Conversion de centrales à charbon (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement, présentée par M. Khalifé Khalifé.
Discussion générale
M. Khalifé Khalifé, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Corinne Bourcier applaudit également.) Deux centrales à charbon, Cordemais et Saint-Avold, sont concernées par la proposition de loi que nous examinons. Je remercie M. le ministre d'avoir accepté de donner suite aux alertes des sénateurs de Moselle, d'avoir construit avec nous cette proposition de loi et d'avoir engagé son examen selon la procédure accélérée. Je salue les salariés de la centrale de Saint-Avold et les élus, accompagnés du président du département de Moselle, M. Patrick Weiten, qui ont fait le déplacement au Sénat aujourd'hui.
Au-delà de la question énergétique, nous parlons d'emplois, de justice sociale et de responsabilité envers les territoires qui, comme la Moselle, ont fait durant deux siècles la force industrielle de notre pays.
Construite au pied des mines après la guerre dans l'esprit du programme du Conseil national de la résistance, la centrale Émile-Huchet de Saint-Avold fut l'une des plus importantes d'Europe. Elle est l'un des témoins de cette grande aventure industrielle. Nous devons, pour nos enfants et notre environnement, tourner définitivement la page du charbon, personne ne le remet en cause, mais cela ne doit pas se faire au mépris des salariés. Il faut le faire avec dignité et respect pour ces hommes et ces femmes qui n'ont pas hésité à rallumer la flamme alors que la guerre frappait de nouveau l'Europe, en 2022, pour sauver le système électrique national - alors même que la fermeture de la centrale avait été décidée en 2019.
Ces allers-retours ne sont plus tolérables. Il faut stabiliser les emplois et sécuriser les dizaines de millions d'euros d'investissements nécessaires à la conversion. Tourner la page du charbon sans reproduire les erreurs passées est une obligation. C'est sur la base de l'interdépendance du charbon et de l'acier que les fondements de l'Europe ont été posés par le Mosellan Robert Schuman, père de l'Europe.
Cette proposition de loi transpartisane, déposée avec mes collègues de Moselle et signée par des sénateurs lorrains et plusieurs autres sénateurs, offre une solution pragmatique et équilibrée pour convertir les centrales à charbon sans peser sur les finances publiques. Elle garantit le maintien des emplois tout en réduisant les émissions de CO2, et concilie donc l'exigence écologique avec les nécessités économiques et sociales. Résultat d'un consensus entre les collectivités, les parlementaires, le Gouvernement, l'exploitant et les salariés du site, elle poursuit la sécurisation du système électrique lors des pics de consommation, particulièrement au regard du contexte international.
L'exploitant actuel doit investir plusieurs dizaines de millions d'euros pour des travaux d'une durée d'un an. La conversion favorisera le maintien d'une capacité de 600 mégawatts. Cette solution technologique, compétitive, suppose l'adoption de cette proposition de loi.
Les modifications apportées au périmètre du texte en commission ne nous ont pas rassurés. Introduites avec l'intention louable de sécuriser le dispositif, elles risquent de transformer un processus de conversion efficace en un labyrinthe, condamnant Saint-Avold à la fermeture.
L'article 1er vise à considérer l'installation, une fois convertie, comme une nouvelle installation de production pour lui permettre de candidater au mécanisme de capacité.
Le second article octroie une autorisation de production à la centrale une fois convertie si elle est éligible au mécanisme de capacité.
Cette proposition de loi est en adéquation avec la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
Pour préserver le sens initial du texte, j'ai déposé plusieurs amendements, que je vous invite à voter, pour définir son périmètre à partir de la réglementation européenne existante, avancer la date butoir de conversion au 1er janvier 2025, supprimer les autorisations environnementales inutiles pour laisser la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) faire son travail et supprimer les dispositions conditionnant l'entrée en vigueur à une notification européenne déjà prévue par ailleurs.
Lors d'une de mes visites à la centrale, un salarié m'a dit qu'une transition bien pensée est celle qui ouvre une porte sans en fermer une autre brutalement. C'est ce que nous devons faire : sortir du charbon, en garantissant un avenir aux salariés et aux territoires. Cette proposition de loi sera un test pour notre volonté de respecter les engagements pris devant nos concitoyens. En votant cette proposition de loi, nous faisons un choix historique, et disons que la transition écologique peut être socialement juste et économiquement viable. Ne répétons pas les erreurs du passé comme la fermeture du site de Florange en Moselle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Présidence de Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente
M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Dominique Estrosi Sassone et M. Bernard Buis applaudissent également.) Je me réjouis que nous examinions un texte transpartisan. Je suis certain qu'il sera voté, appliqué et servira de socle au projet de conversion de Saint-Avold. Il s'agit de 500 emplois directs et indirects, dans un département durement éprouvé par la fermeture des mines de charbon. Il est de notre responsabilité d'offrir un cadre juridique robuste à ce projet. Je suis convaincu de l'intérêt de ce texte : localement, mais aussi nationalement. Il nous faut sortir des dogmes : plutôt que d'arrêter les centrales à charbon, il faut les convertir en respectant des seuils d'émissions. Celles-ci peuvent contribuer ponctuellement à notre sécurité d'approvisionnement lors des pics hivernaux de consommation d'électricité.
Je remercie nos collègues Khalifé Khalifé, Jean-Marie Mizzon, Catherine Belrhiti, Christine Herzog et Michaël Weber d'avoir déposé ce texte, ainsi que la rapporteure pour avis, Christine Herzog, et les présidents Dominique Estrosi Sassone et Jean-François Longeot.
Maintes fois reportée, la sortie du charbon est toujours prévue. La loi Énergie-Climat de 2019 a fixé la fin du recours aux quatre dernières centrales à charbon de Cordemais, du Havre, de Gardanne et de Saint-Avold d'ici à 2022 et appliqué un plafond d'émission aux installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles. Sur cette base, une ordonnance a été prise en 2020, suivie d'un décret le 5 février 2022. La loi pour la protection du pouvoir d'achat de 2022 a ensuite maintenu ces installations en cas de menace sur la sécurité d'approvisionnement, puis deux décrets de septembre 2022 et août 2023 ont modifié le premier décret. Le Havre et Gardanne ont fermé en 2021.
Le Gouvernement envisage la fermeture ou la conversion des deux dernières centrales à charbon d'ici à 2027, selon des conditions prévues par le plan national intégré énergie-climat (Pniec) transmis à la Commission européenne. Le projet de PPE soumis à consultation publique vise à organiser la fin de la production d'électricité à partir du charbon et à accompagner le lancement de sites pilotes pour la conversion des centrales thermiques. Cette proposition de loi favorise la conversion via le mécanisme de capacité, un dispositif de rémunération des exploitants par Réseau de transport d'électricité (RTE), en contrepartie de leur engagement de disponibilité ; celui-ci est financé par une taxe sur les fournisseurs et les consommateurs. Le mécanisme de capacité doit être notifié à la Commission européenne au titre des aides d'État. Il est encadré par le règlement européen sur le marché de l'électricité de 2019.
L'article 1er facilite l'éligibilité des centrales à charbon à ce mécanisme. L'article 2 regroupe les autorisations des centrales en conversion.
Je retiens de mes auditions un accueil favorable au texte. GazelEnergie compte y recourir pour Saint-Avold, mais pas EDF pour Cordemais. Pour le Gouvernement, ce texte pourrait être aussi appliqué aux centrales au fioul et au gaz.
Les trois amendements que j'ai fait adopter relèvent de la consolidation juridique. Nous devons veiller à la robustesse du texte pour éviter toute censure du Conseil constitutionnel, comme en 2022.
Le texte adopté en commission ne modifie pas le périmètre. Il pourrait servir à la conversion de la centrale de Vaires-sur-Marne. Il n'a ajouté ni nouvelle contrainte ni nouveau délai. Nous avons introduit une référence à la loi de finances initiale pour 2025, car le mécanisme de capacité entrera en vigueur après notification à la Commission européenne au titre des aides d'État.
Nous avons aussi introduit une référence au code de l'environnement, toujours à des fins de consolidation.
Sur mon initiative, nous avons par ailleurs précisé que le texte concernait les centrales existantes, l'objectif étant de favoriser la conversion, non de déroger au décret du 21 avril 2020 qui prohibe de nouvelles installations. Cette précision présente un double intérêt, économique et environnemental : les projets de reconversion ne doivent pas être évincés au profit de nouveaux projets et les nouvelles capacités de production d'électricité doivent être nucléaires et renouvelables.
Nous avons aussi ajouté une disposition demandant à EDF de préciser l'avenir de la centrale de Cordemais.
