Améliorer l'accès aux soins dans les territoires (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, présentée par M. Philippe Mouiller.
Discussion générale
M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et du RDPI) Le groupe Les Républicains a mobilisé depuis un an une trentaine de sénateurs, membres de la commission des affaires sociales et de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, sur la désertification médicale et la difficulté d'accès aux soins. Ce groupe de travail était coprésidé par Corinne Imbert, pour la commission des affaires sociales, et Bruno Rojouan, pour avis la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Nous avons consulté les acteurs, les responsables de la politique de santé, les patients et les soignants. Je ne suis que le porte-voix de cette initiative mobilisant les parlementaires et le Gouvernement.
Chacun connaît le problème. Tous les rapports - Cour des comptes, Drees, Académie de médecine, Parlement - sont unanimes : l'accès aux soins est insuffisant. Pis : la situation se dégrade.
Sur 87 % du territoire, l'offre de soins manque, notamment dans les zones rurales et périurbaines. Alors que la population augmente, le nombre de médecins généralistes a chuté de 10 % de 2012 à 2022. Le délai pour obtenir une consultation augmente, de même que le nombre de Français sans médecin traitant. Résultat : nombreux sont ceux qui renoncent aux soins médicaux, d'où des pertes de chance inacceptables.
L'Assemblée nationale s'est saisie du sujet et le Premier ministre a annoncé un pacte de lutte contre les déserts médicaux le 25 avril dernier.
Cette proposition de loi, cosignée par 152 sénateurs, construit une réponse collective et équilibrée. Nous aurions préféré un projet de loi global, mais le contexte politique ne le permet pas. Or nous sommes dos au mur, et il nous faut un plan d'action ambitieux.
Bien sûr, ce texte réaffirme le caractère libéral de la médecine française et la liberté de choix des patients.
Cependant, il faut une réflexion globale - d'abord sur le pilotage de l'organisation de l'offre de soins. Nous voulons redonner la parole aux territoires dans l'analyse des besoins et de la démographie médicale. Nous refusons une politique de soins centralisée, déclinée par les ARS sans prendre en compte les remontées du terrain.
Le département reste trop souvent un maillon secondaire. Il constitue pourtant l'échelle pertinente pour définir les besoins, conciliant proximité territoriale et taille critique. Donnons-lui un rôle de coordination des politiques d'accès aux soins avec les ARS, l'assurance maladie et les professionnels de santé.
Nous voulons mieux répondre aux besoins de la population et tenir compte des inégalités de densité médicale.
Les offices départementaux et l'office national de l'évaluation de la démographie des professionnels de santé prendront en compte les besoins des territoires.
Nous voulons renforcer l'offre de soins dans les territoires fragiles. L'article 3 conditionne l'installation des médecins dans les zones les mieux dotées à un engagement d'exercice à temps partiel dans une zone sous-dense. Les médecins spécialistes pourront être autorisés à s'installer en cas de départ d'un confrère, ou sur autorisation de l'ARS, pour maintenir l'accès aux soins.
La commission des affaires sociales est traditionnellement attachée aux libertés de la médecine libérale, condition de son attractivité. Mais des évolutions s'imposent. Nous préservons la liberté d'installation des médecins, mais ceux qui veulent aller dans les territoires les mieux dotés devront aussi assurer des consultations dans les territoires les plus fragiles. En effet, les mesures équilibrées restent les plus efficaces.
Les conditions d'exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) ayant réussi les épreuves de vérification des connaissances (EVC) doivent être simplifiées.
Il nous faut aussi libérer du temps médical. Nous supprimons donc certains certificats médicaux et encourageons le partage des compétences entre tous les professionnels de santé, en coordination avec les médecins.
Il faut agir. Il y va de l'égalité entre Français et de la solidité de notre contrat social.
Ce texte ne traite pas de toutes les questions, comme la formation des professionnels de santé. Nous examinerons prochainement un texte sur la formation, pour mieux former et former plus de futurs médecins, au plus près des territoires.
