su engager la baisse des dépenses. (M. Vincent Capo-Canellas renchérit.)

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Ah bon ?

M. Emmanuel Capus.  - Il faut remonter à 2006 pour retrouver trace d'un tel sérieux.

Dès la crise budgétaire évitée, il faudra nous employer à baisser durablement les dépenses de fonctionnement des ministères et des agences, afin de nous redonner des marges de manoeuvre.

De même pour nos collectivités, coeur battant de notre République. Elles sont prêtes à participer à l'effort, mais il doit être juste, soutenable et équitablement réparti. C'est pourquoi, aux côtés du rapporteur général, nous nous opposerons à la révision du FCTVA et soutiendrons la révision du fonds de réserve proposée par Stéphane Sautarel.

Nous soutiendrons loyalement le Gouvernement, en faisant porter l'essentiel de l'effort sur la diminution des dépenses et, pour une moindre part, sur une augmentation exceptionnelle, temporaire et ciblée de la fiscalité sur ceux qui le peuvent. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, Les Républicains et UC)

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Brillant !

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Avez-vous déjà joué à des jeux de société ?

M. Olivier Paccaud.  - Oui !

Mme Christine Lavarde.  - Ils nous enseignent quelques impératifs.

La stabilité, d'abord : sans règle claire et précise, pas de jeu. Une fois définies, les règles ne peuvent pas être changées en milieu de partie. De même en économie. (M. Olivier Paccaud approuve.) Il n'est donc pas possible d'accepter la remise en cause a posteriori des règles relatives au FCTVA, au malus auto, ou encore de reporter le mécanisme remplaçant l'Arenh. Les acteurs ont besoin de sécurité juridique.

Si vous jouez aux jeux de société, vous savez également que la règle doit être simple et facilement intelligible. Après la crise de 1958, le général de Gaulle forme un gouvernement d'union nationale et se consacre à une tâche de stabilisation aux effets durables. Le comité Rueff, dans un rapport de 25 pages - inimaginable aujourd'hui ! - prescrit une sévère cure d'amaigrissement de l'administration.

Il y a un an, j'ai appelé à simplifier les 340 aides aux entreprises en matière de transition écologique. Rien n'a changé, les chantiers de simplification s'apparentant plus à de la communication.

À l'illisibilité s'ajoute l'absence d'une vision de long terme. Comment convaincre les Français de poursuivre l'électrification des usages quand l'électricité sera l'énergie la plus taxée par tonne de CO2 émise ? La fiscalité de rendement a du sens à court terme mais n'oriente pas les comportements de long terme. Mieux valait appliquer la même règle à toutes les énergies : dans un contexte de baisse des prix de gros, cela reviendrait à faire rembourser partiellement l'aide de 50 milliards d'euros octroyée pendant la crise de l'énergie.

Entrevoir la victoire sous le prisme du gain budgétaire ou politique n'est pas gouverner. C'est succomber à la tragédie du moment. Savoir ne pas s'y soumettre, c'est le sens de l'État

Troisième règle : le souci du nombre. Jouer au Clodo à deux ou à huit, ce n'est pas la même difficulté. (M. Antoine Armand sourit.) Or nous ne tenons pas compte de la chute de la démographie - depuis 2010, la natalité a reculé de 19,8 %. Nous indexons les retraites sans tenir compte de la chute drastique du nombre d'actifs pour les financer. Le PLF 2025 est le premier à intégrer l'effet année pleine de la réforme paramétrique de 2023. Or selon le Conseil d'orientation des retraites (COR), le système sera déficitaire dès cette année !

Nous votons un PLFSS sans tenir compte des milliards nécessaires pour financer le grand âge et la dépendance.

Comment repenser l'enseignement pour éviter de voir exploser le coût par élève sans effet sur le niveau scolaire ?

Pour gagner aux échecs, il faut anticiper. En économie ouverte, il faut tenir compte du nombre de joueurs et anticiper leur stratégie.

Dernière règle : l'égalité entre les joueurs. Deux cartes du Monopoly imposent une contribution particulière, prévisible et fixe. Les prélèvements sur bénéfices au milieu du jeu n'existent pas. Or l'État, quand il manque de trésorerie, lève des impôts supplémentaires, ce qui crée de l'incertitude. Il profite de ses prérogatives pour dévier des règles. Le baromètre d'EY sur l'attractivité en témoigne : la confiance des investisseurs s'est évanouie. Les entreprises quittent la France. Tikehau Capital, un fonds d'investissement de 50 milliards d'euros, réfléchit à Wall Street ; Canal+ va être coté à Londres, Havas à Amsterdam.

La hausse de la fiscalité n'est acceptable que lorsqu'elle incite à un comportement plus vertueux. Punir celui qui ne respecte pas la règle, celui qui pollue, a du sens.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Très bien !

Mme Christine Lavarde.  - Au Monopoly, la banque ne fait jamais faillite : elle peut émettre des reconnaissances de dettes sur papier libre. Cela fait rêver, n'est-ce pas ? (M. Antoine Armand sourit.)

Les règles financières de la France sont plus complexes : l'État ne peut pas mettre en circulation autant d'argent que nécessaire, quoi qu'en aient pensé certains à l'époque du « quoi qu'il en coûte » et encore aujourd'hui... (M. Jean-François Husson s'en amuse.)

Le taux d'intérêt de notre dette a augmenté, car les investisseurs ont évalué à la hausse le risque français.

Ces prochaines semaines, nous n'aurons pas le temps de jouer aux jeux de société, mais gardons à l'esprit ces principes : ne pas changer la règle du jeu, anticiper les évolutions démographiques et macroéconomiques, avoir une fiscalité prévisible et orientant les comportements, s'interdire toute politique de l'argent magique.

La France mérite que ce Gouvernement réussisse. Lions courage et responsabilité, rigueur et créativité, souci du temps long et celui du grand nombre. Viendra ensuite le temps des réformes structurelles, pour répondre aux défis des transitions écologique, démographique et numérique. Mobilité et stabilité ne sont pas antinomiques : un cycliste n'est stable qu'en avançant, disait Jacques Chirac. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et sur quelques travées du groupe UC)

M. Georges Patient .  - Notre situation financière est très préoccupante. Nous devons faire preuve de responsabilité et trouver des compromis, pour sortir de la crise par le haut.

L'objectif premier du PLF 2025 est le redressement des comptes de la nation. Face à la baisse des recettes, le gouvernement précédent avait annulé 10 milliards d'euros et doublé la réserve de précaution. Il faut aller plus loin, pour nous adapter aux changements climatique et démographique, pour faire face aux menaces et aux crises et pour conserver notre crédibilité dans le monde. En Guyane, nous le voyons : notre souveraineté est bafouée par ceux qui pillent nos ressources aurifères et halieutiques.

L'effort -  60 milliards d'euros  - est inédit. Côté dépenses, cet effort sera réparti entre l'État, ses opérateurs, les collectivités territoriales et la sécurité sociale.

Le RDPI salue le discours de vérité du Premier ministre sur la situation difficile des collectivités territoriales. Alors que leurs dépenses incompressibles augmentent, les 8 000 élus locaux présents la semaine dernière au Congrès des maires nous ont fait part de leurs inquiétudes, voire de leur colère.

Nous saluons la réduction du taux de mise en réserve de l'article 64 et l'ouverture du dialogue sur la réforme du FCTVA de l'article 30.

D'un déficit de 7 % du PIB si rien n'est fait, l'objectif du Gouvernement est de revenir à 5 %. Il s'agit aussi d'éviter de provoquer une récession. La prévision de croissance, à 1,1 %, inférieure aux prévisions de l'OCDE et du FMI, est prudente. L'inflation inférieure à 2 % devrait contrebalancer l'effet récessif du choc budgétaire.

Près de la moitié des rentrées fiscales de 2025 sont issues de mesures nouvelles, pour près de 15 milliards d'euros : contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises pour 8 milliards ; contribution temporaire sur les plus hauts revenus pour 2 milliards ; hausse des accises sur l'énergie et retour au taux normal de TVA sur les abonnements pour 2,8 milliards ; suspension de la baisse de CVAE pour 1,5 milliard d'euros ; taxe sur le fret maritime pour 0,5 milliard.

Le RDPI est habituellement opposé à toute augmentation des impôts des Français, d'autant que nos prélèvements obligatoires font déjà partie des plus élevés d'Europe, même s'ils ont fortement baissé ces dernières années -  moins deux points en 2023, du jamais vu depuis 2012 !

Le RDPI soutiendra la grande majorité de ces nouvelles mesures fiscales, pour la plupart temporaires et équilibrées. Mais certaines toucheront tous nos concitoyens, quel que soit leur niveau de revenu, d'où notre amendement sur le plafonnement de l'accise sur l'électricité.

Pour lutter plus efficacement contre la fraude, nous avons déposé des amendements sur les logiciels de comptabilité dits permissifs autocertifiés et les comptes d'actifs numériques.

Nous souhaitons aussi protéger les ressources des chambres consulaires, essentielles pour le développement économique de nos territoires, en maintenant leur trajectoire pluriannuelle d'économies.

Les objectifs de dépenses -  qui diminuent de 0,4 % en volume  - seront plus difficiles à atteindre. Oui, il faut faire des économies, mais sans casser les dynamiques de rattrapage engagées par exemple dans la justice -  dont le budget est passé de 6,9 milliards d'euros en 2017 à plus de 10 milliards en 2024. Le Premier ministre s'est engagé à ajouter les 500 millions d'euros manquants ; nous y serons attentifs.

Les lois de programmation ne sont pas contraignantes, mais elles limitent la tentation de faire des économies budgétaires dans des domaines jugés prioritaires par la nation. C'est ainsi que les crédits de la mission « Défense » augmentent de 3,3 milliards d'euros. Mais nous déplorons qu'il n'en soit pas de même pour la mission « Recherche et enseignement ».

Nous regrettons aussi la réduction des moyens de l'apprentissage, de 1,2 milliard d'euros. Le coût de cette politique est important, mais le coût de jeunes non formés est bien plus élevé ! Pourquoi ne pas concentrer les aides à l'embauche sur les petites entreprises et les apprentis les moins qualifiés ?

Le RDPI souhaite augmenter le taux de la taxe sur les transactions financières (TTF), pour 1,5 milliard d'euros, afin de soutenir des actions de solidarité internationale ou de renflouer le fonds vert.

Outre-mer, les crises se succèdent. En un an, la Nouvelle-Calédonie et la Martinique ont connu troubles et violences, aux conséquences économiques et sociales importantes. La Guyane est frappée par une terrible sécheresse : plusieurs dizaines de milliers de personnes sont touchées et un pont aérien a été mis en place.

Les outre-mer craquent de partout. Ce n'est pas le moment de faire des économies ! Il faut au contraire investir massivement. La baisse des crédits de la mission « Outre-mer » et celle du budget de Bpifrance consacré aux entreprises sont de très mauvais signaux.

Les outre-mer, dont on a souvent dit qu'ils étaient une chance pour la France, se demandent désormais : la France est-elle une chance pour nous ? Heureusement, cette année le Gouvernement ne reprend pas la réforme de l'octroi de mer.

Le RDPI, premier groupe ultramarin du Sénat, a déposé de nombreux amendements sur le logement social, la TVA des produits de première nécessité, les aides fiscales à l'investissement et l'absence de diagnostic de performance énergétique (DPE).

Mieux qu'à l'Assemblée nationale, nous devons travailler tous ensemble. J'en appelle à votre sens des responsabilités. Soyons les auteurs d'un compromis qui fera honneur au Parlement et au bicamérisme ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bernard Delcros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, MM. Jean-François Husson et Emmanuel Capus applaudissent également.) La voie est étroite : nous devons arrêter le dérapage du déficit public, éviter l'effet récessif d'économies mal calibrées et répondre aux besoins de certains secteurs essentiels.

Il faut agir simultanément sur la dépense publique et sur les recettes de l'État. L'année dernière, la plupart de nos propositions pour augmenter les recettes, adoptées par le Sénat, n'ont pas survécu au 49.3. Vous les reprenez et c'est tant mieux : report de la suppression de la CVAE, création d'une taxe sur les rachats d'actions, contribution des plus hauts revenus.

Nous souhaitons aussi réformer l'exit tax et l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), mieux lutter contre la fraude fiscale, rationaliser les niches fiscales et corriger une faille dans la fiscalité des plans épargne retraite.

Vous proposez de faire contribuer les collectivités territoriales au redressement des finances de la nation par une baisse de leurs ressources de 5 milliards d'euros via le fonds de réserve pour 3 milliards, le gel du versement de la part de TVA pour 1,2 milliard et la baisse du FCTVA pour 0,8 milliard. S'y ajoutent d'autres dispositions qui impactent indirectement les collectivités.

Même si les collectivités doivent prendre leur part au redressement des comptes publics, le groupe UC souhaite réduire cette contribution, en vertu de la justice territoriale, car les situations sont très disparates.

La baisse de 10 % du FCTVA et l'exclusion des travaux d'entretien de la voirie et des bâtiments communaux doivent être abandonnées, et pas seulement pour leur effet rétroactif ! Cette réforme qui touche toutes les collectivités -  petites ou grandes, riches ou pauvres  - est injuste.

M. Michel Canévet.  - C'est vrai !

M. Bernard Delcros.  - Elle percute en outre l'investissement des collectivités, dont les territoires ont tant besoin. Messieurs les ministres, renoncez à cette réforme injuste et contre-productive !

Vous proposez également une exonération partielle supplémentaire de taxe sur le foncier non bâti (TFNB) pour les terres agricoles. Nous approuvons cette mesure, mais pas ses modalités de compensation, qui pénalisent les petites communes rurales -  la TFNB peut représenter plus 50 % de leurs recettes fiscales. Cette compensation doit être justement calculée et indexée.

Le groupe UC sera, une nouvelle fois, force de proposition et nous espérons vous convaincre. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Frédérique Espagnac .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Si notre dette est élevée, c'est parce que j'ai sauvé l'économie française »... Dommage que l'auteur de cette phrase ne soit pas avec nous aujourd'hui ! (On ironise à gauche.)

La dette publique a atteint 3 300 milliards d'euros, soit 113 % du PIB, un niveau historique qui fragilise notre souveraineté, notre crédibilité internationale et notre capacité à investir. Plus de 50 milliards d'euros sont consacrés chaque année au paiement des seuls intérêts de la dette - autant de milliards qui échappent aux services publics.

Mais vous persistez dans une politique fiscale qui, depuis 2017, a organisé l'attrition de nos finances publiques, avec la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), de la taxe d'habitation, de la CVAE et de la contribution à l'audiovisuel public. Résultat : plus de 60 milliards d'euros évaporés chaque année depuis 2017, ceux-là mêmes que vous cherchez désespérément ! Nul besoin d'être inspecteur général des finances pour comprendre ce jeu de vases communicants...

Depuis 2017, le groupe SER et le président de la commission des finances n'ont cessé d'alerter votre prédécesseur. Vos choix budgétaires traduisent une impuissance coupable, aggravée par une obsession comptable déconnectée des réalisées. Ce PLF s'inscrit dans cette logique dangereuse : la réduction trop brutale du déficit public risque d'entraver la croissance et l'investissement. Ce que vous pensez gagner en économies, vous le perdrez en recettes ! La récession pointe ; les PME-TPE souffriront ; les licenciements suivront.

Les collectivités territoriales sont une fois encore sollicitées de façon injuste et disproportionnée au regard de leur responsabilité dans le dérapage des finances publiques. Vous leur demandez un effort de 7,8 milliards d'euros, même 11 milliards selon André Laignel, président du Comité des finances locales : mises en réserve, 3 milliards ; hausse des cotisations à la CNRACL, 1,3 milliard ; réduction du fonds vert, 1,5 milliard ; gel de la dynamique de la TVA, 1,2 milliard ; réforme du FCTVA, 800 millions d'euros. Ce choc budgétaire met en péril l'autonomie financière des collectivités et affaiblit leur capacité à répondre aux besoins de leurs habitants. C'est une remise en cause du pacte républicain entre l'État et les collectivités territoriales.

Les collectivités territoriales ne sont pas responsables de la dette publique - leur dette ne représente que 9 % de l'endettement national. Alors pourquoi une telle asphyxie financière ? Les économies et les recettes sont à chercher ailleurs. Un budget de justice fiscale et sociale est la seule voie crédible ; nous en sommes loin.

Le groupe SER proposera une série d'amendements cherchant des recettes chez les plus hauts revenus. Nous voulons renforcer le soutien à nos collectivités territoriales, en restaurant la CVAE, injustement supprimée.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Frédérique Espagnac.  - Nous voulons garantir l'équité pour nos communes rurales et assurer une juste contribution des assurances aux Sdis.

M. le président.  - Il faut conclure vraiment !

Mme Frédérique Espagnac.  - Vous le voyez : nous avons des propositions ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Vous ne m'entendrez pas dire que le déficit de la France est la faute des communes et des collectivités territoriales, je ne le pense pas », a dit le Premier ministre en clôture du Congrès des maires de France. Je salue ce changement de vocabulaire et d'attitude, qui contraste avec le précédent ministre de l'économie.

Ce PLF conçu dans l'urgence doit être suivi de réformes structurelles. Nous accompagnerons votre action de redressement : nos amendements respecteront la trajectoire, enfin sincère, d'un retour aux 5 % de déficit.

Notre pays a tant besoin de stabilité et de courage. Nous sommes assis sur un volcan - c'est un élu du plus grand volcan d'Europe, le volcan cantalien, qui vous le dit... (Sourires)

Ce budget sera bien sûr imparfait, mais il marquera une inflexion dans notre addiction à la dépense publique et à la fiscalité. Il trace un chemin escarpé, certes, mais le seul possible.

Nos dirigeants n'ont jamais remis de l'ordre dans nos comptes. Il n'est pas question de mettre à contribution les Français et les collectivités territoriales de manière inconsidérée, mais chacun devra contribuer à un effort juste, socialement et territorialement.

Le Gouvernement a découvert cette situation insoutenable et a dû proposer dans l'extrême urgence des solutions, pas toujours satisfaisantes, mais qui marquent une inflexion. Nous devrons réfléchir au périmètre de l'action de l'État. Nous ne pouvons mettre en péril l'investissement des entreprises et des collectivités territoriales. (M. Jean-François Husson approuve.)

Je centrerai mes propos sur la dette et les collectivités territoriales.

La dette, d'abord. Les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » s'élèvent à plus de 63 milliards d'euros, un niveau record qui nous prive de notre capacité d'agir au service des Français. Sans redressement des finances publiques, la charge de la dette doublera d'ici à 2029, approchant la barre folle des 100 milliards d'euros. Ce constat justifie à lui seul les efforts demandés.

Nous devons réduire le déficit pour réduire notre dette, qui nous coûte triplement : son coût budgétaire, ses conséquences pour nos services publics - coûteux et trop souvent inefficaces - et notre incapacité à préparer l'avenir. Nous allons brûler plus de 60 milliards d'euros en 2025. C'est de la folie ! Il est temps d'arrêter, et nous avons besoin pour cela de volonté politique. (M. Jean-François Husson approuve.)

Les relations entre l'État et les collectivités territoriales n'ont jamais été aussi dégradées, dans un contexte d'accélération de la fragilisation financière de ces dernières. Nous sommes sortis des procès d'intention ; il faut maintenant trouver des solutions partagées pour renouer avec la confiance.

L'État n'a cessé de transférer des charges, de prononcer des injonctions contradictoires, de s'enfermer dans un centralisme mortifère. Il faut au contraire redonner du pouvoir d'agir aux élus, recentrer l'État sur le régalien, mettre fin à l'enchevêtrement des compétences, faire de la subsidiarité ascendante. Les vraies économies simplifient, débureaucratisent et libèrent l'action. La performance est proportionnelle à la liberté et à la responsabilité. Il faut donc en finir avec la mise sous tutelle et l'infantilisation, pour répondre à la promesse de la décentralisation.

Nous avons besoin d'un choc de décentralisation et de simplification, qui passera par une réforme en profondeur de la fiscalité locale et de la DGF, notamment avant les élections municipales de mars 2026.

Nous avons fait le choix de réduire l'effort des collectivités territoriales de 5 à 2 milliards d'euros, autour de cinq marqueurs : réduire leur effort et respecter leur autonomie fiscale ; préserver leur capacité d'épargne et d'investissement ; refuser la rétroactivité de la réforme du FCTVA ; limiter les mesures qui touchent les départements ; revoir le fonds de précaution, qui doit être plus limité, plus juste et progressif - c'est le sens de notre amendement de réécriture de l'article 64.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Excellent !

M. Stéphane Sautarel.  - Voilà un nouveau paradigme pour renouer avec la confiance, en faisant le pari de la liberté. Nous attendons des signes forts.

Le pire serait que cela ne serve à rien. J'espère que la raison l'emportera. Sinon, notre pays plongera dans le chaos, avec une mise sous tutelle, synonyme d'austérité dont les plus fragiles seront les premières victimes.

La voie du sursaut est possible, commençons à l'emprunter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le débat est simple et se résume en quelques questions.

Faut-il voter un budget ? Oui, bien sûr : le scénario d'un rejet du PLF assorti d'une motion de censure doit absolument être écarté, car il nous plongerait dans de graves difficultés. Parions sur un accord en CMP.

La situation financière appelle-t-elle des mesures fortes ? Oui.

Le Gouvernement prend-il ce tournant ? Oui, et c'est heureux.

Le débat porte sur l'ampleur de l'ajustement qui éviterait un potentiel effet récessif. Les 45 milliards d'euros d'ajustement sont sans précédent et l'effort fiscal -  qui nous rappelle la période Hollande  - en représente les deux tiers.

La conjoncture économique est mauvaise et l'écart de taux avec l'Allemagne atteint 0,8 point. Nous allons vers une prime de risques élevée, il faut plus de crédibilité.

L'OFCE et la Commission européenne estiment qu'un déficit à 5,3 % est plus réaliste. Goldman Sachs prévoit 5,4 %, avec une hypothèse de croissance à 0,7 % -  et non 1,1 %.

Nous souffrons aussi d'un déficit de notre balance courante.

Selon Patrick Artus, nous devons financer une partie de notre déficit par des entrées de capitaux à court terme, ce qui nous expose à une crise de la dette publique.

La marche est très haute. Il faudra voter rapidement un PLFR, et enclencher les réformes structurelles absentes de ce PLF confectionné si rapidement.

Nous devons augmenter notre taux d'emploi. S'il rejoignait celui de l'Allemagne, nos finances publiques retrouveraient l'équilibre. Nous devons débattre des exonérations de charges et de la sensibilité de l'impôt sur les sociétés à la croissance. Il faut un phasage réaliste pour restaurer notre compétitivité. Les débats sur les collectivités territoriales et sur l'excès de taxation du transport aérien seront importants. Gare à ne pas détruire l'investissement et l'emploi.

Il est urgent de faire des choix dans les missions de l'État et le financement des retraites et de viser la préservation du niveau de vie des jeunes générations. (M. Emmanuel Capus applaudit.) Nous pourrions ainsi financer en partie nos retraites et notre protection sociale par une part de TVA ou de CSG -  une réforme difficile.

Nous devrons débattre de la stratégie d'agenciation de l'État et redéfinir ses missions. Le Cerema, l'Ademe et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) peuvent sans doute travailler ensemble. La direction générale de l'aviation civile (DGAC) ne pourrait-elle pas s'affranchir de son statut actuel ?

Nous avons un double devoir à l'égard de nos aînés : solidarité pour le grand âge et les petites retraites, mais aussi lien entre les générations. Préserver le niveau de vie des jeunes générations suppose peut-être des ajustements sur l'actualisation des retraites.

Pourquoi ne pas déclencher des alertes lors du dépôt de PLF ? Parfois, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) devrait s'affranchir d'un discours un peu trop diplomatique.

Nous serons constructifs, sans masquer les principaux points de débat. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Jean-Baptiste Olivier applaudit également.)

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après les records de chaleur de 2022 et 2023, 2024 est en passe de devenir l'année la plus chaude depuis le début de l'ère pré-industrielle. Nous avons déjà changé de monde. En 2023, le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz a chiffré le surcroît d'investissements publics nécessaires à 34 milliards d'euros par an.

Quand, lors de son discours de politique générale, Michel Barnier a mis la dette écologique et la dette financière sur le même plan, nous avons repris espoir. Mais cet espoir s'est éteint avec ce budget, qui acte une diminution des crédits de la mission « Écologie » de 10 % -  17 % en tenant compte de la baisse des prix de l'électricité. C'est le sacrifice pur et simple de toutes nos ambitions sur la transition énergétique ! Tous les domaines sont concernés : rénovation thermique des bâtiments, soutien aux collectivités territoriales, biodiversité... Cette trajectoire très inquiétante est à rebours de toutes les recommandations d'experts.

La France a besoin d'un plan d'investissements dans les infrastructures de transport durable. Nous ne devons pas remplacer le parc automobile thermique par un parc électrique équivalent : il faut planifier le report modal. Or ce budget diminue les financements pour les infrastructures de transport, réduit de 500 millions d'euros les aides à l'acquisition de véhicules propres et supprime la prime à la conversion.

Des solutions, sans impact sur l'activité, existent : taxation des yachts et des jets privés, durcissement du malus des SUV, encadrement des niches fiscales les plus polluantes. Nous vous ferons des propositions.

La France doit accélérer son soutien aux énergies renouvelables. Or vous amputez le fonds chaleur de 300 millions d'euros ; MaPrimeRénov' est taillée à la serpe ; le chèque énergie ne sera plus versé automatiquement. Alors que l'Insee a récemment estimé que la fin du bouclier inflation a pesé plus fortement sur les plus modestes, vous aggravez le risque de non-recours et de précarité énergétique. Nous nous réjouissons que la commission des finances souhaite, comme nous, rétablir le niveau d'avant-crise de l'accise sur l'électricité, dont le relèvement aurait pesé sur les ménages.

La préservation de la biodiversité a été sacrifiée : les crédits de la stratégie nationale ont été divisés par deux. Les plafonds des agences de l'eau devaient être relevés de 175 millions d'euros dès 2025 ; ce sera en 2026. Ce budget manque d'ambition pour lutter à la source contre les pollutions persistantes. Vous renoncez à appliquer le principe pollueur-payeur. Nous vous ferons des propositions.

Votre coalition a plongé le pays dans la crise budgétaire. Ce budget est un budget de renoncement écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

M. Olivier Rietmann .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Michel Canévet et Emmanuel Capus applaudissent également.) Le mot « responsabilité » est sur toutes les lèvres. Je m'y rallie pleinement. Nous examinons un budget difficile, exigeant, qui ne fait plaisir à personne, car il exige des efforts inédits.

Il n'est plus possible de se défausser les uns sur les autres, comme l'ont fait certains responsables politiques. Les conclusions de la mission sénatoriale sur la dégradation des finances publiques sont édifiantes.

Le 15 octobre, la délégation sénatoriale aux entreprises a reçu les représentants des chefs d'entreprise. Contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, énième report de la suppression de la CVAE, réduction des exonérations de charges, diminution des aides à l'apprentissage, etc. Le coup est dur pour les entreprises, déjà fragilisées. À cela s'ajoutent une coûteuse sur-complexité normative et l'augmentation des charges incompressibles - énergie et assurance. Pourtant, les patrons tiennent un discours de responsabilité face à la dette.

Ils craignent tout de même que ces mesures exceptionnelles ne deviennent permanentes, et je partage leur crainte. Monsieur le ministre de l'économie, vous avez réaffirmé leur caractère provisoire. Le Sénat veillera à ce que votre engagement soit tenu, car le risque pour nos entreprises est immense.

Nous sommes sur une ligne de crête : 49 % des investisseurs étrangers auraient réduit leurs projets d'investissements en France et une entreprise sur cinq a renoncé à des embauches ou à des investissements en raison de l'incertitude politique.

« Le transitoire qui dure, on connaît », alertent les entreprises.

