Rapport de groupe d'amitié n° 60 (2004-2005) - 7 juillet 2005

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SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

I. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE 7

A. LE CONTEXTE POLITIQUE 7

1. La perspective du désengagement : le retrait de la bande de Gaza 8

a) La « guerre des carrefours » menée par les extrémistes israéliens 8

b) Du côté palestinien, le mouvement Hamas craint la libéralisation économique et sociale engendrée par le retrait et souhaite être associé aux modalités pratiques du départ 9

c) A l'heure actuelle, les scénarii possibles vont des plus pessimistes aux plus optimistes 10

2. Les élections municipales en Palestine 10

a) Le Fatah avait devancé le mouvement terroriste Hamas aux élections municipales partielles du 5 mai 11

b) Des négociations en cours entre l'administration civile de Tsahal dans les territoires palestiniens et les responsables locaux du mouvement terroriste Hamas 12

B. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE : ISRAËL CONNAIT LE PLUS INTENSIF ET LE PLUS LARGE PROGRAMME DE RÉFORMES ÉCONOMIQUES DE SON HISTOIRE 13

1. Les réformes libérales engagées en 2002 13

2. Une conjonction inespérée d'occasion politique, économique et sociale 14

a) Les ambitions de Benjamin Netanyahu 14

b) Les calculs d'Ariel Sharon 15

c) La confusion du parti travailliste 15

d) La faiblesse du Histradrut 16

e) Le discrédit de la Knesset 16

II. LE DÉROULEMENT DE LA MISSION 17

1. Le lundi 16 mai 18

2. Le mardi 17 mai 20

3. Le mercredi 18 mai 21

III. LE COMPTE RENDU DES ENTRETIENS DE LA MISSION 25

A. COMPTE RENDU DE L'ENTRETIEN AVEC M. RUIVLIN, PRÉSIDENT DE LA KNESSET, LE MERCREDI 18 MAI 2005, À LA KNESSET 25

B. COMPTE-RENDU DE L'ENTRETIEN AVEC M. VILNAI, LE 18 MAI 2005, À LA KNESSET 27

C. RENCONTRE AVEC LES JOURNALISTES DU HAARETZ, JOURNAL DE RÉFÉRENCE EN ISRAËL, LE MARDI 17 MAI, AU SIÈGE DU HAARETZ, À TEL AVIV 29

D. VISITE DE BETHLÉEM ET COMPTE RENDU DE LA RENCONTRE AVEC LE MAIRE CHRÉTIEN, M. HANNA NASSER, LE MERCREDI 18 MAI 2005, À BETHLÉEM 31

E. COMPTE RENDU DE LA RENCONTRE AVEC L'ONG SIKKUY, LE MARDI 17 MAI, AU SIÈGE DE L'AMBASSADE DE FRANCE, À TEL AVIV 32

INTRODUCTION

Présidée par M. Philippe Richert, vice-président du Sénat et président du groupe d'amitié France-Israël, composée de trois vice-présidents du groupe d'amitié, MM. David Assouline, Laurent Béteille et Jean-Pierre Plancade, et d'un secrétaire de ce même groupe, M. Yannick Texier, une délégation du groupe d'amitié France-Israël du Sénat s'est rendue en Israël du 15 au 19 mai 2005, afin de rencontrer des responsables politiques, des représentants de la société civile et se rendre dans les territoires traversés par la barrière de sécurité.

Au cours de quatre jours d'échanges fructueux et de rencontres riches par leur variété et leur densité, la délégation a pu rencontrer un certain nombre de leaders politiques et d'élus, parmi lesquels M. Vilnai, ministre dans le Gouvernement d'Ariel Sharon et candidat à la direction du parti travailliste , dont les propos optimistes ont encouragé les membres de la délégation à espérer la reprise des négociations de paix.

Les entretiens avec les représentants de la société civile, parmi lesquels les journalistes du quotidien de référence Haaretz , les représentants d'une ONG israélienne Sikkuy dédiée à la protection des droits des citoyens arabes en Israël et les principaux correspondants des journaux français en Israël, ont permis aux membres de la délégation de mieux comprendre les tensions à l'oeuvre au sein de la société israélienne.

Il en est ressorti que, dans l'attente du retrait unilatéral de la bande de Gaza et de certaines colonies de Cisjordanie, dont le report au 20 juillet a été annoncé par Ariel Sharon pour respecter le calendrier des fêtes juives, la société israélienne est soumise à un certain nombre de tensions contradictoires.

D'un côté, il existe des motifs d'espoir :

- une baisse significative des attentats suicides a été constatée depuis l'érection de la barrière de sécurité ;

- l'avancée du Fatah sur le mouvement terroriste Hamas lors de la troisième vague des élections municipales palestiniennes a été favorablement accueillie par les dirigeants israéliens.

D'un autre côté, un certain nombre d'inquiétudes se manifestent :

- la nébuleuse de l'extrême droite israélienne dénonce « la capitulation face au terrorisme palestinien » que représente, selon elle, le plan de retrait, et promet pour cet été une « guerre des carrefours », qui avait d'ailleurs commencé dès le lundi 16 mai, date d'arrivée de la délégation en Israël ;

- les intentions du Hamas, avec qui les autorités israéliennes ont entrepris des négociations sur le terrain, restent incertaines.

Outre M. Vilnai, les membres de la délégation ont pu s'entretenir à plusieurs reprises avec Mme Colette Avital, député dans les rangs travaillistes à la Knesset, et rencontrer M. Ruivlin, Président de la Knesset, qui a exprimé sa confiance dans le soutien de l'Etat français envers la société israélienne.

Enfin, les déplacements sur le terrain, dans la région de Qalqiliya en particulier et dans la ville de Bethléem, ont permis à la délégation de prendre la mesure de la réalité de la barrière de sécurité, et de rencontrer des acteurs de terrain, en particulier le maire de la ville de Bethléem ainsi qu'un officier de l'armée israélienne.

Riche de l'ensemble de ces témoignages et consciente de la responsabilité de la France à l'égard du peuple israélien, la délégation a quitté le pays dans un climat d'incertitudes : les tirs reprenaient dans la bande de Gaza, en dépit de l'engagement pris, en mars dernier, par les principaux groupes terroristes palestiniens armés, d'observer une période d'accalmie jusqu'à la fin de l'année, de facto constatée depuis fin janvier.

I. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE

Le mercredi 18 mai 2005, jour du départ de la délégation, l'armée israélienne menait son premier raid aérien depuis quatre mois à Gaza.

Ce raid répondait à la chute d'obus de mortiers et de roquettes artisanales sur les colonies juives de Gaza.

En dépit de l'engagement pris en mars dernier par les principaux groupes terroristes palestiniens armés d'observer une période d'accalmie jusqu'à la fin de l'année, de facto constatée depuis fin janvier, le Hamas avait revendiqué ces tirs, les présentant comme une riposte à la mort de son combattant tué à Rafah.

En effet, un activiste avait été tué dans un échange de tirs avec des militaires israéliens, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

On comptait une victime parmi les troupes palestiniennes : un combattant du mouvement de la résistance islamique (Hamas), qui a succombé quelques heures après avoir été blessé.

Le porte-parole du Hamas, Sami Abou Zouhri, a estimé qu'il s'agissait « d'une grave escalade ».

A. LE CONTEXTE POLITIQUE

C'est donc au moment où les violences reprenaient que la délégation a quitté le pays.

Ces violences s'inscrivent dans la perspective du retrait des colonies juives de la bande de Gaza.

Tant la nébuleuse de l'extrême droite israélienne que les mouvements radicaux palestiniens en contestent en effet le principe.

