Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 106 de MM. Jean-Pierre MICHEL , Michel BILLOUT et René BEAUMONT , - 31 janvier 2013
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I. UNE DÉMOCRATIE À CONSTRUIRE
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II. QUELLE PRÉSENCE
INTERNATIONALE ?
Groupe interparlementaire d'amitié
France - Balkans occidentaux
BOSNIE-HERZÉGOVINE : S'INVENTER UN DESTIN EUROPÉEN |
Compte rendu
du déplacement effectué par une délégation du groupe
en Bosnie-Herzégovine
du 23 au 27 septembre 2012
La délégation était composée de :
M. Jean-Pierre MICHEL, Président
M. Michel BILLOUT, Président délégué pour la Bosnie-Herzégovine
M. René BEAUMONT, Vice-président
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N° GA 106 - Janvier 2013
Superficie : 51 209 km² Population ( estimation 2007 ) : 3,9 millions d'habitants, non compris les réfugiés à l'étranger (chiffres du dernier recensement en 1991 : 4,4 millions) Capitale : Sarajevo, 400 000 habitants environ (526 000 en 1991) Villes principales : Banja Luka (195 000 hab.), Zenica (146 000 hab.), Tuzla (132 000 hab.), Mostar (126 000 hab.), Prijedor (112 000 hab.). Langues officielles : bosniaque, croate et serbe
Monnaie
: mark convertible (KM ou BAM)
introduit en juin 1998
Indice de développement humain
(classement ONU 2011) : 0,733
PIB ( 2010 ) : 17,78 millions de dollars PIB par habitant ( 2010 ) : 8 641 dollars Taux de croissance ( 2010 ) : + 1% (- 3,2 % en 2009, + 5,4 % en 2008) Taux de chômage : entre 40 et 45 %
Taux d'inflation
(
2010
) :
1,5 %
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Le groupe interparlementaire France - Balkans occidentaux a désigné trois de ses membres, MM. Jean-Pierre Michel, président, Michel Billout, président délégué pour la Bosnie-Herzégovine et René Beaumont, vice-président du groupe, pour effectuer un déplacement en Bosnie-Herzégovine du 23 au 27 septembre 2012.
L'objectif de ce déplacement était d'effectuer un tour d'horizon de l'actualité de ce pays en s'attardant notamment sur le problème de la réforme de la Constitution et la prise en compte de l'arrêt Sejdic et Finci de la Cour européenne des droits de l'Homme. La délégation souhaitait également évaluer l'action des autorités locales afin de répondre aux objectifs dits « 5+2 » établis par la communauté internationale en vue de permettre la fermeture du Bureau du Haut représentant des Nations unies en Bosnie-Herzégovine. La délégation entendait, en outre, aborder le rôle sur place des organisations internationales, et en particulier celui de l'Union européenne.
Des entretiens avec les responsables politiques locaux ont été privilégiés, à Sarajevo mais aussi à Banja Luka et Mostar. La délégation a également accordé un intérêt tout particulier aux représentants de la société civile. La question religieuse a, par ailleurs, retenu toute son attention.
La délégation tient à exprimer sa sincère reconnaissance à Son Exc. M. Roland Gilles, ambassadeur de France en Bosnie-Herzégovine, ainsi qu'à MM. François Legué, premier conseiller, et Rémy Queney, premier secrétaire, pour la qualité de leur accueil et l'aide qui lui a été apportée pour l'organisation de la mission.
Répondant au souhait de leurs présidents de conférer une dimension régionale aux problématiques abordées isolément par les groupes interparlementaires France-Bosnie Herzégovine, France-République de Macédoine et France-Serbie et Monténégro, le Bureau du Sénat a autorisé le 19 décembre 2007 la fusion de ceux-ci au sein d'une nouvelle entité France-Balkans Occidentaux. Sa composition est actuellement la suivante : Président : - M. Jean-Pierre Michel (Soc - Haute-Saône) Présidents délégués : - Bosnie-Herzégovine : M. Michel Billout (CRC - Seine-et-Marne) - Macédoine : M. François Rebsamen (Soc - Côte d'Or) - Monténégro : M. François Pillet (ratt. UMP - Cher) - Serbie : M. Roland Ries (Soc - Bas-Rhin) Vice-Présidents : - Mme Leila Aïchi (Ecolo - Paris) - M. René Beaumont (UMP - Saône-et-Loire) - Mme Marie-Thérèse Bruguière (app. UMP - Hérault) - Mme Sylvie Goy-Chavent (UDI-UC - Ain) - M. Jean-Yves Leconte (SOC - Français établis hors de France) - M. Jean-Claude Requier (RDSE - Lot) Membres : - Mme Michèle André (Soc - Puy-de-Dôme) - M. Bertrand Auban (Soc - Haute-Garonne) - M. Jean-Marie Bockel (UDI-UC - Haut-Rhin) - M. François Fortassin (RDSE - Hautes-Pyrénées) - M. Jean-Claude Frécon (Soc - Loire) - M. Patrice Gélard (UMP - Seine-Maritime) - M. Jean-François Humbert (UMP - Doubs) - M. Yves Krattinger (Soc - Haute-Saône) - M. Rachel Mazuir (Soc - Ain)
- Mme Colette Mélot (UMP -
Seine-et-Marne)
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I. UNE DÉMOCRATIE À CONSTRUIRE
A. LA QUESTION CONSTITUTIONNELLE
1. L'impossible unité de l'État bosnien
a) Un État central en quête de compétences
La Constitution bosnienne est inscrite à l'annexe 4 des accords de paix de Dayton-Paris (1995). Sa rédaction était motivée par la volonté d'arriver à un accord entre les parties et de mettre fin au conflit sanglant qui déchirait alors le pays depuis quatre ans. Il s'agit de fait d'un texte de compromis destiné à permettre aux communautés de coexister pacifiquement. Aujourd'hui, force est de constater qu'il n'a pas permis à lui seul l'émergence d'un « vouloir-vivre » ensemble.
Aux termes de la Loi fondamentale, la Bosnie-Herzégovine est ainsi divisée en deux entités dont les frontières découlent des positions des belligérants au moment de la signature des accords de paix : serbes d'un côté et croato-bosniaques de l'autre. À la Republika Srpska qui regroupe les Bosno-serbes, de confession orthodoxe, répond la Fédération de Bosnie-Herzégovine, qui rassemble Bosniaques, en majorité musulmans, et Bosno-croates, traditionnellement catholiques. Cette Fédération est divisée en dix cantons, afin de garantir une représentation à la minorité croate.
L'annexe 4 met en place un État central au-dessus de ces deux entités. Ses compétences sont cependant limitées aux domaines régaliens : politique étrangère, commerce extérieur, politique douanière, politique monétaire, financement des institutions, politique de l'immigration (réfugiés et droit d'asile), droit international, droit pénal entre les entités, transports. Elles se sont néanmoins étendues avec le temps. L'interprétation d'une disposition constitutionnelle lui reconnaissant le droit d'intervenir afin de préserver la souveraineté, l'intégrité territoriale, l'indépendance politique et la personnalité internationale de la Bosnie-Herzégovine a permis, en effet, à l'État central de créer de nouveaux départements ministériels dans les domaines de la justice et de la défense notamment. Avec l'appui des Nations unies et dans le cadre du Partenariat pour la paix de l'OTAN, le pays a pu unifier les forces armées locales, jusque-là divisées entre les communautés. Par ailleurs, le transfert de la gestion des impôts indirects des entités vers l'État central l'a fait se doter de compétences financières.
L'intérieur, l'éducation, la santé, l'agriculture, la politique sociale, l'urbanisme, les sciences et l'éducation, l'énergie, la culture et le sport relèvent de la compétence exclusive des deux entités. Dans certains domaines, à l'image de la justice, le partage des compétences peut déboucher sur une situation absurde où l'État central, les entités et les dix cantons disposent chacun d'un ministère en la matière. De fait, cinq codes pénaux sont actuellement en vigueur sur le territoire bosnien.
Le pouvoir exécutif est confié à une présidence collégiale tournante, composée de trois membres issus de chacun des « peuples constituants » bosniaque, croate et serbe. Ils sont élus au sein des deux entités pour quatre ans au suffrage universel direct. Le caractère tournant de la présidence amène chacun d'entre eux à exercer réellement ce pouvoir sur deux périodes de huit mois. Un conseil des ministres est adjoint à la présidence.