Je vous invite à adopter cette proposition de loi. Soyez assuré de ma détermination à la faire aboutir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme Christine Herzog, rapporteure pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) À l'origine de cette proposition de loi, il y a l'urgence de sauver les emplois de la centrale de Saint-Avold, en favorisant sa conversion. C'est un petit pas pour l'environnement, un grand pas pour l'emploi. Très attendue par les élus et les habitants du département, celle-ci me tient à coeur. Je salue les salariés, sous-traitants et élus locaux présents en tribune et ceux qui manifestent près du Sénat pour sauver un territoire qui a trop souffert de la fermeture des mines.
Nous avons pris l'initiative de cette proposition de loi pour défendre la vitalité économique de notre département.
Il y a quelques mois, j'avais interpellé le Gouvernement qui m'a encouragée à légiférer. Le choix d'un dépôt collectif traduit notre engagement commun. Ce texte est porteur d'espoir pour les 150 salariés de la centrale, les 150 sous-traitants et les 500 emplois directs et indirects du territoire.
Depuis l'annonce en 2019 de la fermeture progressive de la centrale, les travailleurs vivent dans une incertitude permanente. Ils ont tout connu : fermeture en février 2022, réouverture en urgence, échec de la conversion à la biomasse, nouveau projet de conversion au biogaz et gaz. Nous devons leur envoyer un signal clair.
La fermeture des centrales à charbon est une nécessité. Quelque 95 % de la production d'électricité française est bas-carbone, grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables. Seules deux centrales à charbon subsistent, représentant 0,1 % de la production nationale. Nous devons limiter les émissions de gaz à effet de serre. Or le charbon est le mode de production d'électricité le plus polluant.
En 2022, la centrale de Saint-Avold a dû rouvrir en urgence face à la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine. Puis le Président de la République a annoncé la conversion des deux centrales à charbon d'ici à 2027. L'exploitant de Saint-Avold a proposé une conversion au gaz naturel et au biogaz, soutenu par le ministre de l'économie et des finances. Certes, le gaz naturel n'est pas idéal, mais il émet déjà deux fois moins de gaz à effet de serre que le charbon. La centrale ne fonctionnera pas en continu, mais environ quatre semaines par an, lors des pics.
Nous devons concilier environnement et justice sociale. La proposition de loi, solution de compromis, préserve les emplois tout en réduisant l'empreinte carbone de la production d'électricité. Saint-Avold pourrait ainsi réaliser sa transition vers des énergies moins polluantes en accédant au nouveau mécanisme de capacité.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à la proposition de loi initiale. Mais, à titre personnel, j'estime que la version amendée par la commission des affaires économiques peut remettre en cause la conversion. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a néanmoins reconnu que la méthode pragmatique que nous proposions conciliait trois impératifs : climatique, de sécurité énergétique et de justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie . - Cette proposition de loi est porteuse d'espoirs et de solutions. Notre pays doit une partie de son histoire au charbon. De 1230 à 2004, le charbon a fait vivre des bassins entiers de population. Le pacte charbonnier de 1994 a permis l'arrêt progressif de l'extraction houillère, jusqu'à la fermeture de la dernière mine, La Houve, en Moselle, en 2004.
Accompagner la sortie du charbon est un enjeu territorial et social. C'est l'avenir de nombreuses familles et de tout un territoire qui est en jeu à Saint-Avold. Ce texte renforcera notre sécurité d'approvisionnement en électricité et décarbonera notre bouquet énergétique.
Cette proposition de loi, modèle d'initiative transpartisane, témoigne de la culture du dialogue du Sénat. Je salue les sénateurs mosellans et l'engagement des élus de Moselle et de la région Grand Est. Le Gouvernement soutient pleinement cette initiative.
En septembre 2023, le Président de la République s'est engagé à convertir les centrales à charbon françaises. Saint-Avold a présenté un projet de conversion au biogaz ; de nombreux échanges avec mes services ont permis d'en préciser les modalités. Cette conversion étant impossible en l'état actuel du droit, il était indispensable d'agir.
Éric Lombard, Gérard Larcher et moi-même avons fait le nécessaire pour que ce texte soit examiné dans les meilleurs délais.
Parmi les projets éligibles au mécanisme de capacité, les lauréats seront ceux qui répondent aux besoins de sécurité d'approvisionnement électrique du pays. Ils seront réputés autorisés au titre de l'article L. 311-1 du code de l'énergie.
Ce texte doit rester centré sur les centrales à charbon, à tourbe et à schiste bitumineux. L'élargissement à d'autres combustibles fossiles risquerait de générer un effet d'aubaine injustifié.
Cette solution allège le cadre administratif sans alourdir le budget de l'État. C'est assez rare pour être souligné. (M. Michel Savin s'en amuse.) Les discussions avec les services de l'État sur le projet de Saint-Avold sont bien avancées. Les bénéfices seront nets pour l'emploi. Cette conversion représente un investissement de plusieurs dizaines de millions d'euros de la part de GazelEnergie. Je salue les mesures prises en faveur des salariés durant cette délicate période de transition, notamment la prolongation des contrats de travail jusqu'au 31 août 2025.
Les bénéfices sont importants également pour assurer notre souveraineté énergétique et atteindre nos objectifs climatiques.
Cette proposition de loi illustre la nécessité de trouver des solutions adaptées aux spécificités de chaque territoire. Un territoire, une solution : cela s'applique à Cordemais, où le projet de conversion à la biomasse n'a pu aboutir en raison de coûts trop élevés. Nous sommes mobilisés avec EDF pour reclasser tous les salariés, notamment en lien avec l'usine Framatome.
Cette proposition de loi est un modèle de démarche transpartisane, d'écoute du terrain, de pragmatisme et d'efficacité. Je suis heureux de lui apporter mon plein soutien, pour la transition énergétique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Catherine Belrhiti. - Bravo !
M. Daniel Salmon . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je remercie l'auteur de la proposition de loi et le rapporteur pour leur travail sur ce sujet très important : la conversion des centrales à charbon. La transition écologique suppose de l'accompagnement. On ne peut bien faire qu'avec les acteurs locaux, afin de susciter de l'engagement. Il faut construire une culture du consensus autour de bénéfices partagés.
Les centrales à charbon en sont un contre-exemple : Emmanuel Macron promettait, dès 2017, de les fermer. Mais, en huit ans, aucune anticipation, aucun accompagnement, aucune stratégie. Nous payons l'absence de vision et de préparation du Gouvernement sur l'énergie.
Les deux centrales restantes représentent 1 000 emplois directs et indirects. Autant de salariés qui risquent de se retrouver sur le carreau.
En même temps, il faut investir dans de nouveaux projets. Ces salariés sont une partie de la solution, mais pas à n'importe quel prix.
Investir dans le gaz sans contrepartie sur l'approvisionnement est une erreur. À Saint-Avold, la conversion au biogaz est partielle - 40 % d'énergie fossile, 60 % de biogaz. Or nos ressources en biogaz sont très faibles. Le risque est que ces centrales fonctionnent au gaz naturel liquéfié (GNL) russe, qui finance Poutine et l'invasion de l'Ukraine, ou américain, à l'heure où Trump nous livre une guerre commerciale. Ce n'est pas viable !
Nous, écologistes, soutenons la biomasse, mais pour des unités de cette taille les difficultés d'approvisionnement sont inévitables. N'épuisons pas les terres, n'importons pas d'engrais azotés, n'altérons pas la production alimentaire. Souvenons-nous de l'échec de Gardanne, qui importe massivement du bois brésilien. Déforester l'Amazonie ou le Cerrado pour produire à Gardanne, cela ne va pas !
L'inclusion par la commission des centrales à fioul dans le texte est inacceptable.
Nos marges financières sont plus que jamais contraintes. Il faut taper juste. Les 800 millions d'euros que l'État compte débloquer pour Gardanne pourraient financer du solaire, de l'éolien offshore. Et je ne parle pas des dizaines de milliards d'euros investis dans les réacteurs pressurisés européens (European Pressurized Reactors - EPR), avec un risque maximal et sans aucune garantie.
Accompagnons les salariés, mais faisons mieux qu'ailleurs : il faut des plans de transition territoriaux pour accompagner en douceur le changement et mettre en oeuvre des solutions durables dans des calendriers réalistes.
La conversion est un leurre si nous voulons sortir de la dépendance énergétique. Il faut se concentrer sur le stockage ou l'hydrogène vert. C'est ce qui a été commencé à Saint-Avold. L'État doit se porter garant de la viabilité de ces projets.
