2. Discours de M. Christian Estrosi, Secrétaire d'État chargé de l'Outre-Mer, au 38ème Forum des Îles du Pacifique (18 décembre 2007)
Monsieur le Président, Messieurs les chefs de Gouvernement, Mesdames et Messieurs, Chers Amis, Au nom de la France, je tenais à vous dire combien nous sommes sensibles de l'honneur que vous faites à notre Nation en la conviant pour la première fois à s'exprimer devant vous. Le Président de la République Nicolas Sarkozy m'a demandé de me faire son interprète et de vous transmettre ses pensées les plus amicales. Votre accueil à l'occasion de cette réunion du 38 ème Forum des Iles du Pacifique me touche beaucoup. Mes remerciements vont à tous vos collègues chefs d'État, de Gouvernement et de délégations qui ont accepté d'instaurer ce partenariat privilégié entre le Forum et la France. Le deuxième sommet Océanie-France, qui s'est tenu à Paris le 26 juin 2006, a montré la force des liens qui unissent la France et le Pacifique. Ce partenariat renforcé avec le Forum repose sur une idée simple : la France, par ses trois collectivités de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, fait partie de cette grande famille du Pacifique. C'est une formidable chance pour notre pays. Et c'est au nom de cette belle appartenance que je m'adresse à vous aujourd'hui. **** Le discours que j'ai la chance de prononcer devant vous va me permettre de vous faire part des grandes lignes de la politique de la France à l'égard de ses collectivités du Pacifique. Je connais en effet l'intérêt que vous portez à nos territoires d'outre-mer, où de nombreux membres du Forum effectuent régulièrement des missions. Concernant la Nouvelle-Calédonie d'abord, je tiens à vous rappeler que l'accord de Nouméa demeure le fondement de notre politique. Les engagements pris par le Gouvernement français sont et seront tenus. Le processus défini par l'accord continue à fonder les relations entre les communautés de Nouvelle-Calédonie, et trace les voies de leurs choix à venir. Je tiens d'ailleurs à vous rappeler que l'approfondissement de l'autonomie des institutions de la Nouvelle-Calédonie demeure à tout moment ouvert, par la possibilité pour les élus néo-calédoniens de choisir de nouveaux transferts de compétence. J'ai d'ailleurs décidé de réunir prochainement le comité des signataires, fondateur des accords de paix de Nouméa. Aujourd'hui, la Nouvelle-Calédonie est largement compétente dans les domaines de l'environnement, de la pêche, du commerce extérieur ou des transports aériens, de la formation, du développement économique ou bien encore de la coopération commerciale. C'est aussi cela la vision de la Nouvelle-Calédonie dans la France : une Nouvelle-Calédonie forte dans un cadre national, une Nouvelle-Calédonie libre dans des ensembles vastes comme celui du Pacifique ou celui de l'Europe. Quant à la Polynésie française ensuite, celle-ci jouit elle aussi d'une très large autonomie depuis 2004. Les autorités du Fenua n'ont pas hésité à faire un large usage des compétences qui leur étaient transférées, dans un contexte politique instable. Mais, je tiens à dissiper toute équivoque sur ce sujet : le Gouvernement français n'entend pas intervenir dans la vie politique interne à la Polynésie française. Il ne peut cependant demeurer indifférent, comme pour toute collectivité de la République, aux risques de paralysie institutionnelle que peut lui faire courir l'instabilité politique. C'est le sens du projet de loi que j'ai proposé, afin de renforcer la stabilité des institutions de la Polynésie française. Ainsi la transparence, la stabilité permettront à la Polynésie d'être plus forte, plus compétitive, plus sereine et plus conforme aux voeux de la grande majorité des Polynésiens. S'agissant de Wallis-et-Futuna enfin, Iles magnifiques et si proches de Tonga ; la France est et restera présente pour accompagner cette collectivité dans son développement économique et social. Sur ce territoire, la France entend préserver la coutume mais en la conjuguant avec les temps nouveaux. Tradition et modernité doivent être intimement liées afin d'aborder l'avenir avec les atouts du passé. Je tiens à vous assurer que le Gouvernement français confirme pleinement le choix de l'insertion régionale de ses trois collectivités françaises du Pacifique comme cela avait été affirmé lors du Sommet Océanie-France en 2006. Ce choix déterminé de l'adhésion à votre communauté régionale est aujourd'hui