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Table des matières
Professionnels de santé des services d'incendie et de secours
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Mme Françoise Dumont, rapporteure de la commission des lois
Article 7 bis A (Réservé - LEC)
Accueil et information des personnes retenues (Procédure accélérée)
Mme Marie-Carole Ciuntu, auteure de la proposition de loi
M. David Margueritte, rapporteur de la commission des lois
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur
Améliorer l'accès aux soins dans les territoires (Procédure accélérée)
M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Accueil et information des personnes retenues (Procédure accélérée - Suite)
Améliorer l'accès aux soins dans les territoires (Procédure accélérée - Suite)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Ordre du jour du mardi 13 mai 2025
SÉANCE
du lundi 12 mai 2025
87e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
Secrétaires : M. Fabien Genet, Mme Véronique Guillotin.
La séance est ouverte à 15 heures.
Professionnels de santé des services d'incendie et de secours
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'organisation et aux missions des professionnels de santé, vétérinaires, psychothérapeutes et psychologues professionnels et volontaires des services d'incendie et de secours, à la demande du groupe Les Républicains. Ce texte est examiné selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Mes premières pensées sont pour les sapeurs-pompiers volontaires, particulièrement le sapeur-pompier volontaire grièvement blessé à Évian-les-Bains et ceux agressés à Saint-Cergues ce week-end. Je condamne ces actes inacceptables. Le Gouvernement ne laissera aucun répit à ceux qui s'en prennent à ceux qui nous protègent.
Nous sommes rassemblés autour d'un objectif commun : reconnaître l'action essentielle des services d'incendie et de secours (Sdis) et notamment des professionnels de santé qui y oeuvrent.
Je salue le travail transpartisan mené sur ce texte, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Nous avons eu des échanges constructifs avec Jean-Carles Grelier, auteur du texte et rapporteur à l'Assemblée nationale ; ce travail a été parachevé au Sénat en commission des lois, ce dont je remercie la rapporteure Françoise Dumont.
Ce texte est un progrès pour les sapeurs-pompiers professionnels, qui respecte le cadre de la médecine d'urgence.
Nous avons écouté les aspirations de toutes ces professions, dans une recherche d'équilibre - ce en quoi le Sénat a une expertise certaine. Le recours à la procédure de législation en commission permettra d'aboutir rapidement. Je souscris aux mesures prévues par ce texte.
Les liens entre sapeurs-pompiers et professionnels des urgences se sont renforcés, les missions de secours à personne représentant plus de 80 % de l'activité des sapeurs-pompiers.
Dans le respect des missions, des compétences et des périmètres de chacun, je suis résolument attaché à construire avec les « blancs » et les « rouges » les déterminants d'une collaboration toujours plus efficace et fluide au service de la santé et de la sécurité de nos concitoyens.
J'aborde ce texte aussi comme ministre des professionnels de santé, y compris ceux exerçant au sein des services d'incendie et de secours. Cette proposition de loi les valorise enfin.
Ayant participé à de nombreuses cérémonies de la Sainte-Barbe en tant qu'élu local, j'ai souvent rendu hommage au courage et au dévouement des sapeurs-pompiers. On parle parfois de tension entre les « blancs » et les « rouges », mais dans la majorité des territoires, l'articulation se passe bien, dans un état d'esprit positif. Les métiers de pompier et de soignant sont des métiers d'engagement et d'altruisme : venir en aide et porter secours au quotidien.
Ce texte doit être l'occasion d'une meilleure articulation entre les Samu et les Sdis. Il faut clarifier la répartition des compétences, dans le respect du périmètre de chacun, pour assurer l'efficacité de leur action.
En commission, vous m'avez interrogé sur le numéro unique d'urgence, le 112, qui pourrait remplacer les 15, 18 et 17. Cette expérimentation issue de la loi Matras ne se fait pas sans difficulté, notamment dans ma région Auvergne-Rhône-Alpes. Le ministère de la santé s'y est pleinement engagé et nous avons pris note des limites opérationnelles sur le terrain.
La mise en commun de l'action des Samu et des Sdis ne doit pas se faire au détriment du service aux victimes. Le numéro unique est une idée séduisante sur le papier, mais implique une rupture organisationnelle : je n'ai pas de doctrine sur le sujet. Répondre à chaque appel urgent est notre seule boussole. Les conditions d'une généralisation ne sont pas réunies : il faut des plateformes communes colocalisées réunissant pompiers et urgentistes, une interconnexion des systèmes d'appel sans fusion. N'attendons pas la fin de l'expérimentation prévue par la loi Matras pour évaluer.
Je rends hommage aux urgentistes et professionnels des urgences pour leur mobilisation, au quotidien et durant la saison de tension hospitalière hivernale. Nous aurons besoin de leur aide durant la période sensible de l'été. Ces tensions affectent aussi les sapeurs-pompiers, confrontés à des temps d'attente anormalement longs aux urgences.
Ce texte clarifiera les possibilités d'exercice pluriel des médecins des urgences en matière de soins, de médecine d'aptitude et de médecine du travail, dans la limite des compétences acquises par la formation ou dans le cadre de coopérations entre professionnels de santé.
Nous avons un écosystème de métiers riches, mais aussi divers : n'opposons pas les professions entre elles, faisons-les progresser ensemble ! Nous avons besoin de la mobilisation de tous les acteurs dans les territoires : c'est ainsi que nous pourrons assurer une réponse efficace et coordonnée, de jour comme de nuit, pour tous nos concitoyens. Il faut travailler ensemble, ville et hôpital, services d'urgence et services de secours.
En tant que ministre, hospitalier et élu local, je souhaite l'adoption de ce texte, véritable catalyseur de l'engagement des professionnels de secours sur le terrain.
Mme Françoise Dumont, rapporteure de la commission des lois . - Je témoigne de ma solidarité envers le sapeur-pompier volontaire blessé après une attaque innommable en Haute-Savoie, ce week-end.
Après son adoption par l'Assemblée nationale le 6 mars dernier, ce texte a été adopté avec modification la semaine dernière par la commission des lois, selon la procédure de législation en commission.
L'amélioration des conditions de travail des sapeurs-pompiers est une priorité du Sénat : en témoigne l'adoption de la proposition de loi de Mmes Poumirol et Nédélec sur leur exposition aux substances nocives.
Treize mille sapeurs-pompiers exercent les fonctions de médecin, de pharmacien, d'infirmier ou de psychologue. Les médecins exercent des fonctions de soins aux victimes et aux sapeurs-pompiers, de médecine d'aptitude ou de prévention. Pourtant, les dispositions en vigueur s'opposent à l'exercice cumulatif de ces missions. En toute rigueur, les Sdis devraient recruter des agents selon chaque spécialité - exigence irréaliste, compte tenu des contraintes financières et de la rareté des professionnels de santé. Enfin, la pluralité des missions exercées par les sapeurs-pompiers est justement l'un des attraits de la fonction.
La proposition de loi découle d'un constat simple : un décalage entre l'exercice des missions de médecin sapeur-pompier d'une part et le cadre législatif d'autre part.
Le texte lève donc la contrainte normative. L'article 1er donne une base législative à l'exercice pluriel. La commission a précisé la mission des médecins en confortant l'articulation entre sapeurs-pompiers et urgentistes. Bien sûr, ces médecins doivent valider une formation spécifique que le pouvoir réglementaire devra préciser.
Le texte clarifie aussi les missions affectées aux infirmiers, aux pharmaciens, aux vétérinaires et aux psychologues. Pour plus de lisibilité, la commission a regroupé l'ensemble des dispositions au sein d'un nouveau chapitre du code de la sécurité intérieure.
Elle n'a pas jugé pertinent de créer un nouveau cadre d'emploi, comme le prévoyait l'article 3 initial. Cela aurait entraîné la fusion des cadres actuels et aurait soulevé des questions statuaires complexes. La commission a donc maintenu la suppression de cette disposition.
La précision relative à la composition de la sous-direction Santé au sein du code général des collectivités territoriales a été acceptée par la commission, qui est cependant revenue à la dénomination de la loi Matras, « sous-direction Santé », que les acteurs se sont appropriée. Elle a supprimé les deux rapports prévus, ainsi que l'article 7 sur l'organisation des campagnes d'information de prévention, qui ne nécessitait pas d'assise législative.
Elle a aussi supprimé les dérogations prévues à l'article 6 relatives au personnel du service de santé des armées, déjà satisfaites par le droit actuel. La commission n'en est pas moins attachée à favoriser la mobilité de ces professionnels vers les Sdis. Plus largement, le Gouvernement devra être attentif aux difficultés de recrutement lors du Beauvau de la sécurité civile.
Ce texte ne résoudra pas tout, mais il apporte une clarification bienvenue : la commission vous propose de l'adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDSE et du RDPI ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
Discussion des articles
Article 7 bis A (Réservé - LEC)
Mme la présidente. - Amendement n°2 de Mme Dumont, au nom de la commission des lois.
Mme Françoise Dumont, rapporteure. - Coordination, compte tenu du transfert de la compétence sécurité civile à la Nouvelle-Calédonie par la loi du pays du 20 janvier 2012.
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis favorable. J'avais donné un avis défavorable sur un précédent amendement qui incluait la Polynésie. La sénatrice de la Polynésie a rappelé avec tact qu'il n'existait pas de Sdis en Polynésie - aussi cet amendement ne concerne-t-il que la Nouvelle-Calédonie.
L'amendement n°2 est adopté.
Article 8 (Réservé - LEC)
Mme la présidente. - Amendement n°1 du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Levée de gage.
Mme Françoise Dumont, rapporteure. - Avis favorable.
L'amendement n°1 est adopté et l'article 8 est supprimé.
Explications de vote
Mme Solanges Nadille . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.) Le terrible accident survenu le 8 mai à Baie-Mahault, qui a fait cinq morts, rappelle l'importance de nos services de secours. Samedi 10 mai, un pompier a été blessé à Évian-les-Bains lors d'un rodéo urbain : il est toujours entre la vie et la mort. J'adresse tout mon soutien à ses proches.
Ce drame met en lumière le rôle essentiel joué par ces femmes et ces hommes au service de nos concitoyens.
Cette proposition de loi attendue vise à mieux organiser les missions des professionnels de santé, des vétérinaires, des psychothérapeutes et des psychologues exerçant au sein des Sdis. Ils interviennent dans trois domaines : les soins d'urgence, la médecine d'aptitude et la médecine de prévention, mais aucune disposition ne reconnaît cette polyvalence. En théorie, un médecin ne pourrait pas cumuler ces fonctions. Ce texte met le droit en phase avec la réalité du terrain.
La commission l'a recentré sur l'essentiel.
La proposition de loi est une réponse à la baisse inquiétante du nombre de médecins volontaires ou professionnels dans les Sdis, respectivement de 20 % et de 4 % en dix ans, alors que les effectifs globaux augmentent : on compte 240 000 sapeurs-pompiers, dont plus de 40 000 professionnels. Les besoins grandissent tandis que les moyens médicaux diminuent. En apportant une reconnaissance statutaire, ce texte s'inscrit dans un objectif partagé : protéger ceux qui nous protègent.
Je salue l'auteur du texte et la rapporteure du Sénat. Le RDPI votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Michel Masset . - Les professionnels de santé dans le Sdis jouent un rôle essentiel, mais discret. Ils exercent des activités multiples : surveillance de la condition physique des sapeurs-pompiers, médecine d'aptitude, conseil en matière de prévention, soutien sanitaire aux interventions d'urgence, participation aux actions de formation... La méconnaissance de ces activités explique peut-être l'absence de cadre juridique favorable. Cette proposition de loi y remédie.
En levant le flou, en consolidant juridiquement le cumul d'activités par un même médecin, nous entérinons la polyvalence de ces professionnels, à l'instar de celle des médecins des armées. Le législateur a le devoir d'accompagner la réalité, non en empilant les normes, mais en clarifiant le cadre d'action. En veillant à la lisibilité du droit et en rejetant des dispositions inopportunes, le Sénat a joué son rôle ; j'en remercie la rapporteure, Françoise Dumont.
Ce texte ne résoudra pas tout, mais c'est une première étape. Nous devrons aller plus loin pour renforcer l'attractivité de ces métiers, notamment en matière de rémunération.
Le nombre de médecins sapeurs-pompiers, en particulier volontaires, ne cesse de diminuer, alors qu'ils font face à des défis croissants, notamment l'exposition à des substances nocives. Dans bien des départements, les Sdis sont l'un des derniers maillons des services de médecine de proximité encore accessibles.
L'engagement volontaire est de plus en plus rare. Ce texte est donc une pierre utile à l'édifice. Notre groupe le votera à l'unanimité. Enfin, j'exprime mon soutien aux pompiers agressés de manière inacceptable ces derniers jours. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
M. Paul Toussaint Parigi . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) À mon tour et au nom de mon groupe, j'apporte un soutien sans faille aux pompiers blessés ce week-end, à qui je souhaite un prompt rétablissement. Cette proposition de loi répond aux attentes légitimes des acteurs de la sécurité civile, confrontés à nombre de défis : augmentation des interventions, diversification des risques et exposition aux risques sanitaires et psychosociaux, notamment.
Je salue la hausse du nombre de sapeurs-pompiers, mais la majorité d'entre eux sont des volontaires. La difficulté de recrutement des professionnels de santé au sein des Sdis rendait urgente l'adaptation du cadre réglementaire. Les médecins des services d'incendie et de secours ont longtemps été corsetés dans des dispositions fragmentaires et inadaptées.
Refuser à un médecin de cumuler ces activités de soins revenait à méconnaître la réalité et les enjeux des territoires confrontés à un manque de professionnels de santé. Ce texte offre une reconnaissance et une sécurisation juridique.
Il était crucial de reconnaître la contribution inestimable de ces hommes et femmes qui exercent des missions primordiales en matière d'urgence, de soins, de prévention et de formation. Cette inscription dans le marbre législatif leur accorde enfin la reconnaissance légitime qu'ils méritent.
L'intégration des militaires du service de santé des armées au sein des Sdis les enrichit et les renforce.
Nous ne saurions ignorer la dimension humaine de cette réforme qui prend en compte les risques psychosociaux : protégeons ceux qui nous protègent en leur offrant un cadre de travail sain.
Notre groupe votera cette avancée majeure. Nous serons attentifs aux mesures de formation, à la prévention des risques psychosociaux et à la valorisation du volontariat. Nous souhaitons que le Beauvau de la sécurité civile trouve des réponses adaptées pour l'attractivité des métiers.
En votant cette proposition de loi, nous faisons confiance à l'intelligence du terrain, à la loyauté des professionnels ; nous votons pour la reconnaissance de ces personnels. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDSE, du RDPI et du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
Mme Céline Brulin . - Voilà quelques semaines, nous examinions la proposition de loi de nos collègues Poumirol et Nédélec sur la reconnaissance de l'exposition de sapeurs-pompiers à des facteurs cancérogènes, mutagènes ou toxiques.
Nos sapeurs-pompiers font face à de nombreux enjeux, et nous saluons le travail de la représentation nationale en la matière. J'ai aussi une pensée pour ce sapeur-pompier volontaire de Haute-Savoie percuté par un automobiliste, alors qu'il tentait de mettre fin à un rodéo.
Cela montre à quel point les sapeurs-pompiers mènent des actions toujours plus diverses, avec l'affaiblissement des services publics. Cette proposition de loi sécurise juridiquement les professionnels de santé parmi eux et améliore l'attractivité de leurs métiers. Nous soutenons pleinement cet objectif et voterons donc ce texte.
Comme l'a dit la rapporteure, si la clarification juridique est bienvenue, une revalorisation de leur rémunération est indispensable pour enrayer la baisse des effectifs : depuis dix ans, ces professionnels sont passés de 4 484 à 3 492 - effet collatéral de la désertification médicale, qui laisse aux médecins peu de latitude pour s'engager dans les Sdis.
La proposition de loi visait au départ à créer un cadre unique. Cette option a été écartée, car 95 % des effectifs sont volontaires. Les cadres d'emplois sont cependant rapprochés.
Il est intéressant de constater que des organisations moins fondées sur la surspécialisation, moins en silos, existent. Les médecins des Sdis pratiquent une médecine plurielle et polyvalente, à contre-courant du discours dominant. Comme quoi, une autre organisation médicale est possible !
Notre groupe votera ce texte.
Je relaie les revendications relatives à la baisse de l'indemnité en cas de maladie de 100 à 90 % dans la dernière loi de finances, avec le soutien de la majorité sénatoriale ; n'oublions pas qu'une partie importante de la rémunération des sapeurs-pompiers est constituée de primes.
Promouvoir des mesures en en adoptant d'autres qui les font reculer est paradoxal.
La hausse des cotisations employeurs de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) impactera également les Sdis jusqu'en 2028. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER, du RDPI et du RDSE)
M. Ronan Dantec . - Moi aussi, j'ai une pensée pour le sapeur-pompier volontaire gravement blessé ce week-end.
Ce texte a trait à ce que la rapporteure a appelé un décalage entre les missions des personnels de santé des services d'incendie et de secours et un cadre normatif inadapté. Il reconnaît leur polyvalence à la croisée du soin, de la prévention et de l'expertise. Nous saluons les efforts de précisions des articles 1er et 2 sur le rôle des professionnels de santé.
Une reconnaissance explicite est le premier levier pour mettre un terme à la baisse des effectifs, de 20 % en dix ans pour les médecins volontaires.
Mais si le texte pose un cadre, il n'apporte aucun moyen ; or c'est le coeur du problème. Nous n'avons pas seulement besoin de rapports supplémentaires sur les risques psychosociaux, comme à l'article 2 bis, pour savoir que l'accroissement des interventions, la baisse des effectifs, la stagnation des budgets et les conditions de travail dégradées sont en cause. Nous avons besoin de nouveaux moyens de recrutement, de formation, de reconnaissance financière. À quoi bon lancer des campagnes d'information sans cela ? Il faudra donc agir dans le cadre de la prochaine loi de finances.
Les défis sont immenses : vieillissement des effectifs, recrudescence des agressions, comme ce week-end, exposition accrue aux produits toxiques et nouveaux risques liés aux catastrophes climatiques ou technologiques, sans parler de l'adaptation au changement climatique.
Le financement par des départements à bout de souffle doit être revu.
Nous plaidons pour la reconnaissance de la pénibilité de ces métiers et pour un véritable plan de recrutement et de formation.
Soulignons la place croissante des femmes, qui représentent 57 % de ces métiers : valoriser ces métiers, c'est donc aussi renforcer l'égalité professionnelle.
Le GEST votera ce texte qui va dans le bon sens, tout en restant mobilisé pour améliorer les conditions de travail dans un service public d'importance vitale.
Mme Émilienne Poumirol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du RDPI et du RDSE) Je m'associe aux pensées en direction du sapeur-pompier grièvement blessé lors d'un rodéo.
Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi qui met en lumière les enjeux des professionnels de santé au sein des Sdis, lesquels interviennent de plus en plus souvent, en dépit des ajustements apportés par la loi Matras. On peut se réjouir de la hausse de leurs effectifs, puisqu'on compte 252 700 sapeurs-pompiers, dont 197 000 volontaires, accompagnés de 3 724 médecins, 7 843 infirmiers, 564 pharmaciens, 306 vétérinaires, 347 psychologues et 86 cadres de santé.
Sécuriser leur cadre d'emploi en le formalisant dans le code de la sécurité intérieure apporte une reconnaissance concrète de leurs missions. Nous saluons le travail de la rapporteure qui y a apporté cohérence et sécurité juridique.
La polyvalence doit être reconnue sous réserve d'une formation adéquate : cela devrait rassurer l'ordre des médecins et les collèges d'enseignement des médecins du travail, qui y étaient opposés. L'attractivité du métier réside dans la multiplicité des missions exercées. Elle est aussi liée à la rémunération ; or celle-ci n'est pas à la hauteur et explique les difficultés de recrutement. Monsieur le ministre, j'espère que le Beauvau prendra ces questions en compte.
Mettre fin à la guerre des « rouges » et des « blancs » est une nécessité. Dès 2016, j'ai fait signer dans mon département une convention entre le Samu et le Sdis, grâce à laquelle le nombre d'interventions en Haute-Garonne stagne, à 56 000 chaque année, alors que la population augmente de 15 000 à 20 000 habitants par an. Je suis très fière de cette bonne entente.
Pour avoir visité une plateforme à Reus, en Espagne, et le 911 à Boston, je peux témoigner que nous pourrions gagner un temps de traitement important au travers de telles plateformes, qui intègrent même l'action de la police.
Enfin, il est important de reconnaître les cancers liés à la toxicité des substances inhalées. Nous attendons toujours le rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) à ce propos. Le groupe SER votera cette proposition de loi.
M. Joshua Hochart . - Nos sapeurs-pompiers incarnent une certaine idée de la France : celle du courage, du dévouement et de la proximité au service de nos compatriotes. Ils sont au coeur de la nation. Nous devons reconnaître leurs missions. Je m'associe aux pensées en direction de Niccolo Scardi, sapeur-pompier d'Évian-les-Bains gravement blessé après avoir été renversé par un délinquant lors d'un rodéo urbain. Médecins, infirmiers, pharmaciens, psychologues sont essentiels au fonctionnement de nos services de secours, mais leur statut reste flou, leur engagement sous-évalué et leur avenir, incertain.
Ces professionnels ne demandent ni privilèges ni faveurs, mais une reconnaissance des conditions spécifiques de leur travail. Ils ne sont pas en concurrence avec le Samu, mais assurent une complémentarité importante dans des territoires ruraux en déficit, par leur maillage. Leur réactivité fait la différence pour les urgences vitales.
J'alerte sur la situation du Sdis du Nord : pourtant pionnier il y a dix ans en matière de secours paramédicalisés, il a supprimé deux véhicules de secours infirmiers et un autre de soutien sanitaire. Cela fragilise l'accès aux soins d'urgence, notamment à Douai et Denain. Mais le conseil d'administration du Sdis se refuse à tout dialogue...
Ce texte pose un cadre juridique attendu de longue date. Mais il devra s'inscrire dans une réforme plus large de la sécurité civile. Je le voterai, en restant attentif à sa mise en oeuvre concrète.
Mme Marie-Claude Lermytte . - Risquer sa vie pour celle des autres : c'est ce que font chaque jour les femmes et les hommes engagés dans les Sdis. Saluons leur courage.
Parmi les 43 000 sapeurs-pompiers professionnels et les 199 000 sapeurs-pompiers volontaires, figurent des médecins, infirmiers, pharmaciens, psychologues ou encore des vétérinaires.
En pratique, les médecins viennent en aide aux victimes, pratiquent la médecine de prévention et la médecine du travail des sapeurs-pompiers. Mais le droit ne les y autorise pas : pour respecter la loi, les Sdis devraient recruter un professionnel par spécialité. Or une baisse des effectifs s'observe dans tous les territoires : les médecins des Sdis, qui constituent 95 % de ces professionnels, sont 20 % de moins qu'il y a dix ans.