Le GEST votera majoritairement contre le texte si l'inclusion des centrales à fioul est maintenue, sinon nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Franck Montaugé . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi est pertinente et doit être mise en oeuvre le plus rapidement possible. La conversion au biométhane participera à la transition écologique, l'équilibre économique des projets sera assuré par le mécanisme de capacité, l'emploi sera préservé et la vitalité des territoires maintenue. Les promesses du Président de la République bénéficieront en outre d'un contenu juridique. Le caractère transpartisan du texte nous aidera à trouver des solutions lors des pointes de consommation.
La centrale de Saint-Avold pourra participer à la fixation du prix de gros de l'électricité à partir de son coût marginal de production.
Comment s'affranchir des importations ? Nous subissons l'envolée des prix en cas de crise. La commission d'enquête sénatoriale de 2024 sur les prix de l'électricité n'a obtenu aucune réponse. La stabilité des prix et leur visibilité pour les consommateurs sont pourtant en jeu.
Le combustible de Saint-Avold sera constitué à 40 % de méthane et à 60 % de biogaz. Quelle est la stratégie du Gouvernement pour faire disparaître le méthane ?
La conversion de Saint-Avold doit être une priorité. La substitution en commission du terme « fossiles » par le terme « solides » ne doit pas changer les priorités. Ne nous interdisons pas ensuite de convertir d'autres centrales. Je pense à Cordemais et à Gardanne qui devraient être soutenues par l'État.
Nous ne sommes pas à l'abri d'une nouvelle flambée des prix. Sous réserve que la priorité soit bien donnée aux centrales à charbon, le groupe SER votera ce texte.
Monsieur le ministre, il est insensé que la version 3 de la PPE ne soit pas soumise au Gouvernement. C'est un déni de démocratie.
M. Stéphane Piednoir. - Très bien !
M. Franck Montaugé. - Comment l'énergie peut-elle être soustraite à la discussion des représentants de la nation ?
Le Sénat a saisi tous les moyens pour aborder la révision de la PPE. Cela nous interpelle, de même que le limogeage du PDG d'EDF, sur la stratégie du Gouvernement. Les difficultés politiques engendrées par la dissolution de l'Assemblée nationale ne doivent pas être prétexte à un contournement du Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Henri Cabanel et Mme Christine Herzog applaudissent également.)
M. Aymeric Durox . - Ce texte traite de la centrale à charbon de Saint-Avold, cas d'espèce, défendue avec énergie par mon collègue député Alexandre Loubet et l'ensemble de notre mouvement.
Saint-Avold, c'est le symbole des petits calculs politiciens du Président de la République et de la Macronie. Fermée en mars 2022, à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle, elle est rouverte une semaine après le second tour des législatives pour faire face au manque d'électricité dû à la fermeture de Fessenheim et aux atermoiements présidentiels.
Au RN, face au lobbyisme décroissantiste des écologistes voulant ramener la France à l'âge de pierre, nous défendons le nucléaire, car cette énergie décarbonée favorise notre souveraineté.
La conversion des centrales à charbon est nécessaire : pour l'emploi, pour notre souveraineté, et pour une vision écologique responsable.
Cette proposition de loi est attendue par les salariés, qui craignent une fermeture dès cet été.
Le RN a été bien seul pour défendre Saint-Avold. (Mme Frédérique Puissat ironise.)
La version de la proposition de loi issue de la commission favorise le développement des centrales à fioul, écologiquement absurde. Il faut se limiter à la conversion des centrales à charbon, pour ne pas menacer Saint-Avold. Inclure les centrales à fioul alourdirait en outre les procédures. Les salariés de Saint-Avold ne peuvent plus attendre : le code de l'environnement permet de franchir les obstacles.
La Commission européenne n'est pas légitime dans ce dossier : nul besoin de notifier cette proposition de loi. Ce serait une perte de souveraineté. S'il était voté en l'état, le texte trahirait la promesse de conversion.
Les salariés de Saint-Avold savent pouvoir compter sur les élus RN à l'Assemblée nationale et au Sénat. (Marques d'ironie sur quelques travées des groupes Les Républicains et SER)
M. Pierre Jean Rochette . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Des années d'atermoiements et de renoncements, des erreurs, des crises d'approvisionnement interrogent nos choix passés. Nous avons été incapables d'anticiper. Une transition efficace prend du temps, mais il est urgent d'agir.
Il faut un cap sur le long terme pour rendre attractives nos filières et un mix énergétique décarboné pour assurer un approvisionnement stable.
Cette proposition de loi corrige certaines erreurs passées. Je salue le travail de ses auteurs mosellans et celui du rapporteur. Nous devons sécuriser des centaines d'emplois. Parfois, à vouloir aller trop vite, on recule. Derrière, ce sont des bassins d'emplois qui sont affectés.
Mais il y aura aussi des effets sur l'approvisionnement énergétique national. Il y va de notre souveraineté : nous devons gagner en autonomie. Ce n'est pas en fermant des centrales que nous y parviendrons.
Les crises passées ont montré que la mobilisation de toutes nos centrales était nécessaire pour maintenir la stabilité du réseau électrique lors des pics de consommation.
Cette conversion représente des investissements importants et suppose la mobilisation de tous : il faut en garantir la viabilité économique. Considérer ces centrales comme de nouvelles installations pour assurer leur éligibilité au mécanisme de capacité sécurisera les investissements.
Les procédures sont regroupées : la sélection des centrales par RTE emportera l'attribution de l'autorisation d'exploiter ; c'est une simplification bienvenue. La précision du rapporteur sur l'autorisation environnementale y contribue également.
Malgré ces avancées notables, le chemin est encore long. Le défi de demain est technologique, industriel, financier et humain.
La consommation croissante d'électricité, le changement climatique et le contexte géopolitique doivent nous pousser à accroître notre production énergétique décarbonée. Nous devons nous doter de sources d'énergie complémentaires pour réussir la transformation de notre mix énergétique.
Le groupe Les Indépendants répond toujours présent quand il s'agit de défendre la souveraineté énergétique de la France. Nous voterons ce texte - unanimement ou majoritairement, selon l'évolution des débats.
L'expérimentation de Saint-Avold pourrait ensuite être extrapolée à d'autres territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Daniel Gremillet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Christine Herzog et M. Alain Marc applaudissent également.) Je salue l'ensemble des auteurs de cette proposition de loi, en particulier Khalifé Khalifé.
Je préside le groupe d'études Énergie depuis près de dix ans. S'il est bien un sujet sur lequel l'État a louvoyé, c'est celui de la fermeture des centrales à charbon.
La loi de 2019 prévoyait leur fermeture en 2022. J'avais dénoncé l'absence d'étude d'impact ; je voulais protéger les salariés et favoriser la création d'un fonds d'accompagnement. Nous avons eu gain de cause : le Gouvernement l'a créé. Chaque année, je propose un amendement pour revaloriser ses crédits.
En 2021, dans la loi Climat et résilience, l'État a voulu modifier le droit social appliqué aux centrales à charbon. Nous avions soutenu cette initiative, en veillant à consolider le droit à reclassement.
En 2022, dans la loi Pouvoir d'achat, l'État a réautorisé les centrales à charbon pour assurer notre sécurité d'approvisionnement ; nous l'avions soutenu sans réserve.
Cette proposition de loi accompagne les projets de conversion des centrales fossiles. C'est un texte technique, mais crucial. Les travaux de la commission ont consolidé ces projets sur le plan juridique. Celle-ci n'a pas modifié le périmètre initial du texte. À ce stade, seule Saint-Avold a fait part de son souhait d'en bénéficier. Un projet de conversion vers les huiles végétales hydrotraitées, expérimenté à Vaires-sur-Marne, ne sera pas exclu du périmètre du texte.
Des négociations sont en cours sur le mécanisme de capacité au niveau européen. La proposition de loi intervient à droit environnemental constant - j'insiste sur ce point. Le texte sécurise la forme sans rien changer au fond. En 2022, la précédente réautorisation des centrales à charbon, mal calibrée, avait été censurée par le Conseil constitutionnel.
L'État ayant trop louvoyé, c'est à la représentation nationale de définir notre cap énergétique. Je déplore que le Gouvernement envisage de recourir à un décret pour définir la PPE, sans passer par une loi de programmation, pourtant requise par loi Énergie et climat de 2019.
Le Sénat a débattu de notre mix énergétique. Nous souhaitons que notre chambre et l'Assemblée nationale s'emparent des choix stratégiques pour notre énergie de demain ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) De Germinal à la chanson Les Corons de Pierre Bachelet, l'extraction du charbon semble appartenir à une autre époque.