Le Parlement est, par ailleurs, bicaméral. Les 42 membres de la Chambre des représentants sont élus au suffrage universel par chacune des deux entités, 28 représentants par la Fédération croato-musulmane et 14 représentants par la Republika Srpska . La seconde assemblée, la Chambre des peuples , comprend 15 membres nommés par les assemblées de chaque entité : deux tiers par la Fédération (cinq Bosniaques, cinq Bosno-croates) et un tiers par la Republika Srpska (cinq Bosno-serbes). Ils peuvent y exercer leur droit de veto dès lors que les « intérêts vitaux » de chaque peuple constituant sont menacés.
Un tel régime reste difficile à mettre en oeuvre. Ainsi la notion de « peuple constituant » demeure, somme toute, relative. Le concept fait écho à celui développé par Edvard Kardelj, un des rédacteurs de la Constitution yougoslave de 1974. Il souhaitait privilégier de la sorte la place des 500 000 Monténégrins en Yougoslavie par rapport aux 2 millions d'Albanais. Un tel système revenait à assimiler les Albanais à une minorité nationale.
La notion contenue dans les accords de Dayton est relative puisque le texte insiste sur le fait que ni la langue, ni la religion, ni la nationalité ne déterminent l'appartenance à tel ou tel groupe ethnique. L'appartenance est, de fait, purement déclarative et peut être justifiée par des intérêts politiques ou professionnels. En outre, elle n'est pas définitive. Certaines communes, à l'instar de Kiseljak au sein d'un canton croate, obligent désormais à indiquer l'appartenance ethnique sur l'acte de naissance des nouveau-nés pour éviter des changements d'appartenance ethnique au cours de l'existence.
Par ailleurs, aux yeux de la délégation, s'il est nécessaire de garantir le droit des minorités, l'égalité ainsi mise en oeuvre ne doit pas l'être au détriment du principe démocratique lui-même. La structure démographique de la Bosnie-Herzégovine ne reflète pas une stricte égalité entre les trois peuples. Le prochain recensement est attendu au printemps 2013. On estime néanmoins qu'un peu moins de la moitié de la population bosnienne est d'origine bosniaque, plus du tiers d'origine serbe, les chiffres concernant les Bosno-croates variant entre 10 et 14 % de la population. Le système politique devrait mieux prendre en compte cette répartition et garantir le principe d'équité plus que celui d'une égalité quasi arithmétique.
Les institutions actuelles confèrent une prime à l'appartenance ethnique, comme en témoigne le droit de veto accordé aux représentants de chacun des peuples constitutifs. La notion d'intérêt vital qui lui est attachée mérite, à ce titre, d'être soigneusement précisée, tant la pratique a montré à quel point ce droit a pu nuire au fonctionnement de l'État.
b) Un pouvoir fragmenté entre les deux entités
Le pouvoir est in fine exercé au quotidien par les deux entités, avec plus ou moins d'efficacité au regard notamment de la complexité du système institutionnel au sein de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, croato-bosniaque.
Cette entité a été constituée avant la fin du conflit, au terme des accords de Washington de 1994, conclus entre les Croates de Bosnie-Herzégovine et le gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine, dirigé par des Bosniaques. Ces accords prévoyaient l'actuel système cantonal de la Fédération. Les frontières des dix cantons furent définies par les accords de Dayton un an plus tard. Cinq d'entre eux sont majoritairement peuplés de Bosniaque, trois autres de Bosno-croates. Les deux derniers cantons sont mixtes, ce qui suppose des procédures législatives spéciales pour protéger les groupes ethniques qui les constituent. Chacun des cantons dispose d'un gouvernement et d'un Parlement.
Le pouvoir législatif est exercé au sein de la Fédération par deux chambres dont l'une, la Chambre des peuples, est élue au suffrage universel indirect et composée d'un nombre égal de représentants bosniaques et bosno-croates. Les décisions touchant aux « intérêts vitaux » de l'un des deux peuples constituants y sont adoptées à la majorité des deux composantes.
En dépit de leur regroupement au sein d'une même entité, les difficultés entre Bosniaques et Bosno-croates demeurent récurrentes. Elles sont d'autant plus renforcées que les Bosno-croates se sentent menacés de disparition au sein de la Bosnie-Herzégovine. Estimée à 860 000 personnes avant guerre, la population croate serait désormais ramenée à 460 000 personnes.
Si l'on ajoute les institutions de la Republika Srpska , héritière de la République des Serbes de Bosnie installée à Pale au début du conflit qui, elle, prend la forme d'un État unitaire avec un gouvernement et une assemblée parlementaire, on constate une densité institutionnelle extraordinairement élevée pour une population estimée à moins de quatre millions d'habitants : 5 présidents, 4 vice-présidents, 13 Premiers ministres, environ 150 ministres, 14 assemblées parlementaires et près de 700 représentants.
Une révision du nombre des cantons permettrait de fluidifier un peu plus la prise de décision, très vite paralysée au sein de la Fédération croato-bosniaque. En voulant garantir l'égalité des citoyens, le système actuel aboutit à son propre blocage. De semblables dysfonctionnements se retrouvent également au niveau central, où les représentants des deux entités peinent à trouver un accord en vue d'améliorer le fonctionnement des institutions. Là où la Republika Srpska défend une constitution largement décentralisée, sur le modèle belge, et menace régulièrement de l'organisation d'un referendum d'auto-détermination, les Croato-bosniaques - dont l'unité demeure toute relative - plaident pour un renforcement de l'État central, les Bosno-croates s'attachant néanmoins à garantir à tout prix leur représentation.
En l'absence d'accord entre les entités sur l'avenir institutionnel du pays, il convient de souligner l'interprétation de la Loi fondamentale effectuée par la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine. Celle-ci a ainsi estimé en mai 1998 que la Constitution ne visait pas à préserver la souveraineté des entités, ni n'accordait de droit à l'autodétermination. Le même arrêt insistait sur le fait que les compétences exercées par les entités ne sont en aucun cas la reconnaissance d'une éventuelle qualité d'État. Poursuivant dans le même sens, la Cour a indiqué en janvier 2007 qu'aucun signe, drapeau ou hymne, autre que celui de l'État de Bosnie-Herzégovine, ne saurait être admis publiquement sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Cette décision venait répondre aux demandes formulées par les deux entités en vue de porter des signes particuliers les distinguant de l'État central.
La délégation a constaté qu'il n'existe, malgré tout, à l'heure actuelle aucune ambition commune pour les institutions du pays. Les accords de Dayton , qui devaient mettre un terme à la guerre, ont institutionnalisé des positions antagonistes, conférant à la Bosnie-Herzégovine un régime constitutionnel bancal, sans réelle garantie de fonctionnement à moyen-terme. Dix-sept ans après la signature de ces accords, peu de progrès ont été accomplis en la matière : le système mis en place contribue à maintenir les tensions entre les communautés. Le seul projet commun aux trois « peuples constitutifs » semble être l'intégration à terme du pays au sein de l'Union européenne. Les Vingt-sept conditionnent néanmoins cette adhésion à une révision de la Loi fondamentale, dans la lignée d'un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'Homme il y a trois ans.
2. L'arrêt Sejdiæ et Finci
Le 22 décembre 2009, la Cour européenne des droits de l'Homme a rendu un arrêt dans l'affaire opposant MM. Finci et Sejdiæ à l'État bosnien. Les deux plaignants, respectivement juif et rom, ne font pas partie des trois peuples constituants et appartiennent à la catégorie institutionnelle « autres ». Ils ne peuvent, en conséquence, se présenter aux élections à la présidence collégiale du pays ni être élus à la Chambre des peuples. La Constitution prévoit en effet que ces postes soient réservés aux Bosniaques, aux Bosno-croates et aux Bosno-serbes. Les représentants des 17 minorités officiellement reconnues sont, de jure , exclus de ces scrutins. Par ailleurs, sans appartenir spécifiquement à une minorité, toute personne ne souhaitant pas faire apparaître la catégorie institutionnelle à laquelle elle est supposée appartenir sur sa carte d'identité est également inéligible. Ceux qui se déclarent « Bosnien » sont notamment dans ce cas, alors qu'ils incarnent pourtant le mieux le « vouloir-vivre ensemble ».
Le juge européen a estimé qu'un tel système constituait une violation de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme -interdiction de la discrimination - mais aussi de l'article 3 du Protocole n° 1 de ladite Convention - droit à des élections libres et interdiction de la discrimination en relation avec les autres droits protégés par la Convention et du Protocole n° 12 (interdiction générale de la discrimination).
