Convention sur la sécurité et la santé des travailleurs (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention n°155 sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981.

Discussion générale

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - La ratification de la convention n°155 sur la sécurité et la santé des travailleurs de l'Organisation internationale du travail (OIT) marquera notre volonté indéfectible de promouvoir les droits fondamentaux au travail.

L'OIT associe gouvernements et représentants des travailleurs et employeurs. La France, membre permanent de son conseil d'administration, est le deuxième pays, sur 187 États membres, à avoir ratifié le plus grand nombre de ses conventions.

Cette ratification renouvelle notre engagement en faveur d'un environnement sûr et salubre au travail. L'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en 2013 ou la crise du covid en ont rappelé l'importance.

Cette convention, adoptée en 1981, a été remise en valeur en juin 2022, quand la santé et la sécurité au travail ont été érigées au rang des principes et droits fondamentaux en matière de travail, au même titre que la liberté syndicale ou l'abolition du travail des enfants. La France fera preuve d'exemplarité en la ratifiant.

Cette convention s'applique à toutes les branches d'activité, du privé comme du public, et tous les travailleurs. Le Gouvernement n'a retenu que des réserves strictement nécessaires concernant l'exercice du droit de retrait en matière de navigation maritime, d'aviation civile et pour les militaires et agents de la fonction publique chargés de la sécurité des biens et des personnes.

La convention énumère les mesures à prendre en matière de santé et sécurité au travail, comme la détermination de procédés selon les risques, la procédure de déclaration des accidents du travail ou les obligations des employeurs. Elle prescrit aux États membres de contrôler l'application des lois et de sanctionner les infractions. Elle insiste sur la prévention, dans laquelle les partenaires sociaux doivent être impliqués.

Je salue l'important travail d'expertise des agents des ministères concernés pour s'assurer de la conformité de notre droit national aux exigences de la convention, ainsi que le travail rigoureux des directions des affaires juridiques et des Nations unies du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Consultés, les partenaires sociaux ont plaidé pour une ratification rapide. Je remercie votre rapporteur pour la qualité de son travail.

Autoriser la ratification de cette convention, c'est permettre à la France de rester fidèle à son message universel de respect, de protection des travailleurs et de promotion des droits fondamentaux. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Bruno Sido applaudit également.)

M. Michel Masset.  - Très bien !

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La convention n°155 de l'OIT, dont la ratification nous est proposée, porte sur un enjeu essentiel : la sécurité et la santé des travailleurs. Adoptée en 1981, elle a été récemment élevée au rang de texte fondamental par cette organisation, centenaire et unique en son genre par son caractère tripartite, qui oeuvre à la garantie d'un travail décent pour tous.

Membre active de l'OIT, la France a ratifié un grand nombre de ses conventions. Cet engagement témoigne de notre attachement à la justice sociale et à un progrès économique équilibré.

La présente convention engage les signataires à adopter des politiques cohérentes et inclusives en matière de santé et de sécurité au travail. En juin 2022, l'OIT l'a élevée au rang de texte fondamental.

Nous disposons en France d'un cadre protecteur : le code du travail prévoit une obligation générale de sécurité et les services de prévention et de santé au travail jouent un rôle clé.

Cette ratification n'en est pas moins une étape importante pour consolider nos dispositifs nationaux et les inscrire dans une perspective internationale. Elle renforcera notre capacité à faire face aux défis communs : risques psychosociaux, impacts des crises sanitaires et des transformations technologiques. Elle comblera aussi certaines lacunes, notamment en matière de coordination et d'intégration des nouvelles technologies dans les pratiques de prévention.

La convention prévoit une coordination accrue entre employeurs, syndicats et institutions publiques, ce qui fait écho aux efforts menés par la France dans le cadre du plan de santé au travail 2021-2025, auquel elle donnera ainsi une nouvelle impulsion.

Elle appelle également à renforcer l'action préventive : il s'agit d'éliminer à la source les risques professionnels, démarche qui est au coeur de notre code du travail mais s'avère parfois difficile à mettre en oeuvre, notamment dans les petites entreprises. La convention favorise en la matière une approche systématique et participative, impliquant activement les travailleurs.