Cette proposition de loi peut constituer une étape importante pour un meilleur accès aux soins. Les amendements permettront d'en débattre, de l'enrichir. Le Gouvernement proposera de la compléter. Le Sénat a gardé son indépendance dans ses choix, mais nous avons un défi commun : améliorer l'accès aux soins à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'accès aux soins des Français se détériore. La France compte 4 millions d'habitants supplémentaires en quinze ans et la démographie de médecins se réduit. Nous payons le prix de décisions trop tardives. Les inégalités territoriales dans l'accès aux soins se sont inévitablement creusées.
Les lois Rist et Valletoux et les projets de loi de financement de la sécurité sociale successifs ont tenté d'y remédier. Dès lors, le texte pourrait-il n'être qu'une tentative de plus ?
Je ne le pense pas, car il porte tout d'abord une ambition globale : L'article 1er vise à rénover l'architecture des structures de santé. Ensuite, il propose des solutions durables et équilibrées : l'article 3 vise à réduire les inégalités d'accès aux soins sans renoncer à la liberté d'installation.
Les propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale, dont celle de Guillaume Garot, appellent à la vigilance : nous devons rénover notre modèle sans aller contre ses principaux acteurs. Trop de coercition dissuaderait les professionnels de santé de s'engager.
Cette proposition de loi est un plan d'action global décliné en trois axes : piloter la politique d'accès aux soins au plus près des territoires ; renforcer l'offre de soins dans les territoires les plus fragiles ; libérer du temps médical et favoriser les partages de compétences.
Le premier levier prévoit un pilotage de la politique d'accès aux soins au plus près des territoires. La commission des affaires sociales soutient le renforcement du rôle des départements, échelle cohérente d'action en matière d'accès aux soins. Le niveau régional ne permet pas de mesurer finement la réalité des besoins des territoires.
Le dispositif actuel est inabouti. Nous remplaçons l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) par un nouvel office national décliné au niveau départemental ; ce dernier sera présidé par le président du conseil départemental.
La commission des affaires sociales a renforcé ces nouveaux offices, qui doivent rendre un avis conforme sur le zonage d'installation de l'ARS, zonage qui devra être révisé chaque année. Ainsi, nous inversons la logique de construction du zonage.
J'entends les remarques sur un risque de comitologie. Je n'ai pas de médicament contre cette maladie (sourires), mais je réponds proximité, réactivité et coordination. Laissons la main à ceux qui connaissent le mieux les spécificités des territoires.
Le deuxième levier tend à renforcer l'accès aux soins dans les territoires en tension. L'autorisation d'installation en zone surdense serait conditionnée à l'exercice à temps partiel en zone sous-dense pour les généralistes. Pour les spécialistes, elle serait soumise au même engagement, à la cessation d'activité d'un confrère, ou à une décision motivée du directeur de l'ARS.
L'ampleur de l'inégalité d'accès aux médecins justifie désormais ces dispositions. Nous maintenons la liberté d'installation, mais nous la conditionnons à des consultations dans les zones fragiles. Je vous propose d'étendre le dispositif aux médecins salariés.
L'encadrement équilibré des installations responsabilisera les médecins et réduira les inégalités d'accès aux soins. Cela pourra être concilié avec le système de solidarité nationale annoncé par le Premier ministre. Je vous proposerai d'adopter l'amendement du Gouvernement, sous-amendé.
L'article 5 invite les partenaires conventionnels à prévoir des tarifs spécifiques en zone sous-dense. Je réaffirme d'emblée que ce ne sont pas des dépassements d'honoraires, ils n'aggraveront donc pas le reste à charge de plus de 95 % de Français entièrement couverts par une assurance complémentaire. Toutefois, ayant entendu les craintes, je vous soumettrai un amendement remplaçant ces tarifs par des rémunérations forfaitaires.
La procédure d'autorisation d'exercice des Padhue doit être simplifiée et adaptée à la diversité des profils des candidats. Nous avons voulu simplifier, tout en garantissant la qualité des soins, dans les articles 8 à 10. Par ailleurs, le Gouvernement souhaite réformer les EVC. Les attentes sont nombreuses. Nous serons attentifs à la mise en oeuvre de ces mesures.
Le troisième pilier augmente et réalloue le temps médical disponible ; ainsi, quatre articles favorisent le partage des compétences. Deux autres suppriment des certificats médicaux inutiles pour la pratique sportive et pour le congé enfant malade.