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, dont la Bosnie-Herzégovine est membre, a adopté en janvier 2010 une résolution invitant les autorités bosniennes à introduire les amendements constitutionnels nécessaires et à réviser la loi électorale afin de tenir compte de cet arrêt. Une commission mixte provisoire réunissant les membres des deux chambres du Parlement a finalement été créée, vingt-deux mois plus tard, en octobre 2011. Son mandat prévoyait qu'elle devait proposer des amendements constitutionnels le 30 novembre suivant et un projet de réforme de la loi électorale à la fin du mois de décembre de la même année. Au terme de dix réunions, destinées notamment à auditionner représentants de la société civile et minorités, la commission a annoncé le 1 er décembre 2011 l'impossibilité d'atteindre un consensus sur les amendements constitutionnels, en ce qui concerne notamment la présidence collégiale du pays. Le cas de la Chambre des peuples pourrait, quant à lui, être plus facilement réglé avec la création de sièges pour les représentants des « Autres » au sein de cette assemblée.
L'exécution de l'arrêt Sejdiæ et Finci semble avoir servi d'alibi à un débat stérile sur les institutions de Dayton, là où la Cour européenne des droits de l'Homme souhaite simplement que tout citoyen puisse être éligible aux élections fédérales. La Cour ne demande pas, en effet, que la catégorie « Autres » soit automatiquement représentée à la Présidence collégiale du pays. Pour la Présidence collégiale, une solution pragmatique pourrait être celle préconisée par les autorités de Republika Sprska et selon laquelle la Présidence collégiale ne peut être composée de deux membres du même groupe de peuples constituants ou des « Autres ». Cette version a minima évite notamment la question sensible du mode de scrutin.
Les représentants de la Republika Sprska souhaitent en effet que le principe de l'élection au suffrage universel direct du membre serbe de la Présidence collégiale soit maintenu. Les membres croate et bosniaque sont, quant à eux, élus par le Parlement de la Fédération croato-musulmane. Les partis bosno-croates (HDZ et HDZ 90) souhaitent désormais que les trois présidents soient élus par le Parlement bosnien, afin de garantir la présence d'un de leurs membres au sein du collège, ce qui n'a pas été le cas lors du dernier scrutin, en octobre 2010. Le membre croate de la présidence, éeljko Komiæ, élu avec plus de 60 % des suffrages au sein de la Fédération croato-musulmane, n'est en effet pas issu des deux formations bosno-croates mais du SDP, qui, en dépit de son ambition multiethnique, demeure fondamentalement une formation bosniaque. Si les partis bosno-croates n'obtenaient pas satisfaction, ils appelleraient à la création d'une troisième entité, purement croate. Une telle solution est, bien évidemment, éloignée des motivations des juges de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Une solution rapide à ce blocage apparaît pourtant indispensable tant la non-conformité de la Constitution avec la Convention européenne des droits de l'Homme pèse sur l'avenir du pays. L'Accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne, ratifié par les États membres, voit son application suspendue tant que « des efforts crédibles » en vue d'exécuter cet arrêt n'ont pas été démontrés. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a, quant à elle, indiqué en janvier 2012, aux termes de la résolution 1855 (2012), qu'elle se réservait le droit d'examiner toute action à l'encontre du pays si la loi fondamentale bosnienne n'était pas amendée rapidement.
Le groupe interparlementaire invite également les autorités bosniennes de se conformer rapidement aux conclusions de cet arrêt en trouvant un compromis, tant la configuration politique actuelle mais aussi la situation du pays à l'égard du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne ne permettent pas d'aboutir à un autre résultat. S'il est évident que l'exécution de l'arrêt doit constituer une première étape en vue d'une vaste réforme constitutionnelle, elle ne saurait être confondue avec celle-ci.
Ce compromis pourrait également anticiper une éventuelle décision de la Cour européenne des droits de l'Homme à venir, suite à une requête déposée par un citoyen bosnien, Ilijas Pilav. Celui-ci conteste également une des conditions d'éligibilité à la présidence collégiale, aux termes de laquelle tout candidat au siège serbe doit être résident en Republika Srpska et tout candidat aux sièges bosniaque et croate doit habiter au sein de la Fédération croato-musulmane.
3. Quelle réforme constitutionnelle ?
a) L'échec des processus institutionnels de réforme
Le processus de Prud, du nom d'un village bosno-croate, a constitué en novembre 2008 une première tentative de négociations sur une réforme de la Constitution bosnienne. Les dirigeants de trois partis sont à l'origine de ce dialogue : Dragan Covic (HDZ croate), Milorad Dodik (SNSD), président de la Republika Srpska , et Sulejman Tihic (SDA bosniaque). Ces rencontres ont débouché sur l'adoption d'un amendement constitutionnel concernant Brèko, cette ville située entre les deux entités au nord du pays, en mars 2009 1 ( * ) . Il s'agit néanmoins de la seule avancée concrète enregistrée. Les déclarations politiques signées à cette occasion n'ont pas eu de prolongement tangible, s'agissant d'une réforme plus poussée des institutions.
Lancé onze mois plus tard à l'initiative de l'Union européenne et des États-Unis, le processus de Butmir, du nom d'une ville de la périphérie de Sarajevo, entendait dépasser le cadre tripartite de Prud et devait permettre d'engager un dialogue sur des propositions concrètes de réforme constitutionnelle. Celles-ci se fondaient notamment sur un avis d'avril 2006 de la Commission pour la démocratie par le droit du Conseil de l'Europe, dite Commission de Venise. Les pistes de travail qu'il contient, communément appelé « paquet d'avril », prévoyaient notamment un partage plus précis des compétences entre l'État et les entités dans de nombreux domaines : fiscalité, processus électoraux, justice, agriculture, sciences et technologies ou environnement.
Les propositions insistaient également sur une réforme profonde des institutions, afin de renforcer le Parlement en modifiant ses structures. Aux termes de ce projet, la Chambre des représentants verrait le nombre de ses membres passer de 42 à 87 et serait chargée de l'activité législative. Trois des sièges seraient attribués à des représentants des « Autres ». La Chambre des peuples disposerait de 21 membres contre 15 actuellement et n'interviendrait que sur des questions relatives à l'« intérêt national fondamental ».
La Présidence collégiale serait également profondément transformée. La Chambre des représentants élirait désormais le Président et les deux vice-présidents, chacun des trois hommes ne pouvant appartenir à la même communauté. Les candidats à ces postes seraient désignés par la Chambre des peuples. Les pouvoirs du Président et des deux vice-présidents seraient, selon cette réforme, réduits au profit du Conseil des ministres, désormais dirigé par un Premier ministre à part entière.
Deux sessions de négociations, organisées le 9 octobre puis les 20 et 21 octobre 2009, n'ont pas permis d'aboutir à un accord sur ce projet, l'ensemble des partis, à l'exception du SDA bosniaque, récusant le texte. Les partis bosno-serbes ont notamment souligné que la réforme proposée conduisait la Bosnie-Herzégovine à devenir un État unitaire et centralisé et apparaissait donc à rebours de la logique autonomiste des autorités de Republika Srpska .
b) La réponse de la société civile
Une centaine d'intellectuels ont pris acte de ces échecs répétés pour lancer un appel, le 25 novembre 2010, aux organisations internationales et aux pays impliqués dans le suivi des accords de Dayton pour la mise en place « d'un État unifié, multiethnique, pérenne, prospère et européen - un État démocratique avec égalité de droits et de statuts pour l'ensemble de ses citoyens, peuples et minorités ».
Le texte considère l'arrêt Sejdiæ et Finci comme un nouvel élément déterminant en vue de lancer une réforme constitutionnelle, les accords de Dayton n'étant pas, selon les signataires de l'appel, conformes aux standards démocratiques internationaux. La Constitution n'est pas considérée comme respectueuse du droit, les intellectuels soulignant à raison qu'il ne s'agit que d'un texte placé en annexe d'un accord international, sans consultation directe ou indirecte des peuples concernés, rédigé en anglais et non traduit. Les institutions qu'il met en place sont jugées uniques, n'ayant aucun rapport avec ce qui a pu être établi dans d'autres États multiethniques. Les entités n'ont, par ailleurs, pas répondu à la logique des accords, puisqu'elles ont failli dans les deux missions qui leur ont été assignées : l'arrestation et le jugement des criminels de guerre et le retour des réfugiés et des personnes déplacées dans leurs foyers.
