Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
J'excuse l'absence du Premier ministre qui est retenu à l'Assemblée nationale pour la discussion et le vote de deux motions de censure. (« Ah ! » sur quelques travées du groupe Les Républicains ; marques de déception à gauche)
M. Jacques Grosperrin. - Rien que ça !
M. le président. - Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Scandale Nestlé Waters
Mme Antoinette Guhl . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Qui gouverne réellement la France ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains) L'État et ses élus ou les multinationales et leurs lobbies ? L'affaire Nestlé devient un terrible scandale d'État. Les révélations de l'enquête de Radio France et du Monde confirment mon rapport d'octobre 2024 : Nestlé a fraudé pour plus de 3 milliards d'euros (marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) ; au vu et au su des ministres ; contre l'intérêt des citoyens. Nous consommons en France plus de 9 milliards de bouteilles d'eau par an. Et, hier, nous avons appris que Nestlé a fraudé au vu et au su de l'Élysée ! (Brouhaha à droite)
Depuis 2017, Emmanuel Macron offre libertés et largesses aux multinationales. Je ne reviendrai pas sur les Uber files... Le rapport de la macronie avec les intérêts privés est problématique.
Nestlé Waters gagne et les Français perdent : leur santé, leur confiance dans les institutions, et, peut-être, leurs emplois.
Pourquoi l'Élysée et Matignon ont-ils autorisé Nestlé Waters à frauder au mépris de la sécurité sanitaire et de la réglementation européenne ? Comment justifier que cette fraude perdure ? Comptez-vous y mettre un terme ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - La qualité de l'eau en France est particulièrement contrôlée. Nous appliquons des règles européennes via une doctrine définie par la direction générale de la santé, appliquée par nos ARS et transmise à nos préfets. En 2022, plus de 4 000 contrôles ont été effectués, et 99 % d'entre eux sont conformes.
Une fraude sur l'étiquetage a donné lieu à un contrôle : il y a eu utilisation d'UV et de filtres à charbon.
Une commission d'enquête est en cours ; la lumière sera faite, vous le savez, les auditionnés prêtent serment. (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.) Nous avons transmis tous les documents demandés. Mon ministère suit en toute transparence la qualité de l'eau embouteillée. Nous attendons les conclusions de la commission d'enquête parlementaire pour prendre les décisions qui s'imposent. (Exclamations sur les travées du GEST)
Reconstruction durable à Mayotte
Mme Micheline Jacques . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À l'issue d'un débat constructif, le Sénat a adopté le projet de loi d'urgence pour Mayotte. Dès l'article 1er, nous avons consacré le rôle incontournable des collectivités territoriales dans le pilotage de l'établissement public chargé de la reconstruction de l'archipel. Je salue les présidents d'intercommunalité mahorais et le président d'Intercommunalités de France, présents en tribune.
L'adaptation aux réalités locales est primordiale, cela passe par la coconstruction. L'État et les collectivités territoriales y ont intérêt, car seul cet ancrage garantira la maîtrise de la dépense. À cet égard, la régionalisation doit être approfondie, notamment pour l'approvisionnement des matériaux. C'est un gage de rationalisation des moyens et de respect des délais. Nous avions soulevé ce point dans le rapport de la délégation aux outre-mer sur la coopération régionale dans l'océan Indien.
Il faut maintenant passer à l'examen d'une loi de programmation, annoncée par le Gouvernement. Quel calendrier prévoyez-vous, et quelle méthode de travail associant les élus ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation . - Il est nécessaire d'associer les élus à la reconstruction de Mayotte.
Nous accueillons quatre présidents d'intercommunalité mahorais à Paris : au nom du ministre des outre-mer, qu'ils rencontreront demain, je leur rappelle que la porte de la rue Oudinot leur sera toujours ouverte.
La semaine dernière, Manuel Valls a signé une convention d'intention posant les principes de la reconstruction et de la refondation de Mayotte. Je le redis : il n'y aura pas de reconstruction sans coopération étroite entre l'État et les collectivités territoriales, sur le développement économique, l'environnement, l'urbanisme, la cohésion sociale. Le retour des intercommunalités sera essentiel pour préparer la loi-programme.
Sans préjuger des conclusions de la commission mixte paritaire, l'article 1er prévoit une représentation équilibrée de l'État et des collectivités territoriales au sein du conseil d'administration de l'établissement public qui coordonnera la reconstruction. Le général Pascal Facon travaille actuellement à sa préfiguration.
Le Gouvernement maintiendra un contact étroit avec les élus mahorais, en tant que de besoin. Vous le voyez, les communes et intercommunalités seront étroitement associées. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Micheline Jacques. - Voilà cinq ans que les Mahorais attendent une loi-programme. Les élus mahorais ont travaillé depuis longtemps en ce sens. Les moyens d'action de l'État doivent être adaptés de toute urgence. Il faut aussi rétablir la sécurité, qui passe par la régulation migratoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Position de la France et de l'Union européenne face à Donald Trump
Mme Samantha Cazebonne . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche a marqué le début d'une instabilité : retrait de l'accord de Paris, annulation des politiques de diversité,...
M. Stéphane Ravier. - Bravo !
Mme Samantha Cazebonne. - ... transformation de Guantánamo en centre de rétention pour migrants sans papiers, recul spectaculaire des droits des minorités,...