Cette proposition de loi, équilibrée, freinera la progression des inégalités territoriales, qui abîment notre pacte républicain, et libérera du temps médical mal affecté. Je vous invite à donner à cette voie de compromis la majorité qu'elle mérite.
Monsieur Milon, après votre intervention en commission des affaires sociales, sachez que si vous vous coupez un doigt, j'ai des pansements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également ; M. Alain Milon sourit.)
M. Bruno Rojouan, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Solanges Nadille applaudit également.) Chaque Français, où qu'il habite, a le droit d'être soigné. Or les inégalités d'accès aux soins atteignent un niveau intolérable ; près de 7 millions de Français n'ont plus de médecin traitant.
L'accès aux soins est un enjeu central d'aménagement du territoire. Dans deux rapports, j'ai dressé des constats implacables : l'accès aux soins est dégradé, notamment dans les territoires ruraux, avec des retards de prise en charge, des pertes de chance et une réduction de l'espérance de vie.
Cela appelle une action volontariste des pouvoirs publics. À terme, il faut un choc de massification et de territorialisation de la formation des professionnels de santé. Comme le disait John Maynard Keynes, à long terme, nous sommes tous morts. Agissons donc dès maintenant.
L'article 1er réforme la gouvernance territoriale de l'accès aux soins en faisant du département la maille de référence. Il donne un rôle accru aux collectivités territoriales : les offices départementaux auront une connaissance fine des territoires et pourront rendre un avis sur le déploiement des docteurs juniors.
En mars 2022, dans mon premier rapport d'information, j'avais préconisé de créer la quatrième année d'internat et d'affecter les internes en stage en zone sous-dense en médecine de ville. La LFSS pour 2023 l'a inscrit dans la loi, à l'initiative du Sénat.
Je l'ai répété dans mon second rapport d'information, en novembre dernier. De nouveau, je proposais un plan d'urgence pour garantir que les zones sous-denses disposent de maîtres de stages en nombre suffisant. Il faut faire de ces stages le point de départ du virage territorial que doivent prendre les études de santé.
L'article 3 s'attaque à un tabou : la totale liberté d'installation des médecins. Une irréductible profession résiste encore à toute contrainte.
Il faut concilier l'encadrement de la liberté d'installation avec une politique ambitieuse d'aménagement du territoire. Je me félicite donc que la commission des affaires sociales ait proposé de conditionner l'installation en zone bien dotée à un exercice partiel en zone sous-dotée. Le texte soumet aussi les spécialistes au principe « une arrivée pour un départ » dans les zones bien dotées.
Ces deux formes de régulation sont pertinentes. Ce texte pragmatique rompt avec un dogme solide : celui du droit absolu des professionnels dont l'activité est largement financée par l'argent public de s'installer où l'on veut quand on veut.
Je salue l'initiative du président Mouiller, le travail mené en commun avec Mme Imbert et ce compromis entre nos deux commissions, qui montre la capacité du Sénat à mener un travail de fond sur ce sujet essentiel. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme la présidente. - La commission des finances se réunira dans quinze minutes. Pendant ce temps, nous poursuivrons nos travaux en séance.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Garantir à chacun de nos concitoyens l'accès à des soins adaptés et de qualité, où qu'ils vivent, quelle que soit leur situation sociale, est une exigence républicaine.
Nous devons donc regarder en face la réalité de la désertification médicale - votre quotidien, mesdames et messieurs les sénateurs, vous qui êtes des élus de proximité.
Souvent, l'accès aux soins se heurte à des délais et des distances inacceptables, d'où un sentiment légitime de découragement, de dépit et de colère.
J'ai vécu cette réalité personnellement. Elle me heurte dans chacun de mes déplacements. Toujours, les élus, les soignants et les habitants m'interpellent sur le sujet.
Alors que nous fêtons les 80 ans de la sécurité sociale, je ne peux supporter que sa promesse de solidarité et d'égalité ne soit pas tenue. Le renoncement aux soins est une bombe à retardement ; les pertes de chances sont réelles.
Nous devons agir de manière coordonnée, avec des mesures immédiates et des réformes structurelles pour renforcer les effectifs de nos forces vives, sur le terrain.