parfaitement réaffirmé par le Président de la République française. L'intégration de nos collectivités dans l'ensemble Pacifique s'inscrit pleinement dans notre histoire commune. L'autonomie dont elles disposent leur permet, plus facilement que par le passé, de nouer des liens avec les états voisins, qu'il s'agisse des grands pays de la région ou des états insulaires. Si la mondialisation accroît les occasions d'échanges commerciaux, elle multiplie également les chances de coopération et d'échange à travers le Pacifique. Tout en maintenant leurs liens avec la France, nos collectivités doivent se tourner encore davantage vers leurs voisins : elles possèdent des atouts incontestables et constituent pour certaines productions du Pacifique une formidable opportunité. Elles disposent surtout d'une précieuse expérience en matière de protection de l'environnement, d'énergies renouvelables, de recherche, de santé ou de formation des femmes et des hommes. Ce mouvement, indispensable pour bâtir un avenir commun prometteur, est déjà bien lancé : ainsi le renouvellement de la convention de coopération entre le Vanuatu et la Nouvelle-Calédonie témoigne de ces liens solides : la Nouvelle-Calédonie apporte la moitié du fonds de coopération, et elle a récemment associé l'État, à travers le Fonds Pacifique, à participer à un accroissement du total des moyens consacrés à cette coopération régionale. Les projets y sont préparés par les autorités Ni-Vanuatu et l'agence calédonienne de coopération, avec l'appui de l'ambassade de France à Port-Vila. Je me félicite de l'essor de cette forme de coopération qui permet de tisser des liens durables entre nos collectivités et leurs partenaires océaniens. J'en souhaite vivement le développement au bénéfice d'autres partenaires, tant à partir de la Nouvelle-Calédonie que de la Polynésie française. J'emprunterai un autre exemple, cette fois ci au secteur culturel : la Nouvelle-Zélande a accueilli en 2007 un ensemble d'artistes, de troupes et de manifestations culturelles de Nouvelle-Calédonie, qui ont participé à plusieurs festivals ou événements culturels du calendrier néo-zélandais. Le Gouvernement et les provinces du Caillou ont cofinancé ce programme avec le Fonds Pacifique. Et je sais, chers collègues, que cette opération a connu un vrai succès. Plus que la participation à un événement unique, ce type de coopération régulière est de nature à créer des liens durables qui sont le gage d'une heureuse intégration. Je citerai enfin, parmi les progrès de cette intégration régionale de nos collectivités, leur participation aux groupes de travail du Forum sur le Plan Pacifique et sur ce que nous appelons « l'architecture régionale ». Je suis reconnaissant au Secrétariat du Forum d'avoir ouvert la porte de ces groupes de travail aux nouveaux membres associés : quel meilleur signe d'appartenance à l'ensemble Pacifique que cette participation des collectivités françaises à la préparation de vos décisions ? Le temps est venu pour moi de vous présenter l'actualité des autres actions de coopération menées par la France dans le Pacifique. Il y a trois jours j'ai eu une longue discussion avec Helen Clark, premier ministre de Nouvelle-Zélande. Nous sommes l'un et l'autre d'accord pour mettre toutes nos forces et toute notre énergie en commun afin de mobiliser les moyens nécessaires pour enrayer les atteintes inacceptables à l'équilibre de l'environnement. Le destin du Pacifique et de la planète sont en effet intimement liés. Le Président de la République, Nicolas Sarkozy l'a d'ailleurs rappelé à la 62 ème assemblée générale des Nations-Unies, le 25 septembre dernier : « alors que tant de menaces pèsent sur l'équilibre du monde et sur l'avenir de la planète, la conviction de la France est que c'est à l'échelle planétaire qu'il faut poser et résoudre les problèmes ». La France s'est résolument engagée en faveur d'une prise en compte globale des préoccupations environnementales : c'est le sens du « Grenelle de l'environnement » qui va s'ouvrir très prochainement en France. Je tiens à vous dire que la France vous apportera son plein soutien face aux grands défis que vous devez affronter. Le développement durable est le premier pilier du Plan Pacifique, il est aussi un axe prioritaire de la politique française. Nous avons entendu votre demande de prise en considération des besoins spécifiques des petits états insulaires en développement, et nous soutiendrons