Pourtant, le charbon est toujours un sujet d'actualité. Il a été pointé du doigt pour les conditions de travail délétères et les risques sanitaires qu'il engendrait pour les mineurs. C'est aussi l'une des énergies les plus émettrices de CO2.
La dernière mine a été fermée à Creutzwald en 2004. Mais notre pays est toujours doté de centrales. En 2020, il y en avait encore quatre.
En septembre 2023, le Président de la République a annoncé l'ambition de décarboner notre économie et de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Il avait insisté sur la sortie du charbon pour le 1er janvier 2027 au plus tard, une étape importante pour parvenir à la neutralité carbone en 2050 et pour fonder notre souveraineté énergétique sur le nucléaire et les énergies renouvelables.
Les centrales de Saint-Avold et de Cordemais devaient être converties à la biomasse et au biogaz d'ici à 2027.
Cette proposition de loi s'assure que les installations de charbon converties à une autre source d'énergie primaire puissent être éligibles au futur mécanisme de capacité européen si celles-ci émettent moins de 550 grammes de CO2 par kilowattheure.
Ce texte présente de nombreux avantages. Il respecte nos propres engagements environnementaux, en l'espèce l'accord de Paris.
Se séparer d'une énergie fossile comme le charbon est inévitable. Utiliser des combustibles moins émetteurs de CO2 diminuera notre empreinte carbone. Nous réduirons nos importations : compte tenu des tensions internationales, nous avancerons dans notre quête de souveraineté énergétique.
Cette proposition de loi évite la fermeture du site. Environ 500 familles sont concernées si l'on compte les emplois indirects, dans un territoire déjà traumatisé économiquement.
Les débats en commission ont enrichi le texte : seules les centrales produisant de l'électricité à partir de combustibles fossiles qui existent déjà seront concernées.
Le RDPI votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. Philippe Grosvalet . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) « Quand le passé n'éclaire plus l'avenir, l'esprit marche dans les ténèbres. » Souhaitons que ce trait d'Alexis de Tocqueville illumine nos travaux.
Près de 150 ans après l'apparition des premières centrales thermiques françaises et 20 ans après la fermeture de la dernière mine de charbon, nous discutons de l'avenir des deux dernières centrales à charbon françaises, Cordemais et Saint-Avold.
Nous étions précurseurs en décidant de fermer ces centrales : en 2012, la production de charbon représentait encore 86 % de l'énergie produite en Pologne et 43 % aux États-Unis et en Allemagne.
L'exemplarité de cette démarche doit s'appliquer aussi à la conversion de nos deux dernières centrales nationales. Cela suppose une transition progressive, la garantie de nos approvisionnements en cas de pic de consommation, le respect des salariés, et le maintien de leur compétence rare d'énergéticien.
Nous ne pouvions que saluer la déclaration de septembre 2023 du Président de la République sur la conversion à la biomasse de ces centrales.
Quelque 800 salariés directs et indirects travaillent pour la centrale de Cordemais. Il a fallu dix ans pour élaborer un projet de territoire et pour soutenir la conversion, autour du projet Ecocombust.
Imaginez alors notre colère et notre révolte lorsque la direction d'EDF a annoncé ne pas donner suite au projet - je le rappelais ici même le 16 octobre dernier. Une entreprise, dont l'État est l'unique actionnaire, ne peut dicter sa loi aux politiques. Je ne ferai pas de commentaire sur l'actualité de la direction d'EDF.
Nous ne pouvons que saluer la démarche transpartisane de cette proposition de loi et le travail du rapporteur, tout comme l'esprit de sagesse de la commission des affaires économiques pour l'intégration de l'article 4, rédigé sur l'initiative de Karine Daniel. Celui-ci est crucial.
Le groupe RDSE aborde très favorablement cette proposition de loi, mais nous nous inquiétons de l'amendement du Gouvernement qui vide l'article 4 de sa substance. Il aurait été plus courageux, monsieur le ministre, de demander sa suppression ! Nous serons particulièrement vigilants sur la défense de cet article.
La transition énergétique ne se fera pas contre les territoires et leurs habitants. Saint-Avold et Cordemais doivent rester des lieux de production d'électricité. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Christine Herzog applaudit également.)
M. Jean-Marie Mizzon . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Catherine Belrhiti et M. Khalifé Khalifé applaudissent également.) Cette proposition de loi, tant sur la forme que sur le fond, suscite pour l'heure la plus grande perplexité tant elle paraît contradictoire avec l'objectif poursuivi initialement. À l'origine, toutes les conditions étaient réunies pour un vote favorable, tant il allait de soi que la conversion des centrales à charbon était seule capable d'assurer une transition écologique plus juste socialement.
Cette proposition de loi a été cosignée par les cinq sénateurs mosellans. Transpartisane et consensuelle, elle répondait aux attentes manifestées sur toutes les travées.
La discussion en séance s'annonçait sereine, mais sera-ce toujours le cas ? En incluant le fioul dans le périmètre du texte, la commission fait redémarrer l'une des pires énergies fossiles en matière de gaz à effet de serre - je le regrette. Surtout, cela condamne la conversion de Saint-Avold et empêche la transition énergétique locale.
Cette proposition de loi a changé de nature.
La fermeture de Saint-Avold et Cordemais devait avoir lieu en 2026, puis en 2027, compte tenu de la guerre en Ukraine et de la faiblesse du nucléaire.
En 2023, le Président de la République a annoncé la reconversion de Saint-Avold en une centrale biomasse pour un coût de 500 à 600 millions d'euros ; ce montant serait de 100 millions d'euros si seulement 50 % de la centrale passait à la biomasse.
Les centrales thermiques classiques fonctionnent à partir de la chaleur produite par une chaudière alimentée par du charbon, du gaz naturel ou encore du fioul, mais aussi avec de la biomasse, combustible peu coûteux et disponible en grande quantité
In fine, alors qu'en 2024 le scénario d'un passage au biogaz s'est avéré peu rentable, c'est le 12 février 2025, en réponse à une question de Catherine Belrhiti, que le Gouvernement a confirmé une conversion plutôt vers le biogaz ou le gaz naturel. Or le ministre expliquait que ce n'était pas possible à droit constant. C'est pourquoi Khalifé Khalifé a déposé cette proposition de loi.
La décision de la commission dénature la proposition de Khalifé Khalifé et condamne la transition de Saint-Avold, car les financements seront captés par des infrastructures au fioul qui ne fonctionnent presque plus, ne nécessitent aucun investissement et où aucun emploi n'est menacé.
Le maintien en activité d'une centrale permet de conserver le personnel sur place, de conforter le réseau de sous-traitants et d'éviter un séisme socio-économique sur le territoire.
Saborder la conversion de Saint-Avold serait non seulement une faute politique, mais aussi une erreur économique et écologique. Les générations futures ne nous le pardonneraient pas. Sur le plan humain, quel gâchis ce serait !
Je ne voterai pas cette proposition de loi si nos amendements ne sont pas pris en compte - j'y crois !
Je salue la présence en tribune du président du conseil départemental de la Moselle, Patrick Weiten, et de salariés du secteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin et M. Michaël Weber applaudissent également.)
Mme Silvana Silvani . - Cette proposition de loi de Khalifé Khalifé, cosignée par l'ensemble des sénateurs mosellans, est intéressante.
Avec la loi Énergie climat de novembre 2019, nous votions l'arrêt de quatre centrales à charbon tout en conservant la possibilité d'y recourir ponctuellement jusqu'en 2027. Oui, le changement climatique et les engagements de la France nous imposent de réduire l'utilisation du charbon.
Nous ne remettons pas en cause cet objectif, pour lequel nous avions posé des conditions. Premièrement, il ne devait y avoir aucune casse sociale ; le reclassement des salariés devait être une priorité. Deuxièmement, aucune fermeture ne devait intervenir sans garantie sur la gestion des pointes de consommation. Troisièmement, les conversions devaient être soutenues financièrement.
Pour l'instant, la gestion gouvernementale de ces fermetures laisse à désirer. Notre mix énergétique repose toujours sur une contradiction : l'intermittence des énergies renouvelables impose de conserver d'autres modes de production, pilotables. En outre, dans son modèle actuel, le nucléaire ne peut répondre aux variations rapides de la demande. Les projets de conversion de Cordemais et de Saint-Avold relèvent non pas d'un fétichisme industriel, mais d'une nécessité dictée par les conditions objectives du réseau électrique.
Nous souscrivons à la possibilité pour Saint-Avold de recourir au mécanisme de capacité. Toutefois, le site est détenu par une entreprise privée, propriété du milliardaire Kretinsky, qui profite de l'argent public avant de liquider les outils de production.
