Accueil et information des personnes retenues (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons l'examen de la proposition de loi tendant à confier à l'Ofii certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues.

La commission des finances a rendu son avis sur le précédent texte.

M. Bruno Belin, vice-président de la commission des finances.  - La commission des finances s'est réunie. À l'unanimité moins une voix, elle a déclaré la recevabilité du texte.

Vote sur l'ensemble

M. Thomas Dossus .  - Cette nouvelle proposition de loi s'inscrit dans une longue série ayant trait à l'immigration. Un accord de gouvernement empêche le ministre de l'intérieur de présenter des projets de loi dans ce domaine, ce qui le contraint à faire produire par la majorité sénatoriale des propositions de loi.

M. Roger Karoutchi.  - Et c'est très bien !

M. Thomas Dossus.  - Même la commission des finances s'est mise à son service, niant un certain nombre d'arguments de fond de façon extrêmement expéditive... (Protestations à droite)

Ce texte alourdira les finances de l'État tout comme la proposition de loi étendant le temps de rétention en CRA ; c'est ce qui a obligé le ministre à reprendre le texte à son compte. Le ministre Retailleau a mis la majorité sénatoriale à son service en vue du congrès... (Protestations à droite ; M. Roger Karoutchi ironise.)

Ce ne sont pas les associations qui libèrent les retenus, mais les juges ; vous avez voté des textes de plus en plus touffus, ce qui engendre une multiplication des recours. Nous avons donc une loi de plus, qui stigmatise les associations. Je regrette ce dévoiement de notre Haute Assemblée.

Mme Émilienne Poumirol .  - Le groupe SER votera contre cette proposition de loi.

Corinne Narassiguin a défendu notre position au long du débat. La demi-heure qui vient de s'écouler a montré combien cette proposition de loi était en fait un projet de loi déguisé pour éviter l'avis du Conseil d'État et celui de la commission des finances. Nous nous opposons à ce que le ministre Retailleau court-circuite ainsi la procédure. (M. Thomas Dossus renchérit.)

Mme Sophie Briante Guillemont .  - Le groupe RDSE votera majoritairement contre ce texte, malgré quelques abstentions. Je regrette l'absence de réponses sur l'application pratique de ce texte, notamment le rôle des avocats. La compétence technique de ce contentieux appartient aujourd'hui aux associations.

M. Guy Benarroche .  - Bien sûr, notre groupe ne votera pas cette proposition de loi. Tout d'abord, je m'étonne du travail réalisé par le Sénat sur ce texte. L'exposé des motifs regroupe soit des faits non avérés, soit déformés, en l'absence de tout argumentaire solide.

Le coût du remplacement des associations par l'Ofii n'est pas évalué. Il s'agit d'un argument fallacieux, tout comme l'accusation de recours abusifs contre les associations : les associations ont signé des marchés publics avec l'État, or aucune action n'a été engagée contre elles pour manquement.

Qu'est-ce qu'un recours abusif ? À partir de quel nombre considérez-vous que les recours seraient trop nombreux ? Vous oubliez que beaucoup d'OQTF sont prononcées sans étude des cas individuels.

Même un ancien Président de la République a le droit d'exercer un recours. Rien n'est prouvé aujourd'hui. Rien ne justifie cette loi, sinon un objectif d'affichage politique.

Mme Marie-Carole Ciuntu .  - Au regard des propos tenus, je tiens à préciser que je suis bien l'auteure de cette proposition de loi à l'issue d'un travail remarquable conduit par le Sénat.

M. Max Brisson.  - Très bien !

Mme Marie-Carole Ciuntu.  - Je ne me suis pas levée un matin avec une obsession. Il est inadmissible, parce qu'on veut réguler l'immigration, de se faire traiter de fachos ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également ; M. Thomas Dossus lève les bras au ciel.)

Voilà un an que j'ai demandé en commission que la Cour des comptes examine les missions confiées à ces associations et les financements associés. Cela ne vous fait apparemment rien qu'un budget d'un milliard d'euros, qui a doublé, ne soit pas contrôlé, et qu'il y ait probablement des doublons.

On peut se demander ce que signifie l'activité de ces associations qui massifient le contentieux. (M. Thomas Dossus proteste.) Vous étiez là lorsque la Cour des comptes a utilisé une formule prudente, mais claire, s'agissant des doutes pouvant exister.

Ce texte répond à l'attente des Français qui veulent reprendre la main sur l'immigration.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

Mme Marie-Carole Ciuntu.  - L'antiparlementarisme dans lequel vous sombrez n'est pas une bonne chose ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.)

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°268 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 227
Contre 113

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - Je remercie la Haute Assemblée pour ce vote à une large majorité. Je salue le travail de Mme Ciuntu qui avait commencé bien avant que je ne devienne ministre, celui du rapporteur, qui a fait ses premières armes et a montré qu'il avait un bel avenir devant lui.

Cette proposition de loi importante est révélatrice de l'action de l'État. Depuis des décennies, on a démantelé l'État : des politiques publiques ont été confiées à des agences ou à des associations.

Nous avons relevé la partialité des associations quand l'une d'entre elles placarde dans ses locaux une affiche « la France déporte ». Mais vous procédez à un renversement : vous accusez des fonctionnaires d'être partiaux, alors qu'ils sont impartiaux, selon le statut de la fonction publique lui-même ! Venant de la gauche ! (M. Guy Benarroche proteste.)

C'est aussi une exigence budgétaire : nous ferons des économies grâce à cette proposition de loi.

Enfin c'est une exigence démocratique. Une grande majorité de Français veulent une politique efficace de retour. Si demain nous devons accueillir correctement des étrangers, il faut que ceux qui ne respectent pas nos lois rentrent chez eux. (Protestations sur les travées du GEST)

M. Thomas Dossus.  - Mais c'est le juge qui en décide !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - Je constate un dissensus flagrant : vous ne voulez tout simplement pas de politique de retour efficace. Merci pour ce vote ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

La séance est suspendue à 20 h 20.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 50.