Le risque de faillites inquiète aussi, car on peut s'attendre à dépasser les 65 000 procédures collectives en 2024. Le nombre d'ETI en redressement a doublé, dans tous les secteurs.

L'emploi doit aussi nous préoccuper : 1 219 suppressions d'emploi par semaine dans les entreprises de moins de dix salariés depuis le début de l'année, c'est, en trois semaines, autant de suppressions de poste que chez Michelin et Auchan réunis. Et personne n'en parle !

La responsabilité du Gouvernement doit être à la hauteur de ces efforts et de ces risques pour l'économie. Il est urgent de mener des réformes structurelles pour diminuer la dépense publique.

Monsieur le ministre de l'économie, nous attendons des décisions fortes sur la question du temps de travail, que vous avez évoquée.

Avançons aussi sur la simplification, ce mal français. Seul le test PME, voté au Sénat, fera sortir la France de sa cage d'acier. Associons les entreprises aux réformes qui les concernent et ne reproduisons pas le fiasco du guichet unique, qui les a paralysées pendant des mois.

Une fois encore, il faudra faire preuve de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Michel Canévet applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Olivier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un État en situation de faillite : le Premier ministre pourrait reprendre les propos de François Fillon. Nous y sommes. Il n'est plus possible de repousser les sacrifices.

Nous sommes en état d'urgence budgétaire. Notre déficit public de 6,1 % en 2024 est le deuxième plus élevé d'Europe, derrière la Roumanie. La dette publique de 113 % du PIB nous place 25e sur 27 : seules la Grèce et l'Italie font moins bien que nous ; si rien n'est fait, nous dépasserons les 7 %.

Le budget 2025 n'est pas parfait, mais il est historique, avec un ajustement de plus de 50 milliards d'euros.

L'heure est enfin venue de nous interroger sur notre dépense publique, la plus élevée de toute l'OCDE. Le Gouvernement fait le choix courageux de réduire ses dépenses de 20 milliards d'euros. Tout le monde doit contribuer à cet effort.

La folle marche en avant de l'emploi public va enfin s'arrêter, avec 2 200 suppressions de postes, dont 1 000 chez les opérateurs de l'État.

Pour autant, les missions régaliennes seront financées, puisque les lois de programmation relatives à la justice, aux armées et aux forces de l'ordre seront respectées.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Baptiste Olivier.  - Mettons fin à la gabegie d'argent public et tournons définitivement la page du « quoi qu'il en coûte ».

L'augmentation de la charge fiscale, malheureusement indispensable, demeure mesurée et n'affectera pas les catégories populaires et les classes moyennes. Dans le pays le plus fiscalisé d'Europe, les marges de manoeuvre fiscales sont limitées, mais, compte tenu de l'urgence, cette hausse de la fiscalité est nécessaire. L'essentiel des mesures fiscales nouvelles est provisoire. L'effort est lourd, mais il n'est plus possible de faire le choix de la facilité ni dans le sens d'une baisse d'impôts ni dans le sens d'une foire à la taxation, comme l'Assemblée nationale en a donné le spectacle. Les populismes, de gauche comme de droite, sont mensongers ou irresponsables.

Ce budget, fondé sur les hypothèses macroéconomiques du HCFP, sera celui de la transparence, et évitera de mauvaises surprises en exécution. Loin d'être parfait, il sera amélioré par le Sénat. Le Gouvernement peut être assuré de notre plein soutien et peut compter sur l'inventivité et l'expertise du groupe Les Républicains pour corriger ce qui doit l'être. (On sourit à gauche.)

Il est tellement facile de promettre la retraite à 60 ans ou de faire des chèques. (M. Pascal Savoldelli s'exclame.) On est rarement populaire quand on demande des efforts, mais la survie de notre modèle est à ce prix. (M. Michel Canévet approuve.) Ceux qui prétendent le contraire le mettent en danger. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie .  - Merci pour vos interventions.

Je suis d'accord avec le rapporteur général : notre budget doit engager des réformes profondes sur l'économie, la productivité, l'innovation, et sur notre capacité à dépenser moins sans dégrader l'action publique. Nous avons 5 millions d'emplois publics, un record dans l'Union européenne !

Monsieur le président de la commission des finances, vous parlez d'un nouveau pouvoir fiscal. Je pense au contraire qu'une fois nos finances publiques redressées, nous devrons moins user de ce pouvoir fiscal.

Monsieur Daubet, il faut accompagner les mutations, vous avez raison. Nous devons mieux former pour construire les emplois de demain, avec les aides à la décarbonation, le crédit d'impôt pour l'industrie verte (C3IV) et le CIR.

Monsieur Canévet, je suis attentif à l'excès d'impôt pouvant peser sur les entreprises. (M. Michel Canévet apprécie.)

Monsieur Savoldelli et Madame Senée, par pitié, ne tombons pas dans la caricature. Ce n'est pas un budget d'austérité : les dépenses publiques augmentent de 0,4 % en volume !

Monsieur Cozic, merci d'avoir dit que vous ne vouliez pas être dans une opposition stérile. Vous êtes membre du PS : faites donc passer le message aux députés socialistes qui veulent voter une motion de censure avec LFI et le RN et supprimer le délit d'apologie du terrorisme ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Emmanuel Capus et Michel Canévet applaudissent également.)

Monsieur Durox et monsieur Capus, oui, il faut d'abord réduire les dépenses de fonctionnement - opérateurs, doublons, emploi central -, avant de nous attaquer aux dépenses d'investissement.

Je suis forcément sensible au rapport Rueff, madame Lavarde. Il doit nous inspirer. Je complète votre métaphore : contrairement au Monopoly où l'on jette les dés, ici tout dépend de nous. Si le Sénat le décide, nous pouvons faire plus d'économies et moins d'impôts, réduire l'emploi public, donner plus de libertés aux entreprises. Nous avons les dés en main.

Merci, messieurs Patient et Delcros, pour votre attention aux territoires d'outre-mer et à certains secteurs. Je serai attentif à la reconstruction de ces territoires.

Madame Espagnac, vous parlez d'obsession comptable. Mais atteindre 5 % de déficit en 2025, ce n'est pas une lubie du Premier ministre, mais l'une des conditions pour éviter le dérapage des comptes publics. Car des taux d'intérêt qui augmentent, ce sont des milliards d'euros en moins pour les services publics de proximité que vous défendez.

Monsieur Sautarel, vous parlez d'addiction à la dépense publique. Autrement dit, quand un problème économique se pose, la première solution, c'est la dépense publique. Les problèmes de productivité, d'innovation, d'investissement doivent être réglés par le public, et non le privé. Nous ne sommes pas les États-Unis, mais certains de nos partenaires extra-européens ne raisonnent pas comme nous : la dépense publique n'est pas la solution à tous nos maux, sans quoi nous serions la première puissance planétaire !

Monsieur Capo-Canellas, vous avez pointé du doigt la question des missions de l'État. Il faut travailler sur les missions qui, demain, ne pourront pas être financées par la dépense publique.

Madame Blatrix Contat, je ne peux vous laisser dire qu'il s'agit d'un budget de renoncement écologique, alors que le budget en faveur de la transition écologique est le plus haut de notre histoire ! Le fonds Chaleur va augmenter et nos aides à la rénovation énergétique sont les plus élevées de l'Union européenne. Vous pouvez demander davantage, mais quand vous voyez l'énergie déployée par Agnès Pannier-Runacher à la COP29, je crois qu'il faut plutôt encourager les efforts de financement de la transition.

Monsieur Rietmann, évidemment, si c'est possible, nous réduirons la fiscalité. Pour cela, il faut une majorité pour faire des économies.

Monsieur Olivier, vous avez mentionné l'importance du réarmement régalien. Je suis d'accord avec vous : la première des libertés, c'est la sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe UC)

La séance est suspendue à 13 h 35.

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

La séance reprend à 15 h 05.

CMP (Nominations)

Mme la présidente.  - Des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de finances de fin de gestion pour 2024.

Discussion générale

M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics .  - Ce projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) est limité aux seuls ajustements budgétaires indispensables pour boucler l'année en cours, à l'exclusion de toute mesure fiscale nouvelle. L'Assemblée nationale l'a rejeté - je le regrette, car c'est un texte nécessaire et utile, tant pour limiter le déficit à 6,1 % pour 2024 que pour prévoir des ouvertures de crédits, urgentes, inéluctables. Je souhaite que nous trouvions un chemin au Sénat.

Ce PLFG confirme les hypothèses macroéconomiques retenues dans le PLF pour 2025. La croissance atteindra bien 1,1 % en 2024, selon les principales institutions spécialisées et le consensus des économistes. C'est une bonne nouvelle pour nos finances publiques ; cela atteste de la résilience de notre pays. Nous le devons à la nature de notre tissu économique, mais aussi à l'effet des jeux Olympiques et Paralympiques.

L'inflation est maintenue à 2,1 %, contre 4,9 % en 2023. D'où la mise en extinction des boucliers anticrises - une exigence de bonne gestion et une nécessité pour reconstituer nos marges de manoeuvre en prévision de nouvelles crises.

Selon le Haut Conseil des Finances publiques (HCFP), les prévisions de croissance et d'inflation sont « réalistes » et la prévision de déficit est « plausible ». (M. Vincent Delahaye ironise.)

Contenir le déficit à 6,1 % pour 2024, c'est la condition pour espérer le ramener à 5 % en 2025. Nous avons besoin de freiner au maximum la dépense dès 2024.

La commission des finances a examiné le sujet...

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances.  - Avec sérieux !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Bien sûr ! Elle décrit un écart d'environ 50 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, qui prévoyait un solde à moins 4,4 %, écart lié, pour plus de 40 milliards d'euros, à l'évolution à la baisse des prélèvements obligatoires.

Ces écarts, qui affectent la confiance et la crédibilité, sont imputables à la grande volatilité de notre économie en période de crise puis de rebond. En 2021 et 2022, les recettes fiscales avaient été supérieures à la prévision ; ce fut le contraire en 2023 et 2024. La courbe ne s'est pas comportée comme prévu, mais, sur les quatre exercices, l'élasticité par rapport aux prévisions de croissance d'alors est correcte.

Avec Antoine Armand, nous avons lancé un travail de réflexion pour aboutir à un plan d'action mi-décembre en vue d'améliorer les indicateurs, ainsi que l'information du Parlement.

L'écart par rapport aux prévisions résulte également du dynamisme des dépenses en 2024, en dépit du freinage enclenché par le précédent gouvernement sur les dépenses de l'État.

S'agissant des dépenses sociales, les remises consenties par les laboratoires sont inférieures de 1,2 milliard d'euros aux prévisions. Le jeu des stabilisateurs automatiques contiendra d'environ un tiers ce dépassement, et l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2024 sera donc rehaussé de 0,8 milliard. Le Gouvernement en a averti immédiatement le Parlement. Nous avons travaillé avec la commission des affaires sociales et proposons d'activer plusieurs leviers pour ramener le dépassement à 0,2 milliard.

Je ne suis pas là pour distribuer les bons et les mauvais points, mais pour trouver avec vous le chemin du redressement.

État, sécurité sociale, collectivités : nous sommes tous soumis aux difficultés de prévision et de gestion qu'impliquent les périodes de crise puis de rebond. Notre niveau d'endettement résulte moins de ces aléas que des choix collectifs des dernières années. À 3 220 milliards d'euros, l'endettement est l'affaire de tous. La charge de la dette progresse de 17 % entre 2023 et 2024, passant de 39 à 46 milliards d'euros.

Nous poussons au maximum les possibilités d'annulations de crédit. La dépense de l'État sera inférieure de 6 milliards d'euros par rapport au niveau prévu en loi de finances initiale, traduction du volontarisme à l'oeuvre depuis plusieurs mois : décrets d'annulation en février, gels et surgels en juillet, lettres plafond pour le budget 2025 à l'été dernier. Ce PLFG prévoit des annulations de crédits pour 5,6 milliards d'euros, principalement sur la réserve de précaution. Elles ont été discutées avec les ministères, pour calibrer les moyens au plus près des besoins réels et s'en tenir au strict nécessaire.

Les trois quarts des 16 milliards d'euros mis en réserve ne seront pas consommés en 2024. Au total, c'est plus de 15 milliards d'euros de réduction des dépenses de l'État en cours d'année. C'est inédit, et c'est le maximum que nous pouvons faire.

Enfin, le Gouvernement propose des ouvertures de crédits nécessaires, à hauteur de 4,2 milliards d'euros, dont 1 milliard pour la Nouvelle-Calédonie, entre avances de trésorerie, financement des forces de l'ordre et soutien aux entreprises, salariés, collectivité et hôpitaux. Nous sécurisons également le financement de nos opérations extérieures (Opex) après les livraisons à l'Ukraine et assurons le paiement des primes aux agents qui ont participé aux JOP. Enfin, nous finançons des dépenses de guichet en faveur des plus vulnérables : bourses sur critères sociaux, allocation aux adultes handicapés (AAH), hébergement d'urgence, accueil des réfugiés ukrainiens.

Ce PLFG est nécessaire pour oser freiner la dépense - sinon mon discours de ce matin ne serait pas crédible - et pour ouvrir des crédits soit urgents, soit nécessaires et inévitables.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) C'est la deuxième fois que nous examinons un projet de loi de fin de gestion, qui a remplacé la traditionnelle loi de finances rectificative de fin d'année. Il s'agit d'ajuster les crédits relatifs à l'exercice en cours, sans nouvelles mesures fiscales.

La concomitance avec l'examen du PLF 2025 confirme la pertinence de cette modification. Les raisons du rejet de ce texte à l'Assemblée nationale ne sont pas bien claires ; il nous reviendra de tenter de nous mettre d'accord en CMP.

Les sous-jacents macroéconomiques sont crédibles. Le Gouvernement anticipe une croissance de 1,1 % en 2024, en ligne avec les prévisions du consensus des économistes ; selon l'Insee, l'acquis de croissance au troisième trimestre est déjà de 1,1 %. Il n'y a pas pour autant matière à donner un satisfecit aux précédents gouvernements. La croissance devait être tirée par la consommation, elle a été soutenue par le commerce extérieur et la demande publique. C'est bien le dérapage du déficit public qui a permis d'atteindre l'objectif de croissance ! J'ignorais que l'explosion du déficit était la politique portée par les précédents gouvernements...

La situation des finances publiques s'est encore dégradée, et le Gouvernement prévoit pour 2024 un déficit de 6,1 %. Je regrette que personne n'assume la responsabilité politique de cette sortie de route.

Nous l'avons dit dans le cadre de notre mission sur la dégradation des finances publiques : la principale cause tient aux recettes. La prévision de croissance était surévaluée : 1,4 contre 1,1 % réalisé ; la prévision d'élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance, très optimiste : 1,1 au lieu de 0,7 % exécuté. Résultat, les prélèvements obligatoires sont inférieurs de 41,5 milliards d'euros à la prévision initiale.

Le déficit budgétaire de l'État se dégrade de 16,3 milliards d'euros par rapport à la prévision, pour atteindre 163,2 milliards : 10 % d'écart, quand même !

Le PLFG annule 1,9 milliard d'euros nets en crédits de paiement. Les crédits, opulents l'année dernière, sont plus mesurés - c'est salutaire. Les dépenses de l'État, hors dette, sont inférieures de 2,7 milliards d'euros à celles de 2023, et de 5,5 milliards à celles prévues en loi de finances initiale pour 2024. Elles sont également inférieures à la loi de programmation : 486,4 milliards d'euros, contre 491 milliards prévus.

Ce n'est pas la marque d'une austérité brutale, mais une réponse partielle à la chute des recettes. Dans le PLF 2024, toutes les missions budgétaires étaient en progression, sauf la mission « Anciens combattants ». Nous partions de très haut.

C'est la première fois depuis 2019 et la quatrième fois en treize ans que les annulations de crédits dépassent les ouvertures dans le collectif de fin d'année. Les plus importantes ouvertures concernent les dépenses supplémentaires liées aux JOP, à la Nouvelle-Calédonie, et au coût des législatives anticipées, portées pour la plupart par la mission « Sécurités ».

Sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », les ouvertures de crédit s'expliquent par les surcoûts de l'AAH et de l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violence conjugale.

La mission « Investir pour la France de 2030 » voit une annulation de crédits de 1,2 milliard d'euros, justifiée par le lissage de la trésorerie des opérateurs. Sur la mission « Engagements financiers de l'État », le reflux de l'inflation permet de réduire la charge de la dette de 537 millions d'euros par rapport à la prévision.

Cette année, le plafond des autorisations d'emploi n'est pas majoré, signe d'un retour à une gestion plus rigoureuse des finances publiques.

Le gouvernement précédent a refusé de présenter un projet de loi de finances rectificative (PLFR), qui seul aurait permis de redresser la barre - dixit l'ancien ministre de l'économie. Ce PLFG est un expédient un peu tardif pour des efforts qui n'ont pas été faits avant.

D'autre part, il ajuste les crédits du budget de l'État pour financer les missions de fin d'année.

Je vous propose d'en adopter les crédits, sous réserve de l'adoption des amendements de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Marie Mizzon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le PLFG est un texte singulier, circonscrit aux ajustements nécessaires à la clôture de l'exercice en cours. Nulle raison de s'y opposer. Il ne contient aucune disposition fiscale nouvelle. Comme l'an dernier, je vous propose de l'adopter.

Sur le plan économique, pas de surprise : le texte repose sur le même scénario que le PLF 2025, avec une croissance prévue à 1,1 % et une inflation contenue à 2,1 %, prévisions jugées réalistes par le HCFP.

Le déficit doit impérativement être contenu à 6,1 % du PIB, si l'on veut atteindre 5 % en 2025 et passer sous les 3 % en 2029.

Entre la prévision d'un déficit à 4,4 % en loi de finances initiale et le constat d'un déficit à 6,1 %, il y a un gouffre, que la récente mission d'information sénatoriale a cherché à comprendre. Nous encourageons l'effort de 6 milliards d'euros sur l'exécution de la dépense, nécessaire pour garantir la soutenabilité de nos finances publiques.

Les 4,2 milliards d'euros d'ouverture de crédits concernent des dépenses indispensables, pour la Nouvelle-Calédonie, les Opex, l'Ukraine ou en faveur des plus vulnérables.

La grande majorité des sénateurs du groupe UC votera ce texte (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Vanina Paoli-Gagin et M. Jean-François Husson applaudissent également.)

M. Pascal Savoldelli .  - Ce budget supplémentaire est un objet législatif encore inconnu des Français. Il est vide de tout droit nouveau pour eux, et le capital qui s'accumule n'est pas mis à contribution. D'où son rejet, légitime, à l'Assemblée nationale.

Il conclut un exercice catastrophique qui a accru les déficits, fait exploser les inégalités et accéléré la crise de confiance.

Dès le 9 octobre 2024, le ministre des comptes publics assumait avoir besoin du 49.3 pour faire adopter le budget.

Lors de l'examen du PLF pour 2024, nous avions dénoncé un budget insincère. Le manque de recettes et le renforcement des niches fiscales ne pouvaient que creuser les déficits. La partie « recettes » votée par la majorité sénatoriale de l'époque ne comportait que des mesures en faveur des plus aisés. De 49.3 en 49.3, le précédent gouvernement avait choisi de contourner le Parlement et d'ignorer les alertes.

Quelques mois plus tard, en février, il annonçait, sans débat démocratique, une coupe de 10 milliards dans les services publics. Preuve que ses prévisions étaient fausses et son budget insincère !

Son orientation libérale, autoritaire et injuste, ses coupes dans l'éducation, l'hôpital ou les retraites ont été sanctionnées lors des élections européennes puis législatives. Mais il s'est entêté à ne pas présenter de budget rectificatif.

Voilà le bilan - ou plutôt le dépôt de bilan - de cette année budgétaire que l'on nous demande d'approuver, via un PLFG qui interdit toute mesure fiscale nouvelle. Le déficit à 6,1 % est déjà un aveu d'échec de la politique de l'offre et du ruissellement.

Ce projet de loi acte un besoin de financement de 317 milliards d'euros, dont 163 milliards au titre de nos déficits. Quelques missions sont épargnées, dont la mission « Sécurités », qui gagne 847 millions d'euros pour financer le déploiement des forces de l'ordre en Kanaky.

Ailleurs, les coupes se multiplient : 1,2 milliard d'euros sur le plan France 2030, et donc sur l'industrie - on abandonne les ouvriers de Michelin, Sanofi ou Vencorex ; 898 millions sur la mission « Écologie » ; 697 millions sur la justice ; 685 millions d'euros sur la mission « Cohésion des territoires » alors que douze millions de familles souffrent du mal-logement. Tout cela parce que les recettes nettes sont inférieures de 24,3 milliards d'euros aux prévisions. Et le gouvernement propose d'augmenter de 7,7 milliards d'euros la mission « Remboursements et dégrèvements » ! Cette politique en faveur des plus riches sanctionne les travailleurs, les victimes de la crise, les services publics, les agriculteurs. Nous voterons contre.

Mme Ghislaine Senée .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce PLFG, second du genre, émane d'une initiative dont vous êtes l'auteur, monsieur Saint-Martin. On peut ajuster les dépenses, mais impossible de toucher aux recettes : en cela, elle est fidèle à la ligne macroniste.

L'an dernier, les recettes d'impôt sur le revenu ont été surestimées de 8 milliards d'euros. Il aurait fallu un PLFR, mais il n'en fut rien. Pour 2024, c'est pire, avec un décrochage de 24,3 milliards, dont 14 milliards pour l'impôt sur les sociétés. Nous le savons maintenant, le PLF 2024 était insincère. Avec la publication du décret d'annulation de crédits dès février, la dégradation brutale du solde public nécessitait un PLFR ! Le rapporteur général ne dit pas autre chose dans son rapport sur ce texte.

Le déficit a explosé, car aucun gouvernement n'a eu la lucidité de traiter le sujet des recettes et des dépenses fiscales.

Avec votre politique de l'offre pour seul horizon, vous déstabilisez jusqu'à vos alliés du groupe Les Républicains : même eux jugent excessives les dépenses fiscales non compensées. D'autant que ce PLFG confirme la catastrophe financière qu'a entraîné cet entêtement : 6,1 % de déficit, 163 milliards d'euros, hors période de crise, malgré les annulations de crédits, les gels et surgels.

Les politiques publiques sacrifiées sont celles qui préparent l'avenir, l'habitabilité de la planète et notre capacité à faire société : transition écologique, prévention des risques, rénovation thermique, politiques en faveur des plus éloignés de l'emploi, recherche publique et enseignement supérieur, aide publique au développement.

Les ouvertures de crédits sont révélatrices. La France sait depuis 2017 qu'elle accueillera les JOP. Or ce n'est que maintenant que vous ouvrez les crédits nécessaires : quel manque d'anticipation !

La situation en Nouvelle Calédonie-Kanaky résulte du manque d'écoute et de l'incapacité du Président de la République à mener à terme le processus de décolonisation. Les crédits dédiés aux forces de l'ordre auraient été mieux employés à réduire les inégalités entre Kanaks et Caldoches ! Quant au coût des élections législatives, supporté par les collectivités, le Président en est seul responsable.

Pour les collectivités, le compte n'y est pas. Où est la compensation aux départements de l'extension du Ségur et de la revalorisation du RSA ? Sans parler de la ponction sur le fonds vert... Rien non plus pour les victimes de catastrophes dites naturelles. Nous déposerons des amendements pour combler ces manques, sans grand espoir.

Le GEST votera contre ce texte qui entérine les orientations du précédent gouvernement, sans préparer notre avenir climatique et social. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Que dire ? Difficile de trouver l'adjectif adéquat. Inquiétant ? Désastreux ? En tout cas inédit.

Ce PLFG révèle les carences et erreurs de la politique budgétaire menée ces dernières années. Depuis sept ans, on a sacrifié les recettes fiscales sur l'autel de l'idéologie néolibérale. Les baisses d'impôt depuis 2017 ont entraîné un manque à gagner de 62 milliards d'euros par an.

Résultat : avec le recours à l'emprunt, une envolée de la dette publique, qui a franchi la barre des 3 100 milliards d'euros, soit 112 % du PIB, 14 points de plus qu'en 2017. En baisse avant le covid, le déficit budgétaire atteint 6,1 % en 2024, contre une prévision de 4,4 %. C'est une dégradation exceptionnelle, hors période de crise.

Il ne s'agit pas que de chiffres, mais de vision et de choix politique. Ce débat dépasse les frontières de l'arithmétique. Dès décembre 2023, Bercy disposait de notes alarmantes sur la dégradation des finances publiques. Pourtant, aucune mesure corrective sérieuse n'a été prise. Pis : les ministres ont maintenu des prévisions optimistes qu'ils savaient irréalistes. Dans leur mission d'information, Claude Raynal et Jean-François Husson ont décrit un pari risqué combiné à un déni des réalités.

Le Gouvernement aurait dû présenter un PLFR dès le premier semestre 2024, comme le réclamait le groupe socialiste : ainsi nous aurions pu contenir les déficits. Mais il a préféré opter pour des décrets d'annulation, niant le rôle du Parlement. C'est un affront à la représentation nationale ! Le mépris affiché par d'ex-ministres et premiers ministres à l'égard du rigoureux rapport d'information sénatorial, qualifié de « réquisitoire d'opposants politiques truffé de mensonges » témoigne de leur fébrilité et de leur volonté de discréditer une assemblée qui a le défaut de ne pas être d'accord avec eux.

Un PLFR s'imposait pour maîtriser les dépenses et pour explorer de nouvelles recettes fiscales.

La France fait face à un mur de financement, tant pour les investissements que pour son fonctionnement quotidien. La logique du Gouvernement est un néolibéralisme de la stagnation, comme dit l'économiste Michael Zemmour.

Investir dans la transition écologique, renforcer nos services publics, voilà qui stimulerait l'économie et préparerait l'avenir ! À l'inverse, l'austérité accentuera les fractures sociales et territoriales.

Ce texte n'est pas que technique : il symbolise une politique injuste et inefficace. Malgré l'amendement du rapporteur général sur la voirie communale, que je salue, notre groupe votera contre, sauf évolution majeure. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du CRCE-K)

M. Joshua Hochart .  - Lors de la passation de pouvoirs entre Bruno Le Maire et Antoine Armand, ce dernier se disait heureux d'hériter d'un tel bilan. Le bilan, nous l'avons devant nous !

Ce PLFG laisse pantois : le déficit atteint 50 milliards d'euros, sans crise majeure ni retournement économique.

Lors du PLF 2024, nous avions alerté, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, sur des prévisions optimistes, pour ne pas dire irresponsables. Le groupe RN à l'Assemblée nationale avait déposé une motion de censure contre le gouvernement Attal, qui, engoncé dans sa vanité et apeuré par la perspective d'une déroute électorale, se refusait à déposer un projet de loi de finances rectificative. Le décret d'annulation de 10 milliards d'euros a vite été englouti par l'ampleur du dérapage.

Il y a dix ans, le gouvernement grec découvrait une même ardoise et s'engouffrait dans une grave crise. « Nous ne sommes pas l'Argentine », proclamait-il à l'époque. Aujourd'hui, vous êtes dans le même déni : vous dites que nous ne sommes pas la Grèce, mais nous empruntons déjà à un taux plus élevé qu'elle ! Ces parallèles sont troublants.

Pour l'impôt sur les sociétés, le Gouvernement tablait sur un rendement de 72 milliards euros, il ne fut que de 57 milliards. Devant la mission d'information, tous les intervenants ont tenté de justifier cette contre-performance en invoquant une nouvelle élasticité des recettes fiscales à la croissance, impossible à anticiper. Cette mystification malhabile ne trompera personne. Face à la dérive des comptes publics, entreprises et ménages n'investissent plus. La situation économique est plus dégradée que prévu, des plans sociaux de Michelin aux usines de foie gras du Périgord, en passant par ArcelorMittal dans le Nord.

Nous ne pouvons donner quitus à ce texte, qui acte une opacité coupable sur la réalité budgétaire et ne propose qu'économies éparses et reports qui compromettent l'avenir.