Le Gouvernement propose une conversion au gaz, enterrant ainsi le projet des salariés et de la CGT pour Cordemais. Celui-ci est pourtant vertueux. Il est inconcevable de laisser EDF enterrer ce projet de conversion à la biomasse sans présenter de projet alternatif pour s'assurer que Cordemais reste un site de production d'énergie.
La pérennité des deux centrales répond à la nécessité de garder un filet de sécurité, même si RTE affirme désormais que la couverture des coûts d'exploitation n'est pas garantie en cas de conversion.
Si ce n'était pas le cas, il faudrait alors recourir aux importations pour couvrir la pointe, mais le prix à payer et le coût environnemental seraient bien plus importants.
Nous réitérons notre exigence d'un projet de loi dédié à l'avenir de notre système électrique, en lieu et place d'un décret de programmation pluriannuelle de l'énergie, qui prive le Parlement de sa compétence. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
Mme Cécile Cukierman. - Très bien !
M. Michaël Weber . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Christine Herzog applaudit également.) L'histoire de la Moselle est liée à ses industries et à ses mines. Le charbon a façonné son paysage industriel et son économie. Il a coûté cher à ses habitants. Les maladies respiratoires ou l'exposition à l'amiante sont des exemples du tribut payé par les populations. On ne peut laisser dépérir ces régions industrielles sans proposer de solutions durables.
Il faut résoudre cette équation complexe : en finir avec le charbon et les fossiles, assurer la production d'électricité en période de tension et préserver les emplois et le tissu industriel.
Nous ne pouvons abandonner les salariés, les ouvriers et les anciennes gueules noires et leurs ayants droit, car nous avons une dette collective envers eux.
L'État a une responsabilité envers ces territoires. Toutefois, il ne s'agit pas de donner un blanc-seing aux industriels en se contentant d'engagements jamais respectés.
Le projet de conversion de la centrale au gaz avec 60 % de biométhane réduirait a priori considérablement les émissions de carbone, mais tout dépend de l'origine des 40 % de gaz fossile.
Nous veillerons à ce que la centrale ne reste pas indéfiniment dans une phase transitoire. L'effort de la transition énergétique doit être partagé.
La réussite du projet de reconversion est un enjeu économique, environnemental, mais surtout social. La confusion régnant autour de l'avenir des salariés est aggravée par des atermoiements sans fin. La reconversion des dernières centrales à charbon est un engagement présidentiel ; tout nouveau retard vouerait le projet à l'échec.
Nous voterons - je l'espère de façon transpartisane - la suppression des dispositions susceptibles de créer des délais supplémentaires. La reconversion des centrales à charbon doit rester prioritaire. C'est un symbole important, mais tout reste à faire. Nous serons vigilants au respect de l'équilibre social, économique et environnemental, pour cette centrale comme partout ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Olivier Bitz et Mme Christine Herzog applaudissent également.)
Mme Catherine Belrhiti . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est avec gravité et un profond sens des responsabilités que je prends la parole sur un enjeu fondamental : la conversion de la centrale Émile-HuchetHuchet de Saint-Avold.
La fermeture des centrales à charbon avait été décidée pour 2022, mais la guerre en Ukraine a bouleversé nos certitudes. Saint-Avold a vu son fonctionnement prolongé, initialement jusqu'en 2025. Cette prolongation devait s'accompagner d'une transition vers des énergies plus propres.
Le 24 septembre 2023, le Président de la République confirmait la conversion des centrales à charbon, avec la promesse d'un avenir viable pour Saint-Avold. Mais celle-ci s'est perdue dans des lenteurs administratives ; l'incertitude s'est installée, plongeant des familles dans l'angoisse. Je salue la présence en tribune du président du conseil départemental de la Moselle.
Le 3 juin 2024, soutenue par plus de 470 maires, j'interpellais de nouveau le Président de la République.
Des initiatives promues par l'exploitant témoignent de sa volonté de convertir le site. J'ai participé à la rédaction d'une proposition de loi pour simplifier la conversion des centrales à charbon. Celle-ci a été reprise dans ce texte transpartisan, cosigné par les cinq sénateurs de Moselle - je remercie mes collègues.
Son objectif est clair : lever les blocages administratifs, garantir une procédure transparente et offrir un cadre stable.
Il est de notre responsabilité de nous assurer que la transition énergétique soit juste socialement et qu'elle ne sacrifie ni les travailleurs ni la souveraineté énergétique de notre pays.
Le 12 février dernier, lors de la séance de questions au Gouvernement, le ministre Lombard a confirmé la transition de la centrale vers la biomasse et le biogaz. Cette déclaration a apporté un répit bienvenu. Nous devons nous inscrire dans la durée et mettre fin à l'incertitude entourant ce projet. Il ne faut pas alourdir la procédure administrative et introduire des délais incompatibles avec la réalité économique et industrielle du projet.
L'ajout du fioul ne correspond pas à la parole du chef de l'État, qui ne concernait que les centrales à charbon ; nous ne devons pas favoriser des énergies fossiles encore plus polluantes.
Les pertes engendrées par le rallongement des délais seraient de 40 millions d'euros par an. Quel signal donnerions-nous à nos employés et à notre industrie ?
Nous devons faire preuve de pragmatisme. Vous avez entre vos mains l'avenir de centaines de salariés, dont certains manifestent devant le Sénat. Revenons à l'esprit initial du texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)
M. Stéphane Piednoir . - L'examen de ce texte nous donne l'occasion de consacrer la priorité numéro un de la transition énergétique : poursuivre la décarbonation, et même la « défossiliation » et plus précisément la « décharbonation » de notre mix énergétique.
La France affiche des objectifs difficiles à atteindre, à des horizons dont on ne sait s'ils sont le fruit d'un marketing politicien ou de compétition avec nos voisins.
Pourtant, chacun sait que la France soutient la comparaison internationale, car les émissions de CO2 y sont inférieures à 6 tonnes par habitant, contre 15 par habitant en Amérique du Nord ou en Chine. Nous sommes même d'excellents élèves, puisque l'électricité produite sur notre sol est décarbonée à 95 %, grâce au nucléaire. Vouloir laver plus blanc que blanc peut confiner à l'ubuesque, même si nos vertus, réelles, ne nous empêchent pas de faire des efforts.
Il reste deux chantiers à mener.
Premièrement, électrifier nos usages. Sur le papier, le schéma est simple. En réalité, cela représente des investissements importants, alors que les entreprises manquent de visibilité tarifaire et politique. À ce titre, le changement de direction d'EDF n'est pas rassurant. J'ai rarement vu un navire changer de capitaine lorsqu'il faut tenir un cap. Mais les voies de la Macronie sont toujours aussi impénétrables que lors de la dissolution de juin dernier.
Deuxièmement, il reste à engager la conversion des dernières centrales à charbon. Celles-ci ont joué un rôle capital lors de la crise énergétique de 2022. Je salue les employés des centrales de Saint-Avold et de Cordemais.
La solution la plus simple, pour ces centrales, serait de les convertir au gaz. Certes, le gain en matière de gaz à effet de serre serait très modeste, mais cette solution aurait le mérite de la flexibilité. Un autre choix pourrait émerger : les SMR, les petits réacteurs modulaires, dont je suis surpris qu'ils ne fassent pas partie de notre débat. Certes, ces technologies de rupture ne sont pas encore matures, mais elles présentent des vertus écologiques ; en outre, leur pilotabilité est un atout.
Le mécanisme de capacité doit s'appliquer à toute forme de production dont le seuil d'émissions est inférieur à 550 grammes de CO2 par kilowattheure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
Article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°10 rectifié bis de M. Khalifé Khalifé et Mme Christine Herzog.
M. Khalifé Khalifé. - Avec cet amendement rédactionnel, nous voulons rendre le texte conforme à la réglementation européenne applicable aux conversions des centrales utilisant du charbon, de la tourbe ou du schiste bitumineux. Partant, nous éliminons le fioul, qui n'a pas les mêmes impacts environnementaux.
Mme la présidente. - Amendement identique n°17 rectifié ter de M. Mizzon et alii.
M. Jean-Marie Mizzon. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°24 de Mme Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°6 de M. Montaugé et alii.
M. Franck Montaugé. - Afin de respecter les objectifs initiaux de cette proposition de loi, nous précisons le périmètre d'application de l'article 1er et souhaitons éviter la mise en concurrence des centrales au fioul avec les centrales à charbon lors d'une conversion.