Un des objectifs de cette proposition de loi est de rectifier le cadre juridique en permettant l'exercice de ces missions par un seul médecin. Cela offrira à tous les professionnels de santé la reconnaissance qu'ils méritent.
Je salue l'action des psychothérapeutes dans les Sdis. Dans le Nord, quatorze pompiers se sont suicidés ces quatre dernières années. Les agressions sont en hausse de 3 % en 2024, soit plus de 1 500 actes.
Ce week-end, en Haute-Savoie, des sapeurs-pompiers ont été agressés - l'un d'entre eux est encore entre la vie et la mort ; nous les assurons de notre soutien.
Les pompiers sont confrontés à des risques psychosociaux particuliers et doivent bénéficier d'un réel accompagnement psychologique. Je rappelle ce chiffre effrayant : les agressions contre les sapeurs-pompiers ont augmenté de 380 % en quinze ans !
En commission, nous avons été attentifs à la suppression de l'amendement exigeant une validation de la formation. Mais il est essentiel que les professionnels qui interviennent soient les plus formés possible : il est préférable d'avoir un médecin anesthésiste qui a l'habitude d'intuber des patients qu'un biologiste...
Le but d'une telle mesure n'est pas de rigidifier, mais de donner le maximum de chances aux personnes secourues. La suppression de cette mesure ne nous empêchera pas de voter le texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)
M. Laurent Somon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue le travail de la présidente et de la rapporteure de la commission des lois sur cette proposition de loi du député Jean-Carles Grelier visant à améliorer les conditions de travail des personnels de santé travaillant dans les Sdis, où ils exercent une mission essentielle.
Les Sdis protègent les personnes et les biens, luttent contre les périls et les accidents de toute nature. Nous exprimons notre reconnaissance à leurs personnels pour leur engagement quotidien et les sacrifices parfois consentis. Nous pensons en particulier au sapeur-pompier agressé il y a quelques heures en Haute-Savoie.
Cette proposition de loi ne résoudra pas le déficit d'attractivité dont souffrent ces métiers, mais dote d'une base légale l'exercice cumulatif par les médecins de sapeurs-pompiers de la médecine de soins, de la médecine d'aptitude et de médecine de prévention. Le Sénat a modifié le texte dans le sens d'une lisibilité et d'une opérationnalité renforcées.
Alors que les dispositions réglementaires en vigueur ne permettent pas l'exercice cumulatif de ces différentes missions, l'article 1er aligne le régime applicable aux médecins des sapeurs-pompiers sur celui du service de santé des armées. Les pharmaciens, infirmiers, psychologues et vétérinaires sont également concernés.
Je me félicite du travail de simplification opéré par la commission des lois, qui limitera le recours au règlement et à des régimes dérogatoires.
Il faudra par ailleurs se pencher sur les difficultés de recrutement, afin de relever les nombreux défis liés à l'adaptation aux nouveaux risques.
Le groupe Les Républicains votera ce texte, qui sera source d'amélioration du service rendu à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI ; M. Jean-Luc Ruelle applaudit également.)
La proposition de loi est adoptée.
Mme Françoise Dumont, rapporteure. - Je salue cette belle unanimité. La communauté des sapeurs-pompiers, fortement ébranlée ces derniers jours, vous en saura gré. Cette mesure de cohérence est un témoignage de notre reconnaissance pour le travail accompli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Yannick Neuder, ministre. - Je salue le travail de Jean-Carles Grelier, auteur du texte, de votre rapporteure, Françoise Dumont, et de la présidente de votre commission des lois. Nous avons travaillé efficacement pour améliorer la prise en charge des patients sur nos territoires, à l'heure où les missions des sapeurs-pompiers évoluent fortement. Je salue le travail des bénévoles et la coordination entre « blancs » et « rouges », qui permet de gérer les situations difficiles et d'améliorer le pronostic des patients dans les cas critiques : infarctus, arrêts cardiaques, accidents vasculaires, traumatismes graves... Je me félicite de l'adoption de ce texte, qui concourra à améliorer l'accès aux soins.
Accueil et information des personnes retenues (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues, présentée par Mme Marie-Carole Ciuntu.
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
Mme Marie-Carole Ciuntu, auteure de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.) Cette proposition de loi, cosignée par 96 collègues, est un outil parmi d'autres pour redonner à notre pays la maîtrise de sa politique migratoire.
La mission d'information et d'assistance juridique auprès des personnes retenues dans les centres de rétention administrative (CRA) est confiée par l'État à certaines associations. Nous proposons qu'il l'exerce désormais lui-même, en s'appuyant sur l'Ofii.
Actuellement, la Cimade, en situation de monopole de 1984 à 2008, et quatre autres associations interviennent dans les vingt-cinq CRA, à raison d'une par centre. Mais elles agissent en vertu d'une délégation de l'État, à qui cette mission revient pleinement et qui peut décider de la confier à d'autres opérateurs ou de l'exercer directement.
Il s'agit de savoir si ces associations peuvent conserver ce rôle sans entraver la politique de l'État lui-même.
Les CRA visent à maintenir dans un lieu fermé des étrangers en situation irrégulière ayant fait l'objet d'une décision d'éloignement, dans l'attente d'un retour dans leur pays. La grande majorité d'entre eux présentent une menace pour l'ordre public.
Chacun a le droit d'assurer sa défense, nul ne le conteste. Mais les associations qui interviennent dans les CRA, avec le soutien financier de l'État, ne sont généralement pas neutres ; certaines s'opposent même systématiquement au départ des étrangers, quelles que soient leurs situations.
Seulement 40 % des personnes retenues quittent effectivement notre territoire, et les difficultés d'obtention des laissez-passer consulaires ne sont pas seules en cause : les recours incessants préparés par les associations expliquent aussi cette situation.
En outre, comme le fait observer la Cour des comptes, alors que le nombre de personnes retenues a baissé de 20 %, le coût de leur assistance juridique par les associations a augmenté de 30 %. Sans compter que l'aide juridictionnelle couvre aussi les frais de certaines missions, comme la rédaction de mémoires, pour lesquelles les associations sont également rémunérées.
Il nous revient de nous assurer que cet argent public est utilisé à bon escient. Or, au vu des résultats obtenus, il n'est pas raisonnable de continuer ainsi.
Le choix initial de confier ces missions à des associations militantes et souvent frontalement opposées à la politique migratoire du Gouvernement, ce qui est leur droit le plus strict, portait en germes des contradictions devenues insurmontables dans un contexte de fort accroissement des flux migratoires et alors que la population placée en CRA a changé de nature. Avec le système actuel, c'est comme si nous étions à l'origine de notre propre impuissance.
Les tribunaux sont embolisés par la multiplication de recours formés systématiquement, parfois sans que la personne retenue en soit réellement à l'origine. Il est grand temps de considérer que ce ne sont pas les associations qui définissent la politique de l'État, mais que c'est à lui de mettre en oeuvre sa politique d'immigration, dans le respect du droit des personnes retenues à être défendues.
L'Ofii est déjà présent dans les CRA, et son directeur général, M. Leschi, se dit prêt à reprendre ces missions. Il est temps de passer des paroles aux actes ! Le drame de la jeune Philippine nous a montré que les décisions prises à l'encontre des étrangers en situation irrégulière présentant un danger particulier ont, dans la plupart des cas, raison d'être et vocation à s'appliquer.
Cette proposition de loi complète celle de Jacqueline Eustache-Brinio, qui autorise l'allongement de la durée de rétention.
Je le répète, les coûts liés à l'intervention des associations sont en hausse, pour un nombre de personnes retenues qui décroît. Ainsi, dans un contexte de fortes difficultés budgétaires, des sommes croissantes sont versées à des associations qui n'ont de cesse de condamner l'existence même des CRA et dont certaines soutiennent que tout étranger présent dans notre pays doit être accueilli. Le statu quo n'est plus possible.
En attendant une grande loi sur l'immigration qui passera certainement par une consultation directe des Français, la politique des petits pas peut être utile. Nous ne pouvons déplorer que les obligations de quitter le territoire français (OQTF) soient de moins en moins exécutées sans chercher des solutions !
Sans remettre en cause la sincérité et l'engagement des associations, je tiens à répondre par anticipation au procès en inhumanité qui ne manquera pas de nous être intenté. Je me suis déplacée en CRA et continuerai de le faire dans le cadre de ma mission de contrôle financier : j'ai constaté l'efficacité des personnels de l'Ofii et leur connaissance du terrain. L'inhumanité consiste, selon moi, à maintenir coûte que coûte sur le territoire national des étrangers qui ont souvent vécu des parcours difficiles sans réelle perspective. Je ne suis pas certaine que la schizophrénie actuelle de notre politique leur offre les meilleures chances de s'en sortir. (M. Thomas Dossus s'exclame.)
Je pense à nos policiers, confrontés à des situations d'une extrême dangerosité. Avant de se protéger eux-mêmes, ils pensent à protéger les étrangers retenus, contre eux-mêmes ou contre les autres. Si nous ne rétablissons pas de la cohérence dans notre politique migratoire, nos agents s'épuiseront à chercher le sens de leur mission.
Reprenons le contrôle de notre politique migratoire : c'est ce qu'attendent de nous les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)
M. David Margueritte, rapporteur de la commission des lois . - Cette proposition de loi de Mme Ciuntu a été adoptée par la commission des lois.
Je commencerai par rappeler le cadre juridique actuel de l'information et de l'assistance aux personnes retenues ou en zone d'attente. J'en soulignerai ensuite les défaillances, qui me semblent justifier pleinement ce texte.
La Cimade a bénéficié du monopole de l'assistance aux personnes retenues avant l'ouverture à la concurrence de 2008, depuis laquelle d'autres associations interviennent, dont France Terre d'asile.
Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) prévoit des missions d'accueil, d'information et de soutien et renvoie à un décret en Conseil d'État. C'est dans ce cadre que des conventions sont conclues avec les associations, qui assurent une permanence dans les centres six jours sur sept.
Pourquoi ce système ne fonctionne-t-il pas correctement ?
Il y a d'abord la question du coût : de plus de 7 millions d'euros l'année dernière, selon la Cour des comptes, il sera porté à plus de 9 millions d'euros cette année, sans corrélation aucune avec le nombre de personnes retenues, qui diminue. (MM. Thomas Dossus et Guy Benarroche protestent.)
Il n'est pas douteux que les associations remplissent leurs missions, à voir la massification des contentieux devant les tribunaux... Cette systématisation des recours est la traduction d'une posture...
M. Guy Benarroche. - Ce n'est pas une posture, c'est le respect du droit !
M. David Margueritte, rapporteur. - ... alors que les associations sont soumises à un strict devoir de neutralité dans l'accomplissement de leurs missions de service public, sans préjudice de la liberté d'expression et de plaidoyer qu'elles ont par ailleurs. Certaines affirment que la politique d'éloignement pose problème en soi : il est permis de s'interroger sur la portée militante de leur action.
Le nombre de recours atteint 48 000, en hausse de plus de 30 % en deux ans. Leur faible taux de succès indique qu'ils sont souvent peu fondés.
L'Ofii intervient déjà dans les CRA, notamment pour délivrer une information sur les conditions matérielles du retour. Les associations interviennent ensuite, souvent au moyen de formulaires préremplis, que les avocats découvrent à l'audience ; des mémoires complémentaires sont rarement élaborés. Dans ces conditions, il est permis de s'interroger sur l'effectivité du droit à bénéficier d'un recours et à être défendu.
Par ailleurs, l'aide juridictionnelle a vocation à couvrir toutes les diligences dans le recours. L'État ne paie-t-il pas certains frais deux fois : à travers l'association qui prépare le recours, puis l'avocat commis d'office qui représente la personne retenue ? (M. Roger Karoutchi renchérit.)
Enfin, des incidents émaillent ici ou là l'action des associations, reflétant une perméabilité entre missions de service public et actions militantes. Je pense aux recours signés à la hâte, parfois à blanc... (Protestations sur les travées du GEST)
Les auteurs de la proposition de loi souhaitent mettre en place une procédure simplifiée et plus efficiente : information assurée par l'Ofii, assistance juridique confiée aux avocats, dont nul ne peut douter de l'indépendance. Ce système ne contrevient à aucun principe constitutionnel, conventionnel - Convention européenne des droits de l'homme ou directive Retour -, légal ou jurisprudentiel. Au reste, il a cours dans plusieurs pays voisins : Allemagne, Espagne, Pays-Bas.
Les zones d'attente se verraient appliquer le même régime que les CRA.
Le directeur général de l'Ofii a déclaré être prêt à assurer cette mission, moyennant quelques ETP supplémentaires.
Je vous invite à adopter ce texte, qui offre toutes les garanties d'indépendance pour une information éclairée et un recours garanti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie Mme Ciuntu pour son initiative, qui fait suite à l'excellent rapport qu'elle a publié comme rapporteur spécial. Je soutiens avec force ce texte. (On ironise sur les travées du GEST.)
Nous en avons besoin pour mettre fin à une situation qui révolte une grande partie de nos compatriotes : la difficulté à éloigner les personnes retenues en CRA. Après les drames récents, dont celui de la jeune Philippine, les Français ne comprennent pas que des individus dangereux - 90 % des personnes retenues en CRA présentent un risque de trouble à l'ordre public - puissent se retrouver dans la nature.
Le premier chantier est celui de la réadmission dans les pays d'origine.
Un autre consiste à répondre à la triple défaillance constatée dans les CRA : trop peu de places, trop peu de temps pour la rétention et trop peu de cohérence.
S'agissant des places, nous allons porter leur nombre de 2 000 à 3 000. Trois nouveaux centres ouvriront l'année prochaine, à Bordeaux, Dunkerque et Dijon.
En ce qui concerne le délai de rétention, la proposition de loi de Mme Eustache-Brinio opère, pour les personnes les plus dangereuses, un alignement sur le régime des délinquants sexuels et des terroristes, soit une durée maximale portée à 210 jours. Les préfets disposeront d'un droit d'appel suspensif contre les décisions de libération prononcées par le juge des libertés et de la détention.
La présente proposition de loi comble la troisième faille. Il s'agit de renforcer la cohérence de l'action menée en confiant à l'Ofii le rôle joué actuellement par les associations.
À mon arrivée au ministère, j'ai rapidement mis cette proposition sur la table. Je n'ignore rien des polémiques qu'elle a suscitées, mais j'assume de dire la vérité aux Français : l'État a confié des missions de service public à des associations, rémunérées par l'argent du contribuable, qui outrepassent leur rôle et entravent l'action de l'État par pur militantisme. (Nombreuses marques d'assentiment sur les travées du groupe Les Républicains ; protestations sur les travées du GEST ; Mme Corinne Narassiguin proteste également.)
Ces associations combattent l'idée même de retour, inscrite dans les lois de la République. Elles multiplient les recours et les démarches dilatoires, sans même parfois que les étrangers les aient demandées ou en soient avertis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Thomas Dossus et Mme Corinne Narassiguin s'indignent.)
Agences, opérateurs : nous avons été beaucoup trop loin dans le démantèlement de l'État.
M. Pascal Savoldelli. - C'est Sarkozy !
M. Guy Benarroche. - À quoi pensez-vous ? L'OFB et l'Ademe, au hasard ?
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - L'accomplissement de missions de service public s'accompagne d'une exigence d'impartialité et de neutralité. Lorsqu'une association expose dans une salle d'un CRA des affiches « La France déporte », on en est loin... Il est scandaleux de faire un amalgame entre la politique de retour des étrangers et les heures les plus sombres de notre histoire ! (M. Thomas Dossus proteste.)
M. Roger Karoutchi. - Très bien !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - L'Ofii, déjà fortement présent dans les CRA, dispose de la compétence et de la légitimité nécessaires pour exercer ces missions. Ses agents, comme tous les fonctionnaires, sont soumis au devoir de neutralité et à l'obligation de réserve.
Dans sa décision du 28 mai dernier, le Conseil constitutionnel a jugé que les étrangers en situation irrégulière ont droit à l'aide juridictionnelle pour se faire représenter par un avocat. Oui à la défense des droits, non à la contestation militante du devoir de l'État de faire respecter ses lois !
Ce n'est pas un marqueur idéologique : c'est ce que demandent les Français et c'est une question d'ordre public, alors que 90 % des étrangers en CRA présentent un profil dangereux. Cette proposition de loi contribuera à la protection des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. François Patriat applaudit également.)
Exception d'irrecevabilité
Mme la présidente. - Motion n°1 de M. Brossat, au nom du groupe CRCE-K.
M. Ian Brossat . - Je remercie les orateurs précédents pour leur franchise. Pas d'enrobage : leur intention est de mettre à mal les principes fondamentaux de l'État de droit. (Marques d'indignation à droite ; on renchérit sur les travées du GEST.)
M. Roger Karoutchi. - Il faut oser !
M. Ian Brossat. - Dans Paris Match, la semaine dernière, Mme la rapporteure a parlé de freins qui nous empêcheraient d'agir : les juges et la jurisprudence. Mais, sans contre-pouvoirs, il n'y a plus de République, il n'y a que l'arbitraire ! Pour le ministre de l'intérieur, l'État de droit n'est ni intangible ni sacré. Mais si l'État de droit est négociable, plus rien ne nous protège.
Depuis des mois, cet hémicycle est monopolisé par des textes sur l'immigration : remise en cause des accords avec l'Algérie, interdiction de mariage pour les sans-papiers, remise en cause des allocations versées aux étrangers en situation régulière... Il s'agit, cette fois, de retirer aux associations leur rôle d'information juridique.
Ce texte porte manifestement atteinte aux libertés fondamentales, en particulier au droit à un recours effectif, garanti par la Constitution et la Convention européenne des droits de l'homme. Sous couvert d'efficacité, on prétend affaiblir un peu plus encore l'État de droit. Vous assumez de rendre le droit moins lisible et accessible, pour réduire la possibilité des personnes enfermées de disposer d'une information neutre et efficace.
L'Ofii est sous la tutelle du ministère de l'intérieur. En lui confiant la mission d'informer les personnes retenues, vous voulez en finir avec la présence d'acteurs indépendants dans les CRA : les associations, comme France Terre d'asile et la Cimade, qui, depuis plus de quarante ans, assument cette mission avec rigueur et engagement.
Ce sont les seuls acteurs présents au quotidien dans les CRA. Pourquoi les écarter ? Pas parce qu'elles feraient mal leur travail, ni parce qu'elles coûteraient trop cher - 7 millions d'euros par an, soit 0,4 % du budget de la politique d'éloignement -, ni parce qu'elles manqueraient à leurs missions. Ce que vous leur reprochez, c'est leur indépendance ; ce qui vous est insupportable, c'est qu'elles jouent leur rôle de vigies citoyennes dans des lieux où l'arbitraire menace.
Elles s'assurent que les droits sont respectés en traduisant, expliquant, écoutant, dans des délais très contraints : 48 heures pour une mesure d'éloignement, 96 heures pour une prolongation de détention. Elles aident les personnes à comprendre les procédures, à contacter un avocat. Les avocats reconnaissent que, sans elles, leur travail deviendrait impossible.
Comment imaginer que la main qui enferme soit aussi celle qui informe pour permettre aux personnes de se défendre ? Le Conseil d'État l'a dit en 2009 : l'accompagnement juridique doit être assuré par des personnes morales indépendantes. De même, le Pacte européen sur la migration et l'asile proscrit tout conflit d'intérêts pour les personnes exerçant la mission d'information. Or l'Ofii dépend du ministère qui organise les éloignements et qui enferme. Lui confier la mission d'informer est incohérent et contraire à nos principes fondamentaux.
En outre, l'Ofii n'a pas les moyens de mener à bien ses missions. Sur 47 000 dossiers, il n'a mené que neuf évaluations de vulnérabilité... Il n'aurait pas non plus la confiance des personnes concernées, puisqu'il apparaîtrait comme l'exécutant d'une politique répressive, assumée par le ministre.
Vous prétendez que les avocats compenseront, mais, contrairement aux associations, ils ne sont pas présents en continu dans les CRA. Sans les associations, l'accès au droit deviendrait illusoire : qui assurera les traductions, qui préparera les recours ? En réalité, vous voulez moins de recours en supprimant les conditions qui permettent leur exercice !
Ce n'est pas une réforme, c'est un effacement : vous voulez faire taire les associations parce qu'elles offrent un regard indépendant et alertent sur les entorses à nos principes. Mais tout être humain a le droit d'être défendu. Ce texte affaiblit, abîme, détruit. La République ne devrait pas s'arrêter aux portes des centres de rétention ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST ; Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.)
M. David Margueritte, rapporteur. - Avis défavorable. L'effectivité du droit ne se mesure pas au nombre de recours, souvent rédigés à la hâte, de manière systématique et de piètre qualité. Nul ne remet en cause la liberté d'expression des associations, y compris lorsqu'elles s'opposent avec virulence à la politique d'éloignement. Mais lorsqu'elles sont délégataires d'une mission de service public, elles sont tenues à la neutralité. L'Ofii est un établissement public, soumis à cette exigence de neutralité : je vous renvoie aux lois d'Anicet Le Pors... Au reste, l'assistance juridique sera assurée par les avocats. Il n'y a donc aucun problème d'impartialité - et nous cesserons de payer les mêmes frais deux fois.
M. Guy Benarroche. - Il faudra bien payer l'avocat !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Votre conception de l'État de droit, monsieur Brossat, est à géométrie variable. L'État de droit, ce n'est pas le militantisme, c'est l'impartialité. Or, par pur militantisme, les associations s'opposent, par principe, à la politique de retour prévue par nos lois, de surcroît pour des personnes dont 90 % sont dangereuses - souvenez-vous du drame de la jeune Philippine.
M. Thomas Dossus. - Quel rapport avec la Cimade ?
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Il faut un meilleur équilibre entre l'information nécessaire des personnes retenues et les exigences d'impartialité et de neutralité.
Nul ne conteste l'action de l'Ofii, qui mène ses missions avec professionnalisme.
En dix ans, la rémunération des associations a doublé, sans aucune corrélation avec les effectifs des personnes retenues. La nouvelle procédure représentera une économie de plus de 6 millions d'euros.
M. Guy Benarroche. - On aimerait un chiffrage plus précis...
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Monsieur Brossat, vous nous accusez d'avoir remis en cause les accords entre la France et l'Algérie : je pense que vous plaisantez.
M. Roger Karoutchi. - Provocation !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Faut-il rappeler que l'attentat de Mulhouse a été commis par un Algérien qui n'avait rien à faire sur notre territoire et que son pays avait refusé de reprendre à quatorze reprises ?