Le lundi 16 mai, les membres de la délégation avaient pu se rendre compte de la détermination des groupuscules radicaux israéliens, qui, en signe de contestation, avaient mené des opérations éclair visant à paralyser le principal axe de Tel Aviv et les entrées de Jérusalem.

1. La perspective du désengagement : le retrait de la bande de Gaza

Le 16 février 2005, le Parlement israélien votait en seconde et troisième lecture la « loi d'évacuation et d'indemnisation » des colonies de Gaza et de quatre autres colonies au nord de la Cisjordanie.

Adopté par 59 voix contre 40, ce vote était historique : mi-juillet, 8 000 colons juifs devaient être évacués et indemnisés.

Initialement programmé à partir du 20 juillet, le retrait a depuis été repoussé, afin de respecter le calendrier religieux juif : l'opération commencera à l'issue du deuil de Tisha Beav, qui marque la destruction des deux temples de Jérusalem, « le 15, 16 ou 17 août », a indiqué Ariel Sharon, le Premier ministre.

Quatre milliards de shekels (720 millions d'euros) d'indemnisation sont prévus pour les quelque 8 000 colons évacués.

Le vote était loin d'être acquis, en partie à cause de l'hostilité de certains députés du Likoud, le parti d'Ariel Sharon : les députés ont dû se prononcer sur 185 paragraphes et, surtout, sur 60 amendements, pour la plupart destinés à entraver la décision du Premier ministre, Ariel Sharon, de mener jusqu'au bout son plan.

Les débats ont donné lieu à des échanges d'anathèmes entre parlementaires et à des déclarations incendiaires évoquant l'histoire, comme celle d'Arié Eldad (Union nationale, extrême droite), opposé à l'évacuation : « J'accuse un homme de nous entraîner dans cet abîme : Sharon a des complices dans ce forfait, mais c'est lui, l'accusé. Et si le Parlement entérine la loi qui veut que des juifs ne puissent habiter dans certaines parties de la terre d'Israël, il prendra place dans les pages les plus sombres de l'histoire du peuple juif.»

C'est donc dans un climat tendu qu'Israël se prépare à cet événement.

a) La « guerre des carrefours » menée par les extrémistes israéliens

D'un côté, la nébuleuse de l'extrême droite israélienne dénonce « la capitulation face au terrorisme palestinien » que représente, selon elle, le plan de retrait, et estime qu'il s'agit « non seulement d'un coup porté contre Israël, mais contre la civilisation judéo-chrétienne dans son ensemble ».

Les têtes pensantes de ce mouvement d'opposition radical sont bien connues des services de police israéliens.

Baruch Marzel, Noam Ferderman ou Itamar Ben Gvir résident dans les colonies extrémistes installées dans la vieille ville de Hébron, en Cisjordanie. Ils représentent l'un des deux principaux avatars du mouvement raciste Kach, interdit en Israël, le second étant plutôt basé dans les colonies du nord de la Cisjordanie. L'un et l'autre fonctionnent grâce à des fonds collectés principalement aux Etats-Unis. Mais HaBeit HaLeumi ne se réduit pas aux seuls « kahanistes » -qui revendiquent l'héritage du rabbin Meir Kahane, assassiné aux Etats-Unis en 1990- : il s'est également ouvert à d'autres groupes radicaux.

Ils promettent pour cet été le blocage des points stratégiques des grandes villes.

La « guerre des carrefours » promise pour cet été a un précédent. Après la signature des accords d'Oslo, en 1993, le mouvement Zou Artzeinou (Notre terre) de Moshe Feiglin avait procédé de la même manière, avec des résultats pour le moins mitigés.

Cette mouvance s'inscrit en rupture avec l'institution représentative du mouvement des colons, Yesha, qui s'est efforcée, au contraire, de gagner en respectabilité au cours des dernières années. Très mobilisé lors de la phase purement politique de l'opposition au plan de retrait, Yesha est beaucoup plus discret depuis les derniers votes de la Knesset confirmant le retrait de Gaza.

Les colons de Gaza, qui ne peuvent plus compter désormais que sur l'opinion publique israélienne pour faire échouer ce projet, ont également pris leurs distances par rapport aux actions de HaBeit HaLeumi.

b) Du côté palestinien, le mouvement Hamas craint la libéralisation économique et sociale engendrée par le retrait et souhaite être associé aux modalités pratiques du départ

D'après un reportage du Figaro, en effet, les Palestiniens ont déjà des plans d'aménagement de la bande de Gaza afin d'attirer les investisseurs étrangers et développer l'industrie touristique.

Toutefois, il existe un paradoxe entre la liberté et l'ouverture sur le monde des Gaziotes et la vision de la vie morale et religieuse du Hamas : d'après le quotidien, le Hamas, qui souhaite préserver une société ultrareligieuse, multiplie les interventions pour veiller au respect d'une moralité très stricte à Gaza.

Dans un document interne transmis dans les mosquées de Gaza, le Hamas recommande la formation d'une force composée d'hommes maîtrisant les arts martiaux, chargés de « suivre et de contrôler à domicile les familles afin d'établir des rapports sur leur comportement ».

Face à ces menaces, les forces de sécurité israéliennes se préparent de leur côté à toutes les éventualités et envisageraient même d'emprisonner des dizaines de militants nationalistes juifs avant de procéder à l'évacuation des implantations de la bande de Gaza et du nord de la Cisjordanie.

c) A l'heure actuelle, les scénarii possibles vont des plus pessimistes aux plus optimistes

Les plus défaitistes parlent d'une « troisième Intifida » après le retrait des colonies : la radicalisation des positions du Likoud sur l'armée ou sur la question de Jérusalem, notamment, en serait responsable.

Les plus confiants, au contraire, voient dans le retrait des colonies, le préalable à la reprise des négociations et les prémisses de l'avènement de l'Etat palestinien, établi sur des territoires entièrement occupés par les Palestiniens.

On peut estimer que c'est dans ce sens que penche la majorité de l'opinion publique : selon un sondage réalisé mi-avril par les partisans de l'accord de Genève, 58 % des Israéliens seraient favorables, après le retrait de la bande de Gaza, à l'ouverture de négociations de paix finale avec les Palestiniens.

L'annonce de l'avancée du mouvement Fatah, devant le mouvement terroriste Hamas, aux élections municipales partielles du 5 mai, était également reçue par la délégation comme un signe d'espoir pour de futures négociations.

2. Les élections municipales en Palestine

Quand la délégation est arrivée en Israël, le pays venait de prendre connaissance des résultats de la troisième vague des élections municipales partielles dans les territoires palestiniens : Si le Fatah 1 ( * ) était globalement majoritaire, un certain nombre de municipalités avaient néanmoins basculé aux mains du mouvement terroriste Hamas 2 ( * ) , ce qui ne va pas sans poser problème pour la France, qui contribue à financer notamment des infrastructures dans le pays.

Il y avait eu, en mai 2005, trois vagues d'élections partielles :

- en décembre, en Cisjordanie : le Hamas et le Fatah arrivaient au coude à coude ;

- en janvier à Gaza : le Hamas avait largement emporté les suffrages ;

- et en avril, en Cisjordanie et à Gaza : près de 100 municipalités étaient concernées, le Fatah arrivait en tête dans les petites agglomérations, le Hamas le devançait largement dans les grosses villes (Qalqiliya, Rafah, beau score à Bethléem.)

Les Palestiniens devaient cependant revoter à Rafah, Beit Lahiya et à Gaza, où le Fatah avait été débordé par le Hamas.

a) Le Fatah avait devancé le mouvement terroriste Hamas aux élections municipales partielles du 5 mai

Selon le Haut Comité pour les élections locales, le Fatah avait recueilli un peu moins de 60 % des suffrages contre environ 33 % pour Hamas.

