Colloque Sénat-Ubifrance sur la Tunisie - 24 juin 2004
Les relations franco-tunisiennes au lendemain de la visite d'Etat du Président de la République française
S. Exc. M. Yves AUBIN de la MESSUZIERE, Ambassadeur de France en Tunisie
Je souhaite tout d'abord féliciter UBIFRANCE et le Sénat pour l'organisation de ce colloque. Nous reviendrons, tout au long de la journée, sur l'analyse des performances économiques et sociales de la Tunisie et aux perspectives d'avenir.
Il m'a été demandé d'intervenir sur les relations franco-tunisiennes au lendemain de la visite d'Etat du Président de la République française. Ce temps, particulièrement fort, s'inscrit dans le long cours sous le signe de notre relation étroite et confiante.
Je qualifie souvent la Tunisie de partenaire de proximité. Notre relation est marquée par la nécessité, la familiarité et l'ouverture. Ainsi, notre relation est familière du fait de valeurs partagées, je pense, notamment à la langue française que nous avons en partage, suivant la définition de la francophonie. Je citerai encore l'échange constant d'hommes et d'idées entre nos deux pays. Nous accordons d'ailleurs un nombre croissant de visas aux Tunisiens pour venir en France. D'après l'Unesco, 6 000 étudiants tunisiens sont inscrits dans des universités et instituts français, ce qui représente une augmentation de 40 % en trois ans.
Notre relation est en outre animée, de part et d'autre, par une dynamique d'ouverture aux autres états du Maghreb. Il faut prendre la relation bilatérale pour ce qu'elle est et pour ce qu'elle doit être : forte et confiante. Il convient également de la situer dans le contexte particulier qui est celui de la « priorité Maghreb ». L'impact positif sur la croissance qu'aurait la création d'un espace économique du Maghreb n'est plus à démontrer. Plus un marché est grand, plus il attire d'investisseurs.
En favorisant l'intégration régionale, nous anticipions la politique de l'Union européenne initiée récemment par Monsieur Prodi. L'élargissement ne doit pas créer de nouvelles lignes de division, voire de fracture, entre l'Europe et ses voisins du Sud. Des plans d'action bilatéraux sont en cours d'élaboration. La Tunisie fait partie du premier groupe de pays bénéficiaires de cette nouvelle politique de voisinage.
Vous le savez, la France se tient toujours à côté de la Tunisie dans ses relations avec l'Union européenne.
Nous menons un dialogue confiant, qui s'est notamment traduit par la visite de six ministres français en Tunisie en 2003, et qui a également donné lieu au déplacement de très nombreux parlementaires. Ces visites ont fait suite à un déficit de dialogue politique durant plusieurs années - alors même qu'il est impossible de faire l'impasse sur les relations avec un partenaire tel que la Tunisie. La reprise du dialogue a enfin été consacrée par la visite du chef de l'Etat, Jacques Chirac. Je puis également vous informer de la prochaine visite à Tunis du ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, dans le courant du mois de juillet.
Notre communauté d'idées repose sur la primauté du droit international et le rôle fondamental des Nations unies. Le « cinq plus cinq » a été le premier congrès international accueilli en Tunisie après la visite du Président de la République. Cette proximité ne doit pas être envisagée comme une solution de repli après l'échec du processus de Barcelone, mais comme un laboratoire d'idées.
Le récent sommet arabe, véritable défi dans un contexte fortement perturbé, a adopté des résolutions très importantes en matière de réforme et de modernisation. Je pense notamment à la déclaration sur le partenariat comme progrès pour l'Afrique du Nord. Le prochain congrès se tiendra au mois de février 2005 à Alger.
La Tunisie est éligible à l'ensemble de nos instruments de coopération et cumule de façon exceptionnelle les concours de l'AFD et les réserves pour les pays émergents. La Tunisie bénéficie en outre de 14 % des programmes Meda (alors que sa population ne représente que 4 % de la population totale des pays Meda). Nous entendons en outre accompagner le Président Ben Ali dans ses initiatives de coopération dans les domaines scientifique et technique.
Notre coopération vise à favoriser l'intégration de la Tunisie dans le mouvement mondial des idées. Nous sommes donc très heureux et fiers de participer à la formation des élites de ce pays.