Cette convention est aussi une opportunité pour renforcer la sécurité dans les petites entreprises, où les ressources sont plus limitées, diffuser une culture de la prévention et mieux faire face aux risques émergents, notamment ceux liés au changement climatique, qui appellent des réponses innovantes.

La ratification de cette convention revêt également une dimension stratégique sur le plan international. La France réaffirme ainsi son rôle de leader dans la promotion des droits fondamentaux au travail et contribue à l'universalisation de normes protectrices pour tous les travailleurs. Sa position sera confortée au sein des instances internationales, en cohérence avec notre engagement historique en faveur des droits sociaux.

La convention date de 1981 : il est plus que temps de la ratifier, ce qu'ont déjà fait quatre-vingt-deux États, dont dix-huit membres de l'Union européenne.

Il ne s'agit pas seulement d'un outil juridique, mais d'une opportunité de renforcer notre crédibilité à l'échelle mondiale. Alors que le monde du travail connaît des évolutions accélérées, il est plus que jamais nécessaire de disposer d'un cadre solide et adaptable - la crise de la covid l'a bien montré.

La commission des affaires étrangères recommande la ratification de cette convention, qui marque une avancée majeure pour la sécurité et la santé au travail, en France comme à l'étranger. Par cet engagement fort, en accord avec nos valeurs, nous enverrons un message clair : la France défend les droits des travailleurs et se place à la pointe des enjeux de santé et de sécurité au travail. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, du RDPI et du RDSE)

Mme Annie Le Houerou .  - En juin 2022, la Conférence internationale du travail, considérée comme le parlement international du travail, a reconnu la convention n°155 comme l'un de ses textes fondamentaux, faisant ainsi des droits relatifs à la sécurité et la santé au travail une cinquième catégorie de droits fondamentaux. Consacrer le droit à un lieu de travail sûr et salubre est une avancée majeure, saluée par la confédération internationale des syndicats et la confédération européenne des syndicats.

Cette convention aurait dû être ratifiée en 1988, mais le Conseil d'État avait émis un avis défavorable. La consécration de juin 2022 a relancé le processus. Un texte considéré comme fondamental est réputé d'application universelle, en sorte que tous les États ont l'obligation de le respecter, même lorsqu'ils ne l'ont pas ratifié. Reste que la ratification par la France, membre permanent du conseil d'administration de l'OIT, constitue un signal politique important.

La convention concerne toutes les branches d'activité, y compris la fonction publique, et enjoint aux États de réexaminer périodiquement les politiques menées. Elle prescrit la mise en place d'un système de contrôle de l'application des règles. Elle prévoit des normes et directives pour la prévention des accidents du travail, maladies professionnelles et autres problèmes de sécurité. Elle encourage la participation des travailleurs et de leurs représentants à la mise en oeuvre des mesures.

Mais la France a-t-elle la volonté d'agir ? Se donne-t-elle vraiment les moyens de ses ambitions ?

L'article 9 de la convention prévoit un système d'inspection suffisant. Or le nombre théorique d'inspecteurs du travail dans notre pays n'est plus que de 2 000 pour les agents de contrôle, et on continue de supprimer des postes. La situation est encore plus critique quand on considère les effectifs réellement présents sur le terrain. Notre ratio inspecteurs-salariés est même inférieur au taux moyen de l'OIT.

Il s'agit d'un problème de fond, que la ratification de la convention ne nous exonère pas de résoudre. N'oublions pas que deux personnes meurent chaque jour d'un accident du travail - et encore ce chiffre est-il sous-estimé, car il n'inclut ni les suicides ni les maladies professionnelles. La France est en la matière l'un des pires élèves de la classe européenne.

Ratifier cette convention sans appliquer ses normes sur notre propre sol serait une forme d'hypocrisie préjudiciable à notre image.