M. Stéphane Ravier. - Encore bravo !
Mme Samantha Cazebonne. - ... guerre commerciale mettant en péril l'économie mondiale, entre autres.
M. Stéphane Ravier. - Il faudrait faire pareil !
Mme Samantha Cazebonne. - Cette liste à la Prévert pourrait encore s'allonger. Dernière mesure : il souhaite prendre le contrôle de la bande de Gaza pour en faire la « Côte d'Azur du Moyen-Orient » (M. Stéphane Ravier s'en amuse), au mépris du droit international.
Les conséquences des politiques de Donald Trump sont inquiétantes, d'autant qu'il embarque avec lui les grands patrons américains : les nouvelles règles de Meta autorisent les propos haineux en ligne, et le programme de fact-checking a été supprimé, favorisant la désinformation.
Elon Musk utilise son réseau social X pour s'ingérer dans les processus électoraux européens. Les Américains me parlent d'un climat délétère et d'une remise en cause de nos valeurs fondamentales.
Comment la France peut-elle peser au sein de l'Union européenne pour s'imposer face à un allié de plus en plus menaçant ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Face à la multiplication des annonces tous azimuts outre-Atlantique, nous devons garder notre sang-froid et rappeler ce que nous sommes et ce que nous voulons.
Au Proche-Orient, la France est fermement opposée à tout déplacement forcé de population (M. Mickaël Vallet approuve) : ce serait une violation manifeste du droit international, une atteinte à l'aspiration légitime des Palestiniens et une entrave à la solution à deux États, seule susceptible d'apporter paix et stabilité dans la région.
Il n'y a aucun déséquilibre commercial à rééquilibrer entre l'Union européenne et les États-Unis. La dernière fois que les Américains se sont lancés dans une guerre commerciale avec la Chine, elle leur a coûté cher : 200 euros par habitant en moyenne, et davantage dans les comtés républicains. Si elle est visée, l'Union européenne répliquera, sans hésitation.
L'Union européenne refuse également que les règles des réseaux sociaux soient fixées par des milliardaires américains ou chinois. Là encore, la Commission européenne peut prendre des sanctions, des amendes allant jusqu'à 6 % du chiffre d'affaires mondial ou la restriction d'accès au territoire européen.
Avant-hier, le Président de la République a participé à une retraite des chefs d'État et de gouvernement sur l'ensemble des sujets. Je réunirai prochainement des représentants des principaux pays européens pour définir un discours uni, ferme et serein face aux futurs événements potentiels pouvant survenir aux États-Unis. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Vincent Louault et Claude Malhuret applaudissent également.)
Microcrèches
Mme Marie-Claude Lermytte . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Lundi dernier, les microcrèches étaient en grève. Le signal d'alarme est tiré. Un projet de décret d'application de la loi de décembre 2023 risque de mettre en péril ces structures, qui se sont développées grâce à une souplesse d'encadrement, notamment en milieu rural où elles ont comblé un manque. Un enfant sur trois vit en milieu rural.
Elles représentent 13 % de l'offre, or leur avenir est menacé par ce décret trop abrupt. Alors qu'il manque déjà 10 000 professionnels de la petite enfance, peut-on risquer de perdre encore des places d'accueil ?
Nous ne remettons pas en cause l'alignement des exigences de diplômes. Chaque enfant a les mêmes droits et les mêmes besoins. Il faut harmoniser les conditions d'encadrement, mais aussi laisser du temps aux professionnels pour s'adapter. Quid de la validation des acquis de l'expérience (VAE) ? Quel est le calendrier envisagé ? Cela aura un impact sur les financements et le coût pour les familles.
Les inquiétudes des familles, des élus et des professionnels sont vives. Clarifiez la situation ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles . - Nous avons évoqué ce sujet ce matin en audition ; je profite de votre question pour clarifier la situation devant la représentation nationale.
Les modes de garde sont pluriels. Les crèches de petite taille doivent répondre à des obligations de qualification de ceux qui s'occupent des tout-petits. Qu'avons-nous de plus précieux que nos enfants ? Je rends hommage à l'ensemble des personnels qui s'en occupent.
Les microcrèches sont installées partout sur nos territoires, suivant des dérogations. Le décret prévoit une obligation de formation pour les nouveaux recrutements à partir du 1er septembre 2026. Il n'y a donc pas de licenciements dans les microcrèches. Nous sommes le 5 février 2025, cela laisse du temps pour les futurs recrutements... Vous pouvez rassurer parents et élus. L'État les accompagne.
Nous faisons tout pour que les enfants soient accueillis dans les meilleures conditions. L'État accompagne via le complément de libre choix du mode de garde (CMG) et un crédit d'impôt pour les entreprises réservant des berceaux.
Quel que soit le mode de garde, ce qui importe, c'est la qualité offerte aux enfants. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Claude Malhuret et Bruno Sido applaudissent également.)
