Loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française (Journal officiel du 8 décembre 2007 ).
Déposé sur le Bureau du Sénat , le projet de loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française ( urgence déclarée ) vise à remédier à la crise politique prolongée que traverse la Polynésie française depuis mai 2004 (quatre motions de censure adoptées et cinq gouvernements en trois ans et demi) à la suite de l'adoption de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, qui avait doté cette collectivité d'institutions et de compétences tenant compte de ses « intérêts propres » au sein de la République, conformément à l'article 74 de la Constitution. Alors que la Polynésie française dispose d'un statut "sur mesure", selon les modalités définies par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, cette instabilité prolongée porte atteinte au crédit des institutions auprès de l'opinion publique et fragilise le développement économique de la Polynésie française.
Le projet de loi organique tente tout d'abord de renforcer la stabilité en modifiant les modalités d'élection et de remplacement du président de la Polynésie française, en réformant le mode de scrutin pour l'élection des représentants à l'assemblée de la Polynésie française et l'élection du président de l'assemblée tout en prévoyant la mise en cause de la responsabilité du gouvernement et la dissolution de l'assemblée. En outre, il promeut les outils d'une plus grande transparence de la vie politique polynésienne en actualisant le régime de consultation de l'assemblée, en affirmant les grands principes de la commande publique, en associant le conseil des ministres et l'assemblée aux décisions relatives à l'attribution d'aides financières et en alignant le régime des incompatibilités sur celui des parlementaires. Enfin, il améliore le contrôle financier et budgétaire en instaurant un débat d'orientation budgétaire et en améliorant le contrôle de la légalité des actes des institutions polynésiennes. Il prévoit enfin le renouvellement anticipé des membres de l'assemblée de la Polynésie française avant les élections municipales 1 ( * ) .
Il est complété par un projet de loi ordinaire comportant essentiellement des dispositions de droit électoral.
Première lecture.
Le projet de loi a été examiné en première lecture par le Sénat le 12 novembre 2007 et a donné lieu à l'adoption de 41 amendements sur les 65 déposés.
Au cours de la discussion générale commune avec celle du projet de loi ordinaire sont intervenus, outre MM. Christian Estrosi, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, et Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois, MM. Bernard Frimat, Gaston Flosse, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Dominique Voynet et M. Laurent Béteille.
Lors de l' examen des articles , le Sénat a introduit les principales modifications suivantes, pour l'essentiel à l'initiative de la commission des lois :
À l' article 1 er (Élection et modalités d'intérim et de remplacement du président de la Polynésie française en cas d'empêchement), le Sénat a 2 ( * ) :
- modifié le mode d'élection du président de la Polynésie française pour prévoir que seuls les deux candidats arrivés en tête au deuxième tour pourront accéder au troisième tour désormais prévu par le projet de loi, le président étant alors élu à la majorité des suffrages exprimés ;
- limité à quinze le nombre de membres du gouvernement.
À l' article 3 (Mode d'élection et inéligibilités des représentants à l'assemblée de la Polynésie française), le Sénat a fixé un seuil de 5 % des suffrages exprimés pour l'accès à la répartition des sièges et la fusion des listes et un seuil de 12,5 % des suffrages exprimés pour l'accès des listes au second tour de l'élection afin de garantir la constitution d'une majorité stable.
À l' article 5 (Motion de défiance constructive et motion de renvoi budgétaire), le Sénat a :
- exigé non plus le cinquième mais le tiers des représentants à l'assemblée pour le dépôt d'une motion de défiance constructive et limité à deux le nombre de motions de défiance pouvant être déposées par représentant par année civile ;
- prévu, avant l'utilisation du « 49-3 budgétaire », une seconde discussion sur la base d'un projet de budget modifié.
À l' article 10 (Association de l'assemblée de la Polynésie française à certaines attributions du conseil des ministres), le Sénat, à l'initiative de la commission, sous-amendée par le Gouvernement, a prévu le rétablissement de la compétence exclusive du conseil des ministres de la Polynésie française pour l'attribution des aides financières de ce territoire à toute personne morale, le président s'en trouvant dessaisi.
Par ailleurs, il a créé au sein de l'assemblée une commission de contrôle budgétaire et financier chargée d'examiner les projets de décision relatifs à l'attribution d'aides financières de la collectivité, à la participation de la Polynésie française au capital de certaines sociétés, aux opérations d'acquisition, de cession ou de transfert de biens immobiliers de la Polynésie française et à la nomination des directeurs d'établissements publics de la collectivité.