Militant pour que le texte constitutionnel reconnaisse la présence des minorités nationales sur son territoire et que la Bosnie-Herzégovine adhère expressément aux valeurs universelles et aux principes qui fondent l'Union européenne (élections libres, respect des libertés et des droits des minorités, coopération internationale, économie de marché), l'appel reprend certaines propositions développées à Butmir. La Chambre des représentants doit ainsi exercer le pouvoir législatif, la Chambre des peuples protégeant spécifiquement les intérêts des peuples constituants mais aussi ceux des minorités. Le Président est assisté de trois vice-présidents, le collège représentant les trois communautés et les minorités. Les quatre sont élus pour un mandat de quatre ans au suffrage universel direct.
La Loi fondamentale doit par ailleurs rappeler l'unité du pays, l'État central disposant d'une armée et d'une police. Les communautés religieuses sont séparées de l'État. Le texte insiste en outre sur l'équilibre à trouver entre pouvoirs de l'État central et droit des collectivités locales à la libre administration, l'autonomie des pouvoirs régionaux ne pouvant servir à bloquer l'action de l'État. Les signataires insistent enfin sur l'éducation, la Constitution devant garantir l'absence de ségrégation et la lutte contre l'intolérance dans le système éducatif.
Il convient de relever que cet appel n'a eu, faute d'adhésion politique, qu'un faible écho. La liste des signataires est assez révélatrice du manque d'implication de la jeunesse dans l'avenir du pays. La faiblesse du nombre de diplômés de l'enseignement supérieur - 6 % - au sein de la population explique pour partie ce retrait relatif. Le débat sur la réforme constitutionnelle, la simplification de la carte administrative ou la réflexion sur une véritable citoyenneté bosnienne sont seulement au coeur des travaux d'universitaires expérimentés ayant connu la Bosnie-Herzégovine à l'époque yougoslave.
B. L'IMPOSSIBLE CONSENSUS POLITIQUE
1. Une scène politique encore marquée par les rhétoriques nationalistes
Quinze mois se sont écoulés entre les élections législatives du 3 octobre 2010 et l'obtention d'un accord de gouvernement entre les principales formations politiques, le 28 décembre 2011. Cet accord n'a, in fine , pas tenu plus de six mois. Ces délais extrêmement longs et cette difficulté à parvenir à un consensus politique durable sont assez révélateurs d'une vie politique marquée par le poids des nationalismes.
L'échiquier politique bosnien ne répond pas, en effet, au clivage politique habituel droite - gauche, observé dans la plupart des démocraties. Les principales formations sont avant tout, à une ou deux exceptions près, l'expression des intérêts d'une communauté.
Le gouvernement est actuellement composé de 10 membres issus de six partis (SDA bosniaque, SDP, HDZ et HDZ 90 bosno-croates, SDS et SNSD bosno-serbes) dont un seul, le SDP, se veut officiellement multiethnique, bien que sa composition soit majoritairement bosniaque. Il n'existe finalement aucun espace pour les formations politiques multiethniques, dites civiques, à l'image de Naa tranka (Notre patrie), fondé par le réalisateur Denis Tanovic et composé d'intellectuels, ou du Nouveau parti socialiste (NSP), qui ne disposent d'aucun siège au sein de la Chambre des représentants ou des principales assemblées des deux entités. Seul le Parti du bien-être au travail (NSRZB) créé par quatre frères, Jerko, Jozo, Mladen et Slavo Ivankovic-Lijanovic, tous entrepreneurs, est représenté au niveau central.
Nombres de parlementaires issus des principaux
partis politiques
dans les assemblées bosniennes
Chambre des représentants (42 membres) |
Chambres des représentants de la Fédération (98 membres) |
Assemblée nationale de Republika Srspka (83 membres) |
|
Partis bosniaques |
|||
SDA |
7 |
23 |
2 |
SBiH |
2 |
9 |
- |
SBB |
4 |
13 |
- |
Partis bosno-croates |
|||
HDZ BiH |
3 |
12 |
- |
HDZ 90 |
2 |
5 |
- |
Partis bosno-serbes |
|||
SNSD |
8 |
1 |
37 |
SDS |
4 |
- |
18 |
PDP |
2 |
- |
7 |
Partis multiethniques |
|||
SDP |
8 |
28 |
3 |
NSRZB |
1 |
6 |
- |
La scène politique est marquée par deux types d'affrontements. Le premier renvoie à l'opposition entre les communautés elles-mêmes. L'ouverture en direction des autres peuples n'est souvent pas acceptée au sein de chacune des communautés. A l'occasion du processus de Prud, le leader du SDA, Suleijman Tihic, martyr de la guerre, s'est ainsi vu reprocher à la fois par ses concurrents, par les médias, mais aussi par sa propre base, de céder aux demandes bosno-serbes et de renier son engagement. Sa réélection à la tête du SDA a même paru compromise. Le rejet de l'autre continue donc de jouer à plein, limitant toute velléité de rapprochement durable et toute ambition civique.
Le rôle des religions n'est, à ce titre, pas anodin. La proximité des clergés locaux avec les partis demeure une réalité en Bosnie-Herzégovine. Un projet pour que la note d'enseignement religieux ne compte plus dans la moyenne générale a ainsi dû être retiré, en mai 2011, au sein de la fédération croato-bosniaque sous la pression des dignitaires musulmans, entraînant dans le même temps la démission du ministre de l'éducation.
A l'affrontement politique intercommunautaire s'ajoutent des difficultés au sein même des peuples, aucune unanimité n'existant réellement entre les leaders politiques de chacun d'entre eux. On relèvera ainsi que la crise institutionnelle qui paralyse le pays depuis le printemps dernier a été déclenchée par une opposition entre deux partis à majorité bosniaque, membres de la coalition gouvernementale : le SDA et le SDP. Ce contentieux a ensuite dégénéré, le SNSD serbe remettant en question la légitimité de décision prise par le ministre des affaires étrangères, Zlatko Lagumdzija, par ailleurs président du SDP. Les avancées obtenues par le Gouvernement sur les questions de la répartition des propriétés de la Défense et de l'État ont également été remises en cause, le Président de la Republika Srpska , Milorad Dodik, demandant la destitution de M. Lagumdzija tout en réaffirmant que son entité constituait un véritable État.
Si les formations qui dominent le paysage reflètent avant tout les intérêts de chacune des trois principales communautés, il convient d'ailleurs d'entendre le terme « intérêts » au sens large. Dans un pays avec une telle densité institutionnelle, la politique est, en effet, devenue une rente, la recherche de postes, au sein des gouvernements, des assemblées mais aussi des entreprises publiques apparaissant souvent comme le principal programme politique d'un certain nombre de partis.
2. Les élections municipales du 7 octobre 2012
Le déplacement de la délégation du groupe interparlementaire d'amitié en Bosnie-Herzégovine s'est déroulé à la veille des élections municipales du 7 octobre 2012. Ce scrutin constituait un excellent test pour appréhender la question du nationalisme et la difficulté à faire avancer l'idée d'un véritable vouloir-vivre ensemble.
La ville de Mostar a ainsi constitué un des enjeux de la précampagne avant que le scrutin n'y soit in fine reporté. La Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine avait annulé au préalable les dispositions prises en 2004 par le Haut représentant des Nations unies au sujet de cette ville, symbole de la guerre, et divisée entre communautés bosniaque (environ 40 % de la population locale) et croate (60 % de la population locale). Le système mis en place, complexe, prévoyait jusqu'alors une égale répartition entre les deux, puisqu'aucun peuple constituant (en l'occurrence bosniaque et croate) ne peut disposer de plus de 15 membres au sein d'un conseil municipal qui en comprend 35, des sièges étant réservés aux autres groupes ethniques. La Cour constitutionnelle a estimé qu'une telle disposition était contraire à la Loi fondamentale, puisqu'elle dérogeait au principe « une personne, une voix », et invité à la mise en place d'une circonscription unique. Les Bosniaques ont considéré qu'un tel système serait discriminatoire. Face à cette opposition, la commission électorale a préféré annuler l'élection.
La campagne a été fortement marquée par le discours identitaire, le SNSD serbe dénonçant un État central « pourri », voué à disparaître à moins qu'il ne soit soutenu par la Turquie. L'activité préélectorale des trois principaux partis bosniaques, SDA, SDP et SBB, a également été marquée par une certaine surenchère nationaliste. Au terme du scrutin, où la participation qui a atteint 56,4 % des électeurs a néanmoins été jugée bonne par les observateurs, ce sont les trois partis ethniques historiques du pays qui apparaissent comme les grands vainqueurs, au détriment notamment des formations dites civiques comme Naa Stranka. Le SDA redevient le premier parti du pays, avec 38 maires dont 2 en Republika Srpska . Le HDZ-BiH constitue, lui, la première force politique chez les Bosno-croates, puisqu'il arrive en tête au sein de tous les conseils municipaux des villes où cette communauté est majoritaire. En Republika Srpska , sur fond de crise économique profonde, le parti démocratique serbe (SDS) héritier du mouvement de Radovan Karadúiæ est, quant à lui majoritaire, au détriment du SNSD qui dirige l'entité.