Avenir des métiers en tension
M. Ahmed Laouedj . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Monsieur Buffet, votre circulaire publiée sur l'admission exceptionnelle des étrangers en situation irrégulière soulève de nombreuses préoccupations. Les métiers en tension font face à des problèmes structurels. La régularisation des travailleurs étrangers dans l'hôtellerie-restauration, le bâtiment et la santé est un levier indispensable.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. Ahmed Laouedj. - Le recours aux médecins étrangers résoudrait le problème des déserts médicaux. Les personnes immigrées, faute d'être régularisées, peuvent voir leur situation devenir encore plus précaire, et cela pourrait favoriser le travail dissimulé, voire des trafics. L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) s'inquiète des conséquences de cette circulaire, qui accentuera la pénurie de main-d'oeuvre et compromettra la dignité et les droits de ces personnes qui contribuent à la croissance économique.
Quelles solutions envisagez-vous ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, des travées du groupe UC et quelques travées du groupe SER)
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Question pertinente : il nous faut être fermes vis-à-vis des étrangers en situation irrégulière et réorienter nos choix en matière d'immigration. L'immigration économique qualifiée doit être une priorité.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. François-Noël Buffet, ministre. - En 2023, le nombre d'admissions exceptionnelles au séjour (AES) pour des raisons économiques a baissé de 10 %, alors que celui des AES délivrées à des scientifiques a augmenté de 20 %. Depuis la réorganisation interne de 2021, la liste des métiers en tension est actualisée chaque année. Elle devrait être publiée par le ministère du travail d'ici à début mars.
Dès lors que les critères retenus sont vérifiés - je pense notamment aux fiches de salaire, aisément falsifiables - les préfets auront toute liberté pour accorder les titres de séjour correspondants.
Nous maintenons notre objectif d'une immigration de travail qualifiée. (M. Loïc Hervé applaudit.)
Mal-logement
Mme Corinne Féret . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La Fondation pour le logement des défavorisés fait un terrible constat : en 2024, 735 personnes sont mortes dans la rue ; 350 000 sont SDF ; plus de 4 millions sont mal logées ; 30 % ont froid dans leur logement.
Voilà huit ans que notre pays s'enfonce toujours plus profondément dans la crise du logement, mais les réponses des gouvernements successifs ne sont pas à la hauteur.
Se loger est devenu, surtout pour les plus modestes, un véritable parcours du combattant, sous l'effet conjugué de la crise de la construction, du grippage du marché immobilier, de l'inflation, etc. Les files d'attente pour accéder à un logement social s'allongent, avec 2,7 millions de ménages demandeurs fin juin, alors que la production de logements sociaux est au plus bas.
Comment pourrait-il en être autrement ? L'effort public en faveur du logement est au plus bas depuis trente ans, à seulement 1,5 % du PIB ! Le logement est délaissé et 2024 est une nouvelle année de renoncement.
Allez-vous enfin agir contre le mal-logement ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST ; M. Stéphane Demilly applaudit également.)
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement . - Vous avez raison : le logement connaît une crise inédite - les chiffres parlent d'eux-mêmes. Cette crise se profile depuis plusieurs années, avec le renchérissement du coût de la construction, la hausse des taux d'intérêt et un contexte général qui n'a pas favorisé la production de logements.
Grâce au budget 2025, le PTZ sera élargi à tout le territoire et la réduction du loyer de solidarité (RLS) améliorera les fonds propres des bailleurs. En outre, la baisse du taux du livret A nous permettra de mobiliser 850 millions d'euros. Vous le verrez : les annonces ambitieuses en matière de logement social que nous ferons dans les prochains jours seront largement à la hauteur des besoins.
Nous travaillons aussi à la création d'un statut du bailleur privé, pour favoriser l'investissement locatif privé. Enfin, grâce au Parlement, les autorisations d'engagement en faveur de la rénovation thermique des logements ont été préservées.
Le Gouvernement, mobilisé, sait qu'il doit être au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe RDSE ; M. François Patriat applaudit également.)
Mme Corinne Féret. - La France s'enfonce dans le mal-logement.
Vous nous dites que vous avez vu la crise arriver. Mais, depuis 2018, les mesures prises ont aggravé la situation des bailleurs sociaux ! Les besoins sont d'une telle ampleur que votre réponse n'est guère rassurante. (Mme Valérie Létard s'en émeut.)
M. Michel Savin. - Très bien !
Mme Corinne Féret. - Pourtant, le logement est essentiel dans la vie de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)
Intelligence artificielle
M. Fabien Gay . - La France s'apprête à accueillir un sommet sur l'intelligence artificielle (IA) - un sujet plus que jamais politique. L'IA, qui ambitionne de révolutionner notre quotidien, porte autant de promesses d'émancipation que de risques d'aliénation.
Les États-Unis vont investir 500 milliards de dollars dans le projet Stargate. La Chine développe DeepSeek. Et en France ? Le crash de Lucie, une industrie détricotée, une recherche amputée de 1,5 milliard d'euros dans votre budget ! La France va-t-elle devenir le vassal de ces nouveaux impérialismes ? Ou sera-t-elle capable de bâtir une régulation plus ambitieuse que l'AI Act européen, bien trop timoré face aux tyrans numériques ?
L'IA doit être un bien commun de l'humanité et non un outil détenu par quelques milliardaires, au service leurs seuls profits.