À l' article 12 (Délais de réalisation et de transmission au haut-commissaire du compte-rendu intégral des séances de l'assemblée), le Sénat a précisé les conditions d'utilisation des langues tahitienne et polynésiennes lors des débats à l'assemblée (avis de sagesse du Gouvernement).
Il a en outre inséré un article 14 ter tendant à soumettre les conventions passées entre l'État et la collectivité à l'approbation de l'assemblée de la Polynésie française.
À l' article 15 (Création d'un débat d'orientation budgétaire et consécration du principe de sincérité), le Sénat a prévu le dépôt par la commission de contrôle budgétaire et financier d'un rapport annuel devant faire l'objet d'un débat à l'assemblée de la Polynésie française.
À l' article 18 (Contrôle des actes budgétaires et exécution du budget de la Polynésie française) le Sénat a autorisé l'assemblée de la Polynésie française à saisir la chambre territoriale des comptes pour vérification de la gestion de tous les établissements recevant une aide financière.
Le Sénat a apporté au projet de loi organique les autres modifications suivantes :
À l' article 1 er , le Sénat a scindé en deux étapes le constat d'empêchement du président, le constat d'empêchement provisoire demeurant de la compétence du conseil des ministres, le constat d'empêchement définitif étant confié à une commission indépendante, sous le contrôle juridictionnel du Conseil d'État (précision apportée par le Gouvernement).
À l' article 2 (Cessation des fonctions gouvernementales exercées par des membres de l'assemblée de la Polynésie française), le Sénat a ramené de six à trois mois la durée pendant laquelle le président de la Polynésie française et les ministres continuent de percevoir leurs indemnités après la cessation de leurs fonctions.
À l' article 4 (Élection du président de l'assemblée de la Polynésie française), le Sénat a prévu l'élection du président de l'assemblée de la Polynésie française pour la durée de son mandat et le renouvellement annuel des membres du bureau.
Le Sénat a ensuite inséré :
- un article 6 bis tendant à permettre au haut-commissaire de la République d'exercer, sous des conditions strictement définies, des pouvoirs exceptionnels afin, notamment, de rétablir le fonctionnement normal des institutions et des services publics ou d'assurer la sécurité de la population ;
- un article 7 A tendant à clarifier l'applicabilité à la Polynésie française des lois ayant institué le Défenseur des enfants, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et le Contrôleur général des lieux de privation des libertés ;
- un article 7 bis tendant à conforter la position institutionnelle des communes, en confirmant notamment que les autorités de la Polynésie française ne peuvent exercer de tutelle sur les communes et que les lois du pays doivent s'appliquer pour les concours financiers ;
- un article 7 ter tendant à prendre en compte deux réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel s'agissant des lois du pays ;
- un article 9 bis tendant à préciser les attributions du président de la Polynésie française et des ministres en matière d'actes individuels.
À l' article 11 (Incompatibilités), le Sénat a complété les garanties liées à l'exercice du mandat de représentant à l'assemblée de la Polynésie française.
Le Sénat a ensuite inséré :
- un article 11 bis, afin de faire figurer le régime des sessions de l'assemblée dans le règlement intérieur et non dans une délibération de l'assemblée prise en début de mandat ;
- un article 11 ter, sur la proposition de M. Gaston Flosse, prévoyant l'approbation du règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française à la majorité absolue de ses membres ;
- un article 11 quater, tendant à permettre à l'assemblée de la Polynésie française de fixer les conditions d'exercice du mandat de ses membres.
À l' article 13 (Régime des questions orales et des questions écrites à l'assemblée de la Polynésie française), le Sénat a précisé qu'au moins deux séances par mois seraient réservées aux questions.
Le Sénat a ensuite inséré :
- un article 13 bis, afin de préciser le domaine des lois du pays, en s'alignant sur l'article 34 de la Constitution ;
- un article 13 ter, afin de permettre à un membre du conseil économique, social et culturel d'exposer devant l'assemblée l'avis que le conseil est appelé à rendre sur les lois du pays relevant de ses compétences ;
- un article 14 bis, sur la proposition de M. Gaston Flosse, sous-amendée par la commission, tendant à prévoir les modalités de désignation du président et des membres du haut-conseil de la Polynésie française, nommés par arrêté en conseil des ministres pour une durée de six ans renouvelable une fois ;
- un article 14 quater, sur la proposition de M. Gaston Flosse, tendant à prévoir la compétence du Conseil d'État en premier et dernier ressort s'agissant d'actes relatifs à la nomination ou à la fin de fonctions des membres des institutions de la Polynésie française ou de litiges relatifs à la répartition des compétences (sagesse de la commission et du Gouvernement).