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (M. Jean-François Husson applaudit.) Ce texte nous fait entrer dans une faille spatiotemporelle : le passé et l'avenir se télescopent. Ce matin, nous nous projetions dans le futur, et nous voici repartis dans le passé.

Ce PLFG marque un triple échec : échec dans le redressement de nos comptes publics, échec dans les prévisions macroéconomiques, échec lié à la configuration politique à l'Assemblée nationale.

Échec dans le redressement de nos comptes publics, avec une dette à 112 % et un déficit à 6,1 % du PIB. Cette situation déplorable est la conséquence d'un demi-siècle de légèreté budgétaire. Le Parlement s'est convaincu que nous nous portions mieux si nous nous endettions sans limites. Or un modèle d'endettement infini dans un pays à la démographie déclinante et à la croissance morose est une absurdité.

« Ok boomer » diraient mes enfants. Je dirais plutôt « KO boomer ». Il faut changer de logiciel, de culture, de méthode. Si nous voulons redresser nos comptes, il faut retrouver un horizon en dehors du matraquage fiscal et de la dépense à gogo.

Échec dans les prévisions macroéconomiques, ensuite. À qui la faute ? Le rapporteur général et le président de la commission ont conduit une mission d'information pour identifier les responsabilités. J'espère qu'ils formuleront des propositions systémiques.

C'est surtout l'inflation qui est en cause. Les prix augmentent ? Vite, dépensons plus pour protéger les particuliers et les entreprises ! Les recettes augmenteront à due concurrence, et le déficit n'explosera pas. Encore raté ! Cela n'a pas fonctionné.

La responsabilité budgétaire n'a pas le vent en poupe. Les démagogues, aux deux extrêmes, promettent tout à la fois de baisser les impôts, d'augmenter les dépenses et de réduire le déficit.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Le bonheur ...

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Ils ont rejeté ce PLFG. Ils excellent dans la critique, mais ne proposent rien. Voilà le troisième échec : la tentation populiste.

Pour régler le problème, j'ai proposé dans ma proposition de loi de changer de méthode, en passant à une programmation pluriannuelle. Elle n'a pas prospéré, je le regrette. Je reste convaincue qu'on ne pourra continuer ainsi très longtemps.

En attendant, le groupe Les Indépendants votera ce PLFG, car il ouvre des crédits pour éteindre le feu en Nouvelle-Calédonie, pour les primes dues aux agents qui ont sécurisé les JOP, pour nos forces armées qui viennent en appui à nos amis ukrainiens, alors que la Russie intensifie ses frappes et menace la démocratie en Europe.

Nous avons hâte de tourner la page de 2024, pour nous tourner vers 2025 (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-François Husson applaudit également.)

M. Stéphane Sautarel .  - Ce PLFG, rejeté par l'Assemblée nationale, est pourtant un texte nécessaire. Je me réjouis de l'inflexion qu'il offre, entre testament et promesse.

Ce texte est le testament d'une gouvernance passée qui n'a pas su anticiper ses ressources ni freiner ses dépenses. Les frais de succession sont élevés pour le Gouvernement, comme pour la nation et les Français : dégradation de 1,7 point du déficit public, impasse de 41 milliards d'euros sur les recettes publiques, et je n'égrènerai pas la liste des recettes fiscales qui ont une moins-value.

La croissance atteint 1,1 %, en dessous des prévisions du Gouvernement, grâce à l'investissement public et au commerce extérieur bien plus qu'à la consommation.

Nous regrettons l'absence de collectif budgétaire au printemps, recul démocratique inacceptable.

Face aux prévisions erronées, voire insincères, et quelques mesures de freinage, nous devons agir en responsabilité, dans l'urgence, mais aussi en anticipation, pour préparer des réformes structurelles.

Soit Bercy a encore trop de pouvoir, soit le politique a failli... Inquiétant ! Quoi qu'il en soit, les gouvernements qui se sont succédé depuis 2022 ont mis en péril l'avenir de notre pays et encouragé la crise démocratique.

La mission d'information de la commission des finances a présenté des conclusions accablantes. L'irresponsabilité budgétaire des gouvernements d'octobre 2023 à septembre 2024 est grave, et le Parlement a été ignoré. Le Gouvernement connaissait l'état critique des finances publiques dès décembre 2023. Le fort risque de dégradation des recettes était même identifié dès le 30 octobre 2023. Le double discours des ministres Bruno Le Maire et Thomas Cazenave est patent. Ils ont refusé de présenter un PLFR pour redresser la situation - c'est une faute.

Le PLFG prévoit un écart en recettes par rapport aux prévisions du PLF 2024 de 41,5 milliards d'euros, dont 22,6 milliards d'euros à cause d'un point de départ plus dégradé que prévu.

Le Gouvernement a pris des demi-mesures non assumées, fruits probables de calculs politiques de courte vue.

Avec le pari de la dissolution, l'exécutif a laissé filer le déficit au-delà de 6 % en 2024, et à près de 7 % si rien n'était fait en 2025. C'est irresponsable. Comment les anciens décideurs peuvent-ils mettre en cause leurs successeurs ? C'est inique. Monsieur le ministre, votre tâche est immense.

Le PLF 2025 est un budget impossible. Pourtant, il comporte une promesse, que l'on voit déjà dans le PLFG, qui ouvre un nouveau chemin de sincérité budgétaire et de freinage de la dépense. Ce chemin sera long et la première marche haute. Mais ce PLFG est un premier marchepied, avec un niveau de dépenses de l'État inférieur à la loi de finances initiale et à la loi de programmation des finances publiques.

Les diminutions de crédits portent sur la majorité des missions du budget général. Hors remboursements et dégrèvements, le montant des crédits annulés est supérieur de 1,9 milliard d'euros à celui des crédits ouverts. C'est la première fois depuis 2019 que le collectif budgétaire de fin d'année présente des économies par rapport à la loi de finances initiale.

Dix missions seulement connaissent des ouvertures nettes. La mission « Sécurité » connaît la plus forte hausse de crédits, de 824,4 millions d'euros. Je m'étonne de l'incapacité de notre pays à honorer les loyers des gendarmeries auprès des communes et bailleurs sociaux. Quels errements de gestion ! Quelle insincérité ! Une charge locative ancienne est une charge certaine : une collectivité territoriale, un ménage qui ne l'intégreraient pas dans leur budget serait rappelés à l'ordre... Pourtant, dans un monde liquide, l'État se l'est autorisé.

Face à un déficit budgétaire abyssal subi par le Parlement et les Français, qui présente un véritable risque de crise démocratique et institutionnelle, un redressement conjuguant courage, responsabilité et espoir est une nécessité. Nous voulons vous y aider, car il y va de l'intérêt général et de l'avenir de la France et des Français. C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera ce PLFG, qui constitue une première inflexion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Georges Patient .  - L'examen de ce PLFG est l'occasion de dresser un bilan presque complet de l'année 2024. Il nous impose aussi un exercice d'introspection.

Certains indicateurs montrent une dynamique économique maîtrisée, avec une croissance de 1,1 %, une baisse du taux de prélèvements obligatoires de 43,2 % en 2023 à 42,8 % en 2024, une inflation contenue à 2,1 %, et des dépenses publiques inférieures de 6 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.

Cependant, l'année 2024 marque une dégradation préoccupante du déficit public, atteignant 6,1 % du PIB. Cela s'explique par des recettes fiscales inférieures de 24,3 milliards d'euros aux prévisions.

Un rapport de l'IGF éclaire ces difficultés : l'année 2023 a été marquée par des dynamiques atypiques. L'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB s'est établie à 0,42, contre une moyenne de 1 les années précédentes. Cette faiblesse, la deuxième la plus basse depuis 1991, reflète la combinaison d'une inflation élevée et du ralentissement de la croissance de la masse salariale.

Le RDPI soutient pleinement les travaux du Parlement et du Gouvernement pour améliorer la fiabilité des prévisions économiques et budgétaires. Nous saluons la création d'un comité scientifique indépendant renforçant le pilotage. Bien que nous ne partagions pas toutes les conclusions de la mission d'information sur le déficit, nous adhérons à son appel à une meilleure association du Parlement.

Je salue la volonté constante de responsabilité budgétaire des gouvernements successifs.

Face à des prévisions macroéconomiques pessimistes, le Gouvernement a agi pour compenser la moindre dynamique des recettes fiscales. Ces efforts se sont conclus par des annulations de 10 milliards d'euros de crédits et un gel supplémentaire de 16,5 milliards d'euros afin de préserver des marges de manoeuvre.

En outre, le PLF 2025 démontre l'esprit de responsabilité du Gouvernement actuel, avec 60 milliards d'euros d'économies.

Ce PLFG ne se limite pas aux ajustements nécessaires. Il consacre des moyens supplémentaires à la sécurité, pour 850 millions d'euros, à l'éducation, pour 350 millions d'euros, et à la Nouvelle-Calédonie, pour 230 millions d'euros. Parallèlement, des fermetures de crédits seront opérées pour maîtriser les dépenses publiques.

Nous devrons réduire nos dépenses publiques de façon concertée, pour dégager des marges de manoeuvre face au changement climatique, aux aléas économiques et aux enjeux de sécurité.

C'est pourquoi nous voterons en faveur de ce projet de loi de responsabilité et de vérité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Raphaël Daubet .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) J'aurais pu, ou dû, monter à la tribune pour dénoncer ce PLFG. Il faut continuer à clarifier les responsabilités qui ont conduit à cette situation catastrophique et surtout mettre fin aux dysfonctionnements de Bercy.

Notre devoir, aujourd'hui, est double : gérer l'urgence du présent, tout en posant les jalons d'une gestion plus rigoureuse de nos finances publiques. À 5 600 euros par seconde : c'est à cette vitesse que notre déficit s'est creusé en 2024. Le temps que je prononce cette phrase, notre dette s'alourdit de plus de 50 000 euros. Or cet argent est largement dilapidé dans le fonctionnement de l'État.

La réalité est préoccupante. Nos méthodes de prévision sont défaillantes. Pourtant, nous disposons d'une richesse inexploitée : les déclarations détaillées de nos entreprises, que nous délaissons au profit de données macroéconomiques incertaines.

Face à des défis budgétaires majeurs, nous devons nous tourner vers l'intelligence collective des territoires et y prendre directement la température.

Rien ne peut justifier l'inaction. Voilà tout le paradoxe : si rejeter ce PLFG peut apparaître irresponsable, l'adopter revient à avaliser des méthodes inacceptables.

Il faut aller au-delà des chiffres pour voir l'essentiel : certaines ouvertures de crédit sont vitales. Notre soutien à l'Ukraine, premier acte de résistance démocratique face aux ennemis de l'Europe, n'est pas un engagement seulement financier, mais aussi le symbole de notre attachement aux valeurs démocratiques.

Nous ne pouvons pas non plus laisser la Nouvelle-Calédonie dans la situation dramatique qu'elle connaît.

Les jeux Olympiques ont ébloui le monde par leur magie. Notre pays doit boucler sereinement ce chapitre historique.

L'hébergement d'urgence, enfin, est indispensable à l'entrée dans l'hiver.

Ces engagements ne sont pas de simples lignes budgétaires, mais incarnent notre pacte social, notre solidarité nationale et internationale. Derrière chaque euro, il y a une réalité humaine. Rejeter ces crédits serait une erreur politique et une faute morale. Nous devons être intransigeants sur la gestion de nos finances publiques, mais ne pouvons l'être au détriment de nos valeurs fondamentales.

Malgré nos inquiétudes légitimes sur notre endettement, sur l'incurie de la gestion passée, nous ne voulons pas nous opposer frontalement à l'adoption de ce texte, mais nous ne cautionnons pas les méthodes passées.

Nous ne pouvons plus naviguer à vue. La confiance se mérite, se construit sur la transparence de nos comptes publics et la fiabilité de nos prévisions. Il est temps de donner des gages aux parlementaires et aux Français. Notre démocratie et notre cohésion sociale en dépendent. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit également.)

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) C'est la deuxième fois que nous examinons un PLFG. Qui devons-nous juger ? Le précédent gouvernement ou l'actuel ? Nous observons un dérapage sans précédent du déficit : 163 milliards d'euros sur 486 milliards d'euros de dépenses, soit 33 %.

Cela provient des recettes. Les prévisions de croissance étaient de 1,4 % dans la LFI. Nous les avions jugées trop optimistes. Elles ont été rétablies à 1,1 %. Les prévisions de recettes fiscales étaient totalement fausses : 24 milliards d'euros de moins ! Qui est responsable ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Personne !

M. Vincent Delahaye.  - Pour vos prédécesseurs, monsieur le ministre, ce ne sont pas eux les responsables, mais les modèles et les fonctionnaires experts. Vous êtes quelqu'un de sérieux. Votre prédécesseur nous a dit qu'il ne validait pas les prévisions de recettes. (M. Jean-François Husson s'en amuse.) Je ne comprends pas !

Nous avons perdu 14 milliards d'euros en impôt sur les sociétés. Nous voulions anticiper les recettes, mais cela ne vaut que tant que les résultats sont bons... Cette année, le quatrième acompte est moindre qu'anticipé.

On déplore 4 milliards d'euros de moins de recettes de TVA. Cela fait plusieurs années que je demande à la commission des finances de constituer une mission d'information sur les modalités de détermination de cette taxe. Avant, nous avions plutôt de bonnes nouvelles. Désormais, avec les mauvaises nouvelles, nous nous interrogeons. La croissance est d'abord due à la hausse des dépenses des administrations publiques. Cela ne va pas tirer la TVA vers le haut !

Il est urgent de fiabiliser nos prévisions de recettes. J'espère que nous disposerons d'une documentation bien plus importante sur le sujet, car j'ai bien peur que nous soyons trop optimistes sur les recettes du PLF 2025.

J'avais voté contre le PLF car la situation était trop dégradée et nous étions trop optimistes sur les recettes. Ce PLFG montre la même chose, en pire. Je voterai contre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Baptiste Olivier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cet exercice 2024 a été celui de tous les records : jamais, sous la Ve République, hors période de crise, l'écart entre le solde public prévu en LFI et en exécution n'a été aussi élevé : 1,7 point de PIB, soit une dégradation de 50 milliards d'euros.

Jamais les recettes fiscales, hors période de crise, n'ont été autant mésestimées : 25 milliards d'euros.

Jamais, face à une situation aussi critique, les dérapages n'ont été si peu assumés, comme l'a montré la mission d'information Raynal-Husson.

L'année 2024 s'achève sur un déficit public de 6,1 % du PIB, plaçant la France dans une situation de grave défaut face à ses engagements européens et pluriannuels.

C'est aussi un problème politique, puisque les mouvements de régulation budgétaire sont intervenus par voie réglementaire, sans qu'à aucun moment le Parlement n'ait été informé ni consulté.

Il ne s'agit ni de cautionner le dérapage ni de sanctionner les errements du passé - la mission d'information a montré qu'un PLFR était nécessaire et que le PLFG ne pouvait que partiellement résoudre le problème. Il pare au plus pressé, en ouvrant 4,2 milliards d'euros de crédits supplémentaires pour soutenir les entreprises, les forces de l'ordre, les armées, payer les primes des jeux Olympiques -  je salue en passant la réussite de cet événement historique grâce à la mobilisation des moyens de l'État.

Les ouvertures de crédits sont plus que compensées par l'annulation de 5,6 milliards d'euros de dépenses de l'État. Le Gouvernement a dégagé des économies sur l'aide publique au développement (APD), la recherche et l'enseignement supérieur ou les engagements financiers de l'État, qui s'additionnent aux 5,8 milliards d'euros de moindres dépenses permises par l'annulation de 10 milliards d'euros de crédits en février, une mesure de bon sens.

Ce PLFG amoindrit de 7,4 milliards d'euros les dépenses par rapport à la LFI. C'est un fait notable qui rompt avec les pratiques habituelles : depuis 2014, c'est la troisième loi financière de fin d'année qui annule des crédits nets. Elle évite ainsi que le déficit ne s'envole à 6,2 % du PIB.

Au vu de cette situation désastreuse, le gouvernement de Michel Barnier a fait le choix, dans l'urgence, de prendre ses responsabilités. C'est la première pierre du redressement des comptes publics, que le PLF concrétisera.

À l'heure des choix décisifs, le groupe Les Républicains votera pour ce PLFG, étape nécessaire au redressement des finances de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Discussion des articles

M. Claude Raynal, président de la commission des finances.  - Le Gouvernement devrait déposer un amendement à l'article d'équilibre. Dans ce cas, je réunirai la commission des finances pour qu'elle se prononce. Mais nous n'avons toujours pas cet amendement...

Article liminaire

M. Vincent Delahaye .  - Nous n'avons pas du tout insisté, lors de la discussion générale, sur les reports de dépenses d'une année sur l'autre. Prenons garde. En 2023, nous avions reporté 18 milliards d'euros sur 2024. Normalement, ces reports sont de l'ordre de 3 à 4 milliards. Pour 2025, nous reporterons 13 milliards d'euros de dépenses venant de 2024. Même si cela s'améliore par rapport à l'année dernière, gardons cela en mémoire. Ce report de dépenses n'est pas sain.

L'article liminaire est adopté.

Discussion des articles de la première partie

Article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°11 de Mme Senée et du GEST.

Mme Ghislaine Senée.  - La baisse des taxes affectées à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), qui privera le plan Vélo de 250 millions d'euros, est un mauvais arbitrage budgétaire. Nous avons besoin de décarboner les mobilités, responsables de 29 % des émissions de gaz à effet de serre de notre pays. Ne tapons pas sur le développement des modes actifs de déplacement !

Nous rejetons d'autant plus ces coupes qu'elles auront un impact direct sur les collectivités territoriales : 400 projets d'aménagements cyclables sécurisés concernant plus de 300 collectivités avaient été déposés après l'appel à projets de fin 2023.

À l'Assemblée nationale, le supposé accord du président de l'Afit France a été mis en avant. Ce n'est pas acceptable. Les effets du dérèglement climatique sont patents. Il est urgent de changer de braquet. Ne prenons pas aujourd'hui des mesures que nous regretterons demain !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable. Les recettes de l'Afit France ont fortement augmenté en 2024. Elle a d'ailleurs reçu 188 millions d'euros d'arriérés des sociétés d'autoroutes. En 2024, les dépenses ont certes baissé de 200 millions d'euros, mais les recettes seront de 850 millions d'euros supérieures à celles de 2023. Les recettes sont deux fois supérieures à celles de 2019.

Oui, il faut faire des efforts, mais il faut les faire à tous les niveaux. Les crédits de l'Afit ont fortement progressé. Ce n'est pas comme si elle avait été négligée !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis. On trouve dans les PLFG la matérialisation d'économies réalisées dans la loi. (M. Thomas Dossus ironise.)

Vous parlez presque d'un abandon du plan Vélo, ce qui n'est pas le cas. Il y a toujours des crédits ! L'ambition est maintenue. Il faut regarder les tendances d'augmentation de crédits. En 2024, le financement de l'Afit France reste supérieur à ce qu'il était en 2023.

Mme Ghislaine Senée.  - Fort heureusement ! Nous avons des objectifs de décarbonation des mobilités à tenir. Si vous annonciez le contraire, nous serions très inquiets.

Mais ce manque d'ambition du PLFG envoie un très mauvais message. Le plan Vélo va prendre cher et les collectivités territoriales seront obligées de faire appel à leur budget d'investissement si elles ne reçoivent pas de subventions.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté.

Article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°12 de Mme Senée et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - Cet amendement maintient la dotation de 50 millions d'euros que le Gouvernement souhaite retirer à l'audiovisuel public. Cet acte de gestion intervient au pire moment, alors que son financement a été stabilisé. Protégeons-le plutôt, face à la multiplication des fausses nouvelles. Nous avons besoin de journalistes compétents. Ce n'est pas le moment de raboter !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Les travaux de la mission d'information sur la dégradation de nos comptes publics ont souligné la nécessité d'un effort collectif. Notre assemblée a garanti l'avenir de l'audiovisuel public. De plus, il y a de bons journalistes partout. Je ne suis pas sûr qu'ils soient la propriété exclusive de l'audiovisuel public... Restons objectifs. Avis défavorable, évidemment.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis défavorable également. La baisse de ces crédits concerne le plan de transformation, lié au projet de réforme de la gouvernance.

J'ai signé aujourd'hui même la modification de la loi organique relative au financement de l'audiovisuel public, essentielle pour le maintien d'une forme d'indépendance.

Mme Isabelle Briquet.  - Cet amendement est l'occasion de porter un regard sur le financement de l'audiovisuel public, marqué par sa fragilité, car fondé sur la TVA. Il faut un mécanisme beaucoup plus stable et pérenne, afin d'assurer une pluralité des médias et une garantie des informations.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Après l'article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié de M. Uzenat et du groupe SER.

M. Simon Uzenat.  - Nous souhaitons compenser l'extension de la prime Ségur aux organismes de formation en travail social, issue d'un accord agréé par le Gouvernement le 25 juin dernier.

Cette mesure, rétroactive au 1er janvier 2024, décidée sans concertation et non compensée, place les régions dans une impasse financière, alors même que nombre d'entre elles ont voté leur budget 2024 en décembre 2023.

Cette mesure représente certes une avancée importante pour le secteur, mais elle ne peut être imposée sans discussion à des collectivités fragilisées. Nous demandons donc une compensation par l'État à hauteur du coût annuel de cette mesure estimé à 14 millions d'euros.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Retrait. Vous vous rappelez que plus de 110 000 personnes avaient été oubliées par le Ségur. Les moyens que nous proposerons dans le cadre du PLF 2025 placeront les départements dans une situation plus favorable.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis, car le véhicule n'est pas le bon. Votre amendement ne concerne pas le PLFG, mais le PLF.

M. Simon Uzenat.  - Nous parlons ici des régions, même si les départements sont concernés, et de 2024 et non de 2025.

J'entends vos propositions, mais nous préférons que les choses soient actées dès 2024.

Cette mesure a trait à la libre administration des collectivités territoriales. En leur déniant ces 14 millions d'euros, on oblige les régions à changer leurs arbitrages. Elles sont trop souvent laissées-pour-compte, comme la crise inflationniste l'a montré.

Nous espérons que la majorité sénatoriale entendra raison sur ce sujet.

Nous sommes le 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Vous avez sans doute reçu des messages d'alerte des centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CDIFF). Nombre d'entre eux risquent de fermer. Nous ne pouvons nous y résoudre alors que nous en avons plus besoin que jamais.

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié de M. Bazin et alii.

M. Arnaud Bazin.  - Il ne s'agit plus de 14 millions d'euros, mais de 170 millions, et non plus des régions, mais des départements.

L'extension du Ségur 2 a été décidée mi-2024, avec effet rétroactif, alors que les budgets départementaux avaient déjà été votés. Christine Lavarde rappelait ce matin l'importance de ne pas changer les règles en cours de route.

Cet amendement prévoit d'accorder aux départements les moyens d'assurer cette dépense supplémentaire imposée, sans déséquilibrer leur exercice budgétaire.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Demande de retrait.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis. Les départements ont été soutenus en 2024 : abondement exceptionnel du fonds de sauvegarde de 100 millions d'euros ; renforcement du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) de 150 millions d'euros ; 100 millions d'euros pour la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA).

En PLFG, il n'y a pas de raison de compenser une mesure d'ordre général. Mais nous pouvons en débattre pour 2025.

M. Arnaud Bazin.  - Bien sûr que nous en débattrons ! Mais nous ne pouvons renvoyer à 2025 une dépense qui pèsera en année pleine, en 2024, sur les départements.

C'est une décision irresponsable de l'État. Dans le meilleur des cas, ce dernier la finance par la dette ; dans le pire, il ne la finance pas du tout... J'entends néanmoins l'appel du rapporteur général et je retire mon amendement.

L'amendement n°5 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié de M. Bazin et alii.

M. Arnaud Bazin.  - C'était un amendement de coordination avec le précédent. Je le retire.

L'amendement n°6 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°8 de M. Cozic et du groupe SER.

Mme Isabelle Briquet.  - Compte tenu de la situation des départements, il aurait été de bon ton de reconsidérer la mesure défendue par Arnaud Bazin. Nous maintenons notre amendement.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°14 de Mme Senée et du GEST.

M. Grégory Blanc.  - C'est un appel à l'aide de l'ensemble des départements.

J'ai entendu vos propos, monsieur le ministre. Il y a un an, on nous expliquait que certains dispositifs aideraient les départements. Or que s'est-il passé en 2024 ? Une baisse des DMTO et des décalages de prévision de Bercy sur la TVA, les fractions transférées aux départements étant plus faibles qu'annoncé. Parallèlement, on assiste à des hausses de transfert de charges liées à la prime Ségur. La décentralisation, ce n'est pas seulement des transferts de compétences, mais aussi des transferts de recettes. Or en 2024, c'est tout l'inverse qui s'est produit. Nous devons rétablir la confiance entre l'État et les départements. Il n'y a eu aucune concertation, aucun échange sur la prime Ségur.

En 2024, les départements ont encore plus la tête sous l'eau qu'avant. Les dispositifs annoncés sont insuffisants.

Il y a ceux qui ont raison aujourd'hui et ceux qui auront raison dans six à huit mois. Ceux qui fixent un horizon pour les départements doivent se retrouver en votant cet amendement.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Ce sujet sera plutôt traité à l'occasion de l'examen du PLF. Mais il est vrai que le Sénat a alerté dès l'an passé sur la situation tendue des départements. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Je voterai ces amendements. Les départements remettent en cause l'opposabilité des conventions collectives nationales, du fait de leurs difficultés financières, ou se désengagent.

Au bout de la chaîne, on assiste à une dégradation des relations entre les opérateurs et les départements, qui doivent gérer toute la conflictualité.

Les agréments avec effets rétroactifs sont dangereux en raison de la lenteur de la délivrance d'agrément. Il faudrait éviter ce retard.

M. Simon Uzenat.  - Je voterai naturellement ces amendements, en cohérence avec celui que j'ai déposé et qui a malheureusement été rejeté par notre assemblée.

Je m'étonne de la façon dont les régions sont traitées. Les choses sont simples : le Sénat représente les collectivités territoriales - toutes les collectivités territoriales. Les régions ne sont pas des sous-collectivités. Nous devons en avoir conscience !

Je souscris aux propos d'Arnaud Bazin sur les départements. Les principes que nous édictons pour ces derniers doivent s'appliquer aussi aux régions. Elles ne vivent pas dans un monde parallèle ! Mon amendement avait été rédigé avec Régions de France, dont vous connaissez le pilotage politique.

Les amendements identiques nos8 et 14 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°9 de M. Cozic et du groupe SER.

M. Thierry Cozic.  - Cet amendement prévoit la compensation aux départements de l'augmentation de 4,6 % du RSA intervenue le 1er avril.

Depuis 2022, l'État leur a imposé plusieurs décisions unilatérales peu, voire pas compensées. Or leurs ressources se réduisent, du fait de la baisse des DMTO, et leurs dépenses de solidarité augmentent. De plus, l'augmentation du RSA est pérenne et ne sera pas compensée par l'État en 2025, malgré ses engagements passés. Sur les 10,2 milliards d'euros de dépenses, les départements auront un reste à charge de plus de 5 milliards d'euros - équation insoluble si les mesures d'économies du Gouvernement étaient adoptées dans le PLF 2025 !

Compensons la hausse du RSA cette année à hauteur de 345 millions d'euros.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°13 de Mme Senée et du GEST.

M. Grégory Blanc.  - Aux assises des départements qui se sont tenues à Angers - dans un très beau département... - certains d'entre eux ont cru de bonne foi que leurs problèmes seraient réglés par les annonces du Premier ministre. Mais ce demi-point supplémentaire de DMTO ne s'appliquera qu'en juillet, soit trois mois après le vote des budgets des départements.

Ils sont déjà sous l'eau en cette fin d'année, et cette mesure ne leur permettra pas de tenir en 2025 ! Nous proposons de mieux finir l'année 2024 et d'avoir plus de marges en 2025. Si nous n'adoptons pas ces amendements, les départements devront faire plus appel à l'emprunt et l'État un peu moins, mais c'est un jeu à somme nulle : les comptes de la nation seront tout aussi dégradés.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Retrait, sinon avis défavorable.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis.