Votre « en même temps » est intenable : comment dénoncer l'alliance internationale de tous les réactionnaires, quand on déroule le tapis rouge à Elon Musk, l'homme qui fait des saluts nazis, qui s'invite au congrès de l'AfD (Alternative für Deutschland) (Applaudissements à gauche) et met sa fortune au service de la désinformation et des guerres commerciales et coloniales, du Groenland à Gaza ?
Signifiez clairement à Elon Musk qu'il n'est pas le bienvenu à ce sommet, car nous ne partageons pas son projet de société. Nous voulons une IA éthique, fiable et souveraine. Proposez une COP mondiale de l'IA sous l'égide des Nations unies. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDSE ; MM. Loïc Hervé et Alain Duffourg applaudissent également.)
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - L'IA transforme nos vies. Hier, à l'Institut Gustave-Roussy, nous avons vu comment les chercheurs français utilisent l'IA pour accélérer la recherche contre le cancer. Nous sommes pleinement conscients de l'importance des IA souveraines en France.
Nous n'avons pas attendu : dès 2018, nous nous sommes dotés d'une stratégie nationale, avec 2,5 milliards d'euros. (M. Fabien Gay soupire, puis s'exclame.) Nous sommes aux débuts de cette technologie. La meilleure réponse, c'est la nôtre : (vives exclamations sur les travées du CRCE-K) nous investissons dans nos talents, nos infrastructures et nos entreprises - comme Altametris en Seine-Saint-Denis. Nous sommes au rendez-vous. (M. Fabien Gay et Mme Cécile Cukierman s'exclament.)
L'IA n'est pas seulement technologique, elle est absolument politique - demandez donc à DeepSeek ce qu'il pense des faits historiques ! La meilleure réponse, c'est l'action diplomatique (M. Fabien Gay s'exclame de plus belle), pour mettre tout le monde autour de la table.
M. le président. - Laissez la ministre répondre !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - S'il y a vingt ans, nous nous étions réunis, nous n'en serions pas là. Pour répondre à ces menaces, nous innovons en France et en Europe. Nous restons très fermes sur nos valeurs. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Inondations en Ille-et-Vilaine
Mme Anne-Sophie Patru . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe Sylvie Robert, Daniel Salmon et Dominique de Legge, sénateurs d'Ille-et-Vilaine, à ma question.
Notre département a été frappé par des crues historiques. Rennes, Redon, Bruz, Noyal-Châtillon, Pacé ont affronté la montée des eaux de l'Ille, de la Vilaine et de la Seiche, au cours d'une succession de tempêtes. Le ministre de l'intérieur a annoncé qu'il reconnaîtrait l'état de catastrophe naturelle.
Je pense à tous les professionnels touchés et remercie les forces de sécurité et de secours. Une nouvelle fois, les maires, fantassins de la République, ont été au rendez-vous, avec leurs agents municipaux.
Le changement climatique démultiplie l'intensité de ces phénomènes extrêmes et les communes font de plus en plus souvent face à des refus d'assurance. Jean-François Husson (« l'excellent ! » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains), mais aussi l'Association des maires de France (AMF) et Jean-François Longeot (« l'excellent ! » sur plusieurs travées du groupe UC) ont tiré la sonnette d'alarme.
Comment compenser les dépenses d'urgence engagées par les communes ? Comment répondre à ce risque assurantiel croissant ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du GEST)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Au nom du Gouvernement, j'apporte mon soutien aux sinistrés des intempéries qui ont frappé l'ouest de notre pays - mais aussi le Pas-de-Calais. Ces événements sont liés au dérèglement climatique. Je salue les services de prévision - Météo-France et Vigicrues - , ainsi que des forces de secours : il n'y a eu aucune victime.
La première réunion relative à l'état de catastrophe naturelle se tiendra demain. J'ai donné des consignes pour que les dossiers soient instruits le plus rapidement possible.
La dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSEC) sera mobilisée pour reconstruire les infrastructures qui n'étaient pas assurées - des routes, des ponts. Le fonds vert permettra également de renforcer notre résilience face aux événements climatiques.
Enfin, nous travaillons sur la question assurantielle, avec François Rebsamen et Éric Lombard, afin notamment de mieux financer la prévention.
M. Jean-François Husson. - Il faut trouver la solution tout de suite !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Je souhaite inscrire la proposition de loi Lavarde à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale (« bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Amel Gacquerre applaudit également), car elle apporte de premières solutions. (M. François Patriat applaudit.)
Remise en liberté d'étrangers sous OQTF à Nantes
Mme Laurence Garnier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce qu'il s'est passé à Nantes il y a quelques jours est sidérant.
Fin janvier, le ministre de l'intérieur a lancé seize opérations de police contre le trafic de drogue et la délinquance, qui ont abouti à 53 interpellations et 12 placements en centre de rétention administrative. Mais deux individus ont été libérés pour vices de procédure : le premier, un Algérien sous OQTF depuis un an et demi, parce que le document du procureur relatif au périmètre citait les rues le délimitant et non celles à l'intérieur (« Oh ! » à droite) ; le second, un Libyen, parce que l'agent qui a signé la demande de prolongation de sa détention n'était habilité à signer que le week-end - or on était vendredi... (« Ah ! » à droite)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Où est Bruno Retailleau ?
