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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Duoday

Commission d'enquête (Nominations)

Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

M. Stéphane Sautarel

M. Bernard Buis

Mme Isabelle Briquet

M. Pierre Barros

M. Grégory Blanc

M. Christian Bilhac

M. Vincent Delahaye

M. Marc Laménie

M. Jean-Baptiste Blanc

M. Jean-Raymond Hugonet

Discussion des articles

Article liminaire

première partie

Article 2

Article 3

M. Simon Uzenat

Après l'article 3

Article 4 (État A)

Discussion des articles de la seconde partie

Article 5 (État B)

Article 7 (État D)

Article 4 (Coordination)

Article liminaire (Coordination)

Financement de la sécurité sociale pour 2026 (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Troisième partie (Suite)

Article 44 (Supprimé)

Article 45

Mme Monique Lubin

Mme Annick Girardin

Mme Anne Souyris

Après l'article 45

Article 45 bis

Mme Monique Lubin

M. Patrick Kanner

M. Bruno Retailleau

Mme Maryse Carrère

M. Joshua Hochart

M. Daniel Chasseing

Mme Anne Souyris

M. Martin Lévrier

M. Ronan Dantec

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Cécile Cukierman

M. Olivier Henno

M. Guillaume Gontard

M. Yannick Jadot

Mme Laurence Rossignol

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales.

M. Éric Kerrouche

M. Pierre Barros

M. Laurent Duplomb

Après l'article 45 bis

Article 46

Article 47

Article 48

Mme Annie Le Houerou

Article 49

Mme Monique Lubin

Mme Anne-Sophie Romagny

Mme Corinne Féret

M. Franck Montaugé

Mme Annie Le Houerou

M. Jean-Marc Boyer

Mme Céline Brulin

Mme Émilienne Poumirol

M. Éric Kerrouche

Mme Paulette Matray

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Sylvie Vermeillet

Mme Maryse Carrère

M. Hussein Bourgi

Mme Raymonde Poncet Monge

M. Yannick Jadot

M. Marc Laménie

Mme Michelle Gréaume

M. Mickaël Vallet

Article 50

Article 51

Article 52

Article 53

Article 54

Mme Corinne Féret

Seconde délibération

Article liminaire (Pour coordination)

Article 14 (Pour coordination)

Article 17 (Annexe) (Supprimé) (Pour coordination)

Mise au point au sujet d'un vote

Ordre du jour du mercredi 26 novembre 2025




SÉANCE

du mardi 25 novembre 2025

22e séance de la session ordinaire 2025-2026

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

La séance est ouverte à 14 h 30.

Duoday

M. le président.  - Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui, dans nos tribunes, près de 100 duos qui vont découvrir le fonctionnement de notre institution, nos métiers et notre environnement professionnel.

Je salue Julia, Enzo, Jennifer, Maria, Gabriel, Léa et tous les duos présents qui ont apprécié cette matinée de rencontres et de visite et qui se poursuivra cet après-midi sur les métiers du Sénat et sur un débat libre avec les sénateurs et les sénatrices.

Le Sénat sera particulièrement mobilisé, encore en 2026, pour offrir des perspectives professionnelles aux personnes en situation de handicap et pour qu'ensemble, notre regard évolue.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite aux duos la plus cordiale bienvenue dans notre hémicycle. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

Commission d'enquête (Nominations)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf membres de la commission d'enquête sur les marges des industriels et de la grande distribution.

En application de l'article 8 ter, alinéa 5 de notre Règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2025, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée.

Discussion générale

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Ce PLFG est un texte technique qui retrace les principaux événements en cours de gestion et ajuste les crédits pour faire face aux imprévus de fin d'année. Il a été rejeté par l'Assemblée nationale il y a une semaine. Je le regrette, mais il est utile que sa vie parlementaire continue avec vous. Je vous invite à l'améliorer.

Ce texte ne vise qu'à nous rendre capables de bien finir l'année, en posant les jalons pour atteindre la cible de déficit de 5,4 % en 2025. Cette cible ne doit pas nous réjouir, mais nous devons tenir l'objectif.

Ce texte ne contient aucune dépense ou économie supplémentaires que vous ne connaissiez.

Les cinq principales ouvertures de crédit ne visent qu'à éviter de potentielles impasses : nous ouvrons 450 millions d'euros de crédits pour supporter le dynamisme de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de la prime d'activité ; 119 millions d'euros pour maintenir jusqu'à la fin de l'année les 203 000 places d'hébergement d'urgence que compte notre pays ; 190 millions d'euros au titre de la mission « Sécurités » pour les territoires ultramarins -  notamment Mayotte et la Nouvelle-Calédonie  - et les conséquences des incendies. De plus, 45 millions d'euros sont ouverts dans le programme « Conditions de vie outre-mer » pour les dépenses exceptionnelles à Mayotte et à La Réunion à la suite des cyclones.

Nous ouvrons également 349 millions d'euros au sein de la mission « Défense » pour répondre aux surcoûts opérationnels et accélérer l'effort de réarmement promis par le Président de la République le 13 juillet dernier.

Enfin nous ouvrons 1,1 milliard d'euros pour tenir nos engagements de production d'énergies renouvelables.

Ces crédits sont tous gagés par des annulations dans la réserve de précaution, qui peut désormais couvrir les besoins interministériels. Cela ne correspond donc pas à des économies supplémentaires mais à des ajustements de trésorerie ou à des retards de certains investissements.

Les annulations portent sur les missions pour lesquelles les sous-consommations sont les plus importantes, notamment 800 millions d'euros sur la mission « Travail et emploi », ainsi que pour l'administration des ministères sociaux. Nous prévoyons aussi 1,6 milliard d'euros d'annulation pour la mission « Investir pour la France de 2030 » pour ajuster la trésorerie excédentaire des opérateurs, dont le solde se serait élevé à plus de 5 milliards d'euros fin 2025.

En dehors du périmètre des dépenses de l'État, des annulations de crédits sont aussi prévues sur la mission « Remboursements et dégrèvements » et pour la charge de la dette, grâce à une baisse des taux directeurs et à une prévision de taux longs sous les prévisions initiales : 3,45 % sur dix ans contre une prévision de 3,6 %.

Il n'y aura donc aucune coupe dans les budgets des ministères. Ce sont des mesures techniques pour la bonne gestion ayant fait l'objet de nombreux échanges entre nous. Nous voulions avoir ces comités d'alerte pour vous communiquer les données que nous avions, et que nous puissions tenir la cible de 5,4 %, première étape pour parvenir à 3 % en 2027.

Les dépenses de l'État sont en ligne, à 300 millions d'euros près, avec nos prévisions. Nous avons déjà 0,7 % de croissance acquise pour 2025, et des recettes fiscales correspondant globalement aux prévisions. De bonnes performances sur l'impôt sur les sociétés (IS) compensent de mauvaises performances en matière de TVA, où il manque 4 milliards d'euros en comptabilité nationale.

Je présenterai prochainement les conclusions de la mission d'urgence demandée sur ce point à l'IGF.

Le Gouvernement s'est mis au service du Parlement, et a exécuté ce que le Parlement avait proposé et voté. C'est un gage de crédibilité pour nos partenaires européens, nos créanciers, mais surtout pour les Français. Tenir la cible de déficit signifie que les cibles déterminées par le Parlement pour 2026 pourront aussi être respectées. Je tiens à ce changement de méthode et souhaite que nous continuions à nous rencontrer tous les trimestres, pour partager en toute transparence les difficultés ou ajustements requis.

Ce projet de loi apporte les derniers ajustements pour 2025, dans une responsabilité partagée avec vous, parlementaires. Si les objectifs sont tenus, ils l'auront été ensemble.

Ce socle qui, je l'espère, sera voté, nous offrira une bonne entrée dans 2026. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC et du RDSE)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et sur quelques travées du groupe UC) Je salue moi aussi les membres des duos.

C'est la troisième fois que nous examinons un PLFG tel que réformé par la Lolf et la deuxième fois que nous examinons la version initiale du Gouvernement -  et non la rédaction des députés.

L'Assemblée nationale a successivement rejeté l'article liminaire, pourtant imposé par la Lolf pour la validité de toute loi de finances, puis adopté la première partie avant de vider la seconde partie de tous les articles de crédits. Elle a ensuite accepté un amendement de seconde délibération du Gouvernement, avant de rejeter l'ensemble du texte.

Ce simple constat devrait inciter le Gouvernement à s'interroger sur sa méthode. Notre Constitution dispose d'outils pour remédier à l'absence de majorité claire à l'Assemblée nationale. Y renoncer n'est pas de bonne pratique, de même qu'il n'est pas de bonne pratique de nous transmettre toutes les modifications adoptées par l'Assemblée nationale, y compris celles qui sont inconstitutionnelles ou contraires au droit européen.

M. Laurent Burgoa.  - Bien dit !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - L'acquis de croissance sur les trois premiers trimestres de 2025 atteint 0,8 %, une simple stagnation sur le quatrième trimestre devrait nous permettre d'atteindre la cible. C'est toutefois deux fois moins que la croissance de la zone euro, elle-même deux fois moindre que la croissance mondiale. Nous avons souffert des décisions américaines et de l'incertitude politique ambiante.

Nous subissons les conséquences de la dérive des comptes publics de 2023 et 2024. La première marche de consolidation budgétaire cette année freine déjà la demande privée, donc notre croissance. La baisse de 4 à 2 % du taux directeur de la BCE, qui nous donne un peu d?air, ne déploiera ses effets qu'au bout de 18 mois. Sans les efforts que la France doit concéder, la croissance française pourrait profiter à plein de ce desserrement.

Pour la première fois depuis 2023, l'exécution du déficit serait tenue ; c'est un satisfecit. Mais la situation serait encore meilleure si le Sénat avait été plus écouté...

En 2025, le Gouvernement peut en plus remercier les collectivités territoriales, qui se sont illustrées par une bonne maîtrise de leurs dépenses. La dépense locale a crû moins vite que celles de l'État et de la sécurité sociale.

Le déficit de l'État atteindrait 131 milliards d'euros, soit 8 milliards d'euros de moins que dans la loi de finances initiale. Cela nous change des années 2023 et 2024, où chaque exécution était si dégradée qu'elle faisait peser un doute sur la sincérité de la prévision.

La moins-value de TVA serait non pas de 4,5 milliards mais de 5 milliards d'euros. Ce résultat surprenant ne s'explique pas par les données de la croissance. La commission des finances souhaite être associée aux travaux que vous menez sur le sujet.

Les annulations de crédits sont supérieures aux ouvertures. C'est exceptionnel. Tous les ans depuis 2015, le collectif actait une augmentation des crédits du budget général.

La mission « Investir pour la France de 2030 » rend 1,4 milliard d'euros ; chaque année, nous avons le plus grand mal à obtenir des informations sur la gestion du plan France 2030. Nous avons moins besoin de 5 milliards d'euros annuels pour ce plan que de stabilité fiscale. Nous en reparlerons au cours de l'examen du projet de loi de finances.

L'article 2 réduit le montant des taxes affectées aux chambres de commerce et d'industrie (CCI). Cette baisse est en contradiction avec la trajectoire définie entre le Gouvernement et CCI France. Il est essentiel que l'État tienne ses engagements. La commission des finances propose de maintenir l'enveloppe initiale.

L'article 3 modifie la répartition entre les régions de la part fixe d'accises sur les énergies, notamment pour financer la création de places dans les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). Cet article n'est pas conforme à la Lolf, qui ne permet pas de prendre de telles mesures dans un PLFG. Pour ne pas pénaliser les régions, la commission propose donc de le supprimer et d'y retravailler dans le PLF.

On ne peut se satisfaire d'un tel déficit de 131 milliards d'euros pour 307 milliards de recettes, mais il serait difficile de se passer en une seule année de 50 années d'accoutumance au déficit. Une réduction de 25 milliards d'euros est un progrès intéressant.

Michel Barnier présentait dans la loi de finances initiale un solde en très nette amélioration par rapport à 2024. C'est aussi grâce à des efforts du Gouvernement en gestion. (M. François Patriat s'en félicite.) Mais, car il y a un « mais » (Mme Amélie de Montchalin sourit), c'est en réalité le début de l'effort. Le déficit est très supérieur à celui des années 2010, alors que ce dernier était déjà excessif.

Je considère l'année 2025 comme un point de départ du redressement. Cette année ne doit pas être un îlot de sérieux dans un océan de non-maîtrise. Je vous propose de voter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte confirme une croissance de 0,7 % déjà acquise, une inflation à 1,1 % et un déficit à 5,4 points du PIB. On pourrait se réjouir de la bonne tenue de la trajectoire budgétaire, enfin -  peut-être grâce au PLF de Michel Barnier  - , mais aussi de la gestion du Gouvernement. Mais on ne peut se satisfaire de demeurer si éloignés des autres pays européens. Raison de plus de ne pas nous écarter de la cible de 4,7 % de déficit en 2026. Seule une réduction drastique de nos dépenses pourra nous permettre de réduire le déficit pour faire baisser notre dette.

Le déficit de 131 milliards d'euros s'explique par une baisse des dépenses et une embellie des recettes, en particulier l'impôt sur les IS, malgré la moins bonne rentrée de TVA.

L'évolution des dépenses entre la loi de finances initiale et le PLFG est parlante : les hausses de dépenses des administrations publiques centrales sont passées de 1,9 à 2,3 %, contre une évolution de 2,9 à 3,4 % pour les administrations de sécurité sociale. À l'inverse, celles des administrations publiques locales passent de 2,6 à 2 %. Les collectivités territoriales sont les plus vertueuses.

Il conviendra de s'en souvenir dans quelques jours pour calibrer l'effort des collectivités territoriales dans le PLF.

Les hausses de crédits de 3 milliards d'euros sont compensées par des annulations de crédits de 4,2 milliards d'euros. Nous voterons les amendements du rapporteur général afin de respecter les engagements pris avec les CCI et pour les contrats de plan État-région (CPER), renforcer les missions d'aménagement du territoire de La Poste et les pôles de compétitivité.

Notre groupe votera le texte ainsi amendé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MMVincent Capo-Canellas, Emmanuel Capus et Marc Laménie applaudissent également.)

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Mon groupe salue la gestion du budget 2025. Le déficit public se maintient à 5,4 %, en raison de la croissance, certes relative, mais qui est bien là. Les dépenses du budget général atteignent 503,6 milliards d'euros, soit 4,4 milliards d'euros de moins que prévu de la loi de finances initiale. La masse salariale progresse de 1,1 %, au même rythme que l'inflation, soit une stabilisation après la hausse de 6 % enregistrée en 2024.

L'exécution budgétaire est sincère, comme s'en félicite le rapporteur général -  une fois n'est pas coutume...

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - J'aimerais m'y habituer !

M. Bernard Buis.  - N'oublions pas les 200 millions d'euros pour les dépenses outre-mer.

Le Sénat s'apprête à voter ce texte pour la première fois. Merci, madame la ministre.

Certaines recettes semblent toutefois être passées sous les radars. Les recettes de l'État s'élèvent à 376,9 milliards d'euros, soit une progression de 6,3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Mais les recettes de TVA sont moins bonnes que prévu, sans que l'on sache pourquoi ni comment. Comment expliquer ce décalage ? Les petits colis venus de Chine sont-ils la seule cause ? Depuis quand l'administration fiscale connaît-elle cette différence ? La commission des finances nous alertait déjà en 2023 sur les surestimations de l'administration et préconisait la prudence. Ne faudrait-il pas réviser les pratiques de révision budgétaire ? (M. François Patriat applaudit.)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le texte prévoit une croissance de 0,7 % en 2025 après 1,1 % en 2024, prévision plausible selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Notre économie manque de moteur interne.

La France subit les effets de l'affaiblissement de la demande, d'une politique fiscale mal calibrée, d'un assèchement de l'investissement public et du climat d'incertitude économique.

Le déficit élevé n'a plus rien de conjoncturel ; il est désormais structurel, selon le HCFP.

S'ajoute à cela une dynamique de dette publique préoccupante, avec un ratio de 116 % du PIB en 2025, soit une progression de trois points en un an. C'est du jamais-vu au sein de la zone euro. Entre 2023 et 2025, nous avons eu 8 points de dette supplémentaire. L'Allemagne stabilise sa trajectoire, l'Espagne et l'Italie réduisent leur ratio de dette sur PIB car ils ont choisi de reconstituer leurs recettes.

Les taux français se situent au niveau de ceux de l'Italie alors qu'ils étaient historiquement plus proches de ceux de l'Allemagne, marque d'une perte de confiance en sa capacité à reconstituer ses recettes.

Nos marges de manoeuvre budgétaires se réduisent.

La remontée des taux de prélèvement obligatoires serait la preuve qu'il n'y a pas de désarmement fiscal ? Mais ce taux n'est qu'un ratio macro-économique : il remonte quand le PIB stagne, indépendamment de toute hausse d'impôt...

Il faut examiner les taux, les assiettes, les dispositifs fiscaux créés ou supprimés. Ainsi de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Depuis 2017, on perd 60 milliards d'euros de recettes chaque année. Les dépenses publiques sont restées globalement stables, autour de 57 % du PIB.

L'Espagne, l'Italie, l'Allemagne ont stabilisé leurs dépenses après la crise sanitaire et consolidé leurs recettes. La France a fait un autre choix, en réduisant le périmètre de ses recettes fiscales.

Pas de dépenses excessives mais une contraction des recettes : voilà ce qui explique le déficit public. Cette érosion volontaire des recettes affaiblit la capacité de l'État à mener à bien ses missions.

Nous devons donner au pays les moyens nécessaires à son bon fonctionnement : non pas dépenser plus, mais dépenser juste ; non pas imposer plus, mais imposer juste. La loi de finances initiale pour 2025 était loin du compte. Ce ne sont pas les quelques ajustements de la commission des finances, que nous tenons à saluer, qui nous permettront de voter ce PLFG. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Pierre Barros .  - La fin de gestion est marquée par un dérapage non comptable mais politique. Le chef d'État-major des armées évoque « le prix du sang », une parole d'autorité sans légitimité démocratique. La politique budgétaire favorise le climat délétère actuel.

Le Gouvernement prétend que 2025 marquerait le retour à la maîtrise. Mais est-ce de la maîtrise ou le rattrapage de ses erreurs ? Un PLFR a été refusé après l'annulation de 10 milliards d'euros, deux mois après l'adoption du budget par 49.3 : un pilotage par décret, surgel et report, un exercice budgétaire sans Parlement, donc sans contrôle. En mai dernier, Bruno Le Maire a confirmé que cette mise à l'écart de nos assemblées était une décision du Président de la République.

État du budget, état du pays, état du monde, état du pouvoir, tout se répond.

Les PLFR et PLFG ne sont pas des photographies, mais des radiographies qui révèlent où tombent les coupes : sur le travail, l'emploi, la recherche, l'innovation.

Le déséquilibre des recettes est manifeste : plus 5,2 milliards d'euros sur l'impôt sur les sociétés, mais moins 4 milliards sur la TVA. L'écart massif entre prévision et exécution en matière de TVA n'a rien d'un aléa.

Vous confirmez cette trajectoire pour le PLF 2026, avec 30 milliards d'euros d'ajustement, dont les deux tiers en dépense. Cela touchera les plus fragiles, les collectivités et les services publics. Le rejet à l'unanimité moins une voix d'un budget à l'Assemblée nationale est significatif.

La sous-traitance de notre souveraineté aux marchés financiers est patente. De là vient la contradiction de votre discours : vous présentez la maîtrise comme un choix politique, alors que les leviers techniques de la maîtrise budgétaire vous échappent. Vous ne maîtrisez plus la TVA, ni les comptes spéciaux, ni l'investissement public - les crédits d'avenir étant les premiers gelés - ni les périmètres stratégiques de l'État.

Pourtant, la situation n'est pas irrémédiable. Une épargne nationale permettrait d'investir pour l'avenir, à condition de desserrer l'étau budgétaire. Notre groupe s'y emploiera. Notre pays ne se gouverne ni par la peur, ni par l'austérité, ni par la résignation à des projets non débattus. Comme le disait Rosa Luxemburg : « La liberté, c'est toujours la liberté de celui qui pense autrement. » (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et SER)

M. Grégory Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Non, ce texte n'est pas une simple mise à jour comptable, mais la preuve que le budget initial était mal calibré.

Aucune réforme structurelle en 2025, aucune trajectoire pluriannuelle, crédible et documentée, pour revenir vers les 3 % de déficit. Cette absence de stratégie s'est illustrée par un scénario à la Dallas, entre départ de M. Bayrou et arrivée de M. Lecornu...

Depuis 2022, pas un seul budget n'a été respecté. Chaque année, on présente des prévisions irréalistes, puis on coupe dans les politiques publiques pour échapper au pire. C'est du bricolage, hors de tout contrôle démocratique. De facto, on privilégie la technique du rabot, en ciblant d'abord le plus facile : les budgets d'investissement. L'environnement et le logement en font les frais, idem pour la politique industrielle. Quitte à hypothéquer l'avenir.

Que prévoit le PLFG ? Rien. On enregistre 5 milliards d'euros de moins sur la TVA. On prend acte, et on passe à autre chose...

Résultat, des annulations de crédits toujours plus brutales : 800 millions d'euros sur la mission « Travail et emploi », 250 millions d'euros sur la mission « Recherche et enseignement supérieur », ou encore 180 millions d'euros sur la mission « Économie ».

Pire, on coupe là où les besoins sont les plus importants. Alors que la fraude explose, même la réserve de précaution sur les crédits de lutte contre la fraude est amputée ! (Mme Amélie de Montchalin manifeste son étonnement.)

Il y a aussi un problème de fonctionnement démocratique. Le pays, la représentation nationale sont fragmentés et il faut construire un compromis. On ne peut plus fonctionner avec un système budgétaire à deux temps : un temps parlementaire, et un temps d'exécution budgétaire où le Parlement n'a plus la main. Nous assistons, impuissants, à des salves de décrets de gel, surgel et annulations de crédits. Comment construire un compromis sur du sable ? Le Gouvernement devrait consulter le Parlement à mi-année. C'est cela, avoir le sens de l'État : regarder les désordres en face, et agir. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; M. Pierre Barros applaudit également.)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La feuille morte budgétaire continue de tomber au gré du vent, mais un peu moins vite... 2025 sera l'année du moins pire.

Le gouvernement Barnier proposait un déficit à 5 % du PIB, le gouvernement Bayrou à 5,4 %. Le gouvernement Lecornu devrait tenir sur les derniers mètres, si le pilotage est serré. Le passage de relais fut délicat, mais a redonné un peu de crédibilité. Le déficit est en recul de 25 milliards d'euros par rapport à 2024, mais cette victoire à la Pyrrhus a coûté cher.

L'instabilité politique a coûté 15 milliards d'euros depuis 2024. Des annulations de crédits de 2,6 milliards d'euros ont été décidées en avril, un surgel de 5 milliards d'euros en juin, puis 4,2 milliards d'euros d'annulations dans ce texte. Le comité d'alerte budgétaire a sauvé les meubles, mais sans empêcher la dérive des dépenses d'administrations centrales, supérieures de 0,4 point aux prévisions. A contrario, les dépenses des collectivités territoriales ont été inférieures aux prévisions de 0,6 point.

Dans le PLF 2026, il faudra éviter ces coups de rabot à l'aveugle, alors que les organismes d'administration centrale représentent 34 % de la dépense publique, contre 20 % pour les administrations publiques locales qui ont fourni l'effort.

L'année 2025, c'est aussi celle de l'aggravation du déficit de la confiance, qui n'est pas mesuré dans les bleus budgétaires.

On déplore les 5 milliards d'euros de recettes de TVA en moins pour l'État, en oubliant l'autre moitié qui part aux collectivités locales ou à la sécurité sociale. N'est-ce pas aussi le résultat de mesures budgétaires, comme la suspension des aides à la rénovation de l'habitat ou la baisse du budget des collectivités ?

Le RDSE s'inquiète de l'absence de politique ambitieuse pour le commerce extérieur, car il serait temps de revenir à l'équilibre. L'annulation des crédits de la mission « Aide publique au développement » se fait au détriment de l'influence de la France.

De nombreux maires nous ont alertés sur le gel du solde des crédits de la DETR. Les communes n'arrivent plus à encaisser ces subventions. Allez-vous débloquer ces crédits ?

Les recettes sont moins dynamiques, les dépenses sociales et le chômage augmentent. Résultat, l'investissement des entreprises devrait reculer de 1,3 % en 2025 à 1,7 % en 2026, entraînant la destruction de 160 000 emplois marchands en deux ans. Le chômage pourrait atteindre 8,2 % fin 2026.

Dans le brouillard qui entoure le budget à venir, je m'abstiendrai ; les votes des membres du RDSE seront partagés. (M. André Guiol applaudit.)

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.) Mme la ministre se réjouit d'un déficit à 5,4 %. C'est certes mieux que les 5,8 % de 2024, à l'époque où Bruno Le Maire gérait à l'euro près le budget de l'État ; mais moins bien que la trajectoire de 5 % transmise à Bruxelles.

Surtout, cela ne cache pas la situation dramatique de nos finances publiques. Si l'État était un particulier, gagnant 3 000 euros mais en dépensant 4 500  chaque mois, avec une dette de 430 000 euros qui augmenterait chaque année de 18 000 euros, pourquoi la banque continuerait-elle de lui prêter ? Parce que maman et papa sont très riches ! Et maman et papa, c'est l'Europe.

Pour redresser nos comptes, les efforts doivent prioritairement porter sur la dépense publique. En 2025, je le regrette, cela n'a pas été le cas.

En réalité, ce sont les recettes qui ont contribué à l'amélioration, avec 25 milliards d'euros de mesures fiscales supplémentaires, selon le rapport du HCFP. Dès le début de l'année 2025, j'avais dit que les prévisions en matière de TVA étaient trop optimistes. Je pense qu'elles le sont encore pour 2026, de 5 milliards d'euros.

Mme la ministre annonce une bonne nouvelle sur l'impôt sur les sociétés. Espérons, car Bercy nous affirmait être incapable de prévoir réellement ces recettes avant la toute fin d'année.