M. Ian Brossat. - Quels progrès avez-vous obtenus ?
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Que Boualem Sansal, malgré son âge et sa maladie, croupit dans les geôles algériennes ? Et que le prix Goncourt Kamel Daoud fait désormais l'objet d'un mandat d'arrêt émis par l'Algérie ? (Nombreuses marques d'assentiment à droite)
Notre obsession, c'est la sécurité et la protection des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)
M. Laurent Somon. - Nos collègues du groupe CRCE-K font grief à cette proposition de loi de méconnaître le droit à un recours effectif ; elle serait ainsi contraire à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l'homme. Nous sommes en désaccord avec cette analyse. Le droit à un recours effectif n'est nullement altéré : la mission d'information sera assurée par l'Ofii et l'intervention des avocats sera facilitée. L'absence d'intervention des associations ne nuira donc en rien aux droits des personnes.
La lecture maximaliste des textes constitutionnels et conventionnels dont procède cette motion est sans fondement. Nous voterons contre celle-ci.
M. Pascal Savoldelli. - C'est un moment de vérité sur la raison de cette proposition de loi. Sans doute y a-t-il, après la censure d'une grande partie du projet de loi Immigration, une part de revanche. (On le conteste à droite.) Ensuite, Mme Ciuntu a été claire : ce texte préfigure un référendum sur l'immigration. Votre projet, c'est de tourner le dos à une République d'intégration pour aller vers une République d'assimilation. Assumez-le !
Personne ne dit du mal de l'Ofii, mais il s'agit d'un organisme d'État rattaché au ministère de l'intérieur.
Pourquoi ne parlez-vous pas du rapport de 2023 de la Défenseure des droits sur les atteintes aux droits dans les CRA ?
Ce texte est purement politicien, anticonstitutionnel et ne réglera rien. Il est la traduction d'une course avec l'extrême droite ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
À la demande du groupe Les Républicains, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°266 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 100 |
Contre | 243 |
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°3 de M. Benarroche et du GEST.
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte est aussi symptomatique qu'inexcusable. Il illustre un pacte de gouvernement laissant les ministres utiliser régulièrement des propositions de loi sans étude d'impact pour imposer médiatiquement des thèmes inutiles et dangereux.
Les missions exercées par les associations devraient être confiées à l'Ofii, pour ne plus être menées de façon militante et pour des raisons de rationalité budgétaire. Voici les associations accusées d'être juge et partie et de suivre un agenda politique hostile au Gouvernement. Arguments fallacieux !
Les auteurs de la proposition de loi dénoncent une massification des recours qui entraverait la lutte contre l'immigration illégale. Mais voulez-vous limiter le recours effectif aux droits ? Une personne qui conteste une décision exerce son droit, avec l'assistance des associations qui assurent ainsi leurs missions.
Je sais bien que la notion d'État de droit est mise à mal ces temps-ci. Mais pour tous, nationaux et étrangers, du simple justiciable à l'ancien Président de la République, le droit au recours est garanti. Comment pouvez-vous qualifier certains recours d'abusifs sans aucun fondement ? Avez-vous un objectif chiffré au-delà duquel on serait dans la massification ? Vous ne parlez pas du nombre de décisions attaquées et annulées car injustifiées, ni de la complexité grandissante du droit des étrangers et du manque de moyens dans les tribunaux.
N'y a-t-il pas plutôt une massification des OQTF, automatiques et sans examen individuel ? En 2024, 44 % des personnes retenues ont été libérées par le juge, dont 30 % par le juge judiciaire.
Le nombre important de libérations ne saurait être reproché aux associations, car les décisions de justice ne sont pas de leur ressort ! Ce ne sont pas les recours qui sapent la politique du Gouvernement, mais ses propres décisions, irrégulières. Et l'effectivité des décisions d'éloignement, c'est avant tout une question diplomatique.
Dès octobre 2024, le ministre de l'intérieur disait que la mission de conseil devait relever de l'Ofii. En janvier 2025, il estimait choquant que des associations ayant un agenda politique profitent de financements publics pour promouvoir une politique différente de celle de l'État. Il s'agit pourtant de marchés publics ! Ce discours qui mélange subventions aux associations et financements dans le cadre d'un marché public est gênant et dogmatique. Il rappelle les attaques inexcusables contre certains avocats accusés de militantisme et les méthodes exécrables du média d'extrême droite Frontières.
Pour Jean-Marc Sauvé, le droit est une arme de la démocratie. Le droit doit contenir le politique, pour l'empêcher de devenir arbitraire. Faire valoir les droits d'une personne ne devient un acte politique que face aux dérives abusives et systémiques de l'État.
Pour vous, les associations sont incapables de faire la différence entre leur plaidoyer et leur mission au sein des CRA, et cela les disqualifierait. Voilà pourtant des années que vous leur confiez ces missions ! Mais alors, comment justifier de les confier à l'Ofii, qui dépend du ministre de l'intérieur ? Ce conflit d'intérêts-là est institutionnel : les agents de l'Ofii seront devant des injonctions contradictoires.
Cette proposition de loi introduit aussi une confusion entre information et accès effectif aux droits. Donner des conseils personnalisés et distribuer des brochures, ce n'est pas la même chose. Selon le Ceseda, l'étranger en rétention doit bénéficier d'actions d'accueil, d'information et de soutien, et le Conseil d'État a réaffirmé en 2009 que l'accès effectif aux droits ne se limitait pas à une simple information. L'accompagnement réalisé par ces associations, présentes six jours sur sept, est précieux au regard de délais de recours très courts.
Le fantasme d'une course au recours menée par les associations est indécent. Allez donc visiter les CRA et parlez à tous les personnels !
Les procédures des droits des étrangers sont de plus en plus complexes : des compétences spécifiques sont nécessaires.
La proposition de loi interprète abusivement la position de la Cour des comptes : il n'a jamais été démontré que la présence des associations avait un coût excessif.
Comme d'habitude, rien de chiffré pour le recours à des avocats sur les missions que l'Ofii ne pourra pas réaliser.
Les CRA, qui risquent de se multiplier, ne doivent pas être des lieux de punition sans droits. Vous entretenez la confusion avec l'incarcération punitive. Depuis trop longtemps, la rétention est détournée en un élément de politique sécuritaire.
Les associations sont dans les CRA depuis les années 1980, initialement à la demande du ministère des affaires sociales. Elles ne sont pas plus militantes qu'un médecin qui critiquerait l'assurance maladie, mais exercerait correctement sa mission de soignant hospitalier. Ce faisant, vous mettez en cause leur liberté d'expression.
Ce nouveau texte montre de nouveau votre acharnement à l'égard des étrangers, souvent précaires, vus comme des dangers. Notre groupe rejette ce texte, cette atteinte aux droits qui fondent notre démocratie, cette volonté de passer par des propositions de loi sans études d'impact pour satisfaire les ambitions court-termistes de certains membres du Gouvernement.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Guy Benarroche. - Pour toutes ces raisons, nous vous proposons cette motion de rejet. (Applaudissements à gauche)
M. David Margueritte, rapporteur. - Le taux de libération par le juge n'est pas de 44 %, mais de 17 %. Le droit des étrangers est de plus en plus complexe, c'est vrai : d'où l'intérêt de confier la mission d'assistance aux avocats. Le chiffre de 30 % de recours devant le juge judiciaire témoigne de la massification des recours. Avis défavorable : le débat doit se tenir.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Même avis.
Mme Marie-Carole Ciuntu. - Nos avis divergent, mais vous avez peu d'arguments factuels. Monsieur Brossat, je n'ai jamais dit dans Paris Match ce que vous affirmez. M. Benarroche a déclaré que seules les associations pouvaient réaliser ce travail, l'État et l'Ofii n'étant pas dignes de confiance. Ces propos sont totalement politiques, il n'y a rien de juridique.
M. Guy Benarroche. - Il n'y a rien de juridique dans le texte !
À la demande du groupe Les Républicains, la motion n°3 est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°267 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 100 |
Contre | 243 |
La motion n°3 n'est pas adoptée.
Discussion générale (Suite)
Mme Sophie Briante Guillemont . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) En vertu du Ceseda, l'étranger en rétention a droit à des actions d'accueil, d'information et de soutien pour permettre l'exercice effectif de ses droits et préparer son départ. On pourrait penser que de telles missions sont assurées par un organisme public comme l'Ofii, mais tel n'est pas le cas : ce sont des associations choisies par marché public qui remplissent cette mission. Elles passent ensuite le relais à l'avocat qui représente ces personnes devant la justice - avec une maîtrise inégale des dossiers.
Le texte issu de la commission des lois prévoit un système tout autre. Les associations disparaissent. L'Ofii, déjà présente dans les CRA, distribuerait une documentation basique en plusieurs langues. Ensuite, l'avocat ferait l'analyse particulière de la situation, rédigerait l'éventuel recours et représenterait son client devant le juge.
Le rapporteur a souligné la faiblesse de l'aide juridictionnelle. Le Gouvernement est-il prêt à la revaloriser ? Sinon, aucun avocat non militant ne voudra le faire.
Surtout, ce texte traduit une profonde méconnaissance de l'accès aux droits. Le droit des étrangers est un contentieux aride et particulier, qui nécessite de la pratique. Il faudrait donc qu'il figure dans la formation obligatoire des avocats et que ces derniers fassent des stages. Seules les associations ont développé, depuis des dizaines d'années, une expertise en la matière. Il est donc faux de dire que les associations conseillent mal les personnes retenues et font n'importe quoi : voyez le taux d'acceptation des recours !
Le système proposé par la commission respecte les droits de la défense des étrangers en situation irrégulière, en théorie, mais pas en pratique. Supprimer du jour au lendemain les associations sera un immense bouleversement. L'entrée en vigueur au 1er janvier 2026 ne permettra pas aux avocats de se former ni aux juristes des associations de passer leur Capa et il n'est pas certain que cela soit plus économe des deniers publics...
Il ne s'agit pas exclusivement de militants politiques, mais de personnes confrontées au désespoir d'êtres humains qui n'ont commis aucun délit, sinon de vouloir vivre en France. Certes, un quart d'entre eux sortent de prison, mais qu'en est-il du trouble à l'ordre public ? Avez-vous des chiffres, monsieur le ministre ? Ces intervenants méritent notre considération.
Le RDSE, profondément humaniste et républicain, refuse un tel recul des droits des étrangers en France. (Applaudissements sur les travées du RDSE et à gauche)
Mme Nathalie Goulet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Je félicite l'auteure du texte, qui n'est autre que notre rapporteure spéciale de la commission des finances, qui avait demandé ce rapport à la Cour des comptes.
Je félicite le rapporteur pour son travail : la valeur n'attend pas le nombre de semaines de présence dans cet hémicycle. J'y vois l'efficacité de la Basse-Normandie. (Sourires)
La proposition de loi ne supprime pas des droits, mais transfère des missions à l'Ofii.
La Cour des comptes a mis en lumière des dérives : les avocats interviennent de moins en moins dans les CRA et il n'est pas rare qu'ils arrivent devant la juridiction avec des recours prérédigés sans en avoir eu connaissance.
M. Thomas Dossus. - C'est faux !
Mme Nathalie Goulet. - We agree to disagree, reconnaissez-le.
Le groupe UC, profondément humaniste et républicain, est en accord avec ce texte : nous préférons que les gens dangereux soient renvoyés dans leur pays (Mme Marie-Carole Ciuntu et M. Roger Karoutchi applaudissent) et que les missions soient transférées à l'Ofii. C'est notre choix, sans énervement, sans excès. C'est un transfert de missions : ne faites pas dire au texte plus que ce qu'il prévoit.
Le rapporteur, comme la Cour des comptes, relève des manquements à l'obligation de neutralité. En décembre, lors du débat budgétaire, j'avais proposé des amendements de réduction des crédits de cette mission, pour un meilleur contrôle de ces associations. Une mission flash de la commission des lois devait être lancée, car les chiffres sont impressionnants : on leur verse un milliard d'euros ! (M. Guy Benarroche proteste.) Il n'est pas question de supprimer les 7 millions d'euros de l'aide juridictionnelle, mais de la transférer.
M. Guy Benarroche. - Un milliard d'euros, c'est avec l'hébergement !
Mme Nathalie Goulet. - Le trafic de migrants est à l'origine de 5 à 7 milliards d'euros de blanchiment. Monsieur le ministre, en février, vous avez signé un accord avec Tracfin pour suivre ces trafics - c'est important, pour assécher les filières. Il y a quelques semaines, l'une d'elles a été démantelée à la frontière polonaise : sur 531 millions d'euros, 31 allaient au Hezbollah, 10 au Djihad islamique.
Il faut travailler sur ces filières d'immigration irrégulière, poursuivre l'action en lien avec Tracfin et réaliser ce rapport flash qui complétera utilement celui de la commission des finances.
Par excès de pudeur ou manque de moyens, la Cour des comptes n'a pas évalué la performance des programmes ; il serait souhaitable de le faire, pour compléter l'actuel état des lieux et constater la non-performance des associations. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme Marianne Margaté . - Cette proposition de loi n'est pas un détail : elle jette l'opprobre sur des associations, avec pour seul objectif d'interdire l'accès à leurs droits des personnes retenues. Après avoir allongé la durée de rétention, cela devient une obsession.
Cette proposition de loi est grave, car elle remet en cause l'équilibre de la rétention, en réduisant, voire en effaçant, la distance entre celui qui retient et celui qui défend.
Doit-on empêcher les Restos du Coeur, la Fondation pour le logement des défavorisés ou encore Solidarité Femmes d'agir, au motif qu'elles manqueraient de neutralité ? Bien sûr que non.
L'Ofii devient soudain l'arbitre impartial, alors qu'il dépend de l'autorité qui décide d'expulser. Notre justice, impartiale et neutre, doit être accessible à tous. Le droit au recours effectif est l'un des fondements de notre État de droit. Ces associations ne prennent aucune décision juridique, elles ne font qu'exercer la mission qui leur est confiée.
Dans les CRA, cinq structures conventionnées rencontrent chaque personne enfermée, analysent sa situation, rassemblent les pièces nécessaires, saisissent le Défenseur des droits, indiquent aux tribunaux les failles qui trop souvent entachent la décision. Leur présence ne crée pas un dysfonctionnement, elle le dévoile.
À cette médiation vivante, on veut substituer un livret multilingue, dont l'absence serait sans conséquence sur la validité de la décision d'éloignement. Une même main informe ou omet, sans risque, alors que la personne enfermée ne dispose que de quarante-huit heures pour former un recours parfait : asymétrie totale ! La simple mise à disposition de documents d'information par l'Ofii est bien entendu insuffisante. Et quid des agents de l'Office, sans moyens supplémentaires ? Les avocats, qui travaillent main dans la main avec les associations, n'ont pas vocation à les remplacer. Ces missions ne peuvent être assurées par les avocats, faute de permanences dans les CRA et en l'absence d'un rehaussement très significatif de l'aide juridictionnelle.
La logique économique est lisible : la menace permanente d'un éloignement sert de rappel à une main-d'oeuvre précaire... Plus la menace est proche, plus le salaire se contracte, plus la rentabilité se dilate...
Refuser ce texte, c'est dire que la démocratie tient à la pluralité des voix, même dans ses marges. Défenseur de l'État de droit et de la dignité humaine, le groupe CRCE-Kanaky votera contre ce texte. (Applaudissements à gauche)
M. Thomas Dossus . - Voici les propos tenus par l'auteure de ce texte dans Paris Match, la semaine dernière : « Dans les CRA, des associations sont à demeure et assurent l'assistance juridique des personnes retenues. Elles ont des options politiques et sont militantes. Elles sont financées par de l'argent public, pour en fait venir contrer la politique d'immigration définie par le Gouvernement. Elles sont financées à hauteur de 1 milliard d'euros. Nous devons sortir les militants pour y mettre des professionnels. »
Voilà le véritable exposé des motifs, stigmatisant, partial et en grande partie mensonger.
Oui, les associations sont à demeure dans les CRA - c'est votre seule affirmation exacte. Depuis 2010, leurs missions ont évolué vers l'accès effectif aux droits, une mission encadrée par la loi et par des marchés publics. Leurs intervenants sont des professionnels compétents qui nous alertent sur les dysfonctionnements. Cela requiert une expertise, une présence et une indépendance garanties par le cahier des charges des marchés publics.
Ces associations seraient militantes ? C'est sans objet, dès lors qu'aucun manquement n'a été constaté dans le cadre des marchés publics. Les associations rendent compte de leurs actions aux responsables des centres et à la direction générale des étrangers en France.
Ces associations entraveraient nos politiques publiques ? C'est un non-sens, sauf à considérer que faire respecter le droit est incompatible avec la mise en oeuvre des politiques publiques.
Elles seraient financées par l'argent public pour contrer la politique d'immigration du Gouvernement ? Mais c'est parce que les décisions sont souvent irrégulières. Confier cette mission à un opérateur chargé de l'éloignement est problématique. Les 44 % de personnes libérées par le juge sont la preuve du caractère irrégulier des décisions, pas du caractère militant des associations. La massification du contentieux ne tient pas à la volonté des associations, c'est la conséquence de l'inflation législative qui a complexifié le droit et d'une politique du chiffre.
En décembre 2024, la Cour des comptes a reconnu que ces associations jouaient bien leur rôle d'information juridique. Elles sont la principale source non gouvernementale de données publiques sur l'enfermement. Mettre fin à leur présence, c'est occulter la réalité des conditions de rétention administrative.
Mme Ciuntu, qui a évoqué un coût de 1 milliard d'euros, mélange tout ! Car cela inclut aussi l'hébergement des demandeurs d'asile. Le coût réel de l'assistance juridique dans les CRA s'élève à 7,4 millions d'euros. Un rapport de 1 à 135, excusez du peu ! Rien de tel qu'une grosse manip' pour faire passer un texte bancal !
Il faudrait sortir les militants pour mettre des professionnels ? C'est tout simplement une insulte au travail des associations, qui emploient 1,5 million de personnes en France. Les personnes intervenant dans les CRA sont des professionnels compétents.
La proposition de loi confie ces tâches à l'Ofii : c'est irréaliste, puisque son schéma d'emplois est en baisse de 29 ETP. Qui réalisera ces nouvelles tâches ?
Cette proposition de loi est bâtie sur des erreurs factuelles, des contresens juridiques et des biais politiques. Nous apportons tout notre soutien à ces associations et voterons contre ce texte. (Applaudissements à gauche)
Mme Corinne Narassiguin . - Nous nous retrouvons malheureusement une fois de plus pour évoquer la passion de la droite sénatoriale : l'immigration. Cette fois, vous voulez faire d'une pierre deux coups : contre les migrants et contre les associations qui s'en occupent.
Nous pouvons énumérer une triste liste de vos textes anti-étrangers, qui font de tous les étrangers des ennemis et des gens dangereux. Mais la banalisation du rejet de l'autre conduit aux drames les plus atroces, comme l'assassinat barbare d'Aboubakar Cissé, parce que musulman. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Roger Karoutchi. - Et les autres personnes assassinées ne comptent pas ?
Mme Corinne Narassiguin. - Une proposition de loi qui fixe une durée de résidence minimale pour bénéficier des aides sociales, une autre pour interdire les mariages avec un étranger en situation irrégulière, une troisième qui revient sur le droit du sol à Mayotte, le tout ponctué par la surenchère de notre ministre de l'intérieur, qui s'est découvert une passion pour les circulaires.
Aux termes du Ceseda, le ministre chargé de l'immigration conclut des conventions avec des personnes morales pour informer les étrangers retenus sur leurs droits. Cela passe par un marché public. Ces associations doivent rendre compte régulièrement de leurs actions auprès du ministère de l'intérieur.
L'auteure de la proposition de loi s'inquiète d'un accompagnement de trop grande qualité qui limiterait le nombre de renvois dans les pays d'origine. On reproche donc aux associations de trop bien appliquer le droit : c'est original !
Vous vous plaignez d'une massification des recours, mais sans chiffres. Si les recours augmentent, c'est à cause de la massification des OQTF, souvent infondées, annulées par la suite. L'administration doit arrêter de délivrer des OQTF sans discernement et de contester les décisions qui lui sont défavorables. C'est mathématique !
M. Roger Karoutchi. - Ben tiens !
Mme Corinne Narassiguin. - Les recours existent parce que le droit l'impose. Les associations déconseillent parfois de former un recours, si celui-ci n'est pas opportun.
L'auteure s'inquiète du manque de neutralité des associations. C'est méconnaître la liberté d'association, qui va de pair avec la liberté d'expression. Les associations peuvent participer librement au débat public. Mais quand elles interviennent dans le cadre d'un marché public, elles garantissent le respect des droits fondamentaux et de l'État de droit.
Madame Ciuntu, le rapport de la Cour des comptes dit bien qu'il n'est pas douteux que les associations remplissent effectivement leurs missions d'assistance juridique.
Ceux qui connaissent bien le milieu associatif savent que l'intervention de l'Ofii sera bien plus coûteuse que celle des associations, car elles savent gérer de faibles budgets et le coût de leur personnel est bien inférieur à celui de l'Ofii. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains)
Actuellement, la désignation d'un avocat commis d'office se fait via la requête faite avec l'aide de l'association. Changer le processus prendra plus de temps et coûtera plus cher. Les avocats ne viendront pas tant qu'ils ne seront pas saisis, car pas informés. La profession estime que l'absence d'intervention des associations compromettra gravement l'exercice du recours et elle s'oppose au transfert de la mission d'information à l'Ofii. Les avocats attaqueront cette nouvelle disposition et l'État risque d'être condamné.
Ce texte risque de plus de ne pas être conforme à la directive Retour. Le Pacte sur l'asile et la migration a rappelé le principe selon lequel les intérêts de celui qui informe ne doivent pas être en conflit avec ceux du demandeur. C'est problématique dans le cas de l'Ofii, qui agit sous l'autorité directe du ministère de l'intérieur. Voilà un manque d'indépendance et de neutralité avéré.
Actuellement, l'Ofii se limite à l'accompagnement à l'aide au retour et a déjà du mal à assurer ses missions, comme le soutien moral et psychologique. Pourquoi étendre ses missions ? Parce que vous voulez empêcher les recours et faciliter les expulsions !
Le véritable problème, c'est l'incapacité de l'État à éloigner les personnes sous OQTF, édictées massivement et sans discernement.
Nous nous opposerons à ce texte qui stigmatise les étrangers et les associations. Vous vous attaquez frontalement à la liberté d'association, à la liberté d'expression et à notre État de droit. (Applaudissements à gauche ; Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.)
M. Christopher Szczurek . - Nous ne cachons pas notre satisfaction que la majorité sénatoriale se saisisse de la question migratoire, même si elle commence par le dernier maillon de la chaîne migratoire, les CRA.