Mme Laurence Garnier. - À la fin, ces deux individus sont dehors : on est chez les fous !
Monsieur le ministre, nous connaissons votre détermination à lutter contre le narcotrafic - nous avons voté hier un texte, à l'unanimité.
M. le président. - Quelle est votre question ?
Mme Laurence Garnier. - Comment répondre à cette folie procédurière qui décourage nos policiers et nourrit l'incompréhension de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Cela tient à la complexité de la procédure en matière de droit des étrangers, singulièrement pour des prévenus placés en centre de rétention administrative : deux juridictions interviennent, l'administrative et la judiciaire.
Les 21 et 22 janvier, 30 personnes ont été interpellées dans le centre-ville de Nantes, dont 12 étrangers en situation irrégulière, placés en centre de rétention administrative. Plus de 10 000 euros de stupéfiants ont été saisis.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Quel est le rapport ?
M. François-Noël Buffet, ministre. - Cela situe le contexte : la réponse policière doit être extrêmement ferme. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie mime une brasse coulée.)
Le Gouvernement ne peut commenter une décision de justice, mais il faut sans doute revoir ces procédures, dans un travail commun aux ministères de l'intérieur et de la justice. (M. Gérald Darmanin acquiesce.)
Un jour, peut-être faudra-t-il choisir un seul des deux ordres de juridiction : les deux sont parfaitement capables de défendre les libertés individuelles. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Pouvoir d'achat
M. Yan Chantrel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.) La première préoccupation des Français - celle qui devrait obnubiler le Premier ministre et son Gouvernement - est celle du pouvoir d'achat, de pouvoir vivre dignement de leur travail.
Alors que les prix n'ont cessé d'augmenter depuis trois ans et que la facture énergétique a explosé, le pouvoir d'achat et la justice sociale sont les grands oubliés du budget 2025 : ni coup de pouce pour le Smic, ni revalorisation de la prime d'activité, ni augmentation du point d'indice.
Quand 30 % de nos compatriotes n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois, la famille Mulliez se verse 1 milliard d'euros de dividendes, tout en supprimant 2 400 emplois chez Auchan ; le patron de Carrefour gagne 426 fois plus que la moyenne de ses salariés. Ces écarts de revenus sont indécents. Pourtant, vous refusez toujours de rétablir l'ISF, d'augmenter le taux de la flat tax ou de taxer les superdividendes.
Quand allez-vous prendre la mesure de la crise sociale qui sévit, et agir concrètement pour augmenter le pouvoir d'achat de ceux qui n'ont que leur travail pour vivre ? (Applaudissements à gauche)
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire . - Pour pouvoir apporter des réponses, il faut d'abord se doter d'un budget. (Vives exclamations à gauche) Sans budget, pas de revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu.
M. Mickaël Vallet. - Faut pas nous chauffer, on pourrait censurer !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. - Le prix de l'électricité a baissé au 1er février. L'inflation, relativement importante ces dernières années, devrait s'établir à 1,4 % en 2025, alors que les salaires devraient augmenter de 2,8 %. Voilà qui devrait améliorer le pouvoir d'achat.
Nous devons également nous engager à réduire notre déficit. (Mme Silvana Silvani proteste.) C'est l'objet du budget présenté par le Gouvernement, qui vise à limiter le déficit à 5,4 % en 2025. L'État y prend toute sa part : ses dépenses baisseront de 2 % en valeur, c'est inédit depuis vingt-cinq ans.
C'est un budget d'efficacité et non d'austérité, fruit d'un compromis entre sénateurs et députés. Je salue le travail de votre rapporteur général, Jean-François Husson.
Avoir un budget est une urgence, y compris pour répondre à la question du pouvoir d'achat.
Voix à gauche. - Il ne fallait pas dissoudre !
M. Yan Chantrel. - En Espagne, le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez a augmenté le Smic de 61 % en sept ans et a multiplié le taux de croissance par trois par rapport à nous. (Vives exclamations à droite)
Éric Lombard lui-même, avant d'être ministre, jugeait le capitalisme déréglé et la répartition des richesses trop divergente.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Yan Chantrel. - Il est temps d'agir pour résoudre la crise sociale dans notre pays. (Applaudissements à gauche)
Classement de plaintes sans suite
Mme Anne Chain-Larché . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Notre justice va mal, noyée sous les plaintes. Lors de l'audience solennelle de rentrée au tribunal de Melun, le procureur de la République a annoncé le classement sans suite, et sans actes d'investigation, d'un certain nombre de plaintes, pour « désengorger les tribunaux et alléger le travail des policiers ». Les plaintes seront désormais triées dès l'origine « en fonction des priorités ». Le procureur a lui-même reconnu que c'était choquant.
Alors que certains n'osent pas porter plainte, même pour des faits graves, le signal envoyé est dévastateur. La justice doit être au service des victimes, non des délinquants. Cela conduit à une perte de sens pour les magistrats, pour les policiers et pour les citoyens.
Invoquer un manque de moyens humains et financiers n'est pas entendable, dans le pays recordman d'Europe des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques.
Cette situation va à rebours de la politique de fermeté qu'applique Bruno Retailleau au ministère de l'intérieur, dont les effets se font déjà sentir. (On ironise à gauche.)