Le Hamas avait tout de même devancé le Fatah dans les centres urbains.

Dans son bastion de Gaza, il semblait avoir pris le contrôle des deux villes les plus importantes concernées par ces élections, Rafah et Beit Lahiya.

En Cisjordanie, le Hamas l'avait emporté à Kalkiliya, et avait fait une percée à Bethléem où il avait conquis la majorité des sièges réservés aux musulmans.

Ces élections représentaient un test pour les élections législatives, qui devaient initialement se tenir le 17 juillet prochain, mais qui ont reportées.

Le 6 juin, en effet, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, confirmait le report sine die des élections législatives, arguant de problèmes constitutionnels : en réalité, ce sursis sert surtout le Fatah, qui craint d'être écrasé lors de ce scrutin, surtout à Gaza.

Le Hamas, qui participera pour la première fois à ce scrutin depuis la création de l'Autorité après les accords d'Oslo de 1993, s'est aussitôt élevé contre cette décision qui risque de « provoquer le chaos ».

Même si le Fatah (mouvement de libération de la Palestine, el-Fatah) avait globalement devancé le mouvement de la résistance islamique, Hamas, on pouvait néanmoins retirer de cette dernière vague d'élections l'impression de force du Hamas.

Gilles Paris, correspondant du journal « le Monde » en Israël, a reconnu que « si le Fatah est théoriquement avantagé par son ancienneté, son ancrage et accessoirement sa confusion avec les principaux rouages de l'Autorité palestinienne, le succès du Hamas est difficile à interpréter de manière catégorique ».

Selon lui, le rejet du Fatah dans les grandes villes (à Qalqiliya, Rafah, Bethléem, Beit Lahiya, et à Gaza) tient pour beaucoup à l'identification du mouvement à la corruption et à l'inefficacité de l'Autorité palestinienne.

Il souligne aussi le meilleur fonctionnement du Hamas, qui présente à chaque fois de bons candidats alors que les procédures de désignation du Fatah patinent.

Il faut, en tout état de cause, prendre en considération que, s'agissant de scrutins locaux, le poids des grandes familles et des clans joue énormément, sans nécessairement avoir de connotation politique : le vote en faveur du Hamas n'est donc pas nécessairement un vote pour son programme.

b) Des négociations en cours entre l'administration civile de Tsahal dans les territoires palestiniens et les responsables locaux du mouvement terroriste Hamas

Les journalistes que la délégation a pu rencontrer nous ont confié que des pourparlers officieux étaient en cours sur le terrain entre l'administration civile de Tsahal dans les Territoires palestiniens et des responsables locaux du mouvement terroriste Hamas.

L'administration civile estime en effet que Palestiniens et Israéliens partagent des intérêts communs et jugent utile de coopérer avec les municipalités récemment conquises par le Hamas, notamment dans le domaine de la gestion de l'eau et de la préservation de l'environnement.

« Nous leur avons dit que nous ne négocierons avec aucun membre du Hamas recherché pour des activités terroristes, c'est notre ligne rouge », explique Shlomo Dror, porte-parole de l'administration civile.

L'Union européenne, qui apporte une aide financière importante aux municipalités palestiniennes, est embarrassée par le basculement de certaines d'entre elles aux mains du Hamas.

« Si les Etats-Unis et l'Union européenne veulent continuer d'aider financièrement ces communes, nous n'y voyons pas d'inconvénient, à condition que l'argent ne finance pas des activités terroristes », affirme Shlomo Dror.

Les journalistes du quotidien « Haaretz » estiment néanmoins que le Hamas, mouvement classé terroriste par les organisations internationales, est en cours de révision de son programme. Ils espéraient une « normalisation » du mouvement suite aux résultats des scrutins.

B. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE : ISRAËL CONNAIT LE PLUS INTENSIF ET LE PLUS LARGE PROGRAMME DE RÉFORMES ÉCONOMIQUES DE SON HISTOIRE

Quand la délégation quittait Israël, le Gouvernement avait annoncé qu'il se réunirait le mois d'après pour examiner le troisième volet de la réforme fiscale.

1. Les réformes libérales engagées en 2002

Depuis la crise financière de juillet 2001, en effet, un nombre important de réformes économiques ont été entreprises ou sur le point d'être mises en oeuvre. Il s'agit notamment :

- de la réforme de la sécurité sociale, dans le sens d'une réduction des allocations et de centaines de milliers de bénéficiaires.

- d'un vaste mouvement de privatisation, qui a pris la forme de la vente des actifs les plus importants, comme la banque Hapoalim, la compagnie El Al, les entreprises militaires israéliennes et, plus récemment, Bezeq, le géant des télécommunications ;

- de l'accession à la stabilité des prix, qui est longtemps restée un doux espoir, maintenant assurée par la loi ;

- d'un nouveau plan général de dépenses et de recettes pour les autorités municipales ;

- de la révision globale de la loi encourageant les investissements ;

- de la division des entités portuaires en lots séparés et compétitifs ;

- de l'évolution des règles du système financier et bancaire ;

- d'une révision complète du système fiscal.

Le Gouvernement israélien envisage aujourd'hui de mettre en oeuvre un troisième volet de réforme fiscale, d'examiner une refonte du système foncier et de réviser les règles de la banque d'Israël (BOL).

Cela faisait vingt ans que de nombreuses propositions de réformes étaient envisagées, sans succès.

La rapidité avec laquelle elles ont été entreprises dans les derniers mois est, par conséquent, remarquable.

Le Gouvernement est parvenu à se débarrasser de nombreuses réglementations inspirées uniquement par des intérêts catégoriels, soutenus par un certain nombre de lobbies.

Pour faire accepter le changement, quasiment toutes les ordonnances récentes ont assorti leur application d'un échéancier relativement long de mise en oeuvre.

2. Une conjonction inespérée d'occasion politique, économique et sociale

Il a fallu une crise économique pour que le processus de réforme soit lancé.

A la fin des années 1990, l'instabilité des Gouvernements israéliens a permis à des groupes d'intérêts, agissant au travers des commissions de la Knesset, de faire adopter des lois très onéreuses, sans qu'en contrepartie, on n'augmente les recettes.

En 2001, l'effet de ciseau n'était plus soutenable.

Cette fois-ci, une fois la crise résorbée, le Gouvernement n'a pas repris ses vieilles habitudes : les réformes ont été soutenues, en dépit du fait que la plupart de ses défenseurs n'aient modifié ni leurs méthodes ni leur discours idéologique.

Le ministre des finances Benjamin Netanyahu n'a pas tardé à faire valoir la réussite de sa méthode.

Toutefois, ce qui semble avoir rendu possible la réforme réside plutôt dans la conjonction favorable des conjonctures économiques, sociales et, surtout, politiques, qui ont permis aux administrations de l'État de faire passer leurs propositions.

a) Les ambitions de Benjamin Netanyahu

M. Netanyahu s'est saisi de la réforme parce qu'il avait besoin d'un tremplin pour redorer son blason politique mis à mal durant son mandat de Premier ministre.

Son mérite a consisté à transformer des propositions complexes bâties par la Haute administration en des slogans simples et populaires. En ce sens, il est parvenu à faire passer ses choix au sein du comité central du Likoud, traditionnellement inféodé aux intérêts catégoriels et à ceux qui réclament des augmentations de dépenses.

Cependant, en même temps, il faisait campagne contre le désengagement de Gaza, qui a la faveur des investisseurs, et tentait de distancer le Premier ministre Ariel Sharon, alors même que la stabilité politique était essentielle à la viabilité économique.

