SÉANCE
du mardi 18 mars 2025
69e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président
Secrétaires : M. Guy Benarroche, M. Fabien Genet.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
Taxe sur les locaux commerciaux vacants
M. François Bonneau . - Les mairies peuvent décider d'instaurer une taxation sur les locaux commerciaux non utilisés, afin d'inciter les propriétaires à relouer ou à vendre.
Cependant, sa mise en oeuvre dépend du service des impôts du département, qui se fonde sur les éléments adressés par le propriétaire et non sur les éléments factuels relevés par la commune. Dès lors que le propriétaire démontre que le bien a vocation à changer de destination ou fait l'objet de travaux, il n'est pas assujetti à la taxe. En Charente, certains locaux sont vacants depuis des années : il suffit d'apporter chaque année un justificatif de travaux minimes ou une annonce de mise en vente à un prix irréaliste. La véritable intention de rénover ou de vendre n'est pas contrôlée par les services fiscaux.
Comment le Gouvernement compte-t-il exercer un meilleur contrôle - par exemple en limitant l'exonération dans le temps - pour permettre de redynamiser nos centres-villes ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - La lutte contre la vacance commerciale est une priorité du Gouvernement. Alors que celle-ci augmente, tant en centre-ville qu'en périphérie, il nous faut repenser l'offre commerciale dans sa globalité.
Les chambres de commerce et d'industrie ont lancé une opération nationale 2025, soutenue par une étude approfondie de la direction générale des entreprises afin de mesurer et définir ce phénomène.
Parmi les outils à disposition des collectivités figure la taxe sur les friches commerciales (TFC). Celle-ci est néanmoins complexe et chronophage à mettre en oeuvre, et son efficacité limitée par l'absence de zonage et par des conditions d'exonération trop légères.
Une réflexion est en cours pour optimiser les modalités de collecte de la TFC et rendre cet instrument plus contraignant, avec une analyse de faisabilité, notamment juridique, afin de répondre plus efficacement aux attentes.
Des mesures concrètes seront proposées prochainement pour renforcer la lutte contre la vacance commerciale et soutenir la redynamisation des centres-villes.
Je vous propose d'organiser un rendez-vous avec la direction générale des entreprises, si vous le souhaitez.
M. François Bonneau. - Merci pour ces éléments concrets. Ce rendez-vous serait utile.
Présence postale dans le Calvados
Mme Corinne Féret . - La Poste exerce quatre missions de service public : le service universel postal, le transport et la distribution de la presse, la contribution à l'aménagement du territoire et l'accessibilité bancaire.
Or sur le terrain, dans le Calvados comme ailleurs, le scénario est toujours le même : diminution des horaires d'ouverture, suppression progressive de certains services et des effectifs - jusqu'à la fermeture définitive du bureau, tout en imposant un modèle économique « tout numérique » qui met à l'écart les plus vulnérables.
La Banque Postale, dernier rempart contre l'exclusion bancaire, déserte progressivement nos territoires. Sans parler de la disparition progressive des distributeurs automatiques de billets (DAB)...
Année après année, on ferme des bureaux de poste pour absence de rentabilité, remplacés, au mieux, par des agences postales communales ou des relais commerçants.
Les élus n'ont d'autre choix que de prendre en charge les dépenses d'investissement et de fonctionnement de ces points de contact, car la fermeture d'un bureau de poste menace tout un écosystème, à commencer par les commerces de proximité, surtout dans le monde rural.
Le prochain contrat de présence postale territoriale 2026-2028 devant être signé fin 2025, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour stopper l'hémorragie et faire respecter strictement les obligations de la loi de 2010 relative à La Poste et aux activités postales ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - Dans un contexte général de baisse de fréquentation de ses bureaux, La Poste adapte les modalités de sa présence, dans le respect du contrat de présence postale, qui stipule que La Poste adapte son réseau de points de contact en nouant des partenariats locaux publics ou privés, à l'instar des agences postales communales et des points La Poste Relais. Ces adaptations se font dans le dialogue avec les élus.
Dans le Calvados, au 1er janvier 2025, 94,9 % de la population est à moins de 5 km d'un point de contact postal, soit une hausse de 0,3 % par rapport à l'année dernière. Le département compte 189 points de contact, dont 71 bureaux de poste, 81 La Poste Agence Communale et 37 La Poste Relais en partenariat avec des commerçants. Un seul DAB sera retiré, en raison de l'obsolescence de l'appareil ; la commune concernée est équipée d'un DAB d'un réseau concurrent. Pour les communes équipées d'un seul DAB de La Banque Postale, cet équipement est maintenu et le cas échéant renouvelé.
Depuis 2021, une dotation annuelle est inscrite au projet de loi de finances. Elle s'élevait, en 2024 et 2025, à 174 millions d'euros, un niveau historiquement élevé.
La première séance de travail sur le prochain contrat de présence postale aura lieu le 27 mars, dans le cadre de l'Observatoire national de la présence postale. Il est encore trop tôt pour annoncer ce qui sera mis en oeuvre dans le cadre de ce contrat.
Soyez assurée que le Gouvernement veille au bon accomplissement par La Poste de ses missions de service public et que son soutien n'a jamais été remis en question.
Difficultés de recouvrement de la taxe d'aménagement
Mme Nicole Bonnefoy . - La taxe d'aménagement (TA) finance des politiques publiques départementales et communales, mais également des structures d'expertise en aménagement du territoire tels que les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement.
J'avais déjà alerté l'année dernier sur le risque d'effritement de cette ressource. Aujourd'hui, c'est son recouvrement qui fait défaut. La grande majorité des avis de paiement n'ont pas été envoyés depuis plus d'un an, presque deux. Le manque à gagner pour les finances publiques atteindrait 750 millions à 1 milliard d'euros !
Selon un communiqué de Bercy, il y aura effectivement un décalage sur les reversements de taxe d'urbanisme. Des dispositifs d'acompte sont prévus, mais seulement pour les projets de plus de 5 000 m2. Or les collectivités ont besoin de ces ressources maintenant ! L'émission des titres et le recouvrement n'ont pas les mêmes délais.
Qu'est-il ressorti de la réunion du 13 mars entre la DGFiP et les associations d'élus ?
Au niveau des ressources humaines, les formations tardent et la plateforme « Gérer mes biens immobiliers » a été lancée très prématurément. Comment comptez-vous traiter rapidement cette problématique ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - Le transfert de la gestion de la taxe d'aménagement à la DGFiP, qui n'en assurait que le recouvrement, s'est accompagné du report de la date d'exigibilité, calée dorénavant sur la réalisation définitive des travaux, unifiant ainsi les obligations déclaratives fiscales en matière foncière et d'urbanisme. Un système d'acompte neutralise les effets pour les collectivités du décalage de l'exigibilité de la taxe pour les très grands projets dont la construction s'étale sur plusieurs années.
La liquidation de la TA s'appuie sur la dématérialisation du processus déclaratif via l'outil « Gérer mes biens immobiliers », la création d'un référentiel des délibérations des collectivités et l'automatisation du calcul des taxes d'urbanisme.
Des dysfonctionnements opérationnels ont effectivement été observés à l'ouverture de ces nouveaux services, et des erreurs déclaratives ont freiné la liquidation des taxes.
Les redevables sont toutefois bien identifiés et les taxes dues seront bien encaissées et reversées aux collectivités.
Le processus déclaratif a été rendu plus lisible et un parcours digital rénové est proposé depuis le 3 février 2025. En parallèle, la DGFiP a sécurisé les éléments déclarés en 2024 et relance les redevables n'ayant pas encore déposé de déclaration.
Enfin, la baisse des montants de TA collectés en 2024 tient à la diminution des autorisations d'urbanisme, de 21,5 % en 2023 après moins 11 % en 2022. L'assiette taxable a donc sensiblement diminué.
Mme Nicole Bonnefoy. - Il y a urgence pour les collectivités, dont les finances sont exsangues. Nous n'avions pas besoin de ce désordre supplémentaire, qui exaspère la population.
Retombées fiscales du tunnel Lyon-Turin pour les collectivités territoriales
Mme Martine Berthet . - Le chantier du tunnel Euralpin Lyon-Turin, symbole de coopération européenne et levier de développement pour la vallée de la Maurienne, devait avoir des retombées fiscales pour les collectivités territoriales, estimées en 2014 par la mission d'expertise de la direction régionale des finances publiques à 103 millions d'euros.
Or celles-ci n'ont toujours rien perçu - ni la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ou sa compensation, ni la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), malgré les nombreux hangars et installations sur le chantier.
Il serait légitime qu'elles bénéficient aussi en partie de la cotisation foncière des entreprises (CFE). Malgré une amorce de versement en 2022 - 2 400 euros pour la seule commune d'Avrieux - il n'y a eu aucune nouvelle rentrée fiscale, alors que les besoins vont s'accentuer.
Pour se faire entendre, les collectivités concernées se voient désormais contraintes de refuser la signature de convention avec Tunnel Euralpin Lyon-Turin, ce qui compromet l'avancement du chantier.
Par ailleurs, il faudra réajuster le fonds d'accompagnement et de soutien territorial (Fast) à la hauteur du montant actuel du chantier.
Comment le gouvernement compte-t-il garantir le versement de ces taxes aux collectivités directement impactées par le chantier ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - Depuis le 1er janvier 2023, les communes, EPCI et départements ne perçoivent plus de CVAE. Une compensation est attribuée au bloc communal par l'octroi de deux parts de TVA : une part fixe, de 5,3 milliards d'euros, dont le montant et la répartition sont figés à compter de 2023 ; une part variable, affectée à un fonds national de l'attractivité économique des territoires (Fnaet), réparti de la même manière que la CVAE, au prorata des valeurs locatives et des effectifs salariés. La part fixe doit consolider les recettes des collectivités et la part variable, qui était de 208 millions d'euros en 2024, doit les inciter à accueillir de nouvelles activités.
Ces règles budgétaires ne permettent pas de reverser ces produits aux communes savoyardes concernées par le chantier du tunnel Euralpin Lyon-Turin.
La TFPB pèse sur les installations destinées à abriter des personnes ou des biens lorsqu'elles sont assimilables à de véritables constructions qui n'ont pas vocation à être déplacées. Si une entreprise dispose d'un tel bien, elle sera redevable d'une CFE établie dans la commune d'implantation, qui en percevra le produit.
Je vous propose d'organiser un rendez-vous avec Éric Lombard pour poursuivre la discussion.
Extension des échanges automatiques d'informations à des fins fiscales
M. Bernard Delcros . - Au moment où nous devons faire face au dérapage des comptes publics, la fraude fiscale nous prive de recettes importantes.
L'entrée en vigueur, en 2016, du système d'échanges automatiques d'informations au sein de l'OCDE nous permet de lutter efficacement contre l'évasion fiscale par l'intermédiaire de comptes non déclarés à l'étranger. Le bilan positif de la campagne 2023 atteste des progrès permis par cette coopération renforcée.
Pour autant, ce système présente d'importantes carences, mises en évidence par l'Observatoire européen sur la fiscalité dans son rapport de l'an dernier. En particulier, l'échange automatique d'informations couvre les seuls avoirs financiers, et non les biens immobiliers. Résultat : les conversions d'avoirs financiers en biens immobiliers sont en forte progression. Une partie des biens concernés sont détenus à Paris et sur la Côte d'Azur. Le cas de Dubaï, emblématique, concerne directement la fiscalité française.
La voix de notre pays compte au sein de l'OCDE. Comment le Gouvernement entend-il lutter contre cette technique spécifique d'évasion fiscale ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - À partir du 1er janvier 2027, des informations relatives aux cryptoactifs seront échangées de manière automatique entre la France et une cinquantaine de pays. De ce fait, l'évasion fiscale par le recours aux cryptoactifs sera largement rendue impossible.
Les biens immobiliers n'entrent pas dans le champ de la norme commune de déclaration de l'OCDE. Pour autant, les administrations ne sont pas dépourvues de tout moyen d'action en la matière.
Ainsi, il est possible d'obtenir des informations immobilières d'États non européens à travers l'échange sur demande. Au sein de l'Union européenne, la directive de 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal autorise l'échange automatique de données immobilières.
Mais la situation n'est pas encore satisfaisante. Le Gouvernement plaide au niveau international pour une extension du champ des normes d'échange automatique, en particulier aux biens et revenus immobiliers. Cette approche porte ses fruits : les ministres des finances du G20 ont donné un mandat clair à l'OCDE pour lancer des travaux en vue de permettre aux juridictions d'échanger des informations relatives aux biens immobiliers, y compris aux bénéficiaires effectifs des entités propriétaires.