M. Pascal Savoldelli.  - C'est la suite de notre débat de ce matin... Arnaud Bazin a doublement fait preuve de responsabilité : d'abord en proposant une mesure acceptable en accord avec Départements de France - mais le Gouvernement et la majorité sénatoriale n'en ont pas voulu -, puis en retirant son amendement. Et tous les amendements de la gauche sont rejetés. On voit bien le fil conducteur du débat qui s'annonce...

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Je suis d'accord avec vous : ces amendements sont rejetés par la majorité sénatoriale. J'ajouterai simplement : car nous les traiterons ensuite dans le projet de loi de finances initiale. (M. Pascal Savoldelli proteste.)

Les amendements identiques nos9 et 13 ne sont pas adoptés.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances.  - La commission des finances se réunit immédiatement afin d'examiner l'amendement n°28 du Gouvernement portant sur l'article d'équilibre.

La séance, suspendue à 17 h 05, reprend à 17 h 15.

Article 3 (État A)

Mme la présidente.  - Amendement n°28 du Gouvernement.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Le déficit passe de 169,6 à 167,9 milliards d'euros, à la suite d'une amélioration du solde des comptes spéciaux de 1,7 milliard d'euros grâce à un remboursement d'emprunt anticipé par la Grèce, et de corrections de prévisions de recettes pour un solde positif de 21 millions d'euros.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - J'ai peu d'observations sur cet amendement, que je vous demande de voter. En ces temps difficiles, j'attire notre attention sur le fait que la Grèce est au rendez-vous des remboursements, avec même un peu d'avance. Cela souligne la gravité du moment.

M. Thomas Dossus.  - Monsieur le ministre, la porte-parole du Gouvernement, Maud Bregeon, a indiqué que nous nous orientions vers une situation « à la grecque » si nous ne votions pas ce budget. Doit-on en conclure que sept ans de politique fiscale de votre majorité ont conduit à une insincérité des comptes comparable à celle de la Grèce en 2008 ? Nous sommes observés par des institutions : la parole de Mme Bregeon a-t-elle été légère ou sérieusement établie ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - La question n'est pas celle de la sincérité des comptes (M. Thomas Dossus s'exclame), mais de faire des choix courageux aujourd'hui pour éviter d'avoir à faire des choix douloureux demain.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas la question !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - En tout cas, ce sera ma réponse ! (Sourires) Des pays, comme la Grèce, ont cessé d'être souverains à cause de dérapages comparables...

M. Thomas Dossus.  - Qui en est responsable ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Nous avons un rendez-vous important : le PLF 2025 et le redressement des comptes publics. Si nous devons les redresser, c'est parce que nous avons plus protégé que les autres pays. (On le conteste à gauche.) Les bancs de l'opposition de l'époque voulaient même dépenser plus... (Vives protestations à gauche)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous proposions des recettes !

L'amendement n°28 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

La première partie du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, modifiée, est adoptée.

Discussion des articles de la seconde partie

Article 4 (État B)

Mme la présidente.  - Amendement n°15 de Mme Senée et du GEST.

Mme Ghislaine Senée.  - Le GEST désapprouve le coup de rabot sur les aides au logement, alors que 4 millions de personnes sont mal logées, voire sans logement personnel, et 12 millions fragilisées par rapport à leur logement. Notre pays a besoin de plus de logements sociaux, et les coupes opérées année après année sont insupportables.

Je ne m'attends pas à un avis favorable ni de la commission ni du Gouvernement sur cet amendement d'appel, mais il me semblait important de dénoncer cette coupe de 224 millions d'euros en février dernier.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Il n'y a ni coupe ni découpe dans ce texte, mais un simple ajustement aux crédits consommés. Depuis dix ans, le secteur du logement est plongé dans les difficultés et, depuis Cécile Duflot, la situation ne s'est jamais redressée, quels que soient les secteurs : pavillonnaire, locatif, social...

J'espère que nous pourrons y revenir en début d'année prochaine - pourquoi pas par un texte de loi. Le logement est une problématique qui traverse les générations et qui doit être ajustée aux besoins des Français, sachant qu'on a besoin de plus de logements que la croissance de la population. Avis défavorable.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis. Il n'y a aucune difficulté à payer les APL en cette fin d'année. Rendez-vous à l'examen du PLF 2025. Le Gouvernement s'est montré ouvert sur le PTZ et la primo-accession, notamment, et déposera des amendements adoptés par l'Assemblée nationale.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°19 de Mme Senée et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - Il s'agit de défendre l'Arcom, autorité administrative indépendante (AAI) qui garantit dans l'audiovisuel le respect de règles dont certains milliardaires essaient de s'affranchir - ce qui augmente le nombre de saisines. Nous prévoyons 4,4 millions d'euros supplémentaires.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable. Aucune augmentation n'est nécessaire. Je pinaille : vous avez mis deux zéros de trop dans votre amendement... (M. Thomas Dossus le reconnaît.)

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°17 de Mme Senée et du GEST.

Mme Ghislaine Senée.  - Nous rétablissons une partie des 500 millions d'euros de crédits du fonds vert annulés par décret en février. Cette baisse drastique est confirmée dans le PLF 2025, où les crédits baissent de 60 %. Les effets à l'avenir coûteront bien plus cher que les 500 millions d'euros économisés.

Dans un état de responsabilité, nous proposons de rétablir les crédits du fonds vert à hauteur de 100 millions d'euros.

Au Congrès des maires, les maires ont exprimé leurs inquiétudes sur ce sujet. Rétablissons au moins la moitié des crédits annulés !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable. Les crédits ont été supprimés car ils n'auraient pas été dépensés avant la fin de l'année.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis : il s'agit d'un ajustement par rapport aux prévisions de décaissement et non d'une ambition revue à la baisse.

Le fonds vert, c'est 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement pour 2025. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas d'ambition ; le fonds vert n'existait pas avant sa création par Christophe Béchu il y a quelques années ! (M. Olivier Paccaud s'exclame.)

Vous pourrez le constater en consultant le budget vert qui est annexé au PLF : il n'a jamais été aussi important. On peut certes discuter de ses priorités... (M. Thomas Dossus le confirme.)

Mme Ghislaine Senée.  - Le fonds vert, c'était 2,5 milliards d'euros au départ : il y a donc bien une moindre ambition ! Le Président de la République voulait ajouter 500 millions d'euros pour que les collectivités territoriales puissent rénover leurs écoles - autant dire une goutte d'eau. Vous pouvez juger cela ambitieux, nous pensons que c'est catastrophique.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°18 de Mme Senée et du GEST.

Mme Ghislaine Senée.  - Nous voulons abonder le fonds Barnier de 100 millions d'euros supplémentaires, de manière à instaurer une politique efficace de prévention des risques. Un euro investi, c'est trois euros économisés en cas de catastrophe naturelle.

Il y a quelques semaines, nous avons examiné la proposition de loi de Christine Lavarde sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles (CatNat). Pas moins de 18,5 millions de Français sont exposés au risque d'inondations et 10 millions de maisons le sont au retrait-gonflement des argiles ; il est urgent d'agir !

La réforme du fonds Barnier de 2021 est préjudiciable : les crédits non consommés ne sont plus reportés pour l'année suivante, et la surprime CatNat intégrée au budget général. J'espère que le Gouvernement est ouvert pour revenir sur cette disposition. Nous en reparlerons à l'occasion du PLF.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Je suis parfaitement d'accord avec les derniers mots de votre intervention. (Sourires) En commission, nous avons voté un abondement du fonds Barnier ; il faudra absolument y revenir. Avis défavorable.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Pour la fin 2024, il n'y a aucune difficulté pour l'État à agir. En 2025, nous prévoyons une hausse des crédits de 300 millions : nous répondons donc à votre demande. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°22 de M. Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Je vous propose de rejoindre un vote de l'Assemblée nationale augmentant la subvention de l'Institut géographique national (IGN) de 6,5 millions d'euros. Les finances de cet opérateur de référence de réputation mondiale sont en effet nettement détériorées.

L'IGN livre les données de géolocalisation gratuitement, en open data, sans compensation. En 2022, j'avais publié un rapport sur le sujet : je prédisais un trou d'air. L'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd) estime qu'il faudrait rebaser le budget de l'IGN à hauteur de 15 millions d'euros.

Je lance cet appel, car je ne vois rien arriver sur le sujet dans le PLF.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Quel est l'avis du Gouvernement ? Avec Vincent Capo-Canellas, vous avez affaire à travail d'orfèvre : à un tel niveau de précision, cela montre que le problème est réel. Il ne faut pas mettre en difficulté l'IGN.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - L'IGN pourra finir l'année 2024. Nous prévoyons une hausse des crédits de 4,5 millions euros pour 2025. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Certes, mais cette hausse serait consommée par la seule progression de la masse salariale. Ce sont vos propres services qui parlent de 15 millions d'euros de rebasage, en raison de la fuite en avant d'autres ministères, qui ne tiennent pas leurs engagements.

En octobre, les agents ne pourraient plus être payés ! Je suis prêt à travailler sur le sujet, mais les 4,5 millions d'euros ne régleront rien.

L'amendement n°22 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°20 rectifié quater de M. Chaize et alii.

Mme Micheline Jacques.  - Cet amendement de Patrick Chaize vise à abonder de 15 millions les missions d'aménagement du territoire du groupe La Poste. La loi exige de ce dernier le maintien de 17 000 points de contact, mais l'État ne respecte pas son engagement avec des tours de passe-passe budgétaires ; il doit tenir parole !

Mme la présidente.  - Amendement identique n°24 rectifié ter de Mme Saint-Pé et alii.

Mme Denise Saint-Pé.  - Il faut que l'État honore ses engagements ! La présence postale en tout point du territoire français est indispensable : il y va de l'équité, de la solidarité, de l'équilibre social.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Retrait. Il y a effectivement un problème de compensation. Mais vous n'évoquez pas la promesse du Premier ministre d'y consacrer 50 millions d'euros.

Nous en rediscuterons lors du PLF 2025, mais je m'associe aux préoccupations légitimes de nos collègues. Il faut répondre aux besoins de La Poste.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Le Gouvernement partage vos inquiétudes. Nous étions prêts à donner un avis favorable à ces amendements, mais j'ai écouté les arguments du rapporteur général, que j'estime fondés : même avis, tout en rappelant l'engagement du Gouvernement à reporter l'effort vers le PLF 2025 pour assurer le maillage territorial.

Mme Denise Saint-Pé.  - J'ai bien entendu les propos du ministre et du rapporteur général : j'espère que dans le PLF 2025, on évoquera les besoins de La Poste mais aussi de la population française.

Les amendements identiques nos20 rectifié quater et 24 rectifié ter sont retirés.

Mme la présidente.  - Amendement n°27 de M. Husson, au nom de la commission des finances.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Cet amendement annule 300 millions de crédits des programmes d'investissements d'avenir (PIA) 1, 2 et 3. Monsieur le ministre, je suis déçu de votre amendement : respectez le travail parlementaire...

Mme la présidente.  - Amendement n°23 du Gouvernement.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Monsieur le rapporteur général, il y a une différence sensible entre votre amendement et celui du Gouvernement : nous proposons de redéployer les crédits, vous de les supprimer !

Nous demandons au programme « France 2030 » de faire le maximum. Mais s'il faut faire des économies, il ne faut pas grever les investissements et la croissance de demain, sans quoi le message récessif serait amplifié. Nous devons conserver un certain quantum d'investissements, notamment dans les innovations de rupture : avis défavorable.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Nous avons reçu en audition le secrétaire général de France 2030. Les membres de la commission des finances ont eu le sentiment que, dans son esprit, la représentation nationale n'était là que pour constater les dépenses... Ici comme ailleurs, il faut remettre les compteurs à zéro : échangeons sur les projets, pour les recalibrer, le cas échéant.

En l'occurrence, il faudrait prendre en compte les enjeux de l'aménagement du territoire et ceux de la qualification des femmes et des hommes qui réalisent ces projets. Avis défavorable à l'amendement n°23.

L'amendement n°27 est adopté.

L'amendement n°23 n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°26 du Gouvernement.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Cet amendement, qui a reçu l'aval des questeurs de l'Assemblée nationale, constate une baisse de son coût de fonctionnement due à la dissolution à hauteur de 9 millions d'euros.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Sagesse.

Mme Isabelle Briquet.  - Je suis assez étonnée par cet amendement. Est-ce au Sénat de voter la minoration des crédits de l'Assemblée nationale ? Nous ne prendrons pas part au vote.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Cette partie du PLFG n'a pas été examinée par l'Assemblée nationale et la réunion des questeurs de l'Assemblée a eu lieu postérieurement, de toute façon.

M. Victorin Lurel.  - Cela ne change rien...

L'amendement n°26 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 de M. Husson, au nom de la commission des finances.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Je vous lance un défi, monsieur le ministre : faites mentir l'adage « jamais deux sans trois ».

Il y a deux ans, nous avions voté une mesure de 50 millions d'euros pour le réseau routier des collectivités territoriales. Mais la promesse du Gouvernement n'a pas été tenue : lors de la loi de règlement, nous avons constaté que la somme avait été affectée au réseau routier national.

L'an dernier, j'ai réitéré la demande, à hauteur de 60 millions d'euros...

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Ce sont les taux d'intérêt ? (Sourires)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Non, c'est l'inflation ! (Nouveaux sourires) Et patatras : des décrets ont de nouveau supprimé la promesse faite au Parlement. C'est dommage, et cela en devient énervant. Cette fois, je vous propose de respecter la parole du Gouvernement.

Le Gouvernement a eu un droit à l'erreur, puis un droit au remords... (M. Victorin Lurel s'en amuse.)

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Sagesse.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Très bien !

L'amendement n°1 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°21 de M. Bazin.

M. Arnaud Bazin.  - La loi Plein emploi a imposé une dépense de 23 millions d'euros au titre de la complémentaire maladie aux établissements et services d'aide par le travail (Esat), dont la situation financière est mauvaise, voire critique pour un tiers d'entre eux. La mesure était approuvée par ces associations, mais n'a jamais été financée.

Selon un rapport Igas-IGF en février, 40 % des établissements seraient mis en difficulté et 78 % considèrent que la qualité de prise en charge en pâtirait.

Cet amendement prévoit une prise en charge de 50 % de la part employeur de la complémentaire santé par l'État, soit 23 millions d'euros.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Retrait, même si les dépenses en faveur du handicap sont un poste important de dépenses pour les régions. Monsieur le ministre, il faudra prévoir pour elles des mesures similaires à celles en faveur des départements dans le PLF 2025.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis. L'Igas et l'IGF proposent d'instaurer des solutions pérennes, qui n'ont pas de place dans le présent texte. Nous devons en reparler.

M. Arnaud Bazin.  - Cet amendement est l'occasion de dénoncer une fois de plus les mesures imposées aux opérateurs et aux départements, sans les financer - éternelle rengaine.

Le modèle des Esat est pourtant une fierté pour la France : permettre aux personnes en situation de handicap de s'insérer par le travail. Nous en reparlerons lors de l'examen du PLF, mais leur situation est déjà grave en 2024. Toutefois, par esprit de responsabilité, je retire mon amendement.

L'amendement n°21 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°25 de M. Delcros.

M. Bernard Delcros.  - Le décret du 21 février 2024 a annulé 100 millions d'euros de crédits pour le service civique.

Cet amendement sécurise les missions déjà engagées, via un abondement de 20 millions d'euros du programme 163.

Le service civique connaît un grand succès : ce serait regrettable de réduire la portée du dispositif.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Il manquerait 20 millions d'euros pour que l'agence du service civique termine l'exercice. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - L'annulation des 100 millions d'euros de crédits n'a pas remis en cause l'objectif fixé en 2024 d'accueillir 150 000 jeunes. Avis défavorable.

M. Patrick Kanner.  - J'entends la réaction du ministre. Mais ces sommes seraient extrêmement utiles pour boucler le budget 2024. Le groupe SER votera l'amendement de M. Delcros.

Le service civique apporte beaucoup de satisfaction aux élus locaux.

M. Bernard Delcros.  - Je le confirme : le prélèvement de 100 millions d'euros ne permet pas de répondre aux demandes des jeunes pour cette fin d'année.

L'amendement n°25 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°16 de Mme Senée et du GEST.

Mme Ghislaine Senée.  - Nous proposons de minorer les annulations de crédits opérées sur le programme 102, qui ont asséché le parcours contractualisé d'accompagnement dans l'emploi et l'autonomie (Pacea), un dispositif qui permet à de nombreux jeunes d'échapper à la pauvreté et provoque parfois un déclic dans leur parcours vers l'emploi. Cette coupe brutale décidée en février dernier a eu des conséquences pour les collectivités territoriales, qui cofinancent les missions locales. Celles-ci doivent avoir les moyens de soutenir tous les jeunes en détresse pendant le mois de décembre, une période particulièrement difficile pour les personnes touchées par la pauvreté.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable. Je n'ai pas le sentiment qu'il y ait de tensions...

Mme Ghislaine Senée.  - À Paris, si !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - ... sauf peut-être dans quelques cas particuliers, dont le traitement ne relève pas de ce texte. En quatre ans, les crédits des missions locales ont crû de 372 à 623 millions d'euros : c'est significatif, et il y a même eu parfois surfinancement. Des précisions à cet égard figurent dans le rapport d'information coécrit par notre ancienne collègue Sophie Taillé-Polian. Cette position ne signifie évidemment pas que j'approuve toutes les mesures prises dans le décret de février.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

L'article 5 (État C) est adopté.

L'article 6 (État D) est adopté.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Je sollicite dix minutes de suspension de séance pour élaborer les amendements de coordination de l'article liminaire et de l'article d'équilibre avec les votes intervenus.

Mme la présidente.  - En application de l'article 47 bis, alinéa 3, du règlement, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une coordination de l'article liminaire et de l'article d'équilibre (article 3) et État A du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024.

Quel est l'avis de la commission sur cette demande de coordination ?

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Avis favorable.

Mme la présidente.  - Le renvoi à la commission pour coordination est décidé.

La séance, suspendue à 18 h 05, reprend à 18 15.

Article liminaire (Coordination)

Mme la présidente.  - Amendement COORD-1 du Gouvernement.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Cet amendement récapitule et retrace les mesures votées et actualise le solde budgétaire en conséquence. Compte tenu des amendements adoptés, le déficit s'établit à 161,2 milliards d'euros.

Plus précisément, l'amendement n°27 de la commission des finances majore de 300 millions d'euros les annulations sur la mission « Investir pour la France de 2030 ». L'amendement n°1 de la commission des finances minore de 70 millions d'euros les annulations sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». L'amendement gouvernemental n°26 minore de 9 millions d'euros les crédits ouverts au bénéfice de l'Assemblée nationale. L'amendement n°25 de M. Delcros est sans incidence sur le solde.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis favorable.

L'amendement COORD-1 est adopté.

Article 3 (État A) (Coordination)

Mme la présidente.  - Amendement COORD-2 du Gouvernement.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Compte tenu des mesures votées par le Sénat, le déficit budgétaire passe à 161,5 à 161,2 milliards d'euros.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis favorable. Je constate que, par la grâce des Grecs et du Sénat - en quelque sorte, une double passe... -, le solde s'améliore de 2 milliards d'euros.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Surtout des Grecs !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - En effet, six fois plus... (M. Laurent Saint-Martin s'en amuse.)

L'amendement COORD-2 est adopté.

Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, modifié, est mis aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°78 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 333
Pour l'adoption 232
Contre 101

Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, modifié, est adopté.

Projet de loi de finances pour 2025 (Suite)

Discussion de l'article liminaire

Mme la présidente.  - Amendement n°I-358 rectifié de M. Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Cet amendement d'appel ajuste la prévision de solde structurel à moins 5,1 %, pour se rapprocher des estimations de l'OFCE, qui prévoit moins 5,3 %. Cette prévision est plus réaliste que celle du Gouvernement.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable, même si je comprends bien l'intention ; ces interrogations sur les prévisions de croissance, de recettes et de dépenses sont éternelles.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Retrait, sinon avis défavorable. L'effet récessif des mesures prises est pris en compte.

Il s'agit d'un budget d'équilibre : il prévoit un effort, inédit, de 60 milliards d'euros, par des mesures conçues pour que l'effet récessif soit le plus limité possible. Les prélèvements obligatoires nouveaux sont ciblés et le plus souvent temporaires. Quant aux économies, elles portent sur les dépenses qui ont le plus augmenté ces dernières années, notamment pour soutenir la relance.

Je vous remercie néanmoins pour cet amendement d'appel, et votre vigilance est la même que la nôtre. Nous devrons regarder finement les réactions des différents acteurs économiques, veiller à la compétitivité de nos entreprises et maintenir notre politique de l'offre, favorable à l'emploi.

Mais si nous partageons votre vigilance, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de modifier les données de l'article liminaire.

M. Vincent Capo-Canellas.  - La Commission européenne aussi prévoit un déficit de 5,3 %. Goldman Sachs s'attend à 5,4 % et d'autres économistes à un déficit plus élevé encore. Il y a un vrai questionnement, et il faudra assez rapidement faire adopter un projet de loi de finances rectificative. Le HCFP indique, en creux, que son avis a été rendu avant prise en compte de l'effet récessif. Le rendement fiscal, en particulier, reste aléatoire. Je retire mon amendement, mais il faudra ajuster la prévision au moment du PLFR.

L'amendement n°I-358 rectifié est retiré.

M. Grégory Blanc.  - Je le reprends !

Mme la présidente.  - Il devient l'amendement n°I-358 rectifié bis.

M. Grégory Blanc.  - Il y a peu d'effet récessif, dites-vous... L'année dernière, au moment même où nous débattions, le Gouvernement avait des informations qui rendaient caduc son budget. Heureusement, notre commission des finances a travaillé pour mettre au jour ces problèmes de méthode et de gestion. Cette année, la situation est plus critique encore et, d'entrée de jeu, nous savons que les chiffres avancés sont fallacieux. Non seulement ils n'anticipent pas l'effet récessif, mais ils sont même incohérents entre eux : alors que le parc automobile s'électrifie et que le prix du pétrole devrait baisser, on prévoit une hausse du rendement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sous prétexte d'une hausse de l'activité, mais celle-ci ne se retrouve pas, par exemple, dans les chiffres de l'impôt sur les sociétés... Nous devrions débattre de chiffres étayés et sérieux.

L'amendement n°I-358 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°I-882 rectifié quater de M. Louault et alii.

M. Emmanuel Capus.  - Par cet amendement d'appel, Vincent Louault attire l'attention de notre assemblée sur la nécessité de faire porter les économies prioritairement sur l'État et ses agences et comités multiples plutôt que sur les collectivités territoriales.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable. Il est délicat de modifier en cours de route les chiffres de la loi de programmation des finances publiques. Concentrons-nous sur le projet de loi de finances pour 2025, dont nous venons de débuter l'examen.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Je ne puis que vous donner raison, monsieur le sénateur. Nous disons depuis le début que les efforts doivent porter d'abord sur la baisse de la dépense. Nous devons maintenir un cap clair.

L'État est bien le premier contributeur à la baisse de dépenses : 21 milliards d'euros sur les 40 prévus. L'Assemblée nationale n'ayant pas examiné la partie du PLF relative aux dépenses, vos débats seront le révélateur de ces économies - et le Gouvernement en proposera de nouvelles par voie d'amendement.

La sécurité sociale, pour sa part, supporte 15 milliards d'euros d'économies. Quant aux collectivités territoriales, leur effort sera réduit de 5 à 2 milliards d'euros lors des débats au Sénat.

Je comprends que certains messages aient pu être brouillés du fait des votes intervenus à l'Assemblée nationale, du fait notamment du NFP, mais les deux tiers de l'effort prévu par le Gouvernement consistent bien en baisses de dépenses.

L'amendement n°I-882 rectifié quater est retiré.

M. Vincent Delahaye.  - Contrairement aux années précédentes, je n'ai pas déposé mon amendement à l'article liminaire visant à en changer le titre pour parler de « déséquilibre » au lieu d'« équilibre »...

Reste que nous devons progresser en matière de compréhension des finances publiques par nos compatriotes et que cet article n'y aide guère. D'une part, il présente une situation après transferts, alors qu'il faudrait la présenter avant. D'autre part, le remboursement de la dette de la Cades figure au budget de l'État, ce qui est une anomalie. Enfin, tous les régimes de retraite ne sont pas pris en compte au sein de la sécurité sociale : une partie figure dans les charges de personnel de l'État.

Monsieur le rapporteur général, il conviendrait de s'intéresser à ces questions pour améliorer la lisibilité de cet article.

L'article liminaire est adopté.

Discussion de l'article 40

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Michel Masset applaudit également.) Comme chaque année, il nous revient d'examiner le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. L'exercice est incertain, le montant inscrit au PLF étant prévisionnel.

Il y a quelques jours, le Conseil européen et le Parlement européen se sont accordés sur 199 milliards d'euros en crédits d'engagements et 155 milliards d'euros en crédits de paiement pour 2025. Ils ont jusqu'à la fin du mois pour approuver formellement l'accord intervenu. Comme il est d'usage, le Gouvernement devrait prochainement déposer un amendement ajustant le montant de la contribution française. Je regrette, pour la clarté de nos débats, que nous ne disposions pas cet après-midi d'une évaluation révisée. Quand cet amendement sera-t-il déposé et quel sera le montant révisé ?

Le montant actuellement prévu est de 23,321 milliards d'euros, en hausse de plus de 1 milliard d'euros par rapport à cette année. À l'avenir, une forte progression de notre contribution est à prévoir : 30,4 milliards d'euros en 2026 et 32,4 milliards d'euros en 202, selon la direction du budget. Indépendamment d'un effet cyclique au sein de la période de programmation, il y a un fait incontournable : notre contribution moyenne progresse. Elle était de 20,1 milliards d'euros par an sur la période 2014-2020 ; elle sera de 26,2 milliards d'euros par an sur la période 2021-2027. Un tel niveau de contribution est-il soutenable dans le contexte budgétaire que nous connaissons ? Quelle sera la position de la France dans les négociations portant sur le futur cadre financier pluriannuel ?

La définition de nouvelles ressources propres est indispensable. Le principe en a été arrêté dès 2020. L'engagement financier de la France au titre du plan NextGenerationEU s'élève à 75 milliards d'euros et entraînera une hausse de 2,5 milliards d'euros de notre contribution annuelle à partir de 2028. C'est une perspective préoccupante, surtout dans un contexte politique incertain - je pense notamment à la crise politique en Allemagne. Quelles sont les perspectives d'adoption de nouvelles ressources propres ?

Dans un rapport qui a fait grand bruit, l'ancien président de la BCE, Mario Draghi, alerte sur le déficit de compétitivité européenne et appelle à combler le fossé qui nous sépare de nos compétiteurs en matière d'innovation. La compétition avec la Chine et les États-Unis se fait chaque jour plus pressante. Le rapport évalue l'effort d'investissement nécessaire à 800 milliards d'euros par an et préconise une participation du budget européen mieux ciblée et plus efficace, à travers notamment l'émission d'un nouvel emprunt commun. Comment comptez-vous surmonter les contraintes politiques et économiques pour que l'Europe et la France tiennent leur rang en matière de compétitivité ?

La commission des finances recommande l'adoption sans modification de cet article. (Applaudissements sur des travées du groupe UC)

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Les bonnes nouvelles sont rares, alors saluons-les...

Nous sommes le premier pays de l'Union européenne pour la consommation des crédits du plan de relance. Depuis 2022, nous avons consommé 30 milliards d'euros, soit 76 % des fonds auxquels nous avons droit, contre 42 % en moyenne pour nos partenaires. Cette bonne performance permet le financement de chantiers comme la ligne C du métro de Toulouse ou le nouveau bâtiment de l'Ifremer à Nantes - deux exemples qui illustrent l'importance du budget européen et de ce débat.