J'en viens aux dépenses. Vous qui dénoncez l'austérité, sachez que les dépenses publiques ont augmenté de 45 milliards d'euros en 2025 ! Hors crise, si le rythme des dépenses s'était limité à celui de l'inflation depuis 2019, nous dépenserions 30 milliards d'euros en moins, et nous nous porterions nettement mieux.

Madame la ministre, je ne peux que vous inciter à faire plus d'économies. Permettez-moi de vous offrir mon récent ouvrage : Des économies, en veux-tu en voilà, un beau cadeau à laisser sous le sapin... (M. Vincent Delahaye brandit son livre ; sourires)

Une surprise, enfin : rien dans ce texte sur l'aide médicale de l'État (AME), alors que nous dépensons cette année 200 millions d'euros de plus que ce qui a été budgété. Jusqu'à présent, le budget de l'État prenait en charge la totalité de l'AME pour le droit commun. On constitue une dette vis-à-vis de la sécurité sociale qui risque d'atteindre 670 millions d'euros fin 2026. Allons-nous continuer à budgéter cette dépense, qui creuse le déficit de la sécurité sociale ?

Le groupe UC, dans sa sagesse, votera pour ce PLFG, mieux que si c'était pire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Marc Laménie et Emmanuel Capus applaudissent également.)

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Ce texte fixe des ajustements budgétaires nécessaires pour clore l'exercice. Je salue l'important travail des rapporteurs, du Sénat comme de l'Assemblée nationale. Merci à vous, madame la ministre, pour votre travail pédagogique.

La notion de transparence est fondamentale.

Il est regrettable que ce PLFG ait été rejeté par les députés en première lecture. À nous d'agir, en responsabilité, pour qu'il aboutisse. Il prévoit environ 3 milliards d'euros d'ouvertures de crédits, pour financer des dépenses liées au versement de certaines prestations sociales, le maintien du parc d'hébergement d'urgence à 203 000 places, la défense et des missions de soutien à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie.

Si l'objectif de 5,4 % de déficit manque d'ambition, l'avoir tenu en 2025 pourrait amorcer une certaine maîtrise des finances publiques. Le déficit de l'État serait de 131 milliards en 2025, contre 156 milliards en 2024. Cela tient notamment à la baisse des dépenses du budget général et à une progression des recettes fiscales.

Les alinéas 6 et 7 de l'article 2 réduisent de 30 millions d'euros le plafond inscrit en LFI 2025 pour les taxes affectées aux CCI, ce qui remet en cause la stabilisation négociée avec CCI France. Je voterai les amendements de l'excellent Emmanuel Capus (l'intéressé apprécie) et du rapporteur général, pour maintenir le plafond.

Le texte actualise également la répartition de la part fixe sur l'accise sur les énergies accordée aux régions pour la création des places en Ifsi. Je rejoins le rapporteur général : un tel dispositif ne relève pas du PLFG et pourrait être censuré par le Conseil constitutionnel.

Le projet de loi annule 10 millions d'euros pour le déploiement de caméras de vidéoprotection par les collectivités territoriales. Je voterai l'amendement préservant ces sommes indispensables pour la sécurité.

En responsabilité, le groupe INDEP votera unanimement en faveur de ce texte essentiel. Nous resterons vigilants, pour que prévale le sérieux budgétaire. Il y va de l'avenir, et de notre souveraineté. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Jean-Baptiste Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Selon ce PLFG, le déficit public de 2025 serait de 5,4 % du PIB, conformément à la loi de finances initiale. Ce résultat est un premier signe de maîtrise, à souligner. Mais l'effort structurel vient exclusivement de la hausse des prélèvements obligatoires -  de 25 milliards d'euros  - , alors que la dépense publique poursuit son augmentation.

Au titre des ajustements techniques, le Gouvernement ouvre 119,5 millions d'euros supplémentaires pour l'hébergement d'urgence. C'est le signe d'une politique mal maîtrisée et chaotique, selon la Cour des comptes. L'État entretient lui-même l'instabilité en refusant la contractualisation pluriannuelle avec les gestionnaires. Il manque encore au moins 100 millions d'euros pour une budgétisation sincère en 2026. Nous devrons y revenir en fin de gestion, madame la ministre.

Je suis en colère : alors que nous avions obtenu 20,6 millions d'euros en CMP pour créer des places d'hébergement à destination des femmes enceintes et des enfants, ces crédits ont été utilisés pour couvrir des écarts de budgétisation.

Nous voterons néanmoins ce texte de stabilité -  c'est déjà une forme de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les occasions de constater une conformité à la prévision ne sont pas légion, alors disons-le, le PLFG atteint son objectif !

Après deux années de coupable dérive des comptes publics, la cible d'un déficit public à 5,4 % du PIB est atteinte. Pour la première fois depuis plus de dix ans, le PLFG annule plus de crédits qu'il n'en ouvre. On serait presque tenté de déboucher le champagne (l'orateur boit quelques gorgées d'eau ; sourires), mais nous resterons à l'eau, en attendant le pain sec qui ne saurait tarder. Ce résultat n'autorise en effet aucune gloriole : cet objectif peu exigeant a été atteint grâce à une conjoncture favorable et aux bonnes vieilles ficelles -  régulation, gel, surgel, etc.

Le PLFG confirme l'amélioration du solde, en dépit de la dégradation des recettes de TVA. Les recettes ont augmenté moins vite que la base taxable. C'est préoccupant, et nous devons en comprendre les causes.

Mais le déséquilibre profond entre nos dépenses -  très dynamiques, notamment dans la sphère sociale  - et nos recettes demeure, alors que notre taux de prélèvements obligatoires atteint déjà 44 % du PIB.

L'effort structurel en 2025 provient quasi intégralement de mesures nouvelles de prélèvements obligatoires, tandis que l'effort en dépenses est nul. La dette publique continue de croître à un rythme préoccupant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Marc Laménie et Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Lors de nos comités d'alerte d'avril et de juin, nous avons constaté une trajectoire des recettes de TVA plus faible que prévu. L'IGF, que j'ai missionnée, a formulé trois hypothèses explicatives : les petits colis, dont la valeur est sous-déclarée ; les franchises en base de TVA, avec notamment l'augmentation du nombre d'autoentrepreneurs -  plus 6 % en un an ; et la fraude. À cet égard, la facturation électronique prévue à l'article 28 du PLF devrait permettre de prélever la TVA « à la source » dans les TPE-PME, pour un gain de 2 ou 3 milliards d'euros. S'y ajoute une consommation moins dynamique que prévu : les Français épargnent plus, achètent moins de biens coûteux -  à 20 % de taux de TVA  - et plus de biens de consommation quotidienne -  à 5,5 %. J'ai demandé à l'IGF de ne pas mener une mission d'économétrie, mais de terrain.

Monsieur Grégory Blanc, j'ai tenu à être la plus transparente possible. Cette année, j'ai réuni des comités d'alerte et suis venue deux fois devant votre commission pour évoquer l'exécution budgétaire 2025. Votre proposition de soumettre la gestion budgétaire à approbation parlementaire suppose une révision de la Lolf. J'ai fait oeuvre de transparence : conservons cette méthode qui a porté ses fruits.

La mise en réserve interroge : les parlementaires voudraient que l'on exécute les crédits qu'ils ont votés, à l'euro près. La Cour des comptes considère que notre mise en réserve -  5,5 % des crédits hors masse salariale et 0,5 % des crédits de masse salariale  - est une pratique vertueuse qui permet de faire face aux aléas. Sachez que nous avons rendu cette réserve interministérielle : les grands ministères à petit aléa, comme celui de l'éducation nationale, mettent leur réserve en commun avec les petits ministères à grand aléa, comme celui des outre-mer.

Résultat : nos recettes réalisées correspondent au prévisionnel, à 700 millions d'euros près. Idem pour les dépenses, à 300 millions d'euros près. Pour la sécurité sociale, le décalage n'est que de 1 milliard d'euros sur 684 milliards. Sans cette réserve de précaution, notre déficit serait à 5,8 %. En CMP, vous aviez trouvé un compromis à 5,4 % du PIB, le Gouvernement s'y est conformé.

L'hébergement d'urgence me tient à coeur, comme à beaucoup d'entre vous. Je salue le travail du délégué interministériel. La sous-budgétisation actuelle n'est pas satisfaisante. Aussi, pour 2026, les 100 millions d'euros qui manquent habituellement chaque année sont inscrits en loi de finances initiale - c'est une question de sincérité budgétaire.

Nos 203 000 places d'hébergement d'urgence ne sont pas satisfaisantes en soi. Nous devons travailler sur des contractualisations pluriannuelles, mais aussi poursuivre le plan Logement d'abord, car avec un logement, on se réinsère et on retrouve une dignité.

Discussion des articles

Article liminaire

Mme Nathalie Delattre.  - Madame la ministre, vous n'avez pas répondu à M. Bilhac sur la DETR. En Gironde, l'État n'est pas en mesure de payer ce qu'il doit à certaines communes ! C'est problématique, à cent jours des élections municipales. Ne pourrait-on pas trouver une solution dans le cadre de ce PLFG ?

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Très bien !

M. Vincent Delahaye.  - Nous avons besoin de plus de données pour juger les estimations de recettes de TVA. Les dépenses des administrations publiques devraient être prises en compte, car elles ont un impact sur les recettes de TVA, comme sur la croissance.

J'ai omis d'évoquer les 7 milliards d'euros de dotations non consommables non dévolues de l'Agence nationale de la recherche (ANR). Pourquoi ne pas avoir repris ces crédits dès 2025 ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Sur la DETR, quand les subventions sont dues, elles sont payées. N'hésitez pas à me signaler d'éventuels retards. Le paiement de certains dossiers a toutefois été décalé en raison des services votés du début de l'année 2025.

Nous débattrons de la DETR lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2026.

L'article liminaire est adopté.

première partie

L'article 1er est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°1 de M. Husson, au nom de la commission des finances.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Il s'agit de revenir sur la coupe budgétaire souhaitée par le Gouvernement, afin de respecter les engagements pris auprès des CCI.

M. le président.  - Amendement identique n°9 rectifié bis de M. Grosvalet et alii.

Mme Nathalie Delattre.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°10 rectifié de M. Capus et alii.

M. Emmanuel Capus.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°11 de M. Blanc et alii.

M. Grégory Blanc.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°15 de Mme Briquet et du groupe SER.

Mme Isabelle Briquet.  - Défendu

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Par principe, le Gouvernement n'est pas très favorable à ouvrir des crédits en PLFG, car cela dégrade le déficit. J'entends la demande concernant les CCI. Le besoin exact devra être calibré en CMP. En effet, les CCI ont 871 millions d'euros de trésorerie (M. Rietmann proteste) et les situations sont très diverses : certaines peuvent se passer de ces crédits, d'autres sont plus en difficulté. La question de la péréquation nationale mérite d'être posée. Avis a priori défavorable.

M. Grégory Blanc.  - Si la CMP n'est pas conclusive ou si le PLFG est rejeté, vous engagez-vous à tenir compte du vote du Sénat ?

Mme Christine Lavarde.  - Si ces deux réseaux n'ont pas besoin du produit de la taxe pour frais de chambre, plutôt que de le reverser au budget de l'État, réduisons la pression sur les entreprises ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)

Dans le PLF, vous vous apprêtez à faire encore plus fort, en prélevant des millions d'euros sur ces deux réseaux. Interrogeons-nous plutôt sur leur fonctionnement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - L'objectif est d'adopter le PLFG et d'avoir une CMP conclusive. Certains sujets sont consensuels au sein de cet hémicycle.

Les amendements identiques nos1, 9 rectifié bis, 10 rectifié, 11 et 15 sont adoptés.

L'article 2, modifié, est adopté.

Article 3

M. Simon Uzenat .  - C'est un article important pour la formation des infirmiers. Le protocole signé entre l'État et les régions visait à soutenir les Ifsi et financer les engagements du Ségur. En 2025, c'est le Sénat qui a permis à l'État de tenir sa parole, à hauteur de 173 millions d'euros. Les régions ont accepté de recevoir moins que prévu, 215 millions d'euros.

Les régions ont toujours été au rendez-vous, à l'État d'honorer son engagement avec cet article 3. Espérons que le bon sens l'emportera.

M. le président.  - Amendement n°2 de M. Husson, au nom de la commission des finances.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Malheureusement, cet article n'est pas conforme à la Lolf. Nous avons donc demandé au Gouvernement d'insérer cette disposition dans le PLF. Il n'y a aucun désaccord sur le fond, le sujet est simplement juridique.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Le Conseil d'État, auquel nous l'avons soumis, n'a pas invalidé l'article. Le rapporteur général considère qu'il vaudrait mieux que ce soit dans le PLF. Régions de France et le Gouvernement ont trouvé un accord pour poursuivre le dispositif, d'où une disposition dans le PLF.

Je vous propose de conserver cet article tel quel. S'il venait à être censuré par le Conseil constitutionnel, avant la fin de l'examen du PLF, je m'engage à l'intégrer dans le PLF.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Cela ne tient pas juridiquement : je maintiens mon amendement. Nous n'avons pas eu l'avis du Conseil d'État et vous venez d'expliquer qu'il suffira d'amender l'article prévu dans le PLF... Le vote sera très probablement unanime au Sénat comme à l'Assemblée nationale.

M. Simon Uzenat.  - C'est surréaliste : la commission et le Gouvernement sont défavorables, alors que c'est un engagement du Premier ministre ! J'en viens à douter de la bonne volonté de la commission...

Selon le rapporteur général, la disposition ne relèverait pas d'un PLFG, mais on a pourtant déjà vu la droite sénatoriale voter sans hésitation des mesures clairement inconstitutionnelles !

Les régions ne sont pas une variable d'ajustement. Nous parlons de 2025 ; le Premier ministre a signé un courrier en janvier ; et on en est encore à discuter des moyens que l'État a promis ! Les régions méritent un minimum de respect. Ne votez pas cet amendement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Je suis conseillère régionale : je ne considère aucune collectivité comme un tiroir-caisse ou une variable d'ajustement.

Le Gouvernement a pris un engagement, mais nous n'avons pas eu de loi de finances rectificative. Nous vous proposons donc cet article 3, validé par le Conseil d'État.

Le rapporteur général a un doute : je le rassure en lui disant que si cet article est censuré, nous reprendrons la disposition dans le PLF. Mais s'il ne l'est pas, autant verser en 2025 ce qui a trait à 2025.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Je ne veux pas être pris dans un jeu de dupes. Vous venez de confirmer que vous étiez tout à fait disposée à inscrire ces crédits en 2026. Évitons de nous placer dans une situation délicate.

L'amendement n°2 est adopté et l'article 3 est supprimé.

Après l'article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°18 rectifié de Mme Darcos et alii.

M. Marc Laménie.  - Cet amendement et le suivant compensent les dépenses que l'État impose aux départements. En 2025, les départements ont dû notamment supporter, sans concertation, une revalorisation de 1,7 % du RSA, soit 170 millions d'euros en année pleine, alors que leurs dotations sont gelées. C'est insoutenable ! Nous prévoyons donc une compensation de 130 millions d'euros.

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié de Mme Darcos et alii.

M. Marc Laménie.  - Défendu.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - C'est un sujet récurrent qui ne pourra pas être traité dans ce PLFG. En revanche, la commission des finances a voté le doublement du fonds de sauvegarde dans le PLF, ce qui satisferait vos amendements. Retrait ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Les départements en difficulté auront accès au fonds de sauvegarde, doté de 600 millions d'euros en 2026.

Vous dites que la décision n'a pas été concertée, mais il n'y a pas eu d'année blanche en 2025 : les départements savaient que cela arriverait. Dans certains départements, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) sont plus dynamiques, ce qui vient plus que compenser la hausse des dépenses de RSA. Je sais que dans d'autres, c'est plus difficile. C'est tout l'intérêt d'un fonds de sauvegarde, qui cible les départements en difficulté. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Marc Laménie.  - Merci pour vos explications, mais, par égard pour Mme Darcos, je maintiens ces amendements.

L'amendement n°18 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°19.

Article 4 (État A)

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Je demande une courte suspension de séance pour mettre à jour l'état A.

La séance est suspendue quelques instants.

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Les amendements adoptés dégradent le solde de 30 millions d'euros. Nous corrigeons également une erreur du texte initial sur les reversements de Natixis -  366 millions d'euros  - qui avaient été comptés deux fois.

Le solde budgétaire s'établit désormais à 6,1 milliards d'euros, en décalage de 400 millions d'euros par rapport au texte initial.

L'amendement n°21 rectifié, accepté par la commission, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°22 de M. Husson, au nom de la commission des finances.

L'amendement rédactionnel n°22, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

La première partie du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025, modifiée, est adoptée.

Discussion des articles de la seconde partie

Article 5 (État B)

M. le président.  - Amendement n°3 de M. Husson, au nom de la commission des finances.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Cet amendement prévoit 10 millions d'euros supplémentaires pour les dépenses de vidéoprotection. Je suis surpris que l'on manque de crédits. L'État doit accompagner les collectivités, très engagées

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Les crédits n'ont pas été gelés, mais la délégation des crédits a été tardive. Nous n'avons pas besoin de crédits supplémentaires : les préfectures doivent accélérer les paiements. J'ai fait le point ce matin avec le ministère de l'intérieur. Avis plutôt défavorable.

Mme Nathalie Delattre.  - Seules les grandes villes, comme Bordeaux ou Pessac, émargent à ces enveloppes ; les autres restent à la porte. Nous avons besoin de ces crédits supplémentaires, notamment pour les communes rurales. Je voterai l'amendement.

L'amendement n°3 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°4 de M. Husson, au nom de la commission des finances.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Il manque 16,2 millions d'euros sur le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), pour financer les 60 millions d'euros d'opérations prévues aux contrats de plan État-région (CPER). Nous proposons d'abonder cette ligne pour permettre à l'État de tenir ses engagements sur des opérations déjà réalisées.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nous aurons besoin de crédits du FNADT en 2026, car des projets sont en retard. Si vous votez ces crédits en PLFG 2025, ils seront reportés en 2026. Dès lors, quid du respect du principe de l'annualité budgétaire ? Sagesse.

L'amendement n°4 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°12 de M. Grégory Blanc et alii.

M. Grégory Blanc.  - Un petit amendement pour rétablir les crédits de MaPrimeRénov'. Le stop and go désorganise la filière. Des dossiers sont bloqués pour des raisons manifestement budgétaires. On se souvient de cet été... Nous ajoutons 8 millions d'euros pour respecter notre stratégie nationale bas carbone, ainsi que les engagements que nous avons pris à l'égard des artisans.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Les rénovations globales sont passées de 91 000 en 2024 à 103 000 en 2025 -  plus 10 % en un an !

Quand, au début de l'été, j'ai pris connaissance des éléments sur la fraude, j'ai demandé une pause pour mettre fin à un détournement massif d'argent public. Ma responsabilité est que l'argent public aille bien au bon endroit. Je tiens à votre disposition les éléments qui ont été portés à ma connaissance, avec des centaines de milliers d'euros détournés vers les Émirats arabes unis, la Chine ou la Turquie. J'assume la pause ; il reste encore beaucoup à faire pour purger la fraude.

Qu'il faille continuer à soutenir la rénovation, bien sûr ! Mais nous n'avons pas besoin de crédits supplémentaires en 2025. Nous aurons le débat pour 2026.

M. Grégory Blanc.  - Les professionnels et des parlementaires demandaient la sécurisation du dispositif. Vous découvrez cela cet été... Oui, il faut lutter contre la fraude, mais pas au détriment de notre trajectoire énergétique.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié de MM. Capo-Canellas et Chevrollier.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Cet amendement fait suite au rapport de la commission des finances que j'ai consacré au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).

Après avoir connu une baisse de sa subvention de 20 %, il a resserré ses missions. Malgré ces réformes, son déficit structurel est de l'ordre de 20 millions d'euros et sa subvention devrait à nouveau baisser en 2026, de 4 millions d'euros. Sa trésorerie tombera à 5,5 millions d'euros en fin d'année et deviendra négative en 2026. Je propose donc 3 millions d'euros pour l'aider à poursuivre son effort de contention de ses dépenses.

L'amendement n°8 rectifié, accepté par la commission, repoussé par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°5 de M. Husson, au nom de la commission des finances.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Le déficit du fonds postal national de péréquation territoriale (FPNPT) dépasse les 50 millions d'euros. Cela pose la question du service postal, de la présence postale dans les territoires, de l'application du contrat tripartite entre La Poste, l'État et l'Association des maires de France, à un an de son renouvellement.

Pour soulager La Poste et faire en sorte que l'État respecte sa parole, nous proposons un abondement de 52 millions d'euros. Il faut par ailleurs travailler sans tarder sur la future convention, qui devra tenir compte des évolutions tendancielles du courrier, pour que le maillage postal soit le plus pertinent possible. Grandes et petites villes, bourgs-centres et territoires ruraux, tous sont concernés. Sans doute faudra-t-il poser la question de l'amplitude horaire des bureaux, de la distribution du courrier six jours sur sept...

M. le président.  - Amendement identique n°16 de M. Cozic et du groupe SER.

M. Thierry Cozic.  - Défendu.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Je vais passer une soirée avec le sénateur Chaize sur les enjeux du prochain contrat tripartite. Tout cela a effectivement pris du retard. Les questions stratégiques de présence territoriale, de modèle, d'articulation avec les collectivités et avec France Services, exigent un travail approfondi.

Comme pour le FNADT, une partie des crédits que vous proposez sera sans doute reportée sur 2026. Sagesse, même si ouvrir des crédits revient à dégrader le déficit.

Les amendements identiques nos5 et 16 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°6 de M. Husson, au nom de la commission des finances.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Évitons de fragiliser les pôles de compétitivité, qui ont de nombreuses vertus, notamment leur effet démultiplicateur pour l'emploi dans nos territoires.

C'est la deuxième fois que nous sommes amenés à ouvrir des crédits en PLFG : essayons de mieux calibrer les choses dans le PLF 2026 pour ne pas avoir à y revenir de nouveau.

M. le président.  - Amendement identique n°17 de M. Cozic et du groupe SER.

M. Thierry Cozic.  - Selon les chiffres de mars 2024 de la Direction générale des Entreprises (DGE), chaque euro public investi dans ces pôles génère 2,8 euros de dépenses privées en recherche et développement ; les entreprises adhérant aux pôles affichent une hausse de 36 % de leur chiffre d'affaires et de 20 % de leurs exportations. Ce soutien a également des effets bénéfiques sur l'emploi, avec un emploi créé pour 7 000 euros d'investissement public.

Tous les ans, ces 9 millions d'euros sont rayés d'un coup de crayon. C'est encore le cas au PLF 2026... Souhaitons ne pas avoir à y revenir encore l'année prochaine.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nos6 et 17 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°13 de M. Grégory Blanc et alii.

M. Grégory Blanc.  - Cet amendement rétablit les crédits pour l'enseignement supérieur et la recherche. De trop nombreuses universités sont déficitaires. La loi de programmation de la recherche n'est pas respectée. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir des universités en déficit, car cela aura un impact sur l'exercice 2026. Permettons-leur de boucler l'année dans les meilleures conditions.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié de M. Raynal.

M. Claude Raynal.  - Je propose de revenir sur la baisse des crédits du Centre national d'études spatiales (Cnes), à hauteur de 20 millions.

Alors que la stratégie nationale spatiale 2025-2040 vient d'être publiée, diminuer encore les crédits du Cnes, à qui l'on a déjà supprimé 100 millions d'euros en début d'année, n'est pas de bonne méthode.

Demain, démarre la conférence ministérielle de l'ESA (Agence spatiale européenne). Envoyons un signal pour indiquer que ce soutien à l'ESA ne se fera pas au détriment des projets du Newspace soutenus par le Cnes - même si cela se traduit par un report sur 2026.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable à l'amendement n°13. Il faut d'abord étudier l'origine des déficits des universités concernées, puis donner les moyens qui relèvent de la responsabilité de l'État. Il faudra surtout redéfinir les droits et devoirs de chacun, dans l'esprit de la loi sur l'autonomie des universités. J'ai rencontré récemment les représentants de l'université de Lorraine : il faut encore du temps.

Il est bon que le Parlement envoie un signal politique sur le spatial, d'autant que les négociations sont en cours. J'ai rencontré le ministre Baptiste : il est conscient que sur le spatial, la France est en train de se faire doubler par ses compétiteurs. Nous avons besoin de mobiliser des ressources si nous voulons contribuer à la souveraineté collective. Avis favorable à l'amendement n°7 rectifié.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nous sommes attentifs à la place de la France dans la compétition mondiale pour l'innovation et la recherche. Nous n'avons pas annulé de crédits au-delà de la réserve.

La conférence ministérielle de l'ESA qui s'ouvre à Brême est un moment important pour la souveraineté spatiale européenne. Mais la part de la France dans la trésorerie de l'ESA représente 653 millions : elle n'a pas besoin d'appeler des fonds français.

Retrait, sinon avis défavorable.

M. Grégory Blanc.  - Un certain nombre d'universités, dont Angers, sont déficitaires parce que les prélèvements au titre de la CNRACL n'ont pas été compensés et que certaines sont sous-dotées, les mécanismes de calcul des dotations variant d'une université à l'autre. Va-t-on prévoir un rééquilibrage au PLF pour compenser ces déficits dus à des décisions de l'État ?

M. Claude Raynal.  - La Ministérielle de l'ESA ne traitera pas de la trésorerie, mais de la souscription aux programmes futurs. Ceux-ci auront des répercussions sur le budget du Cnes. Les financements sont certes importants, mais la recherche et le travail fait par le Cnes avec les PMI du spatial aussi ! (Mme Amélie de Montchalin le reconnaît.)

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

L'amendement n°7 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°14 de M. Blanc et alii.