Dans le cadre de ces travaux, la France défend une approche ambitieuse, visant à assurer la participation la plus large possible aux échanges et à améliorer progressivement la qualité des informations échangées.
M. Bernard Delcros. - Merci d'avoir précisé les intentions du Gouvernement. Au moment où nous cherchons des pistes d'économie et où les collectivités territoriales, en particulier, sont mises à contribution, la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales doit être une priorité. Nous avons en la matière des marges de progression.
Évolution du cadre réglementaire du photovoltaïque (I)
M. Gilbert Favreau . - Le Gouvernement vient d'annoncer une modification du cadre de soutien au développement du photovoltaïque en toiture. Son intention de baisser brutalement les tarifs et de réviser à la baisse les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie suscite une vive inquiétude au sein de la filière solaire et parmi les agriculteurs et industriels qui comptaient sur cette énergie pour diversifier leurs revenus.
En particulier, la baisse rétroactive des tarifs risque d'entraîner l'annulation de nombreux projets en cours, alors que nous cherchons à renforcer notre indépendance énergétique et à répondre à une demande croissante en électricité. Quant au mécanisme de dégressivité envisagé, il pourrait conduire à un moratoire de fait sur les installations de taille intermédiaire. Souvenons-nous du moratoire de 2010 et des 20 000 emplois perdus.
Les organisations professionnelles demandent le maintien du cadre tarifaire actuel pour le segment S21, dans l'attente d'un dispositif de soutien plus adapté. Quelles garanties le Gouvernement peut-il apporter pour assurer la pérennité des investissements et des emplois ? Un dialogue est-il prévu pour trouver un compromis garantissant la stabilité de cette filière stratégique pour notre transition énergétique ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - L'État soutient depuis de nombreuses années le secteur du photovoltaïque sur bâtiment.
L'arrêté tarifaire actuel offre un soutien aux installations depuis octobre 2021. Il a été fortement souscrit, largement au-delà des objectifs. Ainsi, au mois de janvier, près de 1 GW de demandes ont été déposées sur le segment 100-500 kWc, soit la moitié de la puissance prévue pour l'année entière. Cet emballement nous conduit à ajuster le soutien sur ce segment.
Pour les petites installations de particuliers, l'intérêt est avant tout l'autoconsommation. Ces dernières années, malgré une baisse de la prime à l'investissement, les demandes ont continué à augmenter.
Une concertation a été menée avec la filière, jusqu'au Conseil supérieur de l'énergie qui s'est tenu il y a quelques jours. Le tarif proposé au prochain trimestre a été fixé dans ce cadre : de 95 euros par MWh, il est compatible avec le développement de la filière. La concertation a également conduit à des évolutions du projet d'arrêté tarifaire. L'arrêté définitif sera publié dans les prochains jours, puis un appel d'offres simplifié sera lancé, après échanges avec la filière, sur le segment 100-500 kWc, avec un tarif viable. Les collectivités territoriales feront l'objet d'échanges spécifiques. Un arrêté particulier sera publié prochainement pour le soutien aux petits projets au sol ; il est très attendu par le monde agricole.
M. Gilbert Favreau. - Il faut espérer que les projets engagés ne pâtissent pas de l'excès des décisions qui viennent d'être annoncées.
Évolution du cadre réglementaire du photovoltaïque (II)
M. Guillaume Chevrollier . - À mon tour, j'attire l'attention du Gouvernement sur les vives inquiétudes suscitées par ses récentes annonces touchant à l'évolution du cadre réglementaire des installations photovoltaïques de 100 à 500 kWc, en Mayenne comme ailleurs. Je pense en particulier aux mesures rétroactives appliquées depuis le 1er février dernier.
Bien souvent soutenus par les collectivités territoriales, de nombreux projets sont en cours : ils jouent un rôle important dans la transition énergétique, servent notre souveraineté énergétique et créent de fortes dynamiques locales.
Comment le Gouvernement entend-il garantir à la filière un cadre stable et prévisible, afin de préserver la viabilité des projets et l'équilibre économique des acteurs ? Comment allez-vous renforcer la concertation avec les collectivités territoriales et la filière pour prendre en compte la diversité des projets en cours et futurs ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - Le décret S21, relatif au photovoltaïque sur bâtiment, a été soumis pour consultation au Conseil supérieur de l'énergie. Acte a été pris de la nécessité, dans un contexte budgétaire contraint, de différencier le soutien aux grandes et aux petites installations.
L'efficacité économique du soutien public est moindre pour les secondes, compte tenu des coûts de raccordement. De plus, les objectifs relatifs aux petites installations ont été largement dépassés, comme je l'ai expliqué en réponse à M. Favreau.
Il est donc nécessaire d'ajuster notre soutien afin d'optimiser la production d'électricité et les coûts de raccordement. Les échanges avec les acteurs ont permis de fixer le tarif du prochain trimestre à 95 euros par MWh, un niveau compatible avec le développement de la filière - les acteurs l'ont confirmé.
Dans la continuité de l'arrêté tarifaire, un appel d'offres simplifié permettra d'allouer un volume donné sur le segment 100-500 kWc, avec un tarif viable. Il sera mis en place dans les prochains mois, après échanges avec la filière.
Les collectivités territoriales feront l'objet d'échanges spécifiques, et un arrêté permettant le soutien aux petits projets au sol sera prochainement publié.
Le dialogue ne sera jamais rompu avec la filière pour que le développement du photovoltaïque soit compatible avec les besoins énergétiques du pays.
M. Guillaume Chevrollier. - Les collectivités territoriales ont besoin d'un cadre stable quand elles engagent des projets structurants. Les nombreuses évolutions qu'a connues le secteur photovoltaïque ne vont pas dans ce sens. Pourtant, les petites installations sont à l'origine de dynamiques intéressantes dans les territoires. J'espère que la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie sera débattue au Parlement.
Soutien à l'innovation dans le commerce rural
Mme Béatrice Gosselin . - Les petits commerces font face à une concurrence de plus en plus rude de la part des géants du e-commerce, qui accentuent leur domination.
Pourtant, les commerces de détail sont essentiels à l'attractivité de nos territoires, notamment en zone rurale. Depuis plusieurs années, des propositions sont avancées pour instaurer une fiscalité plus équitable ; je pense en particulier aux projets de taxes sur les livraisons ou sur l'artificialisation liée à la construction de grands entrepôts. Mais ces mesures sont restées sans suite. Pendant ce temps, la concentration des géants du e-commerce s'accélère, avec des conséquences préoccupantes pour nos commerçants, dans la Manche comme ailleurs.
Les commerces de proximité doivent pouvoir s'adapter aux attentes des consommateurs et anticiper les évolutions plutôt que de les subir. Or le secteur bénéficie de peu de dispositifs de soutien à l'innovation. La formation des commerçants au numérique doit être renforcée, et nous devons les accompagner dans la transition vers un modèle hybride, alliant digital et commerce physique. Certains ont su mettre en place des systèmes de commande en ligne : ces innovations doivent être généralisées.
Revoir la fiscalité des grandes plateformes ne peut être la seule réponse. Ces géants sont des spécialistes de la logistique avant d'être des commerçants : il faut les concurrencer sur ce terrain, tout en préservant l'interaction humaine qui fait la richesse du commerce de proximité.
Comment le Gouvernement entend-il accompagner nos commerçants vers le commerce de demain en ruralité ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - Le Gouvernement partage votre analyse sur les défis des petits commerces face à la concurrence du e-commerce.
Les consommateurs considèrent les deux modèles comme complémentaires. Le commerce en ligne représente une opportunité pour les commerçants de centre-ville, en particulier à travers la livraison et la collecte en magasin. L'enjeu majeur est d'accompagner tous les commerçants, notamment les plus petits, dans leur transition numérique.
Nous avons mis en place des dispositifs visant notamment à intégrer l'intelligence artificielle dans leurs pratiques. La plénière du Conseil national du commerce, prévue le mois prochain, favorisera des synergies entre commerçants et start-ups pour l'innovation.
Par ailleurs, dans le cadre du dispositif « commerce rural », plus de 600 projets ont déjà été financés, pour 14 millions d'euros. Le plan de transformation des zones commerciales a été conçu pour encourager les projets d'adaptation des zones périphériques.
Sur le plan fiscal, les études montrent qu'il n'y a pas de déséquilibre majeur entre le commerce traditionnel et le e-commerce : les impôts de production représentent 5,5 % de la valeur ajoutée pour le premier, 5,4 % pour le second.
Une extension de la taxe sur les surfaces commerciales aux entrepôts présenterait des difficultés, notamment en raison de la convergence des modèles physique et numérique. En outre, elle risquerait de pénaliser principalement les e-commerçants français.
Mme Béatrice Gosselin. - Si nos commerces disparaissent, la vie de nos territoires disparaîtra. Soyons vigilants !
Avenir des micro-crèches privées
Mme Laure Darcos . - L'inquiétude grandit au sujet de la réforme de la procédure d'autorisation des établissements d'accueil de jeunes enfants. Dans l'Essonne, de nombreux gestionnaires de micro-crèches se mobilisent pour sauver leurs structures.
La mise en oeuvre du service public de la petite enfance ne saurait se faire au détriment d'un acteur majeur qui offre aux parents des solutions de garde pertinentes. Hélas, on se dirige vers une régulation excessive du secteur, alors que 200 000 nouvelles places doivent être créées pour répondre aux besoins des familles et que nous manquons dramatiquement de professionnels de la petite enfance.
Chaque structure doit disposer de salariés compétents et formés : nul, du reste, ne songerait à confier son enfant à une personne sans expérience. Mais, de grâce, ne prenez pas des mesures aussi brutales !
Il est impensable de renforcer la formation des professionnels en poste dans le bref délai prévu ; la date du 1er septembre 2026 pour le recrutement des futurs professionnels qualifiés n'est sans doute pas parfaitement adaptée. De même, il me semble incompréhensible que les salariés des micro-crèches ne puissent évoluer à la faveur de la validation des acquis de l'expérience.
Toute réforme doit faire l'objet d'une concertation approfondie pour être acceptée. Il est indispensable de parvenir à un consensus sur la manière de renforcer la qualité de l'accueil des jeunes enfants et d'améliorer les conditions de travail et de formation des professionnels.
Le Gouvernement est-il prêt à retarder quelque peu la mise en oeuvre de cette réforme pour prendre le temps de travailler à des solutions pertinentes pour les familles, les salariés et les structures ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - Le projet de décret que vous mentionnez est fondamental pour assurer la qualité d'accueil du jeune enfant.
À ce sujet, de nombreuses informations erronées ont circulé : l'objectif est d'aligner les normes d'encadrement des micro-crèches sur celles des crèches classiques de taille similaire, les petites crèches. Plus précisément, les micro-crèches devront compter au moins un professionnel de catégorie 1 et accueillir moins de trois enfants quand il n'y a qu'un seul professionnel ; un directeur ne pourra exercer pour plus de deux établissements.
Ce décret n'entrera en vigueur que le 1er septembre 2026. Les auxiliaires de puériculture et les autres professionnels occupant le poste de référent technique avant cette date pourront être maintenus. Les titulaires d'un CAP n'auront pas à acquérir le diplôme d'État d'auxiliaire de puériculture et pourront continuer d'exercer. De nombreuses crèches disposent déjà d'un directeur pour deux structures et de 40 % de personnels de catégorie 1.
Ces mesures sont essentielles pour respecter les besoins des enfants. Il n'y a pas de raison que les conditions d'encadrement diffèrent dans les micro-crèches et les petites crèches classiques.
L'État n'abandonne pas les micro-crèches : il les finance par le versement aux parents du complément de libre choix du mode de garde. Concernant les micro-crèches prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), le prix de revient moyen reste inférieur au plafond de 10 euros.
Pour reconnaître l'engagement des professionnels et renforcer l'attractivité des métiers, le Gouvernement facilitera l'accès au diplôme d'État d'auxiliaire de puériculture et à tout autre diplôme de catégorie 1 par la validation des acquis de l'expérience.
Mme Laure Darcos. - Je vous remercie, ainsi que Mme Vautrin. Au-delà des micro-crèches, c'est l'ensemble du secteur qui est en crise. La création de berceaux ne suffira pas à compenser la baisse du nombre d'assistantes maternelles. J'espère que Mme El Haïry, nouvellement nommée haut-commissaire à l'enfance, se saisira rapidement de ces sujets.