En dépit de ces observations critiques, le groupe SER votera ce texte. Notre pays est le deuxième au monde à avoir ratifié le plus grand nombre de conventions de l'OIT, et la convention n°155 était la seule des dix fondamentales que nous n'avions pas ratifiées.

Nous devons combler cette lacune, mais aussi nous montrer exemplaires par une législation protectrice et un engagement renforcé dans les programmes d'échanges internationaux. La convention est pleinement accordée au droit de l'Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail, dont nous souhaitons qu'il s'applique réellement au quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Akli Mellouli applaudit également.)

M. Dany Wattebled .  - En 1981, cette convention sur la sécurité et la santé des travailleurs a été adoptée dans le cadre de l'OIT. Nous nous prononçons cet après-midi sur sa ratification, dans le cadre de la procédure parlementaire normale, à la demande de nos collègues communistes qui ont tenu à ce que les groupes puissent s'exprimer.

Pas moins de dix-huit pays européens ont déjà ratifié ce texte en faveur de conditions de travail sûres et salubres. En leur emboîtant le pas, nous renforcerons l'harmonisation de la réglementation en Europe. Il est temps de le faire, même si notre code du travail impose déjà une obligation générale de sécurité et que nous disposons de structures de prévention.

Dans le cadre du plan santé au travail 2021-2025, plusieurs mesures sont prévues. Mais faire bien ne nous dispense pas de faire mieux. Nous devons constamment adapter nos politiques aux évolutions de la société et aux risques émergents.

Ne surestimons pas la portée de cette convention. Comme pour toutes les conventions internationales, son application dépend du bon vouloir des signataires et de l'interprétation qu'ils en font. Des interrogations subsistent sur les conditions de travail en vigueur dans certains pays l'ayant ratifiée.

Le progrès technologique ouvre de nouvelles perspectives pour renforcer la sécurité des travailleurs en détectant et en prévenant les nouveaux risques. La révolution de l'intelligence artificielle bouleversera le monde du travail. Mais chaque crise offre des opportunités qu'il faut savoir saisir. Sachons tirer parti de l'IA pour améliorer les conditions de travail, la sécurité des travailleurs et la productivité. L'OIT doit approfondir cette réflexion et formuler des recommandations.

Attaché à la protection des individus, le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) Avec 129 conventions et deux protocoles approuvés depuis 1979, la France peut s'enorgueillir d'être le deuxième pays à avoir ratifié le plus d'instruments juridiques de l'OIT, fidèle en cela à ses valeurs, mais aussi à ses intérêts.

La ratification de la convention n°155 est un impératif à la fois économique et humain. En effet, dans la compétition globalisée, l'édiction de règles communes en matière de travail est un moyen de progresser vers un cadre de concurrence plus équitable. D'autre part, les conventions de l'OIT sont une déclinaison dans le monde du travail de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qu'il s'agisse des droits économiques et sociaux ou des droits civils et politiques.

La garantie des droits en matière de sécurité et de santé obéit à un processus long, complexe et parfois erratique. Il est essentiel de lui apporter un soutien politique fort : c'est le sens de cette ratification.

Nous avons pris notre temps : près de quarante-cinq ans auront été nécessaires pour que ce texte trouve son chemin jusqu'à la représentation nationale... Ce délai bien trop long peut donner l'impression fâcheuse d'une forme de désinvolture. Il est d'autant plus surprenant qu'il ne résulte pas d'une difficulté de fond, mais d'une demande de consultation formulée par le Conseil d'État en 1988 sur la définition des secteurs pouvant être exclus du champ d'application.

De fait, le texte serait resté dans l'oubli sans la décision de l'OIT, prise il y a trois ans, d'ériger la santé et la sécurité au travail au rang des droits fondamentaux. Les consultations ayant été menées sur les secteurs non concernés - armées, aéronautique, navigation maritime - , nous pouvons enfin nous pencher sur ce texte qui consacre le droit à un environnement de travail sûr et salubre au même titre que la liberté d'association, le droit à la négociation collective, l'élimination du travail forcé, l'abolition du travail des enfants ou encore l'interdiction des discriminations. Il est au demeurant opposable dans notre pays depuis la décision de 2022.