Qu'allez-vous faire pour y mettre fin ? Allez-vous simplifier et rationaliser la procédure pénale ? Allez-vous aborder le sujet de la sanction ferme dès le premier délit ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice . - Si notre niveau de dépense publique est si important, ce n'est pas du fait de l'État, qui représente 30 % de la dépense publique - et qui au demeurant ne consacre que 2 % de son budget à la justice - mais de la dépense sociale. D'ailleurs, le sénateur Chantrel aurait pu rappeler l'âge de départ à la retraite en Espagne... (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
À l'heure actuelle, il y a trois millions de plaintes non traitées dans les commissariats et les gendarmeries, dont 65 % ont plus de six mois ; 50 % de celles-ci n'ont connu aucun acte d'investigation. C'est lié à la crise de la filière investigation et au manque d'officiers de police judiciaire pour réaliser les actes d'enquête. D'où notre réforme de la police nationale.
Voix à gauche. - Mauvaise réforme !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur vise à agir dès l'école de police pour augmenter le nombre d'officiers de police judiciaire à même de traiter les plaintes.
Côté justice, il manque des parquetiers, notamment à Melun, il manque des magistrats. Mais la réponse des services de la justice doit aussi être plus efficace : quand le tribunal vous condamne à six mois de prison, vous n'allez pas en prison - et ce depuis plus de vingt ans.
Il faut des peines alternatives, des amendes véritablement payées - je proposerai au Premier ministre qu'elles soient recouvrées par les commissaires de justice et non plus par l'administration - des travaux d'intérêt général en peine autonome. Bref, il faut un grand soir de la chaîne pénale, pour une réponse ferme et rapide. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Mme Anne Chain-Larché. - Le ministère de la justice est celui du temps long. Nous comptons sur vous pour agir. Les Français ont besoin d'une justice pour les victimes et non pour les délinquants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Position du Gouvernement sur le ZAN
M. Guislain Cambier . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Dans quelques semaines, le Sénat examinera la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, dite Trace, très largement cosignée, qui propose une réduction pragmatique, différenciée et concertée de l'artificialisation des sols.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Excellent !
M. Guislain Cambier. - Mais sur le terrain, la machinerie administrative poursuit son travail de rouleau compresseur : l'État profond joue la montre contre les territoires.
Quelle est la position du Gouvernement sur la loi Trace ? Allez-vous porter ce texte attendu ? Quid de l'impact financier et fiscal, qui nous empêche d'avancer ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation . - L'objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) a été inscrit dans la loi Climat et résilience à l'initiative des conventions citoyennes. Il ne suffit pas de fixer un objectif ambitieux, encore faut-il se donner les moyens de l'atteindre.
Votre proposition de loi Trace doit nous permettre de poursuivre cette dynamique de sobriété foncière tout en apportant des assouplissements afin de mieux prendre en compte les besoins des territoires et des élus.
La disparition de tout objectif chiffré mettrait en péril l'objectif, et, partant, notre agriculture, notre environnement, notre action contre les risques naturels.
Votre texte doit être un outil au service de trois objectifs partagés : réaffirmer notre confiance dans les élus locaux et les mettre au coeur du dispositif ; réaffirmer l'objectif de zéro artificialisation nette en 2050 ; assouplir au maximum.
S'agissant du calendrier d'examen, il parait judicieux d'attendre les conclusions des travaux en cours, notamment de la mission d'information à l'Assemblée nationale. (Exclamations à droite)
Je suis convaincu que grâce à vos travaux, nous ferons de ce texte un levier de réussite de notre ambition collective de sobriété foncière. (MM. François Patriat et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent.)
M. Laurent Burgoa. - Ce n'est pas clair...
M. Guislain Cambier. - Merci pour votre début de réponse.
Nous voulons arriver à un atterrissage concerté dans les territoires. La proposition de loi Trace vient perturber la doxa, et rencontre des freins administratifs, politiques, voire intellectuels ; certains voudraient ralentir la machine. Or nous avons besoin de souplesse, rapidement, pour faire émerger des projets dans les territoires. (Mme Dominique Estrosi Sassone le confirme.) Il faut précipiter le calendrier ! Jouer la montre permet à certains de dérouler leur agenda, mais l'aménagement du territoire se construit progressivement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP)
LGV Bordeaux-Toulouse
M. François Bonhomme . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP) J'associe à ma question Pierre-Antoine Levi et Brigitte Micouleau.
Le sud-ouest attend avec impatience la ligne à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse, essentielle pour l'attractivité économique de notre territoire, pour Agen, Toulouse et Montauban. Ce projet permettra également un rééquilibrage entre les transports aérien et ferroviaire et la création de créneaux pour le fret ferroviaire et les TER.
Pourtant, des opposants radicaux, tels que les Soulèvements de la terre, multiplient les actes de dégradation et de sabotage, emploient la violence contre les forces de l'ordre, comme fin janvier à Saint-Jory, et installent un embryon de ZAD aux abords du chantier.
Comment comptez-vous sécuriser durablement le chantier et mettre fin à ces troubles à l'ordre public, inacceptables dans un État de droit ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports . - (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Les actions violentes et les occupations illégales qui entravent le chantier de la LGV Bordeaux-Toulouse sont inacceptables et seront traitées avec la plus grande fermeté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comme pour l'A69, nous ne céderons pas.