Protection de l'enfance dans les départements
M. Xavier Iacovelli . - Si je me réjouis de la nomination de Sarah El Haïri en tant que haut-commissaire à l'enfance - nous pourrons compter sur sa détermination -, de nombreux départements annoncent une réduction des budgets de la prévention spécialisée. Ils sacrifient l'avenir des enfants sous notre protection aux choix politiques et électoraux. Lors des cérémonies de voeux, certains représentants départementaux ont tenu des propos méprisants à l'égard des acteurs sociaux ; ce fut le cas dans votre département.
Après les attentats de 2015, la prévention juvénile a éloigné de la délinquance de nombreux jeunes issus de quartiers défavorisés et les départements ont fait d'importantes économies : quelque 60 000 euros par placement et par enfant évité.
Face à ces coupes budgétaires entraînant la suppression de dizaines de postes, quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre ? La protection de l'enfance ne devrait-elle pas être recentralisée ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - Je réponds pour Mme Vautrin qui salue votre engagement pour la protection de l'enfance. Le Gouvernement partage vos préoccupations. La prévention spécialisée est une mission essentielle : elle favorise l'insertion des jeunes et la cohésion sociale.
Dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, le département organise et finance des actions de prévention spécialisée. Si la jurisprudence a reconnu le caractère obligatoire des dépenses en cas de risques d'inadaptation sociale, les départements définissent les conditions d'exercice selon les circonstances locales.
La contractualisation 2025 entre l'État et les départements incitera ceux qui réduisent leurs budgets à s'engager dans ce dispositif. L'État est intervenu pour soutenir la prévention spécialisée notamment au travers de la lutte contre la pauvreté...
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - ... ou de la politique de la ville - Mme la ministre Vautrin a accordé un plan de refondation lors de son audition par la commission d'enquête à l'Assemblée nationale.
Regroupement hospitalo-universitaire Saint-Ouen Grand Paris Nord
Mme Catherine Dumas . - En 2013, le Président de la République annonçait la création d'un hôpital Saint-Ouen Grand Paris Nord, porté par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et l'université Paris-Cité, réunissant les hôpitaux Bichat et Beaujon à l'horizon 2028 à Saint-Ouen-sur-Seine.
Il s'agit de renforcer l'offre de soins notamment au nord de la capitale qui souffre d'un déficit d'infrastructures hospitalières adaptées. La fermeture de ces deux hôpitaux, qui accueillent respectivement plus de 80 000 passages annuels aux urgences, inquiète. Le maire du 17e arrondissement de Paris, Geoffroy Boulard, ceux du 18e arrondissement et de Clichy alertent sur ce projet et le directeur général de l'AP-HP a déclaré connaître des difficultés de financement.
Quels sont le plan de financement et le calendrier des travaux ? Les mairies d'arrondissement et les villes concernées seront-elles consultées ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - Je réponds pour Mme Vautrin. Ce projet améliorera l'accès et la qualité des soins et promouvra l'excellence de l'enseignement supérieur dans le nord de Paris. Il ne déstabilise pas l'offre de soins, car il recouvre la même zone de recrutement que les hôpitaux Bichat et Beaujon.
L'hôpital de Saint-Ouen comptera 105 places d'hôpital de jour de plus, pour 35 000 hospitalisations de jour supplémentaires par an. Le regroupement des deux établissements, la densification du plateau technique et le renforcement massif des lits de soins critiques fluidifieront la prise en charge.
Les travaux de démolition et de dépollution ont été finalisés en avril 2024. Les dossiers de demande de permis de construire ont été déposés mi-février 2025 et les travaux débuteront en janvier 2026 pour s'achever en 2032. Le montant du projet est de 1,35 milliard d'euros pour une subvention de 285 millions d'euros.
Mme Catherine Dumas. - Consulter les maires d'arrondissement est important ; il s'agit d'un enjeu de santé publique et d'égalité sociale. Je compte sur vous pour en référer à Mme Vautrin.
Ehpad
Mme Audrey Linkenheld . - Il y a près d'un an, alors qu'un vaste plan de contrôle des Ehpad était lancé, j'interrogeais l'un de vos prédécesseurs. Depuis, les professionnels restent inquiets.
Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), 75 % des Ehpad publics sont en déficit et les crédits débloqués par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024 n'ont pas suffi. Les 300 millions d'euros du fonds d'urgence prévus dans la LFSS pour 2025 risquent de ne pas faire mieux et une dizaine d'Ehpad publics pourraient fermer en 2025.
S'y ajoute le manque de personnel : les aides-soignants des Ehpad sont financés à 30 % par le département, or les départements peu riches comme le Nord peinent à embaucher. Les personnes âgées sont moins bien accompagnées et les conditions de travail sont dégradées.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre afin d'améliorer la situation des Ehpad ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - Je suis consciente des difficultés financières des Ehpad. Depuis plusieurs années, le Gouvernement travaille à améliorer la situation au vu du vieillissement de la population. Les 300 millions d'euros d'aide prévue cette année sont une bouffée d'oxygène, mais ne répondront pas aux problèmes structurels des Ehpad.
Plusieurs mesures visent à rééquilibrer leur fonctionnement. Des fonds d'investissement les aident à se transformer pour amortir leurs charges structurelles qui ont crû. L'État soutient les départements engagés dans la fusion des sections soins et dépendance ; nous souhaitons généraliser cette démarche pour que les frais de soins et de dépendance soient assurés par l'État. Les Ehpad peuvent distinguer le tarif hébergement de celui de l'aide sociale, ce qui permet à certains Ehpad publics d'ajuster leur tarif d'hébergement aux réalités. La LFSS prévoit 6 500 équivalents temps plein supplémentaires.
Mme Audrey Linkenheld. - Il faut soutenir les Ehpad publics, sans quoi nous renforçons les inégalités en fin de vie.
Soutien de l'État aux Ehpad publics
Mme Anne Chain-Larché . - J'ai été alertée sur le cas de l'Ehpad Saint-Aile à Rebais en Seine-et-Marne, département durement touché par les inondations. Des élus et des habitants du territoire dont les parents y résident constatent une situation matérielle fortement dégradée, aggravée par les épisodes orageux et pluvieux de ces derniers mois. Un investissement important est incontournable pour assurer sa pérennité et réparer les dégâts.
Les départements font le maximum pour soutenir les Ehpad, mais leurs moyens financiers sont contraints. Le département de Seine-et-Marne a voté une subvention exceptionnelle pour cet établissement de 300 000 euros en novembre dernier, mais ne peut aller au-delà. Un soutien de l'État aux collectivités locales est indispensable.
Quelles formes de soutien envisagez-vous ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - L'investissement en faveur des Ehpad est une priorité au regard des enjeux démographiques.
La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) soutient des opérations de restructuration, de création ou d'extension et de mise aux normes ; les financements atteignent 3,7 milliards d'euros entre 2006 et 2022 pour un total de 23,4 milliards d'euros d'investissements.
Dans le cadre du Ségur de la santé, les plans d'aide à l'investissement s'élèvent à 2,1 milliards d'euros sur la période 2021-2024. Pour le volet immobilier, près de 4 000 Ehpad ont reçu une aide et plus de 45 000 places seront rénovées ou créées en 2026, dont plus de 32 000 dans les Ehpad publics.
Parallèlement, le Gouvernement travaille à la réforme du modèle économique des Ehpad : la fusion des sections autonomie, dépendance et soins dégagera des marges de manoeuvre et permettra de rééquilibrer leurs financements.
Mme Anne Chain-Larché. - Le département a dû aider les communes sinistrées et faire des choix d'investissement. La fermeture de cet Ehpad serait une déflagration. Je transmettrai votre réponse au président du conseil départemental, en espérant votre soutien.
?Accessibilité du vote
Mme Anne Ventalon . - Vingt ans après la loi du 11 février 2005, le handicap figure toujours sur le podium des discriminations. En démocratie, voter est un acte citoyen fondamental. Garantie par la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies, la participation des personnes en situation de handicap à la vie politique et publique rencontre encore des obstacles, a confirmé l'Association pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques, devant le groupe d'études sénatorial présidée par Marie-Pierre Richer.
Le Gouvernement a émis des recommandations pour améliorer l'accessibilité des campagnes, comme la mise à disposition de documents de campagne faciles à lire, mais il faut rendre ces bonnes pratiques obligatoires, avec une phase d'incitation dès les municipales de 2026.
Un déplafonnement des comptes de campagne pourrait être envisagé, pour éviter que les candidats ne limitent leur effort d'inclusion.
Enfin, les candidats en situation de handicap ne doivent plus être exclus de l'exercice démocratique.
Quelles mesures envisagez-vous dès les prochaines élections ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - Depuis la loi du 11 février 2005, plusieurs mesures ont été prises. En amont, le président du bureau de vote doit faciliter le vote autonome des personnes en situation de handicap. En aval, le ministère de l'intérieur recueille tout signalement relatif à un manquement. Les obligations d'accessibilité de la propagande et de la campagne électorale ont été renforcées. Les démarches électorales en ligne sont accessibles à 100 % et la loi de programmation pour la justice du 25 mars 2019 a consacré le vote pour tous les majeurs protégés.
Mais vous avez raison, nous devons améliorer la situation. Le ministère de l'intérieur travaille à un guide des bonnes pratiques. Le 6 mars, lors du comité interministériel du handicap, le Premier ministre a lancé un groupe de travail sur l'accessibilité du processus électoral et sur l'exercice du mandat d'élu par les personnes en situation de handicap, qui associera leurs représentants, les partis politiques et l'administration.
Nous partageons l'objectif, d'être au rendez-vous de l'accessibilité lors des prochaines municipales.
Indemnités kilométriques des infirmiers
Mme Patricia Demas . - Les indemnités kilométriques des infirmiers sont déclenchées lorsque la distance entre le cabinet et le domicile du patient dépasse 2 km en plaine et 1 km en montagne, ou lorsqu'ils ne se situent pas dans la même agglomération. L
'assurance maladie se fonde sur la définition de l'agglomération par l'Insee, qui rend impossible la facturation si infirmier et patient se trouvent dans la même commune ; mais un arrêt du 8 avril 2022 de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence se fonde sur l'article R110-2 du code de la route, qui définit l'agglomération en fonction des panneaux routiers : un infirmier peut facturer les indemnités kilométriques si le domicile du patient se trouve au-delà des panneaux d'entrée et de sortie de ville, même si les adresses se situent dans la même commune.
De nouveaux litiges étant encore intervenus depuis cet arrêt, une clarification du Gouvernement s'impose. Cela simplifierait le quotidien des infirmiers, qui sont en première ligne, et prendrait en compte de manière juste la réalité des trajets à l'intérieur de communes rurales parfois très étendues.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - Vous avez raison : les infirmiers jouent un rôle essentiel, surtout auprès des plus fragiles. Piliers de « l'aller vers » et de l'accès aux soins dans nos territoires les plus reculés, ils sont confrontés à des frais de déplacement en hausse.
Des négociations flash avaient ainsi été lancées à l'été 2023, à la demande du ministère. L'avenant 10 à la convention avec les infirmiers a augmenté de 10 % l'indemnité forfaitaire de déplacement à compter du 28 janvier 2024, de 2,50 à 2,75 euros.
Les règles de facturation des indemnités kilométriques peuvent effectivement faire l'objet de litiges. C'est pourquoi l'assurance maladie négocie des accords locaux en amont, pour éviter les contentieux. Yannick Neuder s'y est engagé à l'occasion de l'adoption de la proposition de loi sur la profession d'infirmier à l'Assemblée nationale, et en audition au Sénat : si ce texte était définitivement adopté, il donnerait lieu à l'ouverture de négociations conventionnelles.
Service de psychiatrie de l'hôpital Cochin
M. Francis Szpiner . - Alors que la santé mentale est grande cause nationale, comment justifiez-vous le démantèlement du service de psychiatrie de l'hôpital Cochin-Tarnier tandis que les besoins en soins psychiatriques ne cessent de croire ? Cette unité hospitalo-universitaire réputée accueille en consultation et en hôpital de jour plus de 2 000 patients et délivre 8 000 consultations par an. Il avait été proposé de la déménager dans l'ancien bâtiment de la crèche de Cochin, mais, sous couvert de rationalisation, elle a dû s'installer dans un hôpital gériatrique désaffecté, à distance de Cochin, en attendant une hypothétique intégration à l'Hôtel-Dieu. Cela entraînera nécessairement une diminution de l'offre de soins, contrairement aux engagements du Gouvernement. Il n'est pas trop tard pour la ramener au coeur de cet hôpital : un service hospitalo-universitaire doit y rester.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - L'université Paris Cité et la Ville de Paris portent un projet d'institut pour la santé des femmes implanté à Tarnier. Il a été demandé à l'AP-HP de libérer les espaces avant l'été, notamment une unité de psychiatrie ayant vocation à rejoindre définitivement le nouvel Hôtel-Dieu. Entre-temps, une implantation provisoire pour environ trois ans doit être trouvée. Entre plusieurs solutions étudiées, c'est l'hôpital La Collégiale, à environ 1 km de Cochin, qui a été retenu. La crèche de Cochin a été écartée en raison d'un coût de réhabilitation disproportionné et d'une durée de travaux incompatible avec le calendrier. Une mission a été confiée à Édouard Couty, président du conseil hospitalier de territoire du groupe hospitalo-universitaire de Paris centre, qui a confirmé que l'implantation dans le futur Hôtel-Dieu était conforme aux intérêts des professionnels et des patients, et que les locaux de La Collégiale étaient adaptés. Par ailleurs, un plan d'action est en cours pour renforcer à court terme la psychiatrie à Cochin. Affaiblir l'offre en psychiatrie alors que les besoins n'ont jamais été aussi importants est inconcevable.