Au plan national, le recul du SNSD en Republika Srpska a conduit Milorad Dodik, son président, à réviser son discours jusqu'alors exclusivement nationaliste, voire séparatiste, et à oeuvrer en faveur d'un accord politique avec le SDP de Zlatko Lagumdzija, pourtant critiqué au printemps dernier. Ces deux formations se situent, en dépit de réflexes ethniques, dans la mouvance sociale-démocrate. L'accord trouvé début novembre 2012 prévoit une réforme du système électoral et un renforcement de l'indépendance des magistrats. Au plan économique, le texte entend favoriser le développement du pays, via une amélioration des infrastructures routières ; un partage des bénéfices de la compagnie nationale d'électricité Transco devrait en outre permettre de financer de nouveaux investissements. L'accord insiste sur la nécessaire ré industrialisation du pays. Les deux partis souhaitent, en outre, ouvrir trois nouveaux passages frontaliers vers la Croatie.
Si cet accord peut préfigurer une nouvelle coalition gouvernementale, celle-ci serait quelque peu paradoxale puisque formée des deux formations ayant subi un revers aux élections locales. Le SDA, grand vainqueur du scrutin, risquerait d'en être écarté, alors qu'il apparaissait comme la cheville ouvrière d'un nouvel accord à la veille des municipales.
3. Quel changement possible ?
La délégation s'est étonnée de constater au cours de ses entretiens avec la société civile que les questions de la réforme constitutionnelle et de l'émergence d'un véritable vouloir vivre-ensemble étaient davantage au coeur des préoccupations des plus âgés que de la jeune génération.
L'absence d'un niveau d'éducation très développé - 6 % de diplômés de l'enseignement supérieur au sein de la population - explique sans doute une telle réticence des plus jeunes à s'organiser et à s'impliquer. L'absence de démocratie interne au sein des formations politiques freine un renouvellement des générations qui permettrait de dépasser les rhétoriques nationalistes.
Toutefois, il ne faudrait pas fonder trop d'espoirs en une jeunesse qui serait plus avancée que les responsables politiques en exercice. Le système éducatif hyper décentralisé - treize ministères sont chargés de ce dossier sur l'ensemble du territoire - maintient en effet les tensions entre les communautés dès le plus jeune âge. Chacune d'entre elles dispose d'un enseignement adapté, niant l'autre. La fédération croato-bosniaque en offre un bon exemple avec l'existence d'une quarantaine d'établissements, appelés « deux écoles sous un même toit ». Les élèves y sont répartis par communauté, entrent dans les locaux par des portes distinctes, leurs temps de récréation n'étant pas commun. Si les programmes mettent en avant une spécificité idiomatique propre à chacune des communautés, il convient tout de même de rappeler qu'il y a moins de différence, selon les linguistes, entre les langues bosniaque, croate et serbe qu'entre le picard et le français.
La solution pour le pays passe sans doute par une montée en puissance des acteurs économiques qui souhaite que le pays s'ouvre et se modernise à tous les niveaux. La délégation a rencontré de jeunes actifs à Sarajevo, réunis au sein de l'association Génération Europe. Bien que minoritaires, ils semblent enclins à agir en ce sens. La plupart ont d'ailleurs fait leurs études en Bosnie-Herzégovine, en Europe ou aux États-Unis. Il conviendrait de les soutenir au niveau européen pour éviter toute lassitude.
II. QUELLE PRÉSENCE INTERNATIONALE ?
A. LE RÔLE DU HAUT REPRÉSENTANT EN QUESTION
Les accords de Dayton ont institué le Bureau du Haut représentant des Nations unies (BHR) dont la tâche principale est de faciliter l'application du traité de paix. Le Haut représentant est nommé par le Conseil pour la réalisation de la paix ( Peace Implementation Council - PIC), composé de 55 membres : États, organisations internationales, organisations non gouvernementales. Son comité directeur comprend une dizaine de pays dont les États-Unis, la France et la Russie mais également la présidence de l'Union européenne. Il est responsable devant ce comité. Entre 2003 et 2011, le Haut représentant était également le Représentant spécial de l'Union européenne (RSUE).
Comité directeur : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni, Russie, Présidence de l'Union européenne, Commission européenne et Turquie, au nom de l'Organisation de la conférence islamique (OCI). Membres : Pays : Albanie, Allemagne, Ancienne république yougoslave de Macédoine, Arabie Saoudite, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Canada, Croatie, Danemark, Égypte, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Japon, Jordanie, Luxembourg, Malaisie, Maroc, Monténégro, Norvège, Oman, Pakistan, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Russie, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie, Ukraine. Institutions internationales : Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), Banque mondiale, Comité international de la Croix rouge (CICR), Commission européenne, Conseil de l'Europe, Fonds monétaire international (FMI), Haut commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme (OHCR), Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Haut représentant (BHR), Organisation des Nations unies (ONU), Organisation du Traité de l'Atlantique nord (OTAN), Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Observateurs :
Pays
: Afrique du Sud, Australie, Estonie,
Islande, Lettonie, Lituanie, Liechtenstein, Nouvelle-Zélande,
Saint-Siège.
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Les contours de la mission du Haut représentant comme ses pouvoirs ont été précisés lors de la conférence de Bonn des 9 et 10 décembre 1997. Il s'est ainsi vu octroyé un réel pouvoir de décision et de sanction. Il peut imposer de nouvelles lois, modifier les textes existants, créer de nouvelles institutions ou en amender la composition, suspendre ou destituer des responsables politiques locaux et sanctionner leurs formations politiques.
Face à l'atonie des responsables politiques locaux ou à la paralysie induite par le système institutionnel, le Haut représentant, personnalité étrangère et ne disposant d'aucune légitimité démocratique, a été le mieux à même de juger l'intérêt de l'État bosnien. C'est ainsi lui qui a fait adopter le drapeau du pays. Son rôle a néanmoins évolué depuis 2005 en se limitant essentiellement à l'adoption de mesures techniques. Il convient toutefois de rappeler que ses décisions demeurent faiblement contrôlées. Si la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine juge bien de la conformité de la législation adoptée avec la loi fondamentale, elle n'est en aucune manière invitée à apprécier la légitimité de l'intervention du Haut représentant en lieu et place du législateur habituel. Son rôle est cependant défendu par les Bosniaques qui le considèrent comme un rempart efficace face à l'irrédentisme serbe. Son manque de légitimité démocratique est, quant à lui, régulièrement dénoncé par les autorités de Republika Srpska .
Alors qu'il devait prendre fin en juin 2007, son mandat a été renouvelé. Ses effectifs sont néanmoins en constante diminution. Le Bureau emploie actuellement 156 personnes, dont 25 agents internationaux.
La montée en puissance de l'Union européenne dans le pays, manifeste avec la dissociation depuis mars 2011 du poste de Représentant spécial de l'Union européenne de celui du Haut représentant implique de réviser progressivement le rôle du Bureau des Nations unies sur place. Par ailleurs, à l'heure où il convient de responsabiliser un peu plus les dirigeants bosniens, la position d'arbitre ou d'éternel recours qu'il peut incarner n'est plus forcément de mise. Cette position contribue notamment à figer la situation et retarde tout compromis et confère encore à la Bosnie-Herzégovine l'image d'un véritable protectorat international . Il convient également de relever des différences d'appréciation notables avec l'Union européenne sur certains dossiers : il en va ainsi du cas de Mostar à l'occasion des dernières élections municipales. Là où les organisations européennes ou paneuropéennes (Conseil de l'Europe) jugeaient possible la tenue d'un scrutin, le Bureau du Haut représentant a estimé la situation trop sensible, entraînant le report de l'élection. De telles divergences tendent à fragiliser la position au quotidien des organisations internationales sur place et la cohérence d'un message destiné à pousser les autorités locales à oeuvrer en faveur de solutions concrètes de sortie de crise.