Le Président de la République s'était engagé sur la conversion des centrales de Saint-Avold et de Cordemais. Aussi, le dispositif doit porter uniquement sur les centrales à charbon qui se convertissent vers des combustibles moins émetteurs de CO2.
M. Patrick Chauvet, rapporteur. - J'ai quelques doutes sur la solidité juridique des amendements identiques nos10 rectifié bis, 17 rectifié ter et 24. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Retrait, sinon avis défavorable à l'amendement n°6, contraire à la position de la commission.
M. Marc Ferracci, ministre. - Avis favorable aux amendements identiques nos10 rectifié bis, 17 rectifié ter et 24. Restreindre le dispositif à ces combustibles évite les effets d'aubaine que j'ai évoqués lors de la discussion générale. Cela permet aussi de s'inscrire dans le phasage des textes européens, qui mentionnent explicitement le charbon, la tourbe et le schiste bitumineux : nous pouvons ainsi être confiants sur l'avenir du mécanisme de capacité, lorsque celui-ci sera examiné par les autorités européennes.
En revanche, le périmètre de l'amendement n°6 est trop large : retrait.
M. Franck Montaugé. - J'ai besoin d'explications. J'ai compris que les schistes bitumineux, qui sont des roches poreuses, contiennent du pétrole. Je ne vois pas en quoi les introduire dans le périmètre de la loi empêcherait la reconversion des centrales au fioul.
M. Marc Ferracci, ministre. - Nous avons besoin de faire passer le mécanisme de capacité sous les fourches caudines de la Commission européenne et du régime des aides d'État. Nous devons respecter la neutralité technologique, principe adopté par la Commission. C'est pourquoi nous complétons et élargissons le mécanisme de capacité à ces deux éléments, en plus du charbon. Nous avons essayé d'aboutir à un équilibre, en excluant le fioul, mais en intégrant des combustibles reconnus par la Commission dans les textes.
M. Jean-Marie Mizzon. - Monsieur le ministre, merci pour votre réponse, que je n'ai toutefois pas totalement comprise... (Sourires) Le schiste bitumineux peut-il contenir du pétrole ? (Mme Dominique Estrosi Sassone renchérit.)
M. Franck Montaugé. - Oui !
M. Marc Ferracci, ministre. - Je suis un peu obligé de reprendre le fil de mon raisonnement. Nous voulons parvenir à un équilibre, en vue d'assurer la sécurité juridique de ce texte : cela suppose de ne pas aller à rebours du principe de neutralité technologique, présent dans les règles européennes relatives aux aides d'État. Nous élargissons à d'autres énergies, sans toutefois aller trop loin et ajouter une gamme trop vaste de combustibles. Nous évitons ainsi les effets d'aubaine.
M. Daniel Gremillet. - Monsieur le ministre, votre propos est clair et nous permet de parvenir à une réponse consolidée pour Saint-Avold. Le chemin est tortueux, mais je vous fais confiance et voterai ces amendements. Nous revenons ainsi à l'essentiel du texte initial de M. Khalifé Khalifé.
Mme Catherine Belrhiti. - Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse claire. (Mme Karine Daniel ironise.) Il n'y a pas de production d'électricité à partir de schiste bitumineux ou de tourbe en France, mais il fallait retenir cette rédaction compte tenu du droit européen.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Nous avons entendu l'appel des élus du territoire lors de la discussion générale. Le ministre a expliqué la nécessité d'être compatible avec les textes européens. Aussi faisons-nous de la dentelle.
En votant ces amendements, la parole de l'État sera tenue et nous respectons les textes européens.
M. Michaël Weber. - Monsieur le ministre, les collègues - en particulier, les Mosellans - souhaitent avoir la garantie que ce complément ne soit pas juste l'occasion d'intégrer le fioul dans cette proposition de loi. Nous faisons effectivement de la dentelle.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - Je fais miens les propos de M. Gremillet.
Le schiste bitumineux, c'est aussi du fioul - en tout cas selon Wikipédia. Théoriquement, cette aide à la fermeture de centrales s'applique aux États membres ayant un très faible revenu par habitant ou ne disposant pas de mécanisme de capacité.
Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre. Mais j'espère que cela ne fragilisera pas la proposition de loi, une fois celle-ci votée.
M. Marc Ferracci, ministre. - J'ajoute un élément de projection : avec les articles qui suivent, nous limiterons le dispositif aux centrales existantes. Or aucune centrale n'utilise actuellement le schiste bitumineux : cet élément doit vous rassurer, je pense. L'équilibre trouvé entre sécurité juridique et applicabilité est robuste.
Mme Antoinette Guhl. - Le mieux serait d'adopter tous les amendements : nous serions ainsi certains qu'il n'y aura pas de projet au fioul. Mais il faudrait que l'amendement de M. Montaugé ne soit pas rendu sans objet par l'adoption des précédents... À moins qu'il ne puisse être transformé en sous-amendement ?
Les amendements identiques nos10 rectifié bis, 17 rectifié ter et 24 sont adoptés.
L'amendement n°6 n'a plus d'objet.
Mme la présidente. - Amendement n°12 rectifié bis de M. Khalifé Khalifé et Mme Christine Herzog.
M. Khalifé Khalifé. - Nous remplaçons le 1er juillet par le 1er janvier 2025, pour une mise en oeuvre plus rapide.
Mme la présidente. - Amendement identique n°19 rectifié ter de M. Mizzon et alii.
M. Jean-Marie Mizzon. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°26 de Mme Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. - Défendu.
M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Cette mesure est de nature à consolider le travail de la commission et convient aux acteurs administratifs et économiques. Avis favorable.
M. Marc Ferracci, ministre. - Même avis.
Les amendements identiques nos12 rectifié bis, 19 rectifié ter et 26 sont adoptés.
L'article 1er, modifié, est adopté.
Article 2
Mme la présidente. - Amendement n°11 rectifié bis de M. Khalifé et de Mme Herzog.
M. Khalifé Khalifé. - Même reformulation qu'à l'article 1er : nous visons les centrales utilisant du charbon, de la tourbe ou du schiste bitumineux.
Mme la présidente. - Amendement identique n°18 rectifié ter de M. Mizzon et alii.
M. Jean-Marie Mizzon. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°25 de Mme Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°7 de M. Montaugé et du groupe SER.
M. Franck Montaugé. - Défendu.
M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Nous demandons l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques. Sur l'amendement n°7, retrait sinon avis défavorable.
M. Marc Ferracci, ministre. - C'est la même discussion qu'il y a quelques instants. Avis favorable aux amendements identiques ; retrait, sinon avis défavorable à l'amendement n°7.
Les amendements identiques nos11 rectifié bis, 18 rectifié ter et 25 sont adoptés.
L'amendement n°7 n'a plus d'objet.
Mme la présidente. - Amendement n°13 rectifié bis de M. Khalifé et de Mme Herzog.
M. Khalifé Khalifé. - Comme il y a quelques instants, il s'agit d'avancer de six mois la date d'entrée en vigueur du dispositif.
Mme la présidente. - Amendement identique n°20 rectifié ter de M. Mizzon et alii.
M. Jean-Marie Mizzon. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°27 de Mme Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. - Défendu.
Les amendements identiques nos13 rectifié bis, 20 rectifié ter et 27, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°8 de M. Montaugé et du groupe SER.
M. Michaël Weber. - Sur l'initiative du rapporteur, la commission a réécrit l'article, précisant notamment que le remplacement de l'autorisation d'exploiter par la sélection du mécanisme de capacité laisse inchangée l'autorisation environnementale, qui peut valoir autorisation d'exploiter dans certains cas. Alors que la modification prévue de l'installation n'est pas substantielle et que des discussions sont en cours avec la Dreal, cette disposition suscite de vives inquiétudes : superfétatoire, elle risque de retarder d'un an la conversion de Saint-Avold, compromettant ainsi la réussite du projet.
Mme la présidente. - Amendement identique n°14 rectifié bis de M. Khalifé et de Mme Herzog.
M. Khalifé Khalifé. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°21 rectifié ter de M. Mizzon et alii.
M. Jean-Marie Mizzon. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°28 de Mme Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°31 de M. Gremillet.
M. Daniel Gremillet. - Je propose de simplifier la référence à l'autorisation environnementale. Celle-ci restera inchangée lorsqu'elle tient lieu d'autorisation d'exploiter. Il s'agit de sécuriser la reconversion de Saint-Avold et de permettre sa réalisation sans retard.
M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Ne pas prévoir d'articulation avec le code de l'environnement fragiliserait le texte. Je rappelle que le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la loi Pouvoir d'achat de 2022, a émis des réserves d'interprétation sur le fondement de la Charte de l'environnement. Enfin, il ressort de l'audition de la direction générale de l'énergie et du climat que l'autorisation environnementale n'est pas supprimée.