M. Grégory Blanc.  - Nombre de départements risquent de se retrouver en situation d'épargne négative.

À la suite du rapport de nos collègues Isabelle Briquet et Stéphane Sautarel sur les dysfonctionnements dans la collecte de la taxe d'aménagement, nous proposons le versement d'un acompte sur 2025, pour que nos départements puissent finir l'année plus ou moins à l'équilibre.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Le problème du financement des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) est surtout lié à l'atonie du marché. Des éléments de réponse sont apportés à travers le fonds de sauvegarde des départements. Les rapporteurs de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » proposeront également des initiatives en seconde partie du PLF. Avis défavorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Plutôt que d'ouvrir des crédits, j'ai donné instruction à la DGFiP de purger tous les paiements de la taxe d'urbanisme datant d'avant le transfert à la DGFiP, qui se faisaient à la main, à Paris... Il faut déjà que ces taxes-là soient recouvrées et versées aux collectivités. Nous avons pris trop de retard.

Il faut ensuite simplifier le processus. Plus personne n'y comprend rien. La DGFiP a reçu mandat de clarifier qui fait quoi.

Enfin, je mesure les inquiétudes sur la perception de la taxe d'aménagement. Mais le problème tient aussi à la forte chute, depuis deux ans, des mises en chantier, du fait de la hausse des taux d'intérêt, partout en Europe d'ailleurs. Il est donc normal, hélas, que les communes perçoivent moins de taxes d'aménagement.

L'enjeu est que les taxes dues soient payées, et que le processus soit rénové. Merci au rapporteur général de sa vigilance. Il nous faut un système plus transparent, plus prévisible pour les maires. Ce n'est pas un problème de crédits, mais de méthode. Avis défavorable.

Mme Isabelle Briquet.  - Dans le prolongement de notre mission flash, Stéphane Sautarel et moi-même présenterons conjointement plusieurs amendements visant à abaisser le seuil des projets pour percevoir des acomptes, à autoriser les avances remboursables et à faciliter le recouvrement de la taxe.

Je remercie Mme la ministre de ses propos : il y a effectivement beaucoup à simplifier dans le recouvrement de cette taxe. Recouvrons au moins la taxe due sur les projets en cours !

L'amendement n°14 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°20 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nous avons toujours des ajustements à faire en fin d'année entre les besoins de la CAF et ceux de l'Acoss. Nous tirons les conséquences de l'actualisation des prévisions de dépenses de prestations sociales, pour 112 millions d'euros. Cela peut sembler beaucoup, mais nous devons travailler sur les allocations elles-mêmes, dans le cadre du PLFSS. Sans ces crédits, nous créerions de la dette. Merci à vous de faire confiance à nos prévisions de fin d'année (M. Jean-François Husson rit.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - « Aie confiance », chante le serpent Kaa dans Le Livre de la jungle... (Sourires) Plus de 100 millions d'euros, ce n'est pas l'épaisseur du trait. Avis favorable, mais il faudra étudier de près la question de la prime d'activité qui, sans avoir tous les défauts, n'a pas que des qualités - je pense notamment au risque de smicardisation.

L'amendement n°20 est adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

L'article 6 (État C) est adopté.

Article 7 (État D)

M. le président.  - Amendement 23 de M. Husson, au nom de la commission des finances.

L'amendement rédactionnel n°23, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

L'article 8 est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

Article 4 (Coordination)

M. le président.  - Amendement COORD-1 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - En application de l'article 47 bis, alinéa 3 du règlement du Sénat, je demande qu'il soit procédé à une coordination de l'article d'équilibre.

La dépense publique totale passe de 1697 à 1698 milliards d'euros, non pas qu'un milliard ait été ajouté, mais par l'effet de l'arrondi ; la hausse réelle des dépenses est de l'ordre de 200 millions d'euros. Il n'y a pas de coupes sombres, preuve que nous ne pratiquons pas l'austérité. La dépense publique n'est pas une mauvaise chose, dès lors qu'elle est dirigée, efficace et productive. C'est bien tout l'enjeu.

Le reste du tableau est inchangé, avec un déficit à 5,4 % du PIB. C'est le signe d'un État qui a repris la maîtrise de sa trajectoire. Il reste beaucoup à faire, et je sais pouvoir compter sur votre vigilance dans les débats à venir. (M. Marc Laménie applaudit.)

L'amendement n°COORD-1, accepté par la commission, est adopté.

Article liminaire (Coordination)

M. le président.  - Amendement COORD-2 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Défendu.

L'amendement n°COORD-2, accepté par la commission, est adopté.

Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°56 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption 227
Contre 104

Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025, modifié, est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

Financement de la sécurité sociale pour 2026 (Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l'article 47 1, alinéa 2, de la Constitution.

Discussion des articles (Suite)

Troisième partie (Suite)

Article 44 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°1258 rectifié bis de M. Chasseing et alii.

M. Daniel Chasseing.  - Cet amendement rétablit le gel des pensions de retraite et des minima sociaux, supprimé par l'Assemblée nationale. La dérive de nos comptes sociaux tient à des dépenses excessives ; il nous faut donc faire des économies.

Ce gel représente un effort important demandé aux retraités : 180 euros par an pour une pension de 1 500 euros mensuels. Rappelons toutefois que les retraites ont été revalorisées de 5,3 % en 2024, pour 15 milliards d'euros.

Il faut épargner les plus fragiles : cet amendement exclut de la désindexation l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et les pensions de moins de 1 400 euros.

Mme la présidente.  - Amendement n°126 rectifié septies de M. Henno et alii.

M. Olivier Henno.  - Cet amendement concerne le gel de pensions de retraite. Je laisse Mme le rapporteur le présenter.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°715 rectifié de Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche vieillesse.  - L'article 44, que nous rétablissons, gèle le montant des prestations sociales et des pensions de retraite, qui ne seraient donc pas revalorisées de l'inflation au 1er janvier 2026.

La commission propose toutefois d'exclure de ce gel l'AAH et les pensions inférieures à 1 400 euros afin de préserver les plus fragiles.

Cette mesure aurait un rendement de 2 milliards d'euros au titre de l'année 2026. Nous améliorons aussi le lissage des seuils.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°1796 rectifié bis de M. Capo-Canellas et alii.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Je comprends les contraintes financières qui justifient cette désindexation des retraites au-delà de 1 400 euros, mais je m'interroge sur le signal adressé aux classes moyennes. Nous pourrions prévoir une indexation partielle entre 1 400 et 3 000 euros, d'autant que s'ajoutent la fin de l'abattement de 10 % pour les retraités et la hausse de la CSG.

Mme la présidente.  - Amendement n°1491 rectifié bis de M. Lévrier et alii.

M. Xavier Iacovelli.  - Cet amendement rétablit également l'article 44, mais en limitant la sous-indexation aux pensions supérieures à 1 800 euros par mois. En outre, il minore le coefficient de revalorisation de 0,9 point en 2027 et 0,4 entre 2028 et 2030.

Mme la présidente.  - Amendement n°1629 rectifié bis de M. Iacovelli et alii.

M. Xavier Iacovelli.  - Celui-ci procède à une sous-indexation des seules pensions de retraite de 0,4 point de 2026 à 2030.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - La commission souhaite réintroduire le gel des prestations sociales et des pensions de retraite à leur niveau de 2025. Nous demandons un effort à tous les Français, mais préservons les plus fragiles : seules l'AAH et les pensions inférieures à 1 400 euros seront revalorisées sur l'inflation, pour un rendement estimé de 1,9 milliard d'euros.

L'amendement n°1258 rectifié bis, presque identique à celui de la commission, revalorise les pensions de retraite inférieures à 1426,30 euros, soit le niveau du Smic.

L'amendement n°1491 fixe le seuil à 1 800 euros. L'amendement n 1629 exclut les prestations sociales du gel.

Le sous-amendement n°1796 rectifié bis vise à préserver les classes moyennes, avec une sous-indexation sur l'inflation des pensions entre 1 400 et 3 000 euros et un gel au-delà. Je comprends l'objectif - éviter de pénaliser ceux qui sont juste au-dessus du niveau du Smic - mais nous plaidons pour un effort collectif afin de redresser nos comptes.

Retrait, sinon avis défavorable à tous les amendements autres que celui de la commission.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités.  - Étant donné la situation de nos finances publiques, un effort de contribution doit être demandé à tous. Le Gouvernement avait proposé de stabiliser le montant des prestations sociales, dans un contexte d'inflation modérée, autour de 1 %, et envisagé qu'un effort supplémentaire puisse être demandé sur les retraites en 2027, 2028 et 2029, avec une sous-indexation à hauteur de 0,4 % - mesure issue du conclave entre les partenaires sociaux.

Tout en soutenant le retour de cette mesure dans son principe, le Gouvernement, conscient que le sujet est sensible, s'en remet à la sagesse du Sénat pour trouver les bons paramètres.

Le sous-amendement n°1796 rectifié bis présente des difficultés techniques. L'absence de visibilité autour des seuils fait courir un risque constitutionnel. La rédaction conduirait en outre à baisser le montant des pensions entre 1 400 et 3 000 euros, par le jeu du coefficient de revalorisation. Enfin, la revalorisation différenciée des pensions est complexe à mettre en oeuvre. Retrait, sinon avis défavorable.

L'approche plus ciblée proposée par l'amendement n°1491 rectifié bis peut être pertinente, car les retraités ne constituent pas un bloc homogène. Nous pourrons débattre d'un tel traitement différencié. Sagesse, comme sur l'amendement n°1629 rectifié bis.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Cet article 44, que l'Assemblée nationale avait supprimé, a sa place sur le podium des horreurs.

Vous gelez toutes les prestations - sauf l'AAH. La majorité sénatoriale a du coeur... L'année blanche sera une année noire pour les plus fragiles et les plus précaires, qui perdront du pouvoir d'achat.

Cet amendement gèle également les pensions de retraite au-dessus de 1 400 euros et les désindexe jusqu'à 2030. Mesurez-vous ce que cela représente pour ces personnes, quand chaque euro compte ?

L'an dernier, vous aviez prévu un gel pendant six mois, à partir de 1 500 euros. D'année en année, vous faites toujours mieux !

Vous préférez faire des économies sur les familles monoparentales et les retraités plutôt que de mettre à contribution les actionnaires et les grandes entreprises. Nous avons pourtant proposé des recettes nouvelles - que vous avez refusées pour protéger les vôtres, les plus riches. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Monique Lubin.  - Le RSA pour une personne seule s'élève à 568,94 euros nets ; les allocations logement, à 250 euros. Que reste-t-il, une fois qu'on a payé son loyer ? Pour une personne isolée avec un enfant, c'est 814,62 euros. La pension moyenne, avec bonification pour trois enfants, est de 1 541 euros nets. Ces personnes sont-elles privilégiées ?

Vous répétez que les efforts doivent être partagés. Ces quelques millions de personnes sont-elles responsables du déficit ? Est-ce à elles de le payer ? Non ! Est-il équitable de les ponctionner, alors que vous refusez obstinément de faire participer les grandes fortunes et les revenus du capital ? Il faut être sans vergogne pour geler les ressources de gens qui vivent avec 568 euros par mois. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

Mme Corinne Féret.  - Après quatre jours de débats sur le PLFSS, il est évident que nous ne partageons pas les mêmes valeurs. Tous les Français doivent faire un effort, dites-vous, madame la rapporteure. Mais quand nous avons proposé d'augmenter des taxes, de faire contribuer davantage ceux qui ont le plus, vous avez refusé !

C'est à ceux qui ont le moins que vous demandez des efforts ! Manifestement, pour vous, ceux qui perçoivent des prestations de solidarité ont encore trop. Pour celui qui touche 568 euros par mois, la non-indexation se traduit par une perte de pouvoir d'achat de 81 euros. Peut-être que pour vous, ce n'est rien...

Non, nous ne partageons pas cette vision de la société. Nous préférons la solidarité nationale. Demandons à ceux qui ont le plus de contribuer le plus, et non pas l'inverse. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Mme Silvana Silvani.  - La majorité sénatoriale s'apprête donc à rétablir le gel des prestations sociales et des pensions. Elle avait annoncé la couleur : elle allait nettoyer le PLFSS. Mais c'est une tache indélébile qu'elle laissera sur notre protection sociale.

Après avoir refusé de relever la CSG sur le capital pour dégager 2 milliards d'euros de recettes, vous mettez à contribution les plus précaires pour dégager... 2 milliards d'euros de recettes. Vous appliquez le principe d'Alphonse Allais : il faut prendre l'argent là où il est, chez les pauvres ; ils n'ont pas beaucoup d'argent, mais ils sont très nombreux. Avec votre politique, ils seront même de plus en plus nombreux !

L'année dernière, l'amendement Wauquiez a contribué à la chute du Gouvernement Barnier. Quel est donc votre objectif, alors que le Premier ministre a indiqué être prêt à renoncer à ce gel ? Est-ce un signal envoyé en prévision du très probable échec de la CMP et l'indice de ce que pourrait être une future loi spéciale ?

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Ce gel est une honte. Avez-vous conscience que le taux de pauvreté n'a jamais été si élevé en trente ans, qu'un enfant sur cinq est pauvre ? Que, sous l'effet de la politique menée ces dernières années, l'emploi ne protège plus de la pauvreté ? Ce qui ne vous empêche d'ailleurs pas de prétendre valoriser le travail...

Votre politique, ce n'est pas de lutter contre la pauvreté ; c'est de lutter contre les pauvres. Votre budget est une machine à produire des pauvres et à creuser les inégalités !

Pour une personne au RSA, la perte sera de 8 euros par mois. N'entendez-vous pas les alertes des associations caritatives, qui n'arrivent plus à répondre aux besoins ? La soupe populaire, est-ce là votre modèle ?

Certes, l'exclusion de l'AAH est une bonne nouvelle. Mais après avoir opposé les actifs aux retraités, vous cherchez en réalité à opposer les bénéficiaires de minima sociaux entre eux. Vous ne reculez décidément devant rien.

Mme Céline Brulin.  - Ce gel est injuste et, de surcroît, économiquement inefficace. Vous ponctionnez 2 milliards d'euros sur nos concitoyens les plus précaires au nom du partage de l'effort, mais refusez de mettre à contribution les plus hauts revenus et patrimoines : vous avez balayé toutes nos propositions en ce sens.

D'aucuns avancent que les retraites ont été fortement revalorisées ces dernières années. Encore heureux qu'elles l'aient été, au vu de l'inflation exceptionnelle ! Les retraités auront déjà à subir la fin de l'abattement de 10 % ou encore l'essentiel de la répercussion de la taxe sur les complémentaires santé. Pendant ce temps, vous inventez le Smic des retraités, à 1 400 euros.

Les conséquences économiques en seront catastrophiques, car c'est la consommation qui porte notre économie. Ce n'est certainement pas ainsi que vous redresserez notre pays.

M. Daniel Chasseing.  - Ayant indiqué dans la défense de mon amendement qu'il fallait indexer les pensions inférieures à 1 400 euros, je le rectifie pour le rendre identique à celui de la commission.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Vous vous étiez sans doute trompé...

Mme la présidente.  - Il s'agit de l'amendement n°1258 rectifié ter.

Mme Laurence Rossignol.  - Nous aurions presque pu vous suivre si, tous ces derniers jours, vous n'aviez pas refusé de faire contribuer les plus riches. Logiquement, il ne vous reste que les plus pauvres à faire contribuer.

Vous vous êtes tout de même avisés que la mesure serait difficile à assumer sur les personnes en situation de handicap. Pourquoi ? Parce que, pensez-vous, ce n'est pas leur faute. Mais les familles monoparentales - un tiers des familles pauvres -, est-ce leur faute ? En plus d'être injuste, votre proposition est moralement inacceptable ! (Applaudissements à gauche)

M. Mickaël Vallet.  - Bravo !

M. Vincent Capo-Canellas.  - Pour endiguer la progression des déficits, nous sommes bien contraints de faire des choix. (On ironise à gauche.) J'entends la demande de la rapporteure et retire notre sous-amendement. En revanche, je n'ai pas compris les arguments du ministre, ni sur le multiplicateur ni sur la dimension constitutionnelle.

Le sous-amendement n°1796 rectifié bis est retiré.

M. Martin Lévrier.  - Ce débat reflète ce qui se passe depuis le début de l'examen du PLFSS : c'est droite contre gauche. Nous avons pourtant déposé des amendements qui pourraient faire avancer la discussion et conduire à un compromis. Hélas, on ne s'y intéresse pas.

Oui, tout le monde doit participer à l'effort. Mais, au Sénat, le PLFSS aura évolué à sens unique - qu'il s'agisse des apprentis ou des revenus du capital, entre autres sujets. Je vous invite donc à réfléchir à nos propositions de compromis, d'autant qu'elles émanent des partenaires sociaux. Discutons-en, au lieu de rester chacun dans son couloir.

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Encore le « en même temps » !

M. Ian Brossat.  - Alors que le taux de pauvreté n'a jamais été si élevé depuis 1996, la droite sénatoriale gèle les prestations sociales. Monstrueuse indécence ! Dix millions de pauvres ne vous suffisent donc pas ? Lorsque vous parcourez vos départements, ne voyez-vous pas s'allonger les files de l'aide alimentaire ?

Vous expliquez que tout le monde doit faire des efforts, mais épargnez ceux qui se sont gavés toutes ces dernières années. Il y a ceux qui n'arrêtent pas de faire des efforts et ceux à qui vous ne demandez jamais rien. Lorsque paraîtront les prochaines statistiques de la pauvreté, j'espère que vous nous épargnerez vos larmes de crocodile. (Applaudissements à gauche)

M. Guillaume Gontard.  - L'amendement de M. Iacovelli reprend une conclusion de l'ex-conclave sur les retraites, mais je doute qu'elle aurait fait consensus sans le départ de 43 % des syndicats...

Le niveau de vie des retraités décroche, et cette mesure ne fera qu'aggraver la tendance. Le Gouvernement et la droite opposent actifs et retraités au lieu de s'interroger sur la déflation salariale. Le gel qu'ils proposent aura de lourdes conséquences sur les retraités modestes, majoritairement des femmes.

Pourtant, la sous-compensation des allègements généraux consentis aux entreprises représente 42 % du déficit de la branche vieillesse. D'autres choix sont possibles ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Émilienne Poumirol.  - Seule la suppression de cet article est acceptable à nos yeux. Vous faites peser le redressement sur les plus âgés et les personnes vulnérables, faute d'accepter la moindre des recettes nouvelles que nous avons proposées. C'est décidément chez vous un dogme : ne pas faire payer les plus aisés, et surtout pas les 1 800 familles les plus fortunées. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

M. Thomas Dossus.  - Qui va payer la note de huit ans d'une politique de l'offre inefficace ? Cette mesure précise votre réponse.

Certes, vous exemptez les bénéficiaires de l'AAH, mais tous les autres sont sacrifiés : près de 6 millions de personnes seront pénalisées parce que vous voulez épargner les plus riches.

Et l'attrition des recettes va continuer : le PLF prévoit la division par deux de la surtaxe d'IS. Combien de temps ferez-vous payer aux plus modestes votre politique des caisses vides ? (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Pierre Barros.  - Lors de l'examen du projet de loi de fin de gestion, Mme de Montchalin a parlé d'efficacité budgétaire. Mais est-il efficace de geler les prestations sociales et les retraites ?

Pour l'État, peut-être. Mais vers qui se tourneront toutes les personnes dont cette mesure aggravera les difficultés ? Vers les associations et les collectivités - singulièrement les centres communaux d'action sociale. Or le PLF maltraite les finances locales, en sorte que les communes seront de moins en moins en situation de leur venir en aide. Avec cette mesure, la chambre des territoires ne rend pas service aux élus locaux !

Mme Annie Le Houerou.  - Ce gel revient à faire baisser le niveau de vie de personnes qui doivent, chaque jour, arbitrer entre se chauffer, se nourrir et se soigner. Avez-vous conscience qu'un enfant de moins de trois ans sur cinq est pauvre ?

Cette mesure est d'une incroyable injustice, alors que vous refusez tous nos amendements visant à faire contribuer les Français les plus riches, notamment les revenus du capital. Votre choix politique ? Demander toujours plus aux plus pauvres, toujours moins aux plus riches. Ce choix abîme la cohésion sociale, accroît la défiance et nourrit les positions les plus radicales. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Barros applaudit également.)

Mme Colombe Brossel.  - Revenons aux personnes, celles que votre mesure touchera dans leur quotidien. Au premier chef, les familles monoparentales - un quart des familles et 3 millions d'enfants. L'Insee a montré qu'elles connaissent une augmentation de pauvreté massive. Et vous avez tenté de les flouer au moment de la réforme du complément de mode de garde. Vous enfoncez la tête de ces femmes sous l'eau et condamnez leurs enfants à la précarité ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

M. Olivier Henno.  - Au nom de la responsabilité, nous sauvons le système de retraite par répartition. (Exclamations ironiques à gauche)

M. Franck Montaugé.  - Vous sauvez surtout les riches !

M. Olivier Henno.  - L'Agirc-Arrco a gelé les pensions cinq ans, ce qui a sauvé le système et permis même la constitution d'une réserve de 15 milliards d'euros.

Mme Frédérique Puissat.  - Exactement !

M. Olivier Henno.  - M. Dossus demande : qui va payer la note ? Pas les plus riches. (On se gausse à gauche.)

Mme Céline Brulin.  - Avec vous, c'est sûr !

M. Olivier Henno.  - Ce sont les plus pauvres qui seront victimes de votre politique de l'autruche : car le grand blessé de votre démagogie sera le système par répartition. Si un jour les Français préfèrent la capitalisation, vous en serez responsables. (Protestations à gauche)

Je vous invite à méditer Péguy : « Le triomphe des démagogues est passager, mais les ruines sont éternelles » (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)

M. Xavier Iacovelli.  - Je prends acte avec regret de la position de la commission, car notre amendement était un juste milieu. En effet, monsieur Gontard, c'est une des seules propositions qui ont fait consensus pendant le conclave. (Mme Raymonde Poncet Monge le conteste.) Vous parlez des 43 % qui n'ont pas siégé : c'est sans doute parce que vous-même n'avez pas beaucoup siégé ces jours derniers ! (Marques d'indignation à gauche)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Tout de même !

Mme Anne Souyris.  - Ce gel est emblématique d'une politique consistant à ne pas compenser à la sécurité sociale ce qui lui est dû et à taxer les plus pauvres. Il fera mécaniquement baisser le pouvoir d'achat de millions de personnes modestes, pour une économie très limitée par rapport aux 600 milliards d'euros de dépenses sociales.

Vous avez la gentillesse d'en exclure les bénéficiaires de l'AAH et les retraites inférieures à 1 400 euros. Reste que le gel frappera proportionnellement plus les ménages les plus modestes, qui consacrent l'essentiel de leurs revenus au logement et à l'énergie, des postes de dépenses particulièrement touchés par l'inflation.

M. Yannick Jadot.  - Tout à l'heure, dans une salle de réunion de notre noble institution, je voyais sur un mur le texte de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Je me disais : il est magnifique que nous soyons sortis de l'Ancien Régime... Il est magnifique aussi que le Conseil national de la Résistance ait mis en pratique les valeurs de la République, notamment l'égalité.

Selon l'Insee, le nombre de pauvres a crû de 650 000 en un an, pour atteindre 12 millions ; sur les vingt dernières années, les 0,1 % les plus riches ont vu leurs revenus augmenter de 120 %, les 25 % les plus pauvres de seulement 24 %.

Qu'est-ce qui a déraillé pour que la majorité de la Haute Assemblée de la République retrouve les réflexes de la chambre des pairs de la Restauration ? (Protestations à droite et au centre) On a l'impression que l'Ancien Régime est de retour. Vos mots ne sont plus liberté, égalité et fraternité, mais assistanat, générosité - j'espère que c'était un lapsus, monsieur le ministre - et charité. Revenons à la République ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Cécile Cukierman.  - D'aucuns osent parler de générosité. Mais qui est responsable des 80 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales pour les entreprises qui structurent ce PLFSS ?

Tout le monde devrait faire un effort ? Non ! Certaines personnes n'ont pas le choix. On ne décide pas d'être pauvre ou mal logé. Notre République, qui est sociale, doit protéger ces Françaises et ces Français. Vous voulez une République de la vertu au nom de la responsabilité, mais vous épargnez ceux qui s'enrichissent jour après jour.

Ce gel serait foncièrement nocif. Non, riches et pauvres, nous ne sommes pas égaux face à la responsabilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Patrick Kanner.  - M. Henno a été l'un des rares à s'exprimer sur les bancs de la droite. Avez-vous mauvaise conscience ? Peur de rendre compte à vos électeurs ? (Protestations à droite et au centre) N'ayez pas peur de vous exprimer pour justifier votre mauvais coup !

Alphonse Allais disait : il faut aller chercher l'argent là où il est, chez les pauvres, ils n'ont pas beaucoup d'argent, mais ils sont très nombreux. (On se gausse à droite.)

Plusieurs voix à droite.  - Ça a déjà été dit !

M. Patrick Kanner.  - C'est là votre boussole réactionnaire ! La nôtre, est et demeure de défendre coûte que coûte les plus modestes, les retraités et les femmes seules, qui ne sont pas responsables de la situation budgétaire. Le choix de société de la gauche, c'est de les défendre bec et ongles. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K)

Mme Frédérique Puissat.  - Nous soutenons la position de la rapporteure. Nous rétablissons ainsi le dispositif, en lui apportant deux correctifs, pour les petites retraites et les bénéficiaires de l'AAH. J'ai retrouvé un ancien article, qui parle d'un ancien Premier ministre : pour économiser 50 milliards d'euros d'ici à 2017, il proposait de reporter la revalorisation du RSA et d'autres prestations... Son nom ? Manuel Valls.

Mme Marion Canalès.  - La situation des finances publiques est le produit d'un déficit organisé depuis huit ans.

Vous dites que tout le monde doit contribuer, mais avez refusé d'augmenter la CSG, de lutter contre la rente ou encore la financiarisation de la santé. Nettoyant le texte au chalumeau, vous vous êtes attaqués même aux apprentis. Rien ne doit repousser. Vous êtes allés jusqu'à lancer un ballon d'essai sur la fin de la gratuité de la CMU !