Il n'existe pas, pour autant, de consensus au sein de l'Union européenne sur la question de la fermeture, à terme, du Bureau du Haut représentant : l'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie ou la Suède y sont notamment favorables, mais l'Autriche, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni, soutenus par les États-Unis, s'y opposent. L'incidence financière pour l'Union européenne du maintien du Bureau n'est pourtant pas anodine : la contribution de l'Union européenne au budget du Bureau s'élève à plus de 4 millions d'euros, alors que le budget de son Représentant spécial représente 5,25 millions d'euros.
Participation au budget du Bureau du Haut
représentant
(8,139 millions d'euros pour
2012/2013)
Union européenne |
53 % |
États-Unis |
22 % |
Japon |
10 % |
Russie |
4 % |
Canada |
3,03 % |
Organisation de la Conférence Islamique |
2,7 % |
Autres |
5,47 % |
Le Conseil « Affaires générales » de l'Union européenne du 5 décembre 2011 est cependant parvenu à trouver un accord sur la possibilité d'envisager un déménagement et une réduction du Bureau. Il insiste, par ailleurs, sur la nécessité d'un examen des chevauchements des tâches entre le Bureau et le Représentant spécial de l'Union européenne sur place.
La fermeture du Bureau ne pourra, quoi qu'il en soit, intervenir qu'après que la Bosnie-Herzégovine aura satisfait aux objectifs et conditions dits « 5+2 » établis en février 2008.
Les cinq objectifs à atteindre concernent :
- La répartition des propriétés publiques entre l'État et les entités ;
- La répartition des propriétés militaires ;
- La pérennisation du statut spécial de Brèko ;
- La soutenabilité budgétaire ;
- Le renforcement de l'État de droit.
Les deux conditions proprement dites sont la signature d'un Accord de stabilité et d'association avec l'Union européenne - acquise depuis juin 2008 mais non appliquée - et une évaluation positive de la situation politique. A l'heure actuelle, seuls les trois premiers objectifs semblent en passe d'être atteints. Un accord est en effet intervenu le 9 mars 2012 entre les formations politiques sur la question de la répartition des propriétés. Le district de Brèko n'est plus placé sous la supervision du Haut représentant depuis le 1 er septembre dernier.
B. UNE PERSPECTIVE EUROPÉENNE INCERTAINE
1. Un suivi attentif de la part de l'Union européenne
La distinction du poste de Représentant spécial de l'Union européenne de celui de Haut représentant des Nations unies marque une nouvelle étape dans l'accompagnement de la Bosnie-Herzégovine par l'Union européenne. Elle vient rappeler la perspective européenne du pays, constante de la politique de l'Union européenne à l'égard de l'ensemble des États de la région. Elle souligne également que la suspension de l'application de l'Accord de stabilisation et d'association (ASA) entre l'Union européenne et la Bosnie-Herzégovine en attendant « des efforts crédibles » de la part des autorités locales en vue d'exécuter l'arrêt Sejdic et Finci n'est pas le signe d'un désintérêt européen à l'égard du pays. Le Bureau européen sur place, le Représentant spécial cumulant ses fonctions avec celles de Délégué pour l'Union européenne, bénéficie d'effectifs comparables à ceux des Nations unies : 134 agents, dont 37 internationaux.
L'Union européenne a également fait montre de fermeté à l'occasion de la crise institutionnelle qu'a connue le pays entre octobre 2010 et février 2012. Le Conseil a ainsi adopté, en mars 2011, une décision instaurant des mesures restrictives en raison de la situation dans le pays. Le texte vise toute personne physique ou morale atteignant à la souveraineté, à l'intégrité territoriale, à l'ordre constitutionnel et à la personnalité de la Bosnie-Herzégovine. Il prévoit à leur encontre une interdiction de déplacement sur le territoire de l'Union européenne et le gel des fonds et ressources économiques détenues au sein des États membres. La décision demeure néanmoins préventive puisqu'elle ne désignait aucune personne en particulier. Par ce biais, l'Union européenne entendait surtout faire pression sur les hommes politiques et fonctionnaires responsables du blocage institutionnel. Le texte a été prorogé d'un an en mars 2012.
Outre la présence d'un bureau sur place, l'Union européenne a également mis en place un programme d'aide financière à destination du pays. Succédant aux programmes PHARE et CARDS, l'instrument d'aide de préadhésion (IAP) finance la réforme de nombreux secteurs : administration publique, justice et affaires intérieures, économie, agriculture, tout en aidant la société civile. Le montant de cette aide s'élève à plus de 107,8 millions d'euros en 2012.
La Bosnie-Herzégovine a également bénéficié d'un prêt de 100 millions d'euros de la part de l'Union européenne en 2009 afin de répondre à ses besoins de financement extérieur. Cette assistance macro financière complète les aides octroyées par le Fonds monétaire international (FMI). Son versement est, par ailleurs, subordonné aux progrès que la Bosnie-Herzégovine peut réaliser dans la mise en oeuvre des mesures en faveur de la stabilisation des finances publiques négociées avec le FMI.
2. Des progrès encore trop limités
Comme l'a relevé la Commission européenne dans son rapport de suivi du pays en octobre 2012, les progrès accomplis par la Bosnie-Herzégovine depuis les élections d'octobre 2010 demeurent limités, la dynamique retrouvée du début de l'année 2012 s'étant retrouvée très vite enrayée. L'absence de vision commune des représentants politiques sur l'avenir du pays constitue le frein à toute avancée vers le dépôt d'une candidature à l'Union européenne. Les progrès demeurent timides pour ce qui est d'accroître la fonctionnalité et l'efficacité des pouvoirs publics, la coopération entre les parlements des entités, la Chambre des représentants ou le Conseil des ministres devant encore être améliorée. Un plan d'action sur cinq ans a, par ailleurs, été mis en place, en vue de réformer l'administration publique. Sa fragmentation et sa politisation restent des entraves à son efficacité et à son bon fonctionnement.
La Commission note de façon générale que l'alignement de la législation locale sur les normes européennes demeure insuffisant. Des efforts particuliers doivent ainsi être consentis en matière de libre circulation des personnes, des services et des capitaux. Les douanes, la fiscalité, le contrôle financier et les statistiques, les marchés publics, l'emploi et les politiques sociales, l'éducation, la culture, l'industrie et les petites et moyennes entreprises, l'environnement et le changement climatique, le transport, l'énergie, la société de l'information et les médias, l'agriculture et la pêche, la sécurité des aliments, les questions vétérinaires et phytosanitaires sont autant de secteurs où une adaptation de la législation est également nécessaire.
La délégation a ainsi relevé avec inquiétude que, loin de représenter une chance pour la Bosnie-Herzégovine, l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne allait plutôt avoir un impact négatif. Ainsi, faute d'adaptation de ses normes phytosanitaires aux exigences communautaires, les 45 millions de litres de lait bosnien actuellement exportés en Croatie ne pourront plus l'être au 1 er janvier prochain, privant ainsi l'agriculture locale d'un débouché considérable. La Bosnie-Herzégovine dispose pourtant de laboratoires compétents pour exercer ces contrôles, mais aucune procédure d'homologation administrative de leurs résultats n'a encore été mise en place, en dépit des encouragements en ce sens de l'Union européenne depuis trois ans.
La question des transports est également apparue prioritaire aux yeux de la délégation. L'absence de réseau autoroutier viable entre les trois grandes villes du pays participe d'une logique d'enclavement des communautés. C'est notamment le cas en Republika Srpska . Compte tenu de la mauvaise qualité du réseau routier entre Banja Luka, sa ville principale, et Sarajevo, les Bosno-serbes privilégient l'aéroport de Zagreb par rapport à celui de la capitale bosnienne. Les deux villes sont pourtant quasiment équidistantes de Banja Luka. Le Représentant spécial de l'Union européenne semble avoir comme priorité l'obtention d'un consensus politique sur le tracé d'une autoroute reliant ces villes et les associant également aux grands axes qui traversent les Balkans. Aux yeux de la délégation, une telle initiative doit être encouragée tant l'avantage économique mais aussi politique d'un tel réseau n'est plus à démontrer.
La Commission relève toutefois quelques avancées en ce qui concerne l'adoption d'une législation destinée à respecter l'acquis communautaire. Il en va ainsi de la loi sur les aides d'État ou de celle sur le recensement de la population et des ménages. Bruxelles juge néanmoins indispensable de mettre rapidement en place un Conseil pour les aides d'État, d'en dresser un inventaire complet concernant celles-ci et de mettre en conformité des entreprises publiques avec les règles sur le financement public édictées par l'Union européenne.