M. Laurent Burgoa. - Parfait !
M. Philippe Tabarot, ministre. - La LGV est un projet prioritaire qui répond à des enjeux majeurs : désenclaver Toulouse, favoriser le report modal vers le train, relier la péninsule ibérique au reste de l'Europe. Il a fait l'objet de toutes les procédures de concertation et de toutes les autorisations nécessaires. Les collectivités territoriales sont pleinement engagées à nos côtés, avec un financement partagé.
Les opposants ne peuvent pas s'arroger le droit de bloquer un chantier d'utilité publique, attendu par la majorité des citoyens. L'État fera le nécessaire pour garantir la poursuite des travaux dans le respect du calendrier, tout en assurant la sécurité des ouvriers, trop souvent menacés avec des armes par destination. Quelles que soient les motivations des opposants, c'est intolérable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Marc Vayssouze-Faure et Hussein Bourgi applaudissent également.)
M. François Bonhomme. - Je me réjouis de cette fermeté, qui tranche avec les contorsions de l'État depuis une quinzaine d'années, avec les atermoiements à Sivens ou Notre-Dame-des-Landes. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)
Ces faux rebelles, qui montent aux arbres, au propre et au figuré, pour contester tout projet, annoncent la sempiternelle convergence des luttes avec les opposants à l'A69. Nous ne voulons plus de cette faiblesse chronique, antichambre des renoncements face à ceux qui veulent imposer leurs vues à la majorité silencieuse par la violence et entraver des projets majeurs pour le pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)
Reculs sur le pacte vert
Mme Marion Canalès . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Faut-il que tout change pour que rien ne change ? Sous couvert d'un choc de simplification, la Commission européenne fait reculer la lutte contre le réchauffement climatique et la défense des droits humains et sociaux.
Simplifier, oui. Mais simplifier n'est pas déréguler ou renoncer. Ceux qui font du Pacte vert le coupable idéal marchent dans les pas de Donald Trump, qui qualifie l'accord de Paris d'escroquerie.
Le Pacte vert, c'est notre stratégie commune pour une croissance durable, la seule possible. Comment le choc de simplification peut-il devenir une entreprise de dérégulation en matière environnementale et de droits ? Le règlement européen sur la déforestation est reporté. Stéphane Séjourné n'est pas en reste, lui qui demande la suspension de deux directives essentielles : la CS3D et la CRSD. Certes, leur mise en oeuvre a un coût ; mais celui de l'impréparation sera plus élevé ! Ces textes sont les symboles d'une Europe puissante, capable d'imposer ses normes à des leaders étrangers, par exemple de la fast fashion. Le moratoire évoqué serait l'antichambre du renoncement !
La France va-t-elle renoncer à jouer son rôle en Europe en faveur de la transition écologique ? Le réchauffement climatique se rappelle à nous tous les jours : à qui rendons-nous service en reculant ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; MM. Ian Brossat et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire . - Oui, les deux textes que vous avez mentionnés sont essentiels pour plus de durabilité et de justice. La France a porté ces combats en 2022, lors de sa présidence du Conseil de l'Union européenne. Notre ambition est inchangée.
Pour autant, ces textes peuvent encore être améliorés : il est possible, sans renoncer à nos ambitions, de les rendre plus simples et mieux proportionnés à la taille des entreprises. On ne peut pas demander la même chose à un groupe coté et à une PME ! (M. Yannick Jadot s'exclame.)
En ce qui concerne le devoir de vigilance, nous voulons simplifier le texte pour préserver les PME et les TPI, poumons de la croissance et de l'innovation.
M. Didier Marie. - C'est déjà prévu...
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. - Les nouvelles obligations viseraient les entreprises de plus de 5 000 salariés.
De même, en ce qui concerne la durabilité, nous souhaitons un régime allégé pour les ETI, entre 250 et 1 500 salariés, qui seraient concernées par un nombre limité d'indicateurs. Pour les grandes entreprises, le reportage dans la chaîne de sous-traitance sera plafonné et les obligations alignées sur celles applicables aux PME cotées.
En veillant à proportionner les obligations à la dimension des entreprises, nous ne renions aucunement nos valeurs ; nous assurons l'efficacité des textes et préservons la compétitivité de nos entreprises.
Mme Marion Canalès. - Il est bien loin le temps où Emmanuel Macron bombait le torse face à Donald Trump, disant : « Make our planet great again ! » Nous avons été le premier pays à transposer ces directives, qui prévoient déjà une progressivité des obligations. Un sursaut s'impose en Europe. Ne cédons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Travailleurs pauvres
M. Bruno Rojouan . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC) Le pouvoir d'achat est, de loin, la principale préoccupation des Français.
Or de plus en plus de Français survivent, alors même qu'ils travaillent. Très souvent, ces travailleurs pauvres se lèvent tôt et exercent des tâches pénibles. Ce sont des courageux, des vrais productifs - principalement des ouvriers, des agriculteurs et des salariés de la restauration et de l'entretien.