M. Francis Szpiner. - C'est inconcevable, mais vous l'avez pourtant fait : moins 75 % de consultations en neuropsychiatrie. Le personnel n'en veut pas et des départs sont annoncés.
Dépistage néonatal de l'amyotrophie spinale
Mme Chantal Deseyne . - L'amyotrophie spinale est une maladie génétique rare et grave qui entraîne une dégénérescence neuromusculaire irréversible, dans sa forme la plus sévère une paralysie et un décès prématuré avant l'âge de deux ans. En France, environ 100 à 200 nourrissons sont diagnostiqués chaque année : c'est la première maladie génétique cause de mortalité infantile. Un traitement existe, mais il doit être administré précocement. En juillet 2024, La Haute Autorité de santé (HAS) a donné un avis favorable à son intégration dans le programme national de dépistage néonatal, mais, huit mois plus tard, ce n'est toujours pas le cas. Un dépistage précoce offrirait une chance réelle pour ces jeunes enfants. Quand le Gouvernement prévoit-il de le mettre en oeuvre ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - Vous avez raison, le dépistage néonatal constitue un levier essentiel de prévention et de prise en charge précoce des maladies rares. C'est pourquoi le Gouvernement s'est engagé dans une dynamique d'élargissement progressif du programme national : en 2025, trois nouvelles pathologies y seront intégrées, dont l'amyotrophie spinale. Les travaux de mise en oeuvre sont bien avancés ; les appels d'offres pour les équipements nécessaires ont été lancés, les procédures d'agrément en génétique ont été clarifiées, une formation pour les quelques professionnels de santé concernés est en cours de finalisation par l'Agence de la biomédecine. Cela nécessite un temps incompressible.
Une note d'information demande aux acteurs de commencer dès à présent les préparatifs nécessaires à l'acquisition des équipements et au recrutement du personnel requis. Un arrêté faisant actuellement l'objet des consultations obligatoires fixera d'ici à la fin mars ou tout début avril l'extension du dépistage néonatal à ces trois maladies dans un calendrier qui permet de tenir compte de l'aménagement des nouveaux équipements et de la formation des professionnels.
Mme Chantal Deseyne. - Je comprends les freins, déjà présentés par le ministre de la santé la semaine dernière en audition, mais j'insiste sur l'urgence.
Maladie de Lyme
Mme Élisabeth Doineau . - Les recommandations 2025 de la Haute Autorité de santé (HAS) sur la maladie de Lyme marquent une avancée notable, mais insuffisante : la reconnaissance du Lyme long, mais sans aucune recommandation thérapeutique. Or trop de malades font encore de l'automédication ou vont à l'étranger, ce qui cause une inégalité de traitement. Il faut aller plus loin.
La recherche est extrêmement importante dans ce domaine. La dernière LFSS prévoit 10 millions d'euros pour la financer. Mais que s'est-il passé à l'Inserm ? Il semblerait que 8 millions d'euros aient été mis de côté pour faire baisser le déficit, et que seuls 2 millions d'euros soient restés fléchés pour la maladie de Lyme. Le ministère pourrait-il mettre son nez dans la répartition des financements à l'Inserm ? Un tel détournement est anormal.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - Saisie pour harmoniser les pratiques sur tout le territoire, la HAS a publié en février des recommandations qui aideront les médecins généralistes à traiter les formes simples de cette maladie, les cas complexes étant orientés vers les centres spécialisés. Concernant le syndrome post-traitement, elle décrit les démarches diagnostiques et thérapeutiques adaptées et rappelle qu'aucune preuve d'infection active ne justifie une antibiothérapie prolongée. La prise en charge doit être personnalisée, globale et pluridisciplinaire, incluant un soutien psychologique et une réadaptation physique.
Elle préconise également davantage de recherche. En 2024, 10 millions d'euros ont effectivement été alloués à l'Inserm pour structurer la recherche sur les maladies vectorielles à tiques, dont la maladie de Lyme. Un groupe de travail réunissant chercheurs et représentants des patients a élaboré un programme et la création de deux cohortes de patients permettra d'enrichir nos connaissances. Le programme étant pluriannuel, l'Inserm a étalé les dépenses en inscrivant 2 millions d'euros en 2025, ce qui est suffisant, le reste devant être inscrit par la suite.
Mme Élisabeth Doineau. - Je compte sur Mme la ministre pour surveiller cette exécution.
Musicothérapie
M. Jean-Raymond Hugonet . - La musique adoucit les moeurs, dit l'adage. Elle apaise également les corps et les âmes. Dans un cadre approprié, la musicothérapie s'appuie en effet sur les effets psychoaffectifs et psychophysiologiques de la musique pour atténuer certaines pathologies telles qu'Alzheimer ou Parkinson. Elle est reconnue et réglementée dans onze pays européens, dont l'Angleterre et l'Allemagne. La France n'a malheureusement pas encore passé le cap, alors que cette pratique est déjà intégrée à de nombreuses structures médicales ou médico-sociales de notre territoire. En reconnaissant cette pratique médicale, l'État permettrait une meilleure formation des professionnels et un accès plus équitable des patients à ces soins. Alors que les maladies psychiques sont croissantes en France, pensez-vous reconnaître la musicothérapie comme discipline médicale ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - Les effets bénéfiques de la musique sur le bien-être du patient et du résident sont certains, notamment dans le cadre des maladies neurodégénératives. Il y est fait recours dans de nombreux hôpitaux et Ehpad, sans que la réglementation actuelle ou des obstacles financiers ne l'empêchent en rien.
Il n'est pas envisagé à ce jour de reconnaître cette pratique comme discipline médicale : il n'est pas démontré que cela nécessiterait des compétences uniquement médicales et les professions paramédicales y ont déjà recours et se forment en conséquence. En outre, la France souffre d'une faible démographie médicale. Si les mesures prises par le Gouvernement devraient nous permettre d'y remédier dans les prochaines années, il vaut mieux, en attendant, consacrer le temps médical disponible aux expertises où la plus-value médicale est absolument incontournable.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Votre réponse me désole un peu : dès qu'on parle de thérapies un peu spéciales, comme le sport ou la musique, les arguments sont les mêmes, et pas convaincants. Ouvrons les yeux et les oreilles sur ce qui se fait en Europe, notamment en Angleterre et en Allemagne. J'irais même jusqu'à préconiser la musicothérapie pour les membres du Gouvernement et les sénateurs : cela leur ferait beaucoup de bien ! (Sourires)
Suppression du délégué militaire départemental adjoint des Alpes de Haute-Provence
M. Jean-Yves Roux . - Nous vivons un tournant historique. Face aux incertitudes géopolitiques, nous devrons accroître notre engagement de défense, ce qui est déjà prévu dans la loi de programmation militaire 2024-2030 qui doublait les effectifs de réservistes militaires.
Dans les déserts militaires, ce projet repose sur les délégués militaires départementaux (DMD). Dans les Alpes de Haute-Provence, un DMD et son adjoint s'engagent pour rendre le lien État-nation visible et concret. En plus d'un travail apprécié auprès des élus et des anciens combattants et l'entraînement d'une réserve opérationnelle, notre département compte sept classes défense-citoyenneté. Cette activité au service du recrutement, de l'encadrement et de la coordination de futurs réservistes se développera certainement.
Pourtant, il est prévu de supprimer le poste de DMD adjoint, ce qui est contre-productif dans la situation actuelle. Allez-vous revenir sur cette suppression ? Comment concilier l'objectif d'accroissement des réservistes et la présence militaire dans les déserts militaires ?
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Le poste de DMD adjoint de votre département sera effectivement transféré en 2025. Comme d'autres postes, il est redéployé, après concertation avec les directions des ressources humaines des armées et les employeurs interarmées, notamment la zone de défense et de sécurité sud.
Avec des effectifs contraints, notre objectif est de renforcer les capacités de résilience de l'état-major de la zone de défense face aux crises potentielles, mais aussi avant les jeux Olympiques d'hiver 2030 qui impliquent directement les armées. Ce redéploiement soulagera d'autres départements où le DMD cumule déjà trop de responsabilités.
L'activité militaire dans les Alpes de Haute-Provence est moins importante que dans d'autres départements, et les catastrophes y sont moins fréquentes. L'effort exigé est raisonnable, d'autant que le DMD peut déléguer certaines missions à une dizaine de réservistes. Dans d'autres départements où l'armée est plus implantée, comme le Var, la fonction de DMD adjoint est assurée par un réserviste. Les DMD adjoints du Lot et de la Lozère seront redéployés en 2026 et 2027. Votre délégation militaire continuera de s'appuyer sur le DMD en titre, un sous-officier d'active et sur une dizaine de réservistes.
Visas pour les militantes afghanes pour les droits humains
M. Thomas Dossus . - Il y a urgence. Le 27 novembre 2024, le ministre de l'intérieur déclarait au Sénat : « On devrait faciliter l'accès à l'asile des femmes afghanes ». Depuis 2021 et un véritable apartheid de genre mis en place par les Talibans, des milliers de femmes ont fui l'Afghanistan. Des dizaines de militantes des droits humains se sont exilées face à la terrible répression. Leurs récits sont glaçants.
Nombre de ces militantes se sont réfugiées temporairement au Pakistan, tout en demandant un visa pour la France. Elles ont choisi la patrie des droits de l'homme, notamment parce que notre pays, universaliste, considère toutes les femmes afghanes comme éligibles à l'asile. Leur attente au Pakistan est intenable. Depuis début 2025, les autorités pakistanaises mènent une opération « zéro Afghan » : arrestations arbitraires, rétentions et renvoi de ces personnes en Afghanistan. Le gouvernement pakistanais a adressé un ultimatum aux réfugiés, leur donnant jusqu'au 31 mars 2025 pour quitter le territoire. Le renvoi de ces femmes dans leur pays serait synonyme de mise à mort. Pourtant, leurs demandes de visas sont bloquées.
Le Gouvernement a le pouvoir de sauver ces femmes. Accélérez le processus ! Il n'y a aucun problème pour leur accueil : des associations, dont je salue l'engagement, sont prêtes à les prendre en charge. L'urgence est absolue. La France préfère-t-elle laisser mourir ces femmes là-bas après leur avoir promis l'asile ?
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Ni le droit international ni la législation française ne consacrent le droit à demander l'asile depuis un pays tiers, mais depuis 2021, la France autorise des Afghanes à rejoindre la France pour y demander l'asile. Dès mai 2021, avant la chute de Kaboul, nous avons évacué 623 Afghans, agents de droit local, et leurs familles.
Dès le 17 août et l'opération Apagan, la France a lancé des évacuations de grande ampleur, en plus des demandes de réunification familiale avec instruction accélérée permettant d'accueillir 14 000 personnes après la fermeture de notre ambassade. Les Afghans ont pu s'adresser aux consulats français dans tous les pays tiers, dont le Pakistan, pour demander un visa pour la France afin d'y demander l'asile. Plus de 2,8 millions d'Afghans se trouvent actuellement au Pakistan, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Les autorités pakistanaises ont lancé un premier plan de rapatriement en novembre 2023 visant les Afghans en situation irrégulière. Depuis, nous avons délivré plus de 750 visas au titre de l'asile à des ressortissants afghans, dont 260 femmes. Depuis la chute de Kaboul, plus d'un millier de visas asile ont été délivrés à des Afghanes. Les services français continuent d'instruire au maximum de leurs capacités les demandes de visa, très nombreuses.
La France a créé en décembre 2023 l'initiative « Avec elles ». En partenariat avec le HCR, 300 réfugiées afghanes et leurs enfants ont été réinstallées en France en 2023 ; il y en aura 500 en 2025. En revanche, la sécurité au Pakistan ne permet pas d'y déployer des agents pour des missions de réinstallation. Nous mettons tout en oeuvre pour protéger ces femmes.