Dans un contexte de détérioration du climat économique, la Commission note que l'absence de consensus sur les grands axes de politiques économique et budgétaire pèse sur l'adoption de réformes pourtant indispensables. Aucune avancée n'a ainsi été enregistrée en ce qui concerne la privatisation ou la restructuration des entreprises publiques. La Commission insiste sur le fait que le pays a peu progressé sur la voie d'une économie de marché viable. Les retards enregistrés dans l'adoption des budgets 2011 et 2012 mais aussi des cadres prévisionnels pour les exercices à venir ont nui à la crédibilité de la politique budgétaire bosnienne.
3. Le régime de libéralisation des visas et ses conséquences internes
La Bosnie-Herzégovine est la dernière République de l'ex-Yougoslavie dont le régime des visas à destination de l'Union européenne a été libéralisé. Depuis le 15 décembre 2010, un an après la Serbie, le Monténégro ou la Macédoine, les ressortissants bosniens possédant un passeport biométrique peuvent se rendre sans visa dans les États membres de l'Union européenne. En mai 2012, les passeports biométriques représentaient 72 % des passeports en circulation en Bosnie-Herzégovine.
Évaluant les conséquences de la mise en place de ce dispositif, la Commission européenne a relevé, dans un rapport adressé au Parlement européen et au Conseil le 28 août 2012, son impact sur le renforcement de l'État de droit en Bosnie-Herzégovine. La Commission a fait également valoir les progrès enregistrés en matière de lutte contre la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants, la traite des êtres humains ou le blanchiment d'argent. Elle a néanmoins insisté sur le fait que la plupart des réformes entreprises par les autorités bosniennes dans ce domaine demeurent inabouties.
La Commission a note par exemple que les amendements à la loi sur la prévention et la répression de l'abus de narcotiques prévoyant la mise en place d'un Office des narcotiques n'ont pas été adoptés et que, plus généralement, la mise en oeuvre de la politique de lutte contre le trafic de drogue est contrariée par l'absence de relais institutionnels. De même, les amendements apportés à la législation en matière de prévention du blanchiment d'argent et du financement d'activités terroristes inspirées des recommandations MONEYVAL - le Comité d'experts du Conseil de l'Europe en charge de ces questions - sont demeurés, quant à eux, à l'état de projet. La lutte contre la criminalité organisée n'en est, elle, qu'à ses balbutiements selon la Commission, alors que le projet de loi sur la protection des témoins doit encore être adopté.
La Commission souligne, par ailleurs, que les progrès enregistrés dans la lutte contre la corruption demeurent limités, les enquêtes, poursuites et condamnations effectives restant rares dans ce domaine.
Si la Commission estime que la gestion des frontières a été améliorée, les ministres de l'intérieur de six États membres de l'Union européenne 2 ( * ) , dont la France, ont récemment exprimé leur inquiétude à la Commission européenne, face au nombre croissant de demandes d'asile de personnes en provenance des Balkans occidentaux et, notamment, de Bosnie-Herzégovine 3 ( * ) . Une telle augmentation participerait de l'engorgement des dispositifs d'accueil, déjà sous tension. Ces pays entendaient profiter du Conseil « Justice et Affaires intérieures » des 25 et 26 octobre 2012 pour demander la mise en place d'une clause de sauvegarde. Celle-ci permettrait de réintroduire les visas, dès lors que des problèmes ou des manquements graves auraient pu être observés.
En ce qui concerne la France, le cas bosnien n'est pas éloquent, puisque le régime d'exemption de visas introduit fin 2010 a coïncidé avec une baisse des demandes d'asile au cours de l'année suivante : 97 premières demandes contre 303 en 2010 et 258 l'année précédente. Au sein des six pays d'accueil, la Belgique semble être la plus concernée par l'afflux de demandeurs bosniens.
La délégation juge qu'il convient d'être extrêmement vigilant avec cette question. Un retour en arrière pourrait fragiliser le principe même de citoyenneté bosnienne. Les Bosno-croates ont pour la plupart la double nationalité croate et bosnienne et bénéficient à ce titre du régime d'exemption accordé à Zagreb. Une différence de traitement notable pourrait donc être instituée entre une communauté et les autres, si tant est que la Serbie également visée par les six États membres cités plus haut, se voit, elle aussi, appliquée la clause de sauvegarde. Si Belgrade échappait à cette clause, seuls les déplacements de la majorité bosniaque et des autres minorités vers l'Union européenne pourraient être soumis à l'obtention d'un visa.
4. Une perspective forcément européenne en dépit d'une feuille de route non respectée
L'Union européenne et la Bosnie-Herzégovine, représentée par les sept principales formations politiques du pays, se sont accordées, le 27 juin dernier, sur une feuille de route établissant les étapes à suivre avant de pouvoir introduire une demande officielle d'adhésion. L'introduction d'une demande d'adhésion « crédible » n'est en effet possible qu'à la condition qu'un certain nombre d'exigences soient remplies, et notamment celle concernant l'exécution de l'arrêt Sejdiæ et Finci .
La feuille de route signée prévoyait un calendrier précis pour permettre l'introduction, d'ici au 30 novembre, d'une demande d'adhésion.
Avant le 31 août 2012 : Proposition parlementaire sur l'amendement de la Constitution en vue de la mettre en conformité avec l'Arrêt Sejdic et Finci. Avant le 31 octobre 2012 : Réponses de la Bosnie-Herzégovine aux questions sectorielles concernant les chapitres 5 (marchés publics) et 27 (environnement) de l'acquis. Définition d'un mécanisme de coordination. Novembre 2012 : Deuxième dialogue à haut niveau sur le processus d'adhésion Avant le 30 novembre 2012 : Réforme de la Constitution en vue de la mettre en conformité avec l'arrêt Sejdiæ et Finci. Entrée en vigueur de l'Accord de stabilisation et d'association.
Introduction de la demande d'adhésion.
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Les délais fixés par ce document n'ont pas été respectés. Néanmoins, en dépit des retards pris par la Bosnie-Herzégovine sur le chemin de l'adhésion, il apparaît essentiel de réaffirmer la perspective européenne du pays, à l'heure où ses voisins intègrent ou sont en passe d'entrer à moyen terme dans l'Union européenne.
Il conviendrait, par ailleurs, d'inclure la question de l'éducation dans les négociations en cours. L'Union européenne se doit d'appuyer l'action des trois agences de l'État central créées en 2008 et 2009, chargées respectivement de l'enseignement préélémentaire, élémentaire et secondaire, de l'enseignement supérieur et de la reconnaissance des diplômes. Elle doit inciter à la tenue de réunions régulières de la Conférence des ministres de l'éducation instituée en 2005 et qui réunit, sous la présidence du ministre des affaires civiles de Bosnie-Herzégovine, les treize ministres bosniens en charge du dossier et les acteurs internationaux (Union européenne, OSCE, Conseil de l'Europe, Banque mondiale et UNICEF).
L'adhésion à l'Union européenne serait notamment un moyen de réaffirmer l'intangibilité des frontières de la Bosnie-Herzégovine. Il va de soi que ni la Croatie ni la Serbie -quand bien même les relations sont plus difficiles entre Belgrade et Sarajevo depuis l'élection du nationaliste Tomislav Nikoliæ à la tête de l'État serbe- n'ont intérêt à une modification du découpage actuel. Il n'en reste pas moins que l'intégration de ces deux pays ne sera pas sans conséquence pour les communautés croate et serbe de Bosnie-Herzégovine dans leur volonté de continuer à coexister dans un État qui n'avance pas sur la voie européenne.
Elle serait aussi un moyen de contrebalancer l'influence grandissante de deux autres acteurs dans le pays : la Russie et la Turquie. La Republika Srpska , terre orthodoxe, est bien évidemment l'objet des attentions russes dans le pays. Les autorités locales ont d'ailleurs noué avec Moscou des partenariats dans le domaine énergétique. L'influence de la Turquie se concentre principalement en zone bosniaque, en raison notamment des affinités religieuses. La présence d'Ankara est de plus en plus visible sur cette partie du territoire, tant sur le plan politique, comme en témoigne la venue récente du Premier ministre turc à Sarajevo, que dans les champs économique et culturel. Les feuilletons turcs ont ainsi pris le pas sur leurs équivalents américain ou brésilien. Au plan commercial, la Turquie fait partie en 2011 des cinq premiers investisseurs en Fédération croato-bosniaque. Le volume des échanges entre les deux pays représente 122 millions d'euros, ce qui reste néanmoins loin des 750 millions enregistrés avec la Croatie. Les autorités turques souhaitent atteindre rapidement 300 millions d'euros d'échanges. Ce volontarisme économique vient compenser une perte d'influence notable au sein du Peace Implementation Council - PIC, face, notamment, à la montée en puissance de l'Union européenne. Il conviendra aussi de suivre la position des Turcs au sein du cadre trilatéral réunissant, depuis 2008, Ankara, Belgrade et Sarajevo alors que les relations entre Bosniens et Serbes se tendent depuis les élections présidentielles serbes.