Voilà bien longtemps que nous demandons d'agir sur les causes profondes de l'immigration : laxisme judiciaire, contrôle aux frontières défaillant, notamment. Il faudra un jour être dissuasif, avec la priorité nationale et la fin du droit du sol. Espérons que nous pourrons prochainement placer le débat au bon niveau, et arrêter ces cautères sur jambes de bois.
L'État a organisé sa propre impuissance. Notre droit prévoit légitimement que les étrangers bénéficient d'une assistance juridique et de conseils, missions déléguées à des associations diverses. Nous n'y sommes pas opposés par principe, sauf que ces dernières défendent une vision militante de la migration - voyez leurs rapports d'activité !
Nous saluons l'objectif du texte : redonner à un organisme public le contrôle de cette mission, ce qui répond aux exigences d'ordre public, d'impartialité et de bonne tenue de nos comptes.
Comme souvent, les beaux principes aboutissent à des catastrophes : pour nos comptes, pour la sécurité publique, et pour l'efficacité de la justice administrative.
Nous voterons ce texte qui améliore substantiellement nos CRA et siffle la fin de la récréation pour certaines associations, qui font un business juteux sur le dos de la misère humaine.
Mme Marie-Claude Lermytte . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Dans notre République, les droits fondamentaux doivent s'appliquer à tous, sans distinction d'origine ni de statut. Tout étranger doit être traité avec respect et dignité, conformément à notre Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. D'où un accompagnement juridique pour les personnes retenues en zone d'attente ou en CRA.
Si nous partageons tous l'objectif, nous n'ignorons pas les dysfonctionnements : l'État s'est éloigné de son rôle régalien en déléguant cette tâche à des associations qui ne sont pas neutres sur les questions migratoires - même si leur rôle de soutien et de lanceur d'alerte demeure indispensable.
Ces associations ne participent-elles pas, même involontairement, à la massification des recours ? Il est temps d'agir. Si un doute existe sur l'impartialité ou l'efficacité du système, mettons-y fin.
En confiant l'assistance juridique à l'Ofii, avec l'appui des avocats, nous voulons plus de cohérence institutionnelle, de réactivité et de neutralité. L'État consacre 7 millions d'euros à une mission qui devrait relever de l'administration.
C'est pourquoi la majorité du groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi dans un souci d'efficacité, d'équité et de responsabilité républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mmes Marie-Carole Ciuntu et Marie-Do Aeschlimann applaudissent également.)
M. Roger Karoutchi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cet après-midi, c'est la fête ! A e croire nos collègues, Madame Ciuntu, avec votre texte, vous seriez totalement en dehors du droit européen - même si de nombreux grands États européens n'ont aucune association dans leurs centres de rétention.
Le plus simple serait qu'il n'y ait plus d'OQTF, plus personne en centre de rétention ! C'est absurde !
La politique migratoire est définie par le Parlement - ni par les associations ni par l'Ofii. C'est la loi qui s'applique, et heureusement.
J'ai eu l'honneur de représenter le Sénat au conseil d'administration de l'Ofii pendant sept ans, sous des gouvernements de gauche entre 2014 et 2017, puis macronistes de 2017 à 2021. Lors de mes visites en CRA, j'ai toujours été étonné qu'un acteur unique, l'Ofii, ne soit pas chargé de l'application de notre politique migratoire. Si on veut de la cohérence sur l'éloignement comme sur l'intégration, il faut un organisme gestionnaire.
Même si je ne représente plus le Sénat à l'Ofii, je continue de défendre cet organisme qui fait très bien son travail. Quelles que soient leurs convictions, ses agents appliquent la loi avec intelligence, discernement et compétence.
Le droit des étrangers serait très compliqué ? Alors, un organisme public avec des agents spécialisés est le bon acteur intermédiaire entre le Parlement qui légifère, le Gouvernement qui exécute et les personnes retenues.
Ne soyons pas méfiants envers l'Ofii. J'ai souvent reçu les représentants des associations, qui reconnaissaient qu'ils n'étaient pas favorables à la loi. C'est leur droit le plus strict, en tant que citoyens, mais si cette opposition modifie l'exercice de la mission de service public qui leur est confiée, c'est problématique. Un citoyen qui, dans la rue, crierait « À bas la loi ! » l'appliquerait lorsqu'il est dans un CRA ? Cela n'existe pas ! (M. Thomas Dossus et Mme Corinne Narassiguin protestent.)
M. Guy Benarroche. - Ils appliquent la loi !
M. Roger Karoutchi. - Monsieur Benarroche, écoutez-moi comme je vous ai écouté : attentivement.
Il faut augmenter les moyens de l'Ofii, pour mieux intégrer les migrants légaux. Dénier à l'Ofii un rôle clé n'est pas rendre service aux migrants légaux ni à ceux qui veulent une politique ferme, mais juste.
C'est son rôle d'être dans les CRA. De nombreux acteurs reconnaissaient qu'il était compliqué, y compris pour l'Ofii, d'agir avec la présence envahissante des associations.
C'est au Parlement de faire la loi et de dire le droit, à l'Ofii de le faire respecter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Solanges Nadille . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte soulève des questions importantes touchant à la bonne utilisation des deniers publics, à l'efficacité de notre politique migratoire et à la garantie des droits fondamentaux.
Le coût de l'assistance juridique dans les CRA a progressé bien plus vite que le nombre d'étrangers retenus : 7,4 millions d'euros en 2024, contre 5,2 millions d'euros en 2019, alors que le nombre de personnes retenues diminuait. Pour 2025, 9,2 millions d'euros sont prévus. Le dispositif actuel est-il vraiment efficace ?
Ces missions sont assurées par des associations agissant dans le cadre de marchés publics. Cette situation est tout à fait normale, et cela se fait pour d'autres politiques publiques comme la probation en matière judiciaire. Mais dès lors que ces associations exercent une mission de service public, le principe de neutralité s'impose à elles. Or ce dernier est parfois mis à mal : les associations s'éloignent de leur mission première, pour contester quasi systématiquement les mesures d'éloignement.
Des manquements de la part de ces associations ont été documentés par le rapporteur : je pense à certaines structures ultramarines, comme à Mayotte, où des mises en demeure ont été prononcées face à des dérives manifestes - défaut de présence, carence dans l'information, prises de position contraires à l'esprit du marché public. (M. Roger Karoutchi le confirme.)
Nous avons l'occasion d'améliorer la situation, tout en garantissant le droit des personnes retenues. La proposition de loi confie à l'Ofii certaines missions d'accueil et d'information dans les CRA actuellement exercées par les associations.
La version initiale avait soulevé des interrogations légitimes. Comment éviter toute confusion entre l'information et l'assistance juridique, notamment ? Les apports du rapporteur sont bienvenus, qui distinguent clairement l'information sur les droits, confiée à l'Ofii, et l'assistance juridique, confiée aux avocats. Cette rédaction est équilibrée.
Le Gouvernement aura à recruter et former des professionnels au sein de l'Ofii et à veiller à l'articulation avec le barreau local et l'aide juridictionnelle, en évitant toute rupture dans la chaîne des droits.
Ce texte répond à un besoin d'efficacité et de clarté. Le RDPI veillera à ce que les droits de la défense soient pleinement garantis. La protection des libertés fondamentales est un principe non négociable de notre État de droit. (M. François Patriat applaudit.)
M. Stéphane Le Rudulier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Avec ce texte, nous franchissons une étape attendue, salutaire. C'est un paradoxe : depuis des années, la mission d'assistance juridique, coeur battant du respect de l'État de droit dans les CRA, a été confiée à des associations - souvent militantes - qui s'opposent frontalement à la politique migratoire de l'État. Certaines ont transformé leur mission d'aide en combat idéologique : c'est inacceptable. Cette situation est juridiquement fragile, administrativement inefficace et politiquement illisible.
La présente proposition de loi met un terme à l'hypocrisie administrative en recentrant cette mission sur deux piliers incontestables de l'État de droit : l'Ofii, bras opérationnel de l'État, assurera l'accueil, l'information, la transmission des droits ; les avocats, garants de la défense, assureront les recours et la représentation. Les associations retrouveront leur liberté d'expression en dehors des murs des CRA.
Cette proposition de loi serait une atteinte aux droits fondamentaux ? Relisez le texte, il n'amoindrit en rien les droits des personnes retenues. Au contraire, ces droits seront mieux encadrés, garantis et appliqués.
Nous changeons non pas le droit, mais le canal de transmission : nous combattons la captation militante d'un service public qui doit rester neutre, professionnel et républicain. (M. Thomas Dossus ironise.)
Comment justifier que l'État délègue l'accompagnement juridique à des structures qui, parfois, instruisent des recours à l'insu des personnes concernées, qui remplissent des formulaires précochés, qui détournent leur mission pour faire obstruction ?
M. Guy Benarroche. - Fake news ! C'est inexact !
M. Stéphane Le Rudulier. - Comment justifier qu'un étranger soit conduit à l'audience sans même savoir qu'un recours a été introduit en son nom ? N'est-il pas plus conforme à notre exigence républicaine que l'aide juridictionnelle soit à la charge des avocats, qui en ont la compétence et la légitimité ?
Ce texte n'est pas de repli, mais de clarté, de rigueur et de justice. Loin d'une remise en cause des droits, c'est un appel à mieux les protéger. À l'heure où les Français attendent de nous des actes, non des postures, ce texte renforce l'autorité de l'État sans renier ses valeurs.
Nous ne pouvons plus accepter que l'État paie deux fois pour la même mission, et que l'action publique soit dévoyée par des logiques militantes. Nous ne pouvons plus accepter une forme de contournement idéologique de la République. Le groupe Les Républicains votera avec conviction ce texte qui met un terme à ces dérives. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
Article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°5 de Mme Narassiguin et du groupe SER.
Mme Corinne Narassiguin. - Amendement de suppression, pour les raisons déjà évoquées. Comme toutes les propositions de loi en matière de droit des étrangers, celle-ci repose sur des approximations, des erreurs et des mythes. S'il y a massification des recours, c'est que le nombre d'OQTF a augmenté de 60 % en cinq ans !
Lors de la présentation de son rapport, le 7 mai dernier, le rapporteur a accusé des associations de former des recours sans même en informer les personnes retenues et de leur faire signer des documents vierges. Il a cité une enquête préliminaire de l'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim) de novembre 2024. Au-delà de la violation du secret de l'enquête et de la présomption d'innocence, il a omis de préciser que cette procédure a fait l'objet, le 14 avril 2025, d'une décision de classement sans suite par le procureur de la République de Meaux ! C'est indigne des travaux de notre assemblée ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)
Mme la présidente. - Amendement identique n°7 de Mme Margaté et du groupe CRCE-K.
Mme Marianne Margaté. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°9 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - On lit dans le rapport que les avocats n'interviennent pas dans la rédaction des recours et découvrent les dossiers à l'audience. Mais aussi, que les permanences d'avocats spécialisés dans les barreaux ne sont pas systématiques, et désormais très rares en CRA. Or vous souhaitez reporter la charge de l'information - dans un délai de 48 heures - sur les avocats, qui ne sont pas en mesure de l'assumer. Les avez-vous interrogés ?
M. David Margueritte, rapporteur. - Bien sûr !
M. Guy Benarroche. - L'absence d'étude d'impact, et de consultation des avocats, est préjudiciable à la sincérité de nos débats.
Le recours aux avocats éviterait à l'État de payer deux fois, dites-vous ? Vous pensez donc que les avocats n'auront pas à être payés pour cette nouvelle mission ? Votre raisonnement se heurte au réel. Preuve, s'il en fallait, que ce texte commandé par Beauvau ne vise qu'à sanctionner les associations qui ont l'outrecuidance de vouloir faire respecter le droit des étrangers !
M. David Margueritte, rapporteur. - Avis défavorable.
Madame Narassiguin, nous avons mené de nombreuses auditions, nous nous sommes rendus dans des CRA, nous avons évidemment sollicité les avocats. Si les faits que vous avez évoqués n'ont pas été pénalement qualifiés, ils sont clairement établis. (Mme Corinne Narassiguin et M. Guy Benarroche protestent.)
M. Guy Benarroche. - Par le ministère, ou par un juge ?
M. David Margueritte, rapporteur. - Trois recours examinés au cours de l'audience n'avaient manifestement pas été formulés par les retenus eux-mêmes, soit qu'ils aient signé des documents en blanc manifestement remplis a posteriori, soit qu'ils n'aient tout simplement pas signé les recours.
L'inflation du nombre de recours, souvent de piètre qualité, ne garantit pas le droit effectif au recours. Au vu de la spécialisation accrue du droit des étrangers, passer par des avocats garantit la neutralité de l'information et le droit effectif au recours.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Même avis.
Madame Briante Guillemont, 2 % des personnes détenues en CRA ont des profils terroristes - 33 personnes, qu'il n'est pas question de laisser dans la nature - et 91 % des profils sortant de prison, souvent auteurs d'atteintes aux personnes ou de faits troublant l'ordre public. Ce sont donc 93 % des gens qui présentent une menace à l'ordre public.
Madame Narassiguin, la hausse des OQTF n'est pas un caprice du Gouvernement, mais la conséquence de la directive Retour, qui impose de prononcer systématiquement une OQTF contre un étranger en situation irrégulière. En 2021, l'Allemagne a été condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour ne l'avoir pas respectée.
Plusieurs d'entre vous ont appelé à conforter l'Ofii. Ce sera fait, grâce aux 6,5 millions d'euros que cette proposition de loi permettra d'économiser, et dont une partie sera redéployée au bénéfice de l'Ofii.
M. Thomas Dossus. - Cette proposition de loi repose sur des témoignages, cités dans le rapport, qui ont abouti à un non-lieu ; sur le mensonge du milliard d'euros, que nous avons démonté ; sur les outrances du ministre, qui vise, dans l'Express, des associations qui se seraient « dévoyées » - la Cimade, notamment.
Ce terme est fort ! Selon ses statuts, le Comité inter-mouvements auprès des évacués, créé en 1939, a pour but de « manifester une solidarité active avec ceux qui souffrent et d'assurer leur défense, quelle que soit leur nationalité, leur origine ou leur position politique ou religieuse ». Pendant la guerre, elle a organisé l'accueil de juifs dès 1940 au Chambon-sur-Lignon, et sauvé 108 enfants juifs dans les camps de transit de Vénissieux en août 1942. Depuis, elle a constamment aidé les réfugiés et les personnes migrantes. Elle ne s'est nullement dévoyée - contrairement à la droite dite républicaine ! (M. Guy Benarroche et Mme Émilienne Poumirol applaudissent.)
M. Ian Brossat. - Je m'excuse d'avoir attribué à Mme Ciuntu des propos qui étaient ceux de Mme Valérie Boyer.
Monsieur Karoutchi, vous dites que ces associations sont militantes. Le militantisme n'est pas un délit ! On a le droit de défendre une cause. Le directeur de l'Ofii lui-même le fait, dans la presse - il a d'ailleurs défendu des opinions évolutives au cours de sa carrière.
Vous reprochez à ces associations de s'être exprimées contre les récentes lois sur l'immigration. Mais si on considère que ceux qui critiquent les lois ne les appliquent pas, c'est la fin de l'État de droit ! Nous respectons tous les jours des lois auxquelles nous ne sommes pas favorables : des élus qui s'étaient opposés au mariage pour tous célèbrent quand même des unions homosexuelles !
Attention aux arguments utilisés : nous ne sommes pas loin du délit d'opinion ! (M. Guy Benarroche applaudit.)
M. Roger Karoutchi. - Allez ! Tout ce qui est excessif est vain !
Mme Marie-Carole Ciuntu. - Je ne savais pas que l'exégèse de Paris Match faisait partie de nos travaux...
Nulle part je ne fais de confusion entre le milliard d'argent public versé chaque année aux associations pour remplir différentes missions dans le domaine de l'immigration et de l'intégration, et le coût de l'assistance juridique par l'intermédiaire des associations dans les CRA - qui a augmenté de 30 %, alors que le nombre de personnes retenues a diminué de 20 %. C'est très clair - je ne fais que citer très exactement le rapport de la Cour des comptes ! (MM. Thomas Dossus et Guy Benarroche protestent.)
Les amendements identiques nos5, 7 et 9 ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°4 de Mme Narassiguin et du groupe SER.
Mme Corinne Narassiguin. - Avec cet amendement, nous faisons de cette proposition de loi ce qu'elle aurait dû être : un texte fondé sur des réalités objectives, et non sur des biais idéologiques.
Sans revenir sur la liberté d'expression des associations, je rappelle que leur travail dans le cadre des marchés publics n'a jamais été remis en cause par aucun rapport, que ces marchés publics sont renouvelés. Il est étrange de leur imputer l'inflation des recours !
La contrôleure générale des lieux de privation de libertés a déploré les pressions politiques qui entraînent une augmentation, en CRA, du nombre de personnes éligibles à une protection contre l'éloignement, dont l'éloignement est impossible ou dont l'état de santé est incompatible avec la rétention. Autant de motifs d'annulation de la décision administrative. Même en respectant le droit européen, l'OQTF n'est pas automatique lorsqu'on est en situation irrégulière - c'est bien pour cela que 44 % des recours aboutissent à une remise en liberté !
M. David Margueritte, rapporteur. - Avis défavorable. Cet amendement reprend dans la partie législative des dispositions de la partie réglementaire. Le texte serait vidé de sa substance.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Même avis. Cela revient à supprimer la disposition centrale de la proposition de loi !
S'agissant de l'absence de neutralité et d'impartialité d'une certaine association, je rappelle que la Cimade avait organisé les Charter Awards pour classer les préfets, avec, par exemple, « le prix du petit bagnard ».
M. Thomas Dossus. - Pas dans le cadre du marché public !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Les associations sont libres de leurs opinions, mais lorsqu'elles exercent une délégation de service public, dans un lieu administratif, des contraintes de neutralité s'imposent.
M. Thomas Dossus. - Encore une tentative de confusion : la Cimade n'a pas organisé cet événement dans un CRA ! (M. Roger Karoutchi ironise.) C'est la direction générale des étrangers en France qui contrôle l'exécution du marché public : vous avez tout loisir de le dénoncer. Vous évoquez une activité militante de l'association - elle en a le droit - qui est sans rapport avec l'exercice du marché public !
M. Guy Benarroche. - Belle illustration de ce que disait Ian Brossat : on n'accuse plus les associations de mal faire leur travail - et d'ailleurs les marchés publics, loin d'être dénoncés, ont été récemment renouvelés - mais de ne pas penser comme il faut ! Faut-il désormais un badge de bonne pensée pour exercer dans les CRA ? Inscrivez donc dans le cahier des charges que défendre certaines valeurs interdit de soumissionner à un marché public ! Bon courage.
Mme Marianne Margaté. - M. le ministre n'est guère précis sur les raisons de la rétention. Quelque 90 % des personnes retenues le seraient pour « trouble à l'ordre public » ? Que recouvre cette notion ? Les contrôles de police, à la gare, quand on se rend au travail ? Derrière ce voile se cache la grande majorité des personnes retenues. Sans définition précise, on en vient à affirmer que 90 % des personnes retenues sont dangereuses - et on accuse ces associations de les défendre. C'est un raisonnement malsain, qui explique notre opposition résolue à ce texte.
Mme Marie-Carole Ciuntu. - Un mot sur la dangerosité des personnes retenues. Si vous vous êtes rendus dans des CRA, vous saurez qu'il est difficile d'y intervenir, même pour les associations - les personnels de l'Ofii, les psychologues, infirmières, policiers y sont régulièrement menacés. Certaines associations n'ont pas souhaité exercer leurs missions, tant les relations sont compliquées avec certains retenus ; les policiers les y ont poussées, de crainte qu'elles ne s'appuient sur cela pour arguer que leur mission n'était pas effective !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Les 91 %, ce sont des crimes de sang, du trafic de stupéfiants, des violences contre les personnes. Si vous trouvez que tout cela est banal, il faudra l'expliquer aux Français. (Mme Pascale Gruny applaudit, M. Guy Benarroche ironise.)
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°11 du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - C'est une mesure miroir pour permettre à l'Ofii d'intervenir auprès des demandeurs d'asile ou des personnes susceptibles de demander l'asile.
M. David Margueritte, rapporteur. - Avis favorable à cet amendement qui assure la cohérence du dispositif.
L'amendement n°11 est adopté.
L'article 1er, modifié, est adopté.
Après l'article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°12 de M. Margueritte, au nom de la commission des lois.
M. David Margueritte, rapporteur. - Coordination pour l'outre-mer.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°13 du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Il n'y a pas de CRA dans le Pacifique, donc pas d'Ofii.
Le sous-amendement n°13 est adopté.
L'amendement n°12, sous-amendé, est adopté, et devient un article additionnel.
Article 2
Mme la présidente. - Amendement n°6 de Mme Narassiguin et du groupe SER.
Mme Corinne Narassiguin. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°8 de Mme Margaté et du groupe CRCE-K.
Mme Marianne Margaté. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°10 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Le report de la date d'application montre bien que rien n'est prêt, ni l'Ofii, ni les avocats, ni les budgets - mais il faut voter une loi, pour la communication électorale de certains ici !
M. David Margueritte, rapporteur. - Avis défavorable. Il faut une prolongation de quelques mois, le temps que l'Ofii recrute.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Avis défavorable.
Les amendements identiques nos6, 8 et 10 ne sont pas adoptés.
L'article 2 est adopté.
Exception d'irrecevabilité
M. Thomas Dossus. - Rappel au règlement, au titre de l'article 45 alinéa 4 de notre règlement. L'article 40 de la Constitution dispose que les propositions et amendements formulés par les parlementaires ne sont pas acceptables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique.
Or cette proposition de loi aggrave la charge financière de l'État et ses opérateurs, sur deux sujets : les nouvelles missions confiées à l'Ofii et le recours à l'aide juridictionnelle.
Pour preuve, le rapporteur a souhaité reporter la date d'application, le temps pour l'Ofii de procéder à des recrutements.
Les associations, pour 7,4 millions d'euros, assurent une présence six jours sur sept dans les CRA. Transférer cette mission à des avocats payés par l'État, qui devront se déplacer dans les CRA, sera bien plus coûteux. La commission a souligné que le renforcement de la présence des avocats en CRA nécessitera de revaloriser l'aide juridictionnelle.
Nous sommes bien face à une aggravation, directe et certaine, des charges pour l'État. Si l'on prétend garantir aux retenus les mêmes droits qu'aujourd'hui, le système proposé coûtera plus cher que le système actuel. Soit le Gouvernement revient avec un projet de loi, soit cette initiative n'est pas recevable financièrement.
Mme la présidente. - Monsieur Dossus, vous avez soulevé une exception d'irrecevabilité sur le fondement de l'article 40. Je vais suspendre la séance pour voir s'il y a lieu de réunir la commission des finances. (M. Roger Karoutchi proteste.)