La bataille pour des recettes socialement justes et économiquement efficaces n'est pas une hystérie fiscale. Ces derniers jours, hélas, nos débats m'ont fait penser au Don Salluste de La Folie des Grandeurs : les pauvres, c'est fait pour être très pauvres et les riches, très riches. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Michel Canévet.  - On se trompe de débat. (Exclamations ironiques à gauche) Le vrai sujet, c'est la redistribution. Or la France est l'un des pays les plus redistributeurs au monde !

Nous vivons au-dessus de nos moyens. Il faut donc sensibiliser le plus grand nombre à la nécessité de faire des efforts. (Murmures désapprobateurs à gauche) Il n'est pas question de retirer quelque chose à qui que ce soit, mais de ne pas revaloriser - tout en prenant en compte la situation des petites pensions.

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

Mme Pascale Gruny, rapporteur  - Certains parlent d'un gel jusqu'en 2027, voire 2030. Je rappelle que les lois financières sont annuelles. Nous parlons ici d'un gel pour 2026.

Une augmentation de 5,2 % est intervenue en 2024.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'était l'inflation !

Mme Pascale Gruny, rapporteur  - Une autre, de 2,2 %, cette année.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'est l'inflation !

Mme Pascale Gruny, rapporteur  - Nous avons ramené le déficit de 24 milliards d'euros à la sortie de l'Assemblée nationale au niveau, acceptable, de 18 milliards d'euros. S'agissant des allègements de charges des entreprises, nous avons fait un gros travail l'année dernière.

Mme Céline Brulin.  - Un gros travail ? 1,5 milliard !

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Au-delà de cette mesure, notre objectif est de préserver la sécurité sociale et la retraite par répartition, de financer l'autonomie. Ne regardez pas les choses par le petit bout de la lorgnette !

Madame Rossignol, je m'occupe de handicap depuis des années. Je ne vous permets pas de nous mettre en cause sur le plan moral. (On approuve avec énergie à droite et sur de nombreuses travées au centre.) Quant à M. Jadot, il est magnifique qu'il nous ait rappelé la devise de la République. (On ironise à droite.)

M. Christian Bilhac.  - Je suis favorable au redressement des comptes publics. Mais avant de mettre le vin dans une barrique, on s'assure qu'elle ne fuit pas.

Il faut donc faire des économies, en commençant par réduire les frais administratifs à l'hôpital, multipliés par quatre en vingt-cinq ans et supprimer les comités Théodule et autres Hauts Conseils : ils n'ont pas servi à grand-chose, car on n'a pas vu que la situation s'est beaucoup améliorée...

Cibler les apprentis ou les retraités, ce n'est pas très bon. Il faut mieux équilibrer l'effort. D'autant que les 2 milliards d'économies annoncées ne se réaliseront pas, puisqu'il y aura plus de dépenses pour les départements et les CCAS. État, sécurité sociale, communes : les budgets sont différents, mais c'est toujours le même contribuable qui paie !

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos1258 rectifié ter, 126 rectifié septies et 715 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°57 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l'adoption 198
Contre 120

Les amendements identiques nos1258 rectifié bis, 126 rectifié septies et 715 rectifié sont adoptés et l'article 44 est rétabli.

Les amendements nos1491 rectifié bis et 1629 rectifié bis n'ont plus d'objet.

Article 45

Mme Monique Lubin .  - Cet article vise à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes au moment de la retraite.

Lors des débats sur la réforme des retraites de 2023, nous avons souvent rappelé, à gauche, que la situation des femmes n'était pas prise en compte. Deux mesures intéressantes, il faut le dire, sont ici prévues : deux trimestres de bonification pour enfants pour les carrières longues et calcul des retraites des femmes sur les vingt-trois meilleures années, au lieu de vingt-cinq.

Reste que la situation professionnelle des femmes reste, en moyenne, moins intéressante que celle des hommes ; des différences de salaires inexplicables perdurent. Ces questions auraient dû être traitées en amont d'une réforme des retraites. Hélas, en 2023, nous avons parlé de tout sauf du travail des femmes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Annick Girardin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les mesures de la réforme des retraites de 2023 ont presque toutes été étendues à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mais pas l'abaissement de l'âge légal de départ en retraite pour les personnes souffrant d'une invalidité d'origine professionnelle. Hélas, l'amendement que j'ai déposé pour remédier à cet oubli s'est heurté à l'article 40. Le Gouvernement compte-t-il le reprendre à son compte ? Ce serait un moyen de concrétiser la rupture promise par le Premier ministre, pour un coût minime compte tenu du nombre de personnes concernées.

Mme Anne Souyris .  - C'est aujourd'hui la journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes. Certaines violences sont visibles : celles qui touchent à la vie et au corps. D'autres, plus sournoises : les inégalités liées au travail et à la retraite sont de celles-là.

Une carrière interrompue pour élever des enfants ou prendre soin d'un parent âgé se traduit par des pensions beaucoup plus faibles. C'est une violence économique et sociale silencieuse, mais bien réelle et qui dure toute la vie.

Cet article va dans le bon sens. Les meilleures années des mères ne doivent plus être amputées par des interruptions ou des périodes de temps partiel. Mais ce n'est qu'un début : nous devons nous attaquer aux inégalités salariales, parce que l'égalité n'est pas un slogan, mais un droit.

Mme la présidente.  - Amendement n°1844 de Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Cet amendement d'appel ouvre le débat sur la réforme de la retraite anticipée pour carrière longue. Il existe une confusion entre carrière précoce et usure professionnelle. De ce fait, des cadres ayant commencé à cotiser tôt partent en retraite à taux plein sans être tenus par l'âge légal, tout en cumulant leur pension avec une activité rémunérée. La Cour des comptes a appelé à faire cesser ces pratiques contraires à l'esprit du dispositif.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - L'objectif de cet article important est de réduire l'écart entre les pensions des femmes et des hommes, qui est en moyenne de 38 %, du fait des écarts salariaux et des carrières hachées.

Je salue Muriel Pénicaud, dont l'indicateur a permis d'avancer sur ce sujet ; en tant que chef d'entreprise, j'ai constaté une réelle sensibilisation des employeurs. La transposition de la directive européenne sur la transparence des salaires sera un point d'appui supplémentaire pour continuer de progresser.

La réforme des retraites de 2023 visait l'égalité de pension femmes-hommes en 2050 ; nous devons poursuivre nos efforts pour y parvenir.

Cet article octroie des trimestres majorés pour les carrières longues. Le calcul de la retraite se fondera sur les vingt-trois ou vingt-quatre meilleures années pour les femmes ayant eu des enfants. Plus de la moitié d'entre elles verront le montant de leur pension amélioré.

C'est grâce au dialogue social que ces idées ont émergé.

Le Gouvernement a également déposé un amendement en faveur des droits à la retraite des femmes fonctionnaires et militaires qui ont eu des enfants après leur recrutement.

Cet amendement d'appel de la commission porte sur un sujet important. Il recoupe la question de la pénibilité abordée lors du conclave -  qui n'était pas loin d'aboutir. Ce sujet sera de nouveau examiné lors de la conférence sur le travail et les retraites dont les travaux débuteront le 5 décembre au Cese.

Vous souhaitez que le débat se poursuive : ce sera le cas. Retrait.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Franchement, cet amendement est une arnaque de plus (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) -  nous nous y sommes habitués, depuis neuf jours. Cet amendement exclut des trimestres réputés cotisés les études des normaliens et des polytechniciens, ainsi que les jobs d'été. Vous attaquez tous ces jeunes qui ont eu besoin de travailler avant 21 ans, comme serveurs ou serveuses, ou qui ont encadré des colonies de vacances. Ils ont cotisé, mais ils ne pourront pas en bénéficier. (Mme Laurence Harribey renchérit.)

C'est une sacrée remise en cause. Un gamin d'une famille populaire qui est serveur l'été ne le fait pas par plaisir ; il travaille parce qu'il en a besoin pour payer ses études. Vous poussez le bouchon un peu loin ! Nous sommes révoltés de ce que vous êtes prêts à faire pour faire payer toujours les mêmes.

Mme Monique Lubin.  - Certains étudiants travaillent même à mi-temps, il n'y a donc aucune raison que ces trimestres ne soient pas pris en compte.

Monsieur le ministre, vous évoquez les partenaires sociaux : ils feront leur travail, nous sommes attachés au paritarisme. Mais nous devons impérativement avoir un débat sur les retraites au Parlement, lequel tranchera, en définitive.

L'article 45 est intéressant, certes, mais uniquement pour les mères de famille. Or on est d'abord femme avant d'être mère.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

Mme Monique Lubin.  - Pour que les femmes aient des retraites décentes et des carrières complètes, il faut que nous les considérions comme des salariées à part entière, ce qui n'est pas encore tout à fait le cas.

Plus de seniors et plus de femmes en emploi, voilà l'une des clés pour résorber le déficit des retraites ! Nous devons négocier avec le Medef -  qui a fait couler le conclave  - pour régler définitivement le problème de l'emploi des femmes et des inégalités salariales ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Nous avions prévu les dérives liées au cumul emploi-retraite. Vous ne nous avez pas écoutés. Aujourd'hui, vous les constatez.

Un job étudiant est un travail salarié et ouvre des droits sociaux -  ou alors il faut l'exonérer de cotisations. L'étudiant participe au financement des pensions actuelles, selon le principe de notre système par répartition.

Beaucoup d'étudiants sont contraints de travailler. Nous avions déposé une proposition de loi visant à instaurer une allocation autonomie universelle d'études. Quand elle sera en vigueur, nous pourrons reparler des jobs d'été.

Les jeunes concernés ne seront pas forcément cadres ni concernés par le cumul quand ils partiront à la retraite. Près d'un jeune sur quatre sorti d'études depuis quatre ans est au chômage ou en sous-emploi.

La solution réside dans le recentrage sur la retraite progressive, cannibalisée par le cumul emploi-retraite. La retraite progressive est moins attractive, car elle ne permet pas de recevoir l'intégralité de sa pension. Mais elle ne suscite que des effets d'aubaine très limités, voire nuls, contrairement au cumul emploi-retraite.

M. Martin Lévrier.  - Depuis mes 17 ans, j'ai travaillé l'été pour payer mes études. (MmeCéline Brulin et Cathy Apourceau-Poly renchérissent.)

Il ne faut pas tout mélanger : un job d'été, c'est un travail. Cet amendement me laisse pantois. (« Très bien ! » sur les travées du groupe CRCE-K)

L'amendement n°1844 n'est pas adopté.

(Applaudissements à gauche)

L'article 45 est adopté.

Après l'article 45

Mme la présidente.  - Amendement n°1236 rectifié de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Cela fait du bien, ce vote sur l'amendement précédent !

Le 5 juin dernier, sur l'initiative du groupe communiste, l'Assemblée nationale a examiné une proposition de résolution visant à abroger la réforme des retraites de 2023. Le résultat fut sans appel : 198 voix pour et seulement 35 contre.

La société est restée fragmentée par le passage en force du Président de la République et du gouvernement d'alors sur cette réforme. À la brutalité des décisions prises a répondu la brutalité des reculs imposés aux travailleurs. Avec le passage à 64 ans, on troque les deux meilleures années de la retraite contre les deux pires années de travail. (Mme Anne-Marie Nédélec s'exclame.)

Il nous semble utile de rappeler les effets désastreux de la réforme Borne-Macron. Elle a aggravé les inégalités entre les femmes et les hommes -  d'où l'article 45 de ce PLFSS. Elle détériore la santé des seniors en fin de carrière.

Nous souhaitons un rapport d'évaluation sur la réforme de 2023, à laquelle nous restons opposés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Plutôt qu'un rapport, mieux vaut demander un débat.

Il nous faudrait surtout la loi Travail promise par la Première ministre Borne.

La réforme des retraites de 2023 a suscité beaucoup d'incompréhensions -  ce que je peux tout à fait comprendre. Mais ce n'est pas dans un rapport que nous trouverons la solution.

L'article 45 prévoit des mesures attendues pour la retraite des femmes. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Votre demande est satisfaite : un rapport du Comité de suivi des retraites (CSR) sur la réforme de 2023 doit être remis avant le 1er octobre 2027. Un débat pourra même intervenir -  peut-être même avant, même si je n'anticipe pas sur les débats à venir. Les retraites, le travail et l'emploi seront les sujets abordés lors de la conférence.

Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement ouvre le débat sur les retraites.

Madame la rapporteure, vous êtes défavorable à cet amendement, non parce qu'il s'agit d'un rapport, mais parce que vous êtes favorable à cette réforme des retraites.

Nous avons déposé cet amendement, parce que les groupes de la majorité sénatoriale ont déposé avec une certaine malice un amendement de suppression de l'article 45 bis -  mais pas pour les mêmes raisons qui ont conduit les députés communistes à voter contre cet article. Nous avons besoin d'un peu de clarté pour débattre, et aussi pour voter.

Nous exigeons toujours l'abrogation de la réforme des retraites. L'arnaque commence à poindre, avec un conclave sous l'égide du gouvernement Bayrou qui a fait pschitt et des mesures annoncées qui n'en sont pas. Tout cela n'est pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens.

Nous sommes favorables à l'abrogation, vous ne l'êtes pas, mes chers collègues de droite. Ne tournons pas autour du pot et ayons ce débat de fond. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Pascale Gruny, rapporteur - Madame Cukierman, je n'ai jamais dit que la réforme me convenait dans sa globalité. Elle n'a pas abordé des thèmes comme la pénibilité, l'usure professionnelle, l'emploi des seniors ou des femmes. Si cela avait été le cas, elle aurait pu être mieux acceptée.

Cela dit, les éléments factuels demeurent. Je ne veux plus m'entendre dire par les jeunes actifs qu'ils n'auront plus de retraite demain.

À la demande du groupe CRCE-K, l'amendement n°1236 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°58 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l'adoption 119
Contre 22 6

L'amendement n°1236 rectifié n'est pas adopté.

Article 45 bis

Mme Monique Lubin .  - La droite sénatoriale a décidé de rompre le très faible consensus issu de l'Assemblée nationale, à un moment où le pays est terriblement fracturé.

Pourquoi tenons-nous autant à la suspension de la réforme des retraites ? Parce que le pays et les citoyens ne l'ont toujours pas acceptée. Elle n'a pas été votée par l'Assemblée nationale. Ici, nous savons ce qu'il en est advenu. Elle est appliquée, mais elle est restée en travers de la gorge des salariés de ce pays qui ont exprimé leur opposition ; mais ils n'ont pas été entendus, ils ont même été méprisés.

Oui, nous voulons un débat au Parlement. Nous voulons de nouveau discuter de la réforme, car nous considérons que certains de nos concitoyens ne peuvent pas travailler au-delà de 62 ans. Une future réforme devra tout prendre en compte.

La réforme des retraites de 2023, comme celle amorcée en 2019, répondait à un mantra idéologique. À l'époque, on a inventé des déficits. On nous a fait peur. J'ai même entendu des ministres dire que si on ne faisait rien, on ne pourrait plus payer les retraites d'ici quelques mois. Or le système se maintient pour l'instant. Nous devons retravailler la question. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Chers collègues de la droite sénatoriale, depuis une semaine, c'est la France des salariés, des chômeurs, des pauvres que vous matraquez. (Protestations à droite)

Un matraquage méthodique, inique, cynique des quelques avancées obtenues à l'Assemblée nationale. Par idéologie, vous avez rétabli la taxe sur les mutuelles, allongé la durée du travail et supprimé une recette de 2,7 milliards d'euros assise sur les placements de nos concitoyens les plus aisés.

Par idéologie, vous vous apprêtez à rétablir la réforme des retraites de 2023. Vous assumez donc de voler des années de vie à 3,5 millions de Français (Vives exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; applaudissements à gauche)

Vous employez les mêmes mots qu'en 2023.

M. Laurent Burgoa.  - Oui !

Une voix à droite.  - Nous sommes constants !

M. Patrick Kanner.  - C'est Retour vers le futur : mêmes choix, mêmes postures, mêmes choix de protéger le capital plutôt que les travailleurs.

Les Français ne vont pas bien, mais ils vous regardent et se souviendront de vos choix. Nous voterons pour le maintien de la suspension de la réforme des retraites, par conviction et pour protéger celles et ceux qui travaillent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Barros applaudit également.)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) La suspension...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Le retour !

M. Bruno Retailleau.  - ...de la réforme des retraites est le tribut payé par le Gouvernement à la gauche pour durer.

M. Bruno Retailleau.  - Cette suspension est contraire aux intérêts des Français.

D'abord pour des raisons budgétaires. Quand on connaît le poids des dépenses de retraites, la suspension est illusoire. Le déficit est sous-estimé (Protestations à gauche), voire masqué. (Les protestations redoublent.) Il faut y ajouter 44 milliards d'euros de subvention de l'État pour les pensions des agents publics (Mme Pascale Gruny le confirme.) et 8 milliards d'euros pour les régimes spéciaux.

Ensuite, parce que tous les Français sont attachés au régime par répartition. (M. Daniel Fargeot renchérit.) Mais celui-ci est confronté à des difficultés démographiques : jadis, on comptait 4 cotisants pour un pensionné ; désormais, c'est 1,6. Comment fera-t-on à l'avenir ? Le statu quo fragiliserait le régime par répartition et les générations futures devront payer leur retraite, et la nôtre. « Aucune génération n'a le droit d'en amoindrir une autre », écrivait Balzac. (Applaudissements à droite)

Enfin, parce qu'il faut travailler plus en France si l'on veut renouer avec la prospérité. (Mme Sophie Primas applaudit.) Sur une vie, il manque trois années de travail. Nous ne redresserons pas la France ainsi. C'est le problème de la gauche, qui a vendu des boniments aux Français depuis des années avec les 35 heures et la retraite à 60 ans et qui leur a dit : travaillez moins et vous vivrez mieux. C'est un mensonge ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées du groupe UC ; Mme Corinne Bourcier applaudit également.)

Mme Maryse Carrère .  - Nous arrivons au point névralgique du texte. Cette réforme pose des problèmes de fond et de forme.

Sur le fond, mon groupe était partagé sur la question. Mais nous voulions tous améliorer le sort des femmes, des salariés aux carrières longues ou hachées, sans oublier la pénibilité.

Nous sommes tous également conscients du poids de la dette publique et ne voulons pas hypothéquer l'avenir des jeunes générations.

Sur la forme, la majorité du RDSE regrette la position de la majorité sénatoriale. Cet article nous offre une chance d'éviter une nouvelle crise politique. Nous avons l'espoir qu'un compromis évite de créer de l'instabilité, qui, au fil des jours, sert les extrêmes.

La France n'a pas besoin d'un énième choc institutionnel. Elle a besoin de sérénité, de dialogue et de temps pour reconstruire la confiance. Cette suspension n'a de sens que si nous mettons à profit ces deux ans pour travailler à une réforme systémique, comme le RDSE le réclame depuis de très nombreuses années. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Joshua Hochart .  - La suspension de la réforme des retraites, largement amplifiée par les socialistes pour justifier la non-censure, est un premier pas vers la mise en cause de la réforme phare du second mandat d'Emmanuel Macron, que la gauche a fait réélire en parfaite connaissance de cause.

La majorité sénatoriale votera, sans surprise, la suppression de l'article. Vous avez au moins le mérite de la constance : constance dans l'erreur, mais constance tout de même.

Nous regrettons que cette réforme initiale ait été faite pour ne pas avoir à dénoncer les totems habituels de la gabegie des finances publiques. Mais nous ne voterons pas cette suppression, par égard pour la France qui travaille. Car nous nous souvenons de son opposition unanime à l'injuste réforme des retraites. La pénibilité reste malheureusement la grande absente des débats.

Sitôt cette petite victoire obtenue, nous retrouverons ce budget impossible : un Gouvernement sans tête et un Parlement fragmenté. Face aux reniements et aux mensonges accumulés, une seule réponse s'impose : vivement 2027 ! (M. Christopher Szczurek applaudit ; on ironise sur plusieurs travées.)

M. Daniel Chasseing .  - Les trois quarts des dépenses de l'assurance maladie, c'est l'ALD. Elle ne peut pas venir au secours des retraites, pas plus que l'État, aussi déficitaire.

Peut-être certaines holdings pratiquant l'optimisation fiscale pourraient-elles davantage contribuer. Mais, comme l'a dit M. Jadot, il n'y a pas que des milliardaires, il y a aussi des petites entreprises fragiles ; il faut poursuivre la politique de l'offre, qui a créé 2 millions d'emplois, et ne pas augmenter l'imposition des entreprises.

J'avais déposé un amendement d'appel prévoyant une ou deux heures de travail en plus par semaine. C'est du social-libéralisme : c'est ainsi que nous préserverons les acquis sociaux.

En 2025, il y a 18 millions de retraités, ce sera 25 en 2040. Nous sommes obligés de conserver la retraite à 64 ans. Il faudra peut-être parvenir à un compromis. Mais il faudra sans doute améliorer les choses pour les femmes, les carrières pénibles.

Mme Anne Souyris .  - J'entends parler de boniment et de responsabilité. Monsieur Retailleau, vous nous montrez du doigt. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais vous ne voyez pas la poutre que vous avez dans l'oeil !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Vous, ce sont des poteaux !

Mme Anne Souyris.  - La seule victoire même temporaire, celle que des millions de travailleurs ont réclamée, vous la refusez comme si toute concession envers le travail était insupportable.

Suspension, décalage, peau de chagrin... Rien qui ne mettait en cause votre réforme ni bouleversait l'équilibre du système. Mais même cela, vous le refusez : vous ne voulez pas d'une brèche, d'un réexamen minimal d'une réforme refusée partout. Circulez, il n'y a rien à voir !

Vous nous resservez l'argument budgétaire : cela coûterait trop cher. Mais qui peut croire une telle fable lorsque vous refusez toutes nos propositions de nouvelles recettes ?

Mme Sophie Primas.  - Taxes, taxes, taxes !

Mme Anne Souyris.  - Celles sur le capital, sur les industries qui détruisent notre santé, sur les niches antisociales qui profitent aux plus hauts revenus ? À chaque fois, vous refusez ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du GEST)

M. Olivier Rietmann.  - 1 200 milliards de cotisations !

Mme Anne Souyris.  - Face à l'argent du capital, vous êtes très prudents ; en revanche vous êtes très brutaux pour les travailleurs. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Martin Lévrier .  - Je suis très heureux que nous soyons aussi nombreux. La réforme de 2023 était-elle indispensable ? Je le crois, je l'ai votée. Était-elle bien née ? Non. A-t-elle été acceptée par les Français ? En tout cas, elle a été incomprise.

À l'époque, du côté de la droite, on souhaitait introduire une part de capitalisation. De l'autre, j'ai entendu beaucoup de propositions pour casser cette réforme. Mais pas une seule proposition de financement n'entrait dans la logique de la répartition. Dès le départ, le débat était biaisé : on ne parlait pas de sauver le système de répartition.

Si nous sortons tous de nos couloirs, comme il y a quatre-vingts ans nos aïeux l'ont fait, nous avons une occasion de faire oeuvre utile.

Je ne sais pas ce que je voterai dans quelques instants.

M. Francis Szpiner.  - C'est du macronisme !

M. Martin Lévrier.  - Non, c'est du courage, monsieur ! (« Oh » ! sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - C'est difficile de faire un « en même temps »...

M. Ronan Dantec .  - Cette réforme a un coût considérable pour la société française, nourrissant la fracture sociale, car elle demande aux Français qui ont fait le moins d'études de payer pour les autres.

Autre fracture : la méthode, contre la société française et la démocratie sociale. Ces deux fractures fragilisent profondément la société française.

Sans la mobilisation du front républicain et de la gauche, la majorité aurait perdu encore plus de sièges.

Monsieur Retailleau, par votre refus d'entendre les Français, en particulier les plus modestes, vous proposez aux générations futures un futur redoutable, où la droite républicaine se prépare à être le supplétif des forces obscures que la gauche, elle, a toujours combattues. (Vives indignations à droite ; applaudissements sur les travées du GEST)

M. Francis Szpiner.  - Vous avez censuré Barnier avec les voix du RN !

Mme Raymonde Poncet Monge .  - La suspension est insupportable à la majorité. (M. Marc-Philippe Daubresse le confirme.)

Il faut non seulement suspendre, mais abroger cette réforme. (Murmures de protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sophie Primas s'exclame.)

La fake news du déficit caché des retraites est contestée par le Conseil d'orientation des retraites (COR), mais peut-être faut-il le dissoudre ? Il l'est aussi par la Cour des comptes, peut-être faut-il aussi la dissoudre ? Vous vous appuyez sur des méthodes en cours aux États-Unis, la vérité alternative. (Protestations à droite)

M. Mathieu Darnaud.  - C'est parti...

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le déficit des retraites ne vient pas d'une hausse des dépenses, mais de la baisse des recettes. Si vous aviez accepté d'augmenter les secondes, vous n'auriez pas eu à faire cette réforme.

La baisse des dépenses ne fait que courir derrière celle des recettes.

Vous ne voulez pas faire supporter le coût de la réforme sur les retraités. Nous sommes d'accord, mais en désaccord sur tout le reste. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Cécile Cukierman .  - Nous sommes tous des gens responsables, et nous avons des désaccords politiques. Nous ne répondons pas de la même manière à un problème donné.

Quid des exonérations de cotisations sociales ? Des inégalités des salaires ? De la relance de l'économie, et donc des cotisations supplémentaires ?

Il n'y a pas les responsables et les irresponsables. Il y a des projets de société différents.

Notre groupe à l'Assemblée nationale a voté contre cet article 45 bis.

Pourquoi ? Parce que ce n'est pas une suspension, mais un décalage, avec des cafouillages sur ses conséquences.

Ensuite, parce que c'est la première fois que le Parlement se prononce - il acterait donc l'âge de départ à la retraite à 64 ans. Or nous y sommes toujours défavorables. Il y a d'autres solutions.

Les amendements ont été déposés avec une certaine malice ; nous ne tomberons pas dans l'écueil de mélanger des voix qui ne disent pas la même chose. Nous nous abstiendrons sur les amendements de suppression, non parce que nous serions pour cet article, mais parce que nous ne sommes pas d'accord avec leurs auteurs. (On ironise à droite, l'oratrice n'ayant pas été applaudie.)