Finalement, Netanyahu aurait été incapable de faire adopter son dernier budget sans les manoeuvres de dernières minutes d'Ariel Sharon.

b) Les calculs d'Ariel Sharon

Ariel Sharon cherchait à confier une tâche de poids à son ambitieux ministre des finances, tout en gardant un oeil attentif sur lui : aucun ministre des finances n'a récemment accédé au poste de Premier ministre.

Ayant largement contribué à mettre en place les distorsions économiques, notamment pour les allocations allouées aux colons juifs, Ariel Sharon cherche aujourd'hui à marquer son mandat en soutenant le processus de désengagement de la bande de Gaza.

Son parti a voté contre ces propositions et lui-même a perdu la confiance tant de son comité central que de la majorité des membres du Likoud qu'il avait désignés en tant que ministre.

Il a par conséquent cherché à construire son pouvoir avec l'aide du soutien politique des Etats-Unis.

Or, Washington a conditionné les garanties de prêt accordées en 2001 à la révision complète du système économique israélien. Ariel Sharon a considéré que c'était un prix acceptable à payer en contrepartie du soutien américain basé notamment sur l'affirmation que les réalités de terrain (telles que les implantations dans la bande ouest) devraient être prises en compte dans les négociations finales israélo-palestiniennes.

Toutefois, Ariel Sharon a également entendu payer en retour le soutien de ses alliés en faisant adopter le budget du retrait de Gaza.

c) La confusion du parti travailliste

Les leaders du parti travailliste se sont divisés, engendrant une certaine confusion au sein du parti. Ils doivent néanmoins s'entendre sur une feuille de route.

La principale base électorale du parti réside aujourd'hui dans la classe moyenne, les travailleurs l'ayant abandonnée en faveur du Likoud et du parti Shas.

Fondamentalement le désengagement est aujourd'hui sa première préoccupation. Le parti a donc dû accepter certaines des propositions de réforme libérale de Benjamin Netanyahu, afin de soutenir le retrait de Gaza, puisque le succès de ce retrait est concrètement corrélé à la réussite des réformes budgétaires.

d) La faiblesse du Histradrut

La fédération nationale syndicale, Histradut, est aujourd'hui encore plus désorganisée que le parti travailliste.

Elle est devenue un club privé rassemblant les syndicats les plus riches du pays, qui défendent becs et ongles leurs salaires et leurs avantages. C'est ce qui explique que le Histradut a perdu la grande majorité des travailleurs, de condition modeste.

Par conséquent, aucune organisation ne les représente plus aujourd'hui, alors même qu'ils sont les premiers touchés par les réformes libérales engagées par le Gouvernement.

e) Le discrédit de la Knesset

D'après les résultats des derniers sondages, la Knesset, qui est à l'origine de la plupart des distorsions économiques aujourd'hui combattues par le Gouvernement, et traditionnellement opposée à toute réforme, quelle qu'elle soit, souffre aujourd'hui du pire discrédit de son histoire.

Elle est donc incapable de mobiliser l'opposition populaire autour du soutien de réformes difficiles.

En conclusion, l'objectif des hauts fonctionnaires de l'État qui dirigent et mettent en oeuvre les réformes vise à amener les analystes économiques étrangers à classer Israël en entité économique standardisés -plutôt que parmi les économies en développement ou émergentes.

On peut dire aujourd'hui qu'ils y sont partiellement parvenus.

Ces derniers mois, les investisseurs étrangers ont donné des signes allant dans ce sens vis-à-vis des sociétés israéliennes, propulsant le marché de valeur des actions de Tel Aviv, pendant que le Nasdaq et le Dow connaissaient de nouvelles baisses.

II. LE DÉROULEMENT DE LA MISSION

Arrivée à tel Aviv le dimanche soir 15 mai, la délégation a été invitée à Jérusalem par Mme Colette Avital, Présidente du groupe d'amitié interparlementaire « France-Israël » à la Knesset, à venir partager un dîner, au cours duquel les principaux points de préoccupations des parlementaires israéliens ont pu être abordés.

Dressant un tableau rapide de la situation, et notamment du contexte du retrait de la bande de Gaza, Mme Avital a présenté la société israélienne à un tournant de son histoire, même si elle n'a pas sous-estimé les tensions, nombreuses, qui la traversent : notamment l'agitation alimentée par les groupuscules d'extrême droite.

Vue de Jérusalem la nuit

Mme Avital est née en Roumanie en 1940. Sa famille s'est installée en Israël en 1950.

Elle a fait toute sa carrière professionnelle au ministère des Affaires étrangères et a exercé diverses fonctions :

? vice-directeur à l'information (1979-1981) ;

? directeur de l'école Ehud Avriel, chargée de former les futurs diplomates (1984-1986) ;

? vice-directeur général à l'information, aux medias et à la culture (1986-1988) ;

? vice-directeur général pour l'Europe au ministère des affaires étrangères.

A l'étranger, elle a été en poste à Montréal, Bruxelles (attaché de presse et attaché culturel), Paris (ministre-conseiller), Boston (consul), Lisbonne (ambassadeur), New York (consul général).

Elle est entrée en politique en 1999. Elle siège depuis lors dans les rangs travaillistes à la Knesset.

Francophile, elle a été la présidente du groupe d'amitié parlementaire France-Israël à la Knesset.

Mme Avital est une polyglotte distinguée (outre l'hébreu, elle pratique le français, l'anglais, l'allemand, le roumain, le portugais et l'italien). Elle est également diplômée de plusieurs universités en sciences politiques et en littérature anglaise (Jérusalem, Montréal, Harvard).

1. Le lundi 16 mai

Le matin, la délégation a été guidée dans la vieille ville de Jérusalem, sur les lieux saints de prière.

Les membres ont pu aller se recueillir devant le mur des lamentations et parcourir le tunnel creusé sous l'esplanade des mosquées, aujourd'hui entièrement déblayé.

Ils ont ensuite parcouru le coeur de la vieille ville, en suivant la trace du chemin de croix de Jésus-Christ, jusqu'au Saint-Sépulcre.

Dans la vieille ville de Jérusalem, les sénateurs suivent les étapes du chemin de croix, jusqu'au Saint-Sépulcre.

La délégation est ensuite allée déjeuner avec Mme Osnat Bar-Yosef et M. Samuel Ravel, directeurs des départements I et IV pour l'Europe de l'Ouest du ministère des affaires étrangères.

Issus du corps diplomatique, et s'occupant plus particulièrement des relations entre Israël et l'Ouest de l'Europe, ils ont fait part aux membres de la délégation du réel changement observé depuis l'accession de Mahmoud Abbas à la tête de l'autorité palestinienne.

Ils ont témoigné du réchauffement des relations avec la plupart des représentants du monde occidental, signe, selon eux d'une « normalisation » souhaitée des relations extérieures israéliennes.

L'après-midi, la délégation a visité le Mémorial des Martyrs et des Héros de l'Holocauste « Yak Vashem ».

Le soir, les membres ont pu discuter avec les correspondants des médias français à Jérusalem : Danièle Kriegel Enderlin, correspondante notamment de la dépêche du Midi sur les questions moyen-orientales ; Gilles Paris, correspondant du Journal « Le Monde » à Jérusalem ; Emmanuel Faux, correspondant permanent d'Europe 1 au Proche-Orient et Nicolas Rosenbaum, correspondant de RFI à Jérusalem.

Témoins quotidiens des tensions qui traversent à l'heure actuelle la société israélienne, ils ont pu apporter un éclairage direct sur les enjeux du processus de retrait des colonies et sur les réformes économiques à l'oeuvre.