Dans le domaine économique et commercial, nous avons construit un véritable partenariat économique, stratégique et financier depuis la signature d'un accord cadre en 1997. Cet accord est d'ailleurs en cours de renouvellement. Il compte deux axes majeurs : l'appui aux programmes de modernisation de l'économie et le soutien aux actions de développement social.
La Tunisie apparaît moderne, solide, stable, résolument engagée dans les réformes et plus particulièrement dans la modernisation de son économie. Elle sait en outre préserver sa culture propre. Elle fait preuve d'une grande capacité de résistance et d'adaptation aux difficultés, qu'elles soient endogènes ou exogènes. Enfin, les fondamentaux de l'économie tunisienne sont sains.
Pour autant, la Tunisie se trouve confrontée à des défis. Nous ne pouvons que l'encourager à poursuivre la mise en oeuvre de sa réforme, afin d'accroître sa compétitivité. Ne faut-il pas aller de l'avant en simplifiant les procédures administratives et améliorer encore davantage l'environnement juridique de l'investissement ?
Nos autorités ont confiance en l'avenir de la Tunisie et en l'avenir d'une relation bilatérale qui a vocation à être plus solide et plus intime, au bénéfice des peuples de nos deux pays.
S. Exc. M. Moncer ROUISSI, Ambassadeur de Tunisie en France
La Tunisie est un pays de paix et de cohésion sociale. Elle est engagée de manière résolue et irréversible sur la voie de la modernité. Grâce à une politique cohérente de développement, la Tunisie a réalisé une croissance qui profite à toutes les couches sociales de la population. La pauvreté diminue, avec seulement 4,2 % de la population en dessous du seuil de pauvreté. Le taux de couverture sociale, lui, a augmenté pour atteindre aujourd'hui un peu plus de 80 %. La Tunisie a su renforcer les bases d'une économie émergente et compétitive. La croissance profite à l'emploi. Après une année difficile en 2002, clôturée par une baisse du taux de croissance du PIB en raison de la crise internationale et de la poursuite de la sécheresse, nous avons retrouvé le chemin du développement dès 2003.
La France est, pour notre pays, un partenaire privilégié. Elle est notre premier client et notre premier fournisseur. Elle est également le premier investisseur étranger en Tunisie. La France a en outre mis en place des programmes de coopération dans tous les domaines. La visite d'Etat du président Chirac, en décembre 2003, et la panoplie d'accords signés à cette occasion, illustrent la vivacité de nos relations.
En 2002, 78,6 % des exportations tunisiennes ont été réalisées avec les pays de l'Union européenne (dont 39 % avec la France).
L'engagement des investisseurs français est encore perfectible. A titre d'information, les investissements européens en Tunisie ne représentaient que 0,02 % du total des investissements européens réalisés hors d'Europe en 2002. Pourtant, la France et la Tunisie, je l'ai dit, ont mis en place des accords de coopération dans plusieurs domaines.
Nous bénéficions, qui plus est, de trois atouts majeurs. Tout d'abord, l'environnement des affaires est en constante amélioration. Je citerai, à titre d'exemple, le système de guichet unique pour les créateurs d'entreprise. Vient ensuite la reconnaissance internationale : le forum de Davos situe la Tunisie au 32 ème rang pour la compétitivité macroéconomique et au 34 ème rang pour la compétitivité micro-économique. Notre pays est enfin très actif dans le domaine de la formation.
La Tunisie a récemment signé avec le Maroc et la Tunisie la déclaration d'Agadir qui prévoit la création d'une zone de libre-échange à horizon de 2005. Cet accord devrait aider les pays signataires à améliorer leurs échanges. Le rôle joué par la France dans la maturation et le soutien à tous les processus d'intégration régionale est, à cet égard, louable. Mais l'aboutissement et le succès de ces processus dépendront largement des efforts et actions engagés dans le cadre de l'accord euro-méditerranéen.
Pour conclure, permettez-moi de faire miennes les propositions de Michel Barnier. L'Union européenne doit se montrer capable d'étendre progressivement à toute la région les outils, les méthodes et, dans une certaine mesure, les crédits dont bénéficient les pays émergents.
Nous sommes confiants : la France continuera d'inspirer l'action de l'Europe.