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Si le Gouvernement soutient la proposition de loi, c'est aussi parce que c'est une mesure d'économie. L'intervention des associations dans les CRA coûte 9,244 millions d'euros ; nous attendons une économie de 6,5 millions d'euros, dont une partie ira renforcer les moyens de l'Ofii. Il n'y aura donc pas d'augmentation de la charge publique, mais au contraire une économie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 18 h 40.
La séance reprend à 19 h 05.
Mme la présidente. - En application de l'article 45 du règlement, la commission des finances va se réunir au plus vite. Dans l'attente, je réserve le vote sur la proposition de loi.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Pour être très clair, le Gouvernement reprend la proposition de loi à son compte, y compris si elle crée des charges - mais ce ne sera pas le cas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme la présidente. - J'attends donc que la commission des finances se réunisse et donne son avis. En attendant, nous poursuivons notre ordre du jour de notre séance.
La séance est suspendue quelques instants.
Améliorer l'accès aux soins dans les territoires (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, présentée par M. Philippe Mouiller.
Discussion générale
M. Philippe Mouiller, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et du RDPI) Le groupe Les Républicains a mobilisé depuis un an une trentaine de sénateurs, membres de la commission des affaires sociales et de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, sur la désertification médicale et la difficulté d'accès aux soins. Ce groupe de travail était coprésidé par Corinne Imbert, pour la commission des affaires sociales, et Bruno Rojouan, pour avis la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Nous avons consulté les acteurs, les responsables de la politique de santé, les patients et les soignants. Je ne suis que le porte-voix de cette initiative mobilisant les parlementaires et le Gouvernement.
Chacun connaît le problème. Tous les rapports - Cour des comptes, Drees, Académie de médecine, Parlement - sont unanimes : l'accès aux soins est insuffisant. Pis : la situation se dégrade.
Sur 87 % du territoire, l'offre de soins manque, notamment dans les zones rurales et périurbaines. Alors que la population augmente, le nombre de médecins généralistes a chuté de 10 % de 2012 à 2022. Le délai pour obtenir une consultation augmente, de même que le nombre de Français sans médecin traitant. Résultat : nombreux sont ceux qui renoncent aux soins médicaux, d'où des pertes de chance inacceptables.
L'Assemblée nationale s'est saisie du sujet et le Premier ministre a annoncé un pacte de lutte contre les déserts médicaux le 25 avril dernier.
Cette proposition de loi, cosignée par 152 sénateurs, construit une réponse collective et équilibrée. Nous aurions préféré un projet de loi global, mais le contexte politique ne le permet pas. Or nous sommes dos au mur, et il nous faut un plan d'action ambitieux.
Bien sûr, ce texte réaffirme le caractère libéral de la médecine française et la liberté de choix des patients.
Cependant, il faut une réflexion globale - d'abord sur le pilotage de l'organisation de l'offre de soins. Nous voulons redonner la parole aux territoires dans l'analyse des besoins et de la démographie médicale. Nous refusons une politique de soins centralisée, déclinée par les ARS sans prendre en compte les remontées du terrain.
Le département reste trop souvent un maillon secondaire. Il constitue pourtant l'échelle pertinente pour définir les besoins, conciliant proximité territoriale et taille critique. Donnons-lui un rôle de coordination des politiques d'accès aux soins avec les ARS, l'assurance maladie et les professionnels de santé.
Nous voulons mieux répondre aux besoins de la population et tenir compte des inégalités de densité médicale.
Les offices départementaux et l'office national de l'évaluation de la démographie des professionnels de santé prendront en compte les besoins des territoires.
Nous voulons renforcer l'offre de soins dans les territoires fragiles. L'article 3 conditionne l'installation des médecins dans les zones les mieux dotées à un engagement d'exercice à temps partiel dans une zone sous-dense. Les médecins spécialistes pourront être autorisés à s'installer en cas de départ d'un confrère, ou sur autorisation de l'ARS, pour maintenir l'accès aux soins.
La commission des affaires sociales est traditionnellement attachée aux libertés de la médecine libérale, condition de son attractivité. Mais des évolutions s'imposent. Nous préservons la liberté d'installation des médecins, mais ceux qui veulent aller dans les territoires les mieux dotés devront aussi assurer des consultations dans les territoires les plus fragiles. En effet, les mesures équilibrées restent les plus efficaces.
Les conditions d'exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) ayant réussi les épreuves de vérification des connaissances (EVC) doivent être simplifiées.
Il nous faut aussi libérer du temps médical. Nous supprimons donc certains certificats médicaux et encourageons le partage des compétences entre tous les professionnels de santé, en coordination avec les médecins.
Il faut agir. Il y va de l'égalité entre Français et de la solidité de notre contrat social.
Ce texte ne traite pas de toutes les questions, comme la formation des professionnels de santé. Nous examinerons prochainement un texte sur la formation, pour mieux former et former plus de futurs médecins, au plus près des territoires.
Cette proposition de loi peut constituer une étape importante pour un meilleur accès aux soins. Les amendements permettront d'en débattre, de l'enrichir. Le Gouvernement proposera de la compléter. Le Sénat a gardé son indépendance dans ses choix, mais nous avons un défi commun : améliorer l'accès aux soins à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'accès aux soins des Français se détériore. La France compte 4 millions d'habitants supplémentaires en quinze ans et la démographie de médecins se réduit. Nous payons le prix de décisions trop tardives. Les inégalités territoriales dans l'accès aux soins se sont inévitablement creusées.
Les lois Rist et Valletoux et les projets de loi de financement de la sécurité sociale successifs ont tenté d'y remédier. Dès lors, le texte pourrait-il n'être qu'une tentative de plus ?
Je ne le pense pas, car il porte tout d'abord une ambition globale : L'article 1er vise à rénover l'architecture des structures de santé. Ensuite, il propose des solutions durables et équilibrées : l'article 3 vise à réduire les inégalités d'accès aux soins sans renoncer à la liberté d'installation.
Les propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale, dont celle de Guillaume Garot, appellent à la vigilance : nous devons rénover notre modèle sans aller contre ses principaux acteurs. Trop de coercition dissuaderait les professionnels de santé de s'engager.
Cette proposition de loi est un plan d'action global décliné en trois axes : piloter la politique d'accès aux soins au plus près des territoires ; renforcer l'offre de soins dans les territoires les plus fragiles ; libérer du temps médical et favoriser les partages de compétences.
Le premier levier prévoit un pilotage de la politique d'accès aux soins au plus près des territoires. La commission des affaires sociales soutient le renforcement du rôle des départements, échelle cohérente d'action en matière d'accès aux soins. Le niveau régional ne permet pas de mesurer finement la réalité des besoins des territoires.
Le dispositif actuel est inabouti. Nous remplaçons l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) par un nouvel office national décliné au niveau départemental ; ce dernier sera présidé par le président du conseil départemental.
La commission des affaires sociales a renforcé ces nouveaux offices, qui doivent rendre un avis conforme sur le zonage d'installation de l'ARS, zonage qui devra être révisé chaque année. Ainsi, nous inversons la logique de construction du zonage.
J'entends les remarques sur un risque de comitologie. Je n'ai pas de médicament contre cette maladie (sourires), mais je réponds proximité, réactivité et coordination. Laissons la main à ceux qui connaissent le mieux les spécificités des territoires.
Le deuxième levier tend à renforcer l'accès aux soins dans les territoires en tension. L'autorisation d'installation en zone surdense serait conditionnée à l'exercice à temps partiel en zone sous-dense pour les généralistes. Pour les spécialistes, elle serait soumise au même engagement, à la cessation d'activité d'un confrère, ou à une décision motivée du directeur de l'ARS.
L'ampleur de l'inégalité d'accès aux médecins justifie désormais ces dispositions. Nous maintenons la liberté d'installation, mais nous la conditionnons à des consultations dans les zones fragiles. Je vous propose d'étendre le dispositif aux médecins salariés.
L'encadrement équilibré des installations responsabilisera les médecins et réduira les inégalités d'accès aux soins. Cela pourra être concilié avec le système de solidarité nationale annoncé par le Premier ministre. Je vous proposerai d'adopter l'amendement du Gouvernement, sous-amendé.
L'article 5 invite les partenaires conventionnels à prévoir des tarifs spécifiques en zone sous-dense. Je réaffirme d'emblée que ce ne sont pas des dépassements d'honoraires, ils n'aggraveront donc pas le reste à charge de plus de 95 % de Français entièrement couverts par une assurance complémentaire. Toutefois, ayant entendu les craintes, je vous soumettrai un amendement remplaçant ces tarifs par des rémunérations forfaitaires.
La procédure d'autorisation d'exercice des Padhue doit être simplifiée et adaptée à la diversité des profils des candidats. Nous avons voulu simplifier, tout en garantissant la qualité des soins, dans les articles 8 à 10. Par ailleurs, le Gouvernement souhaite réformer les EVC. Les attentes sont nombreuses. Nous serons attentifs à la mise en oeuvre de ces mesures.
Le troisième pilier augmente et réalloue le temps médical disponible ; ainsi, quatre articles favorisent le partage des compétences. Deux autres suppriment des certificats médicaux inutiles pour la pratique sportive et pour le congé enfant malade.
Cette proposition de loi, équilibrée, freinera la progression des inégalités territoriales, qui abîment notre pacte républicain, et libérera du temps médical mal affecté. Je vous invite à donner à cette voie de compromis la majorité qu'elle mérite.
Monsieur Milon, après votre intervention en commission des affaires sociales, sachez que si vous vous coupez un doigt, j'ai des pansements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également ; M. Alain Milon sourit.)
M. Bruno Rojouan, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Solanges Nadille applaudit également.) Chaque Français, où qu'il habite, a le droit d'être soigné. Or les inégalités d'accès aux soins atteignent un niveau intolérable ; près de 7 millions de Français n'ont plus de médecin traitant.
L'accès aux soins est un enjeu central d'aménagement du territoire. Dans deux rapports, j'ai dressé des constats implacables : l'accès aux soins est dégradé, notamment dans les territoires ruraux, avec des retards de prise en charge, des pertes de chance et une réduction de l'espérance de vie.
Cela appelle une action volontariste des pouvoirs publics. À terme, il faut un choc de massification et de territorialisation de la formation des professionnels de santé. Comme le disait John Maynard Keynes, à long terme, nous sommes tous morts. Agissons donc dès maintenant.
L'article 1er réforme la gouvernance territoriale de l'accès aux soins en faisant du département la maille de référence. Il donne un rôle accru aux collectivités territoriales : les offices départementaux auront une connaissance fine des territoires et pourront rendre un avis sur le déploiement des docteurs juniors.
En mars 2022, dans mon premier rapport d'information, j'avais préconisé de créer la quatrième année d'internat et d'affecter les internes en stage en zone sous-dense en médecine de ville. La LFSS pour 2023 l'a inscrit dans la loi, à l'initiative du Sénat.
Je l'ai répété dans mon second rapport d'information, en novembre dernier. De nouveau, je proposais un plan d'urgence pour garantir que les zones sous-denses disposent de maîtres de stages en nombre suffisant. Il faut faire de ces stages le point de départ du virage territorial que doivent prendre les études de santé.
L'article 3 s'attaque à un tabou : la totale liberté d'installation des médecins. Une irréductible profession résiste encore à toute contrainte.
Il faut concilier l'encadrement de la liberté d'installation avec une politique ambitieuse d'aménagement du territoire. Je me félicite donc que la commission des affaires sociales ait proposé de conditionner l'installation en zone bien dotée à un exercice partiel en zone sous-dotée. Le texte soumet aussi les spécialistes au principe « une arrivée pour un départ » dans les zones bien dotées.
Ces deux formes de régulation sont pertinentes. Ce texte pragmatique rompt avec un dogme solide : celui du droit absolu des professionnels dont l'activité est largement financée par l'argent public de s'installer où l'on veut quand on veut.
Je salue l'initiative du président Mouiller, le travail mené en commun avec Mme Imbert et ce compromis entre nos deux commissions, qui montre la capacité du Sénat à mener un travail de fond sur ce sujet essentiel. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme la présidente. - La commission des finances se réunira dans quinze minutes. Pendant ce temps, nous poursuivrons nos travaux en séance.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Garantir à chacun de nos concitoyens l'accès à des soins adaptés et de qualité, où qu'ils vivent, quelle que soit leur situation sociale, est une exigence républicaine.
Nous devons donc regarder en face la réalité de la désertification médicale - votre quotidien, mesdames et messieurs les sénateurs, vous qui êtes des élus de proximité.
Souvent, l'accès aux soins se heurte à des délais et des distances inacceptables, d'où un sentiment légitime de découragement, de dépit et de colère.
J'ai vécu cette réalité personnellement. Elle me heurte dans chacun de mes déplacements. Toujours, les élus, les soignants et les habitants m'interpellent sur le sujet.
Alors que nous fêtons les 80 ans de la sécurité sociale, je ne peux supporter que sa promesse de solidarité et d'égalité ne soit pas tenue. Le renoncement aux soins est une bombe à retardement ; les pertes de chances sont réelles.
Nous devons agir de manière coordonnée, avec des mesures immédiates et des réformes structurelles pour renforcer les effectifs de nos forces vives, sur le terrain.
L'accès aux soins est un élément incontournable de notre contrat social. D'où l'idée d'un pacte collectif mobilisant tous les acteurs. En avril, j'ai mené de larges consultations pour écouter les besoins, mais aussi les solutions. J'y ai associé les élus locaux, les jeunes en formation, les professionnels, les patients et les parlementaires. Je remercie les sénateurs qui se sont investis dans cet exercice et qui ont inspiré plusieurs mesures du pacte de lutte contre les déserts médicaux que nous avons présenté, depuis le Cantal, le 25 avril dernier.
Merci à Philippe Mouiller et à Corinne Imbert pour cette proposition de loi qui décline plusieurs engagements issus de ce pacte. Je salue la qualité de nos échanges et l'excellente tenue des débats lors des réunions de la commission des affaires sociales. Je salue votre volonté d'associer la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et son rapporteur pour avis, Bruno Rojouan.
L'esprit du pacte de lutte contre les déserts médicaux est d'impliquer les collectivités territoriales et les professionnels de santé. Je remercie les ministres François Rebsamen et Françoise Gatel, tous deux pleinement investis dans sa mise en oeuvre du pacte.
La lutte contre les déserts médicaux ne pourra s'intensifier sans un élan collectif et durable, non pas pour attiser les tensions, opposer les soignants, chercher des coupables ou opposer les Français à leur médecin. Non ! Avec ce texte, nous construisons une nouvelle solidarité entre les territoires et une responsabilité collective. Nous avons une obligation de résultat.
Ce texte est le jalon d'un édifice plus large.
Nous devons former plus, mieux et partout : tel est le sens des 5 800 places créées depuis 2020 dans les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). Tel est aussi le sens de la quatrième année de médecine générale : 3 700 docteurs juniors arriveront dans vos départements d'ici à novembre 2026. C'est enfin le sens de ma volonté de supprimer un numerus apertus encore trop restrictif. Ces mesures en faveur de la formation sont l'un des axes forts du pacte. Nous souhaitons aussi faire revenir les 5 000 étudiants partis étudier en Belgique, en Roumanie ou en Espagne, et développer les passerelles pour les paramédicaux voulant devenir médecins.
L'instauration d'une obligation collective engagera l'ensemble de la communauté médicale : cette mesure généralisera le système des consultations avancées et les initiatives de terrain, à l'instar de celle développée par Médecins solidaires. Les incubateurs de santé solidaire sont un autre exemple. J'en ai d'ailleurs inauguré un ce week-end dans le Rhône.
Cette mission de solidarité préserve les fondamentaux de la médecine libérale, qui a toujours joué un rôle structurant dans notre système de santé. Soutenir l'exercice libéral est une condition essentielle d'une médecine de qualité.
Le caractère inédit et novateur de cette mesure repose sur le fait qu'elle engage tous les médecins. Le principe : demander un peu à beaucoup de médecins plutôt que d'obliger trop peu de médecins à faire beaucoup. Nous identifierons les besoins précis et les zones les plus vulnérables. Ce travail sera effectué par les ARS, en lien avec les préfets, les conseils départementaux et l'ordre des médecins. Je salue votre volonté d'associer plus étroitement les départements à ce travail.
C'est dans ces zones de solidarité que se déploieront les consultations avancées demandées aux médecins ; cela représente jusqu'à deux jours de solidarité par mois, qui seront valorisés - je sais combien vous êtes attachés au principe de juste rémunération. À terme, ces missions seront étendues à l'ensemble des zones sous-denses.
Les professionnels feront preuve d'engagement, je n'en doute pas. Toutefois, cette solidarité ne sera pas optionnelle.
Cette proposition de loi vise à mieux mobiliser tous nos médecins, notamment les 20 000 Padhue. Je me réjouis que ce texte concrétise plusieurs engagements du Gouvernement en leur faveur. Nous devons simplifier les EVC pour les candidats exerçant déjà sur le territoire français. Je défendrai un amendement du Gouvernement pour que les candidats accèdent au plein exercice par un examen et non plus par un concours. Un autre amendement simplifiera la procédure d'autorisation de plein exercice. Nous voulons accorder une place centrale à l'évaluation, celle des médecins responsables de service ou d'unité, notamment.
Ces mesures résonnent pleinement avec l'autre axe majeur du pacte : la modernisation des organisations entre les professionnels de santé, pour qu'ils unissent leurs compétences.
Nous proposons un pacte de confiance envers les acteurs locaux, pour utiliser toutes les ressources disponibles sur le terrain. Il faut libérer du temps médical : j'accueille donc favorablement l'élargissement des missions des pharmaciens pour des pathologies simples, en faisant des officines la porte d'entrée dans le système de santé. Par exemple, l'élargissement des compétences vaccinales des pharmaciens est un succès. Nous proposerons un amendement afin de renforcer le soutien aux officines des territoires fragiles.
Je proposerai également un décret relatif aux audioprothésistes. Ces professionnels sont une ressource stratégique pour le suivi des personnes âgées appareillées, mais aussi pour la réalisation de certains actes susceptibles de libérer du temps médical.
Comme vous, je soutiens le développement de la pratique avancée : il convient de décliner les avancées de la proposition de loi valorisant le métier d'infirmier, votée ici il y a quelques jours. Je salue leur travail en cette journée qui célèbre leur métier.
Je suis aussi favorable à l'article portant sur les certificats médicaux inutiles, mesure très attendue.
Nous avons une obligation de résultat envers nos concitoyens : la santé doit redevenir un parcours de confiance, et non du combattant. C'est aussi une question de confiance envers les médecins et les professionnels de santé. Il faut un juste partage des responsabilités pour rétablir la force du collectif. Tel est l'esprit du pacte.
Nous avançons avec une seule boussole : la volonté d'agir pour nos concitoyens, pour nos territoires, pour notre système de santé et son avenir. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains et sur les travées du RDPI)
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'accès aux soins est une préoccupation pressante. Partout, les élus sont interpellés sur le sujet.
Nos concitoyens attendent de pouvoir se soigner partout, dans de bonnes conditions. Les pertes de chances se multiplient. Assumons cette responsabilité collective : nous avons laissé la pénurie de soignants s'aggraver.
Dès lors, faut-il réguler la répartition des médecins par la loi ? Cette proposition nous divise, entre partisans de mesures coercitives et ceux qui s'y opposent. Souvent, les débats sont stériles, chacun campant sur sa position. Pour ma part, je suis opposée aux seules solutions fondées sur la contrainte. Comme le dit la rapporteure générale Élisabeth Doineau, pénaliser les jeunes diplômés, ce n'est ni juste ni durable.
Cependant, cette proposition de loi ne crée pas de contraintes brutales et ne remet pas en cause la liberté d'installation. Elle limite la concentration des soignants, évite l'installation en zones surdenses. Rien à voir avec la coercition, donc.
Ce texte introduit un principe de responsabilité partagée. Les zones surdotées ne représentent qu'une faible partie du territoire : les ajustements se feront donc à la marge.
Nous devons miser sur des réformes plus structurelles, comme la mise en place de la quatrième année.
Je salue les propositions récentes de la conférence nationale de santé, portées par les jeunes médecins eux-mêmes. Les nouvelles générations sont prêtes à s'engager si on leur en donne les moyens.
Certes, ce texte ne réglera pas tout, mais il permet d'avancer. Les sensibilités divergent au sein de notre groupe, mais beaucoup y verront, comme moi, une tentative d'agir avec discernement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Céline Brulin . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER) En France, en 2025, avoir un médecin est presque devenu un privilège.
C'est l'égalité républicaine qui est mise à mal. Le nombre de médecins par département augmente dans les zones bien dotées, quand il diminue ailleurs. Le nombre de patients est parfois cinq fois plus important pour certains médecins que pour d'autres.
Notre groupe voit plutôt d'un bon oeil toute mesure cherchant à résorber cette situation intolérable. Mais le télescopage de textes, les mesures floues annoncées ces dernières semaines soulignent l'absence de stratégie en la matière, tandis que certains s'emploient peut-être à ce que rien ne change. La santé est pourtant la préoccupation principale des Français.
Aux termes de la proposition de loi, les généralistes devraient exercer à temps partiel dans les zones sous-denses et les spécialistes pourraient s'installer si un confrère part.
Nous saluons l'évolution de la majorité sénatoriale en la matière. Mais qu'en est-il réellement ? S'agit-il de donner quelques consultations en zones sous-denses ? Dans toutes les zones sous-denses ou seulement celles considérées comme des zones rouges ? S'agit-il d'une obligation, ou cela se transformera-t-il en une énième incitation ?
Monsieur le ministre, vous n'avez pas dit la même chose que le Premier ministre.
Il serait inacceptable que des patients déboursent davantage pour consulter un médecin.
Ce texte, c'est un soupçon de régulation, beaucoup de flou, et de nombreuses mesures dangereuses.
À ceux qui veulent couper l'herbe sous le pied de l'initiative transpartisane que représente la proposition de loi adoptée la semaine dernière à l'Assemblée nationale, je veux dire : vous avez perdu la bataille de l'opinion. Ce texte prévoit que les nouveaux médecins s'installeront dans 87 % du pays - le choix est large ! Cette mesure s'applique déjà aux infirmiers depuis 2008, aux masseurs-kinésithérapeutes et sages-femmes depuis 2018 et aux chirurgiens-dentistes depuis cette année. Le rapport de Bruno Rojouan défendait la même vision : aux grands maux les grands remèdes !
Ce texte fait l'impasse sur le renforcement des capacités de formation des médecins.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. - Ça va venir !
Mme Céline Brulin. - Nous craignons que ce texte ne réponde pas aux attentes de nos concitoyens, qui veulent avoir un médecin - une attente bien républicaine !