2. Le mardi 17 mai

Le matin, la délégation s'est rendue sur les hauteurs de la ville de Kalkiliya (municipalité palestinienne remportée par le Hamas lors des dernières élections municipales), afin de se rendre compte sur le terrain de la réalité de la barrière de sécurité .

Sur les hauteurs de Kalkilia, un officier de l'armée israélienne explique les enjeux de la barrière de sécurité.

Un officier de l'armée chargé de l'information a examiné le tracé de la barrière et, graphiques à l'appui, a fait part des résultats déjà obtenus, à savoir, la diminution conséquente du nombre d'attentas.

L'après-midi, la délégation a pu s'entretenir avec les représentants d'une ONG israélienne spécialisée sur la question des minorités arabes en territoire d'Israël : Sikkuy (voir le compte-rendu de l'entretien en partie III).

Sikkuy qui signifie « occasion » ou « opportunité » en hébreu est une ONG israélienne non partisane et à but non lucratif qui soutient et met en oeuvre des projets qui doivent permettre de faire avancer l'égalité civique entre les citoyens arabes et juifs d'Israël tant au niveau du budget de l'Etat que la distribution d'allocations, les prêts accordés par les banques ou encore le partage des terres.

Créée en 1991 comme une organisation de défense judéo-arabe, les actions de Sikkuy sont fondées sur le droit de chaque citoyen à influencer les décisions et les politiques gouvernementales.

Membre actif au sein des organisations internationales privées, le Sikkuy s'efforce de faire avancer un certain nombre de valeurs au fondement de la société israélienne, notamment :

- l'égalité : parvenir à une égalité complète des droits entre citoyens juifs et arabes ;

- la citoyenneté partagée : fonder la bataille pour l'égalité sur le principe de citoyenneté ;

- la dignité de la personne humaine : promouvoir la dignité humaine comme la valeur suprême à la base des relations entre les citoyens et leur Etat.

L'ONG est dirigée conjointement par des administrateurs arabes et juifs, administrée par deux co-directeurs arabe et juif et emploie du personnel juif et arabe.

Les journalistes du journal Haaretz ont reçu les membres au siège du Journal, à Tel Aviv.

Quotidien de référence en Israël, le Haaretz a toujours été opposé à la politique de colonisation d'Ariel Sharon et soutient aujourd'hui le processus de désengagement (voir le compte-rendu de l'entretien dans la troisième partie).

Le soir, une réception à l'Ambassade de France avec des universitaires et autorités politiques du pays a permis aux membres d'être confrontés à la diversité des positions, face à la politique de retrait d'Ariel Sharon, et de discuter des scénarii possibles pour la suite des évènements.

3. Le mercredi 18 mai

Le matin, la délégation s'est rendue dans la ville sainte de Bethléem, ville du Christ.

Les membres sont allés se recueillir sur les lieux saints, et, en particulier, sur le berceau de la nativité.

Ils ont ensuite été reçus par le maire chrétien de Bethléem, Hanna Nasser (voir compte-rendu de l'entretien en partie III), dont le mandat était en jeu.

La délégation entoure le maire de Bethléem

(de gauche à droite :

MM. Laurent Béteille, Philippe Richert, Président, Hanna Nasser, maire, Jean-Pierre Plancade, David Assouline et Yannick Texier)

Quelques jours après le départ de la délégation, on apprenait que le conseil municipal issu des élections municipales du 5 mai avait élu Victor Batarseh, 70 ans, pour succéder au maire sortant Hanna Nasser.

Chrétien palestinien du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), M. Batarseh a été élu grâce aux voix du mouvement islamiste Hamas, a-t-on appris auprès du conseil municipal.

Le FPLP, parti laïc membre de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), ne disposait que de trois conseillers municipaux sur les 15 que compte le conseil, mais M. Batarseh a obtenu les voix des cinq élus du Hamas qui l'ont soutenu face à Toni Salmane, candidat du mouvement Fatah du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.

Avant de regagner Jérusalem, la délégation s'est rendue de l'autre côté de l'enceinte, pour aller se recueillir sur le tombeau de Rachel.

De retour à Jérusalem, la délégation s'est rendue à la Knesset : après avoir été saluée dans l'hémicycle par le Président de la Knesset, les sénateurs ont visité la Knesset, avant de partager un déjeuner avec des parlementaires, autour de la Députée Mme Colette AVITAL, présidente du groupe d'amitié Israël France à la Knesset.

L'après-midi, le Président de la Knesset (voir compte-rendu de l'entretien dans la troisième partie), M. Rivlin, a reçu les sénateurs en audience.

Juriste de formation, M. Rivlin, né en 1939 à Jérusalem, est conseiller municipal de sa ville natale depuis 1978.

Il a exercé diverses fonctions dans le secteur privé (membre du conseil exécutif d'El-Al, de 1981 à 1986) et dans le domaine de la culture (ancien membre du conseil d'administration du « Khan Theater » et du conseil d'administration du musée d'Israël à Jérusalem). Il est élu en 1988 à la Knesset.

Dans le premier Gouvernement Sharon, il a été ministre des télécommunications de mars 2001 à février 2003.

Il a été élu à la présidence de la Knesset le 19 février 2003.

Enfin, la délégation a pu s'entretenir avec M. Vilnai, ministre du Gouvernement d'Ariel Sharon, dont les propos optimistes ont permis aux sénateurs d'entrevoir la possibilité de la reprise des négociations après le retrait de la bande de Gaza (voir le compte-rendu d'entretien en troisième partie).

M. Yannick Texier et M. Vilnai, ministre dans le Gouvernement d'Ariel Sharon.

III. LE COMPTE RENDU DES ENTRETIENS DE LA MISSION

A. COMPTE RENDU DE L'ENTRETIEN AVEC M. RUIVLIN, PRÉSIDENT DE LA KNESSET, LE MERCREDI 18 MAI 2005, À LA KNESSET

Le président Ruivlin a tout d'abord indiqué que le modèle de démocratie en Israël s'inscrivait beaucoup plus dans la tradition française que britannique, parlant même d'un « modèle français ».

Il a reconnu que ce modèle attirait sur Israël l'animosité de certains de ses voisins, peu enclins à reconnaître la valeur morale de l'Etat d'Israël.

A titre personnel, il s'est dit résolument en faveur de l'idéologie juive et en même temps profondément démocrate. Il a, à cet égard, dit entretenir de très bonnes relations avec le parti socialiste, et en particulier avec Shimon Peres.

Rappelant que 20 % de la population en Israël n'était pas juive, il a placé l'enjeu du pouvoir sous le double impératif de veiller à la fois au bien du peuple juif et au respect de l'égalité des droits des non-juifs résidant en Israël.

Opposé à la barrière de sécurité, il s'est dit convaincu qu'elle finirait par devenir une barrière politique, et pas seulement stratégique, et il a souhaité qu'elle finisse par être démantelée.

Il a souligné la difficulté de parvenir à la paix dans le contexte politique actuel, caractérisé par l'opposition du parti du Premier ministre à la politique de celui-ci et le ralliement des partis d'opposition, hostiles à Ariel Sharon, à cette politique.

Réitérant sa joie de recevoir une délégation française, il a appelé de ses voeux l'amélioration de la compréhension mutuelle et le renforcement des relations franco-israéliennes.

M. Philippe Richert, Président du groupe d'amitié , a indiqué que la délégation avait été sensible aux propos exprimés dans l'hémicycle par M. Ruivlin, concernant le combat des autorités françaises contre l'antisémitisme et l'attachement des Français aux valeurs de respect et de tolérance.

A titre personnel, en tant que président d'un conseil général, il s'est dit très touché par les actes de violences antisémites et préoccupé des doutes exprimés par les Israéliens quant à la position du Gouvernement français à l'égard de l'Etat d'Israël.