Notre régime de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles est déjà étoffé, d'autant que des textes européens s'ajoutent aux règles nationales. Mais cette ratification, loin d'être une simple formalité, est une question de crédibilité internationale. Il s'agit aussi de renforcer encore l'attention portée à ces questions essentielles.

Si notre cadre est robuste, des pistes d'amélioration existent : renforcement de la prévention, implication accrue des travailleurs, évaluation et adaptation continues, meilleure coordination entre pouvoirs publics et partenaires sociaux.

Alors que le monde du travail connaît des transformations rapides et profondes, cette convention, déjà ratifiée par quatre-vingt-trois États, nous invite à faire toujours mieux. Le groupe Les Républicains est favorable à sa ratification.

Mme Nicole Duranton .  - Adoptée en 1981 sous l'égide de l'OIT, la convention n°155 marque une avancée majeure pour le droit du travail. Depuis plus de quarante ans, elle s'est imposée comme une référence essentielle en matière de protection des travailleurs.

Membre permanente de l'OIT, deuxième pays à avoir ratifié le plus grand nombre de ses conventions, la France doit ratifier ce texte, érigé en 2022 au rang de texte fondamental, et réaffirmer ainsi son engagement en faveur d'un monde du travail digne, sûr et respectueux.

Cette convention n'est pas qu'une déclaration d'intentions : elle engage les États signataires à adopter des politiques garantissant la santé et la sécurité des travailleurs. Sa ratification ne sera pas une révolution, mais renforcera les dispositifs en place, à commencer par le plan national de santé au travail. Elle ne pose aucun problème d'articulation avec le droit européen, mais concrétise au contraire le socle européen des droits sociaux adopté en 2017 à Göteborg.

Loin d'être une simple formalité, elle enverra un message fort à la communauté internationale : face aux bouleversements du monde du travail, nous devons renforcer la protection des travailleurs. La crise sanitaire de la covid 19 a rappelé l'importance d'un cadre juridique robuste pour anticiper et prévenir les risques au travail, alors que les transitions écologique et technologique transformeront des pans entiers de notre économie.

C'est aussi un enjeu d'exemplarité : le modèle social français doit rester un phare dans un climat global de dérèglement des conditions de travail et alors que les États-Unis s'éloignent du modèle européen.

En adoptant ce projet de loi, nous franchirons une étape décisive dans l'élaboration d'un droit du travail protecteur et à la hauteur des défis de notre siècle. Le RDPI votera pour ce texte.

M. Michel Masset .  - La crise de la covid 19 a été un révélateur de la nécessité de mieux protéger la sécurité et la santé des travailleurs. Des avancées concrètes ont suivi, dont la loi du 2 août 2021, renforçant la prévention. La ratification de la convention n°155 de l'OIT s'inscrit logiquement dans cette continuité.

Ce texte vise à garantir un environnement de travail sûr et salubre pour tous. En 2022, l'OIT l'a élevé au rang de convention fondamentale.

Pourquoi la France n'a-t-elle pas ratifié cette convention ? Du fait des réserves exprimées par le Conseil d'État en 1988, notamment à propos du droit de retrait. Depuis lors, notre cadre juridique a évolué. Le droit de retrait est clairement défini à l'article L. 4131-1 du code du travail et l'article L. 4121-1 du même code met à la charge de l'employeur une obligation générale de sécurité en phase avec les exigences de la convention. Par ailleurs, notre pays a déjà ratifié la convention n°187 de l'OIT, qui promeut une culture de prévention.

Essentielle, la ratification de la convention renforcera la protection des travailleurs face aux nouveaux risques, liés notamment aux nouvelles formes d'emploi et aux crises sanitaires. Je remercie nos collègues communistes d'avoir permis ce débat en demandant le rétablissement de la procédure normale.