Mme Anne Souyris . - (Mme Solanges Nadille applaudit.) Hervé Guibert, avant d'écrire sur le sida, racontait ses parents. Le narrateur, jeune étudiant, retourne à La Rochelle : « Je suis tombé malade. Et comme je n'ai aucun ami pour venir me soigner, après avoir attendu plusieurs jours sans médicaments [...] je décide de prendre un train pour rejoindre mes parents. Les cinq heures de train m'ont achevé. [...] Ils me couchent et appellent un médecin. Mais le docteur tarde et dans mon lit, tout l'espace se met à basculer autour de moi. »
Certains d'entre nous ont déjà vécu ce récit.
Cette réalité de 1986 apparaît aujourd'hui anachronique : les visites au domicile ne représentent plus que 8,8 % des consultations, contre 38 % en 2016. Pour tous ceux qui sont en perte d'autonomie ou handicapés, la solution réside dans la téléconsultation.
Sur tous les bancs, le constat est unanime. L'accès aux soins se révèle chaque jour plus difficile en raison du vieillissement de la population, de l'augmentation des besoins en santé, d'une politique austéritaire numéraire sous l'effet du numerus clausus, responsable d'une pénurie de médecins depuis 1971 et vraisemblablement jusqu'en 2032, ainsi que d'une répartition fortement inégalitaire.
L'accès aux soins passera par la régulation de la profession médicale avec un effort soutenu pour la formation, une création de passerelles intelligibles, le développement des autres professions de santé, la prévention et la santé environnementale.
Mais que n'avons-nous pas entendu ces derniers temps ? Les slogans comme « Bac +12 ; pas pour finir à Mulhouse » sont indignes.
Des politiques de régulation existent déjà, notamment pour les infirmiers depuis 2008, les masseurs-kinésithérapeutes depuis 2018 et les chirurgiens-dentistes depuis 2025, sans parler des pharmaciens d'officine.
Nous avons de la sympathie pour l'article 3, même si notre groupe lui préfère le texte en discussion à l'Assemblée. Sur ce point, comment ne pas s'interroger : le présent texte est-il une proposition de loi du groupe Les Républicains ou un cheval de Troie anti-Garot ?
Nous ne rejetons pas votre proposition de loi, qui peut être votée par une large majorité. Mais certaines des mesures de ce texte sont des lignes rouges, comme la discrimination prévue pour les Padhue ou pour les consultations en zone sous-dense.
Hervé Guibert nous rappelle dans ses oeuvres l'omniprésence de la mort et de la maladie dans nos vies. À l'heure où la figure du médecin de famille disparaît, nul besoin d'appeler à la résurrection du passé : il est temps de créer un nouveau modèle. J'espère que ce texte y participera.
Mme la présidente. - Je suspends l'examen de cette proposition de loi.
Accueil et information des personnes retenues (Procédure accélérée - Suite)
Mme la présidente. - Nous reprenons l'examen de la proposition de loi tendant à confier à l'Ofii certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues.
La commission des finances a rendu son avis sur le précédent texte.
M. Bruno Belin, vice-président de la commission des finances. - La commission des finances s'est réunie. À l'unanimité moins une voix, elle a déclaré la recevabilité du texte.
Vote sur l'ensemble
M. Thomas Dossus . - Cette nouvelle proposition de loi s'inscrit dans une longue série ayant trait à l'immigration. Un accord de gouvernement empêche le ministre de l'intérieur de présenter des projets de loi dans ce domaine, ce qui le contraint à faire produire par la majorité sénatoriale des propositions de loi.
M. Roger Karoutchi. - Et c'est très bien !
M. Thomas Dossus. - Même la commission des finances s'est mise à son service, niant un certain nombre d'arguments de fond de façon extrêmement expéditive... (Protestations à droite)
Ce texte alourdira les finances de l'État tout comme la proposition de loi étendant le temps de rétention en CRA ; c'est ce qui a obligé le ministre à reprendre le texte à son compte. Le ministre Retailleau a mis la majorité sénatoriale à son service en vue du congrès... (Protestations à droite ; M. Roger Karoutchi ironise.)
Ce ne sont pas les associations qui libèrent les retenus, mais les juges ; vous avez voté des textes de plus en plus touffus, ce qui engendre une multiplication des recours. Nous avons donc une loi de plus, qui stigmatise les associations. Je regrette ce dévoiement de notre Haute Assemblée.
Mme Émilienne Poumirol . - Le groupe SER votera contre cette proposition de loi.
Corinne Narassiguin a défendu notre position au long du débat. La demi-heure qui vient de s'écouler a montré combien cette proposition de loi était en fait un projet de loi déguisé pour éviter l'avis du Conseil d'État et celui de la commission des finances. Nous nous opposons à ce que le ministre Retailleau court-circuite ainsi la procédure. (M. Thomas Dossus renchérit.)
Mme Sophie Briante Guillemont . - Le groupe RDSE votera majoritairement contre ce texte, malgré quelques abstentions. Je regrette l'absence de réponses sur l'application pratique de ce texte, notamment le rôle des avocats. La compétence technique de ce contentieux appartient aujourd'hui aux associations.
M. Guy Benarroche . - Bien sûr, notre groupe ne votera pas cette proposition de loi. Tout d'abord, je m'étonne du travail réalisé par le Sénat sur ce texte. L'exposé des motifs regroupe soit des faits non avérés, soit déformés, en l'absence de tout argumentaire solide.
Le coût du remplacement des associations par l'Ofii n'est pas évalué. Il s'agit d'un argument fallacieux, tout comme l'accusation de recours abusifs contre les associations : les associations ont signé des marchés publics avec l'État, or aucune action n'a été engagée contre elles pour manquement.
Qu'est-ce qu'un recours abusif ? À partir de quel nombre considérez-vous que les recours seraient trop nombreux ? Vous oubliez que beaucoup d'OQTF sont prononcées sans étude des cas individuels.
Même un ancien Président de la République a le droit d'exercer un recours. Rien n'est prouvé aujourd'hui. Rien ne justifie cette loi, sinon un objectif d'affichage politique.
Mme Marie-Carole Ciuntu . - Au regard des propos tenus, je tiens à préciser que je suis bien l'auteure de cette proposition de loi à l'issue d'un travail remarquable conduit par le Sénat.
M. Max Brisson. - Très bien !
Mme Marie-Carole Ciuntu. - Je ne me suis pas levée un matin avec une obsession. Il est inadmissible, parce qu'on veut réguler l'immigration, de se faire traiter de fachos ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également ; M. Thomas Dossus lève les bras au ciel.)
Voilà un an que j'ai demandé en commission que la Cour des comptes examine les missions confiées à ces associations et les financements associés. Cela ne vous fait apparemment rien qu'un budget d'un milliard d'euros, qui a doublé, ne soit pas contrôlé, et qu'il y ait probablement des doublons.
On peut se demander ce que signifie l'activité de ces associations qui massifient le contentieux. (M. Thomas Dossus proteste.) Vous étiez là lorsque la Cour des comptes a utilisé une formule prudente, mais claire, s'agissant des doutes pouvant exister.
Ce texte répond à l'attente des Français qui veulent reprendre la main sur l'immigration.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
Mme Marie-Carole Ciuntu. - L'antiparlementarisme dans lequel vous sombrez n'est pas une bonne chose ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.)
À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°268 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 227 |
Contre | 113 |
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Je remercie la Haute Assemblée pour ce vote à une large majorité. Je salue le travail de Mme Ciuntu qui avait commencé bien avant que je ne devienne ministre, celui du rapporteur, qui a fait ses premières armes et a montré qu'il avait un bel avenir devant lui.
Cette proposition de loi importante est révélatrice de l'action de l'État. Depuis des décennies, on a démantelé l'État : des politiques publiques ont été confiées à des agences ou à des associations.
Nous avons relevé la partialité des associations quand l'une d'entre elles placarde dans ses locaux une affiche « la France déporte ». Mais vous procédez à un renversement : vous accusez des fonctionnaires d'être partiaux, alors qu'ils sont impartiaux, selon le statut de la fonction publique lui-même ! Venant de la gauche ! (M. Guy Benarroche proteste.)
C'est aussi une exigence budgétaire : nous ferons des économies grâce à cette proposition de loi.
Enfin c'est une exigence démocratique. Une grande majorité de Français veulent une politique efficace de retour. Si demain nous devons accueillir correctement des étrangers, il faut que ceux qui ne respectent pas nos lois rentrent chez eux. (Protestations sur les travées du GEST)
M. Thomas Dossus. - Mais c'est le juge qui en décide !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Je constate un dissensus flagrant : vous ne voulez tout simplement pas de politique de retour efficace. Merci pour ce vote ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
La séance est suspendue à 20 h 20.
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 50.
Améliorer l'accès aux soins dans les territoires (Procédure accélérée - Suite)
Discussion générale (Suite)
M. Jean-Luc Fichet . - (Mme Annie Le Houerou applaudit.) Cette proposition de loi s'inscrit dans la droite ligne de plusieurs législations adoptées ces dernières années qui ont abordé l'accès aux soins de manière parcellaire, alors qu'il faudrait un projet de loi ambitieux et global.
Depuis mon arrivée au Sénat en 2008, je travaille à améliorer cet accès. En 2009, la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) ambitionnait déjà de résoudre le problème, en vain. En 2013, j'ai commis avec Hervé Maurey le rapport « Déserts médicaux, agir vraiment », resté lettre morte.
Depuis des décennies, les organisations professionnelles de médecins se battent contre toute coercition et toute régulation, ne suggérant que des mesures incitatives - soutien financier, défiscalisation, etc. S'y sont ajoutées les aides des collectivités territoriales, conduisant à une mise en concurrence parfois délétère.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est vrai.
M. Jean-Luc Fichet. - En 2007, la Cour des comptes avait dénoncé une fuite en avant sans évaluation et estimé que de telles incitations essentiellement financières n'étaient pas à la hauteur des enjeux.
C'est un échec collectif : la désertification médicale progresse, la colère de nos concitoyens aussi. En 2022, 6,7 millions d'entre eux n'avaient pas de médecin traitant, 30 % de la population française vivait dans un désert médical et l'espérance de vie en bonne santé est inférieure de deux ans en moyenne en zone rurale.
Mais les dispositions de cette proposition de loi ne sont pas opérantes. Ainsi du comité de pilotage de l'accès aux soins, dont la mission est déjà assurée par l'ARS.
Autre disposition inadéquate : l'activité à temps partiel des médecins généralistes en zones sous-denses. Avec quels contrôles, quels moyens et quel impact ? Quid du remplacement des médecins dans leurs cabinets primaires ? Quel coût pour la collectivité s'il faut payer pour les transports, les locaux, etc. ? Le dépassement d'honoraires en zone sous-dense constituerait une barrière financière à l'accès aux soins.
Les dispositions sur les Padhue sont contestées par les intéressés. S'ils sont recalés après avoir exercé pendant des années, des patients mal soignés ne risquent-ils pas de porter plainte ? L'obligation d'installation des Padhue en zone sous-dense est injuste et discriminatoire.
Cette proposition de loi est sortie du chapeau de nos collègues de droite pour concurrencer la proposition de loi transpartisane du député socialiste Guillaume Garot. Le texte de la majorité sénatoriale est imprécis et inefficace : le groupe SER s'y opposera.
M. Joshua Hochart . - La fracture sanitaire divise nos territoires et pénalise des millions de nos compatriotes. L'accès aux soins se dégrade inexorablement : près de 12 % des Français n'ont pas de médecin traitant. Il est de notre devoir d'y remédier.
Mais certaines mesures de cette proposition de loi risquent d'aggraver la situation, comme celles qui attentent à la liberté d'exercice. Conditionner l'installation à un temps partiel en zone sous-dotée ou au départ d'un confrère risque de décourager nombre de jeunes praticiens.
Le foisonnement d'instances et de comités ajoute une complexité technocratique dont nos territoires n'ont pas besoin.
Nous aurions préféré des incitations franches : valorisation des actes médicaux en zone sous-dotée, allègements fiscaux, simplification drastique des charges administratives, notamment. Le recours aux Padhue, sans garantie suffisante sur leurs compétences, interroge.
Concentrons plutôt nos efforts sur la formation, l'installation et le maintien des médecins français dans les zones qui en ont le plus besoin.
Pour toutes ces raisons, en dépit de l'effort de diagnostic, nous ne pouvons voter ce texte en l'état. Nous espérons des améliorations sur la liberté d'exercice et l'accès aux soins.
M. Daniel Chasseing . - Près de sept millions de Français n'ont pas de médecin traitant, et 17 % des habitants des zones rurales déclarent avoir des difficultés d'accès aux soins - ils sont 4 % dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants. L'accès est donc très inégal d'un territoire à l'autre.
Les députés ont voté l'interdiction d'installation en zone surdense, sauf remplacement d'un confrère. En déplacement dans le Cantal, le Premier ministre a proposé un principe de solidarité : deux jours par mois dans les déserts médicaux.
Cette proposition de loi conforte la compétence des départements dans l'accès aux soins. C'est l'échelon le mieux placé pour évaluer les besoins, en collaboration avec l'ARS et l'assurance maladie et en associant collectivités territoriales et professionnels de santé. Le ministère pourra s'appuyer sur les futurs offices départementaux pour prendre en compte les besoins de chaque territoire.
L'article 3 conditionne l'installation de tout médecin généraliste en zone surdotée à l'autorisation de l'ARS et du conseil départemental de l'ordre, à condition de réaliser un temps partiel en zone sous-dotée. J'ai déposé un amendement pour fixer ce temps partiel à deux jours hebdomadaires au moins, à 60 kilomètres au plus. Cette proposition de loi est moins contraignante que celle du député Garot qui interdit l'installation en zone surdense, sauf remplacement d'un confrère. Notre texte ne semble pas rejeté par les médecins et étudiants. J'espère qu'il sera efficace.
Je regrette la réécriture de l'article 9 en commission. La rédaction initiale, pragmatique, prévoyait l'avis du chef de service, du chef de pôle et du président de la commission médicale d'établissement (CME). En cas d'avis défavorable, la commission nationale intervenait.
Je suis favorable à l'article 12 sur la prise en compte par l'assurance maladie du rôle du pharmacien, qui peut vacciner et traiter les angines ou les cystites du week-end. C'est le seul professionnel présent du lundi au samedi, avec garde le dimanche. C'est justice qu'il soit reconnu.
L'article 13 encourage la formation des infirmiers en pratique avancée (IPA) : c'est nécessaire. L'article 14 concerne leur rémunération en libéral. Les forfaits doivent être revalorisés et il faut des paiements à l'acte. Le médecin pourra prendre plus de patients, puisque l'IPA en coordination pourra prescrire.
Dès novembre 2026, les docteurs juniors interviendront, mais nous risquons de manquer de maîtres de stages.
Oui, les médecins devront faire des efforts pour aller dans les zones sous-denses, mais ils ne seront pas empêchés de s'installer : la médecine conserve son caractère libéral. Les médecins sont responsables et comprennent que les parlementaires doivent répondre à la demande d'accès aux soins des Français. S'il n'y a plus de médecin dans une commune, c'est la mort de la pharmacie, du médico-social, etc.
Cette proposition de loi est un complément de la quatrième année d'internat, pour que les maisons de santé aient un médecin. Je la voterai. Le groupe Les Indépendants sera attentif à l'évolution du texte. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Laurent Somon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.) La difficulté d'accès aux soins est vécue comme une injustice par les six millions de Français sans médecin traitant. C'est le résultat de choix comptables pour dépenser moins. Avec des dépenses de santé supérieures d'environ un tiers à la moyenne de l'OCDE, nous connaissons une pénurie de médecins. Rappelons qu'entre 1980 et 1982, le numerus clausus a été réduit. (M. Alain Milon le confirme.) De surcroît, les pouvoirs publics ont tout misé sur l'hôpital, fragilisant encore plus la médecine libérale. Les Français en subissent les conséquences.
Ce texte propose de mieux évaluer les besoins de santé des territoires, en s'appuyant sur les conseils départementaux. Des plans santé sont déjà en place.
Nous renforçons l'offre de soins en zone sous-dotée, tout en préservant la liberté d'installation des médecins : ceux qui s'installent dans les territoires surdotés devront réaliser des consultations avancées.
La proposition de loi renforce le partage des compétences entre professionnels pour libérer du temps médical au profit des patients.
Le 25 avril, le Gouvernement a présenté un pacte contre les déserts médicaux, qui s'inspire de nos travaux. L'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi régulant l'installation, mais réguler une pénurie n'a pas de sens. Ce texte est préférable, je vous invite à le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Solanges Nadille . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Plus de six millions de nos concitoyens n'ont pas de médecin traitant, 87 % du territoire national est classé désert médical. Ces chiffres sont vertigineux. Cela concerne les territoires ruraux, mais aussi certaines agglomérations. Je pense aussi aux outre-mer, où la double insularité et la discontinuité territoriale limitent l'accès aux soins.
Je salue cette proposition de loi. L'actualité législative sur ce sujet est dense, au risque de la confusion. La semaine dernière, nous examinions une proposition de loi sur la profession d'infirmier, pendant que l'Assemblée nationale en adoptait une sur les déserts médicaux.
Quant au Gouvernement, il a présenté son pacte contre les déserts médicaux, autour de quatre priorités : diversifier l'origine géographique et sociale des étudiants ; développer la solidarité avec jusqu'à deux jours par mois dans les zones en difficulté ; moderniser et simplifier l'organisation entre professionnels de santé ; et créer avec les élus locaux de bonnes conditions d'accueil pour étudiants et médecins.
Ce pacte amplifie les effets des mesures prises par la majorité présidentielle depuis 2017 : suppression du numerus clausus ; déploiement des maisons de santé pluridisciplinaires, des centres de santé et des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ; revalorisation de la consultation à 30 euros.
Mais nous devons aller plus loin, d'où ce texte qui permet une évaluation des besoins et renforce le rôle des élus locaux. Il crée notamment un comité de pilotage. Le rôle du nouvel office qui succédera à l'ONDPS devra être précisé. La proposition de loi conditionne aussi l'installation en zone dense à un exercice partiel en zone sous-dense. Ici aussi, des précisions seront nécessaires.
Ces dispositions sont plus mesurées que celles de la proposition de loi Garot. Le débat sur la liberté d'installation des médecins est ancien et vif. Nous défendons le libre choix des patients, mais il ne doit pas être absolu, afin que chaque Français ait accès à des soins de qualité, quel que soit son lieu de vie.
C'est un bon compromis, malgré des réserves sur certaines dispositions, comme à l'article 5 sur les dépassements d'honoraires en zones sous-denses ou aux articles qui orientent prioritairement les Padhue vers les zones sous-denses - une inégalité de traitement qui risque de décourager les médecins étrangers de s'installer en France !
Ce texte libère du temps médical en développant les coopérations entre professionnels de santé, en accroissant le rôle des pharmaciens et en renforçant l'attractivité de la pratique avancée pour les infirmiers. Le RDPI le votera. En 2025, l'accès aux soins ne devrait plus relever du parcours du combattant. Nous devons agir. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Mireille Jouve . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Depuis Mark Twain, on sait qu'il est plus facile de s'arranger avec les statistiques qu'avec les faits, qui sont têtus.
En matière d'accès aux soins dans les territoires, les faits, en plus d'être têtus, sont inquiétants. Comme le Sénat, le Premier ministre, le Gouvernement et l'Assemblée nationale s'en préoccupent. Si les approches sont parfois différentes, le diagnostic et les propositions nous rappellent l'urgence de la situation.
Un consensus autour de chiffres accablants nous incite à agir sérieusement et rapidement. Quand sept millions de nos concitoyens sont sans médecin traitant, qu'il faut deux mois pour obtenir un rendez-vous en ophtalmologie ou en dermatologie, quand les urgences sont saturées faute d'alternative, nous devons tout faire pour lutter contre la désertification médicale. Dans les Bouches-du-Rhône, les banderoles « cherche médecin » fleurissent sur les ronds-points. La pénurie creuse le fossé entre ceux qui réussissent à se faire soigner et les autres.
Une majorité du groupe RDSE considère que les dix-huit articles de ce texte sont cohérents et constructifs.
La mission particulière confiée aux départements, en lien avec l'ARS et l'assurance maladie, permettra de mieux définir les besoins ; gare toutefois à ce que cela ne devienne pas une charge supplémentaire.
Je soutiens les articles 3 et suivants qui renforcent l'offre de soins en territoire sous-doté. La régulation de l'installation est bien moins contraignante que celle votée par l'Assemblée nationale.
Certains médecins crient avant d'avoir mal. Les Français savent que devenir médecin n'est pas un jeu d'enfant, mais une année de médecine coûte 20 000 euros, largement financée par l'impôt !
M. Alain Milon. - Toutes les études sont financées !
Mme Mireille Jouve. - N'oublions pas que les études médicales sont financées par l'argent public et que la rémunération des médecins libéraux est assurée par l'assurance maladie : il faut un équilibre entre droits et devoirs, que certains oublient.
La pénurie de médecins résulte aussi du numerus clausus, appliqué pendant des années avec le soutien conjoint des autorités sanitaires, qui en attendaient des économies, et des organisations de médecins, qui défendaient leur corporation. Mettons un terme à ce jeu de dupes. Un consensus est possible pour répondre aux attentes de nos concitoyens.
Je voterai ce texte, à l'instar de certains de mes collègues du RDSE, espérant une rapide mise en oeuvre. (M. Philippe Mouiller applaudit.)
Mme Élisabeth Doineau . - Nous sommes tous préoccupés par l'accès aux soins dans nos territoires. Je salue Philippe Mouiller qui entend apporter une réponse à des inégalités inacceptables. Je remercie aussi la rapporteure.
Si j'approuve une grande partie des avancées, je n'ai pas souhaité cosigner cette proposition de loi pour deux raisons.
D'abord, la confusion : faute d'un projet de loi structurant, les propositions de loi se succèdent depuis dix ans, sans stratégie. Entre propositions de loi et plan du Gouvernement, nous sommes perdus.
Ensuite, la pression : les mesures de régulation à l'installation se feraient sans l'accord des médecins. Il est délicat de faire porter à la nouvelle génération les conséquences des erreurs politiques du passé. Les études de médecine sont éprouvantes. Exiger la performance pendant les études, puis l'engagement jusqu'à l'épuisement pendant l'internat, c'est rédhibitoire.
Comment sortir par le haut de tout cela ? Les auditions de Yannick Neuder ont été appréciées par nombre d'entre nous : médecins juniors, intégration des Padhue et des étudiants français formés à l'étranger... J'ai senti une volonté ferme et prometteuse.
Comment tisser cette proposition de loi avec le plan gouvernemental ? Avec quelle majorité ? Il faudrait une proposition suffisamment solide et consensuelle pour éviter les errements législatifs et les surenchères démagogiques.