Pour une partie des Français modestes, le travail ne paie plus. Comment le Gouvernement entend-il leur permettre de vivre à nouveau dignement de leur travail ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur des travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Oui, le travail doit mieux payer en France (Exclamations sur certaines travées à gauche). Trop de travailleurs, même expérimentés, sont piégés dans la trappe à bas salaires.
Nous continuerons de soutenir les négociations salariales au niveau des branches et des entreprises. La semaine dernière, j'ai réuni le comité des salaires pour faire le point sur les minima de branche : les branches jouent le jeu, à l'exception de cinq d'entre elles, où les négociations sont durablement bloquées.
Mme Frédérique Puissat. - Trois seulement !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Mais plus de la moitié n'ont pas actualisé leur classification, ce qui limite les perspectives d'évolution. Nous continuerons de suivre ces questions.
Le principal facteur de pauvreté laborieuse, c'est le temps partiel subi, qui touche majoritairement les femmes. L'Igas a proposé des solutions qui viennent d'être présentées aux partenaires sociaux : à eux de s'en saisir, notamment en vue de la conférence sur les salaires que Catherine Vautrin et moi-même animerons.
Reste l'éléphant dans la pièce : le coin socio-fiscal. Le coût du travail est trop élevé et ce qui revient au salarié, trop bas. Pour qu'une femme au Smic, locataire et élevant seule ses enfants voie son reste à vivre augmenter de 100 euros, il en coûte 770 euros de plus à son employeur. Nous avancerons sur le chantier de l'allocation sociale unique et travaillerons à diversifier le financement de la protection sociale, qui repose trop sur le travail.
M. Bruno Rojouan. - Clairement, nous sommes allés trop loin dans les politiques sociales et pas assez dans l'accompagnement des salariés modestes. (Exclamations ironiques à gauche ; marques d'approbation à droite) Pas étonnant, dès lors, que ceux qui travaillent aient l'impression que l'inactivité permette de mieux s'en sortir, ce qui est injuste. (Marques de désapprobation à gauche)
Mme Raymonde Poncet Monge. - C'est faux !
M. Bruno Rojouan. - Pas étonnant que les classes populaires qui souffrent se tournent massivement vers le vote radical et que le travail perde son sens aux yeux des jeunes générations. Madame la ministre, bon courage et continuez ainsi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
« Humoriste » islamiste sur la télévision publique
Mme Nathalie Goulet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) « La place d'une femme est à la demeure auprès de son père, crains ton Seigneur » : ce propos n'est pas d'un théoricien d'Al-Qaïda, mais de la nouvelle recrue de C à vous, l'émission star de France 5, regardée par un million de téléspectateurs. L'humoriste, si l'on peut dire, Merwane Benlazar, est coutumier des exégèses de la charia sur Twitter et des recommandations de sites ouvertement salafistes - sans oublier moult saillies contre les forces de l'ordre ou les femmes.
La polémique suscitée par son intronisation sur France 5 l'a conduit à fermer ses réseaux au public et à les nettoyer au karcher. Il annonce la couleur avec son look salafiste. Mais si l'habit ne fait pas le moine, le propos fait le salafiste.
Comment l'argent du contribuable peut-il servir à normaliser les idées que véhicule ce personnage ? Est-ce là ce que l'on attend du service public de l'audiovisuel ? Est-ce une provocation ou l'expression d'un projet politique ? Que penser du silence assourdissant de l'Arcom, si prompte à condamner d'autres animateurs ? (On renchérit à droite.)
M. Laurent Burgoa. - Tout à fait !
Mme Nathalie Goulet. - Allons-nous continuer longtemps à jouer les idiots utiles de l'islamisme ?
Aux dernières nouvelles, cet individu serait renvoyé de la chaîne. Pouvez-vous le confirmer ? Cette mesure concerne-t-elle aussi la radio où il sévit ? Enfin, comment garantir que, à l'avenir, l'Arcom joue son rôle pour éviter de tels errements éditoriaux, dans le respect de l'indépendance des médias ? (Vifs applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)
Mme Rachida Dati, ministre de la culture . - Le recrutement des chroniqueurs et journalistes relève du libre choix de l'antenne et des producteurs.
La chronique à laquelle vous faites référence contenait-elle des propos répréhensibles ? Non. L'Arcom n'avait donc pas à intervenir.
Ce chroniqueur a-t-il, par ailleurs, tenu des propos scandaleux ? Oui. France Télévisions en a tiré les conséquences : il ne sera plus à l'écran.
M. Olivier Paccaud. - Il n'aurait jamais dû y être !
Mme Rachida Dati, ministre. - Vous avez parlé d'un silence assourdissant de l'Arcom. Je tiens à dénoncer le bruit important des dérives et des dérapages. L'apparence ou la tenue vestimentaire ne doivent pas disqualifier, sans aucun fondement. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI, du RDSE et du groupe SER)
Mme Nathalie Goulet. - Je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais il est un peu difficile d'expliquer qu'on ne peut pas mettre d'abaya à l'école et de promouvoir sur le service public une tenue manifestement salafiste. Il n'y a rien d'innocent dans ces actes. Et je travaille depuis trop longtemps sur la laïcité et le respect de la République pour qu'on me traite de raciste ! (« Bravo ! » et applaudissements nourris sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)
La séance est suspendue à 16 h 20.
Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.