votre action pour les faire reconnaître par la Banque mondiale. Nous appuierons vos efforts pour présenter au conseil du Fonds pour l'environnement mondial vos demandes au titre du nouveau Partenariat pour le développement durable. Comme vous le savez, l'agence française de développement est engagée dans la région par deux projets, ou « initiatives », l'une sur les coraux, en cours de réalisation et l'autre sur la gestion des déchets solides, en cours d'évaluation. L'initiative sur les coraux fera l'objet dans les mois qui viennent d'une première évaluation. Elle a permis, en liaison avec le Programme régional Océanien de l'Environnement, de préparer des schémas de création et de gestion d'aires marines protégées dans 7 pays de la région et dans nos trois collectivités. Elle contribue à définir la gestion côtière intégrée des zones de récifs. Elle se consacre maintenant davantage à l'étude d'activités économiques nouvelles visant à l'exploitation durable des ressources des lagons. L'initiative sur les déchets solides s'inscrit dans le cadre stratégique de gestion des déchets adopté par le Programme régional Océanien de l'Environnement. Ces deux initiatives volontaristes sont de réels projets fédérateurs : au total, les projets s'intégrant dans ces deux initiatives représenteront, sur 4 à 5 ans, une aide totale d'environ 16 millions d'euros. Les instituts de recherche présents dans nos collectivités y contribuent activement. Je suis heureux à cet égard de vous annoncer que l'Agence Française de Développement étudie actuellement la possibilité de lancer une troisième initiative montée selon ce schéma, dans le domaine essentiel de la santé, et plus particulièrement des affections non transmissibles, telles que la dengue ou le diabète. La Communauté du Pacifique, dont la santé constitue un domaine d'intervention prioritaire, sera je le souhaite de tout coeur un partenaire privilégié. Mes chers amis, la France a à coeur de participer activement au développement et au progrès du Pacifique. Il est temps d'entrer ensemble dans une nouvelle ère de modernisation pour nos territoires. Il n'y a aucune raison pour que les technologies de pointe ne parviennent pas au coeur du Pacifique. J'évoquerai particulièrement deux domaines dans lesquels la France souhaite sincèrement s'impliquer : les technologies de télécommunication et la surveillance des pêches. Il est inadmissible qu'au levé du 3 ème millénaire, les femmes et les hommes du Pacifique subissent une si injuste fracture numérique. Y remédier rapidement est pour moi un devoir d'équité et de justice. C'est pourquoi le Gouvernement français soutiendra le projet d'un câble sous-marin trans-pacifique reliant l'Australie à la Polynésie française. Cette coopération réussie contribuera puissamment au désenclavement de nombreux territoires de cette immense et magnifique zone pacifique si éloignée de tout continent technologiquement équipé. Outre la desserte des archipels de la région, ce projet permettra de renforcer la sécurité et la fiabilité des télécommunications dans tout le Pacifique. Je peux aujourd'hui vous assurer que la France, qui est d'ores et déjà prête à s'engager aux côtés de ses propres territoires, est prête à participer à ce projet si les autres bailleurs de fonds partagent cette analyse et peuvent apporter leurs concours. L'Australie et l'Union européenne pourraient sans doute figurer parmi les partenaires de cet investissement structurant pour la zone. Je me réjouis qu'une entreprise française comme Alcatel soit à l'origine de cet extraordinaire projet. En matière de surveillance des pêches, la France entretient des contacts réguliers, au niveau des états-majors navals, avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, conformes aux objectifs de la déclaration tripartite signée en avril-mai 2006. Je suis déterminé à tout mettre en oeuvre afin de lutter contre la pêche illégale, non enregistrée et non réglementée. Nous sommes disposés à mettre en place des expériences en matière d'utilisateur d'images satellitaires par exemple. L'accord Franz, conclu avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, a de nouveau montré son utilité lorsqu'ont dû s'organiser les secours après le tsunami du 2 avril aux Iles Salomon. Le laboratoire de physique du globe de Pamatai, à Tahiti, fait d'ailleurs partie du réseau d'alerte aux tsunamis du Pacifique, en liaison étroite avec le centre d'Hawaii. La France, qui