L'influence turque ne doit pas, cependant, occulter celle des pays du Golfe persique ou de l'Iran, également croissante. Il est trop tôt pour en tirer des conclusions sur l'évolution de l'Islam en Bosnie-Herzégovine. L'Islam des Balkans n'est en rien assimilable à celui des pays du Moyen-Orient. La communauté wahhabite demeure limitée à 3 000 personnes sur le territoire bosnien, l'attentat commis contre l'ambassade américaine - tirs à l'arme automatique - relevant plus de l'anecdote que de l'acte fondateur. Il n'en demeure pas moins que la paralysie politique et le marasme économique que traverse le pays sont à même de favoriser l'émergence de phénomènes intégristes jusque-là limités. La manifestation des échanges avec ces pays tient pour l'instant essentiellement à la venue de touristes des Émirats, à l'image des 7 000 Koweïtis venus au cours de l'été 2012 à Sarajevo.
C. VERS LA FIN DE L'ENGAGEMENT MILITAIRE INTERNATIONAL
L'opération EUFOR-Althéa a succédé en novembre 2004 à la SFOR mise en place par l'OTAN en 1996 (32 000 hommes), qui avait elle-même pris le relais de l'IFOR (60 000 soldats en 1995).
Menée conjointement par l'Union européenne et l'OTAN, la mission répond à deux objectifs principaux :
- soutenir les efforts déployés par la Bosnie-Herzégovine pour maintenir le climat de sécurité ;
- fournir au ministère de la défense et des forces armées de Bosnie-Herzégovine un appui au renforcement des capacités militaires du pays et à la formation de ses soldats.
Elle contribue à l'accomplissement d'opérations transférées aux autorités militaires locales, qu'il s'agisse du contre minage -4 % du territoire bosnien est miné-, du contrôle militaire et civil des mouvements d'armes et de munitions ou de la gestion des dépôts d'armes et de munitions. Elle participe également à la recherche des personnes inculpées de crimes de guerre par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
La présence militaire internationale s'est logiquement allégée depuis la fin du conflit.
Initialement dotée de 7 000 hommes, elle en comprend désormais moins de 900, l'Autriche étant le principal contributeur. L'amélioration de la sécurité dans le pays justifie une telle réduction et incite même à un retrait complet. La France, qui a payé un lourd tribut dans le conflit avec 84 soldats tués, s'est retirée du dispositif le 30 juin 2009.
Elle milite désormais, avec d'autres États membres tel que l'Espagne, pour un départ de la mission. Son mandat a néanmoins été reconduit pour un an, le 18 novembre 2011, à l'initiative de la Haute Représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui disposait du soutien de plusieurs États membres dont l'Autriche, la Hongrie, le Royaume-Uni ou la Slovaquie. Reconfigurée, elle devrait être complétée par une force de réserve régionale et une force de réserve hors-théâtre, dont la constitution s'avère néanmoins délicate.
L'effectif réduit de la mission ne lui permet pas, en réalité, de répondre à une crise sévère dans le pays. Il existe en effet un écart substantiel entre les objectifs qui lui ont été assignés et les ressources dont elle dispose. L'arrêt de cette opération apparaît de surcroît logique, à la lumière de la fin du déploiement dans le pays de la mission de police de l'Union européenne (MPUE) lancée en 2003.
CONCLUSION
Trois ans après son premier déplacement dans le pays, la délégation du groupe interparlementaire a été frappée de constater que la Bosnie-Herzégovine était encore affectée par les mêmes maux, affaiblie de surcroît par un dispositif constitutionnel qui favorise plus la paralysie que l'action politique.
Il y a pourtant urgence à réformer le pays tant la perspective européenne qui lui a été assignée pourrait s'étioler face à la persistance de tels blocages. Si les élections municipales ont confirmé la force des partis identitaires, il existe néanmoins des raisons d'espérer l'obtention d'un nouvel accord politique destiné à surmonter la crise actuelle. Le texte commun du SDP et SNSD constitue, à ce titre, une piste intéressante. Elle mérite d'être approfondie en vue de la faire coïncider avec les objectifs de la feuille de route dressée par l'Union européenne, et en premier lieu de l'exécution de l'arrêt Sejdiæ et Finci de la Cour européenne des droits de l'Homme. Une attention particulière doit également être accordée à l'éducation. De la qualité de celle-ci dépendra le renouveau d'une Bosnie-Herzégovine plus unie qu'elle ne peut l'être aujourd'hui.
Il convient dans le même temps de repenser les termes de la présence internationale sur place. Le temps du Haut représentant semble aujourd'hui révolu. L'Union européenne doit désormais prendre pleinement le relais et incarner une nouvelle forme d'accompagnement des autorités locales, plus responsabilisant. La Bosnie-Herzégovine a, dans ses frontières actuelles, sa place au sein de l'Union européenne, à condition que ses gouvernants s'en donnent réellement les moyens.
PROGRAMME DE LA MISSION
Dimanche 23 septembre 2012
12h25 Arrivée à Sarajevo
13h15 Déjeuner de travail avec des membres de l'ambassade de France
Lundi 24 septembre 2012
8h00 Petit-déjeuner de travail avec Son Exc. M. Roland Gilles, ambassadeur de France en Bosnie-Herzégovine
10h00 Visite du cimetière de Vlakovo, à la mémoire des victimes de tous les conflits
11h30 Dépôt d'une gerbe au monument dédié aux soldats français morts en Bosnie-Herzégovine
12h30 Déjeuner de travail avec Son Exc. M. Roland Gilles, ambassadeur de France en Bosnie-Herzégovine
14h00 Entretien avec M. Peter Soerensen, Représentant spécial de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine
16h00 Entretien avec M. Valentin Inzko, Haut représentant des Nations unies en Bosnie-Herzégovine
17h00 Inauguration du Lycée français
17h45 Départ pour Mostar
20h00 Dîner avec M. Martin Raguú, vice-président du HDZ 90
Mardi 25 septembre 2012
9h00 Entretien avec M. Damir Maiè, ministre de l'éducation de la Fédération de Bosnie-Herzégovine
11h00 Départ pour Sarajevo
12h30 Déjeuner avec M. Miodrag éivanoviæ, professeur de philosophie à l'université de Banja Luka
14h30 Entretien avec M. Boúo Ljubiæ, président de la Chambre des représentants
15h30 Entretien avec M. Sulejman Tihiæ, président du Parti d'action démocratique et du groupe d'amitié Bosnie-Herzégovine - Europe occidentale de la Chambre des représentants
16h30 Entretien avec M. Dragan Èoviæ, président de la Chambre des peuples
20h00 Dîner à la Résidence de France avec l'association Génération Europe
Mercredi 26 septembre 2012
8h00 Départ pour Banja Luka
12h30 Entretien puis déjeuner avec M. Igor Radojièiæ, président de l'Assemblée nationale de Republika Sprska
15h00 Entretien avec M. Edhem Èamdúiæ, mufti de Banja Luka
16h00 Entretien avec Mgr Franjo Komarica, évêque catholique de Banja Luka
17h00 Entretien avec Mgr Jefrem Milutinoviæ, évêque orthodoxe de Banja Luka
Jeudi 27 septembre 2012
8h00 Départ pour Sarajevo
12h30 Déjeuner avec M. Srdjan Dizdareviæ, président du Comité d'Helsinki de Bosnie-Herzégovine
14h00 Départ pour Paris
CARTES DE LA BOSNIE-HERZÉGOVINE
( Ministère des Affaires étrangères )
* 1 Le territoire de la ville de Brèko est divisé entre la Republika Srpska et la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Érigée en district, la ville est directement placée sous l'autorité de l'État central. Cette ville revêt une importance stratégique pour les Bosno-serbes qui y étaient avant-guerre minoritaires : elle permet en effet de relier la partie orientale de la Republika Srpska à sa partie occidentale.
* 2 Allemagne, Autriche, Belgique, France, Luxembourg et France.
* 3 L'Albanie, l'ancienne République yougoslave de Macédoine, le Monténégro et la Serbie sont également concernés.