Mais cette bonne nouvelle ne saurait éclipser deux sujets d'inquiétude.

D'abord, notre performance n'est pas du tout équivalente pour les crédits en gestion directe, ceux qui sont exécutés directement par la Commission européenne, notamment pour la rubrique n°1, visant la recherche, l'innovation et le numérique. Notre taux de retour est passé de 20 % en 2021 à 15 % en 2023. Pourquoi cette sous-consommation ? Quel bilan tirer du travail de la cellule du secrétariat général des affaires européennes (SGAE) pour la consommation des crédits européens, mise en place il y a près de deux ans ? Alors que l'argent public se fait rare, nous ne pouvons pas nous permettre de nous priver de ces crédits. D'après le SGAE, nous pourrions percevoir 2 milliards d'euros supplémentaires en optimisant nos taux de retour.

Ensuite, le remboursement de l'emprunt européen de 750 milliards d'euros commencera en 2028. De nouvelles ressources propres doivent être mobilisées afin d'éviter un ressaut des contributions nationales. Je vous ai souvent sollicité, monsieur le ministre, sur ce sujet. Il est essentiel d'avancer, car c'est une ombre menaçante sur nos finances publiques. La Cour des comptes a d'ailleurs souligné que l'absence de cet engagement au bilan de l'État constituait une anomalie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) C'est un plaisir et une fierté de monter à cette tribune pour parler de l'Europe.

Le prélèvement sur recettes au profit de l'UE s'élève à 23,3 milliards d'euros, en hausse de plus de 1 milliard d'euros par rapport à cette année. Si on ajoute à ce montant les droits de douane versés au budget européen, notre contribution s'élève à 25,3 milliards d'euros, pour un retour de 16,5 milliards d'euros, essentiellement au titre de la PAC et de la politique de cohésion. La PAC, qui nous rapporte 9 milliards d'euros par an, doit demeurer une priorité pour la France ; souvenons-nous de la constance de Jacques Chirac en la matière.

La France est contributrice nette au budget de l'Europe, mais, sans reprendre le propos fameux de Margaret Thatcher - « I want my money back » -, je rappelle que les retombées économiques de la paix en Europe et du marché intérieur pour notre pays sont bien supérieures à notre contribution.

Je partage toutefois les inquiétudes du rapporteur spécial. Le montant de la contribution française sera de plus de 30 milliards d'euros en 2026 et de 32 milliards d'euros en 2027. Un travail d'économies sur le fonctionnement des instances européennes doit s'ouvrir.

Par ailleurs, l'utilisation par la France des fonds européens se heurte à des obstacles bureaucratiques. Il n'existe pas moins de huit fonds européens. Les maires sont nombreux à faire part de leur désarroi devant les procédures complexes et les délais de versement trop longs.

La France a un taux de certification de 35 %, loin de pays comme le Danemark ou la Roumanie, qui demandent des rallonges de crédits, alors que nous en reversons faute de les avoir utilisés. Il est essentiel de simplifier les procédures et de les rendre plus lisibles. Faciliter l'accès des collectivités territoriales aux fonds européens est un enjeu primordial pour le financement des investissements nécessaires dans les prochaines années, notamment dans le cadre de la transition écologique.

Depuis 2014, les régions ont le statut de gestionnaires de fonds européens. Mais il existe des disparités régionales importantes dans l'utilisation des fonds européens, qui traduisent des modes de gestion et des stratégies variées. Certaines régions ont surprogrammé pour se prémunir contre un risque de sous-utilisation. Le délai moyen de versement est de deux à trois ans : on peut faire mieux.

Le Gouvernement doit se saisir de ce problème et faciliter l'accès des collectivités territoriales aux fonds européens. Si le taux de certification était supérieur à 50 %, la présence de l'Union européenne et sa nécessité seraient aussi plus incarnées dans nos territoires.

Oui, l'Europe a un coût, mais il est nécessaire. Le groupe UC votera cet article. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Michel Masset applaudit également.)

M. Pierre Barros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Le prélèvement sur recettes de la France au profit de l'Union européenne s'élèvera l'année prochaine à 23,3 milliards d'euros, un montant en hausse de 7,9 %.

Cette hausse n'est qu'un début. Dans un rapport du 25 juillet 2023, la Cour des comptes indique que, faute de nouvelles ressources propres, la France sera contrainte de relever sa contribution de 2,5 milliards d'euros par an pendant trente ans : c'est alarmant.

Les nouvelles ressources envisagées sont issues du système de quotas carbone, du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et de bénéfices de certaines multinationales. Ces ressources sont injustes, volatiles et font la part belle au capital. Pourquoi ne pas s'accorder sur la taxation des transactions financières proposée par la Commission européenne ?

Alors que la France est visée par une procédure de déficit excessif, le Premier ministre nous prépare une cure d'austérité mettant à contribution les Français et les services publics. Nous n'acceptons pas que les peuples européens paient davantage encore le prix du carcan du pacte européen de stabilité et de croissance. En 2024, d'après Eurostat, 95 millions d'Européens sont déjà menacés de pauvreté ou d'exclusion sociale. Et demain ?

Par ailleurs, la contribution de la France est majorée par les rabais accordés à d'autres pays : Allemagne, Autriche, Danemark, Pays-Bas et Suède. La France est le premier contributeur à ces rabais, à hauteur de 1,5 milliard d'euros.

Nous pouvons légitimement douter de l'efficacité de notre contribution, d'un point de vue strictement comptable. La France est le deuxième pays contributeur net, avec un solde de 9,3 milliards d'euros en 2023. Or elle n'est n'est que le vingt-deuxième bénéficiaire des dépenses européennes, avec 242 euros par habitant la même année.

Nous restons certes le premier pays bénéficiaire de la politique agricole commune. Mais en signant à tour de bras des accords de libre-échange, la Commission européenne reprend d'une main ce qu'elle donne de l'autre : nos agriculteurs en sont les premières victimes.

Dans le cadre financier 2021-2027, les crédits alloués à la protection de l'environnement ont légèrement augmenté, mais ceux consacrés au contrôle des migrations ont explosé de 700 % ! Quant aux crédits alloués aux investissements stratégiques, ils sont largement insuffisants : 7 milliards d'euros sur un budget de 147 milliards. La volonté de liquider Fret SNCF en est l'illustration.

Nous devrions investir massivement pour soutenir un développement industriel en phase avec la préservation du vivant. M. Draghi lui-même nous alerte dans son rapport sur la lente agonie économique européenne. Notre modèle est obsolète et nous mène droit dans le mur !

Le groupe CRCE-K votera contre l'article 40. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Nous n'avons pas simplement cet après-midi à entériner une contribution financière qui matérialise notre engagement européen, même si, bien sûr, le GEST confirmera par son vote sa volonté européenne.

Il ne s'agit pas simplement non plus de répondre aux critiques fondées sur une logique comptable et transactionnelle, la même qui a conduit le Royaume-Uni au Brexit, et qui lui coûte 120 milliards d'euros par an.

La contribution nette de la France en 2023 a été de 7,3 milliards d'euros. Avec l'ensemble des ressources propres, le solde net négatif est de 9,3 milliards d'euros. Oui, c'est beaucoup ! Mais c'est bien moins que les bénéfices du marché commun, de l'euro et de la mutualisation des projets de recherche et d'innovation. Seule l'UE a la taille critique pour déployer des programmes de taille comparable à ceux des États-Unis et de la Chine. C'est bien moins aussi que les bénéfices de la paix garantie par l'Union européenne.

Prenons la mesure des menaces qui pèsent sur nous et des exigences budgétaires qui en résultent : la menace de ne pouvoir faire face aux échéances de remboursement du plan post-Covid et la menace liée à la guerre russe en Ukraine.

Le rapport Draghi le confirme, nous devons intensifier notre action en matière de transition écologique, d'industrie et de sécurité commune. Il faut de nouvelles ressources propres pour ne pas être contraints de sacrifier des pans entiers de l'action européenne. Et ce n'est pas la ressource plastique qui y suffira, même si notre pays en est le triste champion, lui qui en consomme bien trop et en recycle si peu...

Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ou la taxation à 15 % des bénéfices des multinationales sont des perspectives intéressantes, mais dont la concrétisation semble encore loin. Il faut une décision unanime du Conseil, puisque chaque État approuve ces mesures selon ses propres règles. Comment réussir ce cheminement décisionnel ? Comment y gagner l'adhésion démocratique des peuples ?

Je parle d'adhésion démocratique, alors que le scrutin européen a donné à l'extrême-droite près d'un tiers de l'hémicycle et qu'un vice-président de la commission est issu du néo-fascisme et du même groupe que Marion Maréchal.

Ce n'est pas avec des nationalistes réactionnaires, pro-Poutine, anti-sociaux, anti-migrants, sourds à la biodiversité et climato-sceptiques (M. Joshua Hochart proteste.) que l'Union européenne répondra aux menaces grandissantes et donnera corps aux propositions du rapport Draghi. Le Gouvernement est-il déterminé à raviver en Europe une ligne démocrate et pro-européenne ? Saurons-nous réactiver l'espoir européen ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Luc Brault applaudit également.)

Mme Florence Blatrix Contat .  - La contribution de la France à l'Union européenne s'établit à 23,3 milliards d'euros pour 2025, soit 1 % de notre revenu national brut. Son augmentation notable, de près de 8 %, s'explique par la faiblesse de la contribution de 2024, due à des retards de paiement des fonds de cohésion.

Notre contribution, qui était d'environ 20 milliards d'euros dans les années 2010, s'établit désormais autour de 25 milliards d'euros. Le Brexit a augmenté mécaniquement notre part dans le budget européen, de 15 % à 17 %. Des crises d'une ampleur inédite -  crise climatique, Ukraine, pandémie, tensions commerciales  - ont exigé une révision à la hausse du cadre financier pluriannuel, mettant en lumière les limites du modèle de financement de l'Union européenne, basé quasi exclusivement sur les contributions nationales. Pour la France, ce sont 75 milliards d'euros supplémentaires à horizon 2058, soit 2,5 milliards d'euros en plus chaque année.

Les taux de retour sont décevants : les dépenses européennes en France représentaient 16,5 milliards d'euros en 2023, dont 60 % pour la PAC. La France n'est que le 22e bénéficiaire par habitant. Est-ce satisfaisant ? Non, nous devons faire mieux, notamment sur Horizon Europe.

L'Europe a-t-elle les moyens de son ambition ? Les défis sont immenses. Un budget limité, assis sur les contributions nationales, est une impasse. Le rapport Draghi le dit : il faut un choc d'investissement, financé par des ressources autonomes. L'extension du marché carbone européen, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et la taxation des multinationales sont des solutions concrètes, mais donc l'adoption est bloquée par la logique d'examen par paquets.

Il faut aussi un nouvel emprunt européen, reposant sur des ressources propres pérennes, pour financer la défense européenne, des infrastructures décarbonées, les transports du quotidien, etc. Nous défendons une Europe qui prend son destin en main et qui investit pour créer des actifs durables et renforcer sa souveraineté.

Nous sommes à un moment charnière. Alors que les États-Unis et la Chine avancent à grands pas, l'Europe reste empêtrée par ses limitations financières. Notre capacité à construire un avenir prospère est menacée.

La révision du cadre financier pluriannuel a conduit à une augmentation de notre contribution, mais nos budgets nationaux ne peuvent tout porter.

Le groupe SER votera cet article 40, mais appelle à un sursaut pour une Europe écologique, souveraine, compétitive et protectrice. Tels sont les enjeux du cadre financier pluriannuel présenté en 2025.

À nous parlementaires de faire en sorte que l'Europe soit toujours un moteur de paix, une force de progrès et un espace de prospérité partagée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La participation de la France au budget de l'Union européenne en 2025 est en hausse de 4,79 % par rapport à 2024. Cela s'explique par la reprise des paiements de cohésion et par la faible augmentation des ressources propres traditionnelles. Notre contribution devrait augmenter plus fortement en 2026 et 2027, notamment au titre du financement de Next Generation EU.

La France est toujours la deuxième contributrice au budget de l'Union européenne, derrière l'Allemagne. N'oublions pas ce que l'Union nous apporte, directement et indirectement. L'Union n'a jamais été une option, elle l'est de moins en moins.

Nous devons lui donner les moyens de répondre aux enjeux de transition, de défense, d'innovation, etc. Plus que jamais, l'Union européenne doit être solidaire et puissante.

Des chantiers sont devant nous : la rationalisation des instruments existants, la révision du prochain cadre financier pluriannuel, la création de nouvelles ressources propres.

Mais l'Union européenne doit aussi se penser et se considérer comme puissance, les conflits en cours à nos portes nous y obligent. Si nous n'acceptons pas de contribuer, quels Européens décidons-nous d'être ?

Nous devons suivre les recommandations de Mario Draghi et d'Enrico Letta : démocratie, marché commun, climat, défense, autonomie stratégique. Comme Julia Kristeva, je pense que sans l'Europe, ce sera le chaos. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Michel Masset applaudit également.)

M. Alain Cadec .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Avec un transfert de plus de 23 milliards d'euros, auquel il faudra ajouter au moins 2 milliards de ressources propres traditionnelles, notre contribution au budget de l'Union européenne sera de près de 26 milliards d'euros l'an prochain. C'est considérable : 7 % des recettes fiscales nettes de l'État. Ce serait l'une des missions budgétaires les mieux dotées.

Si l'on tient compte des retours, le solde passe sous la barre des 10 milliards d'euros. N'oublions pas que nous bénéficions également d'au moins120 milliards grâce au marché unique, soit 4 points de PIB !

Ce transfert est un geste financier fort auquel nous souscrirons en votant l'article 40. C'est aussi un engagement politique sans équivoque.

Car face à la menace russe, à la concurrence chinoise et à la prise de distance des États-Unis, l'Europe est la bonne échelle pour relever les défis du temps. Pour cela, elle devra voir le monde tel qu'il se dessine et livrer des batailles, notamment économiques. Enrico Letta et Mario Draghi l'ont rappelé : l'Europe doit accélérer sa transformation économique, face notamment aux politiques commerciales agressives chinoise et américaine. L'Union européenne doit intégrer de nouveaux concepts comme celui de la réciprocité -  voyez l'exemple douloureux de l'accord UE-Mercosur.

La performance des entreprises passe par l'efficacité réglementaire et la retenue bureaucratique. Elle passe aussi par des prix de l'énergie maîtrisés -  avec une réforme du marché de l'électricité et le soutien à la filière nucléaire. Des réformes fondamentales devront être mises en oeuvre, mais seront insuffisantes si l'Europe n'investit pas massivement et vaines si les technologies de demain ne sont pas soutenues.

Les besoins financiers colossaux relancent le débat sur la taille de budgets européens et surtout sur l'emprunt. Mais comment s'engager plus avant, alors que seulement un tiers des fonds de relance post-covid ont été consommés et que le financement du plan Next Generation EU n'est toujours pas bouclé ?

La question des nouvelles ressources propres reste en suspens. Certes la commission a fait des propositions en 2021 et 2023, mais les divergences entre États membres sont fortes. Or chaque jour la question devient plus urgente. Le remboursement du principal de l'emprunt européen commencera dans trois ans. Il faudra alors trouver a minima 15 milliards d'euros supplémentaires chaque année. Sans nouvelles ressources propres, cela se traduira par un ressaut de la contribution française de 2 milliards d'euros. Nous devons donc aboutir sur les nouvelles ressources propres et mettre en place l'union des marchés des capitaux pour mobiliser l'épargne inexploitée.

Nous devons aussi exiger la fin des rabais financés par la France à hauteur de 1,4 milliard d'euros par an, au bénéfice d'États membres plus riches qu'elle. Les retombées des politiques communautaires sur le territoire français sont passées de 17 % il y a une vingtaine d'années à 11,5 %. Certes, l'Europe s'est élargie, mais il existe des gisements financiers sous-utilisés, que nous devons capter, car l'efficacité doit être le maître-mot de la France comme de l'Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Georges Patient .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Pour 2025, la contribution française à l'Union européenne sera de 23,3 milliards d'euros, en augmentation de 1,7 milliard d'euros par rapport à 2024.

La France est le deuxième contributeur, mais surtout le premier bénéficiaire en volume des financements de l'Union européenne, pour 16,5 milliards d'euros dont 9,5 milliards au titre de la PAC.

La contribution française nette à l'Union européenne sera de plus de 7 milliards d'euros l'année prochaine. S'y ajoutent 2 milliards d'euros issus des ressources propres traditionnelles -  principalement les droits de douane  - ce qui porte la contribution nette totale à 9 milliards d'euros.

Le prélèvement sur recettes augmentera significativement en 2026, à 30,4 milliards d'euros, et en 2027, à 32,4 milliards d'euros ; il faut donc impérativement prévoir de nouvelles ressources propres, notamment pour rembourser l'engagement de la France au titre de l'emprunt NextGenerationEU qui avoisine les 75 milliards d'euros.

En 2023, la Commission européenne a proposé plusieurs mécanismes pour un financement durable : 30 % des recettes du système européen d'échanges de quotas de CO2 ; un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, pour 1,5 milliard d'euros annuels, et la taxation des bénéfices des multinationales, pour 2,5 à 4 milliards d'euros annuels. La commission propose aussi une ressource temporaire assise sur l'excédent brut d'exploitation des entreprises, pour 16 milliards d'euros annuels entre 2028 et 2030.

Le RDPI sera attentif à ce que nous nous accordions sur de nouvelles ressources propres et votera bien sûr l'article 40. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Pour 2025, notre prélèvement sur recettes s'établit à 23,3 milliards d'euros.

La relance économique post-covid a conduit les États membres à lancer le plan NextGenerationEU, doté de 750 milliards d'euros. Mais son remboursement ne doit pas peser sur les États membres : cherchons plutôt de nouvelles ressources propres. Le RDSE propose ainsi de taxer le carbone et les géants du numérique.

Le soutien européen à l'Ukraine nous a conduits à financer notre indépendance énergétique vis-à-vis du gaz russe.

L'Assemblée nationale a rejeté cet article 40. Le Sénat va l'adopter, mais cela ne doit pas nous exonérer d'une réflexion sur l'état de l'Union européenne et ses perspectives d'évolution. Face à la défiance, renforcer le parlementarisme européen est indispensable pour légitimer les nouvelles dépenses européennes. Le renforcement de notre souveraineté politique et budgétaire est urgent au regard de l'actualité américaine : saurons-nous nous défendre sans l'aide des États-Unis ?

Selon la Commission européenne, le défi climatique va nous imposer 3 600 milliards d'euros d'investissements d'ici à 2050. Pour être soutenables, cet effort doit être mutualisé.

La France bénéficie de son adhésion à l'Union européenne. Sans la PAC, notre agriculture n'aurait pu faire sa mue pour la transition écologique ni relever les nouveaux défis.

La contribution française renforce notre capacité à faire face aux enjeux contemporains. Le RDSE votera très majoritairement l'article 40. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Frédéric Buval applaudit également.)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Je vous remercie pour la qualité de nos échanges.

Notre contribution au budget européen est un enjeu d'influence dans les débats budgétaires européens, à la veille de la négociation d'un nouveau cadre financier pluriannuel. Vous avez rappelé les priorités qu'y portera la France, dans un contexte marqué par l'agression de l'Ukraine par la Russie, les élections américaines, les enjeux d'investissements du rapport Draghi, entre autres. Voter ce prélèvement sur recettes, c'est continuer à porter la voix de la France.

Vous avez été nombreux à souligner la contribution nette de la France au budget de l'Union européenne. MM. Rapin et Patient ont aussi rappelé que la France est le deuxième bénéficiaire des fonds européens : NextGenerationEU bénéficie à nos territoires et la PAC à nos agriculteurs.

Messieurs Fernique et Cadec, on ne peut pas avoir une approche purement transactionnelle de cette contribution. Le budget de l'Union européenne n'est pas un bilan comptable avec des entrées et des sorties. Les bénéfices pour nos entreprises, nos agriculteurs, dépassent largement les subventions, sans parler des étudiants et des touristes.

L'augmentation du prélèvement sur recettes pour 2025 n'est pas une surprise, car elle s'inscrit dans la trajectoire du cadre financier pluriannuel, mais elle s'explique par des retards de décaissement du fonds de cohésion. Il y a un effet de rattrapage.

Monsieur le président Rapin, vous avez évoqué l'amélioration de la mobilisation des fonds européens - la maximisation des retours, en langage technocratique. Oui, nous sommes sous-performants, notamment sur la recherche et l'outre-mer. Notre responsabilité est collective : nous devons mieux communiquer sur ces dispositifs et accompagner les acteurs.

Sur la recherche, on constate un biais culturel, un déficit de communication et un manque de coordination entre les centres de recherche et les entreprises. Nous avons l'occasion de solliciter davantage de fonds européens. Patrick Hetzel et moi-même réunirons les acteurs dès le début de l'année 2025 pour élaborer une stratégie. Il en ira de même pour l'outre-mer. Allons chercher l'argent de Bruxelles, là où il est !

La France plaide pour le développement de nouvelles ressources propres, pour rembourser NextGenerationEU, mais aussi pour faire face aux nouvelles priorités européennes -  le rapport Draghi évoque un déficit d'investissement de 800 milliards d'euros sur le continent, qui nécessitera des fonds privés et publics.

Le Président de la République a évoqué plusieurs pistes de nouvelles ressources propres, dans son discours Sorbonne II : taxation des transactions financières, taxe carbone aux frontières, entre autres. Reste à établir un consensus avec nos partenaires.

Le cadre financier pluriannuel sera l'occasion de faire entendre nos priorités : augmentation des moyens pour l'Europe de la défense, émergence d'une Europe puissance sur le plan commercial, soutien à l'innovation, etc.

La France bénéficie de son appartenance à l'Union européenne et elle est plus forte lorsqu'elle est influente en Europe.

Le Brexit a été évoqué : en entrant dans une logique transactionnelle, on glisse vers une politique du rabais, jusqu'à la sortie de l'Union européenne, avec les conséquences économiques et diplomatiques que l'on sait. Le Royaume-Uni est aujourd'hui appauvri et isolé.

Le Gouvernement est mobilisé pour défendre l'influence française à Bruxelles.

Mme la présidente.  - Amendement n°I-566 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Nous souhaitons réduire la contribution de la France à l'Union européenne, de 23 à 18 milliards d'euros. Notre pays est le dernier grand contributeur net à ne bénéficier d'aucun rabais, contrairement à l'Allemagne et aux Pays-Bas. C'est incompréhensible, surtout en ces temps de crise budgétaire.

Pis, cette contribution a vocation à augmenter -  plus de 30 milliards d'euros en 2027. Il faut stopper la folie de l'Union européenne ! Et comme l'Union européenne ne comprend que la force, il faut envoyer un signal fort à Bruxelles. L'Union européenne doit apprendre à faire mieux avec moins, en se recentrant sur ses missions premières.

Cet ajustement financier financerait nos priorités nationales, comme la réduction de la dette.

Mme la présidente.  - Amendement n°I-172 de Mme Goulet.

Mme Nathalie Goulet.  - Je suis bien ennuyée que mon amendement soit en discussion commune avec le précédent : les deux n'ont pas grand-chose à voir. Sur l'Union européenne, je partage ce qu'a dit Olivier Henno.

Monsieur le ministre, rien n'y fait : ni les rappels de Gérald Darmanin, ni les travaux de Nathalie Loiseau ou de François-Xavier Bellamy, ni mes rappels au règlement, interventions à la tribune ou questions d'actualité. Les financements européens au profit d'entités liées aux Frères musulmans ou à l'islam radical se poursuivent, dans une opacité parfaite.

J'ai fouillé dans le budget de l'Union européenne, et c'est affolant ! On finance l'université islamiste de Skopje ou des associations qui promeuvent le port du voile et l'antisémitisme. Alors qu'hier vous étiez au Crif pour lutter contre l'antisémitisme, des No-Jew Zones font leur apparition à Berlin !

Il faut arrêter de financer les ennemis de la République au nom de la diversité. C'est pourquoi je propose de baisser la contribution française de 80 millions d'euros, jusqu'à ce que l'Europe entende raison.

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial.  - Monsieur Hochart, un rabais ne se décide pas tout seul ! Cela se négocie, sinon c'est un coup d'État. (M. Joshua Hochart ironise.) Avis défavorable.

Madame Goulet, je suis d'accord : l'argent européen ne doit pas financer de structures liées à l'islam radical. Mais il s'agit ici d'un exercice budgétaire : votre amendement réduirait unilatéralement notre contribution à l'Union européenne, ce qui ne serait pas acceptable dans un État de droit. Retrait ?

M. Benjamin Haddad, ministre délégué.  - Je partage les arguments du rapporteur spécial sur les deux amendements.

Madame Goulet, je vous remercie pour votre combat. Avec Bruno Retailleau, nous nous sommes engagés pour demander l'arrêt des financements en direction de l'université de Gaziantep.

L'Union européenne est une union des valeurs : les fonds européens n'ont pas à soutenir des organisations liées à l'islam radical, aux Frères musulmans ou qui prônent l'antisémitisme. Nathalie Loiseau et François-Xavier Bellamy ont permis de mettre fin à un certain nombre de financements et je les en remercie. Nous serons intraitables pour défendre nos valeurs.

Avis défavorable aux deux amendements, pour les raisons comptables indiquées par le rapporteur spécial.

L'amendement n°I-566 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°I-172.

À la demande du RDPI, l'article 40 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°79 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 322
Contre   21

L'article 40 est adopté.

Discussion des articles de la première partie

L'article 1er est adopté.

Après l'article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°I-1930 rectifié bis de M. Sautarel et alii.

M. Stéphane Sautarel.  - On compte 474 dispositifs de dépenses fiscales dans le PLF 2025, pour plus de 85 milliards d'euros. Ces niches sont sous-estimées : certaines ont été déclassées depuis 2006 et elles sont mal évaluées. Alors que l'inspection générale des finances (IGF) avait pointé leur faible efficacité en 2011, elles ont toutes été maintenues, faute de volonté politique.

Je propose d'en supprimer 40, dont le fait générateur est éteint, pour 351 millions d'euros.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis du Gouvernement ? Ce n'est pas aussi simple qu'il y paraît. Certes, le fait générateur est éteint, mais certaines peuvent avoir encore des effets. Attention à ne pas faire plus de mal que de bien.

M. Antoine Armand, ministre.  - Votre intention est louable. J'ai là le rapport 2025 sur les dépenses fiscales. (L'orateur brandit le rapport.)

Oui, elles sont nombreuses et insuffisamment évaluées, c'est pourquoi je vous proposerai d'y travailler dans les prochains mois. Mais ce n'est pas parce que le fait générateur est éteint que la dépense fiscale ne produit plus d'effets.

De plus, supprimer une dépense fiscale, ce n'est pas supprimer une dépense publique, c'est augmenter un impôt.

Retrait, sinon avis défavorable.

M. Stéphane Sautarel.  - Merci au rapporteur général pour sa bienveillance. La réponse du ministre ne me surprend pas ; il s'agissait d'un amendement d'appel.

Cela dit, chaque année, nous nous donnons rendez-vous l'année prochaine... Faisons une vraie revue de ces dépenses fiscales, dont la suppression aura un effet sur le solde public.

Un autre amendement, déclaré irrecevable, visait à limiter les dépenses fiscales dans la durée, car il est étrange de s'interroger sur la pertinence d'une mesure dix-huit ans après son adoption...

L'amendement n°I-1930 rectifié bis est retiré.

Article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°I-1666 de M. Grégory Blanc et du GEST.

M. Grégory Blanc.  - Avec la fin de la crise du covid et de la crise inflationniste, nous entrons dans un nouveau cycle : nous allons devoir rembourser. D'où une hausse de la fiscalité, que l'on constate dans tous les pays occidentaux. Le débat est le suivant : qui paie ? Selon quelle justice ?

À nos yeux, l'impôt sur le revenu est le plus juste, même s'il est perfectible. Nous proposons de créer quatorze tranches, avec une progressivité plus forte pour épargner les classes populaires.