L'accès aux soins est un élément incontournable de notre contrat social. D'où l'idée d'un pacte collectif mobilisant tous les acteurs. En avril, j'ai mené de larges consultations pour écouter les besoins, mais aussi les solutions. J'y ai associé les élus locaux, les jeunes en formation, les professionnels, les patients et les parlementaires. Je remercie les sénateurs qui se sont investis dans cet exercice et qui ont inspiré plusieurs mesures du pacte de lutte contre les déserts médicaux que nous avons présenté, depuis le Cantal, le 25 avril dernier.
Merci à Philippe Mouiller et à Corinne Imbert pour cette proposition de loi qui décline plusieurs engagements issus de ce pacte. Je salue la qualité de nos échanges et l'excellente tenue des débats lors des réunions de la commission des affaires sociales. Je salue votre volonté d'associer la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et son rapporteur pour avis, Bruno Rojouan.
L'esprit du pacte de lutte contre les déserts médicaux est d'impliquer les collectivités territoriales et les professionnels de santé. Je remercie les ministres François Rebsamen et Françoise Gatel, tous deux pleinement investis dans sa mise en oeuvre du pacte.
La lutte contre les déserts médicaux ne pourra s'intensifier sans un élan collectif et durable, non pas pour attiser les tensions, opposer les soignants, chercher des coupables ou opposer les Français à leur médecin. Non ! Avec ce texte, nous construisons une nouvelle solidarité entre les territoires et une responsabilité collective. Nous avons une obligation de résultat.
Ce texte est le jalon d'un édifice plus large.
Nous devons former plus, mieux et partout : tel est le sens des 5 800 places créées depuis 2020 dans les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). Tel est aussi le sens de la quatrième année de médecine générale : 3 700 docteurs juniors arriveront dans vos départements d'ici à novembre 2026. C'est enfin le sens de ma volonté de supprimer un numerus apertus encore trop restrictif. Ces mesures en faveur de la formation sont l'un des axes forts du pacte. Nous souhaitons aussi faire revenir les 5 000 étudiants partis étudier en Belgique, en Roumanie ou en Espagne, et développer les passerelles pour les paramédicaux voulant devenir médecins.
L'instauration d'une obligation collective engagera l'ensemble de la communauté médicale : cette mesure généralisera le système des consultations avancées et les initiatives de terrain, à l'instar de celle développée par Médecins solidaires. Les incubateurs de santé solidaire sont un autre exemple. J'en ai d'ailleurs inauguré un ce week-end dans le Rhône.
Cette mission de solidarité préserve les fondamentaux de la médecine libérale, qui a toujours joué un rôle structurant dans notre système de santé. Soutenir l'exercice libéral est une condition essentielle d'une médecine de qualité.
Le caractère inédit et novateur de cette mesure repose sur le fait qu'elle engage tous les médecins. Le principe : demander un peu à beaucoup de médecins plutôt que d'obliger trop peu de médecins à faire beaucoup. Nous identifierons les besoins précis et les zones les plus vulnérables. Ce travail sera effectué par les ARS, en lien avec les préfets, les conseils départementaux et l'ordre des médecins. Je salue votre volonté d'associer plus étroitement les départements à ce travail.
C'est dans ces zones de solidarité que se déploieront les consultations avancées demandées aux médecins ; cela représente jusqu'à deux jours de solidarité par mois, qui seront valorisés - je sais combien vous êtes attachés au principe de juste rémunération. À terme, ces missions seront étendues à l'ensemble des zones sous-denses.
Les professionnels feront preuve d'engagement, je n'en doute pas. Toutefois, cette solidarité ne sera pas optionnelle.
Cette proposition de loi vise à mieux mobiliser tous nos médecins, notamment les 20 000 Padhue. Je me réjouis que ce texte concrétise plusieurs engagements du Gouvernement en leur faveur. Nous devons simplifier les EVC pour les candidats exerçant déjà sur le territoire français. Je défendrai un amendement du Gouvernement pour que les candidats accèdent au plein exercice par un examen et non plus par un concours. Un autre amendement simplifiera la procédure d'autorisation de plein exercice. Nous voulons accorder une place centrale à l'évaluation, celle des médecins responsables de service ou d'unité, notamment.