M. Mathieu Darnaud.  - Vous êtes bien isolée...

M. Olivier Henno .  - C'est Milan Kundera qui disait que le combat contre les démagogues est rude, et nous y sommes ce soir. « Impôt sur la vie, ancien régime, cynisme ». Jean Lecanuet disait : « La violence des mots masque la pauvreté de la pensée ». (On apprécie la référence avec des applaudissements à droite ; protestations à gauche ; Mme Cécile Cukierman s'exclame.)

Cette réforme des retraites est légitime.

La loi El Khomri est passée avec l'article 49.3, tout comme la loi Macron en 2015.

Mme Cécile Cukierman.  - On ne l'a pas votée.

M. Olivier Henno.  - M. Kanner était ministre alors... (Rires et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Lorsque la gauche a mis l'âge de la retraite à 60 ans, l'espérance de vie était de 73 ans. Aujourd'hui, elle est de 83 ans. (Protestations à gauche)

M. Mickaël Vallet.  - Pour qui ?

M. Olivier Henno.  - Au PS, vous faites du « populisme light ». Restez un parti de gouvernement, s'il vous plaît. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Guillaume Gontard .  - Vous choisissez les 80 ans de la sécurité sociale pour faire le pire budget de son histoire. Vous vous entêtez dans le dogmatisme. (Protestations à droite)

Ambroise Croizat avait raison : ne parlons pas d'acquis sociaux, mais de conquis. La droite ne désarme jamais. (Marques d'ironie à droite)

Vous tuez le système par répartition à cours d'exonérations et de non-compensations. Sortez de votre dogmatisme, et soyez responsables ! Nous avons besoin de responsabilité.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - On ne vous le fait pas dire !

M. Guillaume Gontard.  - Nous voulons l'abrogation. Nous aurons une suspension : nous sommes capables de compromis. (On ironise à droite.) Écoutez ceux qui vous entourent. La question a été traitée dans la campagne des législatives. Vous avez fait 5,4 % !

Plusieurs voix à droite.  - Et vous ?

M. Guillaume Gontard.  - Cette réforme n'a jamais été votée à l'Assemblée nationale.

Plusieurs voix à droite.  - Elle a été votée ici !

M. Guillaume Gontard.  - Écoutez les citoyennes et les citoyens français ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Yannick Jadot .  - Il s'agit de soigner une blessure démocratique. Cette réforme des retraites, personne n'en est satisfait. Même vous ne pouvez en être satisfaits ! Une telle opposition des salariés, une telle manière de triturer nos institutions, nos règles, cela laisse des traces. Il s'agit ici de soigner cette blessure.

En 2027, vous proposerez peut-être la retraite à 67 ans ; nous défendrons autre chose. Mais trouver maintenant un compromis d'apaisement, cela serait une bonne issue, compte tenu de l'état du pays.

Pour une bonne partie de nos concitoyens, la démocratie est mise en examen. La démocratie que nous défendons légitimement -  y compris contre l'extrême droite  - ne les a pas protégés depuis trop longtemps. Beaucoup se sentent relégués, méprisés : ils ont l'impression qu'elle ne s'occupe plus d'eux.

Nous avons le devoir de leur faire changer d'avis. Ne ratez pas cette occasion. (« Oh » à droite ; applaudissements sur les travées du GEST, du groupe SER et du RDSE ; M. Pierre Barros applaudit également.)

Mme Laurence Rossignol .  - Le premier argument de M. Retailleau est que cette suspension est le prix du compromis entre les socialistes et le Gouvernement. Et quand bien même ? Quand bien même le Gouvernement serait capable de trouver un compromis, non seulement avec les socialistes, mais avec tous ceux qui sont soucieux de réparer la blessure démocratique que Yannick Jadot vient de décrire ?

Cette réforme, les trois quarts des Français y sont hostiles ! Même si vous êtes convaincus d'avoir raison, vous devriez vous poser des questions sur l'affrontement avec un si grand nombre de nos concitoyens.

Le temps est aux compromis. (M. François Bonhomme ironise.) On en a besoin sur le plan social et politique.

La France est menacée de toutes parts ; vous vous intéressez aux menaces intérieures, moi aux menaces extérieures.

M. Mathieu Darnaud.  - Nous aussi !

Mme Laurence Rossignol.  - Nous avons des échéances politiques lourdes et graves.

Chers collègues, vous nous reprochez un compromis, alors que vous avez six ministres au Gouvernement ! Six ! Nous, nous n'en avons pas un ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe SER ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Dans compromis, il y a promis...

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales.   - Ce débat est particulièrement intéressant. J'ignorais toutefois que M. Kanner était spécialisé en psychiatrie et gériatrie.

Le travail représente une partie de la bonne santé. (M. Martin Lévrier le confirme.)

M. Patrick Kanner.  - Vous viendrez expliquer cela aux salariés d'Arcelor Mittal dans le Nord ! Ne soyez pas caricatural.

M. Alain Milon, vice-président de la commission.  - Vous aussi, vous l'avez été.

Personne n'a évoqué la réforme Touraine, 43 ans de cotisations. La réforme Borne, c'est pareil ! (Applaudissements et exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains ; protestations sur les travées du groupe SER)

À quel âge les gens partaient à la retraite avec la réforme Touraine ? À 63 ans et 4 mois. Nous avons ajouté 4 mois. Une telle violence dans les termes que certains d'entre vous ont employés était-elle nécessaire ? (Protestations sur les travées du groupe SER ; M. Patrick Kanner s'exclame.)

Comme c'était une réforme financière, nous n'avons pas pu parler de pénibilité.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous l'avez votée.

M. Alain Milon, vice-président de la commission.  - Au Sénat, nous avons voté une réforme sur la pénibilité, sur les femmes, sur les carrières longues. Tout cela a été retoqué par le Conseil constitutionnel car c'était une loi de financement de la sécurité sociale, et non une loi sur les retraites.

Travaillons plutôt sur la pénibilité, les femmes, les carrières longues, et évitons les invectives. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Éric Kerrouche .  - D'après M. Retailleau et M. Henno, la dérive de la France viendrait des socialistes.

Je citerai devant vous le député Paul Beauregard : « La réduction des heures de travail est une chimère socialiste qui ruinera nos usines et découragera le capital. »

Louis Delahaye, sénateur de droite : « Vous créez une retraite que l'ouvrier ne demande pas et que l'État ne pourra pas payer. Nous faisons naître des espérances que nous serons incapables de satisfaire. »

Je citerai aussi Charles de Ségur, sénateur du Loiret : « On veut faire croire que l'État pourra assurer à tous une vieillesse paisible. Ce n'est qu'une illusion coûteuse qui compromettra nos finances et nos libertés. »

Vous serez toujours les défenseurs de quelques-uns au détriment de tous.

Vous refaites ce soir le choix de la résignation sociale, au détriment du plus grand nombre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Ghislaine Senée applaudit également.)

M. Pierre Barros .  - C'est un vrai débat qui sépare la droite et la gauche.

Cet article nous invite à revenir sur cette réforme. Monsieur Retailleau, vous parlez du temps de travail. Le travail est important : il permet de produire, d'être satisfait de ce que l'on fait.

Mais le débat sur les retraites élude souvent toute la richesse que l'on crée en dehors du temps de travail. J'ai réduit mon temps de travail pour faire de la politique depuis vingt ans, ce choix a été heureux.

Le Sénat a 150 ans. À l'époque, les enfants, les femmes, travaillaient dans des conditions épouvantables. N'oublions pas toutes les avancées sociales acquises depuis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Laurent Duplomb .  - Ce n'est pas la force des opposants qui provoque cette suspension, mais l'aveuglement des dirigeants, enfermés dans une logique de fuite en avant, cédant au chantage et au diktat de quelques minorités. (Mme Colombe Brossel proteste.) Pire qu'un échec, c'est un aveu d'impuissance !

Retour à la case départ. L'âge de la retraite est de 67 ans en Italie, 70 ans au Danemark, et nous faisons marche arrière !

M. Ian Brossat.  - Et les pesticides ?

M. Laurent Duplomb.  - Une suspension reviendrait à une suppression, irrévocable. Qui osera remettre le sujet sur la table à la veille de la présidentielle ? Ce serait suicidaire. (Protestations à gauche)

Une voix à gauche.  - Vous êtes majoritaires !

M. Laurent Duplomb.  - Les générations futures paieront ce renoncement au prix fort ! Car que leur restera-t-il ? Les miettes de notre système de retraite par répartition, et beaucoup de dettes.

Comme l'a dit Marc Bloch, ce n'est pas l'absence de moyens qui frappe, mais l'incapacité de commandement de nos responsables politiques. Les nations ne s'effondrent pas seulement sous les coups de l'ennemi, mais par l'usure interne. (Protestations à gauche, l'orateur ayant épuisé son temps de parole)

La suspension de la réforme des retraites doit être vue pour ce qu'elle est : le signe d'une étrange défaite. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme la présidente.  - Amendement n°128 rectifié octies de M. Henno et alii.

M. Olivier Henno.  - Le débat est intense... Nous voulons préserver la réforme des retraites de 2023 et sauver notre système de retraites par répartition -  pas revenir sur la totalité des conquêtes sociales, monsieur Kerrouche ! (Protestations à gauche)

Mais quand un pays travaille moins, il s'appauvrit. Alors, ce sont les plus fragiles et les plus pauvres qui paient la note. Ce n'est pas ce que nous voulons pour la France. (MM. Patrick Kanner et Guy Benarroche ironisent ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Laurent Lafon applaudit également.)

Mme la présidente.  - Amendement identique n°155 rectifié ter de M. Capus et alii.

M. Emmanuel Capus.  - J'ai une bonne nouvelle pour le président Kanner, qui n'est pas encore arrivée jusqu'à ses oreilles.

Une voix à gauche.  - Vous ne vous représentez pas ? (Rires à gauche)

M. Emmanuel Capus.  - Manifestement, il vit sur la même île que le RN, qui n'est pas au courant non plus : nous vivons dix ans de plus qu'il y a quelques années (exclamations à gauche) et le travail participe grandement à cette prolongation de la durée de vie en bonne santé. (Protestations à gauche)

La Belgique et l'Espagne sont passées à 65 ans ; l'Allemagne, le Portugal et l'Irlande à 66 ans ; l'Italie et les Pays-Bas, à 67 ans !

M. Mickaël Vallet.  - Et le Luxembourg ?

M. Emmanuel Capus.  - Comment font-ils, madame Lubin, pour travailler après 62 ans ? Ils travaillent, et ça améliore la qualité de vie des seniors. (Mêmes mouvements)

Notre funeste problème initial, c'est la retraite à 60 ans du président Mitterrand : une catastrophe, un contresens historique. (Les protestations redoublent à gauche.)

Mme Émilienne Poumirol.  - Et bien voilà !

M. Emmanuel Capus.  - Depuis, aucun gouvernement n'a renoncé à la réforme des retraites, parce qu'elle s'imposait. Refusons de sacrifier les générations futures. (Mme Corinne Bourcier applaudit.)

Mme la présidente.  - Amendement identique n°716 de Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Sur le terrain, la réforme était déjà intégrée...

Le parti socialiste a agité le chiffon rouge, pour quoi ? (Mme Laurence Rossignol proteste.) Pour un trimestre, au coût de 400 millions d'euros en 2026 et de 1,5 milliard en 2027.

M. Patrick Kanner.  - On va trouver des recettes.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Bien sûr, nous les trouverons... sur le dos des retraités. Nous n'avons pas le choix, c'est soit le report d'âge, soit la baisse des pensions, soit la hausse des cotisations. Même les syndicats le savent.

On saupoudre de la poudre de perlimpinpin pour sauver le Gouvernement. Et on sacrifie la jeunesse, qui nous dit qu'elle n'aura pas de retraite : cela me fend le coeur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; marques d'agacement à gauche.)

Mme la présidente.  - Amendement identique n°1512 rectifié ter M. Le Rudulier et alii.

M. Stéphane Le Rudulier.  - Le système par répartition, c'est financer les retraites de demain avec les bébés d'aujourd'hui. Cela ne peut fonctionner qu'avec une parenthèse démographique enchantée, semblable à celle des années 1950... Notre population vieillit. Réjouissons-nous : cinq générations cohabitent désormais. Mais le taux de natalité est en berne. Ce qui est en jeu, c'est la petite mort du système par répartition. (M. Laurent Duplomb renchérit.)

En 1945, six actifs finançaient un retraité ; en 2025, 1,6, dans quinze ans, 1,2. (Protestations sur les travées du GEST) Le clou du spectacle, c'est que l'on travaille 170 heures de moins que la moyenne européenne. Qu'il faille travailler davantage, c'est une évidence.

Monsieur Kerrouche, que prévoyait la loi de 1910 qui vous rend si nostalgique ? Un système par capitalisation pour les ouvriers et les paysans qui gagnaient moins de 3 000 francs par an, avec un départ à la retraite à 65 ans. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Je connais le sérieux budgétaire du Sénat. La suspension de la réforme des retraites est la condition nécessaire de la stabilité politique et économique de notre pays -  que les Français et les entreprises souhaitent.

Ce n'est pas une abrogation. La réforme reprendra au 1er janvier 2028, si aucune autre n'intervient entretemps. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie renchérit.) À ce jour, elle coûterait 300 millions d'euros en 2026 et 1,9 milliard en 2027.

Cela a l'avantage de donner du temps au dialogue social. La réforme de 2023, qui avait pris la forme d'un PLFSS, s'est bornée aux aspects financiers.

M. Mickaël Vallet.  - C'est le cas de le dire !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Nous devons parler de pénibilité, d'organisation du travail, de rémunération, de management, entre autres. L'objectif : arriver en fin de carrière en bon état physique et mental.

J'ai confiance dans le dialogue social et espère que les partenaires sociaux aboutiront à un accord.

Sinon, le débat démocratique prendra le relais et les sujets de retraite et de sécurité sociale, qui concernent tous les Français, seront au coeur de la campagne présidentielle. Nous n'aurons pas travaillé pour rien.

Le redressement des comptes sociaux fait aussi partie des objectifs du Gouvernement. La branche vieillesse dérape -  moins que la branche maladie  - , en raison notamment des évolutions démographiques.

Ne nous trompons pas de débat : ce n'est pas pour ou contre la réforme des retraites, mais pour ou contre sa suspension ! (Murmures à gauche) Avis défavorable aux amendements de suppression de la suspension. Cela ne vous surprendra pas...

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Si, si !

Mme Monique Lubin.  - Monsieur Retailleau, en allongeant la durée du travail, vous allongez aussi celle de ceux qui travaillent déjà beaucoup, et qui n'ont pas le choix.

Le déficit caché, c'est une fable irresponsable ! Je n'ai pas le temps d'expliquer pourquoi. Qui paiera la retraite des fonctionnaires ?

J'entends tous les éléments de langage de l'autre côté de l'hémicycle. J'irai plus loin que mon collègue Kerrouche : rappelez-vous l'époque où vos lointains prédécesseurs fustigeaient la fin du travail des enfants qui allait ruiner les entreprises.... (On s'en offusque à droite)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Vous passez de Lamartine à Zola.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - C'est insupportable !

Mme Monique Lubin.  - Ça a commencé comme ça ! Pour ramener un peu de concorde, je vous invite à ne pas voter ces amendements.

M. Olivier Rietmann.  - On va se gêner !

Mme Monique Lubin.  - Ce n'est pas de la poudre de perlimpinpin, madame la rapporteure : nous avons appuyé sur le bouton stop et je souhaite bon courage à ceux qui rappuieront sur le bouton start. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Je n'avais pas prévu d'intervenir. (Exclamations ironiques à droite.) Si vous ne voulez pas que j'intervienne, arrêtez de dire des mensonges : par emploi, on travaille exactement le même nombre d'heures qu'ailleurs en Europe, voire un peu plus.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - N'importe quoi !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Arrêtez de parler d'un rapport démographique physique. (Exclamations et rires à droite) Il ne s'agit pas seulement des personnes, il y a aussi une question de productivité. (Le brouhaha couvrant la voix de l'oratrice, Mme Silvana Silvani proteste auprès de la présidente.) Le nombre de personnes qui travaillent dépend aussi du flux migratoire. (Vives protestations à droite) Quand on le tarit, (le brouhaha reprend de plus belle) on dégrade les comptes sociaux, forcément.

Un conseil : arrêtez de dire des choses fausses, et j'arrêterai d'intervenir ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; exclamations à droite)

M. Alexandre Ouizille.  - Que fait la majorité sénatoriale ? Alors qu'elle aurait pu choisir de participer à la construction d'un compromis républicain, dans des temps difficiles, elle a choisi de ne servir... à rien. Et elle nous présente le même budget qu'elle nous sert chaque année...

Pourquoi ? Parce que vous vous sentez fragiles. À l'Assemblée nationale, qu'ont fait vos collègues de la Droite républicaine ? Ils ont voté le dégel que vous venez de rétablir ! Et en 2023, une partie d'entre eux a voté contre cette absurde réforme des retraites.

Mme Sophie Primas.  - C'est la liberté de chacun, ce n'est pas de l'embrigadement.

M. Alexandre Ouizille.  - C'est votre mauvaise conscience démocratique et sociale qui s'exprime. Vous ne servez à rien pour le pays ! Nous, nous essayons d'avoir un budget. Monsieur Retailleau, la situation impose de trouver des solutions. Les Républicains sont en train de s'abîmer. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST ; protestations à droite)

Mme Agnès Evren.  - C'est démago !

Mme Sophie Primas.  - Allez à l'Assemblée, monsieur ! Vous n'avez rien à faire au Sénat !

M. Martin Lévrier.  - Mes chers collègues...

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Alors, il sait ce qu'il va voter ?

M. Martin Lévrier.  - ... on essaie de refaire le débat sur la réforme des retraites. Désolé, mais ce n'est pas le sujet. J'ai défendu cette réforme bec et ongles, mais elle est mal née. Nous allons donc la reprendre.

Le monde va mal, la France ne va pas bien. La Chambre haute, la chambre des compromis...

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Mais pas des compromissions.

M. Martin Lévrier.  - ... doit nous sortir de cette panade. Alors que ce débat devrait être transpartisan, les anathèmes que j'entends me navrent. Nous avons un PLFSS à voter. Sinon, ce sera beaucoup plus grave que la question de la réforme des retraites.

Nous avons besoin d'un compromis. Nous en avons eu de nombreux avec la droite, j'en suis fier. S'il y en a un avec la gauche, est-ce dramatique ?

Une voix à droite.  - Oui !

M. Martin Lévrier.  - Vous appelez ça du macronisme, pour moi ça s'appelle du panache : sortir de son couloir pour trouver des solutions. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mmes Laurence Harribey et Marie-Pierre de La Gontrie applaudissent également.)

Mme Ghislaine Senée.  - Non seulement vous mentez aux Français, mais vous prétendez que vous que vous n'avez pas le choix.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Ce n'est pas suspension, mais « sus aux pensions » !

Mme Ghislaine Senée.  - Mais quand vous décidez d'exonérer de 80 milliards d'euros les entreprises, vous choisissez de vider la caisse ; quand vous refusez toutes les taxes comportementales, vous choisissez de creuser le déficit ; quand vous refusez la taxe Zucman (exclamations à droite), vous choisissez de taper sur les plus fragiles. Ce sont vos choix politiques : favoriser les plus riches et mettre à mal notre système social.

Nous voterons contre ces amendements. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)

M. Simon Uzenat.  - Nous entendons les cris des Français.

Dans sa tragédie Olympie, Voltaire écrit : « une retraite heureuse amène au fond des coeurs l'oubli des ennemis et l'oubli des malheurs. »

Avec ce nouvel acte de la réforme brutale des retraites, la droite sénatoriale tombe les masques. Vous prétendez exercer vos responsabilités, en fait vous écrivez une tragédie politique.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Et vous, une pantalonnade.

M. Simon Uzenat.  - Une tragédie pour les Français les plus modestes, notamment ceux des territoires ruraux et ceux -  des millions  - qui exercent des métiers pénibles. Vous leur envoyez un message d'une violence sociale sans nom. La retraite heureuse, si jamais un jour ils y ont droit, ne sera pas bien longue. Nos compatriotes méritent que nous leur proposions un autre destin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Yan Chantrel.  - Beaucoup de contrevérités sont venues de la droite, beaucoup de méconnaissance aussi.

Vous parlez de la retraite à 67 ans dans certains pays, mais l'âge de départ est déjà fixé à 67 ans en France quand on n'a pas toutes ses annuités.

Quelle est l'espérance de vie des caissières et des femmes de ménage de vos bureaux ? (Protestations à droite) Pas même 67 ans pour la plupart ! Voilà pourquoi cette réforme est aussi impopulaire ! Elle a été rejetée massivement et n'a pas été adoptée par l'Assemblée nationale. Vous vous obstinez dans votre violence sociale contre ceux qui ont le moins.

Plusieurs politiques sont toujours possibles, mais il faut assumer de faire d'autres choix. Vous avez tapé sur les plus démunis, alors que vous protégez la rente et vos amis. Pourtant, l'argent pour sauver notre système de retraites, il est là. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe GEST)

M. Emmanuel Capus.  - Je croyais que les socialistes étaient sur une île -  avec le RN  - , mais en écoutant Mme Lubin, je me rends compte qu'ils sont enfermés dans le passé. Mme Lubin a évoqué les lois sociales de 1840 ! Votre vision du travail est totalement dépassée. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP).

M. Marc-Philippe Daubresse.  - C'est Germinal !

M. Emmanuel Capus.  - Le docteur Chasseing nous le dit : on vit beaucoup plus longtemps et en bien meilleure santé. Prenons-en acte et allongeons la durée du travail.

Mais aucun gouvernement n'a renoncé à la réforme de ses prédécesseurs.

Une voix à gauche.  - Et le CPE !

M. Emmanuel Capus.  - Si le RN arrive au pouvoir, il n'y renoncera pas non plus. Parce que cela n'est pas possible et parce que l'on ne sacrifie pas les générations futures sur l'autel des générations actuelles.

Mme Laurence Rossignol.  - Quand on vote la loi Duplomb, on ne parle pas des générations futures.

M. Emmanuel Capus.  - Ce serait irresponsable et même immoral, madame Rossignol ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains)

M. Éric Kerrouche.  - Puisque M. Capus est toujours aussi condescendant (M. Max Brisson le conteste), une petite explication : vous dites que parce que nous vivons plus longtemps, nous devrions avoir une retraite plus tardive. Mais la moyenne est un indicateur statistique qui écrase les valeurs.

M. Olivier Rietmann.  - Quand ça vous arrange !

M. Éric Kerrouche.  - Les moyennes pour les hommes, les femmes, les différentes catégories sociales diffèrent. Faire croire que nous serions tous à la moyenne, c'est masquer les différences sociales. La prochaine fois, entrez dans le détail et évitez les considérations générales infondées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Emmanuel Capus.  - Et l'Espagne ? Le Portugal ?

M. Bruno Retailleau.  - Le président Milon s'est bien exprimé sur la quantité de travail. Pourquoi, en deux ans, les rémunérations d'un million de Français ont-elles été rattrapées par le Smic ?

Pourquoi, alors qu'il y a vingt-cinq ans les Français et les Allemands avaient le même niveau de vie, le décalage est désormais de 7 000 euros par an ? Pourquoi près d'un quart des Français est dans le rouge dès le 16 du mois ? Parce qu'il y a un problème de travail. (Protestations à gauche) Les Français ne sont pas des faignants, mais le travail ne paie pas suffisamment et une petite minorité de gens qui travaillent supporte toutes les charges. Pour redresser le pays, il faudra travailler plus, mais aussi mieux rémunérer le travail (exclamations à gauche), en faisant converger le brut et le net. Nous ferons des propositions.

Monsieur le ministre, la stabilité, oui, mais pas « quoi qu'il en coûte ». En 2027, nous devrons assumer des réformes courageuses. Avec cette suspension, vous adressez le message qu'une réforme peut toujours être remise en cause : il n'y a pas pire instabilité. (Applaudissements nourris à droite)

À la demande de la commission et des groupes Les Républicains, INDEP et SER, les amendements identiques nos128 rectifié nonies, 155 rectifié ter, 716 et 1512 rectifié ter sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°59 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 298
Pour l'adoption 190
Contre 108

Les amendements identiques nos128 rectifié nonies, 155 rectifié ter, 716 et 1512 rectifié ter, sont adoptés, et l'article 45 bis est supprimé.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Ludovic Haye applaudit également.)

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Je prends acte du vote souverain du Sénat. Mais poursuivons la réflexion, car ce n'est pas terminé. J'espère qu'avec les groupes politiques du Sénat nous pourrons bâtir la convergence dont on a besoin. Sans quoi il se passera des choses curieuses, qui ne feront pas du bien au pays.

Mme Frédérique Puissat.  - Nous n'en sommes pas responsables, monsieur le ministre !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Prenez le temps de réfléchir aux étapes suivantes. Sans PLFSS, le déficit de la sécurité sociale sera de 29 milliards d'euros l'an prochain.

M. Max Brisson.  - C'est votre problème !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Je crois en la démocratie. Certains partis ont pris des positions pour changer la réforme. Il n'est pas sûr qu'elle reste stable. Oui, la stabilité a du bon, monsieur Retailleau.

Mme Frédérique Puissat.  - Article 20 de la Constitution !

La séance est suspendue à 20 h 10.

Présidence de M. Xavier Iacovelli, vice-président

La séance reprend à 21 h 40.

Après l'article 45 bis

M. le président.  - Amendement n°1761 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Les écarts injustes de pension entre l'Hexagone et l'outre-mer sont le fruit d'inégalités structurelles. Pendant des décennies, parfois jusqu'en 1996, le Smic n'a pas été appliqué pleinement dans les outre-mer. Les prestations familiales ne l'ont été qu'à partir des années 1970, et seulement pour certaines catégories de salariés. Longtemps, nos familles ont cotisé dans des conditions moins favorables qu'en Hexagone. Commerçants et artisans ont subi un régime de cotisations dérogatoire jusque dans les années 2000. Résultat, des pensions injustement réduites. Le système de retraites français n'a jamais traité les Ultramarins à égalité !