A priori circonspect quant au principe de la barrière de sécurité, dont l'érection ne peut pas ne pas rappeler certains épisodes douloureux de l'histoire européenne, et en particulier la coupure brutale de l'Allemagne en deux, il a reconnu qu'Israël avait non seulement le droit, mais aussi le devoir, de protéger ses citoyens.

Abordant la question du retrait de Gaza, il a souhaité que ce signe politique fort s'inscrive dans une démarche politique de plus long terme, et que des perspectives soient dressées pour l'avenir.

Estimant que son pays n'avait pas de leçon à donner à Israël, il a néanmoins assuré le Président du soutien et de la présence de la France aux côtés de l'Etat d'Israël.

M. Ruivlin, Président de la Knesset , a insisté sur la difficulté à faire comprendre dans la région les vertus de la démocratie. Connaissant la fermeté de la France à l'égard des terroristes, il a reconnu qu'il était difficile d'appliquer en Israël les mêmes méthodes, eu égard à la spécificité et à la complexité de la situation intérieure.

Quant à l'avenir des négociations de paix avec M. Abou Mazen, il s'est dit plein d'espoir, et pourtant sans illusion si le terrorisme devait perdurer dans les territoires occupés.

Insistant sur la complexité du débat idéologique en Israël, il a indiqué qu'il s'agissait d'un tiraillement constant entre le devoir de vivre ensemble et le désir d'être séparés.

Il a néanmoins indiqué qu'un consensus politique existait sur la nécessité de négocier avec les Palestiniens, sous réserve que ces derniers acceptent les conditions posées par la feuille de route.

Il s'est inquiété que la multiplication des intervenants (Quartette, ONU, Europe, Etats-Unis) et des propositions de résolution du conflit ne crée une certaine confusion, et, finalement, ne profite à ceux qui ne veulent pas de la paix.

Reconnaissant les vertus, provisoires, de la barrière de sécurité, il a conclu ses propos en réitérant sa conviction « qu'on ne négocie pas avec le terrorisme » et souhaité que le Parlement, instance de décision centrale en Israël, soit pleinement associé à toutes les étapes du processus de paix, comme il l'avait été lors de la signature des accords d'Oslo.

B. COMPTE-RENDU DE L'ENTRETIEN AVEC M. VILNAI, LE 18 MAI 2005, À LA KNESSET

M. Vilnai s'est tout d'abord présenté comme un bon connaisseur du phénomène terroriste en Israël, pour l'avoir longtemps combattu lorsqu'il faisait partie des troupes militaires israéliennes, et avoir été très grièvement blessé lors du conflit avec le Liban.

Aujourd'hui candidat au poste de leader du parti travailliste, il a indiqué être particulièrement préoccupé par les écarts, tant économiques que politiques, qui se creusent au sein de la population israélienne, estimant que cette évolution était plus déstabilisante pour le pays que la question du retrait de Gaza ou que le problème de la nucléarisation de l'Iran.

Après avoir exprimé ses remerciements à la France pour l'arrêt de la diffusion de la chaîne de télévision Al Manar, il a indiqué avoir été à l'origine d'un accord de coopération culturelle franco-israélien, négocié lorsqu'il était ministre de la culture avec M. Aillagon, qui occupait alors le même poste en France.

Abordant la question du retrait de Gaza, il a estimé que beaucoup d'Israéliens vivaient dans l'illusion et qu'il fallait envisager l'avenir en trois étapes :

- la première, préalable, consistait à combattre le terrorisme de l'islamisme intégriste, dont il a rappelé qu'il était l'ennemi commun d'Israël et des leaders musulmans dans le monde.

Estimant que la guerre était le seul langage possible avec eux, il a reconnu qu'il ne s'agissait pas d'une solution en soi.

- la seconde devait être la séparation des Israéliens et des Palestiniens.

A ce sujet, il s'est dit confiant dans le succès de la barrière de sécurité, dont il a rappelé qu'il avait suggéré l'idée à Itzak Rabbin, au lendemain de la signature des accords d'Oslo : alors, l'Etat major israélien était opposé au principe de la barrière, estimant sa mise en oeuvre trop onéreuse.

S'il a reconnu que des efforts restaient à faire concernant le tracé, il a estimé que cette séparation physique était indispensable pour faire barrage au terrorisme.

- la troisième étape, essentielle, réside dans la négociation.

Attaché à ce que l'Etat d'Israël reste un Etat juif, il a indiqué que les efforts du parti travailliste au sein de la coalition tendraient à ce que ni la judaïcité ni le caractère démocratique de l'Etat d'Israël ne soient remis en question.

Résolument optimiste quant au caractère pacifiste du désengagement, il a estimé que le véritable test viendrait ensuite et appelé de ses voeux la réalisation des trois étapes décrites plus haut.

*

* *

Après avoir indiqué à M. Vilnai qu'il était le seul ministre en exercice rencontré par la délégation, M. Philippe Richert, président du groupe d'amitié France-Israël , a indiqué que l'ensemble des membres de la délégation avait participé à ce choix et tenu à le rencontrer personnellement.

Remerciant le ministre pour la clarté et la précision de ses propos, il s'est réjoui que les entretiens puissent se clore sur une vision optimiste de l'avenir pour Israël.

Convaincu de la grande souffrance du peuple israélien, M. Jean-Pierre Plancade , vice-président du groupe d'amitié France-Israël, s'est réjoui de pouvoir constater que les préoccupations de M. Vilnai, qu'il a considéré être un des leaders du parti travailliste, portent aussi sur la société civile et pas seulement sur la question du retrait de Gaza.

Exprimant son attachement à Israël, il a néanmoins insisté sur le fléau que représentait le terrorisme, non seulement pour Israël mais aussi pour le monde entier.

M. David Assouline , vice-président du groupe d'amitié France-Israël, a souhaité tout d'abord relater les propos d'amis israéliens, questionnés sur les leaders actuels du parti travailliste, et qui auraient présenté M. Vilnai comme l'« étoile montante » de ce parti.

Il a ensuite interrogé le ministre sur le maintien ou non du parti travailliste au sein de la coalition, une fois le désengagement terminé.

Reconnaissant qu'il s'agissait d'une question centrale, M. Vilnai a tenu à rappeler que le parti travailliste en Israël ne pouvait être considéré comme un parti de gauche.

Faisant référence à sa propre expérience, il a indiqué que son père, professeur, avait été un des plus ardents promoteurs du « Grand Israël », sujet auquel il avait consacré la plupart de ses ouvrages.

Revenant à la question du vice-président, il s'est dit convaincu qu'on ne trouverait pas de solution dans la guerre et que le parti travailliste ne resterait pas dans un Gouvernement qui refuserait la poursuite du processus de paix.

Indiquant que le rapport de force droite/gauche n'avait plus vraiment de sens en Israël, il a estimé que le seul espoir d'arriver à conclure la paix reposait sur le centre politique, tout en reconnaissant que tout dépendrait de l'attitude à venir des Palestiniens après le désengagement.

M. Laurent Béteille, vice-président du groupe d'amitié France-Israël, s'est inquiété de la suite donnée au retrait de Gaza, interrogeant le ministre sur un éventuel « plan » israélien pour gérer « l'après » et sur d'éventuelles négociations avec l'Autorité palestinienne.

M. Vilnai s'est accordé pour penser qu'il s'agissait d'un point essentiel, et estimé que l'enjeu pour Ariel Sharon était de parvenir à s'intégrer au sein de la feuille de route.