L'article 1er va dans le bon sens, en confortant les conseils départementaux sur l'évaluation des besoins de santé. Dès 2018, avec Thomas Mesnier, nous avions proposé ce chef de filat.
Je me réjouis aussi des articles 13 et 14 sur les IPA et des articles 15, 16 et 17 qui permettront de gagner du temps médical.
Bien qu'érigée en spécialité désormais, la médecine générale attire de moins en moins. Attention à ne pas aggraver cette tendance. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme Émilienne Poumirol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous le savons tous : l'accès aux soins est de plus en plus difficile et inégalitaire.
Les textes - législatifs, réglementaires - se succèdent, sans répondre à la détresse grandissante de nos concitoyens. Cette proposition de loi ne fera pas exception.
Malgré quelques bonnes idées comme le recours aux IPA, la suppression des certificats médicaux pour enfant malade, la facilitation de l'exercice en cabinet secondaire, ce texte est insuffisant, sans cohérence. Manque un projet de loi pour définir une stratégie nationale.
Il faudrait un pilotage sur l'activité et la taille de la patientèle. Deux médecins ayant des files actives allant du simple au triple ne doivent pas avoir la même rémunération par patient...
L'article 11 vise à favoriser la coopération entre professionnels de santé, mais il reste timide et est peu effectif. Pourquoi les professionnels de santé se regroupent-ils, si ce n'est pour mieux coopérer ? Il y a pourtant tant à faire pour favoriser le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles ! Il faudrait un projet de santé coconstruit et pluriprofessionnel, et leur donner un statut de maître de stage pour la quatrième année d'internat. En l'état, le dispositif proposé relève de l'incantation. Nous proposerons une réécriture de l'article pour organiser l'intégration des médecins libéraux dans des équipes de premier recours.
Le texte propose à l'article 12 un énième transfert de compétences, en direction des pharmaciens. Nous y sommes défavorables : ce n'est pas ainsi que nous améliorerons l'accès aux soins.
Les certificats pour le sport sont l'occasion de faire un bilan de santé et de la prévention. Oui, il faut lutter contre les certificats médicaux inutiles, mais ce ne sont pas eux qui entravent l'accès aux soins.
Une nouvelle participation de la Cnam est demandée à l'article 15 pour des équipements innovants, qui s'ajoute aux mille-feuilles de tout ce qui est déjà financé par l'État, les ARS, l'assurance maladie...
Mme la présidente. - Il faut conclure.
Mme Émilienne Poumirol. - Le système devient insoutenable. Il est temps de changer de méthode. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Pauline Martin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Tout a été dit sur la désertification médicale. Vingt ans que les élus locaux alertent, investissent des millions d'euros dans des cabinets ou maisons de santé pluriprofessionnelles, que les maires rivalisent de séduction. Vingt ans aussi que la complexité administrative va de pair avec la dématérialisation. Vingt ans, c'est le temps de former deux générations de médecins - mais point de diagnostic précoce pour les oubliés d'Esculape dans nos territoires.
Cette proposition de loi n'est pas la panacée mais apporte quelques réponses - même si la création d'un office national d'évaluation et d'un énième comité de pilotage me laisse dubitative.
Au risque de susciter les protestations indignées, je rappellerai que, nonobstant le respect et l'admiration que nous avons pour nos médecins, on peut s'interroger sur le caractère libéral d'une profession largement financée par le contribuable. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.) Or l'augmentation du prix de la consultation a eu pour corollaire d'en faire diminuer le nombre. Les médecins remplaçants n'exercent en moyenne que vingt-six semaines par an, alors qu'ils souhaiteraient travailler plus.
Ce texte a le mérite de faire bouger la profession, les syndicats d'internes deviennent force de proposition. Monsieur le ministre, que les actes succèdent aux mots et nous permettent de soigner enfin les maux ! Levons les blocages, simplifions, accompagnons cette initiative et remercions nos collègues auteurs et rapporteurs ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et UC)
M. Alain Milon . - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) « Quand le désert avance, c'est la vie qui s'en va », chantait France Gall. Quand les commerces, les services publics et les professionnels de santé disparaissent de nos territoires, oui, le désert avance et la vie s'en va. Plus de 12 % des Français n'ont pas de médecin traitant, et l'accès aux soins est très inégal d'un territoire à l'autre.
Vous êtes donc saisis de cet épineux problème, tout en réaffirmant deux principes déontologiques fondamentaux : le caractère libéral de la médecine, et la liberté de choix des patients.
La première raison de la pénurie de médecins, c'est le numerus clausus, auquel personne n'a touché depuis 1971, sauf Agnès Buzyn.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Exact !
M. Alain Milon. - Les jeunes médecins embrassent une profession et non plus un sacerdoce, ils se tournent de plus en plus vers le salariat ou l'exercice coordonné. Citons aussi les agressions, qui dissuadent de s'installer seul, la judiciarisation de la société, la bureaucratisation.
Face à ces évolutions, ce texte propose des axes intéressants. D'abord, une meilleure connaissance des besoins - c'est un changement de paradigme, d'autant que l'on place le département au coeur. La libération de temps médical et le partage des compétences constituent également une petite révolution.
Sur l'offre de soins, je suis plus circonspect. Cela revient à changer le pansement. La désertification médicale est multifactorielle et résulte de la disparition de services publics, des commerces de proximité. Oblige-t-on des entreprises publiques, des écoles ou La Poste à rester ? Contraindrait-on des boulangers ou des bouchers à ouvrir dans des zones déficitaires ? Pourquoi le faire pour les médecins ?
L'incitation confine à la coercition. Fermer un cabinet principal pour aller exercer à temps partiel dans un cabinet secondaire ? Qui va assumer le financement ? Le médecin ? La collectivité ? Je crains une financiarisation accrue du système de santé.
Monsieur Rojouan, les médecins ne sont pas des salariés de la sécurité sociale : la sécurité sociale paye les médecins en remplacement des patients. Plus ils travaillent, plus ils gagnent. Nous, sénateurs, sommes payés autant, que nous soyons présents en séance ou non.
Mme la présidente. - Il faut conclure.
M. Alain Milon. - Comme le disait Francis Blanche, « il vaut mieux penser le changement que changer le pansement. » (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Belin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Oui, cela fait vingt ans que nous alertons sur les déserts médicaux. Ce texte marque une espérance. Il faut s'en saisir.
Trois enjeux. D'abord, gagner du temps médical. Arrêtons la paperasse inutile. Déléguons des tâches, aux infirmières en pratique avancée, aux pharmacies - dernier endroit où l'on peut obtenir une réponse gratuitement et sans rendez-vous. Utilisons la polyvalence de ces professionnels ! (M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérit.) Gardons en activité les professionnels de santé tentés de partir à la retraite, facilitons le cumul activité-retraite.
Deuxième enjeu : continuer à former. Je salue les étudiants en tribune. Il est faux de penser que la baisse de la natalité signifie qu'on aura besoin de moins de professionnels de santé à l'avenir.
Troisième enjeu : rendre la santé accessible sur les territoires. Les Padhue doivent pouvoir y participer. Je m'oppose à la coercition, contreproductive, mais une liberté peut être encadrée. Oui au maillage départemental, c'est le bon niveau.
Ce texte apporte un début de réponse. Peut-être parlerons-nous ensuite des déserts pharmaceutiques.
Mme Élisabeth Doineau. - Il faut de la régulation !
M. Bruno Belin. - Votez ce texte indispensable ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et du RDPI)
Discussion des articles
Article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°90 rectifié bis de Mme Le Houerou et du groupe SER.
Mme Annie Le Houerou. - Cet article renforce à juste titre l'échelon départemental dans l'évaluation des besoins de santé. L'échelon régional, trop éloigné, ne permet pas d'adapter l'offre de soins. Nous proposons de conserver l'ONDPS tout en créant un échelon départemental. Les finances des départements sont déjà exsangues, ils ne peuvent supporter de nouvelles charges non compensées. Inutile de créer de nouveaux organismes avec les mêmes missions que celles confiées au nouvel Office national d'évaluation.
Ajoutons simplement un échelon départemental et n'accumulons pas les dispositifs redondants. Le Gouvernement dénonce la comitologie mais double les institutions nationales !
Considérons non pas le nombre de praticiens par habitant mais le temps médical par habitant. L'heure est aux réponses efficaces.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'un des objectifs de ce texte est de rapprocher l'identification des besoins de santé des territoires : le département est le bon niveau.
Les conseils départementaux sont réactifs. Il faut inverser la logique et rompre avec l'approche descendante - chacun sait combien il est difficile pour le conseil territorial de santé (CTS) de modifier le zonage proposé par l'ARS. Nous voulons que les propositions montent des territoires.
L'ONDPS, dont nous mesurons les limites, est sous-dimensionné, selon la Cour des comptes, car il n'existe pas dans la loi. Donnons une base légale à cette mission d'évaluation. Avis défavorable.
Un office départemental n'est pas forcément une structure lourde : il s'agit simplement de mettre autour de la table le conseil départemental, la délégation départementale de l'ARS, la CPAM et l'ordre départemental des médecins.
M. Yannick Neuder, ministre. - Nous privilégions les remontées du terrain, l'esprit bottom up. J'ai souhaité une territorialisation des actions, pour tenir compte des différences. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Jean-Luc Fichet. - Je comprends mal comment fonctionneront ces offices départementaux. C'est la mission de l'ARS ! Tout le monde se réunit pour identifier les besoins du territoire - et ensuite, que se passe-t-il ? On envoie les Padhue ou les médecins juniors pour assurer une offre sur tout le territoire ? On aura évalué les besoins mais on n'aura toujours pas de réponse !
Mme Émilienne Poumirol. - Oui, le département est le bon échelon pour évaluer les besoins, mais l'ARS a déjà des délégations départementales. Les CPTS ont une connaissance fine de la situation - nombre de temps partiels, exercice mixte, départs en retraite programmés - et participent à l'élaboration de la cartographie des moyens. Mieux vaudrait renforcer les moyens de l'échelon départemental de l'ARS.
Le président du conseil départemental aura-t-il une compétence supplémentaire ? Est-ce à lui d'organiser ? Si oui, avec quels moyens ? Ce n'est pas clair.
L'amendement n°90 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°55 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - On comprend bien la logique de l'article 1er. Oui, le maillage départemental est pertinent. Trop souvent, l'ARS nous sort des chiffres de présence médicale sans rapport avec la réalité. Son zonage, qui repose sur la logique comptable, est surréaliste : pour reconnaître qu'un territoire est sous-doté, il faut qu'un autre soit considéré comme mieux doté - même si rien n'a évolué !
CPTS, CTS, les instances se sont multipliées. Il faudrait savoir quelle est la plus pertinente. Il faut aussi disposer d'indicateurs objectifs et pertinents pour juger de la démographie médicale. Notre amendement propose de créer un indicateur territorial de l'offre de soins qui prenne aussi en compte la situation sociale, la pyramide des âges, par exemple, au-delà du seul nombre de praticiens.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Retrait, sinon avis défavorable. Certes, il faut plusieurs indicateurs. Pour certains départements, les indicateurs seront différents de ceux du département voisin, pour apprécier la réalité du terrain.
M. Yannick Neuder, ministre. - Pour les mêmes raisons, même avis.
M. Bernard Jomier. - L'amendement n°55 rappelle que toute politique publique qui agit sur 3 à 5 % du territoire pour compenser ce qui manque sur 85 % du territoire est vouée à l'échec.
On ne peut en rester à l'état actuel de l'analyse de l'offre.
Les services du ministère préparent une nouvelle cartographie qui identifiera des zones rouges sur lesquelles intervenir. L'indicateur territorial de l'offre de soins (Itos) montre bien que la situation actuelle ne permet pas de déployer les politiques publiques. Comment le ministère compte-t-il redécouper le zonage actuel ?
Certaines dispositions sont intéressantes, mais le texte ne changera pas radicalement le problème de l'offre de soins. La solution passe par l'année de professionnalisation et le nombre d'étudiants formés, dont la hausse a débuté avant qu'Agnès Buzyn soit ministre.
M. Hervé Gillé. - Le préfet de région Nouvelle-Aquitaine a lancé, avec le directeur général de l'ARS, la phase de consultation autour du pacte pour sensibiliser les parlementaires et les parties prenantes. Le zonage s'appuiera sur les EPCI, avec des critères comme l'indicateur d'accessibilité potentielle localisée (APL), la proportion de médecins généralistes de moins de 65 ans, d'affections de longue durée (ALD), le temps d'accès aux urgences les plus proches, le niveau de vie sur la base du revenu disponible, pour établir l'indice de vulnérabilité.
Monsieur le ministre, comment articulerez-vous ce texte et le pacte ?
L'amendement n°55 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°117 du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Il y a un mois, j'ai réuni les ARS régionales et leurs antennes départementales, les préfets de région et de départements pour parler santé. Les préfectures le font au titre de l'aménagement du territoire. L'attractivité passe par le logement, la voirie, les commerces de proximité, l'offre de soins.
L'offre de soins, mission régalienne au plus proche de nos territoires, est prise en charge par les ARS.
Les critères que vous évoquez doivent permettre d'identifier, dès septembre, des zones particulièrement sous-dotées pour permettre cet « aller vers », deux jours par mois, dans le cadre de cette obligation collective.
L'amendement du Gouvernement répond à des besoins à terme, lorsqu'on aura supprimé définitivement le numerus apertus pour former davantage - car il y aura de plus en plus de maladies chroniques.
Parmi les causes de la pénurie, il y a aussi l'évolution du rapport au travail des jeunes générations : désormais, il faut 2,3 généralistes pour remplacer un départ en retraite.
L'ONDPS intégrera le prisme départemental pour identifier les besoins et, à terme, augmenter la capacité de nos universités. Nous voulons une première année de médecine dans chaque département. En Ardèche, à Aubenas, on adosse à l'hôpital, qui se restructure, une formation de quarante places, qui ouvrira en septembre. C'est toute une dynamique qui se crée.
L'échelon de l'intercommunalité est le bon échelon. C'est désormais la maison médicale qui rayonne, et non le généraliste à l'ancienne.
Nous visons la simplification : un office, plutôt qu'une centaine !
Mme la présidente. - Amendement n°120 de Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Nous prévoyons que les offices départementaux formulent un avis conforme sur le zonage d'installation des médecins. Cela renforce le rôle des départements. Nous renvoyons au décret les modalités permettant de faire face à d'éventuels blocages.
Mme la présidente. - Amendement n°14 rectifié ter de Mme Guillotin et alii.
Mme Véronique Guillotin. - L'article 1er consacre le rôle actif et structurant des départements, mais il faudrait associer les professionnels de santé, au travers de leurs unions régionales.
Mme la présidente. - Amendement identique n°19 rectifié bis de Mme Lassarade et alii.
Mme Florence Lassarade. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°29 rectifié ter de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°28 rectifié de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Cet amendement ajoute des représentants des associations de maires à la composition des offices départementaux. Il propose aussi que des représentants des structures territorialement compétentes des ordres et CTS entrent dans leur composition.
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié de Mme Muller-Bronn et alii.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Nous proposons d'associer les parlementaires, qui ont une vue globale.
Mme la présidente. - Amendement n°78 rectifié bis de Mme Romagny et alii.
M. Hervé Maurey. - Il s'agit de prendre en compte le temps médical disponible, selon que les médecins sont à temps plein ou à temps partiel, l'âge des médecins et la notion de bassin de vie.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Je comprends les réticences à la création d'un nouveau « comité Théodule ». Ce n'est pas l'esprit de ce texte : nous voulons créer une structure souple associant les différents acteurs. La commission a renforcé le rôle des offices départementaux en prévoyant qu'ils rendent un avis conforme sur le zonage établi par l'ARS. Toutefois, j'entends les inquiétudes : je vous propose d'y travailler au cours de la navette, afin d'éviter toute suradministration qui emboliserait les acteurs. Nous voulons apprécier les besoins réels au plus près des territoires, en privilégiant la réactivité.
Avis défavorable à l'amendement n°117.
Les amendements nos14 rectifié ter, 19 rectifié bis et 29 rectifié ter ont été rectifiés à la demande de la commission : avis favorable.
Prévoir la consultation des parlementaires rigidifierait trop la mise en oeuvre : avis défavorable à l'amendement n°7 rectifié.
Avis favorable à l'amendement n°78 rectifié bis, qui améliorera l'efficacité de l'évaluation de l'offre sur les territoires.
Les offices doivent rester souples : retrait, sinon avis défavorable à l'amendement n°28 rectifié.
M. Yannick Neuder, ministre. - Défavorable à l'amendement n°120 ; demande de retrait, sinon avis défavorable, pour les amendements nos19 rectifié bis, 29 rectifié ter, 28 rectifié, 7 rectifié et 78 rectifié bis, satisfaits : l'exercice à temps partiel est bien pris en compte dans l'APL.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - L'amendement n°117 est lacunaire par rapport à la rédaction de la commission. Les élus deviennent la cinquième roue du carrosse ! L'Office national consulte les ARS, qui rendent un avis en concertation avec les présidents du conseil départemental ? Cela finira en échange de courrier... L'Observatoire départemental présidé par le président du conseil départemental, cela a une autre allure, et une autre efficacité !
L'amendement du Gouvernement est aussi moins exhaustif sur les objectifs de l'office national. Vous oubliez les objectifs quantitatifs d'admission des candidats aux épreuves anonymes, notamment des médecins étrangers. Les délais sont parfois très longs, sans raison valable. La rédaction de la commission est meilleure. Je ne voterai pas l'amendement n°117.
L'organe régional départemental se prononce sur les zones sous-denses et surdenses ; il faudra toiletter l'article du schéma régional de santé, car les dispositions ne sont pas opposables aux professionnels libéraux en l'état.
M. Bernard Jomier. - Je rejoins Jean-Baptiste Lemoyne : l'amendement n°117 n'est pas d'une verticalité très ascendante. L'amendement n°78 rectifié bis est intéressant.
C'est bien de savoir combien de médecins exercent à temps plein ; mais que font-ils ? Il y a une hausse des pathologies chroniques, nous avons besoin des généralistes. Or à Paris, la moitié des généralistes s'installent pour faire de l'esthétique : ils singent les dermatologues. Nous mourrons d'un mélanome, mais nous aurons la peau lisse ! (Sourires) Cela change radicalement la qualité de l'offre de soins !
Il faut plus de régulation : on ne peut continuer à former des professionnels dont l'activité est orthogonale avec les besoins de la population ! Penchons-nous sur le contenu du soin, sinon nous raterons complètement la cible.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Quel est l'avis sur l'amendement n°7 rectifié ?
Mme la présidente. - Défavorable.
M. Hervé Maurey. - J'ai découvert, en m'entretenant avec le directeur départemental de l'ARS, que dans l'Eure, pourtant l'un des départements les moins dotés en médecins, il n'y avait aucune zone prioritaire au regard des nouveaux critères - qui incluent le revenu par habitant. Mon interlocuteur, gêné, a fini par me répondre qu'avec des revenus plus élevés, il est plus facile de se déplacer... Comment est-on arrivé à une telle aberration ? Je n'ai pu m'empêcher de saisir la perche que vous m'avez tendue, monsieur le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. - Monsieur Lemoyne, notre idée est bien d'associer les élus locaux. Si la rédaction de mon amendement est à améliorer pour atteindre cet objectif, soit.
Monsieur Jomier, nous avons des critères sur l'âge des médecins, le nombre de patients en ALD... Mais l'exemple que vous donnez appelle une autre réaction ; je vais réguler cela, en lien avec le Conseil de l'ordre, d'abord pour protéger les patients.
M. Bernard Jomier. - Très bien !
M. Yannick Neuder, ministre. - Il y a beaucoup d'exercice illégal de la médecine, avec 130 dépôts de plainte par an. Certains généralistes exercent de la médecine esthétique sans avoir la formation requise : il faudra vérifier les acquis ou les diplômes universitaires. Enfin, nous devrons envisager de limiter cette activité (Mme Émilienne Poumirol marque son approbation) à un certain nombre de demi-journées. Nous y travaillons avec le conseil de l'ordre.
J'entends qu'au bout d'un certain nombre d'années de pratique, on veuille pratiquer la médecine esthétique, et il faut différencier esthétique et chirurgie reconstructrice. Mais il faut mettre un terme à tout ce contexte des réseaux sociaux, des influenceurs qui promeuvent des injections de botox chèrement rémunérées : 300 euros, contre 30 euros pour une consultation de généraliste...
Nous pourrons aussi évoquer le sujet avec les dermatologues. Je ne peux accepter qu'on attende un an pour une suspicion de mélanome, et une semaine pour une injection de botox.
M. Bernard Jomier. - C'est exactement cela !
Mme Émilienne Poumirol. - Il faut réguler !
M. Yannick Neuder, ministre. - Remettons l'église au milieu du village. (Mme Emilienne Poumirol acquiesce.) Nous le ferons avec le Conseil national de l'ordre. (Mme Frédérique Puissat et M. Bernard Jomier applaudissent.)
Quant aux critères, ils commencent à s'appliquer. Il faut différencier les zones extrêmement tendues qui bénéficieront des deux jours par mois de solidarité, et les zones comme l'Eure, qui ont un problème plus diffus. Nous avons un premier lissage, mais considérer que l'Eure n'est pas un désert médical n'est effectivement pas crédible. Si le département n'est pas en zone rouge, cela signifie qu'il y a des médecins généralistes : ils pourront être maîtres de stage pour des docteurs juniors, il pourra y avoir des remplaçants...
Nous n'avons jamais fait ce travail.
M. Hervé Maurey. - Changez les critères !
M. Yannick Neuder, ministre. - C'est pour cela que nous impliquons les parlementaires : un député ou un sénateur connaît très bien son département.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Surtout un sénateur !
M. Yannick Neuder, ministre. - Nous allons examiner ces cartes.
L'amendement n°117 n'est pas adopté.
L'amendement n°120 est adopté.
Les amendements identiques nos14 rectifié ter, 19 rectifié bis et 29 rectifié ter sont adoptés.
L'amendement n°28 rectifié est retiré.
L'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°78 rectifié bis est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°83 rectifié de M. Jomier et alii.
M. Bernard Jomier. - Les ARS sont responsables des autorisations de création des établissements de santé et d'installation d'équipements de matériel lourd selon des critères figurant dans le code de la santé publique. Nous voulons y ajouter le bilan introduit à l'article 1er par la rapporteure, car certains offreurs de soins ne tiennent pas compte des besoins de soins, suivant une logique financière. Ces stratégies peuvent déséquilibrer l'offre de soins et aggraver les déséquilibres territoriaux.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Cet amendement améliore la cohérence des politiques de santé : il est important que l'ARS bénéficie de toutes les informations, notamment les besoins identifiés sur le territoire. Notre rapport sur la financiarisation de l'offre de soins soulève effectivement le risque de déséquilibre entre territoires. Les autorisations d'activité sont un des leviers pour les compenser. Avis favorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Monsieur Jomier, je suis partagé. Je souscris à votre objectif de lutter contre la financiarisation. Sur les équipements lourds, je suis favorable à un avis émis le plus près possible du territoire. Cela limitera le recours aux urgences.