Cet amendement prévoit que la République regarde enfin la réalité en face. Les écarts entre l'Hexagone et l'outre-mer doivent être analysés par le Comité de suivi des retraites (CSR).

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Ce comité informe annuellement le Gouvernement et le Parlement sur les inégalités de pension entre les femmes et les hommes. Cet amendement étend cet avis aux différences entre Hexagone et outre-mer. Or le territoire de la République est indivisible, cela n'est pas possible. Nous pouvons toutefois solliciter des missions de contrôle. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Les règles d'acquisition des droits à la retraite sont similaires entre Hexagone et outre-mer. Les situations sont en fait très différentes au sein même des collectivités. Par exemple, la faiblesse des pensions à La Réunion s'explique par des durées de cotisation moins longues et des emplois moins rémunérateurs. Des mécanismes de solidarité atténuent cette situation. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Audrey Bélim.  - Ce n'est pas un caprice ! Il y a discrimination quand on s'obstine à appliquer les mêmes règles à des réalités complètement différentes. L'alignement n'a eu lieu qu'il y a vingt-cinq ans. Nous demandons seulement un rapport pour, demain, apporter les corrections nécessaires.

L'amendement n°1761 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°158 rectifié bis de Mme Micouleau et alii.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Cet amendement de repli introduit un réexamen quinquennal de la formule de calcul de la compensation à la CNRACL.

M. Jean Sol.  - Bravo !

M. le président.  - Amendement identique n°380 rectifié de Mme Jacquemet et alii.

Mme Annick Jacquemet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°426 rectifié quater de M. Roux et alii.

M. Michel Masset.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°448 rectifié quinquies de Mme Antoine et alii.

Mme Nadia Sollogoub.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°528 rectifié bis de Mme Belrhiti et alii.

Mme Catherine Belrhiti.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°1068 de Mme Senée et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le Sénat a débattu ce week-end à plusieurs reprises des hausses de cotisation dues à la CNRACL, de 3 points par an pendant quatre ans. C'est insoutenable. Le calcul de la compensation démographique est profondément biaisé : il exclut les retraités avant 65 ans et ignore les durées réelles d'affiliation, alors que les polypensionnés sont de plus en plus nombreux. Tant que ces lacunes ne seront pas corrigées, aucun redressement durable ne sera possible.

Ce rapport quinquennal est pleinement justifié.

M. le président.  - Amendement identique n°1113 rectifié quinquies de Mme Florennes et alii.

Mme Isabelle Florennes.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°1779 rectifié bis de MM. Bonneau et Kern.

L'amendement n°1779 rectifié bis n'est pas défendu.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - La rapporteure générale et moi-même avons entendu l'Igas et l'IGF sur ce point. La CNRACL bénéficiera de la compensation démographique en 2027. Changer les règles aujourd'hui lui serait préjudiciable. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - La compensation vieillesse généralisée est un dispositif de solidarité entre régimes de retraite pour corriger des déséquilibres démographiques apparus au milieu des années 1970. Une modification aurait des effets de bord néfastes, notamment sur le régime général. De plus, la compensation démographique deviendra favorable à la CNRACL à partir de 2027.

Les amendements identiques nos158 rectifié bis, 380 rectifié, 426 rectifié quater, 448 rectifié quinquies, 528 rectifié bis, 1068 et 1113 rectifié quinquies ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°969 rectifié de Mme Jacquemet et alii.

Mme Annick Jacquemet.  - Selon la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), 1,2 million de retraités français résident à l'étranger. Le risque de fraude représente près de 10 milliards d'euros. Dans le cadre d'un programme lancé à Alger en 2022 pour vérifier l'existence des retraités presque centenaires, près de 30 % des 1 000 personnes âgées de plus de 98 ans convoquées ne se sont pas présentées.

Chaque bénéficiaire doit se présenter annuellement devant les autorités consulaires françaises.

M. le président.  - Amendement n°1248 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - La branche vieillesse n'est pas épargnée par la fraude. La justification d'existence doit se faire auprès de l'ambassade.

M. le président.  - Amendement n°1249 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - La Cour des comptes a relevé des dysfonctionnements majeurs dans le contrôle de l'existence des retraités résidant hors de France. Les contrôles physiques réalisés en Algérie ont été alarmants. Le risque de paiement indu atteint entre 40 et 80 millions d'euros pour l'Algérie et 12 millions d'euros pour le Maroc.

Cet amendement met en oeuvre la recommandation de la Cour des comptes visant à renforcer les contrôles anti-fraude dans les pays sans échange de données informatisés sur les décès, en privilégiant la présence physique de la personne concernée.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Les retraités vivant à l'étranger sont tenus d'apporter annuellement une preuve de vie. L'an dernier, nous avons permis le recours à la biométrie sur smartphone, mais restreint les autorités pouvant recueillir de telles preuves, en privilégiant les relais diplomatiques, pour éviter la corruption.

Avis défavorable à tous ces amendements : nos compatriotes très âgés ne peuvent se déplacer facilement et organiser des contrôles à l'étranger est complexe.

J'ai passé beaucoup de temps l'an dernier à trouver un système pertinent. Vous parlez du Maroc et de l'Algérie, mais nous avons aussi des compatriotes en Amazonie... Il n'est pas simple d'aller les voir.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Je partage les arguments de Mme la rapporteure. Le recours à la biométrie est fiable. Nous partageons votre volonté de lutter contre la fraude -  qu'il n'y ait pas de malentendu. Mais nos consulats auraient du mal à absorber les contrôles de 1,4 million de Français vivant à l'étranger. Avis défavorable.

Mme Frédérique Puissat.  - La rapporteure a déjà réalisé un travail exemplaire l'an dernier sur la question. Je voterai contre ces amendements. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Je réponds seulement à l'amendement n°969 rectifié de Mme Jacquemet.

En 2025, la droite sénatoriale avait adopté un amendement similaire qui n'avait pas survécu à la navette, et pour cause : il n'était ni utile ni opérationnel, il était surtout idéologique.

La Cnav a mené une enquête sur 3 000 dossiers à l'étranger. In fine, sur 200 dossiers considérés comme suspects, seulement 16 cas de fraude ont été mis au jour.

Les retraités résidant à l'étranger reçoivent une pension moyenne de 300 euros, et leur effectif est en diminution. La mesure que vous proposez entraînerait d'autant moins d'économies qu'elle conduirait à multiplier les moyens humains dans les consulats. De l'aveu même de Pascal Brindeau, ancien député UDI, le risque d'embouteillage est avéré. La Cnav mène déjà une expérimentation dans certains pays, et le contrecoup financier de la mesure en annulerait tous les bénéfices.

M. Joshua Hochart.  - L'argument de l'âge ne suffit pas. Mes chiffres datent de 2021. Avez-vous des chiffres plus récents qui attestent que frauder est désormais plus difficile ?

L'amendement n°969 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos1248 et 1249.

M. le président.  - Amendement n°1328 rectifié bis de Mme Bourcier et alii.

Mme Corinne Bourcier.  - Les prestations sociales, pilier essentiel de notre pacte républicain, protègent contre les aléas de la vie et garantissent la dignité de chacun. Mais elles doivent préserver un juste équilibre entre soutien collectif et valorisation du travail. L'absence d'activité ne doit pas être aussi voire plus avantageuse que le travail.

Selon un sondage Odoxa-iFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques), près de 77 % des Français souhaitent un plafond pour l'ensemble des aides sociales existantes. Il faut entendre cette demande.

Nous prévoyons donc un plafonnement global des prestations sociales fixé par décret, pour éviter que le cumul de plusieurs aides n'aboutisse à un revenu proche voire supérieur à un salaire.

Les règles seraient ainsi clarifiées, le système plus compréhensible, l'équité renforcée, sans remise en cause des droits fondamentaux.

Le travail doit toujours être plus rémunérateur que la solidarité nationale ; cette exigence est au coeur de la justice sociale.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Le parti auquel j'appartiens mène ce débat intéressant en interne. Mais ne donnons pas au Gouvernement le pouvoir de définir un dispositif par décret. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Je partage votre conviction : le travail doit être plus rémunérateur que la solidarité nationale.

Mais j'ai mieux qu'un décret à vous proposer : un projet de loi Allocation sociale unique prévoyant une allocation de solidarité unifiée. Il devrait parvenir au Sénat rapidement, le Premier ministre voulant avancer vite.

L'enjeu est de lutter contre la pauvreté et de créer une véritable incitation au travail en ménageant un écart entre les revenus de la solidarité et ceux du travail. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Corinne Féret.  - Les prestations sociales ont été créées comme des filets de sécurité, pour éviter que des millions de personnes ne basculent dans l'exclusion.

Nos débats de cet après-midi montrent bien que nous ne partageons pas du tout les mêmes valeurs. Vous proposez un plafonnement : rappelons que ces prestations ont déjà été gelées ! Sous prétexte qu'on en dépense trop...

Le montant du RSA est de 568 euros par mois. Comment comptez-vous plafonner un tel montant ? Comment vivre avec moins de 586 euros ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Avec un travail...

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Vous ciblez particulièrement les prestations familiales, les allocations familiales et le RSA.

Cet amendement reprend un poncif largement faux, selon lequel la somme des revenus sociaux pourrait rapporter plus que le travail. Ce n'est jamais le cas ! Une personne seule sans revenu avec les APL atteint péniblement 850 euros. Un smicard à temps plein peut aussi percevoir les APL, auxquelles s'ajoutent 258 euros de prime d'activité. Le RSA a été créé justement pour ne pas jamais être plus avantageux qu'un salaire. En outre, le taux de non-recours au RSA est de 34 %.

Si les signataires de cet amendement ont à coeur d'agrandir l'écart entre les prestations sociales et les salaires, qu'ils défendent des amendements pour augmenter les salaires et pour lutter contre les branches qui refusent de revaloriser le Smic !

Mme Monique Lubin.  - Je ne savais pas qu'on faisait de la politique à partir des sondages d'Odoxa...

Si on se met à se fonder sur tout ce qu'on lit sur les réseaux sociaux, les sondages, CNews et compagnie, on va descendre très très bas.

L'honneur du politique, c'est de faire de la pédagogie (Protestations à droite), pas de faire des amendements qui plaisent à une vox populi toute particulière ! (Les protestations redoublent à droite.)

Mme Sophie Primas.  - Et les retraites ?

Mme Lauriane Josende.  - Qu'est-ce que vous faites, vous ?

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Gel hier, plafonnement aujourd'hui, qu'y aura-t-il demain ? Plus de système de solidarité du tout ! Les prestations sociales, c'est la solidarité envers ceux et celles qui n'ont rien ou pas grand-chose.

On a tendance à dire que les bénéficiaires du RSA ne veulent pas travailler. Dans le Pas-de-Calais, 50 % des femmes seules avec enfants touchent le RSA. (Mme Corinne Bourcier en doute.) C'est Jean-Claude Leroy, le président du conseil départemental, qui le dit ! Et que fait-on pour elles ? On les laisse sans rien ? Ce n'est pas avec 600 ou 700 euros que l'on peut vivre dignement.

Mme Corinne Bourcier.  - Madame Apourceau-Poly, avec tout le respect que j'ai pour vous, j'ai dit que l'équité est indispensable à la pérennité de tout système social. Le travail devrait toujours être plus rémunérateur que la solidarité nationale. Je n'ai jamais donné de montant, ni dis que des personnes seules au RSA devraient avoir un montant inférieur à tant ou tant...

Monsieur le ministre, merci du travail que vous ferez sur ce sujet.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Satisfait ! (Sourires)

Mme Céline Brulin.  - Oui, le travail doit être plus rémunérateur que les prestations sociales. Tous les Français vous rejoignent sur ce point. Mais il y a deux manières d'y arriver : en plafonnant les prestations sociales, ou en augmentant les salaires.

Ma collègue Apourceau-Poly citait les mères isolées qui veulent reprendre le travail. Elles regardent ce qu'elles gagnent, souvent à temps partiel subi, puis les frais de transport et de garde d'enfant. Une fois l'addition faite, la question se pose. Pourquoi ? Parce que les temps partiels subis ne leur donnent pas la possibilité de vivre dignement. Voilà le sujet ! Vous allez encore tasser les salaires !

Nous avons examiné le projet de loi Lutte contre les fraudes sociales et fiscales - qui mettait les deux fraudes sur le même plan, alors qu'elles sont sans commune mesure l'une avec l'autre...

Un tiers des personnes éligibles au RSA n'en font pas la demande. Ne réduisons pas les droits ! Vous faites fausse route.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Mme Bourcier a le droit de déposer un amendement, comme tout le monde. (On le confirme sur les travées du groupe CRCE-K.) Il faut mieux rémunérer les petits salaires, c'est vrai. Toutefois, cela relève non pas de la loi, mais des entreprises elles-mêmes. (Mme Corinne Bourcier renchérit.)

Chez moi, dans l'Aisne, j'entends certaines personnes qui travaillent me dire que leurs voisins vivent d'aides et font la fête jusqu'à point d'heure. Ces personnes en ont assez : elles se lèvent le matin de bonne heure pour aller travailler et sont fatiguées. (Protestations à gauche)

Dans les zones très rurales, le premier frein, c'est la mobilité. Pour les femmes, c'est le mode de garde.

Ensuite, toute fraude est du vol. Point. D'où qu'elle vienne.

Je remercie Madame Bourcier d'avoir soulevé ce débat.

M. Daniel Salmon.  - Cet amendement est symptomatique. Il s'agit de détourner le regard des Français vers plus pauvre qu'eux, alors que la richesse est captée par des rentiers et que la valeur travail s'effondre. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Rietmann fait des moulinets avec les bras.) Une AESH à temps partiel touche 800 euros par mois. Et au lieu d'augmenter ce salaire, que fait-on ? On va regarder celui qui touche des prestations sociales. C'est indigne !

Vous prétendez défendre la valeur travail, mais vous l'attaquez en réalité jour après jour. Vous défendez un système complètement inique ! Les inégalités n'ont jamais été aussi présentes, et il n'y a jamais eu autant de travailleurs pauvres. Voilà un amendement qui montre bien votre manière de penser. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Michaël Weber applaudit également.)

Mme Émilienne Poumirol.  - Nous sommes tous d'accord pour dire que le travail doit payer plus. Mais le travail ne paie que si l'offre est large. Nous ne devons laisser personne sur le chemin.

Madame Gruny, croyez-vous que tous ceux qui bénéficient du RSA en ont fait le choix ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - On n'a pas dit ça.

Mme Émilienne Poumirol.  - C'est le signe d'un échec de France Travail. On ne passe au RSA qu'après deux ans de suivi par France Travail.

Il faut effectivement un écart. Augmentons donc les salaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

Mme Sophie Primas.  - Et baissons les charges !

Mme Silvana Silvani.  - Tout le monde a le droit de déposer des amendements. Mais il n'est pas très rigoureux de déposer des amendements sur la base de rencontres avec telle ou telle personne... D'abord, on ne rencontre pas les mêmes ! Ensuite, utilisons plutôt les données dont nous disposons, et pas autre chose.

La rédaction de certains amendements laisse percevoir un implicite que nous désapprouvons. Hier, un amendement très policé et bien présenté proposait de supprimer les allocations familiales à partir de trois enfants, ce sous des prétextes hallucinants, bien que non explicites.

Bref, ayons un minimum de rigueur quand on légifère.

M. le président.  - Le groupe INDEP a demandé un scrutin public.

M. Michaël Weber.  - Ah ça, c'est le pompon !

À la demande groupe INDEP, l'amendement n°1328 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°60 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption   18
Contre 322

L'amendement n°1328 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme Annie Le Houerou.  - Encore heureux !

M. le président.  - Amendement n°157 rectifié de Mme Micouleau et alii.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Dans un souci d'équité et de meilleure prise en compte de l'équilibre démographique de chaque régime, et alors que le mode de calcul de la compensation interrégimes pénalise la CNRACL, le Gouvernement doit engager sa refonte. L'amendement prévoit donc un rapport à présenter dans trois mois.

M. le président.  - Amendement identique n°425 rectifié quater de M. Roux et alii.

Mme Maryse Carrère.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°447 rectifié ter de Mme Antoine et alii.

Mme Nadia Sollogoub.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°527 rectifié bis de Mme Belrhiti et alii.

Mme Catherine Belrhiti.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°1110 rectifié quinquies de Mme Florennes et alii.

Mme Isabelle Florennes.  - Défendu.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements, conformément à la position constante de la commission sur les demandes de rapport.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Il y aurait des effets de bord trop importants sur le régime général. Retrait sinon avis défavorable.

Les amendements identiques nos157 rectifié, 425 rectifié quater, 447 rectifié ter, 527 rectifié bis et 1110 rectifié quinquies ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°235 rectifié de M. Haye et alii.

M. Guislain Cambier.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°539 rectifié bis de Mme Pantel et alii.

Mme Guylène Pantel.  - Nous voulons enfin obtenir la mise en oeuvre d'une mesure attendue par les sapeurs-pompiers volontaires, la prise en comptes de trimestres supplémentaires de retraite, inscrite dans la loi de finances rectificative de la sécurité sociale pour 2023, mais dont le décret d'application n'a pas été publié. Cet amendement prévoit un rapport sur les conditions de mise en oeuvre de cette réforme.

Les sapeurs-pompiers volontaires jouent un rôle essentiel dans les territoires ruraux.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - La réforme des retraites de 2023 a attribué des trimestres de retraite bonifiés aux sapeurs-pompiers volontaires, mais les décrets d'application n'ont jamais été publiés.

Nous soutenons tous nos sapeurs-pompiers volontaires. Toutefois, avis défavorable, car ce sont des demandes de rapport.

Monsieur le ministre, votre réponse est très attendue.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Le décret arrive ! Il est en cours d'examen au Conseil d'État. Nous sommes unanimes à rendre hommage à l'engagement et à la valeur des sapeurs-pompiers : ils bénéficieront d'une bonification d'un cinquième de leur service dans la limite de cinq annuités, sous réserve de dix-sept années de service. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Émilienne Poumirol.  - Les sapeurs-pompiers, volontaires à 80 %, jouent un rôle essentiel ; nous sommes unanimes à les défendre - à quelques jours de la Sainte-Barbe, c'est plus que jamais le moment de le faire ! J'apprécie l'annonce du ministre. Les sapeurs-pompiers volontaires attendent depuis plus de deux ans la reconnaissance par la nation de leur engagement. Dans certains territoires ruraux, ils sont le dernier service public de proximité et assurent des missions de santé qui ne devraient pas relever d'eux. Par ailleurs, où en est le décret sur le changement de tableau des maladies professionnelles des pompiers ?

Mme Céline Brulin.  - Je me réjouis de l'annonce du ministre, car cette mesure est la seule positive de la réforme des retraites de 2023. De Sainte-Barbe en Sainte-Barbe, nous saluons l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires : que cette reconnaissance se traduise par une bonification de retraite ne sera pas du luxe.

Les ministres Darmanin et Retailleau avaient promis une parution imminente. Chat échaudé craint l'eau froide... Mais j'espère que, cette fois, le décret est bien imminent.

M. Ludovic Haye.  - Je me réjouis aussi que la préparation du décret avance. Étudions la possibilité de déplafonner et de proratiser la bonification pour reconnaître la totalité des années de service. Les sapeurs-pompiers sont exposés quotidiennement à des risques importants qui peuvent être préjudiciables à leur santé dès les premières années.

M. François-Noël Buffet.  - Je remercie le ministre de nous avoir informés que ce décret était en préparation au Conseil d'État.

Madame Brulin, nous n'avons pas ménagé notre peine sous le gouvernement précédent pour qu'il soit enfin « rimé » ; il était prêt dès début octobre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Corinne Bourcier applaudit également.)

Mme Guylène Pantel.  - Compte tenu de l'engagement du ministre, je retire mon amendement.

L'amendement n°539 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°235 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°911 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Les demandes de rapport servent aussi à pointer des anomalies. Un exemple : les réductions générales de cotisations sont compensées à l'Agirc-Arrco par l'État et, à titre subsidiaire, la sécurité sociale. En 2023, la contribution de cette dernière était de presque 1 milliard d'euros. En clair, la sécurité sociale, elle-même sous-compensée, participe à couvrir la sous-compensation de l'Agirc-Arrco... Ce n'est pas normal : revenons sur ce mécanisme.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Avis défavorable. La réduction générale de cotisations sur les salaires inférieurs à 1,6 Smic s'applique aux cotisations de retraite complémentaires obligatoires. Faire supporter par l'État les effets de la perte financière induite n'est pas évident dans la mesure où les régimes complémentaires sont excédentaires. L'Agirc-Arrco et la Cnav versent une subvention d'équilibre à l'État, qui verse les pensions des régimes spéciaux de la RATP et de la SNCF, désormais fermés.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Les flux financiers entre l'État, la sécurité sociale et les organismes paritaires comme l'Unedic et l'Agirc-Arrco sont retracés en annexe.

Sur le fond, les exonérations de cotisations de retraite complémentaires sont compensées à l'euro prêt à l'Agirc-Arrco. L'État affecte à cette fin une fraction de TVA pour solde de tout compte ; la sécurité sociale est chargée de couvrir le complément. Mais cette compensation a vocation à diminuer sous l'effet de la moindre dynamique des exonérations et de la réforme de la réduction générale.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Merci au ministre pour sa réponse. La compensation de l'État est insuffisante pour l'Agirc-Arrco comme elle l'est pour le régime général. La différence, c'est que celui-ci doit, en plus, compenser l'Agirc-Arrco : quelle est la signification de ce mécanisme ? Rien à voir avec les régimes fermés de la RATP et de la SNCF. Je regrette de n'avoir pas obtenu de réponse.

L'amendement n°911 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1305 de Mme Vogel et alii.

Mme Mathilde Ollivier.  - Mélanie Vogel sollicite un rapport (marques d'agacement à droite) pour engager la réflexion sur les moyens d'ouvrir aux travailleurs et travailleuses indépendants établis hors de France le droit de cotiser à la retraite française via la Caisse des Français de l'étranger (CFE).

Cette mesure est une attente majeure des expatriés. Elle a reçu un très large soutien lors des récentes assises de la protection sociale des Français de l'étranger.

Les travailleuses et travailleurs non salariés établis hors de France ne peuvent cotiser pour leur retraite française. C'est une rupture d'équité à laquelle il faut mettre un terme. Nous défendons un système solidaire qui donne les mêmes droits aux Françaises et Français ayant effectué leur carrière à l'international.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - La CFE offre aux expatriés qui cotisent dans le pays où ils résident une assurance retraite privée : il n'y a pas lieu de l'intégrer dans les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Au demeurant, il s'agit d'un rapport. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Les indépendants résidant en Europe peuvent bénéficier des règlements européens de coordination des systèmes de sécurité sociale, qui permettent la prise en compte pour le calcul de la pension française des périodes validées à l'étranger. Des règles similaires sont prévues par seize conventions bilatérales de sécurité sociale. Dans tous les cas, les périodes acquises dans un régime étranger ne sont pas perdues : l'expatrié perçoit une pension de ce régime, sous réserve de remplir les conditions d'ouverture des droits. Avis défavorable.

L'amendement n°1305 n'est pas adopté.

M. le président.  - amendement n°1309 de Mme Olivier et alii.

Mme Mathilde Ollivier.  - Il s'agit à nouveau d'un rapport (M. Olivier Rietmann s'exaspère), pour évaluer l'effet des conditions d'accès au minimum contributif (Mico) sur les assurés ayant accompli une partie de leur carrière à l'étranger. Une rupture d'égalité existe, puisque l'exigence de 120 trimestres validés en France pour le Mico majoré pénalise particulièrement nos compatriotes ayant travaillé hors de France.

Il s'agit aussi d'interpeller le Gouvernement sur la retraite des Françaises et des Français établis hors de France. En 2023, le ministre Dussopt s'était engagé à créer un groupe de travail sur le sujet. Allez-vous le mettre en place ? Les sujets de travail ne manquent pas, à l'instar du salaire annuel moyen qui sert de base au calcul de la pension ou des suspensions de retraite faute de certificats de vie dans certains pays.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Avis défavorable à cette nouvelle demande de rapport. Ces assurés n'ont pas cotisé, ou peu, au régime général : il est normal qu'ils n'aient pas accès au Mico. Toutefois, il est légitime d'examiner de plus près ce sujet, d'autant que les cas sont certainement très divers.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - La demande est satisfaite sur le fond : nous aménageons les conditions d'éligibilité au Mico et à sa majoration afin de tenir compte des règlements européens de coordination des systèmes de sécurité sociale, ainsi que des conventions bilatérales. Plus précisément, le calcul du Mico majoré se fait en deux étapes : totalisation des durées d'assurance ; proratisation de la charge entre les systèmes. Les périodes cotisées hors de France sont donc bien valorisées. Avis défavorable.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le turn over des ministres a des effets négatifs. En l'occurrence, un groupe de travail a été annoncé. Un nouveau ministre devrait tenir les engagements de ses prédécesseurs !

L'amendement n°1309 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1348 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'est une demande de rapport... (Exclamations ironiques à droite) La déconjugalisation de l'AAH a marqué une avancée majeure : nous aimerions que cette mesure ne prenne pas autant de temps pour l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). La conjugalisation de ce dispositif n'est plus adaptée aux réalités sociales contemporaines : elle maintient de nombreuses personnes âgées dans une situation de dépendance économique qui peut les empêcher de faire des choix et, le cas échéant, de se protéger. La même évolution doit porter sur l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI).

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Avis défavorable à cette demande de rapport. L'Aspa représente 1 035 euros pour une personne seule, 1 605 euros pour un couple.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Même avis. La prise en compte des revenus du couple est généralisée pour les prestations sociales, à l'exception de l'AAH, qui n'est pas un minimum social. Y renoncer reviendrait à s'éloigner de la réalité des ménages et à détourner la solidarité nationale de son objectif de soutien prioritaire à ceux qui en ont le plus besoin. Le Gouvernement reste attentif aux risques de précarisation et de dépendance financière.

L'amendement n°1348 n'est pas adopté.