Chacun doit avoir le sentiment de payer de manière juste et progressive, dans un objectif de renforcement la cohésion sociale.

Mme la présidente.  - Amendement n°I-652 rectifié de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.

M. Pascal Savoldelli.  - Monsieur le ministre, avec M. Laurent Saint-Martin, vous nous avez appelés à un effort de redressement, partagé.

On vous prend au mot : sur qui faire porter l'effort ? Sans caricature.

Nous baissons l'impôt des contribuables gagnant moins de 60 000 euros annuels et augmentons celui des autres, selon un barème à dix tranches Ainsi, plus de 26 millions de foyers fiscaux seront gagnants, car nous demanderons plus d'efforts aux 14 % des foyers qui gagnent la moitié des revenus. Nombre de travailleurs au Smic aimeraient gagner 60 000 euros...

Nous voulons mettre fin à la troisième tranche fleuve, qui regroupe les revenus compris entre 29 000 et 83 000 euros. Comment accepter que l'imposition soit de 30 % pour tous ces revenus ?

Voilà une proposition responsable... et acceptable.

Mme la présidente.  - Amendement n°I-902 de M. Cozic et du groupe SER.

M. Thierry Cozic.  - Le débat est lancé !

Nous proposons d'instaurer un barème en dix tranches, pour une réelle progressivité de la contribution citoyenne.

La dégressivité de notre système fiscal est bien documentée : en témoignent les travaux de Thomas Piketty et le rapport « Quels impôts les milliardaires paient-ils ? » de l'Institut des politiques publiques. Ils soulignent une injustice flagrante, car les impôts proportionnels - cotisations sociales ou CSG - pèsent beaucoup plus lourdement sur les salaires modestes.

L'échec de la politique de l'offre menée depuis 2017 a créé un fossé socio-économique : les milliardaires ne s'acquittent que de 2 % sur leurs revenus économiques, tandis que les contribuables ordinaires acquittent en moyenne un impôt à hauteur de 50 % de leurs revenus.

Une réforme s'impose, pour rétablir l'équité fiscale et garantir la justice sociale.

Mme la présidente.  - Amendement n°I-653 de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.

M. Pierre Barros.  - Comme chaque année, le barème de l'impôt sur le revenu est revalorisé à hauteur de l'inflation. Cette indexation concerne toutes les tranches - c'est égal -, mais les plus aisés en profitent davantage -  ce n'est pas équitable. Le seuil d'imposition de la première tranche est décalé de 226 euros ; celui de la dernière, de 3 542 euros...

Cette injustice est scandaleuse. Nous proposons de récupérer une partie des 3,27 milliards d'euros de pertes de recettes.

Mme la présidente.  - Amendement n°I-913 rectifié de M. Cozic et du groupe SER.

M. Thierry Cozic.  - Il s'agit de l'une de nos vingt propositions de recettes : la désindexation des deux tranches les plus élevées du barème de l'impôt sur le revenu.

Selon l'Insee, moins de 1 % des Français sont concernés par ces très hauts revenus, et ils bénéficient déjà de maintes mesures avantageuses. Leur demander un effort supplémentaire n'est pas déraisonnable, après sept ans de cadeaux fiscaux macronistes. Selon le simulateur Lex Impact, cela rapporterait 200 millions d'euros, sans impact sur 99,99 % des contribuables. Ceux qui seront touchés s'acquitteront d'au plus 322 euros supplémentaires, soit moins de 0,2 % de leur revenu fiscal.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°I-1095 rectifié de Mme Pantel et alii.

M. Jean-Yves Roux.  - Nous voulons nous aussi améliorer la progressivité de l'impôt sur le revenu, en supprimant l'indexation sur l'inflation des deux tranches les plus élevées du barème, qui concernent 2 % des contribuables.

C'est un amendement de bon sens : les plus hauts revenus doivent contribuer davantage à l'effort pour redresser nos finances publiques, pour 200 millions d'euros.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°I-1433 rectifié de M. Buval et alii.

M. Bernard Buis.  - Il a été excellemment défendu !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Pas de suspense : avis défavorable.

Plus de 70 % du produit de l'impôt sur le revenu pèse sur 10 % des Français. Le PLF contient en outre une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.

Rappelons que la France a déjà le niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé d'Europe. Pierre Moscovici, alors ministre, dénonçait un ras-le-bol fiscal. Restons prudents, les cendres sont encore chaudes...

M. Antoine Armand, ministre.  - Le débat sur l'impôt sur le revenu est intéressant. Le rapporteur général l'a dit : 10 % des Français paient 75 % de l'impôt sur le revenu.

Les premiers amendements risquent d'être censurés par le Conseil constitutionnel, car on s'approche de la confiscation fiscale.

Cela dit, au-delà du taux facial, c'est la multiplication des niches qui conduit à ce que les plus riches paient moins d'impôts que les plus modestes en pourcentage de leurs revenus.

Le Gouvernement a choisi de ne pas taxer le travail. Imposer aussi lourdement le travail des Français, à la limite du confiscatoire, revient à sortir de la logique d'équité, alors que l'impôt est déjà très progressif.

Avis défavorable à tous les amendements.

M. Grégory Blanc.  - L'an dernier, le dogme, c'était la stabilité fiscale, parce qu'il fallait de la visibilité pour les acteurs économiques. Oui, il faut de la visibilité, mais avec sérieux !

À juste titre, l'État est intervenu au moment de la crise du covid et de la crise de l'inflation. Maintenant, il faut rembourser. Vous dites que vous allez taper la sécurité sociale, que vous allez mettre à contribution les riches ou les entreprises qui gagnent le plus, de manière symbolique. Et vous mettez l'accent sur la baisse de la dépense. Mais soyons sérieux : la hausse de la fiscalité est inévitable ! Beaucoup parlent d'ailleurs déjà de la hausse de la TVA...

Les baisses d'impôts coûtent 50 à 60 milliards d'euros par an. On a soutenu les entreprises pendant les crises. Et la hausse de la fiscalité ensuite, pour qui ? Une hausse de la TVA ce sera une hausse de la fiscalité pour tous, alors que la progressivité conduit à une juste répartition de l'effort.

L'impôt sur le revenu, c'est une déclaration fiscale remplie par tous. Il faut davantage de progressivité.

M. Thierry Cozic.  - Je note la constance des propos : l'impôt sur le revenu est payé à 75 % par 10 % des foyers les plus riches, d'après le ministre. Mais la progressivité n'est pas là ! La TVA, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la taxe foncière ne sont pas des impôts progressifs, mais régressifs. Plus les gens sont modestes, plus la TVA pèse dans leurs revenus !

Pascal Savoldelli l'a dit : on a, au milieu du barème, une tranche pour les revenus de 29 000 euros à 84 000 euros. Où est la redistribution ?

Le Gouvernement dit que l'impôt sur le revenu est redistributif et progressif, mais entre 2017 et 2023 le rendement de la TVA a progressé de 36,8 %, quand les recettes de l'impôt sur le revenu n'ont augmenté que de 23 %. On a donc pris davantage d'argent dans la poche des Français qui paient la TVA que dans celle de ceux qui paient l'impôt sur le revenu !

M. Pascal Savoldelli.  - J'espérais que le rapporteur général et le ministre allaient chiffrer le coût de nos amendements -  M. Cazenave l'avait fait en son temps. Le rapporteur général avait refusé tous les amendements ayant trait à la progressivité, avec la même cohérence.

Monsieur le ministre, ne le prenez pas mal, mais il faut être cohérent. L'année dernière, sur la loi Immigration, le Gouvernement a déposé des amendements qu'il savait anticonstitutionnels. Alors, ne nous sortez pas l'argument de l'anticonstitutionnalité !

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

M. Pascal Savoldelli.  - Des millions de gens voudraient payer l'impôt, mais ne le peuvent pas, alors qu'ils travaillent. Je ne pensais pas qu'un jour on aurait une discussion sur une catégorie de Français qu'on appelle désormais les bas salaires.

L'amendement noI-1666 n'est pas adopté, non plus que les amendements nosI-652 rectifié, I-902, I-653, I-913 rectifié, I-1095 rectifié et I-1433 rectifié.

L'article 2 est adopté.

Modifications de l'ordre du jour

Mme la présidente.  - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l'inscription par priorité : en premier point de l'ordre du jour du mercredi 4 décembre, de la lecture, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la CMP sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 ; en avant-dernier point de l'ordre du jour du jeudi 5 décembre, de la lecture, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la CMP sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ; en dernier point de l'ordre du jour du jeudi 12 décembre, de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à prolonger la dérogation d'usage des titres-restaurants pour tout produit alimentaire ; en deuxième point de l'ordre du jour du mercredi 18 décembre, de la lecture, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la CMP sur le projet de loi de finances pour 2025.

Acte en est donné.

La séance est suspendue à 20 h 10.

Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président

La séance reprend à 21 h 40.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Bernard Buis.  - Au scrutin public n°63, Jean-Baptiste Lemoyne souhaitait voter contre.

Acte en est donné.

Projet de loi de finances pour 2025 (Suite)

Discussion des articles de la première partie (Suite)

Après l'article 2

M. le président.  - Amendement n°I-654 de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.

M. Pascal Savoldelli.  - Cet amendement prévoit que les exilés fiscaux soient assujettis à l'impôt quand ils rejoignent des paradis fiscaux. S'agissant d'un amendement récurrent (Mme Nathalie Goulet renchérit.), je réaffirme au rapporteur général notre attachement au principe de la résidence fiscale et notre rejet d'une imposition fondée sur la nationalité. La clause anti-abus que représente cet amendement ne remet pas en cause ce principe.

La loi suédoise prévoit que les contribuables restent dans le champ d'application de l'impôt pour dix ans, quel que soit leur lieu de résidence. Notre mesure est donc compatible avec le droit européen.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable, comme précédemment.

Vous introduisez un critère de nationalité dans la détermination de l'impôt, alors que notre système fiscal s'appuie sur la résidence. Il est assez ironique de voir des sénateurs communistes s'inspirer du système en vigueur aux États-Unis ! (M. Mathieu Darnaud s'en amuse.)

M. Pascal Savoldelli.  - C'est faux !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Votre dispositif est inopérant pour trois raisons. Premièrement, il ne s'appliquerait pas dans les 130 pays avec lesquels nous avons des conventions fiscales. Deuxièmement, les modèles d'imposition varient considérablement selon les États. Troisièmement, il pénaliserait excessivement les binationaux. Comment les traiteriez-vous ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis, pour les mêmes raisons. N'introduisons pas la nationalité dans le système fiscal. Dans les deux pays où c'est le cas, les États-Unis et l'Érythrée, les binationaux sont pénalisés. Cela soulève aussi des problèmes de constitutionnalité.

Pour lutter contre la fraude, je vous invite à vous intéresser à l'amendement de Mme Goulet sur la durée de la reprise fiscale.

Mme Nathalie Goulet.  - On discute depuis des années de la définition des paradis fiscaux. On ne peut se satisfaire de la seule signature de conventions pour sortir des pays de la liste noire. Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour ! Or signer une convention ne signifie pas qu'on va l'appliquer : des exemples européens le montrent, comme la Suisse ou le Luxembourg.

M. Pascal Savoldelli.  - Monsieur le rapporteur général, vous avez été véhément !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Mais non ! (Sourires)

M. Pascal Savoldelli.  - Il ne s'agissait pas de fonder une imposition sur la nationalité, mais d'élargir la notion de résidence fiscale, pour créer une clause anti-abus.

Les expatriés qui travaillent et perçoivent des revenus de source étrangère ne seraient pas imposés dans le cadre de cet amendement.

Ne laissons pas les paradis fiscaux alimenter la fraude !

L'amendement n°I-654 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-892 rectifié ter de M. Iacovelli et alii.

M. Xavier Iacovelli.  - Cet amendement et le suivant s'inspirent du rapport que j'ai rédigé à la demande de Gabriel Attal sur les pensions alimentaires. Ils visent à défiscaliser les pensions alimentaires, aux trois quarts perçues par les mères, et supprimer l'avantage fiscal du parent qui les verse, qui peut pour l'instant les déduire de ses revenus.

C'est une mesure de justice fiscale, nécessaire pour les familles monoparentales. Selon l'Insee, en 2018, 41 % des enfants vivant dans ces familles se trouvaient sous le seuil de pauvreté. Protégeons mieux ces familles vulnérables.

M. le président.  - Amendement n°I-451 rectifié ter de M. Iacovelli et alii.

M. Xavier Iacovelli.  - Il s'agit d'un amendement de repli. Près de 35 % de familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté. Le taux de pauvreté des enfants vivant seuls avec leur mère est de 46 %.

Nous proposons, pour l'exercice 2025, que le montant de la pension alimentaire soit réintégré dans le calcul de l'impôt sur le revenu du parent verseur et défiscalisé pour le parent qui la reçoit, avec un plafond de 4 000 euros par enfant et de 12 000 euros par an.

M. le président.  - Amendement n°I-655 de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.

M. Pierre Barros.  - Selon des données de l'Insee de 2015, le montant moyen de la pension alimentaire plafonne à 170 euros, alors que les besoins s'élèvent à 625 euros. Les bénéficiaires de pensions alimentaires doivent pouvoir profiter d'une défiscalisation.

Trop de pensions alimentaires ne sont pas payées. Selon l'agence de recouvrement des pensions alimentaires impayées, le préjudice s'élève à 180 millions d'euros par an.

M. le président.  - Sous-amendement n°I-2222 de M. Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli.  - Ce sous-amendement complète le dispositif en équilibrant fiscalement les demi-parts par enfant.

M. le président.  - Amendement n°I-1523 rectifié bis de M. Rochette et alii.

M. Emmanuel Capus.  - Supprimons la possibilité de déduire de l'impôt sur le revenu les pensions alimentaires versées à l'étranger.

M. le président.  - Amendement n°I-616 rectifié de M. Durox et alii.

M. Joshua Hochart.  - Réservons l'avantage fiscal lié aux pensions alimentaires aux pensions versées en France. Les fonds contribueraient ainsi à l'économie nationale. On réduit en outre la possibilité d'abus et de détournements fiscaux.

En septembre 2023, Gabriel Attal, alors ministre des comptes publics, révélait l'existence de 300 dossiers de retraites non conformes à Alger, sur seulement 1 000 contrôles effectués.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Retrait, sinon avis défavorable.

Ces amendements ne touchent pas leur cible. Les ménages modestes qui perçoivent des pensions alimentaires ne sont pas imposables.

Concernant les amendements nosI-1523 rectifié bis et 616 rectifié, on imposerait différemment en fonction du choix de lieu de résidence des bénéficiaires. Ce n'est ni équitable ni constitutionnel.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis. Si je comprends la philosophie qui sous-tend les premiers amendements, le système du quotient familial constitue déjà une forme d'équilibre.

Ce que vous proposez créerait des inégalités. Une personne gagnant 24 000 euros serait imposée, quand une autre qui en gagnerait 20 000 auxquels s'ajouteraient 4 000 euros de pension alimentaire ne le serait pas. La pension alimentaire deviendrait donc un avantage fiscal.

M. Xavier Iacovelli.  - Il faut systématiser le prélèvement à la source des pensions alimentaires. En nous inspirant du modèle québécois, nous évitons l'organisation de l'insolvabilité du parent non gardien. La contribution moyenne par enfant s'élève à 196 euros. Ainsi, certains dépassent un palier, deviennent imposables et se voient supprimer des allocations. Au moment de la séparation, le parent gardien perd 25 % de son pouvoir d'achat, et ce sont souvent des femmes.

Il faut travailler sur les montants et barèmes des pensions alimentaires, objet de mes amendements. Nous pourrions compenser par des demi-parts égalitaires pour les deux parents, ce qui constituerait une incitation à verser ces pensions alimentaires.

L'amendement n°I-892 rectifié ter n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°I-451 rectifié ter, le sous-amendement n°I-2222 et l'amendement n°I-655.

L'amendement n°I-1523 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°I-616 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-676 de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.

M. Pascal Savoldelli.  - Cet amendement répare une injustice fiscale liée à la prestation compensatoire. Les femmes travaillent gratuitement au service du foyer, au détriment de leur carrière professionnelle : elles effectuent 71 % du travail domestique, 65 % du travail familial. Repensons donc les mécanismes de réduction des inégalités.

En 2000, le régime fiscal de la prestation compensatoire fait que si le capital est libéré en numéraire sur une période supérieure à douze mois, le débiteur, l'homme, perçoit une déduction d'impôts illimitée. Quand le versement traîne, l'ex-conjoint n'est pas imposable. Le système actuel est donc une invitation à différer le versement de la prestation compensatoire, c'est la double peine du divorce. Mettons fin à cette violence économique. Prévoyons donc une déduction plus large.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Je sollicite l'avis du Gouvernement. Je suppute un problème d'égalité devant l'impôt.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - C'est un sujet complexe dont nous avons débattu à l'Assemblée nationale avec la députée Marie-Pierre Rixain. Avis défavorable.

Le dispositif actuel vise déjà à raccourcir les délais de versement. Aucun motif d'intérêt général ne justifie de déroger au principe d'égalité devant l'impôt. Je me suis engagé à travailler sur ce dispositif. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Pascal Savoldelli.  - Merci au ministre pour son écoute. Cette situation est très complexe. Je ne doute pas de votre engagement, mais je maintiendrai mon amendement. Ce dispositif incite les ex-conjoints à faire de la rétention des sommes dues.

Acter un vote sur cet amendement assure que l'on y retravaillera.

L'amendement n°I-676 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-62 rectifié bis de Mme Nathalie Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Le rapport de l'Igas sur les affections de longue durée (ALD) indique un coût de 12 milliards d'euros, dont 0,6 milliard d'exonérations fiscales prévues à l'article 80 quinquies du code général des impôts pour les indemnités versées pour un accident du travail et pour une ALD. Pourquoi une telle défiscalisation ? Ce sont des revenus de remplacement. Supprimons ces dispositions.

M. le président.  - Amendement n°I-136 rectifié bis de Mme Nathalie Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Amendement de repli.

M. le président.  - Amendement n°I-1867 rectifié bis de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable. Vous souhaitez supprimer en bloc trois dépenses fiscales : l'exonération des indemnités journalières au titre des ALD, l'exonération partielle des indemnités temporaires versées aux victimes d'accidents du travail et l'exonération des prestations et rentes viagères servies aux victimes d'accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Votre amendement omet ces deux derniers points.

L'objectif de simplification est disproportionné. Ces dispositifs, encore non évalués, sont utiles pour les personnes précaires. Il faut retravailler votre proposition. On en reparle au prochain PLF ? Retrait, sinon avis défavorable.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Pour les victimes d'AT-MP, cette exonération est une forme de compensation du préjudice extrapatrimonial. Quant aux personnes en ALD, elles supportent des frais médicaux élevés, alors que leurs revenus d'activité sont en baisse. De plus, vous supprimez ces niches pour les seuls salariés. Or nos efforts tendent à traiter salariés et non-salariés de la même façon. Avis défavorable.

L'amendement n°I-62 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nosI-136 rectifié bis et I-1867 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n° I-556 rectifié de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Cet amendement supprime la niche fiscale des journalistes, qui apparaît injustifiée dans le contexte économique actuel. Vue comme une injustice, elle vient d'une autre époque, alors que de nombreux Français ne parviennent pas à boucler leurs fins de mois.

M. le président.  - Amendement n°I-615 rectifié de M. Durox.

M. Joshua Hochart.  - Il s'agit de supprimer la niche fiscale des conseillers régionaux.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable. Pourquoi supprimer les indemnités de fonction des conseillers régionaux ? Je ne vois pas ce qui justifie de les stigmatiser. Soyons solidaires des 500 000 élus locaux. Évitons le dégagisme... La démocratie repose sur eux.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis.

M. Joshua Hochart.  - Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Je ne stigmatise personne, mais veux juste plus d'égalité. Le maire d'une petite commune ne touche que 600 euros par mois !

L'amendement n°I-556 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°I-615 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°I-1846 rectifié de M. Canévet et alii.

L'amendement n°I-1846 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-98 rectifié de Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet.  - Il s'agit de soumettre à l'impôt sur le revenu les indemnités de fin de contrat de travail, qu'il s'agisse d'un licenciement ou d'une rupture conventionnelle.

Je reviens aussi sur le rapport de l'Igas sur les ALD : pourquoi ne pas suivre ses préconisations ?

M. le président.  - Amendement n°I-1983 rectifié de Mmes Puissat et Lavarde.

Mme Christine Lavarde.  - Cet amendement exonère de l'impôt sur le revenu l'indemnité versée au salarié lorsque la décision de validation ou d'homologation par l'autorité administrative d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) est annulée par le tribunal administratif.

M. le président.  - Amendement n°I-1845 rectifié de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Il s'agit de soumettre à l'impôt sur le revenu les indemnités reçues par les salariés en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Je demande le retrait de l'amendement n°I-98 rectifié. Il s'agit non pas d'une d'indemnité liée à une rupture unilatérale du salarié, mais à une rupture subie, et les montants restent limités.

Demande de retrait de l'amendement n°I-1845 rectifié de M. Canévet. Cette exonération n'est ni inconditionnelle ni illimitée. Vous retirez à la rupture conventionnelle son caractère incitatif. Cela crée aussi une différence de traitement avec les indemnités de licenciement.

Avis favorable à l'amendement n°I-1983 rectifié de Mme Puissat, par symétrie avec les indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cet amendement a été adopté à l'Assemblée nationale.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis. L'exonération est justifiée pour la rupture conventionnelle. Avis favorable à l'amendement de Mme Puissat.

L'amendement n°I-98 rectifié est retiré, de même que l'amendement n°I-1845 rectifié.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Je lève le gage pour l'amendement n°I-1983 rectifié.

Mme la présidente.  - L'amendement devient l'amendement n°I-1983 rectifié bis.

L'amendement n°I-1983 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°I-1615 de M. Delahaye.

M. Vincent Delahaye.  - Il s'agit de supprimer l'exonération d'impôt sur le revenu pour l'indemnité de résidence allouée aux fonctionnaires civils et militaires en service à l'étranger, sur trois ans, pour ne pas être trop brutal. J'ai découvert avec stupéfaction que ces indemnités constituaient 42 % en moyenne de la rémunération des diplomates, sans faire l'objet d'aucune justification, alors qu'ils sont logés, nourris, blanchis. J'ai réalisé un rapport avec l'excellent Rémi Féraud à ce sujet. Cette absence d'imposition est injustifiée.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Sage proposition, avis de sagesse !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis. Soyons tout de même vigilants sur la mise en application.

L'amendement n°I-1615 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°I-494 rectifié bis de M. Lurel et alii.

M. Victorin Lurel.  - Il s'agit de maintenir la différence qui existe entre la métropole et l'outre-mer pour ce qui concerne l'exonération de la prime carburant et de la prime de transport, pour les ménages et les entreprises.

M. le président.  - Amendement n°I-495 rectifié bis de M. Lurel et alii.

M. Victorin Lurel.  - Amendement de repli, seuls les automobilistes seraient concernés.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Un PLFR pour 2022 avait prévu un relèvement du plafond d'exonération de la prime de transport et de la prime carburant. De plus, l'article 7 de la loi de finances initiale pour 2024 a prévu une majoration pérenne de l'exonération fiscale pour les transports de 100 euros, la portant à 600 euros. Une majoration s'applique aussi à partir de 2025. C'est un effort significatif ! Avis défavorable aux deux amendements.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis.

M. Victorin Lurel.  - De quelles majorations parlez-vous ? L'amendement consiste à passer de 200 à 300 euros pour l'Hexagone et de 500 à 600 euros pour les outre-mer, pour ce qui concerne la prime carburant. L'écart a diminué. Je ne comprends donc pas votre réponse.

L'amendement n°I-494 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°I-495 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n°I-565 rectifié de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Cet amendement exonère les revenus des médecins généralistes et des infirmières lorsqu'ils entrent dans le champ du cumul emploi-retraite. Ce dispositif permet aux médecins de continuer leur activité, ce qui est très utile pour lutter contre les déserts médicaux, notamment dans les zones rurales.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Dans le PLFSS, l'article 3 prévoit l'extension du régime simplifié des professions médicales aux médecins libéraux en cumul emploi-retraite, effort à souligner compte tenu de l'état de nos finances publiques. Avis défavorable.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

L'amendement n°I-565 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-619 rectifié de M. Durox et alii.

M. Joshua Hochart.  - Cet amendement prévoit l'indexation sur l'inflation des plafonds de défiscalisation des heures supplémentaires.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Cette mesure avait été mise en place pendant la crise. Si nous voulons encourager le travail, nous restons aussi vigilants sur l'état de nos finances publiques. Avis défavorable.

L'amendement n°I-619 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-657 de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.

M. Pierre Barros.  - Cet amendement supprime la défiscalisation des heures supplémentaires, pour les socialiser. Ce qui est en jeu, c'est un pacte de société et une juste contribution aux dépenses sociales. Les heures supplémentaires doivent être compensées par des repos ; elles ne sont qu'un chantage aux bas salaires dans une société ubérisée.

Le seul retour que nous avons sur cette défiscalisation est son coût pour les finances publiques en 2011 : près de 4 milliards d'euros, et aucune création d'emploi. Plutôt que de faire travailler les gens sept heures de plus gratuitement, qu'on les rémunère et qu'ils cotisent !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Retrait, sinon avis défavorable. Il y a une inexactitude. Le plafond a été porté de 5 000 à 7 500 euros par le PLFR 2022. Votre amendement le ramènerait à 5 000 euros. Les pénuries d'emploi touchent tous les métiers. Il faut des incitations, la défiscalisation des heures supplémentaires en fait partie.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Vous parlez d'incitation, mais les heures supplémentaires et complémentaires sont exonérées de cotisations sociales et ne sont pas compensées par le budget de l'État, soit une perte de recettes de 1,1 milliard d'euros pour la sécurité sociale. En revanche, celle-ci devra assumer les droits contributifs de ces heures supplémentaires. L'effet ciseau est complet.

L'amendement n°I-657 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-1847 rectifié de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Je sors mon sifflet. Quel est l'objet de cet amendement ? Le niveau de rémunération des juges sportifs et des arbitres n'est pas très élevé. L'exonération est justifiée. Nous sommes contents de les avoir ! Ces bénévoles doivent être défrayés de leurs frais. Quel est l'avis du Gouvernement, qui avait oeuvré pour l'installation à Paris du siège de la FIFA... ?

Monsieur le ministre, je vous mets un petit tacle avant que vous nous donniez votre avis. (Sourires)

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis défavorable. Il s'agit d'un niveau de rémunération assez faible. L'exonération fait partie des justifications pour attirer des vocations.

M. Patrick Kanner.  - Connaissez-vous le tournoi de Pentecôte, à Claret, dans l'Hérault ? Une certaine Manuelle Kanner en est la trésorière - on va dénoncer un conflit d'intérêts. (Sourires) Il y a une trentaine de matchs et les arbitres sont défrayés. Si on les taxe, il n'y a plus de tournoi. Idem pour le basket. M. le ministre a raison de rejeter cet amendement.

Mme Maryse Carrère.  - En tant que sénatrice de Hautes-Pyrénées, terre de rugby, c'était évident pour moi de prendre la parole. Au petit club de l'ESCA Rugby à Luc, un arbitre touche 60 euros d'indemnités pour le dimanche.

Le sport apporte beaucoup aux jeunes, il serait dommage de provoquer une crise des vocations. Il faudrait au moins consulter les fédérations sportives.

M. Michel Canévet.  - Je suis sensible aux arguments des présidents Kanner et Carrère. Je retire mon amendement. Mais il y aurait un travail à mener, les arbitres professionnels pouvant profiter du dispositif.

L'amendement n°I-1847 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-773 rectifié ter de M. Dhersin et alii.

M. Franck Dhersin.  - Amendement moins sportif, mais qui touche un sujet sensible. Cet amendement est juste et équitable. L'abattement de 10 % sur les pensions de retraite copie celui sur les frais professionnels.