Mais avec votre rédaction, cela toucherait toutes les autorisations, et pas uniquement les équipements lourds. L'inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'inspection générale des finances (IGF) s'apprêtent à rendre leur rapport sur la financiarisation. Je préfère attendre leur avis. Aussi, sagesse.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Très bien !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - C'est cohérent !
L'amendement n°83 rectifié est adopté.
L'article 1er, modifié, est adopté.
Après l'article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°6 rectifié de Mme Muller-Bronn et alii.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Cet amendement met en oeuvre un schéma départemental d'organisation des soins pour que le département puisse mieux coordonner les soins sur son territoire. Une expérimentation sur trois d'entre eux aurait lieu. C'est une demande de Départements de France.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Cet amendement reprend une proposition de Départements de France qui ne l'a pas émise en audition. Même si je suis départementaliste, un tel schéma rigidifierait les choses et augmenterait le coût pour les départements. Restons agiles : retrait, sinon avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.
Article 2
Mme la présidente. - Amendement n°91 rectifié de Mme Le Houerou et du groupe SER.
Mme Annie Le Houerou. - Cet amendement vise à associer les représentants des collectivités territoriales auprès des délégations départementales des ARS.
Monsieur le ministre, nous attendons les décrets d'application de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique (3DS) de 2022 pour conforter les projets locaux. Cette nouvelle architecture s'articule difficilement avec l'existant.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Cet amendement réécrit l'article 2 : avis défavorable. Il remplace le pilotage de la politique d'accès aux soins par une simple association des collectivités territoriales. Nous attendons aussi le décret d'application de la loi 3DS.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis. Nous allons vérifier, mais il me semble que le décret est confié au ministère de l'aménagement du territoire.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Ce que je comprends de la position de la rapporteure, c'est que le fond de la proposition de nos collègues est intéressant, mais que sa rédaction a l'inconvénient de se substituer à l?article 2 actuel. Je propose de remplacer « rédiger ainsi cet article » par « compléter ainsi cet article ».
Mme la présidente. - Madame Le Houerou, acceptez-vous de rectifier votre amendement ?
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Cela ne changera pas l'avis...
Mme Annie Le Houerou. - Il me semble que c'est déjà le cas. Mais j'accepte.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Cela reste un avis défavorable. Les élus locaux sont déjà associés au comité de pilotage national.
M. Hervé Gillé. - Nous sommes tout à fait d'accord avec la proposition de M. Lemoyne.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - La question de la compétence et des moyens à l'échelle départementale des ARS est pertinente. Mais nous ne l'avons pas étudiée. Par cohérence, restons sur cette rédaction.
Mme Céline Brulin. - Ce débat qui vient de s'engager mériterait d'être approfondi. Cet article renforcerait le pilotage à l'échelon départemental. Mais des points de vue un peu différents émergent. Certains souhaitent le renforcement des prérogatives départementales des ARS et d'autres que les élus locaux aient plus de compétences.
Je réitère mes critiques sur les ARS ; une maille plus proche comme le département serait préférable. Mais la santé est un domaine régalien. Si nous allions vers un modèle qui repose sur les collectivités territoriales, nous irions au-devant de graves problèmes, car les départements n'ont ni les moyens ni les outils pour piloter la santé.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Ce débat mélange deux sujets. L'article 2 a trait au pilotage national, tout en associant les élus locaux. Là, vous remettez en selle l'ARS. J'avais cru comprendre que nous étions d'accord pour un maillage départemental avec un avis conforme des élus locaux - dont se nourrit le comité national.
On peut considérer que les délégations départementales des ARS ont été inopportunément affaiblies dans le passé, mais ce n'est pas le sujet de cet article.
L'amendement n°91 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°36 rectifié de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Je voulais aussi renforcer l'échelon départemental en supprimant le comité de pilotage de l'accès aux soins prévu par l'article 2. Le ministre peut s'appuyer sur l'office national, émanation des offices départementaux.
N'y a-t-il pas un doublon entre le comité de pilotage et l'office national d'évaluation ?
Mme la présidente. - Amendement n°15 rectifié bis de Mme Guillotin et alii.
Mme Véronique Guillotin. - Cet amendement inclut au sein du comité de pilotage une représentation du Conseil national de l'ordre des médecins : c'est un acteur engagé qui connaît le terrain, et qui est de plus en plus impliqué dans les enjeux de la territorialisation.
Mme la présidente. - Amendement identique n°46 rectifié ter de Mme Bourcier et alii.
Mme Marie-Claude Lermytte. - Il faut une représentation du Conseil national de l'ordre des médecins dans le comité de pilotage.
Mme la présidente. - Amendement n°49 rectifié de M. Louault et alii.
M. Daniel Chasseing. - Défendu.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
L'amendement n°36 rectifié revient sur le comité de pilotage ; même s'il faudra peut-être mûrir le dispositif, il permet d'éviter un fonctionnement un peu trop descendant.
Même avis défavorable sur les amendements nos15 rectifié bis et 46 rectifié ter : le Conseil de l'ordre est déjà associé.
Je vous propose d'adopter plutôt mon amendement n°121, qui prévoit un décret, gage de flexibilité.
M. Yannick Neuder, ministre. - Mêmes avis.
L'amendement n°36 rectifié est retiré.
Les amendements identiques nos15 rectifié bis et 46 rectifié ter ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°49 rectifié.
Mme la présidente. - Amendement n°121 de Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Cet amendement vise à préciser par décret les règles de composition et de fonctionnement du comité de pilotage. J'espère qu'il satisfera tout le monde.
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis favorable.
M. Bernard Jomier. - On a l'impression que cet article 2 est un miroir de l'article 1er, car il traite de la déclinaison départementale de la stratégie nationale de santé. J'ai un doute sur cette logique descendante. J'ai l'impression que notre hémicycle est partagé entre la conviction que la maille départementale est le bon niveau et l'attachement au caractère régalien de la santé.
Nous critiquons cette logique descendante notamment en matière d'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) qui n'est pas défini en partant des besoins des territoires. Ce texte pourrait être l'occasion de construire nos politiques de santé en partant des territoires.
M. Yannick Neuder, ministre. - Vous êtes presque dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Seriez-vous favorable à un objectif régional de dépenses d'assurance maladie (Ordam) ?
M. Bernard Jomier. - Je ne peux répondre, je n'en ai pas le droit...
L'amendement n°121 est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
Avant l'article 3
Mme la présidente. - Amendement n°103 rectifié bis de M. Fichet et du groupe SER.
M. Jean-Luc Fichet. - Cet amendement rétablit l'obligation de garde des médecins libéraux, limitée aux médecins de moins de 55 ans. Depuis sa suppression par Jean-François Mattei en 2002, le volontariat ne suffit plus pour assurer la permanence des soins, ce qui engorge les urgences.
La revalorisation de la consultation n'a rien résolu ; les patients se tournent alors vers l'hôpital. Certes, les maisons médicales de garde apportent un début de réponse, mais ne suffisent pas.
Il est temps de revenir sur cette erreur et de réaffirmer qu'elle fait partie intégrante des missions de la médecine de ville.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Selon les derniers chiffres de l'Ordre, le taux de couverture territoriale serait de 97 % en 2024 - un taux très élevé. L'amendement ne concerne que les médecins généralistes et les médecins libéraux de premier recours. Nous demandons déjà beaucoup aux médecins, cela alimenterait encore davantage les tensions.
Cet après-midi, j'échangeais avec une jeune femme médecin du cas de celles qui ont de jeunes enfants...
Mme Céline Brulin. - Les hommes aussi ont de jeunes enfants !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - C'est aussi valable pour eux. Un jeune parent qui serait confronté à cette obligation de garde aurait des contraintes nouvelles. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je suis très défavorable à cet amendement. Je suis d'accord avec vous : la médecine de ville doit organiser la continuité des soins. Or vous excluez les médecins de plus de 55 ans, alors que nous évoquons la possibilité pour les médecins retraités de poursuivre ou reprendre une activité médicale. À Mayotte ou à La Réunion, dans les Sdis ou à la Croix-Rouge, nombre de volontaires sont de jeunes retraités. Je serai favorable à la création d'une réserve de jeunes retraités médicaux et paramédicaux.
Je ne veux pas citer d'âge exact pour ne pas relancer le débat sur les retraites (sourires), mais quand ils atteignent 65 ans plus ou moins deux... (sourires), les confrères sont très contents au départ de faire des choses qu'ils n'avaient pas le temps de faire ; mais après plusieurs mois, certains seraient contents de reprendre une activité - sans la même charge mentale, bien sûr.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Corinne Imbert parle des médecins avec de jeunes enfants... Ayant des parents âgés, je vois beaucoup d'infirmières mères de jeunes enfants intervenir le samedi et le dimanche...
Mme Cathy Apourceau-Poly. - La nuit !
Mme Laurence Muller-Bronn. - Mais on ne se pose pas la question pour elles. De nombreuses professions sont concernées par le travail de nuit et le week-end. Les infirmières aussi ont des enfants. (Mme Émilienne Poumirol renchérit.)
Mme Émilienne Poumirol. - Madame la rapporteure, vous dites que 97 % des gardes sont assurées : ce n'est pas 100 %, ce n'est donc pas satisfaisant.
Nous ne demandons pas des gardes permanentes, mais simplement d'organiser la répartition des gardes. Il ne s'agit pas d'imposer à chacun d'être là tous les week-ends, mais de répartir les semaines de nuit et les week-ends. Ce n'est pas insurmontable ! Être médecin généraliste et ne jamais faire de gardes - seuls 38 % des médecins en assurent - me semble incohérent avec la nature de la profession. Rétablissons une permanence des soins ambulatoires (PDSA). Ce n'est pas si compliqué, il suffit que quelques confrères se parlent.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°103 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°269 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Pour l'adoption | 123 |
Contre | 196 |
L'amendement n°103 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°68 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je crains que mon amendement ne connaisse le même sort que le précédent, mais je le défendrai pourtant...
Pas moins de 11,6 % de la population française vit dans une zone sous-dotée et 10 millions de citoyens habitent à plus de 30 minutes d'un service d'urgence. Les déserts médicaux ne sont pas seulement des zones rurales, et le coeur des métropoles est aussi concerné. Seuls 39,3 % des généralistes ont exercé une garde en 2020 !
Par ailleurs, de nombreux métiers du soin font des nuits, comme les infirmiers et les aides-soignants.
Il n'y a plus de médecin de garde après minuit dans 29 départements. Dans le Pas-de-Calais, le nombre de secteurs de garde est passé de 52 à 27.
Ce rétablissement des permanences médicales doit aller de pair avec une réévaluation des tarifs des gardes.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis défavorable. Cet amendement rétablit le tour de garde obligatoire. Certes, les infirmières font des gardes dans les hôpitaux, mais nous parlons ici de médecins libéraux.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Et alors ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Les infirmières libérales ne travaillent pas de nuit. On ne peut pas comparer la situation.
Enfin, 97 % est un chiffre important : même si elle n'est pas parfaite, la permanence des soins est assurée.
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis défavorable.
M. Bernard Jomier. - Je comprends le sens de l'amendement. Cependant, le problème vient du fait que ses auteurs mentionnent la nuit profonde, c'est-à-dire les gardes après minuit. La demande est alors très faible et doit relever des établissements de soins. Un médecin réveillé la nuit ne va pas travailler le lendemain : on perd alors du temps médical, au détriment de l'offre de soins en journée. Cela n'a pas d'intérêt. Je voterai contre. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
M. Daniel Chasseing. - Je suis favorable au principe de la garde, mais pas après minuit - j'ai fait cela pendant trente-cinq ans tous les deux jours... Désormais, les gens appellent le 15, le Samu existe en cas d'urgence.
Les gardes sont utiles jusqu'à minuit, au cabinet. Ce système devrait s'organiser avec les CPTS, en lien avec les médecins.
M. Jean-Luc Fichet. - Organisons les gardes ! Je pense aux nombreux Ehpad, qui n'ont pas de médecins la nuit. Si une personne âgée tombe de son lit, comme l'on a aucun moyen de vérifier la gravité de la chute, on l'envoie aux urgences. Le coût est faramineux. La présence d'un médecin pourrait régler le problème. (M. Yannick Neuder le conteste.)
Il faut penser du côté des administrés, qui doivent se rendre aux urgences pour de la bobologie.
Mme Céline Brulin. - Ce débat sur les gardes est légitime ; ne le caricaturons pas. Nous voulons assurer la continuité des soins le week-end, la nuit et les jours fériés. Nous pourrions toujours sous-amender notre amendement pour exclure la nuit profonde.
Les citoyens ne comprennent pas que 60 % des médecins refusent de faire des gardes. De nombreuses professions travaillent la nuit, les jours fériés et les week-ends et cela ne pose de difficulté à personne. Pourquoi une profession, je dirai une corporation, y échapperait-elle ?
Je suis la première à défendre de meilleures conditions de travail ; chacun doit pouvoir vivre à côté de son travail. Mais j'espère que tous nos concitoyens entendront ce débat, très éclairant sur l'idée que chacun se fait de l'accès à la santé.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Autant le précédent amendement posait une question légitime, autant, ici, vous faites référence à la responsabilité individuelle de chaque médecin à l'égard de la continuité du système de soins. Ce n'est pas raisonnable.
Mme Solanges Nadille. - Je ne comprends pas vos propos. Le pacte du Gouvernement évoque la solidarité. Celle-ci doit s'appliquer à tout le monde.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°68 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°270 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l'adoption | 117 |
Contre | 222 |
L'amendement n°68 n'est pas adopté.
Article 3
Mme Céline Brulin . - Cet article 3 renforce l'offre de soins dans les territoires et renvoie au décret précisant les modalités de mise en oeuvre. Nous souhaiterions que les auteurs du texte, les rapporteurs et le ministre nous éclairent sur ces modalités.
Certains collègues estiment que ce dispositif dotera les territoires de médecins effectuant des journées de solidarité. Les médecins estiment que ce dispositif sera moins contraignant que d'autres propositions actuellement débattues.
Des médecins installés dans le 6e arrondissement de Paris devront-ils exercer dans le 18e, en Seine-Saint-Denis ou dans l'Eure ? (Rires) Même si je suis inquiète des propos de M. Maurey, à quoi servira ce dispositif ? Il pourrait s'avérer in fine plus contraignant que d'autres propositions qui se trouvent actuellement au coeur du débat public.
M. Daniel Chasseing . - Cet article 3 vise à réduire la fracture médicale en conditionnant l'installation des médecins libéraux en zone surdense à une cessation d'activité ou à un exercice à temps partiel.
Les généralistes sont essentiels pour la santé des populations, mais aussi pour d'autres professions : pharmaciens, masseurs-kinésithérapeutes, médecins juniors... Il n'y a pas de maîtres de stage partout.
Cette proposition de loi est complémentaire : de nombreux spécialistes font des consultations avancées dans certains territoires.
Je voterai cet article. Les maires demandent aux parlementaires d'agir pour améliorer l'accès aux soins.
Cet article ne remet pas en cause l'exercice libéral de la médecine. De plus, dans de nombreux cas, il n'y aura pas d'investissement à faire, car des cabinets ou des maisons de santé manquent de médecins.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée . - Nous sommes confrontés à une insupportable pénurie de médecins : des malades en détresse, des pertes de chance et des morts. Cela vaut partout en France, sans exception, et peut se mesurer en kilomètres à parcourir pour voir un médecin ou en kilomètres de file d'attente... Je remercie Philippe Mouiller de sa proposition efficace, à la différence des solutions inappropriées proposées ailleurs.
Mais le Gouvernement soumet après l'article 3 une autre proposition, sans faire payer aux étudiants en médecine les frais de la pénurie et sans inscrire dans le code de la santé publique le principe d'une installation sous autorisation. L'amendement n°111 du Gouvernement me semble donc préférable à l'article 3.
M. Hervé Maurey . - Je me réjouis que pour la première fois, la commission des affaires sociales soutienne un texte préconisant une certaine régulation de l'installation des médecins. Jusqu'à présent, la commission opposait un veto.
Il y a dix ans, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable avait voté à l'unanimité des amendements régulant l'installation, balayés en séance à la demande de la commission des affaires sociales.
Le dispositif proposé ne correspond pas totalement à mes souhaits, mais je vois le verre à moitié plein.
Soyons prudents : l'article 3 renvoie pour l'essentiel à un décret. Or parfois, les décrets viennent tard ou en contradiction avec la volonté du législateur. Très vite, la ministre Bachelot a mis de côté le dispositif de la loi HPST pour la permanence des soins en zone sous-dense. Ne renvoyons pas trop de choses au décret, et veillons à ce qu'il arrive rapidement, sans être dénaturé par des pressions qui ne manquent pas de se faire sentir.
M. Simon Uzenat . - Un point frappant : nous parlons en premier lieu des médecins, non des besoins de santé de nos concitoyens, qui désespèrent d'être suivis par un médecin.
Nos collègues de droite estiment que, comme il y a pénurie, on ne peut réguler. Nous pensons l'inverse : puisqu'il y a pénurie, il faut réguler.
À côté des zones rouges bretonnes, il n'y a que des zones moins mal dotées. Les pertes de chances et d'espérance de vie sont des réalités.
Un cabinet secondaire n'est pas une perspective réjouissante pour ces territoires ruraux. Nous devons proposer pour les médecins généralistes ce que nous proposons pour les spécialistes. De nombreuses professions de santé sont déjà régulées.
Arrêtons de tourner autour du pot.
M. Hervé Gillé . - Je reprends la proposition phare du pacte telle qu'elle a été mise en perspective par le préfet de région : la solidarité du pacte a vocation à devenir obligatoire. Enfin, le pacte s'impose à tous les médecins. Chacun doit prendre sa part.
Cette position diffère beaucoup de ce qui est prévu par la commission des affaires sociales à l'article 3.
Tout cela demande une clarification, et je vais écouter très attentivement les précisions du ministre comme de la commission.
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Nous faisons enfin un premier pas. J'ai le souvenir des débats sur la loi HPST, en 2009. Déjà, les organisations étudiantes et des professionnels de santé menaçaient de descendre dans la rue.
Pour la première fois, on crée un chapitre « Conditions d'installation » dans le code de la santé publique. L'écrire ainsi noir sur blanc est une excellente chose.
Aucune solution unique ne permettra de répondre aux besoins croissants en santé. Il y a une palette de solutions : stages, maisons de santé... L'article 3 conditionne l'exercice dans une zone surdense à l'exercice partiel en zone sous-dense, enrichissant cette palette. Enclenchons ce premier pas.
Mme Élisabeth Doineau . - Contrairement à ce que disent certains, on ne peut distribuer ce qu'on n'a pas. On met en avant les autres professions de santé régulées : mais ne manque-t-on pas d'infirmières, de pharmaciens ? Les professeurs de l'éducation nationale ont des contraintes de localisation : mais ne manque-t-on pas de professeurs ?
Il y a plein d'exemples en France où nous avons su construire, avec l'ensemble des parties prenantes, des réponses pour améliorer l'offre de santé. Vous avez tous bénéficié de moyens considérables pour favoriser l'implantation des IPA ou de maisons de santé pluriprofessionnelles.
Certains pays reviennent sur la régulation de l'installation, car infraterritorialement les besoins ne sont pas couverts.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales . - Il est question de la coordination avec l'amendement n°111 du Gouvernement.
Initialement, la proposition de loi n'intégrait pas la proposition du Gouvernement sur les deux jours de solidarité.
Le texte de la commission partait des zones surdenses, d'où la logique d'avoir un office d'évaluation pour disposer de données fiables. La question était : à partir de ces territoires, comment irriguer les territoires voisins qui ont des besoins ? D'où le principe d'une conditionnalité pour s'installer. Nous nous sommes appuyés sur des définitions juridiques : cabinet secondaire pour les généralistes, consultations avancées pour les spécialistes.
S'y ajoute la mesure du Gouvernement. Les directeurs d'ARS répondent à la commande rapide de définir des zones urgentes d'intervention et croisent les avis de tous les acteurs. (M. Hervé Gillé en doute.)
Il faut trouver une cohérence entre les deux. Il y a bien deux mesures, mais nous les coordonnons.
Mme Frédérique Puissat. - Très bien !
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Je souscris aux propos de Philippe Mouiller ; les deux dispositifs sont complémentaires. (M. Hervé Gillé fait non de la tête.)
Il convient d'encourager la solidarité collective. Cependant, comme le dit Mme Doineau, ce n'est pas par la contrainte que l'on résoudra le problème de la pénurie de médecins. Lorsque j'organisais le planning de garde en cardiologie, l'objectif était d'assurer la continuité de la permanence des soins 365 jours par an. Si la communauté s'organisait différemment pour que les jeunes fassent plus de gardes, très bien !
Les installations dans les zones denses ne seront pas interdites, mais un principe de solidarité imposera d'ouvrir un cabinet secondaire. Il s'agit de deux temporalités différentes. (M. Hervé Gillé brandit un document.) Les ARS doivent travailler à un dispositif mis en place dès septembre.
La proposition de loi vise à redéfinir les indicateurs et les zonages pour savoir quels sont les territoires les moins dotés. Quant à la proposition de loi qui sera examinée dans quelques semaines, elle supprimera le numerus apertus, favorisera les passerelles et traitera la question des étudiants formés à l'étranger.
Depuis dix ans, je demandais à tous les médecins embauchés dans mon pôle, au CHU, de travailler un ou deux jours par semaine dans un hôpital périphérique. C'est entré dans les moeurs.
Il n'est pas normal que les jeunes paient le prix fort en n'ayant plus cette liberté d'installation. Il faut trouver un point d'équilibre pour ne pas décourager des générations entières de s'engager dans ces métiers.
Prochaine séance aujourd'hui, mardi 13 mai 2025, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit quarante-cinq.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 13 mai 2025
Séance publique
À 14 h 30, le soir et la nuit
Présidence : M. Gérard Larcher, président M. Didier Mandelli, vice-président, M. Xavier Iacovelli, vice-président M. Pierre Ouzoulias, vice-président
Secrétaires : M. François Bonhomme, M. Mickaël Vallet
1. Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé (Procédure accélérée) (Texte de la commission, n°563, 2024-2025)
2. Suite de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, présentée par M. Philippe Mouiller et plusieurs de ses collègues (Procédure accélérée) (Texte de la commission, n°577, 2024-2025) (demande du groupe Les Républicains)