Bonification retraite pour les sapeurs-pompiers volontaires
M. Alain Marc . - Le 14 avril 2023, le Sénat a adopté l'article 24 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale permettant aux sapeurs-pompiers volontaires justifiant de dix années de service minimum, continues ou non, de valider des trimestres de retraite pour compléter leur carrière professionnelle au titre de la reconnaissance de leur engagement au service des populations, dans des conditions et des limites prévues par un décret en Conseil d'État. Ce décret n'a toujours pas été publié. Quand le sera-t-il ? Nous avons tous participé à des Sainte-Barbe. Ces sapeurs-pompiers risquent leur vie chaque jour.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Le Gouvernement est attaché au modèle français de sécurité civile fondé sur la complémentarité entre sapeurs-pompiers volontaires et professionnels ; 200 000 sapeurs-pompiers volontaires s'engagent au quotidien pour secourir nos concitoyens. Ce modèle est remis en question par leur possible requalification comme travailleurs, alors qu'ils n'en font pas leur métier, mais sont des citoyens engagés. Je leur rends hommage.
Le Parlement a adopté une mesure de reconnaissance en 2023. Les premières versions du décret étant insatisfaisantes, la concertation et les travaux interministériels ont donc repris pour trouver une solution sérieuse, dans l'esprit de la loi : la fidélisation des sapeurs-pompiers volontaires et la reconnaissance de leur engagement. Le ministère de l'intérieur souhaite que cette rédaction aboutisse le plus rapidement possible.
M. Alain Marc. - Dans l'Aveyron, il y a 1 400 sapeurs-pompiers volontaires pour 120 professionnels. Dans l'état actuel des finances publiques, nous ne pourrions pas tenir uniquement avec des pompiers professionnels. J'espère qu'à la prochaine Sainte-Barbe nous pourrons apporter une bonne nouvelle à nos pompiers volontaires, qui font d'énormes sacrifices.
Dommages causés par l'amiante
M. Jean-Pierre Corbisez . - Si l'amiante a été reconnu cancérigène par l'Organisation mondiale de la santé en 1977, la France ne l'a interdite qu'en 1997. Pourtant, 120 000 victimes sont connues, souvent atteintes de cancer, et des dizaines de milliers sont à venir, anxieuses de futures séquelles.
Dans le Pas-de-Calais, l'Association Choeurs de Fondeurs se bat depuis plus de vingt ans pour que les salariés de Metaleurop obtiennent réparation et reconnaissance du préjudice d'anxiété, alors qu'ils ont déjà eu à subir un licenciement indigne pour lequel certains sont encore en procès : 326 anciens salariés exposés à l'amiante et au plomb sont encore concernés. On s'achemine vers une transaction là où les victimes attendaient une reconnaissance de responsabilité.
Pouvait-il en être autrement alors que la justice a prononcé un non-lieu dans l'affaire Eternit, considérant que les responsabilités individuelles ne pouvaient être établies ? Alors que le rapport sénatorial de 2005 a conclu que le Comité permanent amiante (CPA) avait agi comme un « lobby pro amiante » retardant l'interdiction de cette matière, les membres du CPA n'ont pas été condamnés.
Allez-vous constituer un pôle d'instruction aux moyens étendus pour faire toute la lumière sur le drame de l'amiante, afin de refermer enfin cette plaie béante dans notre histoire sanitaire et sociale ?
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Le ministère de la justice prend toute la mesure de la souffrance des victimes. Les procédures judiciaires seront engagées avec toute l'attention requise.
Depuis 1996, nous avons mis en oeuvre d'importants moyens pour traiter les plaintes. Désormais, ces dossiers sont traités par les pôles spécialisés en matière de santé publique de Paris et Marseille, qui en ont fait une priorité tant du côté du siège que du parquet. Leurs moyens ont constamment augmenté depuis leur installation en 2003.
Fin septembre 2024, ces deux pôles ont eu à connaître 76 procédures relatives à l'exposition à l'amiante depuis leur création, dont 33 étaient en cours. Parallèlement, les moyens d'enquête ont été durablement renforcés. L'Office central de lutte contre les atteintes environnementales et la santé publique dispose désormais de dix détachements sur l'ensemble du territoire. La gendarmerie nationale a formé de multiples enquêteurs à ce type d'infraction. Plusieurs services peuvent être saisis par les magistrats afin d'apporter leur expertise aux enquêtes pénales. La mobilisation de l'autorité judiciaire est entière.
M. Jean-Pierre Corbisez. - Je transmettrai à l'association Choeurs de fondeurs, qui tient son assemblée générale dans quelques jours, votre réponse.
Justice administrative dans le Vaucluse
M. Jean-Baptiste Blanc . - Depuis un décret de 2006, les recours contentieux relevant du département du Vaucluse sont jugés, en premier ressort, par le tribunal administratif de Nîmes. Cependant, depuis 2022, les appels soulevés contre les décisions de ce même tribunal sont du ressort de la cour administrative d'appel de Toulouse, nouvellement créée, et non plus de celui de la cour administrative d'appel de Marseille.
Il en résulte un éloignement regrettable des tribunaux administratifs, d'autant plus en appel. L'obligation pour les justiciables vauclusiens de se rendre à une telle distance de leur département d'origine est gênant : le droit pour chacun de nos concitoyens d'accéder de manière égale à la justice est fondamental. Une plus grande proximité est souhaitable.
Un redécoupage plus juste de la carte de la justice administrative est-il envisageable, notamment en vue de faire dépendre le Vaucluse de la cour administrative d'appel de Marseille ?
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Le 1er janvier 2022, la cour administrative de Toulouse est devenue la neuvième cour administrative d'appel du pays, remédiant à l'absence de juridiction d'appel spécifique en Occitanie. Le contentieux était auparavant éclaté entre les cours administratives d'appel de Bordeaux et Marseille, dont le niveau d'activité était parmi les plus élevés.
La future cour était appelée à devenir le juge d'appel des trois tribunaux administratifs de la région Occitanie, à savoir Toulouse, Nîmes et Montpellier, tant pour des raisons de cohérence et d'organisation territoriale que de fiabilité de la nouvelle juridiction, dont le volume d'activité devait atteindre une masse critique suffisante. Toulouse a été préférée à Montpellier pour des considérations pratiques et budgétaires. Les découpages territoriaux sont toujours redoutables et les réponses inégales, en témoignent les débats sur la loi du 16 janvier 2015 sur les régions.
Toutefois, le rapport de nos concitoyens avec la justice administrative ne doit pas se limiter à une vision de proximité géographique. Bénéficier d'une juridiction de taille pertinente à même de traiter les contentieux dans un délai raisonnable et avec une connaissance fine du territoire est de première importance. C'est une Montpelliéraine qui vous le dit.
M. Jean-Baptiste Blanc. - Votre réponse ne me convient pas du tout. Vous êtes originaire d'Occitanie : quand on est dans le Vaucluse, aller à Toulouse est un non-sens absolu. Cet éloignement dissuade les justiciables de faire valoir leur droit au recours. On devrait pouvoir rationaliser la gestion de la justice administrative et s'interroger sur la géographie.
Qualité des services publics
M. Jean-Marie Mizzon . - La qualité des services publics se dégrade chaque année, et c'est un préjudice pour nos concitoyens. Tous les territoires, urbains comme ruraux, sont touchés. La situation est telle que la Défenseure des droits a dénoncé « la déshumanisation et l'éloignement des services publics ». Elle ajoute : « Ce n'est pas possible d'imposer à tout le monde d'avoir un smartphone et une connexion internet. » Selon elle, on demande aux usagers de s'adapter aux services publics alors que c'est l'inverse qui doit se produire. Elle précise que, confrontées à la dématérialisation, « les personnes âgées, en situation de handicap, précaires, étrangères, détenues et même les jeunes » plaident pour des accueils physiques. « On a besoin de voir des personnes quand on est en difficulté », estiment-elles également.
Monsieur le ministre, comptez-vous mettre un terme à cette dématérialisation à outrance qui méprise l'égalité républicaine ?
M. Laurent Marcangeli, ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification . - L'accès aux services publics est une priorité de l'action du Gouvernement, qui s'articule autour des démarches numériques de qualité et d'un accueil humain de proximité. Le Gouvernement investit dans les alternatives au numérique : le programme France Services garantit un accueil de proximité polyvalent - plus de 19 millions de Français y ont été accompagnés depuis 2021 et près de 99 % de nos compatriotes vivent à moins de 20 minutes d'une maison France Services ; le plan téléphone, lancé en 2023, a fixé un taux de réponse supérieur à 85 %. À Bourges, hier, j'ai accepté que les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) soient présentes dans les vingt maisons France Services du Cher ; si elle fonctionne, l'expérimentation sera généralisée. J'ai également relancé les travaux sur la posture des agents.
Je suis d'accord avec vous, nos services publics doivent s'adapter aux besoins différenciés des usagers - un nouveau baromètre mesurera la satisfaction des usagers du service public, afin de nous améliorer là où c'est nécessaire.
M. Jean-Marie Mizzon. - Vos chiffres sont éloquents, mais ils ne traduisent pas la réalité du terrain. La loi a pour mission de protéger les plus faibles. Les préconisations de la mission d'information sur la lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique que j'ai présidée n'ont pas été suffisamment suivies ; mettez-vous à la place de ceux qui ne maîtrisent pas ces outils ou de ceux pour qui les maisons France Services sont inaccessibles.
Remplacement des agriculteurs
Mme Marie-Lise Housseau . - Les services de remplacement départementaux mettent à disposition des agriculteurs, en cas de besoin, un salarié de remplacement. Lorsqu'ils exercent un mandat syndical agricole, ils bénéficient de cette prestation à coût réduit, grâce au concours financier de l'État, ce qui est légitime compte tenu de leur engagement.
En revanche, les agriculteurs qui s'investissent comme élus locaux, notamment comme maires, n'ont droit à aucune aide lorsqu'ils sont contraints par leur mandat de se faire remplacer. Pourtant, leur engagement est indispensable, surtout dans les petites communes rurales où la crise des vocations est une réalité.
Madame la ministre, pourquoi ne pas étendre l'aide accordée aux mandats syndicaux aux agriculteurs élus locaux ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Je mesure l'engagement essentiel des agriculteurs qui, notamment comme maires, contribuent à la vitalité de nos territoires ruraux. D'ailleurs, mon suppléant à l'Assemblée nationale, agriculteur et maire, est aujourd'hui député.
Mon ministère finance le remplacement des agriculteurs investis dans un mandat syndical, vous le savez. Pour les exploitations, la présence sur place est souvent indispensable, notamment dans l'élevage laitier. C'est pourquoi je soutiens les groupements agricoles d'exploitation en commun (Gaec) qui permettent de libérer du temps.
Les indemnités de mandat, bien que variables et souvent insuffisantes, sont censées couvrir en partie les frais de remplacement. Toutefois, je suis attentive à votre proposition - sa faisabilité budgétaire pourrait faire l'objet d'une étude -, car je souhaite valoriser le rôle des agriculteurs dans la vie démocratique locale. D'ailleurs, jeudi dernier, dans un lycée agricole de la Loire, j'ai encouragé les jeunes à s'engager dans les élections municipales pour porter la voix de l'agriculture de demain.
Mme Marie-Lise Housseau. - Dans les petites communes, les agriculteurs sont les seuls actifs. Si nous ne les encourageons pas à s'investir, nous n'aurons que des conseils municipaux de retraités : est-ce là préparer l'avenir ?
Prédation du loup
Mme Frédérique Espagnac . - Il y a urgence : la progression du loup s'accompagne d'une augmentation des attaques sur les troupeaux, notamment en Béarn et en Soule, où il est déjà la cause de lourdes difficultés pour les éleveurs ; sa présence a été signalée au Pays basque. C'est pourquoi la commission syndicale du Pays de Soule a demandé la reconnaissance de son territoire en zone de protection renforcée. La FNSEA et l'Herriko Laborantza Ganbara ont exprimé leurs inquiétudes à l'unisson : la cohabitation avec ce prédateur est impossible.
Or sans agropastoralisme l'accessibilité des espaces d'altitude, la biodiversité et la sécurisation des montagnes face aux risques naturels seraient compromises. L'Association nationale des élus de la montagne (Anem) n'a cessé d'alerter les pouvoirs publics : le loup est l'agresseur, la brebis la victime. La prédation est pour les éleveurs une violence que toutes les indemnisations du monde ne suffiront jamais à combler.