À l' article 15 (Création d'un débat d'orientation budgétaire et consécration du principe de sincérité), le Sénat a précisé que les lois du pays peuvent faire l'objet d'un recours des citoyens « à compter de la publication de leur acte de promulgation ».
À l' article 17 (Diverses dispositions relatives au contrôle juridictionnel, financier et budgétaire), le Sénat a confié à la commission de contrôle budgétaire et financier le contrôle des actes des sociétés d'économie mixte.
À l' article 18 (Contrôle des actes budgétaires et exécution du budget de la Polynésie française), le Sénat, à l'initiative du Gouvernement, a précisé que le seuil à partir duquel s'ouvre la procédure serait fixé par décret plutôt que par arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française.
À l' article 20 (Nouvelles élections et modalités d'entrée en vigueur de certaines dispositions), le Sénat :
- a rétabli le rythme normal des élections après les élections anticipées à l'assemblée de la Polynésie française ;
- à l'initiative de M. Gaston Flosse, a réduit de six à un mois avant la date des élections le délai dans lequel les fonctionnaires doivent démissionner de leurs fonctions pour être éligibles, le renouvellement étant imprévu.
Le Sénat a en outre adopté cinq amendements rédactionnels, de précision ou de coordination.
Le Sénat a adopté sans modification les articles 6 (Renouvellement anticipé de l'assemblée de la Polynésie française), 7 (Actualisation des modalités de consultation de la Polynésie française), 8 (Régime des aides économiques de la Polynésie française aux sociétés d'économie mixte), 9 Réglementation de la commande publique), 14 (Consultation des électeurs de la Polynésie française) et 19 (Incompatibilité entre les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire et la qualité de membre du gouvernement de la Polynésie française).
Après avoir entendu les explications de vote de MM. José Balarello, Nicolas About, Mme Catherine Tasca, MM. Bernard Frimat, Gaston Flosse et Gilbert Barbier, le Sénat a adopté le projet de loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.
Le projet de loi a ensuite été examiné le 22 novembre 2007 par l' Assemblée nationale . Les députés ont entériné le seuil de 12,5 % des suffrages exprimés pour participer au deuxième tour de l'élection territoriale, de même que celui de 5 % permettant de fusionner et de se voir attribuer des sièges. En revanche, ils ont confié au Conseil d'État la constatation de l'empêchement définitif du président polynésien, fixé au quart (et non au tiers) des élus de l'assemblée territoriale le nombre minimal de signataires exigé pour le dépôt d'une motion de défiance constructive et fait du français la seule langue de travail à l'assemblée.
Deuxième lecture.
Après avoir entendu, après M. Christian Estrosi, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, MM. Bernard Frimat, Christian Cointat et Robert del Picchia, le Sénat a adopté sans modification le 29 novembre 2007, par le scrutin public de droit n° 43, le projet de loi organique, le rendant définitif .
Conseil constitutionnel.
Saisi le 29 novembre 2007, en application de l'article 61, alinéa 1, de la Constitution, par le Premier ministre de la loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française, le Conseil constitutionnel, après avoir validé le nouveau régime électoral de l'assemblée de la Polynésie française et son application dès les élections anticipées de début 2008, a déclaré contraire à la Constitution la possibilité pour les seuls représentants à l'assemblée de la Polynésie d'assortir un recours en annulation devant le tribunal administratif contre un acte de la Polynésie autre qu'une « loi du pays » d'une demande de suspension sans avoir à justifier d'une « condition d'urgence » ( article 32 ).
En outre, le Conseil a précisé que si « à la demande du président de l'Assemblée nationale ou du président du Sénat, le haut-commissaire est tenu de consulter l'assemblée de la Polynésie française sur les propositions de loi » qui comportent des dispositions particulières à la Polynésie ( article 9 ), ceci ne saurait avoir pour effet de « permettre au président de l'Assemblée nationale ou du Sénat d'enjoindre au haut-commissaire (...) de déclarer l'urgence (...) pour réduire le délai de consultation d'un mois à quinze jours ».
Il a également précisé que le concours financier pouvant être apporté par la Polynésie française aux communes ( article 11 ) devait reposer sur des critères d'attribution « objectifs et rationnels » et ne pouvait avoir pour effet « d'instaurer une tutelle de la Polynésie française sur les communes ».
Enfin, il a précisé que seule une loi, et non une ordonnance, pouvait procéder à la ratification d'un décret tendant à l'approbation totale ou partielle d'une « loi du pays » intervenant dans une matière où la Polynésie est autorisée à participer à l'exercice des compétences de l'État (article 32 de la loi du 27 février 2004).