entreprend de renforcer le système d'alerte installé dans ses collectivités, en particulier à Wallis-et-Futuna, est prête à affecter des crédits du Fonds Pacifique à l'amélioration du réseau de marégraphes de la région. Je voudrais, Messieurs les chefs de Gouvernement, dire quelques mots sur la place de la France et l'Europe dans le Pacifique. La France est le seul pays membre de l'Europe directement présent dans le Pacifique et dans ses organisations régionales. L'Union européenne conforte son aide aux pays ACP du Pacifique à travers le 10 ème Fonds Européen de Développement, et la présence du commissaire Louis Michel au Forum souligne le fort engagement de l'Europe. Nous avons suivi attentivement, en Europe et dans le Pacifique, la négociation sur l'accord de partenariat économique qui doit se conclure avant la fin de cette année. Nous comprenons, Messieurs les chefs de Gouvernement, le souci des pays du Pacifique, et notamment des petits pays insulaires, de faire reconnaître leur spécificité au sein du groupe des pays Afrique Caraïbes Pacifique, y compris en matière de pêche. La France est particulièrement sensible à vos attentes. Nous allons donc vous proposer de monter avec vous un projet de co-développement, qui permettra à la France d'accueillir les jeunes travailleurs du Pacifique afin d'y compléter leur formation et d'y travailler pendant une durée déterminée avec vous. Ils pourraient bénéficier d'une préparation à leur départ, notamment en matière linguistique, et d'une aide au retour à l'issue de leur séjour en France. L'Union européenne a, d'autre part, joué un rôle actif à Fidji après le coup d'État de décembre 2006, dans les contacts avec le Gouvernement intérimaire fidjien visant à restaurer la démocratie. Je puis vous assurer que la France, qui est représentée à Fidji, s'est montrée très présente dans la concertation entre pays membres pour définir la position européenne : fermeté dans l'objectif, accord sur le principe de sanctions limitées, mais aussi maintien du dialogue aussi longtemps que restent tenus les engagements pris. La France approuve donc les conclusions de vos discussions sur la situation à Fidji, et se félicite de voir réaffirmé le calendrier de retour à la démocratie, avec son objectif de tenir des élections dans les trois premiers mois de 2009. Nous suivrons avec attention l'évolution du dialogue mené par le forum avec les autorités fidjiennes, tout en poursuivant, bien sûr, le dialogue mené avec elles par l'Union européenne dans le cadre de l'accord de Cotonou. Par ailleurs, votre appréciation de la situation aux Iles Salomon retiendra également toute notre attention. **** La France est présente dans le Pacifique par ses collectivités et par les liens qu'à travers elles, elle a noués avec vos pays et les organisations de la région. La France entend maintenir cette présence tout en encourageant ses collectivités à développer elles-mêmes leur propre coopération régionale. Nous souhaitons que nos collectivités, comme membres associés, construisent une relation droite, durable et solide avec le Forum. Une idée me tient vraiment à coeur. Comme toutes vos Nations, la France est une grande terre de rugby ! Il y a quelques jours encore, tout le Pacifique a fait vibrer le monde sur les terrains de France. La France se sent d'ailleurs proche de Tonga puisque chacune de nos équipes a été battue par l'Angleterre... mais je sais que nous prendrons ensemble notre revanche dans quatre ans en Nouvelle-Zélande, à qui la France a la joie de transmettre le relais pour l'organisation de la prochaine coupe du monde de 2012. D'ici là, ne serait-il pas heureux de construire ensemble une nouvelle union rugbystique océanienne qui rassemblerait, dans l'esprit qui forge les plus grands rugbymen, les meilleurs sportifs du Pacifique ? Le sport aussi doit nous permettre d'unir toutes nos forces et tous nos talents. Vous le voyez, quel que soit le domaine, la France ne vous abandonnera jamais. Elle sera toujours à vos côtés dans les justes combats qui sont les vôtres. Avec vous la France du Pacifique répondra aux défis passionnants que vous avez choisis d'affronter. Ensemble nous contribuerons de toutes nos forces à la croissance économique et au développement durable. Ensemble nous contribuerons à la bonne gouvernance des territoires. Ensemble nous garantirons la sécurité des femmes et des hommes du Pacifique vivant sur les plus belles terres du monde. |