Madame la ministre, la convention de Berne a approuvé le 3 décembre dernier un déclassement du loup, passant d'espèce strictement protégée à simplement protégée. Avez-vous pris des mesures pour faire modifier la directive Habitat au niveau européen ? La question du loup sera-t-elle à l'ordre du jour du prochain sommet européen ? Quel est le calendrier précis des prochaines étapes pour la France sur ce dossier ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Élue d'un territoire d'élevage, je mesure l'impact de la prédation du loup sur l'activité pastorale.
Mon ministère accompagne financièrement les éleveurs, au travers d'un dispositif de protection des troupeaux arrêté avec les préfets, lequel permet d'aider 4 000 éleveurs par an pour un montant de 38,7 millions d'euros en 2024.
Le projet de loi d'orientation agricole allège la charge réglementaire pesant sur les détenteurs de chiens de protection ; elle leur assure, ainsi qu'aux maires des communes pastorales, une plus grande sécurité juridique et permet de protéger les troupeaux de bovins par des tirs de destruction.
À l'échelle internationale, nous avons déjà modifié le statut du loup, puisque la nouvelle version de la convention de Berne est entrée en vigueur le 7 mars dernier. À l'échelle européenne, nous défendons la modification de la directive Habitat, qui a été adoptée par le Conseil, mais doit encore l'être par le Parlement. À l'échelle nationale, nous préparons la mise en oeuvre de mesures de régulation du loup, tout en veillant à maintenir un état de conservation favorable de l'espèce, condition nécessaire à toute adaptation de son statut.
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Annie Genevard, ministre. - La régulation devra tenir compte de l'impact du prédateur sur les activités d'élevage, car il faut impérativement préserver le pastoralisme.
Suppressions de postes dans l'enseignement public
Mme Colombe Brossel . - Le prochain conseil départemental de l'éducation national (CDEN) de repli de l'académie de Paris se tiendra le jeudi 20 mars prochain, après que l'ensemble des organisations syndicales, des fédérations de parents d'élèves et des élus l'ont boycotté, pour contester votre méthode, votre renoncement politique.
En effet, quelque 180 fermetures de classes seront proposées, justifiées par la simple baisse démographique ; or celle-ci pourrait être utilisée pour diminuer le nombre d'enfants par classe.
Vous m'objecterez le chiffre magique de la moyenne d'élèves par classe, mais je vous le dis, nos enfants ne sont pas des moyennes !
Vous avez choisi de faire peser exclusivement sur l'enseignement public la baisse démographique.
La fin des régimes dérogatoires - depuis quarante ans - pour les directeurs d'écoles parisiennes a provoqué une colère immense.
Mme la ministre souhaite mettre en place un groupe de travail et de concertation sur le sujet : c'est une bonne nouvelle. Dans ces conditions, le recteur de Paris renoncera-t-il à inscrire, jeudi prochain, les cinquante-deux premiers postes de directeur d'école qui pourraient être concernés ?
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Cette année encore la baisse démographique dans nos écoles est significative : à la rentrée 2024, elle s'élève à près de 75 000 élèves du premier degré, dont 3 200 à Paris. Malgré cela, nous ne supprimons pas les 4 000 postes qui devaient l'être.
La taille des classes influe sur la réussite des élèves, notamment les plus fragiles. Nous avons agi en ce sens : en 2017, le taux d'encadrement moyen - pardon d'y revenir - était de 5 professeurs pour 100 élèves, contre 6 professeurs pour 100 élèves à la rentrée 2024.
À la rentrée prochaine, le nombre moyen d'élèves par classe sera de 21, niveau historiquement bas, et de 20 élèves par classe, à Paris, ce qui en fait le deuxième meilleur taux d'encadrement en métropole après la Corse.
Au vu de la baisse prévue, 160 classes peuvent être fermées sans impact sur le taux d'encadrement. Cette évolution nous permet de répondre aux priorités d'une école qui agit pour la réduction des inégalités.
Nous ouvrirons à la rentrée prochaine de nouvelles unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) ; nous renforcerons le réseau des pôles d'appui à la scolarité (PAS) et les moyens alloués aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
Mme Colombe Brossel. - Vos propos sont démentis par les faits : les fermetures de classes seront nombreuses dans les QPV. Ne restez pas sourds à la colère unanime de la communauté éducative parisienne.
Baisse de la démographie scolaire
M. Jacques Grosperrin . - La mise en place des observatoires des dynamiques rurales a été bien accueillie par les élus. Son objectif est triple : favoriser la cohérence des politiques éducatives, faciliter les échanges entre l'éducation nationale et les collectivités, partager les perspectives démographiques et les dispositifs d'accompagnement des élèves.
Je mesure les conséquences de la baisse démographique : le Doubs a perdu entre 2004 et 2007 près de 3 000 élèves du premier degré.
Pourtant, de nombreux maires ruraux se disent désabusés face aux fermetures brutales de classes, décidées par le directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) - la préservation des 4 000 postes ne se constate pas sur le terrain. Le manque de dialogue fragilise la confiance et nuit à l'attractivité des communes rurales, même si dans le Doubs, le Dasen a de très grandes qualités.
L'intérêt supérieur des élèves doit primer. Le Gouvernement compte-t-il généraliser ces observatoires et garantir aux maires qu'ils soient de véritables lieux de dialogue ? Peut-on enfin sortir d'une gestion purement arithmétique de la carte scolaire ?
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Nous mettons la baisse démographique au profit d'un meilleur taux d'encadrement des élèves. Dans votre département, le taux moyen d'élève par classe est de 20,5 - significativement moins que la moyenne nationale. Les observatoires anticipent les évolutions du réseau éducatif en milieu rural. Le dialogue entre les Dasen et les maires est étroit. Grâce à ces échanges aucune décision de fermeture ne peut intervenir sans que le maire en soit informé avant le conseil départemental de l'éducation nationale.
Les services académiques sont à l'écoute des acteurs de terrain. La carte scolaire n'est pas figée ; il faut y travailler de façon pluriannuelle. D'ailleurs, nous allons signer une convention avec l'Association des maires de France en ce sens, afin de garantir un maillage territorial cohérent et adapté aux besoins. Le Gouvernement renforce le dialogue entre toutes les parties prenantes pour le bien-être des élèves - notre seule et unique boussole.
M. Jacques Grosperrin. - Mme Billon, Mme Brossel et moi-même entamons aujourd'hui un travail pour réfléchir à un nouveau maillage territorial.
Défis de l'école en Guadeloupe
Mme Solanges Nadille . - L'école en Guadeloupe rencontre de nombreux défis : perte de jours de classe, problèmes de transport, sensibilité des infrastructures aux catastrophes naturelles, manque d'accès à l'eau, manque de professeurs ou d'assistants d'éducation. Ainsi, l'on constate des retards dès la maternelle, qui s'amplifient dans le premier et le second degré. Chaque année, 1 200 élèves sortent du système scolaire sans diplôme, au détriment de leur insertion sociale.
S'ajoute le défi de l'autorité. Les actes de violence envers les professeurs augmentent. Or, à la rentrée 2025, sont prévues 22 suppressions de poste dans le premier degré, et 67 dans le second. La baisse démographique ne peut servir de variable d'ajustement pour un territoire qui souffre tant.
Je salue le dialogue en cours avec la rectrice de l'académie, mais il faudra avant tout agir, en portant une attention toute particulière aux îles du sud de la Guadeloupe : les enseignants y pâtissent de problèmes de mobilité.
Quelles sont vos réponses à ces défis ? Reviendrez-vous sur ces suppressions de postes ?
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - L'école doit donner sa chance à tous les élèves, en Hexagone comme en outre-mer. L'éducation nationale est pleinement engagée pour proposer des politiques éducatives adaptées à la Guadeloupe.
Le premier degré comptera 430 élèves en moins à la rentrée 2025. La baisse du nombre de postes ne se fait pas au détriment du taux d'encadrement, qui est passé de 22 à 19 élèves par classe entre 2017 et 2024.
Il existe des dispositifs spécifiques à la Guadeloupe. Je pense au soutien scolaire : 4 000 élèves volontaires sont ainsi accompagnés par 420 intervenants. Depuis 2021, l'académie a aussi instauré 46 contrats locaux d'accompagnement.
En matière de sécurité des professeurs, depuis deux ans, le pôle citoyenneté académique assure le suivi des situations problématiques, tandis que la protection fonctionnelle est systématiquement proposée.
Concernant la question de la mobilité dans les îles du Sud, nous trouvons des solutions d'hébergement avec les mairies et proposons des actions de sensibilisation aux autorités organisatrices de transport.
Accès aux données des collectivités territoriales
M. Michel Canévet . - Ma question concerne les conditions d'accès aux fichiers de population des collectivités territoriales. La pandémie l'a montré : ces données sont utiles pour proposer des actions au plus près des populations les plus fragiles, notamment des actions de prévention.
Certaines politiques publiques sont mises en oeuvre via des opérateurs extérieurs. Dès lors, quelles sont les conditions de transmission des fichiers des communes - je pense notamment au fichier électoral - à ces opérateurs ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville . - Il nous faut garantir l'usage des données des collectivités. C'est l'enjeu du règlement européen sur la gouvernance des données, entré en vigueur en septembre 2023, qui propose un cadre juridique facilitateur de partage des données. Il pose un principe, l'altruisme des données, fondement d'outils de protection robustes et d'un futur espace de données suffisamment important pour mener des activités de recherche, par exemple en santé ou pour lutter contre le changement climatique.
Les données des collectivités peuvent être transmises pour des actions de prévention, dans un souci d'intérêt général. L'article L. 37 du code électoral dispose que la transmission n'est possible que si le demandeur n'en fait pas un usage commercial. La jurisprudence est très claire. Les collectivités peuvent donc s'opposer en droit à toute demande illégitime, et peuvent, en cas de doute, s'appuyer sur les préfectures.
Le règlement est d'application directe, et la loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique fait de la Cnil l'autorité de contrôle compétente. Nous présenterons dans les prochains mois un projet de loi d'adaptation de ce règlement à notre droit national.
M. Michel Canévet. - Nous devons avancer sur la question. Je suis heureux qu'un projet de loi soit en préparation.
C'est important pour que l'on puisse mener des politiques de prévention dans les territoires. Nous pourrions envisager un encadrement des demandes de transmission de données via les délibérations du conseil municipal. Il y va de la cohérence de notre action locale.
Meublés de tourisme en montagne
M. Cyril Pellevat . - La loi du 19 novembre 2024 qui vise à réguler les meublés de tourisme rend obligatoire le diagnostic de performance énergétique (DPE). Dès 2025, un DPE classé E sera exigé pour tout nouveau meublé de tourisme ; ils devront tous atteindre une classe D d'ici à 2034.
Or en montagne un logement sur deux n'atteint pas une classe D, principalement à cause de failles de calcul. Le DPE pénalise les petites surfaces, défavorise les logements chauffés à l'électricité et ne tient pas compte de l'altitude.
Les conséquences seront dramatiques sur le parc locatif en montagne, avec une sortie massive de logements dès 2025, alors que les Jeux de 2030 arrivent.
Au regard de l'article premier de la loi Montagne, envisagez-vous une révision du mode de calcul du DPE pour les petites surfaces, une prise en compte du climat montagnard dans l'évaluation ou un aménagement du coefficient de conversion de l'électricité ? Sylviane Noël et moi-même avons déposé une proposition de loi en ce sens.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville . - Le DPE prend déjà en compte des spécificités qui bénéficient aux petits logements en montagne, grâce à des fichiers météorologiques différenciés. Au-dessus de 800 mètres d'altitude, les seuils des étiquettes E, F et G sont adaptés. Enfin, une réforme du DPE pour les petites surfaces est entrée en vigueur au 1er juillet 2024. Quant au coefficient de conversion de l'énergie primaire en énergie finale, il a été revu en 2021, passant de 2,58 à 2,3, en se fondant sur le mix énergétique français actuel et à long terme.
Ensuite, des travaux d'isolation ou l'installation d'une pompe à chaleur aident à améliorer la performance.
Enfin, la loi du 10 novembre 2024 étend progressivement aux meublés de tourisme les obligations de décence énergétique. Les propriétaires ont neuf ans pour adapter leur logement. C'est indispensable, car la France doit respecter ses engagements environnementaux.
M. Cyril Pellevat. - À Avoriaz, 70 % du parc risque de ne plus être louable. Avec les Jeux, il nous faut plus de flexibilité.