Ratifier cette convention, c'est s'engager en faveur d'un travail digne et sûr et réaffirmer que la sécurité est un droit fondamental. Le RDSE votera pour. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI ; M. Akli Mellouli applaudit également.)

Mme Élisabeth Doineau .  - Merci au rapporteur et au ministre. Si vous me permettez un petit pas de côté : le Sénat a eu l'honneur de compter parmi ses membres Victor Hugo, qui a combattu dans cet hémicycle le travail des enfants que défendait un certain Louis Jacques Thénard - c'est d'après son nom qu'il forma celui des Thénardier, qui exploitent la petite Cosette... (MM. Thani Mohamed Soilihi et Bruno Sido apprécient la référence.)

La sécurité et la santé des travailleurs sont une priorité absolue pour une société plus juste et équitable. Chaque jour, dans le monde, des millions de travailleurs risquent leur vie ou leur santé en accomplissant leur tâche. Il est de la responsabilité des employeurs de les protéger et de celle du législateur de garantir un cadre juridique suffisant. C'est le cas pour la France, même s'il y a toujours des marges de progression...

Cette ratification changera-t-elle les choses en France ? Certainement pas. Mais ratifier cette convention, c'est faire de la santé des travailleurs une priorité partagée, renforcer notre engagement et conforter notre leadership international.

En ratifiant cette convention, la France confirme son alignement sur les standards internationaux. La convention incite les États à engager des stratégies globales et intégrées de prévention des risques professionnels impliquant les travailleurs eux-mêmes et à prévoir pour ces derniers des mécanismes de formation et d'information. Nous disposons déjà à cet égard des comités sociaux et économiques (CSE), mais il s'agirait de faire un peu plus pour la prévention dans les secteurs les plus exposés, comme nous le constatons souvent lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). L'inspection du travail y contribue.

La sécurité et la santé des travailleurs doivent être non pas une option, mais une priorité.

Pragmatiquement, nous devons créer les conditions d'un dialogue constructif entre employeurs, travailleurs et pouvoirs publics, afin de garantir non seulement la santé des travailleurs, mais aussi notre compétitivité et notre prospérité. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Akli Mellouli applaudit également.)

Mme Silvana Silvani .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Akli Mellouli applaudit également.) Le groupe CRCE-K a demandé le retour à la procédure normale pour l'examen de ce texte ratifiant la convention n°155 de l'OIT, qui porte sur un enjeu essentiel et insuffisamment débattu : la santé et la sécurité au travail.

On peut légitimement s'interroger sur l'utilité pour la France de ratifier une convention de 1981 avec laquelle notre législation est - heureusement ! - en conformité ; mais cette ratification, symbolique, envoie un signal aux autres États non dotés d'une telle législation.

Il est cocasse qu'aucun gouvernement n'ait prévu de ratifier cette convention depuis 1981, et que ce soit le président Macron - qui a supprimé les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) - qui le propose...

Depuis, la prévention est devenue un angle mort dans la stratégie des entreprises, comme le confirme le rapport de 2024 « Santé au travail, grande perdante des ordonnances de 2017 ». L'attention portée par l'employeur et au sein des instances représentatives du personnel à la santé a diminué depuis 2021, sous l'effet de la baisse du nombre de mandats et d'heures de délégation. La disparition des CHSCT a affaibli la capacité des élus représentants d'agir en faveur de la sécurité et de la santé des travailleurs et travailleuses.

La délégation au droit des femmes du Sénat a rendu un excellent rapport sur la santé des femmes au travail. Le nombre global d'accidents du travail diminue depuis 2020, mais il augmente pour les femmes,...

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Ah ?

Mme Silvana Silvani.  - ... en particulier dans les services, la santé, l'action sociale, le nettoyage et le travail temporaire - avec plus de 106 000 cas reconnus. Les employeurs doivent s'engager, bien sûr, mais l'État doit établir des règles.

Le CRCE-K votera ce texte, tout en veillant à ce que le prochain plan national de santé au travail soit à la hauteur des besoins.