Ces mesures résonnent pleinement avec l'autre axe majeur du pacte : la modernisation des organisations entre les professionnels de santé, pour qu'ils unissent leurs compétences.
Nous proposons un pacte de confiance envers les acteurs locaux, pour utiliser toutes les ressources disponibles sur le terrain. Il faut libérer du temps médical : j'accueille donc favorablement l'élargissement des missions des pharmaciens pour des pathologies simples, en faisant des officines la porte d'entrée dans le système de santé. Par exemple, l'élargissement des compétences vaccinales des pharmaciens est un succès. Nous proposerons un amendement afin de renforcer le soutien aux officines des territoires fragiles.
Je proposerai également un décret relatif aux audioprothésistes. Ces professionnels sont une ressource stratégique pour le suivi des personnes âgées appareillées, mais aussi pour la réalisation de certains actes susceptibles de libérer du temps médical.
Comme vous, je soutiens le développement de la pratique avancée : il convient de décliner les avancées de la proposition de loi valorisant le métier d'infirmier, votée ici il y a quelques jours. Je salue leur travail en cette journée qui célèbre leur métier.
Je suis aussi favorable à l'article portant sur les certificats médicaux inutiles, mesure très attendue.
Nous avons une obligation de résultat envers nos concitoyens : la santé doit redevenir un parcours de confiance, et non du combattant. C'est aussi une question de confiance envers les médecins et les professionnels de santé. Il faut un juste partage des responsabilités pour rétablir la force du collectif. Tel est l'esprit du pacte.
Nous avançons avec une seule boussole : la volonté d'agir pour nos concitoyens, pour nos territoires, pour notre système de santé et son avenir. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains et sur les travées du RDPI)
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'accès aux soins est une préoccupation pressante. Partout, les élus sont interpellés sur le sujet.
Nos concitoyens attendent de pouvoir se soigner partout, dans de bonnes conditions. Les pertes de chances se multiplient. Assumons cette responsabilité collective : nous avons laissé la pénurie de soignants s'aggraver.
Dès lors, faut-il réguler la répartition des médecins par la loi ? Cette proposition nous divise, entre partisans de mesures coercitives et ceux qui s'y opposent. Souvent, les débats sont stériles, chacun campant sur sa position. Pour ma part, je suis opposée aux seules solutions fondées sur la contrainte. Comme le dit la rapporteure générale Élisabeth Doineau, pénaliser les jeunes diplômés, ce n'est ni juste ni durable.
Cependant, cette proposition de loi ne crée pas de contraintes brutales et ne remet pas en cause la liberté d'installation. Elle limite la concentration des soignants, évite l'installation en zones surdenses. Rien à voir avec la coercition, donc.
Ce texte introduit un principe de responsabilité partagée. Les zones surdotées ne représentent qu'une faible partie du territoire : les ajustements se feront donc à la marge.
Nous devons miser sur des réformes plus structurelles, comme la mise en place de la quatrième année.
Je salue les propositions récentes de la conférence nationale de santé, portées par les jeunes médecins eux-mêmes. Les nouvelles générations sont prêtes à s'engager si on leur en donne les moyens.
Certes, ce texte ne réglera pas tout, mais il permet d'avancer. Les sensibilités divergent au sein de notre groupe, mais beaucoup y verront, comme moi, une tentative d'agir avec discernement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Céline Brulin . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER) En France, en 2025, avoir un médecin est presque devenu un privilège.
C'est l'égalité républicaine qui est mise à mal. Le nombre de médecins par département augmente dans les zones bien dotées, quand il diminue ailleurs. Le nombre de patients est parfois cinq fois plus important pour certains médecins que pour d'autres.
Notre groupe voit plutôt d'un bon oeil toute mesure cherchant à résorber cette situation intolérable. Mais le télescopage de textes, les mesures floues annoncées ces dernières semaines soulignent l'absence de stratégie en la matière, tandis que certains s'emploient peut-être à ce que rien ne change. La santé est pourtant la préoccupation principale des Français.
Aux termes de la proposition de loi, les généralistes devraient exercer à temps partiel dans les zones sous-denses et les spécialistes pourraient s'installer si un confrère part.