Article 46

M. le président.  - Amendement n° 1782 de Mme Souyris et alii.

Mme Anne Souyris.  - Cet amendement n'est pas une demande de rapport : vous allez donc pouvoir le voter... (M. Laurent Burgoa s'exclame.)

Il s'agit d'exclure le secteur privé à but lucratif de l'éligibilité au fonds pour la modernisation et l'investissement en santé, le FMIS. Remettons du sens et de la cohérence dans l'utilisation de l'argent public consacré à la santé : il doit bénéficier avant tout à ceux qui soignent, pas à ceux qui cherchent à faire des bénéfices. Or 70 % des établissements soutenus par le FMIS sont privés à but lucratif, pour 200 millions d'euros au total. L'argent public doit soutenir l'intérêt général ! Luttons contre la financiarisation de la santé et renforçons le service public.

Qu'on ne me dise pas, une fois de plus : on a besoin du secteur privé lucratif.

MM. Michel Canévet et Laurent Somon.  - C'est pourtant vrai !

Mme Anne Souyris.  - Si l'argent public allait au secteur public, on n'aurait plus besoin du privé lucratif ! C'est une affaire de choix politiques.

M. Olivier Rietmann.  - Nous assumons les nôtres.

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche assurance maladie.  - Oui, les établissements privés participent à l'accès aux soins. Ils assurent 35 % de l'activité hospitalière, et il y a des endroits où seule une clinique privée subsiste.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Tout à fait !

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Certains établissements privés sont vétustes : ils ont aussi besoin d'être accompagnés pour la rénovation de leurs bâtiments ou de leurs systèmes informatiques, au bénéfice des patients.

L'attribution des crédits du FMIS dépend des ARS, qui connaissent les besoins locaux. Laissons-les sélectionner les projets.

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées.  - Ne confondons pas lutte contre la financiarisation et lutte contre les établissements privés, qui participent en effet à l'offre de soins. Ils perçoivent 24 % de l'enveloppe du FMIS. Avis défavorable.

L'amendement n°1782 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1784 de Mme Souyris et alii.

Mme Anne Souyris.  - Cet amendement d'appel ouvre le bénéfice du FMIS aux centres de santé. Depuis 2024, les maisons de santé pluriprofessionnelles y sont éligibles ; elles bénéficient même d'une enveloppe spécifique, de 45 millions d'euros pour la période 2024-2027. Mettons fin au traitement inégal des centres de santé, comme le recommande l'Igas, d'autant que nombre d'entre eux sont en danger, y compris à Paris.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Les centres de santé sont déjà éligibles. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°1784 n'est pas adopté.

L'article 46 est adopté.

Article 47

Mme Annie Le Houerou.  - Cet article est une nouveauté depuis la LFSS pour 2025. Il s'agit d'inscrire dans la loi le financement des opérateurs relevant du sixième sous-objectif de l'Ondam, dont l'Office national d'indemnisation des accidentés médicaux, l'Oniam, Santé publique France, l'Agence de biomédecine, la HAS et l'Établissement français du sang (EFS). Nous nous félicitons de cette transparence.

Pour 2026, Santé publique France et l'Oniam bénéficient d'une revalorisation de respectivement 20 et 11 %. Mais la HAS voit sa dotation baisser de 3,4 %, ce qui nous inquiète, car ses analyses sont indispensables à l'amélioration de notre système de santé.

La rapporteure propose un gel généralisé, ce qui n'a aucun sens.

M. le président.  - Amendement n°717 de Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - On demande dans ce PLFSS beaucoup d'efforts à tout le monde. Le gel permet de faire quelques économies. Il nous paraît en effet nécessaire que les opérateurs financés par l'assurance maladie participent à la démarche de responsabilité collective.

Je m'interroge en particulier sur le montant très élevé de la dotation de l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) : 225 millions d'euros, en hausse de 10 millions d'euros. L'Igas a pourtant mis en lumière les carences de cette structure, qui n'a pas su accompagner la généralisation du développement professionnel continu des professionnels de santé.

Nous proposons le gel des dotations de ces opérateurs. Les dotations de la HAS et de l'EFS, prévues en baisse, ne sont pas modifiées, même si leur maintien ne m'aurait pas choqué.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Il y a des besoins incompressibles : pour Santé publique France, les stocks stratégiques de vaccins et de masques ; pour l'ANSM, la lutte contre les pénuries de médicaments. S'agissant de l'ANDPC, des formations continues sont prévues en 2026, par exemple pour la vaccination en officine. Nous réalisons 20 millions d'euros d'économies au total, mais les sommes prévues sont nécessaires. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Nous n'avons pas obtenu de réponses suffisantes au sujet des 60 millions d'euros supplémentaires de Santé publique France.

Je sais toutefois, madame la ministre, que vous avez une marge de manoeuvre pour ajuster au besoin les dotations.

Mme Émilienne Poumirol.  - Mettre tout le monde dans le même panier n'a pas de sens. Nous connaissons tous les difficultés de l'EFS ! De même la HAS et l'ANSM, dont le rôle est essentiel. Quant à la formation continue, elle est en effet fondamentale pour les professionnels de santé. Les dotations doivent continuer à progresser, parce que les dépenses de santé doivent être de plus en plus ciblées ; nous avons besoin pour cela d'un éclairage scientifique.

Mme Anne Souyris.  - Certains ont parfois la tentation de se débarrasser de telle ou telle agence. Celles dont il est question ici sont essentielles. Préservons leur autonomie et leur capacité à agir. Le gel proposé n'est pas acceptable.

L'amendement n°717 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1404 rectifié de M. Patriat et alii.

M. François Patriat.  - Nous augmentons les moyens de l'EFS pour lui permettre de travailler sur le fractionnement du plasma, conformément à un récent décret interministériel.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - S'il y a deux opérateurs à soutenir, ce sont l'EFS et la HAS. Mais, je le répète, la ministre a une marge de manoeuvre. L'augmentation demandée ici est excessive. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Le financement de l'ESF dépend aussi de tarifs de cession. Nous avons revalorisé ceux des concentrés de globules rouges et du plasma frais congelés. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°1404 rectifié est retiré.

L'article 47, modifié, est adopté.

Article 48

Mme Annie Le Houerou .  - Une loi de programmation pluriannuelle de la santé est indispensable : tous les acteurs du secteur le disent.

À l'heure où les établissements connaissent des difficultés importantes, financières comme de recrutement, l'approche gestionnaire à court terme ne suffit plus. Pour redonner confiance aux professionnels et aux assurés, il faut une approche de long terme qui redonne de la visibilité, par exemple pour cinq ans.

La nécessaire régulation des dépenses passera par un cadre pluriannuel de prévention, la pertinence des soins et une meilleure organisation de notre système de santé. Il faut penser la santé selon un temps long, celui de la recherche, de l'innovation et de la formation.

Seule cette approche pluriannuelle permettra de prendre en charge des pathologies complexes et nouvelles et d'assurer un accès aux soins de qualité sur l'ensemble du territoire.

M. le président.  - Amendement n°1786 de Mme Souyris et alii.

Mme Anne Souyris.  - Supprimons cet article, qui fixe l'objectif des dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès à 267,5 milliards d'euros. Nous contestons le pilotage fondé sur un objectif de dépenses. La gestion du système de santé doit être adaptée aux besoins des assurés, qui ne sont pas des colonnes Excel ! On nous propose toujours plus d'économies au détriment des assurés, mais ces économies nous coûteront très cher demain.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - En dépit de ses réserves, la commission ne souhaite pas supprimer l'objectif de dépense de la branche maladie. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Cet article est obligatoire. Avis défavorable. L'Ondam a été rehaussé de 1 milliard d'euros.

L'amendement n°1786 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1877 du Gouvernement.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Cet amendement rehausse l'Ondam de 1 milliard d'euros.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Cet amendement n'a pas pu être examiné par la commission. À titre personnel, j'y suis favorable.

Mme Anne Souyris.  - C'est 1 milliard d'euros de plus, on ne peut pas être contre ! Mais, vous le savez comme moi, c'est clairement insuffisant.

Si la hausse n'atteint pas 3 %, les hôpitaux ne pourront pas s'en sortir. Or, avec ce milliard supplémentaire, l'Ondam serait en hausse de 2 % seulement.

L'amendement n°1877 est adopté.

L'article 48, modifié, est adopté.

Article 49

Mme Monique Lubin .  - Madame la ministre, je souhaiterais des engagements sur les cures thermales.

Nous avons déposé un amendement pour déplacer 200 millions d'euros de la médecine de ville pour les affecter à la médecine thermale. Nous le savons, ce n'est pas satisfaisant.

Madame la ministre, quel sort allez-vous réserver aux cures thermales ? Il s'agit d'un vecteur économique important pour nos départements, pour le mien en particulier.

Mme Anne-Sophie Romagny .  - Madame la ministre, je voudrais évoquer la dermopigmentation médicale, utilisée lors d'une reconstruction mammaire.

Les hôpitaux utilisent les encres médicales, et l'acte est sous-coté par rapport au prix de l'encre, alors qu'en ville les encres obéissent à des normes européennes, qui coûtent beaucoup moins cher. Quelle est la plus-value de l'encre médicale pour les patients ? Si elle est réelle, il faut en donner à tous, donc revoir la cotation de l'acte. Sinon, il faudrait utiliser les encres répondant aux normes européennes partout.

La composition des encres devrait être plus transparente, ce qui n'est pas le cas. Une entreprise a le monopole de la production et facture 1 300 euros la journée de formation à leur utilisation.

Ce sujet relève du réglementaire, non de la loi, mais cette situation de monopole augmente les prix.

Pourriez-vous étudier ce point ?

Mme Corinne Féret .  - Face au tollé provoqué par le PLFSS 2026 dans sa version initiale, le Gouvernement a proposé en urgence 1 milliard d'euros supplémentaires pour l'Ondam, dont 850 millions pour les établissements de santé. Il est urgent d'en connaître la ventilation exacte. Quoi qu'il en soit, le compte n'y est pas.

Les hôpitaux publics, confrontés à des tensions financières persistantes, ont un besoin impérieux de soutien.

Vieillissement de la population, hausse des maladies chroniques, inflation, compensation incomplète des revalorisations salariales : autant de facteurs exogènes expliquant le déficit des hôpitaux.

Le rehaussement de l'Ondam, quoiqu'indispensable, ne résout pas tout. Un choc d'attractivité est nécessaire.

Dans le service des urgences du CHU de Caen, dans mon département du Calvados, il n'y a plus d'internes, faute de personnel pour les encadrer.

Ce ne sont pas les mesures au coup par coup qui régleront la crise.

Jamais l'Ondam n'a été aussi bas et aussi éloigné de la hausse des besoins des hôpitaux.

M. Franck Montaugé .  - La baisse du remboursement des cures thermales entraînera des renoncements aux soins pour de nombreux patients.

Or les établissements thermaux jouent un rôle essentiel dans les territoires ruraux, comme à Castéra-Verduzan, Lectoure et Barbotan dans le Gers. Le thermalisme soutient l'économie locale et l'emploi et maintient du service dans des communes qui n'ont plus que cela comme levier.

Mon amendement n°1122 rectifié bis visait à répondre à ce problème, mais je ne pourrai sans doute pas le défendre si l'amendement n°718 de la commission est adopté.

L'Ondam de ce PLFSS sera probablement rejeté. Il faudra remettre l'ouvrage sur le métier, en préservant les moyens du thermalisme.

Mme Annie Le Houerou .  - L'article 49 prévoyait un Ondam à 1,7 % - une provocation, pour de nombreux acteurs de la santé. Un Ondam à 1,7 % ne couvrirait même pas l'évolution spontanée des dépenses de santé, estimée à 4 %.

Le Gouvernement a prévu 1 milliard d'euros en plus. Est-il destiné aux hôpitaux ou aux établissements de santé ? Ce n'est pas la même chose.

Quoi qu'il en soit, un Ondam proche de 2 % ne nous satisfait pas davantage. Pas moins de 83 % des hôpitaux de notre pays ont un bâti dégradé.

Selon la Cour des comptes, leur déficit s'élevait en 2018-2019 à plus de 600 millions d'euros, creusés en 2025 à 2,2 milliards d'euros, en raison des choix opérés à la suite de la crise du covid. Or ces choix affectent les plus vulnérables, et aussi les professionnels de santé.

Nous prenons le milliard d'euros supplémentaires que vous accordez, mais, s'il desserre un peu l'étau, il ne sera pas suffisant.

M. Jean-Marc Boyer .  - (« Ah ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le déremboursement des cures thermales inquiète les maires des 88 stations thermales et les responsables des établissements thermaux. Quid du décret en préparation au ministère de la santé et au cabinet du Premier ministre et qui prévoit un déremboursement ?

Vous voulez économiser 230 millions d'euros, mais vous oubliez qu'une cure thermale réduit les frais médicaux dans les six mois qui suivent, notamment en rhumatologie - je sais que c'est votre spécialité, madame la ministre. Une tribune portant sur ce sujet a recueilli 110 000 signataires.

Mme Céline Brulin .  - Deux minutes de temps de parole ne suffiront pas à décrire tous les effets d'un Ondam si bas. Les établissements hospitaliers accusent aujourd'hui un déficit d'environ 3 milliards d'euros. Vos propositions n'arrangeront rien, madame la ministre.

À tout le moins, sortons de cet Ondam l'augmentation du taux de cotisation à la CNRACL.

Les établissements médico-sociaux et la psychiatrie sont sinistrés.

Un Ondam si bas ne peut conduire qu'à une réaction du comité d'alerte. Alors, par voie réglementaire, le Gouvernement pourra faire passer d'autres mesures douloureuses que celles qui sont incluses dans ce PLFSS. Ainsi, par ce biais, les revalorisations des actes de kinésithérapie prévues au 1er juillet n'ont pas eu lieu. Je crains de nouveaux mauvais coups de ce type.

Mme Émilienne Poumirol .  - Ce PLFSS semble répondre à un contrat unique : le déficit de la sécurité sociale serait hors de contrôle.

Les dépenses explosent. Certes, les besoins de la population croissent, mais la crise des recettes est due à la politique de l'offre d'Emmanuel Macron. Les exonérations de cotisations sociales ont doublé depuis 2017, à plus de 75 milliards d'euros.

Chaque année, nous sommes amenés à voter un Ondam qui ne soutient pas notre système de santé. C'est la logique même de l'Ondam qu'il faut revoir. Au lieu de partir des besoins, nous partons des financements pour modeler l'offre de soins. Il faut au contraire réduire les inégalités d'accès aux soins et améliorer la prévention.

Il est impératif de mettre en place une loi pluriannuelle stratégique pour conjuguer protection et maîtrise des coûts.

M. Éric Kerrouche .  - Nous sommes les représentants de nos territoires. Les déremboursements prévus pour les cures thermales auront des incidences fortes sur des territoires majoritairement ruraux.

Dans les Landes, 5 communes sont concernées, pour 19 établissements thermaux représentant 120 millions d'euros de chiffre d'affaires et 8 000 emplois. La filière structure l'économie locale.

Pouvez-vous nous rassurer, madame la ministre ?

Mme Paulette Matray .  - Dans mon département de Saône-et-Loire, j'ai été interpellée par la maire de Bourbon-Lancy, commune thermale, elle aussi très inquiète.

Il faut maintenir le remboursement des cures thermales. Sinon, ce serait une catastrophe pour les patients et pour l'économie des territoires ruraux, qui seraient fragilisés.

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - L'Ondam illustre votre politique d'austérité. Vous avez ajouté un milliard parce que vous avez vu la catastrophe arriver. Toutefois, nous ne pourrons pas tenir. C'est un terrible recul.

Or derrière cet Ondam, qui aggravera la situation de nos hôpitaux, dont le déficit s'élève à 2,8 milliards d'euros, et de nos Ehpad, il y a de l'humain. Demain, ce sera moins de soins, de lits, de personnel. Cela créera des inégalités de soins.

Pourtant, il n'y aura pas moins de malades, ni moins de personnes en ALD ni moins de personnes qui voudront entrer dans des Ehpad et être soignées dans de bonnes conditions.

Mme Sylvie Vermeillet .  - J'avais moi aussi déposé un amendement de soutien au thermalisme. Nous sommes très inquiets sur tous les bancs, car 70 % des stations thermales sont situées dans des villes de moins de 5 000 habitants. Le thermalisme est un outil d'aménagement du territoire indispensable. Je souhaite appeler votre attention sur le fait que certains établissements thermaux sont gérés en régie directe. Ce choix pourrait mettre certaines communes en faillite, à l'instar de Salins-les-Bains, dans le Jura.

Je partage les propos d'Éric Kerrouche et des collègues du groupe socialiste.

Comme M. Boyer, je pense que les 200 millions d'euros d'économies entraîneront 4,8 milliards d'euros de pertes. L'effet levier du thermalisme atteint 24 fois le montant engagé. (M. Yannick Jadot en doute.) C'est mieux que n'importe quelle subvention ! L'État ne peut pas se priver de 4,8 milliards d'euros de retombées économiques (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; Mmes Émilienne Poumirol et Paulette Matray applaudissent également.)

Mme Maryse Carrère .  - Aujourd'hui, c'est notre seul moyen de lancer le débat et d'espérer une promesse de la ministre de nous recevoir.

Il y a 500 000 curistes par an, dont 25 000 dans les Hautes-Pyrénées, répartis dans sept établissements spécialisés. Ces sept établissements sont aujourd'hui tous gérés par des collectivités, directement ou indirectement. Impossible d'imaginer que l'on puisse mettre cette activité à terre du jour au lendemain.

Ces dernières années, les collectivités ont largement investi dans les établissements : 40 millions d'euros en deux ans à Luchon, et 4,5 millions d'euros à Bagnères-de-Bigorre. Comment les collectivités pourront-elles assumer ces investissements à l'avenir ?

M. Hussein Bourgi .  - Je vous parlerai moi aussi de thermalisme. (« Ah » sur les travées du groupe Les Républicains)

Je suis en colère, madame la ministre. En 2022 déjà, Thomas Mesnier, alors député, avait été envoyé comme poisson-pilote du Gouvernement. Son amendement avait été balayé au Sénat.

Chacun sait l'importance du thermalisme. Chaque année, pourtant, les ministres se succèdent, les rapporteurs aussi, et vous revenez à la charge. On vous fait sortir par la porte et vous revenez par la fenêtre.

La plus grande station thermale de France se situe à Balaruc-les-Bains, dans l'Hérault.

Au Parlement, vous êtes minoritaire, madame la ministre : vos orientations ne passeront pas. Vous préparez donc un décret. Mais la démocratie impose de se présenter devant le Parlement et de respecter sa volonté ! (Applaudissements sur des travées des groupes SER, UC et Les Républicains)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - La hausse mécanique de l'Ondam atteindrait 3,4 %, même sans mesure nouvelle qui permettrait un tournant préventif, par exemple. Or vous concédez 1,6 %, puis 2 %. Et vous déroulez des mesures d'économies pour 7 milliards d'euros, car il n'est bien sûr pas question pour vous d'envisager de nouvelles recettes.

Ce projet comprend des mesures à hauteur de 11 milliards d'euros, dont 7 milliards d'euros d'économies sur l'Ondam. La moitié de ces économies n'en sont pas, puisqu'il s'agit d'un transfert aux ménages et à la complémentaire santé. L'autre moitié, constituée de mesures d'efficience des dépenses, a la fâcheuse caractéristique de ne pas se réaliser depuis plusieurs exercices. Résultat : l'Ondam que vous présentez sera dépassé, le comité d'alerte appelé, et l'accès aux soins dégradé, les ménages appauvris, les hôpitaux affaiblis.

Ce PLFSS est l'un des pires de l'histoire. On n'a jamais vu un tel Ondam.

Vous ne prenez aucune mesure structurelle contre le déficit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Yannick Jadot .  - J'ai énormément de sympathie pour les cures thermales, mais est-ce dans le PLFSS que l'on doit en discuter ? Dans certains territoires, le thermalisme est absolument vital, mais est-ce un sujet central de santé publique ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Nous devons soutenir les territoires et les cures thermales, mais pas forcément à l'occasion de ce débat. (Mme Anne Souyris applaudit.)

M. Marc Laménie .  - Dans les Ardennes, nous n'avons pas d'établissement thermal. (On s'en amuse sur toutes les travées.) En revanche, l'Ondam atteint plus de 270 milliards d'euros, et je souhaite être solidaire de mes collègues (on s'en réjouit sur les travées du groupe Les Républicains), qu'ils représentent les Hautes-Pyrénées, les Pyrénées-Orientales ou le Puy-de-Dôme.

Le thermalisme a une histoire. Ce n'est pas du tourisme : les curistes souffrent de pathologies cardiaques ou respiratoires, entre autres.

L'histoire entre aussi en jeu. Certains de ces territoires sont desservis par le train -  vous savez que j'aime le ferroviaire... Je pense à La Bourboule ou au Mont-Dore.

Priorité à la santé ! Je soutiens donc tous les collègues concernés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Guylène Pantel et M. Franck Montaugé applaudissent également.)

Mme Michelle Gréaume .  - Je reviens à l'Ondam. Dans le Nord, un petit jeune, Alexandre, autiste, est placé depuis l'âge de six ans en Belgique, faute de structure en France. Ce n'est pas un milliard d'euros supplémentaire qui réglera le problème.

Énormément de personnes sont placées à l'étranger. Et ne me dites pas que la Belgique, c'est la France !

Cet enfant a déjà parcouru 260 000 kilomètres en taxi, voilà la réalité ! Et on lui demande en plus une contribution ? Ces personnes seront doublement pénalisées.

De nombreux soignants partent travailler à l'étranger, en Belgique ou au Luxembourg. Ne faites pas comme si vous ne le saviez pas.

Dans les hôpitaux, l'offre de soins est à deux vitesses. Si vous voulez être soigné rapidement, vous allez dans le privé et vous payez les dépassements d'honoraires. Sinon, dans le public, vous attendez votre tour. C'est injuste ; les Français ne sont pas traités sur un pied d'égalité. Voilà pourquoi l'Ondam est insuffisant. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Mickaël Vallet .  - Je parlerai aussi de cures. Des cures thermales, mais aussi des cures d'austérité.

M. Mickaël Vallet.  - À Marennes-Hiers-Brouage, en Charente-Maritime, nous avons un hôpital local, enfin un centre hospitalier - moins on a de moyens, plus on a des titres ronflants... Il y a dix-huit mois, l'ARS nous a demandé de mettre en place ce qu'on appelle cyniquement un plan de performance prévoyant 17 ETP en moins. L'ARS nous renvoie vers le conseil de surveillance, qui nous renvoie vers l'ARS.

J'ai un peu l'impression de me faire balader. Les soignants manifestaient dans les rues aujourd'hui. J'aurais aimé manifester avec eux, mais je suis devant vous.

Madame la ministre, puis-je venir vous voir pour parler concrètement d'un sujet qui a conduit les salariés à manifester et leur a coûté une journée de rémunération pour grève ?

Mme la présidente.  - Amendement n°718 de Mme Imbert au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Je m'associe à tous les collègues qui ont défendu le thermalisme, dont des études cliniques montrent les bienfaits. L'Académie de médecine considère les cures thermales comme des thérapeutiques médicales.

La commission a estimé que l'Ondam était intenable, incohérent et insincère. (Mme Raymonde Poncet Monge renchérit.)

Intenable, car il s'appuie sur des économies substantielles insuffisamment étayées. La Cour des comptes, le Haut conseil des finances publiques et le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie le constatent.

Incohérent, car il ne répond ni aux besoins de santé de la population ni aux réalités d'exercice des professionnels. Les patients subiront les conséquences directes des économies envisagées quand ils seront accueillis dans des hôpitaux les plus en difficulté ou quand ils devront payer.

Insincère, enfin, car il sera dépassé. Après l'intervention du comité d'alerte, des mesures de régulation seront prises par le Gouvernement sans consultation du Parlement.

La commission vous invite donc à rejeter l'Ondam 2026.

M. le président.  - Amendement identique n°1788 de Mme Souyris et alii.

Mme Anne Souyris.  - Je suis parfaitement d'accord avec Mme la rapporteure.

Je ne comprends pas pourquoi tout ce débat reprend, alors que nous en avons déjà parlé il y a deux jours. Pourquoi ne parle-t-on que des cures thermales alors que les hôpitaux sont en faillite ? C'est incompréhensible.

L'Ondam constitue notre ligne rouge. Le Gouvernement l'a porté à 2 %, mais c'est insuffisant, car la hausse obéit à des facteurs structurels : vieillissement de la population, hausse des maladies chroniques, évolutions technologiques. Les dépenses de santé augmenteront de 3,2 % en 2026 au minimum.

Cet Ondam est si bas, c'est parce qu'il est insincère. Il ne pourra pas tenir malgré toute la casse sociale qu'il implique.

À la fin, il faudra faire des choix sur nos services publics, c'est-à-dire sur ce qui nous permet de tenir.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Comment construit-on un Ondam, madame Poncet Monge ? Tout d'abord, on ne peut dépenser que ce que l'on a. Ensuite, on regarde les besoins, car l'Ondam a été créé pour maîtriser les dépenses d'assurance maladie. Cette année, il est bâti sur un effort partagé entre les salariés, les organismes complémentaires, l'industrie pharmaceutique et les professionnels.

Vous parlez de budget d'austérité, mais il augmente de 6 milliards d'euros !

Vous dites que l'Ondam, à 1,6 %, n'a jamais été aussi bas. Mais hors transferts, l'Ondam est à 2,9 %. Il passe même à 3,3 % avec le milliard que vous venez de voter. Je ne dis pas que je n'aimerais pas qu'il soit plus élevé ; je vous dis ce qu'il est.

Sur ledit milliard d'euros, 850 millions d'euros iront aux établissements de santé. Le Gouvernement s'est engagé à ce que leurs tarifs soient établis dès janvier, plutôt qu'en avril ou mai, afin que les établissements de santé puissent se projeter dans l'année. J'ai également annoncé qu'en fin d'année, je pourrai donner, pour les dix ans qui viennent, les montants d'investissements des établissements.

Il est faux de dire qu'il n'y a aucune mesure nouvelle : pour 2026, il y en aura 3 milliards d'euros.