Premièrement, les retraités n'ont pas de frais professionnels ! Deuxièmement, face au vieillissement de la population, le coût de cette niche fiscale explose et représente près de 5 milliards d'euros par an, soit la moitié du budget du ministère de la justice. Troisièmement, cet abattement favorise majoritairement les plus aisés. L'absence de ciblage de cette niche pose question.

Cet amendement rapporterait 4,9 milliards d'euros au budget de l'État. Toutefois je retire l'amendement. Mais comme un consensus pourrait se dégager sur une mesure de repli, je le retire.

L'amendement n°I-773 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-173 rectifié de Mme Lavarde et alii.

Mme Christine Lavarde.  - Ce dispositif d'abattement sur les frais professionnels a été introduit en 1977 pour aider les retraités à faire la transition avec la fin de leur activité, et éviter une trop forte imposition. Cette justification disparaît complètement avec le prélèvement à la source. Pour éviter de toucher tous les retraités, je retire mon amendement.

L'amendement n°I-173 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-86 rectifié bis de M. Lefèvre et alii.

M. Antoine Lefèvre.  - Défendu !

M. le président.  - Amendement identique n°I-635 rectifié bis de Mme Lavarde et alii.

Mme Christine Lavarde.  - Cet amendement abaisse le plafond à 2 300 euros et ne touche donc que les derniers déciles.

M. le président.  - Amendement identique n°I-774 rectifié quater de M. Dhersin et alii.

M. Franck Dhersin.  - C'est une version de repli. À défaut de supprimer l'abattement en entier, il serait sage de le limiter en baissant le plafond à 2 300 euros. C'est la quatrième niche fiscale du pays !

M. le président.  - Amendement n°I-1487 rectifié de Mme Nadille et alii.

M. Bernard Buis.  - Cet amendement de Mme Nadille réduit le plafond de cet abattement à 2 000 euros, pour qu'il bénéficie aux classes moyennes.

M. le président.  - Amendement n°I-1388 rectifié bis de Mme Paoli-Gagin et alii.

M. Emmanuel Capus.  - Les retraités n'ont pas de frais professionnels stricto sensu. Vanina Paoli-Gagin souhaite donc plafonner l'abattement à 3 000 euros.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Ces dispositifs n'ont plus de raison d'être. Je remercie la plus jeune des collègues ayant présenté des amendements d'avoir fait l'historique de cette mesure... Entre 2 000, 2 300 et 3 000 euros, c'est la loi du nombre qui prime. Je propose de fixer le plafond à 2 300 euros. Certains de nos collègues (L'orateur se tourne vers le groupe CRCE-K) réclament des efforts plus collectifs : ici, nous le demandons aux retraités qui ont le plus de moyens.

Sagesse sur les amendements identiques nosI-86 rectifié bis, I-635 rectifié bis et I-774 rectifié quater.

Avis défavorable sur les amendements nosI-1487 rectifié et I-1388 rectifié bis.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis défavorable à l'ensemble de ces amendements. Ce sujet est légitime, mais ce n'est pas le choix du Gouvernement de faire peser un effort sur l'ensemble des retraités imposables.

Mme Christine Lavarde.  - Ce n'est pas ce que nous proposons.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Je lis dans la presse qu'on attend du courage de la part des politiques. Là, nous faisons preuve de courage en trouvant des recettes supplémentaires au Gouvernement. Nous le ferons savoir au Premier ministre. Je préfère ces recettes plutôt que celles qui nous seront prochainement proposées.

M. Franck Dhersin.  - Bravo !

M. Olivier Henno.  - Je ne voterai pas ces amendements. L'un des arguments pour faire la réforme des retraites était qu'elle était indispensable pour préserver le pouvoir d'achat des retraités. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.) Ne le réduisons pas ! Soyons cohérents. Préférons la maîtrise des dépenses à l'augmentation des impôts.

Enfin, on demande déjà un effort aux retraités qui gagnent plus de 1 500 euros, effort qui représentera la moitié de l'inflation l'an prochain. Cela suffit, sans quoi on basculerait dans un « retraité bashing ». « En tout, l'excès nuit », disait Voltaire. Point trop n'en faut !

M. Vincent Delahaye.  - Je voterai dans le même sens. Ce n'est pas qu'il faille épargner les retraités par principe, mais je préfère la réduction de la dépense à l'augmentation des impôts - il y en déjà trop ! Les auteurs des amendements concernés n'ont pas indiqué si d'autres réductions d'impôts compenseraient cette augmentation.

Mme Christine Lavarde.  - Soyons précis : cet amendement ne touche pas toutes les pensions de retraite, mais uniquement celles des retraités imposables ; il touche au plafond et non au pourcentage.

N'oublions pas que le taux d'épargne des retraités est de 25 %, contre 13 % pour les actifs. Les travaux du COR montrent que les retraités d'aujourd'hui vivent bien, mais pas ceux de demain, et que les retraités français sont mieux lotis que leurs voisins. Il s'agit de revenir à davantage d'équité fiscale. Les évolutions du mode de collecte de l'impôt ne justifient plus ce dispositif.

M. Pascal Savoldelli.  - La retraite est soit un salaire différé soit un salaire consolidé. (M. Emmanuel Capus s'exclame.) Nous sommes là au coeur du débat du PLF : aux 24 600 foyers les plus riches, vous ne demandez qu'un effort temporaire ; mais l'amendement de M. Lefèvre, par exemple, demande un effort définitif aux retraités gagnant plus de 1 916 euros par mois. J'imagine que vous refuserez le retour de l'impôt sur la fortune et vous sous-indexez les pensions.

Mme Lavarde dit que les retraités vivent trop bien... (Mme Christine Lavarde s'insurge.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Non !

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - C'est un peu raccourci !

M. Pascal Savoldelli.  - Je suis effaré par ces amendements. C'est un très mauvais signe pour l'harmonie de notre société.

M. Simon Uzenat.  - La question mérite d'être posée, mais la majorité sénatoriale et le Gouvernement ne permettent pas un débat serein. La réforme des retraites, la désindexation des pensions, la situation des retraités précaires installent une ambiance générale qui confine à une forme de retraité bashing.

Certains collègues qui défendent ces amendements défendaient la mise en place de sept heures, voire quatorze, de travail gratuit voilà quelques jours.

M. Michel Canévet.  - Ce n'est pas gratuit !

M. Simon Uzenat.  - Comment parler de justice dans ces conditions ?

M. Bernard Buis.  - Je retire l'amendement n°I-1487 rectifié au bénéfice des amendements identiques nosI-86 rectifié bis, I-635 rectifié bis et I-774 rectifié quater.

L'amendement n°I-1487 rectifié est retiré.

M. Thomas Dossus.  - Michel Barnier a annoncé un PLF sans tabou, ouvert à toutes propositions, mais plusieurs points indiquent la direction dans laquelle nous allons. Vous préférez cet amendement qui touche beaucoup de retraités...

Mme Christine Lavarde.  - Les trois derniers déciles !

M. Thomas Dossus.  - ... plutôt que des recettes touchant quelques personnes fortunées. Je m'associe à mes collègues de gauche : après les décisions prises récemment, ces amendements ne sont pas acceptables.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Les retraites par répartition sont financées par les actifs, dont la population diminue, quand celle des retraités augmente. Ne crions pas au manque de solidarité ! À moyen terme, le système sera sous tension.

Cet amendement propose une participation, dans le cadre du pacte social, pour une solidarité intergénérationnelle.

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Un tel sujet mériterait un débat public. Changer les règles par un vote à la volée sur un amendement n'est pas la bonne formule. Il faut en parler avec les principaux intéressés, les syndicats de retraités par exemple, et clarifier ce qu'on leur demande. Ce débat a son utilité, mais ne le tranchons pas sans l'approfondir. Les retraités pourraient se dire : jusqu'où cela va-t-il aller ?

Si j'ai bien compris le Gouvernement, nous aurons rapidement l'occasion de débattre de la recherche de financements.

À la demande du groupe UC, les amendements identiques nosI-86 rectifié bis, I-635 rectifié bis et I-774 rectifié quater sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°80 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 292
Pour l'adoption 139
Contre 153

Les amendements identiques nosI-86 rectifié bis, I-635 rectifié bis et I-774 rectifié quater ne sont pas adoptés.

L'amendement n°I-1388 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-618 rectifié de M. Durox et alii.

M. Joshua Hochart.  - Notre pays traverse une crise de la natalité. La politique familiale a été systématiquement affaiblie pour des raisons idéologiques. Accordons une part fiscale pleine dès le deuxième enfant, pour soutenir une politique de natalité et redonner du pouvoir d'achat aux Français. Pour une famille de classe moyenne avec deux enfants, cela représentera un montant annuel supplémentaire de 560 euros.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Favoriser la natalité est une bonne chose, mais le faire au détour d'un amendement est contestable. C'est un amendement à 3 milliards d'euros ! Or vous souhaitez comme nous, si j'ai bien compris, que les comptes publics soient bien tenus. (M. Joshua Hochart fait signe que cela peut être compensé.) Avis défavorable.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°I-618 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-1111 rectifié de M. Chantrel et alii.

Mme Corinne Narassiguin.  - Cet amendement étend aux prestations compensatoires la possibilité pour les Français de l'étranger de déduire de leurs revenus mondiaux les pensions alimentaires lorsqu'elles sollicitent l'application du taux moyen d'imposition. Cet amendement a été adopté dans le cadre du PLF 2023.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Sagesse : soyons cohérents avec notre vote dans la lignée d'une proposition de loi de Bruno Retailleau.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis défavorable, comme précédemment à l'Assemblée nationale.

L'amendement n°I-1111 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°I-1113 rectifié de M. Chantrel et alii.

Mme Corinne Narassiguin.  - Il s'agit de moderniser et simplifier la fiscalité des non-résidents en soumettant automatiquement les revenus de sources françaises et étrangères des non-résidents au taux moyen, contre l'incertitude fiscale qui prévaut actuellement.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Retrait.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°I-1113 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-1518 rectifié bis de M. Delcros et alii.

M. Bernard Delcros.  - Les versements sur le contrat épargne handicap ouvrent droit à une réduction d'impôt, dans la limite d'un plafond de 1 525 euros, jamais modifié depuis 2005. Portons-le à 1 625 euros ; le symbole serait important.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Effectivement, les plafonds n'ont pas été indexés sur l'inflation, mais les personnes en situation de handicap ont été soutenues, notamment via les revalorisations de l'APA, qui a en outre été déconjugalisée. La réduction d'impôt que vous proposez est moins ciblée que les critères actuels de l'APA. Avis défavorable.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis défavorable. En 2024, la majoration de 300 euros est déclenchée pour chaque personne à charge.

M. Bernard Delcros.  - Je ne demande pas l'indexation sur l'inflation. Le montant n'a pas évolué depuis vingt ans, et l'augmentation ne couvrirait qu'un cinquième de l'inflation cumulée !

L'amendement n°I-1518 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-1093 rectifié de Mme Pantel et alii.

M. André Guiol.  - Transformons la réduction d'impôt au titre des frais de dépendance et d'hébergement des personnes dépendantes en crédit d'impôt remboursable. Cela réparerait une injustice fiscale en étendant le bénéfice de la mesure aux pensionnaires non imposables. Sans doute préféreriez-vous une réforme structurelle, mais aurons-nous le courage de le dire aux résidents les yeux dans les yeux ?

M. le président.  - Amendement n°I-1432 rectifié de M. Buval et alii.

M. Frédéric Buval.  - Cet amendement transforme en crédit d'impôt la réduction d'impôt au titre des frais de dépendance et d'hébergement pour les personnes dépendantes accueillies en établissement spécialisé. La réduction d'impôt ne bénéficie en effet qu'aux personnes imposables, excluant les plus modestes. Les frais de séjour en établissement spécialisé sont évalués à 25 000 euros par an minimum.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Demande de retrait. La réduction d'impôt représente 25 % des dépenses engagées, à raison d'un plafond de 10 000 euros par personne. Cela pèse déjà 300 millions d'euros ; la transformer en crédit d'impôt ferait passer la dépense fiscale au milliard d'euros. Moins ciblé, un tel crédit profiterait en outre plutôt aux foyers les plus aisés.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Retrait, sinon avis défavorable. Je partage les arguments du rapporteur général. Le financement de la dépendance doit passer par une réflexion plus structurelle.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Je suis très favorable à ces amendements.

Le même débat s'est présenté lorsqu'il s'est agi des services domiciliaires. Je ne comprends pas le raisonnement de M. le rapporteur général : la différence entre une réduction et un crédit d'impôt est que ce dernier s'applique aussi aux personnes non imposables.

Celles-ci ne comprennent pas pourquoi elles ne bénéficient plus, une fois arrivées en établissement, des avantages qu'elles percevaient à domicile.

M. André Guiol.  - L'amendement est retiré, mais il appelle une loi structurelle.

L'amendement n°I-1093 rectifié est retiré.

L'amendement n°I-1432 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-397 rectifié de M. Gold et alii.

Mme Maryse Carrère.  - La réduction d'impôt pour les hébergements en Ehpad est un système injuste dans lequel les plus aisés sont les plus aidés, au contraire des 76 % des résidents qui ne peuvent pas financer leur hébergement. Cet amendement d'Éric Gold, identique à celui de Christine Pirès Beaune adopté à une large majorité par l'Assemblée nationale, prévoit une mesure concrète de justice sociale. Il faudrait qu'une telle réforme soit mieux préparée ? Mais cela fait longtemps que nous attendons une grande loi sur cette question !

M. le président.  - Amendement identique n°I-918 rectifié de M. Cozic et du groupe SER.

M. Thierry Cozic.  - Je rends hommage à notre collègue députée socialiste Christine Pirès Beaune. Le coût de cette dépense fiscale est estimé à 272 millions d'euros en 2023, pour plus de 424 000 bénéficiaires.

La réduction d'impôt est cumulable avec le bénéfice d'autres aides. Le rapport remis par Christine Pirès Beaune à la Première ministre en juin 2023 a montré que sa transformation en crédit d'impôt la rendrait plus redistributive.

Étendons le dispositif aux publics les plus fragiles, pour gagner en justice sociale et lutter contre les inégalités. Cette mesure serait mise en oeuvre en 2025 et 2026, dans l'attente d'une réforme structurelle.

M. le président.  - Amendement n°I-1670 rectifié de M. Grégory Blanc et du GEST.

M. Grégory Blanc.  - Cette question ne touche pas que les finances de l'État : les départements, chargés de fixer les tarifications des hébergements, instaurent de plus en plus souvent une tarification pour les résidents à l'aide sociale et une tarification libre pour les autres, soit un système à double vitesse.

Soit on aide mieux les départements, soit on aide tous ceux des classes populaires et des classes moyennes affectés par cette double tarification. Ou alors, il faut supprimer cette niche dans sa totalité !

M. le président.  - Amendement n°I-685 de M. Salvodelli et du groupe CRCE-K.

M. Pierre Barros.  - Nous aussi souhaitons transformer cette réduction d'impôt en crédit d'impôt.

D'après la Drees, les frais de séjour s'élèvent en moyenne à 2 382 euros par mois en 2017 et les personnes âgées touchent un montant d'aide de 419 euros par mois. Le reste à charge moyen est donc de 1 965 euros - c'est beaucoup ! Un crédit d'impôt serait une mesure de justice fiscale et sociale.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable. Le Président Raynal l'a dit, une telle réforme ne peut être abordée par voie d'amendement. Je regrette qu'aucun gouvernement n'ait pu faire de propositions globales en la matière.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - L'élargissement de l'assiette n'est pas forcément de bonne gestion... Il faudrait poser la question du financement global de la dépendance. Les non-imposables ont des aides que les imposables n'ont pas. La transformation d'une réduction en crédit d'impôt est rarement une solution.

M. Grégory Blanc.  - On attend encore la réforme du financement de la dépendance. D'une année sur l'autre, certains foyers peuvent être imposables ou non imposables. Un crédit d'impôt permettrait à ces familles d'avoir une visibilité pluriannuelle sur leur accompagnement. Ceux qui travaillent, qui sont entre-deux, doivent pouvoir être aidés plus que les plus hauts revenus.

M. Simon Uzenat.  - Tout le monde est d'accord pour examiner une réforme du financement du grand âge. Le crédit d'impôt, par définition, bénéficie aux plus modestes. Vous le refusez, alors que la semaine dernière, vous vouliez les faire travailler sept heures de plus ?

Mme Raymonde Poncet Monge.  - J'ai vérifié : la transformation en crédit d'impôt de la réduction pour les dépenses d'accompagnement à domicile date de la loi de finances 2017 ; heureusement que nous n'avons pas attendu une loi Grand Âge... Certains collègues se demandent régulièrement comment réduire le reste à charge des résidents : voilà une manière d'y répondre pour les milieux populaires et les classes moyennes !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Cela ne résout rien.

À la demande du GEST, les amendements identiques nosI-397 rectifié, I-918 rectifié et I-1670 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°81 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 110
Contre 232

Les amendements identiques nosI-397 rectifié, I-918 rectifié et I-1670 rectifié ne sont pas adoptés.

L'amendement n°I-685 n'est pas adopté

M. le président.  - Amendement n°I-89 rectifié de M. Lefèvre et alii.

M. Antoine Lefèvre.  - Cet amendement d'appel attire l'attention sur certaines dépenses fiscales éloignées de leur objectif initial. Le crédit d'impôt pour les services à la personne (Cisap) a coûté 6 milliards d'euros, au bénéfice de 4,7 millions de foyers ; recentrons-le sur des publics prioritaires, conformément aux recommandations de la Cour des comptes.

M. Olivier Rietmann.  - Excellent !

M. le président.  - Amendement n°I-914 rectifié de Mme Artigalas et du groupe SER.

Mme Viviane Artigalas.  - Le Cisap constitue la deuxième dépense fiscale la plus importante, en augmentation de 8,8 % par rapport à 2022. Il représente un écosystème de services à la personne et d'activités d'entretien, ainsi qu'un tissu de petites entreprises.

Dans un souci de justice sociale et de maîtrise des dépenses publiques, nous souhaitons mieux cibler cette dépense fiscale et limiter l'éligibilité du Cisap aux seuls services d'aide à la personne soumis à agrément, comme l'activité d'entretien de la maison, en excluant des prestations de confort, comme la maintenance ou la vigilance temporaire des résidences.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Je demande l'avis du Gouvernement. Ces amendements soulèvent des difficultés d'interprétation et nécessitent une réflexion plus approfondie.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - C'est même la première dépense fiscale en faveur des particuliers, mais d'elle dépend tout un secteur d'activité. Soyons donc vigilants aux conséquences sur l'emploi. Je ne suis jamais opposé à une revue des dépenses, mais il ne faudrait pas que le travail dissimulé l'emporte. Avis défavorable.

L'amendement n°I-89 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°I-914 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°I-1180 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Cet amendement recentre le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile sur les services essentiels du quotidien pour les personnes âgées ou en situation de handicap.

Selon Clément Carbonnier et Nathalie Morel, le crédit d'impôt actuel bénéficie, pour plus de la moitié de son montant, à des services de confort. Il est fortement anti-redistributif, le décile le plus élevé percevant 44 % de l'avantage fiscal total, de 7 milliards d'euros.

L'introduction de la réduction d'impôt avec un plafond relativement bas a eu un effet positif sur l'emploi, mais les relèvements successifs de celui-ci ont eu surtout un effet d'aubaine. Cet amendement est conforme aux recommandations émises par la Cour des comptes dans son rapport de mars dernier. Les économies dégagées devraient être fléchées vers les services essentiels souffrant d'un sous-financement chronique.

M. le président.  - Amendement n°I-1379 rectifié de Mme Billon et alii.

M. Bernard Delcros.  - Défendu.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable, mais il serait intéressant que l'une de nos commissions se penche sur le sujet.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Monsieur le rapporteur général, vous dites cela tous les ans... Je suis prête à retirer mon amendement contre l'engagement précis d'une mission flash. Je le répète, cette dépense fiscale est captée à 43,5 % - pour être exacte - par le décile le plus élevé. Tel fait promener ses chiens, tel autre entretenir son jardin... Il y a peu de dépenses fiscales aussi anti-redistributives. C'est un effet d'aubaine qui n'empêche pas le travail dissimulé. Le phénomène est documenté depuis longtemps, qu'attend-on pour agir ?

L'amendement n°I-1180 n'est pas adopté.

L'amendement n°I-1379 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-695 rectifié de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.

M. Pascal Savoldelli.  - Rapporteur spécial de la mission « Remboursements et dégrèvements », je reprends un amendement de mon homologue de l'Assemblée nationale, Christine Pirès Beaune.

Contemporanéisé, le crédit d'impôt relatif aux services à la personne accroît la dynamique des coûts, estimé pour 2025 à 6,85 milliards d'euros. Il faut évaluer ce dispositif et le cibler davantage pour éviter les effets d'aubaine. La Cour des comptes juge qu'il n'atteint pas ses objectifs et le Conseil des prélèvements obligatoires souligne que la logique de dépense fiscale tend à s'effacer derrière une logique de dépense budgétaire. Bref, ce dispositif est coûteux et peu contrôlable.

M. le président.  - Amendement identique n°I-906 de M. Cozic et du groupe SER.

Mme Isabelle Briquet.  - En effet, il est nécessaire d'évaluer ce dispositif qui coûte plus de 6 milliards d'euros, pour savoir de quoi l'on parle vraiment.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Le sénateur Savoldelli peut savourer l'avis favorable de la commission... L'Assemblée nationale a adopté un amendement identique présenté notamment par l'ancien ministre des comptes publics Thomas Cazenave.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis.

Les amendements identiques nosI-695 rectifié et I-906 sont adoptés et deviennent un article additionnel

M. le président.  - Amendement n°I-1838 rectifié de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Une contribution obligatoire pour la couverture de la santé au travail s'appliquera dans le secteur des services à la personne à partir du 1er janvier 2025. Il s'agit d'éviter que le budget de l'État n'ait à supporter la moitié de ce surcoût.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°I-1838 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-1112 rectifié de M. Chantrel et alii.

Mme Corinne Narassiguin.  - Nous voulons rendre déductibles les cotisations aux assurances de base de la Caisse des Français de l'étranger (CFE). Nos concitoyens concernés n'ont pas accès au régime de sécurité sociale français.

L'amendement n°I-1112 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-1596 rectifié de Mme Vermeillet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Défendu.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Retrait.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis défavorable.

M. Thomas Dossus.  - Extrêmement dangereux, cet amendement est le premier d'une longue série d'amendements qui attaquent le monde associatif. Pourtant, celui-ci a perdu beaucoup de ressources depuis la crise sanitaire.

L'amendement n°I-1596 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-1598 rectifié de Mme Le Houerou et alii.

Mme Frédérique Espagnac.  - Cet amendement clarifie les articles 200 et 238 bis du code général des impôts : ils doivent bénéficier aux coordinations et fédérations d'associations lorsqu'elles concourent à l'objectif d'intérêt général des associations qui les composent.

L'amendement n°I-1598 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'amendement n°I-1907 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-458 de M. Szczurek et alii.

M. Joshua Hochart.  - Certaines associations subventionnées sur fonds publics aident, voire organisent l'entrée illégale d'étrangers en situation irrégulière en France : c'est inacceptable. (Murmures désapprobateurs sur les travées du GEST) Nous proposons d'exclure du bénéfice de l'article 200 du code général des impôts les dons aux associations dont les membres ont été reconnus coupables d'avoir facilité ou tenté de faciliter l'entrée ou la circulation d'un étranger en situation irrégulière.

M. le président.  - Amendement n°I-558 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Même mesure, s'agissant de militants écologistes radicaux qui s'attaquent à des biens, notamment agricoles, des oeuvres d'art ou, pire encore, à nos forces de l'ordre, comme à Sainte-Soline. Dans le contexte des débats sur l'avenir énergétique du pays, il est à craindre que les actions visant les installations nucléaires, en particulier, ne se multiplient. Ces associations ne doivent pas être financées par les impôts des Français qui travaillent !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Ce sujet a été traité dans le cadre de la mission budgétaire concernée, notamment par Éric Jeansannetas. La mesure proposée pourrait être inconstitutionnelle, mais un amendement a été déposé qui rendra effective la procédure prévue à l'article 13-78 octies du code général des impôts. Avis défavorable. Ce travail a été conduit à la suite d'une pétition déposée par le secrétaire général de la fédération nationale des chasseurs. (M. Thomas Dossus s'exclame.)

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Il n'appartient pas aux services fiscaux de déterminer quelle association peut bénéficier de tel ou tel avantage fiscal en fonction d'opinions politiques ou d'actes illégaux commis. C'est à la justice de se prononcer. Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Je signale, sans lien avec les deux amendements présentés, que la Cour des comptes, dans un référé sur ces réductions d'impôts, a estimé qu'il y avait peu de contrôles a posteriori. La marge de progrès en la matière est très importante. Nous y reviendrons dans la suite de la discussion.

M. Thomas Dossus.  - C'est un amendement criminel (M. Joshua Hochart s'exclame), car il entrave les personnes solidaires aux frontières, qui se portent au secours de personnes en danger, parfois au péril de leur vie. En outre, il ne serait pas applicable : faudrait-il priver de l'avantage fiscal toutes les associations dont serait membre une personne condamnée ?

L'amendement n°I-458 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°I-558.

M. le président.  - Amendement n°I-1990 de Mme de Marco.

Mme Monique de Marco.  - Les tiers-lieux sont des vecteurs précieux de cohésion sociale et de solidarité locale. Ils contribuent à réduire l'isolement, à lutter contre la précarité et à favoriser l'accès à la culture. Les coupes budgétaires prévues risquent d'annihiler les efforts réalisés pour les développer. Étendons aux dons qui leur sont faits la réduction d'impôt prévue pour les associations.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Retrait.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis, car l'amendement est satisfait. (Mme Monique de Marco s'en félicite.)

L'amendement n°I-1990 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-1096 rectifié bis de Mme Pantel et alii.

M. André Guiol.  - Ce n'est un secret pour personne : le milieu associatif, pourtant dynamique, souffre d'un manque criant de bénévoles. Or 90 % des associations ne fonctionnent que grâce à eux. Démocratisons l'engagement associatif en réduisant les barrières monétaires. Cet amendement substitue un crédit d'impôt à la réduction d'impôt, afin de rétablir l'équité entre bénévoles imposables et non imposables.

M. le président.  - Amendement n°I-775 rectifié de M. Michau et alii.

Mme Frédérique Espagnac.  - Les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) ont mis en lumière l'engagement des 45 000 bénévoles qui ont contribué à la réussite de l'événement. Au quotidien, les bénévoles jouent un rôle fondamental dans notre pays en menant des projets solidaires, culturels, sportifs ou civiques dans les territoires. Cet amendement substitue à la réduction d'impôt un crédit d'impôt, afin de rétablir l'équité entre les bénévoles assujettis à l'impôt sur le revenu et ceux qui ne le sont pas.

M. le président.  - Amendement identique n°I-819 rectifié bis de M. Redon-Sarrazy et alii.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°I-1181 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Cet amendement vise à compléter par un crédit d'impôt la réduction d'impôt pour les frais kilométriques engagés dans le cadre d'une activité bénévole. Il s'agit, comme il vient d'être dit, de rétablir l'équité entre bénévoles imposables et non imposables. Les 13 millions de bénévoles donnent de leur temps pour, bien souvent, pallier les insuffisances de l'État. En 2023, les Restos du Coeur ont accompagné 128 000 enfants de moins de 3 ans en leur assurant nourriture et produits d'hygiène. Pourquoi refuser cette mesure de justice fiscale ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Je ne suis pas sûr que les difficultés des associations soient ainsi résolues. Oui, le bénévolat reflue, mais c'est lié à des phénomènes plus généraux, accentués par la crise sanitaire et dont témoigne aussi l'aggravation des problèmes d'isolement ou de santé mentale. Avis défavorable. Il faut travailler plus en profondeur sur les déterminants de l'engagement.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Le coût des amendements ne peut être évalué, leurs auteurs ne proposant pas de taux précis. Avis défavorable, les bénévoles non imposables pouvant solliciter le remboursement de leurs frais kilométriques.