Financement des CAUE
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - Les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), qui exercent une mission très utile de conseil, d'expertise et de sensibilisation auprès des particuliers, des collectivités et des professionnels, connaissent de graves difficultés financières. En tant qu'ancien maire, j'ai bénéficié de cette expertise : les maires des petites communes en sont très friands.
Le financement des CAUE repose sur la part départementale de la taxe d'aménagement. Or la réforme introduite dans le PLF 2021 modifie le fait générateur de la taxe et a entraîné des retards de perception et un risque accru de non-recouvrement, notamment en cas de travaux inachevés ou de non-déclaration d'achèvement. Les CAUE sont pénalisés.
De surcroît, la dynamique de construction est faible, les collectivités éprouvées budgétairement.
Comment allez-vous soutenir les CAUE ? Allez-vous rétablir la délivrance de l'autorisation d'urbanisme comme fait générateur de la taxe d'aménagement et ainsi leur assurer des financements plus stables ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville . - La réforme de 2021 n'a pas modifié le fait générateur de la taxe, mais les modalités de transfert ont consisté à rapprocher le processus de liquidation de la taxe d'aménagement de celui des impôts fonciers gérés par la DGFiP.
De plus, la date d'exigibilité de la taxe a été décalée à la date d'achèvement des travaux pour faciliter sa liquidation et développer des synergies avec la gestion des impôts fonciers, entre autres pour éviter l'émission de titres sur les projets finalement abandonnés.
Pour les projets classiques, il n'y a aucun report de trésorerie. Pour les projets d'ampleur, sur plusieurs années, une modification du cycle de trésorerie est possible. Un dispositif d'acompte assure aux collectivités des ressources à hauteur de 85 % de la taxe. Les recettes locales sont donc préservées.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - L'inquiétude des CAUE est bien réelle. N'envoyons pas un mauvais signal aux petites communes. Nos territoires ont du talent, ne les décourageons pas.
Paiement de MaPrimeRénov' en cas de décès du demandeur
M. Jean-Claude Anglars . - Ma PrimeRénov' rencontre des difficultés : des délais de traitement trop longs, mais aussi, par exemple, certains refus de versement de la prime aux héritiers en cas de décès du demandeur. On constate que le paiement du solde est parfois refusé, des dossiers sont bloqués jusqu'à plus de dix mois, sans que les héritiers, qui ont transmis tous les documents demandés au notaire, disposent de la moindre information de la part de l'Anah. Il est parfois impossible de finaliser les successions.
Madame la ministre, il nous faut des clarifications. Quelles mesures prévoyez-vous pour accélérer le traitement de ces cas, afin que le solde de la prime soit versé dans des délais raisonnables ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville . - La rénovation énergétique est une priorité du Gouvernement. Depuis 2020, plus de 2,4 millions de logements ont bénéficié de MaPrimeRénov' pour réaliser des travaux dans leur logement, ce qui représente 11,7 milliards d'euros d'aides publiques, qui ont généré 34 milliards d'euros de travaux.
Certaines demandes ont rencontré des difficultés, mais les cas restent très limités, sur les 540 000 dossiers instruits chaque année par l'Anah.
Le cas des demandeurs décédés exige un traitement spécifique par les services d'instruction. La subvention étant étendue à l'héritier, le solde peut lui être versé par le biais du notaire, sur présentation de justificatifs de sa qualité d'héritier et de filiation. Certains paiements n'aboutissent pas à la suite de la clôture du compte bancaire associé. L'Anah met alors tout en oeuvre pour prendre attache avec les héritiers, afin de verser l'aide dans les meilleurs délais, tout en effectuant les contrôles associés.
En 2024, 73 dossiers ont été traités, pour 262 580 euros ; restent 76 dossiers en cours de traitement. L'Anah est pleinement mobilisée pour les traiter au mieux et dans les meilleurs délais.
M. Jean-Claude Anglars. - Merci pour cette réponse très précise. Ainsi 76 dossiers restent à traiter. Je note que l'Anah s'engage à les instruire dans l'année.
Difficultés des communes à s'assurer
Mme Alexandra Borchio Fontimp . - Interdiction des sinistres sur les bâtiments communaux : c'est l'objet d'un arrêté pris par le maire de Breil-sur-Roya, commune des Alpes-Maritimes qui a failli être rayée de la carte par la tempête Alex, et qui est dans l'impossibilité de trouver une assurance au 1er janvier. Même si le bureau central de tarification (BCT) a finalement obligé cinq assureurs à se partager les risques de la commune, le compte n'y est pas : montant de la cotisation multiplié par huit, franchises démesurées, exclusion des dégradations, vols, dégâts des eaux et dommages électriques. C'est indécent. Combien de temps encore tolérerons-nous cela ? L'État doit se saisir des recommandations du Sénat et de l'Association des maires de France (AMF) et des présidents d'intercommunalité.
Il est urgent de faire évoluer la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des évènements climatiques ou géologiques (DSECG) en élargissant la liste des biens éligibles, d'écarter le principe de reconstruction à l'identique et d'élargir les prérogatives du médiateur de l'assurance.
Bien sûr, assurer des collectivités est moins rentable que des entreprises, mais ce ne sont pas des clientes comme les autres.
Lors de l'examen de la proposition de loi de Jean-François Rapin sur la gestion des inondations, j'ai fait adopter une mesure pour aider les communes à mieux évaluer leurs dégâts.
Il faut aider les maires. Que propose le Gouvernement ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville . - Le Gouvernement est très attentif à la situation assurantielle des communes. L'État est à leurs côtés avec le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier.
En septembre 2023, un accord a été conclu avec les assureurs pour mettre en place une médiation avec les collectivités territoriales. Le bureau central de tarification est intervenu dans le dossier de Breil-sur-Roya.
La situation n'est cependant pas satisfaisante. Plusieurs propositions émises par Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès rejoignent les conclusions du rapport de Jean-François Husson. Il convient de dynamiser le marché de l'assurance, de diffuser les bonnes pratiques en matière de commande publique et de mieux maîtriser la sinistralité.
Le Gouvernement travaille actuellement avec les assureurs. Nous proposerons prochainement des solutions concrètes pour que chaque collectivité trouve une solution d'assurance adaptée.
Présence postale dans les territoires ruraux
Mme Jocelyne Guidez . - Nos territoires, en particulier ruraux, continuent de subir une dégradation de la qualité des services postaux. En Essonne, dans le Calvados et partout dans le pays, nos bureaux de poste ne cessent de connaître un désengagement progressif, quand ils ne ferment pas. Ce désengagement se traduit très concrètement par des diminutions du nombre d'heures d'ouverture, par la suppression de certains services, par la baisse des effectifs, ou par le passage en agence postale communale.
Pourtant, conformément à la loi du 2 juillet 1990, La Poste a une obligation légale de maintenir 17 000 points de contact afin que 90 % de la population se trouve à moins de cinq kilomètres ou vingt minutes d'un bureau de poste.
Quand des services humains de proximité disparaissent, c'est l'âme du service public qui est en jeu. Les postiers incarnent bien souvent un lien social essentiel. Dans nombre de communes rurales, La Poste reste un des derniers symboles tangibles de la République.
Le précédent gouvernement a heureusement abandonné son projet de coupe budgétaire de 50 millions d'euros sur la présence postale pour 2025.
La Cour des comptes a publié un rapport sur la trajectoire financière de La Poste qui pointe du doigt la distribution du courrier six jours sur sept, mais aussi le maintien des 17 000 points de contact. La Cour suggère des synergies plus fortes avec France Services. Or elles ne seraient probablement pas compensées financièrement aux collectivités.
Alors que la désignation du prestataire du service universel postal est attendue d'ici la fin de l'année, quelle suite le Gouvernement entend-il donner aux préconisations de la Cour des comptes tout en préservant une présence postale réelle, humaine et pérenne ? Pouvez-vous nous garantir que le désengagement de La Poste ne se fera pas une nouvelle fois à la charge de nos collectivités ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville . - La présence postale en milieu rural est fondamentale. La transformation du réseau de La Poste suscite des inquiétudes légitimes, mais elle reste pleinement engagée dans sa mission.
La Poste fait face à des évolutions structurelles majeures, avec la chute de 60 % du volume de courrier en quinze ans. L'État reste vigilant à ce que cette adaptation ne se fasse pas au détriment des territoires ruraux. Le contrat de présence postale territorial 2023-2026 prévoit un budget annuel de 177 millions d'euros pour garantir cette présence et accompagner les transformations nécessaires tout en maintenant une qualité de service.
Le développement des agences postales communales et des relais postes en partenariat avec les collectivités permet de maintenir une offre de services de base tout en adaptant les coûts de fonctionnement.
Quelque 97 % de la population est à moins de vingt minutes d'une des 2 800 maisons France Services dont La Poste est un acteur central. France Services Itinérant amène plus de services publics aux citoyens les plus isolés.
La Poste renforce le rôle des facteurs, qui assurent des services de proximité aux personnes âgées isolées.
L'État a maintenu l'intégralité du financement du contrat de présence postale en 2025. Nous restons vigilants.
Obligation d'installation d'itinéraires cyclables
M. Pierre Jean Rochette . - La loi d'orientation des mobilités (LOM) prévoit la réalisation de pistes cyclables lors des rénovations de voiries urbaines. L'idée semblait facile sauf que l'on est en Absurdie : en mai 2023, le tribunal administratif de Lyon a imposé les mêmes conditions de circulation aux vélos qu'aux voitures, en demandant une voie cyclable à double sens lorsque la voie automobile est à double sens. Dans ma commune de Boën-sur-Lignon, nous avons rénové des chaussées dont certaines de moins de cinq mètres de large. Déjà, il n'est pas facile pour deux voitures de se croiser. Si on ajoute des cyclistes, comment fait-on ? La situation est complètement bloquée. Nous avons mis en place la voie centrale banalisée préconisée par le Cerema, mais elle n'est pas réglementaire et nous subissons les attaques d'associations de cyclistes. Le tribunal administratif a détourné le droit de l'idée d'origine. Il faudrait intégrer les voies centrales banalisées dans le droit ou prévoir des dérogations pour impossibilité technique.
Ce sujet peut paraître léger mais pose un réel problème sur le terrain.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville . - L'article L. 228-2 du code de l'environnement prévoit la réalisation d'aménagements pour rendre la voirie cyclable lors de travaux de réfection. Le dispositif a été complété à l'occasion de la loi LOM. L'objectif est de profiter des travaux programmés pour réaliser à moindre coût la transformation nécessaire de nos villes à la circulation sécurisée des cyclistes.
Sans méconnaître les difficultés locales, il est nécessaire de conserver cette disposition. Pour autant, je ne suis pas opposée à ce que d'autres types d'aménagements, comme les chaussées à voies centrales bidirectionnelles, soient introduits dans le texte dès lors que les conditions de sécurité sont remplies.
Ligne de TER Lyon - Paray-le-Monial - Nevers
M. Fabien Genet . - J'appelle votre attention sur la survie de la ligne de TER qui relie Lyon au sud-ouest de la Saône-et-Loire.
Il y a quelques mois, Le Parisien a publié un classement des pires lignes régionales, plaçant en deuxième position la ligne Lyon - Paray-le-Monial - Moulins-sur-Allier dont la pérennité suscite l'inquiétude. Les usagers sont habitués à des retards à répétition, voire à des annulations, et la fréquence ne fait que diminuer.
Le retrait d'un poste d'aiguillage en gare de Lamure-sur-Azergues condamne à un cadencement ralenti et à des trajets non croisés, qui ne peuvent correspondre aux horaires de travail des usagers se rendant dans la métropole lyonnaise. Pourtant, cette ligne participe au développement de la grande couronne lyonnaise et est empruntée par de nombreux travailleurs.
Cette ligne a besoin de la mobilisation de tous les acteurs concernés, dont le Conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, celui de Bourgogne-Franche-Comté, la SNCF, l'État et les collectivités territoriales.
Dans un contexte de décarbonation des transports, quelles sont les ambitions du Gouvernement pour cette ligne si utile ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville . - L'État s'est engagé aux côtés des régions dans la remise à niveau des petites lignes dans le cadre des volets mobilité 2023-2027 des contrats de plan État-régions (CPER) : 2,6 milliards d'euros d'investissements sont prévus, dont 780 millions d'euros apportés par l'État, via l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France).
L'offre sur la ligne Lyon - Paray-le-Monial nécessite une coordination étroite entre les régions Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes, autorités organisatrices. Les travaux à réaliser pour assurer le bon état de la ligne sont, eux, cofinancés par l'État, les régions et SNCF Réseau dans le cadre des CPER. Elle a déjà fait l'objet d'un investissement significatif de 44 millions d'euros dans le cadre des CPER 2015-2022.