Le budget pour les personnes en situation de handicap augmente aussi, de 2,5 %, pour le remboursement intégral des fauteuils roulants et la poursuite de la trajectoire des 50 000 solutions, notamment.

Monsieur Vallet, nous pouvons bien sûr vous recevoir au ministère. Le déficit des établissements sera de presque 3 milliards d'euros cette année. J'espère que nous pourrons débattre du financement de notre système de santé dans les mois à venir, dans la perspective de l'élection présidentielle.

Mme Émilienne Poumirol.  - On risque d'attendre...

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Sur la dermopigmentation, je vous renvoie à la loi sur la prise en charge du cancer du sein. Il pourra y voir un remboursement lorsque cela est réalisé par des infirmiers. Les arrêtés vont bientôt sortir. Il existe effectivement deux types d'encres. Nous pourrons en rediscuter.

Je me suis dit tout à l'heure que si j'arrivais à négocier une cure thermale pour chaque personne qui m'a interrogée à ce sujet, j'aurais droit à dix ans de cure, au bas mot... Nous avons ce débat tous les ans. Je sais les retombées économiques des cures thermales, mais est-ce à la sécurité sociale de financer une activité économique ? (Marques de réprobation sur les travées du groupe Les Républicains) N'ayons pas de tabou ! Un avis de la HAS serait utile, pour trancher le débat scientifique.

L'inscription de ces 200 millions d'euros d'économies nous permet d'en débattre. Nous verrons in fine à combien s'élèvera le déficit pour 2026 -  plus ou moins de 20 milliards d'euros ? Si les économies sont suffisantes, je n'aurais pas besoin de prendre ce décret ni celui sur les franchises. Je l'ai dit : je ne prendrai pas ces décrets tant que le débat ne sera pas clos.

Contrairement aux autres années, nous ne proposons pas de dérembourser totalement, mais de diminuer le remboursement par l'assurance maladie, ce qui permet le remboursement par les organismes complémentaires.

Le décret est prêt, mais il ne sera pas publié avant la fin de nos débats.

Mme Émilienne Poumirol.  - Madame la ministre, vous venez de nous confirmer que l'Ondam est une construction, un exercice purement comptable. On fait rentrer des rectangles dans des carrés...

Nous aurions aimé disposer d'un projet structurel, avec une vision de long terme, pour revenir à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale. Car nous aussi, nous voulons cet équilibre ! La sécurité sociale est une conquête formidable, que nous devons défendre.

Nous n'allons pas répondre à une telle question de fond -  quel projet pour préserver la santé de nos concitoyens ?  - avec de petites recettes de cuisine. Il faut notamment un véritable projet de prévention, pour une autre vision de la santé. Sinon, on risque de tuer la sécurité sociale. Les assureurs privés sont aux aguets.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Madame la ministre, votre réponse sur les mesures nouvelles accroît l'insincérité du budget. Je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas de mesures nouvelles ; j'ai dit que le budget, hors mesures nouvelles, tendait à augmenter de près de 4 %, mécaniquement.

Dans les précédents PLFSS, les mesures nouvelles étaient toujours financées par les mesures d'efficience. Pour 2026, les mesures d'efficience, surévaluées, financent votre passage d'un Ondam à 4 % à un Ondam à 1,6 %, mais pas vos mesures nouvelles.

Mme Laurence Muller-Bronn.  - L'an dernier, avec Corinne Féret, nous étions rapporteures de la proposition de loi Mouiller sur la maladie de Charcot, adoptée à l'unanimité du Sénat. Où en sont les arrêtés ?

M. Jean-Marc Boyer.  - J'ai eu le plaisir d'organiser les premières journées parlementaires du thermalisme.

Il ne s'agit pas de financer une économie, mais de rembourser un service médical rendu, démontré par une soixantaine d'études cliniques. Le curiste, c'est un patient, pas un touriste qui s'amuse aux frais du contribuable !

Il a été dit que la France serait le dernier pays à rembourser des cures thermales. C'est totalement faux ! L'Italie, l'Autriche et l'Allemagne en font autant.

Une tribune cosignée par plus de 110 000 personnes contre le déremboursement des cures est parue aujourd'hui. Les responsables des stations thermales sont vent debout. Plus qu'une inquiétude, c'est une colère !

M. Simon Uzenat.  - Nous avons un beau débat de fond. Ce pilotage comptable par la dépense, via l'Ondam, est à bout de souffle. Nous devons trouver une autre solution.

Le système maltraite tout le monde : les professionnels de santé, qui n'ont pas les moyens d'agir, mais aussi les équipes de direction, qui font leur maximum et sont déjà à l'os. Avec Dany Wattebled, dans notre travail sur la commande publique, nous avons rencontré des responsables de groupements hospitaliers de territoire (GHT) réduits à différer les versements aux fournisseurs pour payer les salaires.

Nous devons changer de système : dans un premier temps, travailler sur des objectifs nationaux de santé publique, puis trouver les moyens. Dans cet hémicycle comme dans le pays, la question des objectifs peut faire consensus. (M. Mickaël Vallet applaudit.)

Les amendements identiques nos718 et 1788 sont adoptés et l'article 49 est supprimé.

(Marques de soulagement sur plusieurs travées)

Les amendements nos1790, 19 rectifié, 1122 rectifié bis, 1386 rectifié bis, 1758, 1235, 1789, 1222 et 1791 n'ont plus d'objet.

Article 50

M. le président.  - Amendement n°1033 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Depuis la loi de financement de la sécurité sociale 2023, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) peut « aller vers » les personnes concernées. Or le décret d'application n'a toujours pas été publié. Mais alors que les demandes et les dépenses vont augmenter, le présent article fixe une dotation bien inférieure aux besoins.

Cet amendement d'appel demande la publication au plus vite de ce décret d'application et l'ajustement de la dotation à hauteur des besoins.

M. le président.  - Amendement identique n 1223 de Mme Brulin et du groupe SER.

Mme Céline Brulin.  - C'est un amendement d'appel pour dire notre désapprobation totale face à la diminution de la dotation du Fiva, qui passe de 465 millions d'euros à 387 millions d'euros.

L'amiante continue de rendre malade. Elle tue même parfois, notamment, dans un département tel que le mien, la Seine-Maritime, des salariés de la métallurgie, des constructions navales, de la pétrochimie. Des maladies peuvent se déclarer entre 15 et 40 ans après l'exposition. Cette diminution de crédits est bien cynique.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles.  - Il n'est pas souhaitable de supprimer la dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) au Fiva, dont c'est le financeur quasi exclusif.

L'État doit impérativement renforcer son effort en faveur du Fiva, comme le Sénat le demande depuis plus de trois ans. Alors que la branche AT-MP entre en déficit, il n'est pas normal que l'État lui apporte moins de 2 % des financements publics. La branche AT-MP n'a pas à indemniser les fonctionnaires ni les victimes environnementales, qui représentent pourtant 20 % des bénéficiaires du fonds.

Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Le Gouvernement est pleinement conscient de l'importance du Fiva, qui a vu ses crédits progresser en 2025. Mais la projection des demandes pour 2026 nous amène à les réduire.

Le décret sur « l'aller vers », qui limitera le non-recours, est actuellement soumis à la Cnil ; il sera publié début 2026.

Les amendements identiques nos1033 et 1223 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°1224 de Mme Brulin et du groupe SER.

Mme Silvana Silvani.  - La compensation de la sous-déclaration des AT-MP est aberrante.

Alors que la commission d'évaluation a évalué en 2024 le montant de la sous-déclaration des AT-MP entre 2 milliards et 3,8 milliards d'euros, le PLFSS pour 2026 limite le montant du versement à 1,6 milliard d'euros. Cela illustre bien la construction politique du déficit de la sécurité sociale, au détriment de la prise en charge des assurés sociaux.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure.  - Avis défavorable. Sur le fond, le transfert est légitime, car bien étayé. Toutefois, cela ne doit pas se traduire par une charge insurmontable pour la branche. Sa tendance à la hausse quasi exponentielle a de quoi interpeller.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - La commission sur la sous-déclaration des AT-MP, qui s'est réunie au premier semestre 2024, s'appuie sur des études épidémiologiques récentes. Présidée par un magistrat de la Cour des comptes et composée d'experts scientifiques indépendants, elle a conclu que la sous-déclaration était comprise entre 2 et 3,8 milliards d'euros.

Le montant de 1,6 milliard d'euros est cohérent avec les trajectoires d'augmentation définies par le rapport de la commission, afin d'éviter de fragiliser l'équilibre financier de la branche AT-MP. Le Gouvernement a fait le choix de converger vers la borne basse de l'estimation de la commission en 2027. Une suppression du transfert serait inopportune. Avis défavorable.

Mme Marion Canalès.  - M. le ministre parle d'un rapport remis tous les trois ans, dont le dernier date de 2024. Pendant douze ans, la branche a été excédentaire : pourquoi ne pas avoir augmenté le montant du transfert ? Nous avons proposé des surcotisations pour les entreprises ou leurs sous-traitants à fort indice de sinistralité.

Un nouveau plan de santé au travail va être lancé, pour la période 2026-2030. Nous devons accentuer nos efforts.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Je remercie le ministre d'avoir rappelé la scientificité de cette estimation. Si rien n'est fait, les montants de la fourchette vont augmenter, ne serait-ce qu'à cause des risques psychosociaux (RPS), qui peuvent également être mesurés. Merci d'avoir rappelé que l'on ne pouvait pas en faire une vérité relative. Pourquoi ne pas converger vers le milieu de la fourchette ? La branche AT-MP, en déficit, sous-estime ce qu'elle devrait reverser à la branche maladie, qui est encore plus en difficulté.

L'amendement n°1224 n'est pas adopté.

L'article 50 est adopté.

Article 51

M. le président.  - Amendement n°1037 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Selon l'annexe du PLFSS, la branche AT-MP deviendrait pour la première fois déficitaire, du fait notamment de la baisse des taux de cotisation prévue par la réforme des retraites. Le déficit de cette branche assurantielle est pourtant un danger pour l'ensemble des droits des travailleurs victimes d'AT-MP.

Cette trajectoire déficitaire ne permet plus de maintenir les dispositions prises lors de la réforme de 2023 et elle met en péril les capacités à compenser les sous-déclarations AT-MP de la branche maladie.

Il est donc urgent de revenir à l'équilibre de cette branche et de revenir sur les dispositions de la réforme de 2023.

M. le président.  - Amendement identique n°1225 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Défendu. (Applaudissements ironiques sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure.  - La commission soutient l'objectif de dépenses de la branche AT-MP, malgré ses grandes réserves sur la hausse des cotisations. Il n'est pas normal que les employeurs vertueux paient le prix des décisions politiques qui ont miné la branche. Aussi, la commission s'opposera sans ambages à tout alourdissement uniforme des cotisations.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - C'est un article obligatoire.

J'entends que le PLFSS ne comprendrait aucune mesure structurelle. Or l'article 39 propose d'améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles et de lutter contre leur sous-déclaration.

Avis défavorable.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - On a diminué la cotisation AT-MP, mais pas parce qu'on escomptait des effets positifs à la suite de la réforme de 2023. En fait, on va chercher dans la branche excédentaire ; or elle ne l'est plus. Il faut rétablir le taux de cotisation, et revenir sur cette baisse qui était totalement opportuniste.

Il en va toujours ainsi ! Je pense aux allègements de cotisation. Quand on veut arrêter les cadeaux, on nous rétorque : vous augmentez les impôts. Non !

Les amendements identiques nos1037 et 1225 ne sont pas adoptés.

L'article 51 est adopté.

Article 52

M. le président.  - Amendement n°1036 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Là encore, le constat est insincère. Il n'est pas fait mention dans l'annexe du PLFSS d'une compensation à venir de la sous-compensation ayant affecté la branche vieillesse. Cette sous-compensation a durement impacté tant la branche maladie que la branche vieillesse.

Près de la moitié du déficit actuel de la branche vieillesse est dû à la sous-compensation, et presque l'intégralité si on ajoute le coût annuel de la non-compensation de la désocialisation des heures supplémentaires votée en 2019.

M. le président.  - Amendement identique n°1226 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - L'objectif de dépenses de la branche vieillesse repose sur le gel des pensions pour 2026 et la sous-indexation des pensions. Vous prenez aux retraités ce que vous ne voulez pas prendre aux entreprises et aux actionnaires.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Cet article, qui fixe l'objectif de dépenses de la branche vieillesse, est obligatoire. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Cet article est également obligatoire.

Vous souhaitez inclure une compensation de la sous-compensation supposée de la branche, or une fraction de TVA est déjà affectée, pour solde de tout compte et non à l'euro près. La branche vieillesse verra son solde amélioré de plus de 3,9 milliards d'euros. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos1036 et 1226 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°1878 du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Cet amendement technique tient compte de l'impact des amendements adoptés par le Sénat sur l'objectif de dépenses de la branche vieillesse. L'objectif est rectifié de 0,6 milliard d'euros de dépenses supplémentaires.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Avis favorable sur cette correction, après le vote par le Sénat de l'article 44.

L'amendement n°1878 est adopté.

L'article 52, modifié, est adopté.

Article 53

M. le président.  - Amendement n°1035 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains) Mes chers collègues, voilà qui est un peu pénible...

Monsieur le ministre, votre objectif tenait compte du décalage de 14 à 18 ans de la majoration pour âge des allocations familiales. Nous avons bien fait de l'annuler. Ensuite, après les annonces du Premier ministre sur le gel des prestations, on ne sait finalement plus trop quoi penser...

Mes chers collègues, votre attitude m'a démotivée, je m'arrête là.

M. le président.  - Amendement identique n°1227 de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

Mme Silvana Silvani.  - L'objectif de dépenses de la branche famille est bien en deçà des besoins. Il faut revaloriser les métiers de la petite enfance. Le gel des prestations familiales et le fait de repousser le congé de naissance sont autant de reculs.

Le projet d'année blanche de 2026 réduira le pouvoir d'achat. À d'autres moments, vous y êtes pourtant très sensibles.

Par son effet largement régressif, ce budget attaque délibérément les ménages modestes et vulnérables, ainsi que leurs enfants. Je rappelle que 650 000 personnes supplémentaires ont basculé dans la pauvreté en 2023, à cause d'un décalage d'indexation sur l'inflation.

Nous proposons la suppression de cet article, obligatoire, certes, mais nous faisons comme la commission sur l'article 49.

M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche famille.  - Avis évidemment défavorable. Voter ces amendements, ce serait la négation même de ce budget. Seule l'insincérité pourrait le justifier.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - C'est un article obligatoire : avis défavorable.

Les amendements identiques nos1035 et 1227 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°1879 du Gouvernement.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Amendement technique, qui modifie l'objectif de dépenses de la branche famille pour tenir compte de la majoration pour âge.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Avis favorable à cette actualisation.

L'amendement n°1879 est adopté.

L'article 53, modifié, est adopté.

Article 54

Mme Corinne Féret .  - L'Ondam autonomie est prévu à 43,5 milliards, en hausse de 3,5 %. C'est bien trop peu pour financer l'accroissement de l'offre médico-sociale et faire face aux enjeux démographiques. Le déficit se creuserait à 1,7 milliard d'euros, illustrant le manque de volonté politique du Gouvernement face aux problématiques du grand âge et du handicap.

La branche autonomie doit impérativement se voir affecter de nouvelles ressources, compte tenu du vieillissement de la population. D'ici à 2030, le nombre des 75-84 ans va bondir de près de 50 % ! Dans le champ du handicap également, les besoins sont croissants, du fait de l'amélioration de la reconnaissance des handicaps et des réponses médico-sociales. Vingt ans après, tenons les engagements de la loi de 2005 !

Les besoins pour l'autonomie sont estimés entre 9 et 10 milliards d'euros. Or les décisions sont sans cesse repoussées, à l'instar de la loi Grand âge maintes fois annoncée.

M. le président.  - Amendement n°1034 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - En général, quand je prends la parole, c'est plutôt bon enfant. Mais, hier, on a sous-entendu que je déposerais des amendements histoire de parler. De même que Jean Ferrat ne chantait pas pour passer le temps, je n'interviens pas pour passer le temps, mais pour défendre notre projet, ce qui est normal. En conséquence, mon amendement est défendu. (On s'en félicite à droite ; applaudissements à gauche ; M. Olivier Henno applaudit également.)

M. le président.  - Amendement identique n°1228 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - La hausse du budget de la branche autonomie est faible, ce qui montre le peu d'ambition du Gouvernement pour le grand âge. Pourtant, les plus de 65 ans représentent déjà plus d'un cinquième des Français ; ils seront un tiers en 2050. La loi Grand âge est sans cesse repoussée, au grand dam des acteurs du secteur. Il est urgent de créer les emplois et les places indispensables pour faire face aux évolutions démographiques.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche autonomie.  - La branche autonomie n'est pas épargnée par le contexte budgétaire. La progression de l'objectif de dépense est deux fois moindre qu'en 2024 et 2025. Je regrette le manque de mesures nouvelles et surtout qu'aucun fonds d'urgence ne soit prévu pour soutenir les structures en difficulté. Le déficit de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) freine très clairement l'ambition de la branche autonomie.

Cet article est obligatoire, et je doute que sa suppression ait un quelconque effet sur les décisions politiques à venir. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Les dépenses de la branche autonomie augmentent de 3,5 %. Si vous supprimez l'article, vous supprimez notamment 300 millions d'euros supplémentaires pour les départements. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos1034 et 1228 ne sont pas adoptés.

L'article 54 est adopté.

Seconde délibération

M. le président.  - La commission demande une seconde délibération sur l'article 21.

En application de l'article 47 bis 1 A, alinéa 1, du règlement, la seconde délibération est de droit lorsqu'elle est demandée par le Gouvernement ou la commission des affaires sociales.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales.  - Je sollicite une courte suspension de séance pour permettre à la commission de se réunir.

M. le président.  - Conformément à l'article 43, alinéa 5, du règlement, « lorsqu'il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui présente un nouveau rapport ». La commission va donc se réunir pour présenter un rapport.

La séance, suspendue à 0 h 55, reprend à 1 h 10.

M. le président.  - Nous allons procéder à la seconde délibération sur l'article 21.

Mme la présidente.  - Amendement A-1 de Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Cet amendement porte sur les centres de soins non programmés.

Nous proposons que le projet de soins non programmés soit agréé et non validé par l'ARS et l'organisme gestionnaire de régime de base d'assurance maladie territorialement compétent. Les conditions d'application de l'article, s'agissant notamment de la définition de l'activité, de la fixation du cahier des charges et de l'agrément du projet, seront déterminées par décret en Conseil d'État.

La rédaction proposée a fait consensus l'année dernière en commission mixte paritaire, mais a été invalidée par le Conseil constitutionnel faute de lien suffisant avec le budget de la sécurité sociale.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°A-1 est adopté.

L'article 21, modifié, est adopté.

La troisième partie, modifiée, est adoptée.

M. le président.  - En application de l'article 47 bis-1 A, alinéa 4, du règlement, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une coordination des articles liminaire, 14 et 17. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de coordination ?

Mme Corinne Imbert.  - Avis favorable.

Le renvoi à la commission pour coordination est décidé.

Article liminaire (Pour coordination)

M. le président.  - Amendement COORD-2 du Gouvernement.

Article 14 (Pour coordination)

M. le président.  - Amendement COORD-3 du Gouvernement.

Article 17 (Annexe) (Supprimé) (Pour coordination)

M. le président.  - Amendement COORD-4 du Gouvernement.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Les modifications de ces trois articles visent à tenir compte des votes intervenus dans votre assemblée.

En ce qui concerne l'article liminaire, la dépense pour 2025 est ajustée à la baisse en raison d'une baisse des prévisions de dépenses l'Agirc-Arcco. Le solde 2026 est revu légèrement à la hausse en raison d'une hausse des dépenses inférieure à celle des recettes alors qu'une mesure de transfert importante a été adoptée par les deux assemblées sur la compensation par l'État des heures supplémentaires, pour 2,5 milliards d'euros.

Les articles 14 et 17 doivent être corrigés pour tenir compte de quatre ajustements opérés en troisième partie : l'annulation de la suspension de la réforme des retraites améliore le solde de 200 millions d'euros en 2026 et 800 millions en 2029 ; le rétablissement du gel des pensions supérieures à 1 400 euros permet une économie supplémentaire de 2,1 milliards d'euros en 2026 et 2,3 milliards en 2029 ; le maintien à 14 ans de la majoration des prestations familiales conduit à une dégradation du solde de 200 millions d'euros en 2026 et 1,2 milliard en 2027 ; l'anticipation au 1er janvier 2027 de l'entrée en vigueur du congé de parentalité entraîne un coût supplémentaire.

Par ailleurs, l'amendement n°1843 adopté par le Sénat pour accroître de douze heures la durée du travail n'entraînerait pas une hausse mécanique du temps de travail effectif de tous les salariés dès 2026. En effet, la plupart des contrats prévoient une durée de travail spécifique ou des forfaits jours et ne s'ajustent donc pas en fonction de la durée légale.

En définitive, le solde des régimes de base de la sécurité sociale en 2026 tel qu'il résulte de vos débats s'élève à 17,6 milliards d'euros, un niveau très proche des 17,5 milliards inscrits dans le texte initial du Gouvernement, mais supérieur à celui proposé par la commission. L'écart s'explique par le fait nous ne tenons pas compte du souhait de votre assemblée manifesté à l'article 12 de transférer à la sécurité sociale les 3 milliards d'euros d'économies réalisées sur les allègements généraux : ce débat relève du PLF et ne peut être anticipé.

Le déficit de l'année 2029, figurant à l'article 17, serait de 22,2 milliards d'euros, contre 17,9 milliards dans le texte initial du Gouvernement. Cette dégradation s'explique essentiellement par l'abandon de la sous-indexation à partir de 2027.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales.  - Ces amendements de coordination n'ont pas pu être examinés en commission. Avis favorable à titre personnel.

L'article liminaire prévoyait initialement un très léger excédent des organismes de sécurité sociale, de 0,1 point de PIB. Vous annoncez désormais 0,2 point de PIB, soit une différence de 6,8 milliards d'euros.

Sur l'article 14, les propositions de la commission correspondaient à un déficit de 15 milliards d'euros en 2026. Mais cela suppose que l'article 40 du PLF annule le transfert de la sécurité sociale vers l'État des 3 milliards d'euros venant de la réforme des allégements généraux. Compte tenu de leur nature très aléatoire, ces 3 milliards d'euros ne peuvent être inclus dans le tableau d'équilibre du PLFSS. Les propositions de la commission correspondent donc en réalité à un déficit de 18 milliards d'euros. J'ai cette marotte : je veux récupérer ces 3 milliards d'euros ! Madame la ministre, je sais que c'est votre cas aussi. Mais ce n'est pas le cas de tous les ministres.

Pour mémoire, le texte initial prévoyait un déficit de 17,5 milliards d'euros. À la sortie de l'Assemblée nationale, le déficit était à 23,5 milliards d'euros. Au Sénat, avant même les mesures sur les dépenses, le déficit était déjà repassé à 17,5 milliards d'euros, en raison de l'adoption de deux amendements : celui de Mme Le Houerou, sur les compléments de salaires, pour 400 millions d'euros et celui d'Olivier Henno, sur les douze heures le temps de travail, pour 2 milliards d'euros, selon le Gouvernement.

Les mesures adoptées par le Sénat sur la partie dépenses améliorent le solde d'environ 2 milliards d'euros. Le déficit global devrait donc être de 15,5 milliards d'euros. Pourtant, l'amendement du Gouvernement affiche un déficit à 17,6 milliards d'euros... En effet, alors que le Gouvernement avait initialement chiffré l'amendement de M. Henno à 2 milliards d'euros, il considère désormais qu'il aurait un rendement à peu près nul. En quelques jours, on a perdu gros ! (Sourires)

Je vous propose de prendre acte de ce chiffrage.

Sur le rapport annexé, le déficit de 2029 passerait de 17,9 milliards d'euros à 22,2 milliards d'euros, car la sous-indexation des prestations n'a été rétablie que pour 2026 et pas pour les années suivantes.

Je vous propose, là encore, de prendre acte de ce chiffrage.

L'amendement n°COORD-2 est adopté, de même que les amendements nosCOORD-3 et COORD-4.

M. le président.  - Les explications de vote sur ce texte auront lieu le mercredi 26 novembre, à 16 h 30.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Lors du scrutin public n°59, je souhaitais voter pour.

Acte en est donné.

M. Alain Milon, vice-président de la commission.  - Permettez-moi de dire quelques mots de nos conditions de travail. Nous avons reçu les documents relatifs au PLFSS dans la nuit du mercredi 12 au jeudi 13 novembre, pour une présentation en commission le samedi. C'est la première fois que nous avons un temps aussi réduit pour examiner un PLFSS - 700 milliards d'euros en quatre jours ! Nous avons ensuite examiné les 1 500 amendements déposés, avant le début de la séance le mercredi suivant.

Depuis le mercredi 19 novembre jusqu'à ce soir, nous avons travaillé jour et nuit, y compris le week-end. Je salue ce travail remarquable. Je remercie aussi les ministres, tous très sympathiques, et leurs équipes. Merci aux rapporteurs. Nos équipes sont des Rolls-Royce. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Je suis un tout jeune ministre : c'était mon baptême du feu au Sénat. Je vous remercie pour ces débats denses, respectueux, complets, qui se sont déroulés dans un très bon esprit.

J'espère que nous pourrons converger à partir de ce travail parlementaire de qualité et que nous parviendrons à donner un budget à la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, et du RDSE)

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Merci. Nous avons pu exprimer nos désaccords souvent, nos accords parfois. J'espère que d'ici à la nouvelle lecture les seconds seront plus nombreux que les premiers. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que du RDSE)

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 26 novembre 2025, à 15 heures.

La séance est levée à 1 h 25.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 26 novembre 2025

Séance publique

À 15 heures et à 16 h 30

Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente,

1Questions d'actualité

2. Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, transmis en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, pour 2026 (n°122, 2025-2026)

3. Débat sur l'avenir de la filière automobile (demande du groupe Les Républicains)