Même s'il a reconnu qu'Ariel Sharon avait encore tout à prouver, et que rien ne préservait le parti d'un éventuel virage à l'extrême droite, il s'est dit confiant, rappelant l'expérience de l'évacuation totale du Sinaï sous le Gouvernement de M. Begin.

M. Yannick Texier, secrétaire du groupe d'amitié, a exprimé tout l'intérêt de ce déplacement, dont il a rappelé qu'il correspondait pour lui à une première visite en Israël.

Convaincu de l'importance du rapprochement entre la France et Israël, il a reconnu que cette visite avait permis de le convaincre de la nécessité et de l'utilité de la barrière de sécurité.

En conclusion, M. Philippe Richert, orésident, a remercié le ministre pour la qualité de l'entretien et les signes d'espoir qu'il avait transmis à la délégation, tant en ce qui concerne le processus de paix que la modernisation de l'Etat d'Israël.

Il a enfin réitéré l'attachement de la France à l'égard du grand et beau pays d'Israël.

C. RENCONTRE AVEC LES JOURNALISTES DU HAARETZ, JOURNAL DE RÉFÉRENCE EN ISRAËL, LE MARDI 17 MAI, AU SIÈGE DU HAARETZ, À TEL AVIV

Le rédacteur en chef a tout d'abord présenté le journal comme le seul véritable quotidien d'information générale du pays.

Distribué à environ 100.000 abonnés, Haaretz doit, selon lui, conquérir aujourd'hui un public plus large, notamment par le biais de ses divers « suppléments » (sport, magazine, littérature, culture, etc.).

Il a souligné qu'une version électronique du journal était consultable en anglais sur Internet.

Interrogé sur les sujets d'actualité du journal, il a indiqué que :

- sur le plan politique, la majorité des articles traitait du désengagement de la bande de Gaza et de la situation sociale ;

- sur le plan économique, l'attention portait particulièrement sur le processus de privatisation en cours.

Il a indiqué qu'un certain nombre de journalistes du Haarezt étaient implantés dans les territoires, citant l'exemple de la journaliste Amira Hass 3 ( * ) , qui travaille depuis plusieurs années côté palestinien, a résidé longtemps à Gaza et habite aujourd'hui à Ramallah : journaliste de terrain et de combat, elle se trouve à l'heure actuelle dans le Gush Katif (implantation des colonies israéliennes dans le nord de la bande de Gaza), a t'il précisé.

Même s'il a insisté sur la diversité des opinions au sein du journal, il a néanmoins indiqué que la ligne éditoriale du journal s'était toujours positionnée contre la politique de colonisation menée par Israël et estimé que la majorité de la population soutenait aujourd'hui le désengagement.

Hostile au principe de la barrière de sécurité, il a tenu à dénoncer le lien simpliste établi entre l'avancée de la barrière et la diminution des attentats, considérant que l'accalmie actuelle allait également dans le sens des intérêts des autorités palestiniennes, pressées de voir les Israéliens se retirer de leurs territoires.

Il a estimé que rien ne garantissait qu'une nouvelle flambée de violence ne reprenne après le retrait, et ceci d'autant plus que la stratégie d'Ariel Sharon consistait à se servir du retrait unilatéral comme un alibi pour radicaliser ses positions sur les autres terrains.

David Assouline , vice-président du groupe d'amitié, a souhaité connaître les principaux sujets de préoccupation économiques et sociaux de la population israélienne.

Le rédacteur en chef lui a répondu que le mouvement de privatisation de grande ampleur était le principal facteur d'inquiétudes des Israéliens.

Il a considéré que l'affaiblissement de la Fédération générale du travail Histradout avait permis au Gouvernement d'entamer les droits des chômeurs et des retraités, sans que ces derniers n'aient de véritables moyens de protester.

Il a donné comme exemple du processus en cours le renvoi de 5.000 des 100.000 professeurs des écoles.

M. Laurent Béteille , vice-président du groupe d'amitié, s'est demandé si la disparition de Yasser Arafat n'avait pas été une occasion manquée pour normaliser les relations avec les Palestiniens.

Les responsables du journal ont indiqué que de grands changements étaient aujourd'hui à l'oeuvre, et en ont donné pour preuve les négociations à tous les niveaux menés entre l'OLP et les autorités israéliennes.

Interrogés sur l'avancée du Hamas aux dernières élections municipales, ils se sont, enfin, montré plutôt rassurants, considérant que ce mouvement, classé parmi les organisations terroristes par les instances internationales, était néanmoins en voie de modernisation.

D. VISITE DE BETHLÉEM ET COMPTE RENDU DE LA RENCONTRE AVEC LE MAIRE CHRÉTIEN, M. HANNA NASSER, LE MERCREDI 18 MAI 2005, À BETHLÉEM

Le maire de Bethléem a estimé que le mur qui coupait sa ville en deux était une honte non seulement pour Bethléem, ville berceau de la chrétienté et de la nativité, mais aussi pour l'ensemble du pays.

Il a déploré que l'enceinte construite autour du tombeau de Rachel, véritable cicatrice pour Bethléem, soit également une catastrophe économique pour la ville, privée des retombées engendrées par les différents pèlerinages autour de ce lieu de culte.

Il a indiqué qu'il restait vigilant sur toutes les constructions en cours, et qu'il continuerait à remettre en cause le tracé en portant devant la Cour constitutionnelle tous les cas qu'il estimait manifestement illégaux, c'est-à-dire en contradiction avec le tracé de la ligne verte.

Il a présenté Abou Mazen comme un homme sage et prêt à négocier, représentant un véritable espoir pour le peuple palestinien, même s'il a reconnu qu'il devait encore acquérir le monopole de la force légitime dans les territoires.

Il s'est indigné du sort des minorités arabes en terre d'Israël déplorant que l'égalité de leurs droits ne leur soit pas assurée.

Il a appelé de ses voeux le soutien de l'Europe, et en particulier de la France, pour faire pression sur les Israéliens en ce sens.

Interrogé sur le sort réservé aux juifs par les Palestiniens, il a considéré qu'on ne laissait même pas à ces derniers le territoire suffisant pour y élever leurs enfants, et que l'arrêt de la colonisation devait constituer un préalable à toute éventuelle négociation.

Conscient que de véritables pourparlers ne pourraient avoir lieu avant la mise en place d'un Etat palestinien à part entière, il a souhaité que les conditions qui permettraient l'installation de cet Etat voient le jour le plus vite possible.

Il a estimé que la seule voie possible vers la paix passait par la séparation des deux peuples : les Palestiniens en Palestine et les Israéliens en Israël.

Abordant la question du retrait de la bande de Gaza, il a estimé que le recul de la colonisation était une bonne chose, même si les modalités imposées par Ariel Sharon allaient à l'encontre du droit du Peuple palestinien à disposer de son territoire : ainsi, il a espéré que ne se reproduise pas le scénario du retrait, non coordonné également, du Nord Liban, qui avait laissé les populations aux mains du Hezbollah et des troupes syriennes, faute de négociations préalables.

E. COMPTE RENDU DE LA RENCONTRE AVEC L'ONG SIKKUY, LE MARDI 17 MAI, AU SIÈGE DE L'AMBASSADE DE FRANCE, À TEL AVIV

L'association Sikkuy était représentée par :

- Carl Gann-Perkal, directeur du développement ;

- Ali Haider, avocat, co-directeur.

Le responsable du développement de l'association s'est présenté comme un juif, sioniste, né en Israël, et à ce titre, représentant forcément les intérêts de la partie israélienne au sein de l'association.