Pour ces raisons, retrait, sinon avis défavorable aux amendements nos8, 14 rectifié bis, 21 rectifié ter et 28. En revanche, avis favorable à l'amendement n°31, plus simple dans sa rédaction et de nature à rassurer les acteurs économiques.
M. Marc Ferracci, ministre. - Mêmes avis que le rapporteur. Nous avons besoin de la disposition introduite en commission, et l'amendement de M. Gremillet en clarifie opportunément la rédaction.
Les amendements identiques nos8, 14 rectifié bis, 21 rectifié ter et 28 sont successivement retirés.
L'amendement n°31 est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
Article 3
Mme la présidente. - Amendement n°9 de M. Montaugé et du groupe SER.
M. Michaël Weber. - Le rapporteur a fait adopter en commission un nouvel article, relatif à la notification à la Commission européenne du mécanisme de capacité. Mais ce dispositif a déjà fait l'objet d'une notification, et rien de ce qui est prévu pour la conversion de Saint-Avold ne constitue un élément nouveau. Nous craignons que l'ajout de la commission ne retarde le projet, peut-être de dix-huit mois, au point de compromettre sa viabilité. La situation est anxiogène pour le territoire.
Mme la présidente. - Amendement identique n°15 rectifié bis de M. Khalifé et Mme Herzog.
M. Khalifé Khalifé. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°22 rectifié ter de M. Mizzon et alii.
M. Jean-Marie Mizzon. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°29 de Mme Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. - Défendu.
M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Ne pas prévoir ces conditions d'application fragiliserait juridiquement le texte en renvoyant à des articles du code de l'énergie qui n'existent pas encore en droit. La direction générale de l'énergie et du climat nous a indiqué qu'il était préférable que la proposition de loi entre en vigueur en même temps que le nouveau mécanisme de capacité ; c'est également l'avis de RTE. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Marc Ferracci, ministre. - Même avis.
Les amendements identiques nos 9, 15 rectifié bis, 22 rectifié ter et 29 ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°16 rectifié bis de M. Khalifé et Mme Herzog.
M. Khalifé Khalifé. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°23 rectifié ter de M. Mizzon et alii.
M. Jean-Marie Mizzon. - Le cadre des appels d'offres du mécanisme de capacité a été voté dans le projet de loi de finances pour 2025, dont l'article 19 prévoit la notification à la Commission européenne de ce nouveau régime d'aides. Dès lors, l'article introduit par la commission me paraît superfétatoire.
Je constate que nous nous disons tous attachés à la simplification, mais que, lorsqu'il s'agit d'entrer dans les détails, nous ne parvenons à agir concrètement.
Je n'ai pas été convaincu par le rapporteur et le ministre : en quoi les dispositions actuelles ne suffiraient-elles pas ?
Mme la présidente. - Amendement identique n°30 de Mme Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°32 de M. Gremillet.
M. Daniel Gremillet. - Il s'agit d'une mesure de simplification et d'harmonisation. La proposition de loi entrera en vigueur selon les conditions prévues pour le mécanisme de capacité à l'article 19 de la loi de finances pour 2025. Cette concomitance a été jugée souhaitable par le Gouvernement.
M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Je répète qu'il convient de conserver cette référence, qui garantit une bonne articulation entre la proposition de loi et la loi de finances pour 2025 et le droit européen. Les amendements identiques n'assureraient pas la coordination avec l'article 1er : retrait, sinon avis défavorable. À l'inverse, l'ajustement rédactionnel opéré par l'amendement n°32 garantit une coordination complète, tout en conduisant à une rédaction plus compacte et propre à lever les inquiétudes des acteurs économiques : avis favorable.
M. Marc Ferracci, ministre. - Mêmes avis, pour les mêmes raisons.
Les amendements identiques nos16 rectifié bis, 23 rectifié ter et 30 sont retirés.
L'amendement n°32 est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
Article 4
Mme Karine Daniel . - Je remercie nos collègues de Moselle d'avoir déposé cette proposition de loi, qui nous offre l'occasion de débattre de la conversion des centrales à charbon restant sur notre territoire, singulièrement de celle de Cordemais.
Mes collègues de Loire-Atlantique et moi-même souscrivons à tous les arguments qui ont été avancés pour défendre le maintien d'un outil de production énergétique capable de faire face ponctuellement à des besoins de pic. Nous en avons besoin dans l'Ouest comme vous en avez besoin dans l'Est.
C'est pourquoi l'article 4 invite EDF à proposer un plan de conversion pour Cordemais, afin d'en faire une centrale facilement mobilisable à court terme au coeur des dispositifs de distribution d'énergie en Basse-Loire et dans tout l'ouest du pays. La vocation du site doit demeurer la production d'énergie.
Mme la présidente. - Amendement n°33 du Gouvernement.
M. Marc Ferracci, ministre. - Je partage votre intérêt pour la conversion de Cordemais, mais il faut envisager toutes les options. Obliger EDF à préparer un plan de conversion reviendrait à lui imposer de réaliser cette conversion, sans évaluation préalable, technique et économique, des diverses solutions envisageables, dont une reconversion industrielle.
Je rappelle que la décision récemment annoncée a fait l'objet d'une grande attention du Gouvernement, s'agissant en particulier du reclassement des salariés - notamment chez Framatome, dans le même bassin d'emploi.
M. Patrick Chauvet, rapporteur. - La commission a introduit cet article sur l'initiative de nos collègues Karine Daniel, Philippe Grosvalet, Fabien Gay et Ronan Dantec, avec mon appui. Il s'agit de demander à EDF de présenter un plan de conversion de la centrale de Cordemais vers des combustibles moins émetteurs. Le groupe pourra ainsi préciser ses intentions sur l'avenir de cette centrale, après qu'il a annoncé son arrêt d'ici à 2027 et que la conversion vers les pellets ou le gaz a été écartée pour des raisons technico-économiques.
Le Gouvernement souhaite préciser l'obligation faite à EDF en visant une évaluation plutôt qu'un plan et en intégrant des options de reconversion industrielle. J'y souscris, dans la mesure où il permet de rallier le Gouvernement à l'article. Avis de sagesse.
M. Ronan Dantec. - L'amendement du Gouvernement annule tout simplement le travail de la commission : son adoption nous ramènerait à la situation actuelle.
M. Philippe Grosvalet. - Tout à fait !
M. Ronan Dantec. - Comme le Gouvernement semble diriger directement EDF, j'ai le sentiment, monsieur le ministre, de parler au groupe en m'adressant à vous...
Oui, un plan suppose une évaluation technique : dire cela, c'est enfoncer une porte ouverte. Simplement, vous ne proposez pas un plan précédé d'une évaluation, mais une évaluation à la place du plan. Et vous ouvrez la voie à l'hypothèse de la fabrication de tuyaux, qui ne correspond en rien à la destination actuelle du site. Cet amendement n'est pas sage du tout ! Pour réussir la transition, il faut offrir de vraies perspectives aux salariés et sous-traitants.
Le site de Cordemais est extrêmement bien relié au réseau : il sera, demain, un lieu majeur de stockage d'électricité, d'autant que de grands parcs éoliens sont proches. La destination énergétique du site doit donc être préservée
M. Philippe Grosvalet. - Je le redis, nous soutenons la transformation de la centrale de Saint-Avold.
Monsieur le ministre, quand on veut tuer son chien, on prétend qu'il a la rage... J'ai dit à votre prédécesseure tout le mal que je pensais de la décision qu'elle a prise pour Cordemais, sans même rencontrer les organisations syndicales.
Monsieur le rapporteur, l'adoption unanime de cet article en commission rappelle qu'il ne peut y avoir deux poids, deux mesures. On ne peut pas, d'un côté, soutenir l'évolution d'un site possédé par un milliardaire étranger et, de l'autre, laisser l'État, actionnaire unique d'EDF, se priver d'une production d'appoint indispensable pour l'Ouest. Pour des raisons de sécurité, la France a besoin de ces deux centrales engagées dans un projet intelligent.
Est-ce parce que les syndicats ont eu cette idée et que les polytechniciens à la tête d'EDF l'ont refusée que le groupe n'a jamais voulu s'engager dans cette évolution, quitte à fausser les chiffres ?
Mme Karine Daniel. - Les études nécessaires ont déjà été réalisées. Au reste, le marché de l'électricité évolue : une étude faite à l'instant t n'est peut-être plus valable à t+10.