Mme Nathalie Goulet.  - Nous avons tous dans nos départements des associations de porte-drapeaux ou des confréries - je ne pense pas seulement au camembert... - qui sollicitent régulièrement cette mesure. Monsieur le ministre, si vous confirmez qu'ils peuvent obtenir une prise en charge même lorsqu'ils ne sont pas imposables, je m'empresserai de porter la nouvelle à l'association nationale des porte-drapeaux... Ce sera la très bonne nouvelle de la soirée !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Vous faites semblant de mal comprendre, madame Goulet. (Mme Nathalie Goulet le conteste.) Je vois mal un bénévole du Restos du Coeur demander à cette association un remboursement de ses dépenses kilométriques... (Mme Nathalie Goulet renchérit.) Dans le champ caritatif en tout cas, une telle demande ne sera pas formulée. Il faut aller au bout du raisonnement ! Si vous pensez que cela n'a pas d'intérêt, supprimez la réduction d'impôt. Mais il ne peut pas y avoir une logique pour les non-imposables et une logique pour les imposables.

Les amendements nosI-755 rectifié, I-819 rectifié bis et I-1181 ne sont pas adoptés.

La séance, suspendue à 00 h 20, reprend à 00 h 30.

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Je propose que nous siégions jusqu'à 2 heures du matin. Il serait bon que, à cette heure, nous ayons terminé au moins les articles additionnels après l'article 2. Au besoin, n'hésitez pas à accélérer un peu à la fin...

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Et même au début ! (Sourires)

M. le président.  - Amendement n°I-696 de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.

M. Pierre Barros.  - Mettons les finances publiques en adéquation avec l'objectif de lutte contre les violences faites aux femmes, une cause fondamentale. Les dons aux associations qui viennent en aide aux femmes victimes de violences conjugales doivent bénéficier du taux majoré de réduction d'impôt sur le revenu de 75 %. Depuis le début de l'année, 122 femmes ont été tuées parce qu'elles sont femmes - 122 de trop. Chaque année, 213 000 femmes déclarent avoir été victimes de violences commises par leur conjoint ou ancien conjoint. La puissance publique est souvent défaillante. Les associations qui travaillent à extraire ces femmes d'un contexte domestique impitoyable et à les protéger méritent la reconnaissance de la nation.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Sagesse.

Le taux majoré de 75 %, d'abord réservé aux Restos du Coeur, a ensuite été élargi à la Fondation du Patrimoine, puis, après la crise sanitaire, aux violences intrafamiliales.

J'attire votre attention sur la nécessité de ne pas ouvrir la porte à une trop grande extension de cette réduction d'impôt sans évaluation de ses conséquences, compte tenu de l'état très préoccupant de nos finances.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Sagesse également, car c'est une cause essentielle. Je lève le gage.

L'amendement n°I-696 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°I-915 rectifié de Mme Briquet et du groupe SER.

Mme Isabelle Briquet.  - Nous voulons pérenniser la réduction d'impôt dite Coluche de 75 % pour les dons faits à des organismes d'aide aux personnes en difficulté dans la limite d'un plafond de 1 000 euros. Initialement fixé à 537 euros, ce plafond a été temporairement relevé en réponse à la crise sanitaire. Cette mesure a fait ses preuves, les dons aux associations d'aide aux personnes en difficulté ayant connu une croissance sans précédent depuis trois ans. Ne fragilisons pas cette dynamique vitale pour des structures qui jouent un rôle irremplaçable.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Sagesse. Je proposerai à la commission des finances de travailler sur ce sujet car il y a une sorte de fuite en avant. L'an passé, les Restos du Coeur et plusieurs autres associations caritatives ont connu de grandes difficultés. Des moyens supplémentaires ont été prévus, mais les difficultés perdurent. Quelle politique faut-il mener ? Y a-t-il des défaillances au niveau de l'État ou des collectivités territoriales ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Sagesse. Je lève le gage.

L'amendement n°I-915 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°I-132 de Mme Vogel et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Mme Vogel propose que les Françaises et Français vivant hors de France qui effectuent des dons au profit d'organismes d'intérêt général français bénéficient d'une réduction d'impôt au même titre que des résidents fiscaux français.

Monsieur le rapporteur général, la lutte contre la grande pauvreté est en échec. Les Restos du Coeur sont contraints de limiter leur public pour se concentrer sur l'aide à 128 000 enfants de moins de trois ans. Nous en sommes là...

M. le président.  - Amendement identique n°I-1110 rectifié de M. Chantrel et alii.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Cet amendement étend le bénéfice de la réduction d'impôt au titre des dons et versements aux oeuvres aux contribuables non-résidents. Les contribuables établis hors de France souhaitent, par ces dons, maintenir un lien avec la France et soutenir des causes qui leur sont chères. Nous prévoyons toutefois un encadrement.

Cet amendement a déjà été adopté par le Sénat dans la proposition de loi relative aux Français établis hors de France, ainsi que dans les PLF 2022 et 2023.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - L'avis de la commission n'a pas changé : sagesse.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis défavorable. Les contribuables non-résidents sont soumis à une obligation fiscale limitée en France. Les contribuables non-résidents en France, mais résidents dans l'Union européenne, bénéficient déjà de certaines réductions d'impôts, sous conditions. Enfin, l'augmentation du coût des dépenses fiscales n'est pas compatible avec la situation budgétaire -  il s'agirait de 2 milliards d'euros...

Les amendements identiques nos I-132 et I-1110 rectifié sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°I-1989 de Mme de Marco.

Mme Monique de Marco.  - Dans leur rapport d'avril 2024, les députés Vannier et Weissberg ont montré que certains dons aux organismes de gestion des établissements catholiques (Ogec) et aux associations de parents d'élèves ouvraient droit à un crédit d'impôt, donc à un financement indirect de l'État.

Excluons du bénéfice de la réduction d'impôt de 66 % les dons faits aux organismes, fondations ou associations qui financent des établissements scolaires privés sous contrat ou hors contrat.

L'amendement n°I-1989, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-477 rectifié ter de M. Cambier et alii.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°I-1856 rectifié ter de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Le changement des fenêtres en double vitrage de première génération pourrait être rendu éligible à MaPrimeRénov', car elles ne sont plus suffisamment performantes.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Retrait ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nosI-477 rectifié ter et I-1856 rectifié ter sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°I-1637 rectifié de M. Gontard et alii.

M. Guillaume Gontard.  - Faisons appel au bon sens paysan : avant de jeter, on répare ! Cet amendement vise à créer un crédit d'impôt de 500 euros pour promouvoir l'économie circulaire, en plus du fonds de réparation de la loi Agec. L'objectif est social, économique et écologique.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable. Pour quel coût ? Le crédit d'impôt n'est pas le meilleur outil pour cibler les ménages les plus modestes. Le fonds économie circulaire de l'Ademe bénéficie de 200 millions d'euros pour 2025, en plus des mesures du programme 380.

Soyons plus économes, alors que vous proposez d'accumuler des dispositifs coûteux. Je le redis : nos finances publiques sont dégradées.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis. Ayons la main légère sur la dépense fiscale, qui est difficilement pilotable et ciblable.

Le bonus réparation, qui existe depuis 2022, est très peu utilisé. Promouvons les outils budgétaires existant avant de créer de nouvelles dépenses fiscales.

M. Guillaume Gontard.  - Monsieur le rapporteur général, le crédit d'impôt s'adresse justement aux publics les plus modestes. Le levier fiscal est utile pour réorganiser et encourager la création d'une filière. (M. Jean-François Husson le conteste.)

L'amendement n°I-1637 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-656 de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.

M. Pascal Savoldelli.  - Le rapporteur général disait l'an dernier : « Pour certains, il y a trop de gens aisés, mais ce n'est pas par une politique qui accentue les prélèvements sur les plus hauts revenus que vous répondrez au problème difficile du consentement à l'impôt. Prélever plus sur les plus hauts revenus ne changera rien si l'on ne change pas le système fiscal. »

M. Albéric de Montgolfier.  - Il a dit ça ? (Sourires)

M. Pascal Savoldelli.  - Bien sûr, le ministre va nous rétorquer qu'il y a l'article 3... Mais ça ne va pas faire la maille non plus, car nous proposons une imposition plus importante pour une personne seule dont le revenu fiscal de référence dépasse les 250 000 euros -  ou 500 000 euros pour un couple.

Savez-vous qui a inventé ce dispositif ? François Baroin, en 2011, dans un gouvernement Fillon, sous la présidence Sarkozy. Et l'année dernière, Bernard Delcros a proposé d'appliquer un taux de 5 % à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 750 000 euros et 6 % à celle supérieure à 1 million d'euros.

Nous avons une approche responsable, acceptable et transpartisane. (M. Jean-François Husson s'en amuse.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Vous l'avez deviné : avis défavorable. Attendons l'article 3. J'ai mentionné le ras-le-bol fiscal, face au haut niveau de nos prélèvements obligatoires. À tout le moins, votre dispositif aurait dû être borné dans le temps.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Retrait, sinon avis défavorable.

L'article 3 est plus pertinent puisqu'il prévoit, pour le même revenu fiscal de référence, d'avoir non une augmentation du taux marginal de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), mais la création d'une nouvelle contribution, la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), fiscalement plus juste, puisqu'elle permet d'avoir un socle minimum d'impôt. Retirez votre amendement et votez l'article 3 !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - C'est ce qu'il a prévu de faire ! (Sourires)

L'amendement n°I-656 n'est pas adopté.

L'amendement n°I-2020 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°I-1247 rectifié de Mme Canalès et alii.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Défendu.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Demande de retrait.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°I-1247 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-1246 rectifié de Mme Canalès et alii.

Mme Florence Blatrix Contat.  - Tirons les leçons du livre Les Ogres de Victor Castanet en limitant le prix du berceau à 12 000 euros, pour éviter un détournement du crédit d'impôt famille (Cifam).

M. le président.  - Amendement n°I-1245 rectifié bis de Mme Canalès et alii.

Mme Florence Blatrix Contat.  - Dans cet amendement de repli, le montant du berceau serait fixé par décret.

M. le président.  - Amendement n°I-1179 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Comme dans les Ehpad, a financiarisation croissante du secteur des crèches a entraîné de nombreuses dérives, notamment l'instrumentalisation et l'optimisation de dispositifs fiscaux comme le Cifam.

Dans un rapport de 2024, l'Igas a montré que le Cifam avait contribué à l'accroissement des inégalités, notamment parce qu'aucune limite du prix unitaire du berceau n'a jamais été posée : les tarifs sont anormalement élevés, notamment dans les grandes entreprises.

Finançons un véritable service public de la petite enfance, comme le préconise aussi l'Igas. Je me demande parfois si le Gouvernement lit les rapports de l'Igas !

Le montant maximal du tarif de la place en crèche serait déterminé par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Demande de retrait. Je partage votre préoccupation, mais la rédaction de votre amendement est problématique, car il crée un plafond général d'éligibilité pour l'ensemble du crédit d'impôt -  qui ne se limite pas aux places en crèche.

Attendons plutôt les conclusions de la mission d'information de la commission des affaires sociales sur les établissements d'accueil du jeune enfant, confiée à Laurence Muller-Bronn, Émilienne Poumirol et Olivier Henno.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis défavorable. Dans l'attente d'une offre publique plus importante, nous avons besoin de l'offre privée. Votre amendement entraînerait une pression sur les coûts ou un reste à charge plus important pour les familles. Or le crédit d'impôt famille (Cifam) leur permet d'avoir accès à ces crèches.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - L'enjeu, c'est le prix du berceau. Certains sont vendus à 27 000 euros à de grands groupes, au lieu d'un prix moyen de 12 000 ou 15 000 euros. Mettons fin à cette spéculation inflationniste.

J'entends la remarque du rapporteur général : nous améliorerons la rédaction de l'amendement l'an prochain, si rien n'est fait entre-temps...

L'amendement n°I-1246 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nosI-1245 rectifié bis et I-1179.

M. le président.  - Amendement n°I-115 rectifié bis de Mme Lavarde et alii.

M. Olivier Rietmann.  - L'administration fiscale est tenue de suspendre les avantages fiscaux d'une association en cas de décision pénale définitive rendue au titre de certaines infractions. Les agriculteurs sont de plus en plus souvent victimes d'actes de malveillance d'une rare violence de la part d'associations d'activistes (on s'en émeut sur les travées du GEST), mais ces actes ne figurent pas dans la liste des infractions. Corrigeons cet oubli.

M. le président.  - Amendement identique n°I-121 rectifié quinquies de M. Vincent Louault et alii.

M. Emmanuel Capus.  - L'administration fiscale doit suspendre les avantages fiscaux des associations condamnées au pénal. Étendons la liste des infractions à celles qui consistent à entraver le travail des agriculteurs ou à pénétrer dans le domicile d'autrui.

M. le président.  - Amendement identique n°I-253 rectifié quinquies de M. Bleunven et alii.

M. Yves Bleunven.  - Cet amendement de Corentin Le Fur a été adopté à l'Assemblée nationale. Nous sommes en plein paradoxe : nous allons voter la loi d'orientation agricole, alors que des associations anti-élevage et antispécistes s'en prennent de plus en plus souvent à nos éleveurs. Qu'elles ne soient plus financées par l'impôt !

Les dingueries continuent : à Lamballe, l'association Peta a demandé l'érection d'un mémorial en l'honneur des cochons décédés dans l'incendie d'une porcherie. C'est insensé ! (Murmures sur les travées du GEST)

M. le président.  - Amendement identique n°I-285 rectifié quinquies de M. Favreau et alii.

M. Gilbert Favreau.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°I-1009 de Mme Rossignol et du groupe SER.

M. Thierry Cozic.  - Ajoutons le délit d'entrave à l'IVG à la liste des infractions, afin que les associations qui s'en rendent coupables ne soient plus financées indirectement par le contribuable.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Demande de retrait des amendements identiques, au profit de mon amendement de deuxième partie qui prévoit, à la suite du constat que nous avons fait avec Jeansannetas dans notre rapport, que l'administration fiscale est informée par la Chancellerie des infractions dont l'association est reconnue coupable.

Avis défavorable à l'amendement n°I-1009.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis.

M. Thomas Dossus.  - Votre amendement s'attaque à l'ensemble du monde associatif, y compris les syndicats agricoles, attention... On peut déjà dissoudre des associations activistes en cas de violences.

Ces amendements ciblent l'association L214, ses enquêtes vidéo notamment. Cette association n'a jamais été condamnée définitivement ; en revanche, elle a fait condamner des éleveurs pour de très mauvaises pratiques, contraires au bien-être animal ! Votre amendement, en intégrant la diffamation, conduira à des procédures bâillons, qui toucheront toutes les associations, notamment les lanceuses d'alerte.

M. Gilbert Favreau.  - Cet amendement a été voté à l'Assemblée nationale, je le rappelle.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - C'est un encouragement !

M. Guillaume Gontard.  - Votre objet cible un type d'association, alors que votre dispositif s'applique à toutes... D'ailleurs, vous mettez dans le même panier chasseurs, agriculteurs et artisans, comparant un loisir à une activité professionnelle.

De nombreuses associations de chasse ont été condamnées, pour des tirs sur des espèces protégées, des battues mal organisées ou des jets de carcasse dans des ruisseaux. Or ces mêmes associations touchent plus de 15 millions d'euros d'aides au titre de la préservation de la biodiversité. Ces millions d'euros risquent de leur être retirés... Prenez garde !

M. Daniel Salmon.  - Ces amendements ciblent les associations qui prennent des images, sans agression physique, et qui nous permettent de faire évoluer la loi.

J'aimerais aussi vous entendre quand l'Office de la biodiversité (OFB) est victime d'attaques féroces : incendie à Brest, locaux murés ou recouverts de lisier. Les dégâts des manifestations agricoles coûtent plusieurs millions d'euros aux collectivités territoriales. Il ne doit pas y avoir deux poids, deux mesures. Un peu de dignité !

M. Pascal Savoldelli.  - Notre groupe votera l'amendement n°I-1009 sur l'IVG, liberté constitutionnelle.

Nous verrons bien si les entreprises condamnées par la justice ne bénéficient plus d'exonérations de cotisations sociales ni d'aides publiques... Pas sûr que votre ténacité sera la même !

L'amendement n°I-115 rectifié bis est retiré.

À la demande du GEST, les amendements identiques nosI-121 rectifié quinquies, I-253 rectifié quinquies et I-285 rectifié quinquies sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°82 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 304
Pour l'adoption   78
Contre 226

Les amendements identiques nosI-121 rectifié quinquies, I-253 rectifié quinquies et I-285 rectifié quinquies ne sont pas adoptés.

À la demande du groupe SER, l'amendement n°I-1009 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°83 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l'adoption 127
Contre 205

L'amendement n°I-1009 n'est pas adopté.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Eh ben...

M. le président.  - Amendement n°I-830 rectifié ter de Mme Billon et alii.

Mme Maryse Carrère.  - Cet amendement d'Annick Billon précise l'intention du législateur, à la suite de l'adoption de la loi du 31 mai 2024 visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, et qui a permis à l'époux qui vient de bénéficier d'une décharge de solidarité fiscale d'obtenir le remboursement des sommes que l'administration fiscale a encaissées après la séparation des époux.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - La loi du 31 mai assure une justice patrimoniale au sein de la famille en étendant le régime de décharge de responsabilité solidaire. Des sommes déjà recouvrées par le fisc peuvent être restituées.

Vous proposez de viser les sommes encaissées et non recouvrées. Avis du Gouvernement ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Il n'est pas justifié d'amender si rapidement cette réforme récente. Au demeurant, la solidarité du paiement par les époux est un des fondements de notre droit : les cas de décharge de solidarité doivent rester exceptionnels. Avis défavorable.

L'amendement n°I-830 rectifié ter n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-1133 rectifié bis de Mme Darcos et alii.

M. Jean-Luc Brault.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°I-1325 rectifié bis de M. Daubet et alii.

M. Raphaël Daubet.  - Cet amendement, adopté à l'Assemblée nationale, prolonge l'exonération des pourboires à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales en 2025 et 2026.

M. le président.  - Amendement identique n°I-1647 rectifié bis de Mme Schillinger et alii.

Mme Patricia Schillinger.  - L'exonération des pourboires de cotisations et d'impôt sur le revenu a montré son efficacité depuis sa mise en place en 2022. En trois ans, le secteur de l'hôtellerie et de la restauration a gagné en attractivité. Cet amendement de la députée Olivia Grégoire, travaillé en concertation avec la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), prolonge cette exonération jusqu'en 2026. Ce serait un signal fort pour des métiers essentiels à l'économie et à notre tourisme.

M. le président.  - Amendement n°I-849 rectifié bis de M. Capus et alii.

M. Emmanuel Capus.  - Cet amendement prolonge l'exonération sur une année seulement. C'est un soutien aux salariés du secteur de l'hôtellerie et de la restauration. Les pourboires sont désormais souvent versés par carte bleue.

M. le président.  - Amendement identique n°I-1163 rectifié bis de Mme Berthet et alii.

Mme Martine Berthet.  - Exonérons pour 2025 seulement, pour répondre aux difficultés de recrutement du secteur de l'hôtellerie et de la restauration.

M. le président.  - Amendement identique n°I-1250 rectifié quinquies de M. Rietmann

M. Olivier Rietmann.  - Défendu.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Sagesse sur les amendements n°I-849 rectifié bis et identiques, demande de retrait sur les amendements n°I-1133 rectifié bis et identiques. Une évaluation est à faire.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Je souscris à la remarque du rapporteur général sur la nécessité d'évaluer. Avis favorable aux amendements n°I-849 rectifié bis et identiques, demande de retrait pour les autres amendements. Je lève le gage.

Les amendements identiques nosI-1133 rectifié bis, I-1325 rectifié bis et I-1647 rectifié bis ne sont pas adoptés.

Les amendements identiques nosI-849 rectifié ter, I-1163 rectifié ter et I-1250 rectifié sexies sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°I-850 rectifié bis de M. Capus et alii.

M. Emmanuel Capus.  - Il faut sécuriser le dispositif de monétisation des jours de réduction du temps de travail (RTT), introduit en 2022, jusqu'au 31 décembre 2026. Cette mesure permet d'augmenter la rémunération des salariés et leur pouvoir d'achat.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - La monétisation des RTT est un dispositif intéressant, mais j'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez en dresser le bilan pour éclairer notre assemblée. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Plus qu'un bilan, une conviction : c'est une mesure en faveur du pouvoir d'achat des salariés. Avis favorable. Je lève le gage.

L'amendement n°I-850 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°I-399 rectifié quater de M. Bilhac et alii.

M. Raphaël Daubet.  - Cet amendement s'intéresse au pouvoir d'achat des classes moyennes. Il allège la fiscalité sur les versements de prime de partage de la valeur pour les salariés travaillant dans des entreprises de moins de 50 salariés touchant des revenus du travail modestes à moyens.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Demande de retrait.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°I-399 rectifié quater n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-155 rectifié ter de Mme Drexler et alii.

Mme Sabine Drexler.  - Le Président de la République a annoncé le 15 septembre 2023 le lancement d'une collecte nationale de dons pour la restauration des édifices religieux dans des villes de moins de 10 000 habitants en métropole et de moins de 20 000 en outre-mer. L'article 30 de la loi de finances pour 2024 porte le taux de la réduction à 75 % pour les dons effectués entre le 15 septembre 2023 et le 31 décembre 2025 au profit de la Fondation du patrimoine. Cet amendement élargit cette exonération aux dons effectués à d'autres associations reconnues d'utilité publique, pour que les donateurs bénéficient aussi de cette réduction d'impôt.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Demande de retrait.

L'amendement contrevient à l'objet même du dispositif de l'article 30 de la loi de finances pour 2024, conçu comme temporaire et ciblé sur un objet spécifique, national. Son élargissement disperserait l'effort de solidarité.

Les fondations reconnues d'utilité publique bénéficient déjà de la réduction de droit commun de 66 %.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis favorable sur le principe, mais une difficulté constitutionnelle existe : son caractère rétroactif.

M. Albéric de Montgolfier.  - On va rectifier !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Oui, il faudrait le rectifier dans la navette.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Nous allons modifier les choses, pour trouver un point d'accord en CMP. Je me range à l'avis du Gouvernement, donc avis favorable.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Je lève le gage.

L'amendement n°I-155 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°I-1333 rectifié de MM. Raynal et Cozic.

M. Claude Raynal.  - Le Gouvernement est prêt à accepter beaucoup de choses... (Sourires) Je ferai une réflexion sur ce que nous faisons. Le Gouvernement s'est privé de ressources à travers la suppression de la taxe d'habitation, par exemple.

M. Albéric de Montgolfier.  - Quelle connerie !

M. Claude Raynal.  - La première part de la suppression, qui portait sur 80 % des ménages les plus modestes, conformément à la promesse présidentielle, a coûté 9 milliards d'euros. Puis une décision du Conseil constitutionnel a élargi cette suppression aux 20 % restants : idem, 9 milliards d'euros, soit en tout 18 milliards d'euros financés par la dette. Nous pouvons continuer ainsi et faire porter l'effort sur nos enfants.

Je propose de sortir de l'hypocrisie. Il faut remettre ce qui a été donné dans le circuit. Si cet amendement n'est pas voté, on en reparlera l'an prochain.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Nous partageons l'objectif de remédier à la dégradation des comptes publics. Vous proposez pour ce faire d'augmenter la contribution des trois tranches supérieures de l'impôt sur le revenu jusqu'à ce que le déficit revienne à 3 %.

C'est oublier la forte concentration de cet impôt, dont 93 % du rendement a été payé par les trois derniers déciles.

Un couple de retraités mariés gagnant chacun moins de deux Smic verrait son impôt augmenter de 150 euros - 200 euros pour un salarié du privé gagnant trois Smic. Les classes moyennes seraient donc aussi affectées par la mesure. Il faut éviter de se lancer dans de nouveaux dispositifs au regard de notre taux de prélèvements obligatoires très élevé. Nous préférons des mesures mieux ciblées et exceptionnelles. Avis défavorable.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - En 2017, la proposition était bien de supprimer la taxe d'habitation pour 80 % des ménages. Les exigences constitutionnelles nous ont imposé de l'élargir à 100 %, non sans poser un problème de finances publiques. Vous souhaitez, monsieur le président, trouver une mesure de justice fiscale pour y remédier.

Mais j'ai une meilleure solution : c'est la CDHR, qui touche aussi les plus hauts revenus, pour un rendement du même ordre que ce que vous souhaitez. Nos finalités ne sont pas éloignées. Mais le Gouvernement a une ligne rouge : ne pas modifier le barème de l'impôt sur le revenu en dehors de la prise en compte de l'inflation. Avis défavorable.

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Monsieur le ministre, je partage votre avis. Mais il y a un problème : la CDHR est déjà prévue dans votre projet et j'en suis très content. Ce sont les 3,6 milliards d'euros de surtaxe d'électricité que je souhaite remplacer par cette mesure.

Les 20 % de foyers aux revenus les plus élevés ont bénéficié de 9 milliards d'euros de taxe d'habitation en moins ; je propose de récupérer 3 milliards d'euros tant que le déficit n'est pas revenu à 3 %. C'est complémentaire avec votre CDHR. Il est normal que des personnes qui ont bénéficié d'une mesure inattendue et dont l'épargne a considérablement augmenté contribuent. Avec la taxe sur l'électricité ou la non-indexation des retraites, c'est tout le monde qui serait concerné.

Vous nous parlez de 150 euros, 300 euros de plus ? Mais on est très en dessous de ce que payaient ces mêmes personnes au titre de la taxe d'habitation !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Pas forcément...

M. Claude Raynal, président de la commission.  - C'est une mesure de justice sociale. Je pense que nous en reparlerons.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Nous en reparlerons. Nous avons choisi de réduire les dépenses publiques. Nous avons le même objectif : conserver le pouvoir d'achat des Français. Mais nous choisissons de compenser par une baisse des dépenses. Nous ne pouvons pas conserver un niveau de fiscalité aussi élevé. Attention aux effets de bord ! Nos concitoyens s'y perdent. J'ai remarqué que vous défendiez des principes qui étaient plutôt les nôtres jusqu'à présent...

Mme Christine Lavarde.  - J'ai entendu parler de justice fiscale et de taxe d'habitation. À l'origine, il fallait supprimer cet impôt injuste parce qu'il était assis sur des valeurs locatives qui n'avaient pas de sens. Or la taxe foncière est toujours appuyée sur ces valeurs... Des travaux devaient être menés à ce sujet, mais de PLF en PLF, ils ont été reportés. Quid de la révision des valeurs locatives ?

M. Albéric de Montgolfier.  - Bonne question !

Mme Isabelle Briquet.  - La suppression de la taxe d'habitation a laissé un vide béant dans les finances des collectivités territoriales. Que propose le Gouvernement ? Une augmentation de la fiscalité sur l'électricité, qui pénalise l'ensemble des Français. Cet amendement propose une autre solution plus juste et équitable : une surtaxe ciblée sur les foyers les plus aisés.

Par ailleurs, il est temps d'ouvrir une réflexion sérieuse sur l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales. Nous ne pouvons pas continuer à pleurer la taxe d'habitation. Il est temps pour l'État de travailler avec les collectivités territoriales pour restaurer le lien entre les citoyens et les territoires.

L'amendement n°I-1333 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Nous avons examiné 101 amendements, il en reste 1 898 à examiner.

Prochaine séance aujourd'hui, mardi 26 novembre 2025, à 14 h 30.

La séance est levée à 2 heures.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 26 novembre 2024

Séance publique

À 14 h 30, le soir et la nuit

Présidence :

M. Didier Mandelli, vice-président, M. Dominique Théophile, vice-président, M. Loïc Hervé, vice-président

Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Catherine Conconne

Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, pour 2025 (n°129, 2024-2025)

Projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025 (n°143, 2024-2025)

=> Examen des articles de la première partie (Suite)