A propos de la barrière de sécurité, il a estimé que ce mur symbolisait le rêve le plus doux des Israéliens à savoir se séparer des Palestiniens. Muraille conceptuelle au coeur d'Israël, la construction est destinée à défendre les juifs mais représente également une séparation ethnique. Il a rappelé à cet égard, que 80 % de la population israélienne était juive et 20 % arabe, ceux-ci étant restés sur la terre d'Israël après la « Nachbah ».

Il a proposé d'entrer dans l'arrière-cour de la population israélienne, en explorant la réalité de la vie des populations.

A titre d'exemple, il a indiqué que toute l'infrastructure d'un Kibboutz était financée selon le principe du « complément », d'une part par l'Agence juive et d'autre part par l'Etat d'Israël qui apportait les financements complémentaires.

Pour illustrer l'action du Sikkuy, il a cité le programme Galilée-Negueev qui vise à octroyer des financements de développement des infrastructures non plus selon une clé ethnique mais sur une base géographique.

C'est ainsi que, concrètement, l'organisation oeuvre pour l'amélioration des droits de la minorité arabe en Israël, dont il a rappelé qu'elle regroupait les Palestiniens restés en Israël après 1948, les réfugiés et ceux des territoires occupés et de Jérusalem.

Il a insisté sur l'exclusion des Arabes israéliens des centres de décision indiquant que le Parlement israélien comptait aujourd'hui 110 députés, et non 120, afin d'en exclure les Palestiniens.

Il a précisé que l'action de son association visait à faire évoluer les comportements à trois niveaux : au sein de l'administration centrale, parmi les élus locaux et dans le grand public.

Il a conclu sur la difficulté à faire évoluer les mentalités d'une société israélienne au sein de laquelle la signification du sionisme était aujourd'hui remise en cause.

Interrogé par Philippe Richert, président du groupe d'amitié France-Israël , sur le sort des députés palestiniens et sur une éventuelle exclusion de leur part, il a répondu que l'intention des députés arabes n'avait jamais été réellement mise à l'épreuve en l'absence de toute perspective de devenir membre du Gouvernement israélien. Il a néanmoins rappelé qu'un ministre druze appartenant au parti travailliste ainsi que deux vice-ministres palestiniens d'un autre parti sioniste avaient eu l'occasion d'y participer.

M. David Assouline, vice-président , a souligné que l'égalité sociale lui paraissait être une revendication plus importante de la part des Israéliens arabes que l'éventualité de participer au Gouvernement. A cet égard, il s'est interrogé sur les actions concrètes du Sikkuy tendant à promouvoir l'égalité des chances. Il s'est par ailleurs interrogé sur l'intérêt pour les citoyens arabes d'être représentés au sein du Gouvernement.

Les représentants de l'association ont indiqué que si l'égalité sociale était le but de leur action, le contexte rendait sa mise en oeuvre difficile. Ils ont indiqué que, selon des sondages récents, 42 % du peuple juif en Israël s'était dit favorable à l'adoption de lois encourageant les citoyens arabes à émigrer vers les pays arabes.

Il a rappelé les événements d'octobre 2000 au cours desquels 13 manifestants arabes avaient été tués par balle par la police israélienne, sous le Gouvernement d'Ehoud Barak, alors même que les arabes avaient voté en faveur de ce Gouvernement.

Une commission d'enquête nommée « Or » a été mise en place. Après trois ans de travaux et d'auditions, les conclusions de la commission ont dressé le tableau de l'échec de la promotion de l'égalité entre les juifs et les arabes. Préconisant des mesures concrètes pour faire reculer les discriminations, ses conclusions ont été adoptées par le Gouvernement. Depuis lors, un groupe de pression, financé notamment par la Commission européenne et par le Gouvernement finlandais, travaille à la promotion de l'égalité, notamment par la mise en place d'un indice d'égalité (notation des ministères).

Ce groupe de travail agit dans deux directions essentielles :

- l'élaboration de recommandations au Gouvernement ;

- la communication en direction du public afin de sensibiliser l'opinion publique à la nécessité de l'égalité des droits.

M. Jean-Pierre Plancade, vice-président , s'est interrogé d'une part sur le rapport de forces politiques existant entre les députés arabes et juifs et, d'autre part, sur le mode de financement, notamment de l'eau et des infrastructures dans les villages arabes.

En réponse, les représentants du Sikkuy ont attiré l'attention des membres de la délégation sur le rôle prépondérant des hauts fonctionnaires dans les institutions, soulignant à cet égard l'importance de nommer des fonctionnaires arabes, ce qu'a récemment fait le ministre des affaires intérieures.

Le directeur du développement a conforté l'idée que l'égale répartition des biens et des richesses était une revendication plus importante que la représentation. Il a rappelé qu'en 1994, un certain nombre de biens avaient été transférés aux autorités arabes. Quant à la question du financement des infrastructures, il a rappelé que le mouvement islamique oeuvrait sans relâche en faisant appel aux dons de la population pour y subvenir.

Interrogé sur l'accomplissement du service militaire par la population arabe et sur la recherche des mixités dans les villages juifs et arabes, il a indiqué qu'il n'existait pas de lois obligatoires pour les arabes de participer au service militaire.

Cherchant à minimiser le lien entre accomplissement des devoirs militaires et égalité sociale, il a rappelé que les membres du parti orthodoxe, bien que traités de manière égalitaire, n'accomplissaient pas leur service militaire, et qu'à l'inverse les bédouins, assujettis à ce service, étaient pourtant menacés en permanence d'être déplacés.

Aussi, estimant que la proposition qui a pu être exprimée par un député arabe concernant l'enrôlement des citoyens arabes dans l'administration israélienne consistait plus un alibi qu'une revendication de la population, il a indiqué que le Sikkuy était favorable au fait de laisser la liberté de décider à chacun.

M. David Assouline, vice-président , a indiqué que face à des problèmes similaires, la France avait mis en place une Haute Autorité contre les discriminations. Il a néanmoins reconnu que la question de la population arabe en Israël ne soulevait pas seulement le problème des discriminations mais celui de la cohabitation d'une minorité nationale au sein d'une entité constituée.

Les représentants de l'association Sikkuy ont relevé l'intérêt d'être mis en relation avec la Haute Autorité à l'intégration et à l'égalité, dans la perspective d'un échange d'informations et ont indiqué qu'un colloque qui s'était tenu la veille avait permis à un grand nombre de personnes de s'exprimer sur la question de l'égalité.

Ils ont conclu leur propos en soulignant toute la difficulté de faire adhérer l'opinion publique à l'intérêt de l'égalité sociale, dans un pays où le courant majoritaire estime que « Israël appartient aux juifs » développant un discours nationaliste et libéral sur le plan économique.

* 1 Mouvement nationaliste palestinien, créé en 1957 par des Palestiniens exilés au Koweït, mais apparu en plein jour en 1959.

* 2 (acronyme signifiant aussi « Enthousiasme ») Groupe islamique palestinien créé le 14 décembre 1987 (cinq jours après le début de l'Intifada). Principal rival de l'OLP dans les territoires occupés par Israël, Hamas a bénéficié des échecs de Yasser Arafat sur le plan international, particulièrement après la Guerre du Golfe. Il s'oppose à toute négociation avec Israël et est responsable de nombreux attentats en Israël.

* 3 Elle a tiré de son expérience gazaouite un livre traduit en français, « Boire l'eau de la mer à Gaza ». Elle a décrit la société palestinienne pendant l'intifada, ce qui lui a valu d'être accusée par les lecteurs israéliens de « traîtrise » (et entraîné de nombreux désabonnements...) mais elle a toujours eu le soutien du propriétaire du Haaretz, Amos Shocken, qui préfère perdre des lecteurs que modifier la ligne éditoriale du journal. Le Monde a publié un portrait de cette journaliste de terrain et de combat en 2001.

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