Au fond, vous considérez que le site de Cordemais est juste une emprise foncière, sur laquelle pourrait s'implanter un site industriel qui pourrait être installé partout ailleurs. Nous considérons, quant à nous, que les emplois doivent rester tournés vers la production d'électricité.
Des inquiétudes naissent sur l'implantation d'un site industriel de soudage, alors que le marché de l'emploi dans ce domaine est déjà en extrême tension, avec les Chantiers de l'Atlantique et Airbus : ne prenons pas le risque de fragiliser toute une filière industrielle.
Nous voulons une ambition énergétique pour l'Ouest comme pour l'Est !
M. Michaël Weber. - Deux centrales sont concernées. Tous les arguments que nous avons faits valoir pour Saint-Avold sont valables aussi pour Cordemais. Les mêmes causes doivent produire les mêmes effets ! Entre la centrale et Framatome, ce ne sont pas du tout les mêmes métiers : veillons aux garanties sociales et au maintien des savoir-faire. Nous voterons contre l'amendement.
M. Marc Ferracci, ministre. - Monsieur Grosvalet, je ne pense pas que donner à voir les options possibles revienne à accuser son chien d'avoir la rage pour s'en débarrasser... Ce travail peut être réalisé en toute bonne foi.
Mme Daniel l'a dit, les conditions économiques et techniques sont évolutives : celles qui ont présidé à la décision annoncée peuvent changer. Établir un diagnostic partagé sur les diverses options est donc opportun. Si l'on impose à EDF de présenter un plan de conversion, on présuppose l'existence de solutions économiquement et techniquement viables dans cette direction : est-on en mesure de le faire ?
Notre démarche n'est aucunement dilatoire : nous voulons documenter les choses, en transparence.
L'amendement n°33 n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
Vote sur l'ensemble
Mme Antoinette Guhl . - Mosellane d'origine - d'Hayange, près de Florange -, fille de sidérurgiste, je sais combien la désindustrialisation de la Moselle a meurtri ses habitants, laissant de nombreuses familles sur le carreau. La France a poursuivi son développement sans qu'un projet économique nouveau soit proposé au territoire, ce qui a engendré un fort sentiment de relégation.
Je pense à la centaine de femmes et hommes que j'ai rencontrés lors de ma visite à la centrale de Saint-Avold. Écologiste, je sais que le gaz produit inefficacement de l'électricité ; je forme le voeu que l'hydrogène vert, le stockage et la production de chaleur rendent leurs emplois pérennes. Mon espoir est que, très vite, nous venions à bout de toute forme d'énergie fossile.
M. Daniel Gremillet . - Je me félicite du chemin trouvé. Depuis 2019, le Sénat a toujours été au rendez-vous. Il faut maintenant que le débat se prolonge à l'Assemblée nationale.
Nous avons été attentifs à l'accompagnement des territoires - monsieur le ministre, je vous fais confiance pour Cordemais.
Nous avons besoin de solutions pour satisfaire, en l'absence de vent ou de soleil, les besoins de pointe des industries, des collectivités et des particuliers. Avec ce texte, nous garantissons l'évolution de Saint-Avold, qui sera un élément supplémentaire dans le concert énergétique de notre pays. Je suis fier du travail réalisé ! (Mme Christine Herzog applaudit.)
M. Michaël Weber . - Je me félicite du travail mené et rends hommage au rapporteur et à la présidente de la commission. Nos échanges montrent ce dont le Sénat est capable. Je pense aux salariés concernés et à leurs familles, attentifs à nos travaux. Saint-Avold est un site plein d'espoirs ! Fort des savoir-faire de ses salariés, il pourra, en s'orientant vers les énergies d'avenir, continuer à servir le développement économique du territoire.
M. Jean-Marie Mizzon . - Nous revenons de loin : il y a quelques jours encore, le vote de cette loi n'était pas du tout assuré. Je suis heureux que nous aboutissions à ce résultat : des territoires retrouvent des raisons d'espérer ! Je remercie notre rapporteur et la présidente de la commission, qui ont grandement oeuvré à ce succès.
À la reprise de la séance, le président Larcher nous a rappelé que nous devions travailler dans le respect mutuel. C'est ce que nous avons fait, en demeurant sereins et réfléchis.
M. Franck Montaugé . - Malgré le faible succès de nos amendements - c'est un euphémisme... -, le groupe SER votera ce texte. Nous avons cherché à attirer l'attention sur des enjeux majeurs, dont les priorités de la reconversion de Saint-Avold, dont je souhaite qu'elle soit la plus rapide possible. Je remercie les auteurs de la proposition de loi et salue le travail de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Il faut remettre l'église au milieu du village : c'est bien le Sénat qui s'est saisi de ce dossier ! Il a mené un important travail. En particulier, je me félicite des échanges qui ont eu lieu entre la commission des affaires économiques et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Nous avons su surmonter nos différences d'approche, et le bon sens sénatorial a prévalu, au service de l'intérêt général.
M. Bernard Buis . - Je salue l'excellente coopération des auteurs de la proposition de loi, de la commission et du Gouvernement. Nous parvenons à un consensus sur une conversion qui permettra aux salariés et aux sous-traitants de Saint-Avold de conserver leur emploi. Le RDPI votera naturellement la proposition de loi.
Mme Catherine Belrhiti . - Voilà trois ans que nous défendons cette solution : je remercie le Gouvernement d'avoir entendu les inquiétudes des ouvriers et de leurs familles. Je félicite la commission des affaires économiques pour son travail considérable. Au nom de tous les employés de notre centrale, merci.
M. Philippe Grosvalet . - Je me félicite de la sagesse qui s'est exprimée en commission puis dans l'hémicycle. L'intérêt général de notre pays et des territoires et salariés concernés a prévalu.
Monsieur le ministre, vous êtes le bienvenu à Cordemais, où vous pourrez entendre tous ceux qui, depuis dix ans, travaillent au projet de reconversion. Véronique Guillotin et moi-même aurions voté ce texte par solidarité : nous le faisons avec d'autant plus d'entrain que l'amendement du Gouvernement à l'article 4 a été rejeté.
Mme Silvana Silvani . - Pour l'anecdote, je suis, moi aussi, née en Moselle. Je fais partie de la génération qui a vécu les effets de la désindustrialisation, dont nous payons encore le prix.
Je me félicite de cette proposition de loi, qui préserve Saint-Avold et permet une avancée vers la fin des énergies fossiles. Mais pourquoi l'État n'a-t-il pas le même intérêt pour Cordemais ?
Nous appelons de nos voeux un projet de loi sur le futur de notre système électrique. Le Gouvernement doit aussi présenter sa vision d'avenir pour l'industrie, sur l'ensemble du territoire.
M. Khalifé Khalifé . - Je me réjouis de la qualité de nos débats, tant en commission qu'en séance. Au nom des salariés et des élus locaux, je remercie nos collègues, en particulier la présidente de la commission des affaires économiques et le rapporteur pour leur patience et leur écoute. Je remercie aussi Daniel Gremillet pour ses conseils avisés, ainsi que M. le ministre. Le Sénat a rempli sa mission ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Longeot applaudit également.)
Mme Christine Herzog, rapporteure pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - En de pareils moments, nous sommes fiers de siéger au Sénat. Je remercie tous nos collègues et le Gouvernement. J'espère que la centrale Émile-Huchet a de beaux jours devant elle ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques . - Je m'associe aux remerciements qui ont été exprimés, en particulier à l'égard du rapporteur Patrick Chauvet (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains ; MM. Philippe Grosvalet et Ronan Dantec applaudissent également.) Il n'a pas eu d'autre intention que de consolider juridiquement cette proposition de loi. Je remercie aussi Daniel Gremillet pour son expertise, ainsi que les services de la commission.
Monsieur Longeot, madame Herzog, le chemin a été sinueux, mais nous sommes parvenus à un résultat.
Ce texte sera examiné par l'Assemblée nationale le 7 avril : j'espère une issue positive, le cas échéant après une commission mixte paritaire.
Je remercie nos collègues mosellans et tiens à dire à ceux de Loire-Atlantique que, si nous avons introduit l'article 4, c'est parce que nous avons entendu leurs interpellations répétées sur la centrale de Cordemais. Monsieur Dantec, je suis d'accord avec vous : vous voyez que tout arrive ! (Sourires)
Je forme le voeu que ce texte ouvre à la Moselle, mais aussi à la Loire-Atlantique, un avenir plus serein, avec des emplois et un dynamisme local préservés. (Applaudissements sur de nombreuses travées à droite et au centre)
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
La séance est suspendue quelques instants.
Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président