Nous saluons l'évolution de la majorité sénatoriale en la matière. Mais qu'en est-il réellement ? S'agit-il de donner quelques consultations en zones sous-denses ? Dans toutes les zones sous-denses ou seulement celles considérées comme des zones rouges ? S'agit-il d'une obligation, ou cela se transformera-t-il en une énième incitation ?
Monsieur le ministre, vous n'avez pas dit la même chose que le Premier ministre.
Il serait inacceptable que des patients déboursent davantage pour consulter un médecin.
Ce texte, c'est un soupçon de régulation, beaucoup de flou, et de nombreuses mesures dangereuses.
À ceux qui veulent couper l'herbe sous le pied de l'initiative transpartisane que représente la proposition de loi adoptée la semaine dernière à l'Assemblée nationale, je veux dire : vous avez perdu la bataille de l'opinion. Ce texte prévoit que les nouveaux médecins s'installeront dans 87 % du pays - le choix est large ! Cette mesure s'applique déjà aux infirmiers depuis 2008, aux masseurs-kinésithérapeutes et sages-femmes depuis 2018 et aux chirurgiens-dentistes depuis cette année. Le rapport de Bruno Rojouan défendait la même vision : aux grands maux les grands remèdes !
Ce texte fait l'impasse sur le renforcement des capacités de formation des médecins.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. - Ça va venir !
Mme Céline Brulin. - Nous craignons que ce texte ne réponde pas aux attentes de nos concitoyens, qui veulent avoir un médecin - une attente bien républicaine !
Mme Anne Souyris . - (Mme Solanges Nadille applaudit.) Hervé Guibert, avant d'écrire sur le sida, racontait ses parents. Le narrateur, jeune étudiant, retourne à La Rochelle : « Je suis tombé malade. Et comme je n'ai aucun ami pour venir me soigner, après avoir attendu plusieurs jours sans médicaments [...] je décide de prendre un train pour rejoindre mes parents. Les cinq heures de train m'ont achevé. [...] Ils me couchent et appellent un médecin. Mais le docteur tarde et dans mon lit, tout l'espace se met à basculer autour de moi. »
Certains d'entre nous ont déjà vécu ce récit.
Cette réalité de 1986 apparaît aujourd'hui anachronique : les visites au domicile ne représentent plus que 8,8 % des consultations, contre 38 % en 2016. Pour tous ceux qui sont en perte d'autonomie ou handicapés, la solution réside dans la téléconsultation.
Sur tous les bancs, le constat est unanime. L'accès aux soins se révèle chaque jour plus difficile en raison du vieillissement de la population, de l'augmentation des besoins en santé, d'une politique austéritaire numéraire sous l'effet du numerus clausus, responsable d'une pénurie de médecins depuis 1971 et vraisemblablement jusqu'en 2032, ainsi que d'une répartition fortement inégalitaire.
L'accès aux soins passera par la régulation de la profession médicale avec un effort soutenu pour la formation, une création de passerelles intelligibles, le développement des autres professions de santé, la prévention et la santé environnementale.
Mais que n'avons-nous pas entendu ces derniers temps ? Les slogans comme « Bac +12 ; pas pour finir à Mulhouse » sont indignes.
Des politiques de régulation existent déjà, notamment pour les infirmiers depuis 2008, les masseurs-kinésithérapeutes depuis 2018 et les chirurgiens-dentistes depuis 2025, sans parler des pharmaciens d'officine.
Nous avons de la sympathie pour l'article 3, même si notre groupe lui préfère le texte en discussion à l'Assemblée. Sur ce point, comment ne pas s'interroger : le présent texte est-il une proposition de loi du groupe Les Républicains ou un cheval de Troie anti-Garot ?
Nous ne rejetons pas votre proposition de loi, qui peut être votée par une large majorité. Mais certaines des mesures de ce texte sont des lignes rouges, comme la discrimination prévue pour les Padhue ou pour les consultations en zone sous-dense.
Hervé Guibert nous rappelle dans ses oeuvres l'omniprésence de la mort et de la maladie dans nos vies. À l'heure où la figure du médecin de famille disparaît, nul besoin d'appeler à la résurrection du passé : il est temps de créer un nouveau modèle. J'espère que ce texte y participera.
Mme la présidente. - Je suspends l'examen de cette proposition de loi.