Le volet ferroviaire du CPER Auvergne-Rhône-Alpes, en cours de finalisation, prévoit un financement de 10 millions d'euros assuré à 90 % par l'État et SNCF Réseau. Parallèlement, les études de régénération des ouvrages d'art de la section Paray-Chauffailles démarrent cette année dans le cadre du CPER Bourgogne-Franche-Comté, pour des travaux de 5 à 6 millions d'euros prévus en 2027, de façon à éviter un allongement du temps de parcours.
M. Fabien Genet. - Je suis satisfait des bonnes nouvelles annoncées par la ministre. Nous restons vigilants.
Maintien des effectifs de terrain de l'ONF
Mme Sabine Drexler . - En Alsace, les communes forestières travaillent en étroite collaboration avec l'Office national des forêts (ONF). Alors que nos forêts vont mal et que les maires ont plus que jamais besoin de conseils, on détricote son maillage territorial, comme dans le Haut-Rhin, qui subit depuis 2018 des dépérissements sans précédent de sapins, d'épicéas, de hêtres.
Après la suppression de quatorze postes en 2021, l'ONF s'est lancée en 2023 dans une nouvelle réorganisation, avec de nouvelles suppressions de postes de terrain, au risque de mettre à mal toute la filière.
Dans un contexte de crise sanitaire et de changement climatique, et afin de répondre à la demande des maires, la ministre de l'agriculture et de la forêt s'est engagée en novembre 2024 à ce qu'il n'y ait pas de suppression de poste en 2025.
Comptez-vous garantir le maintien des effectifs de terrain, notamment dans la vallée de la Doller ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Merci de me permettre de rappeler l'importance de l'ONF dans la gestion de nos forêts publiques, et l'attachement des élus locaux à ses missions et moyens.
Le contrat d'objectifs État-ONF pour 2021-2025 prévoyait initialement des suppressions de postes. Le Gouvernement a choisi de maintenir les effectifs de l'ONF en 2025, malgré un contexte budgétaire tendu. Néanmoins, l'établissement peut avoir besoin de se réorganiser.
Dans ce contexte, l'agence ONF du Haut-Rhin mène, depuis dix-huit mois, une réflexion associant les personnels afin d'optimiser les moyens humains, dans un département où 80 % des forêts sont communales. Les ajustements se feront à effectif constant et garantiront une présence opérationnelle de qualité et le renforcement de la capacité d'intervention adaptée aux enjeux spécifiques de ce territoire.
L'ONF joue un rôle primordial que nous sommes déterminés à soutenir.
Mme Sabine Drexler. - Dans le Haut-Rhin, les forêts ont de gros problèmes de dépérissement et les maires doivent être accompagnés. Je vous remercie de l'attention que vous portez à cette problématique.
Fonds territorial climat
M. Sebastien Pla . - Les élus sont souvent démunis devant la complexité des démarches pour accéder aux financements pour l'adaptation au changement climatique. Il faut faciliter l'accès au fonds territorial climat, doté de 200 millions d'euros, dont le Sénat a voté la création dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Foin des usines à gaz, simplifions la vie des élus !
Inondations, sécheresses : l'Aude est en première ligne face au changement climatique. Nous n'avons pas de temps à perdre avec des procédures longues et complexes, car ces fonds sont vitaux.
Vous avez annoncé le 19 février dernier, lors des questions au Gouvernement, que ce nouveau programme du PLF était devenu une action. Pourquoi contourner l'esprit de la mesure votée au Parlement ? Quelles sont les modalités de mise en oeuvre prévues pour 2025 ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Pas moins de 5 300 communes ont bénéficié du fonds vert en 2024, dont 160 dans l'Aude.
Les règles d'emploi du fonds vert et des autres dotations à l'investissement - DSIL, DETR, notamment - ont été décrites dans une circulaire commune du 28 février 2025, qui définit des priorités correspondant au plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC).
En 2025, je me suis engagée à déployer 100 millions d'euros pour accompagner les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) des communes. Pourquoi cette enveloppe ne figure-t-elle pas dans la loi de finances initiale pour 2025 ? Il faut le demander aux membres de la commission mixte paritaire. Elle sera déployée hors appels à projets, sans contrôle a priori des PCAET. Les modalités d'accès sont spécifiées par la circulaire du 28 février. Les crédits seront bientôt délégués aux préfets de région.
M. Sebastien Pla. - Cette somme ne compense pas la réduction de 400 millions d'euros du fonds vert. Il faut ouvrir les enveloppes, pour une gestion directe par les collectivités territoriales.
Chasses traditionnelles du Sud-Ouest
Mme Denise Saint-Pé . - La Commission européenne a annoncé le 12 février dernier, dans le cadre d'une procédure entamée depuis 2019, sa décision de poursuivre la France devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour non-respect présumé de la directive Oiseaux du fait de la pratique, dans cinq départements du Sud-Ouest, de la chasse traditionnelle à la palombe au filet. Selon la Commission, les pantières contribueraient au déclin de la tourterelle des bois. En réalité, cette chasse est sélective en raison de la maille des filets, le déclenchement manuel intervenant après une phase d'observation. La palombe est en outre classée comme nuisible dans plusieurs pays européens et départements français.
Les chasseurs du Sud-Ouest sont en colère et s'estiment insuffisamment défendus. Leurs actions pour la régulation des grands gibiers et le suivi sanitaire des zoonoses sont pourtant essentielles.
Madame la ministre, êtes-vous prête à transmettre aux parlementaires les éléments du dossier de défense présentés à la Commission européenne depuis 2019, à rencontrer les fédérations de chasseurs du Sud-Ouest et à les intégrer dans la démarche ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - J'apporterai les arguments nécessaires pour défendre la chasse traditionnelle à la palombe, qui n'a d'ailleurs jamais été remise en cause au niveau national.
Le pigeon ramier est une espèce abondante et parfois nuisible. Les associations environnementales préfèrent concentrer leurs travaux sur les espèces menacées de disparition. La chasse au filet est effectivement sélective, et les animaux accidentellement capturés peuvent être relâchés vivants. En outre, cette technique ne perturbe pas les autres espèces.
J'ai pris contact avec la Fédération nationale des chasseurs. Je souhaite travailler avec les chasseurs, les agences de l'État et les associations. Ma porte est ouverte à tous les parlementaires qui travaillent sur ce sujet. Comptez sur moi pour défendre cette tradition.
Rénovation énergétique
M. Hervé Gillé . - Les dispositifs de rénovation énergétique se sont multipliés - Mon Accompagnateur Rénov', MaPrimeRénov', MaPrimeAdapt' - créant un sentiment de désordre au détriment de la qualité et de l'efficacité de l'accompagnement des usagers. Les collectivités territoriales, notamment les syndicats intercommunaux, rencontrent des difficultés dans leur mise en oeuvre. En outre, des opérateurs publics tels que le syndicat interterritorial pour la maîtrise de l'énergie et de l'habitat (Siphem), en Gironde, sont mis sur un pied d'égalité avec des opérateurs privés parfois peu scrupuleux.
L'accompagnement est devenu un parcours du combattant, conduisant parfois à des renoncements. Il faut renforcer le rôle des opérateurs publics locaux et rétablir une concurrence équitable.
Face aux demandes croissantes, qu'envisagez-vous pour préserver les enveloppes financières consacrées aux syndicats intercommunaux et garantir l'accompagnement des ménages tout au long de l'année ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - L'État poursuit la consolidation de France Rénov' à travers les pactes territoriaux. Mon Accompagnateur Rénov' fonctionne bien et s'ancre de plus en plus dans les territoires. Des partenariats efficaces se nouent avec les collectivités. L'Agence nationale de l'habitat (Anah), ses partenaires historiques et les professionnels de la rénovation ont su s'adapter à ces nouveautés.
Grâce aux signalements remontés par le réseau France Rénov', nous avons évité 500 millions d'euros de fraude l'année dernière. L'Anah a mis en oeuvre de nouvelles mesures pour sécuriser les ménages et exclure plus rapidement les acteurs malveillants, qui seront prochainement traduites par voie réglementaire.
La proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques de Thomas Cazenave contient par ailleurs de nouveaux leviers d'action, notamment l'augmentation des sanctions contre les fraudeurs.
M. Hervé Gillé. - La différence de qualité de service entre le public et le privé est patente. Et n'oublions pas le poids des renoncements, qui ont parfois conduit à des sous-consommations d'enveloppes.
Contribution de la France au budget de l'UNRWA
Mme Raymonde Poncet Monge . - Mes pensées et ma compassion vont à Gaza où plus de 400 personnes ont été tuées cette nuit par des bombardements israéliens, rompant le cessez-le-feu.
L'annonce que la France va attribuer 20 millions d'euros au programme de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) est bienvenue, alors que la suspension de l'aide américaine nuit au financement de ses actions. Devant le Conseil de sécurité de l'ONU, le 28 janvier dernier, son commissaire général a alerté les États membres sur cette situation.
Au regard de la diminution du budget de l'UNRWA, alors que les besoins explosent, la France compte-t-elle maintenir la priorité de financement qui lui est accordée et sanctuariser cette attribution ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Depuis plus de soixante-dix ans, l'UNRWA joue un rôle incontournable auprès des réfugiés palestiniens, en Cisjordanie, à Jérusalem Est et à Gaza ainsi qu'au Liban, en Jordanie et en Syrie, et pour porter secours à la population civile de Gaza, y compris depuis le cessez-le-feu. Nous rendons hommage aux travailleurs de l'Office décédés dans l'exercice de leurs fonctions.
La France a soutenu l'UNRWA à hauteur de 96 millions d'euros ces deux dernières années. Jean-Noël Barrot a annoncé au Caire, le 2 décembre dernier, une nouvelle contribution de 20 millions d'euros, qui sera décaissée dans les meilleurs délais.
L'UNRWA doit poursuivre ses efforts de réforme en suivant les recommandations du rapport indépendant coordonné par Catherine Colonna, visant à garantir notamment la neutralité du personnel, des manuels scolaires et des installations de l'Office. Nous serons vigilants sur ce point.
La législation israélienne visant l'UNRWA est entrée en vigueur le 30 janvier dernier. En lien avec nos partenaires, nous avons demandé à Israël de préserver l'action indispensable de l'Office et de coopérer avec les Nations unies pour assurer la continuité des actions humanitaires.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Il faut appliquer le droit international à Gaza. L'acheminement des denrées alimentaires a été stoppé il y a quelques jours, l'électricité et l'eau ont été coupées. Il est temps que la France réagisse fermement.
Inégalités salariales
M. Alexandre Basquin . - En tête des revendications lors des importantes mobilisations du 8 mars dernier : les inégalités salariales. Selon l'Insee, en 2023, le salaire moyen des femmes était inférieur de 22,2 % à celui des hommes dans le secteur privé. À temps de travail égal, l'écart est de 14,2 %. Sur toute une vie, une femme gagnerait 300 000 euros de moins qu'un homme, voire 450 000 euros pour les profils les plus diplômés. Selon une experte citée dans La Voix du Nord le 3 mars dernier, à ce rythme, l'égalité salariale ne sera pas atteinte avant l'an 2100 !
La Cour des comptes a estimé dans un rapport de janvier 2025 que le ministère du travail devait s'impliquer davantage pour revaloriser les métiers majoritairement féminins. Le principe d'égalité entre hommes et femmes doit être plus que jamais défendu face aux courants masculinistes et à la progression du sexisme. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - La persistance de différences de salaires au détriment des femmes en 2025 n'est pas acceptable : 14 % de différence de rémunération à temps de travail identique, c'est 14 % de trop ; 4 % d'écart à poste comparable, c'est 4 % de trop. L'égalité salariale n'est pas un objectif, elle figure dans la loi depuis 1972.
En 2019, la France a été le premier pays européen à créer un index d'égalité salariale. Depuis, 857 entreprises ont été mises en demeure et plusieurs dizaines ont été sanctionnées, jusqu'à 1 % de leur chiffre d'affaires.
Un travail est en cours pour transposer d'ici le 7 juin 2026 la directive européenne sur la transparence salariale du 10 mai 2023, qui prévoit un droit à la transparence des rémunérations avant l'embauche, une obligation de transparence sur les critères déterminant le niveau et la progression des rémunérations et l'obligation pour les employeurs de fournir l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes.
Il faut également une action renforcée, dès le plus jeune âge, en faveur de la mixité, notamment dans les filières stratégiques pour notre souveraineté. N'enfermons pas les enfants dans des stéréotypes.
La séance est suspendue à 12 h 45.
Présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 14 h 30.