M. Akli Mellouli .  - Ce texte affirme un principe fondamental : « Aucun travailleur ne devrait risquer sa vie ou sa santé au travail ». Comme le soutenait Aimé Césaire, le travail ne doit pas être un fardeau qui brise le corps et les esprits, mais un moyen d'émancipation et de dignité. En tant que législateurs, nous devons adopter des mesures qui garantissent à chacun un environnement de travail sûr, digne et protecteur.

Cette convention engage les États à développer des politiques de prévention, à améliorer la formation et l'information des travailleurs, à garantir leur droit de se retirer d'une situation dangereuse. Elle constitue une avancée pour de nombreux pays, que nous devons saluer.

Mais elle ne suffit pas. Elle n'est pas à la hauteur des défis actuels, plus complexes qu'il y a quarante ans, et laisse trop de marges de manoeuvre aux États et aux employeurs. Or dans un monde où la rentabilité immédiate prime, l'absence de normes contraignantes affaiblit la portée d'un tel texte. Sans contrôles, sans sanctions, sans moyens suffisants, ces engagements risquent de rester théoriques.

Prenons le droit de retrait : la convention ne prévoit pas de protection suffisante contre les licenciements abusifs. Or nombre de travailleurs intérimaires, de sous-traitants ou de plateformes ne l'exercent pas, se sachant facilement remplaçables.

En 1981, le monde du travail était différent. Sont ainsi absents du texte le stress, le burn-out et le harcèlement, qui brisent chaque année des milliers de vies, avec l'intensification du travail, la pression du rendement et l'hyperconnectivité. Manquent aussi les risques liés au changement climatique, comme les vagues de chaleur qui menacent la santé des ouvriers du BTP ou de l'agriculture, et l'ubérisation, qui laisse les travailleurs sans syndicat pour les défendre.

Nous voterons cette ratification qui lance un signal clair, mais il faut aller au-delà, en le traduisant en actes : renforcer les moyens de l'inspection du travail, sanctionner les employeurs qui mettent leurs salariés en insécurité, imposer des obligations claires aux grandes entreprises sur la sous-traitance, inclure la santé mentale dans les politiques de prévention, adapter notre législation aux nouvelles réalités du travail, défendre l'idée d'un socle commun de droits internationaux plus ambitieux.

Jaurès affirmait que l'histoire du progrès social est celle des combats des travailleurs pour arracher leur droit à la dignité. La ratification de cette convention ne doit pas être symbolique. Bâtissons un monde où aucun travailleur n'ait à choisir entre son travail et sa santé ! (Applaudissements sur les travées du GEST, du RDSE et du RDPI)

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué.  - Je remercie les orateurs qui ont participé à ce débat, ainsi que le groupe CRCE-K qui l'a demandé.

Mme Le Houerou a soulevé la question des moyens alloués à la politique de santé et de sécurité au travail. Il est difficile de recruter dans le corps des inspecteurs du travail, mais un vaste plan de recrutement, y compris par voie de détachement, a été lancé et renforcé par des mesures de valorisation salariale. L'inspection du travail est passée de 1 700 agents en 2022 à 1 867 aujourd'hui, et près de 600 nouveaux inspecteurs prendront leur poste d'ici à 2026.

S'agissant de l'IA, nous avons pris des initiatives, telles que LaborIA, destinée à faire évoluer les pratiques des entreprises, ou le projet de prévention des accidents du travail par l'IA.

Ce sont quelques exemples des mesures possibles pour donner son plein effet à cette convention, qui ne doit pas être qu'un symbole. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Discussion de l'article unique

L'article unique est adopté. En conséquence, le projet de loi est adopté.

Prochaine séance, lundi 17 février 2025 à 15 heures.

La séance est levée à 16 h 20.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 17 février 2025

Séance publique

À 15 heures, le soir et la nuit

Présidence : M. Dominique Théophile, vice-président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président

Secrétaires : M. Fabien Genet, Mme Nicole Bonnefoy

Nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2025 (n°341, 2024-2025) (demande du Gouvernement en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution)