LES REPENTIS FACE A LA JUSTICE PENALE
SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (juin 2003)
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Table des matières
- NOTE DE SYNTHESE
- ALLEMAGNE
- ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES
- AUTRICHE
- BELGIQUE
- ESPAGNE
- ITALIE
- PAYS-BAS
- SUISSE
- ÉTATS-UNIS
NOTE DE SYNTHESE
Les
« repentis », parfois qualifiés de
« collaborateurs de justice », sont les personnes qui,
ayant participé à des activités criminelles, acceptent de
coopérer avec les autorités judiciaires ou policières et
obtiennent différents avantages en échange de leur
collaboration.
Celle-ci peut prendre différentes formes. Elle peut par exemple
consister à fournir des informations susceptibles d'empêcher la
réalisation d'une infraction planifiée ou de faciliter
l'identification de l'auteur d'une infraction déjà
réalisée. En contrepartie de sa collaboration, le
délinquant peut obtenir un abandon des poursuites de la part du
ministère public ou une réduction de peine, voire une exemption,
de la part du juge.
Ce dispositif existe déjà en France pour certaines
infractions
, notamment pour le trafic de stupéfiants, les actes de
terrorisme et l'association de malfaiteurs.
Le projet de loi portant
adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
,
présenté en conseil des ministres le 9 avril 2003 et
adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le
23 mai 2003,
vise à en étendre
l'application
aux cas d'empoisonnement, d'assassinat, de torture, de séquestration et
d'enlèvement, de détournement d'avion, de
proxénétisme, de traite des êtres humains, de vol en bande
organisée et de trafic d'armes, c'est-à-dire
à toutes
les infractions relevant de la criminalité organisée
.
De plus, pour assurer la sécurité des repentis, le projet de loi
prévoit la possibilité de leur accorder une identité
d'emprunt.
Comme le dispositif du repenti est directement inspiré du système
anglais du « témoin de la Couronne », lui-même
adapté aux États-Unis, la réforme envisagée
justifie l'examen du statut du repenti dans ces deux pays. Il a
également semblé nécessaire d'étudier les exemples
allemand et italien.
En Allemagne, la loi sur les repentis, adoptée en 1989 dans le cadre de
la lutte contre le terrorisme et étendue en 1994 pour faciliter le
démantèlement des associations de malfaiteurs, a
été abandonnée en 1999, mais il subsiste plusieurs
dispositions isolées sur les repentis, notamment dans le code
pénal.
En Italie, en revanche, des règles similaires à la loi allemande
de 1989, également adoptées pour lutter contre le terrorisme
à la fin des années 70, ont vu leur champ d'application
étendu peu à peu à tout le domaine de la
criminalité organisée et même au-delà.
Par ailleurs, le régime autrichien des atténuations de peine pour
collaboration avec les autorités judiciaires, adopté en 1998 pour
faciliter la lutte contre la criminalité organisée, a
été analysé.
De même, les diverses dispositions pénales belges actuellement en
vigueur sur les repentis ont été prises en compte, tout comme la
proposition de loi «
instaurant un
régime pour les
collaborateurs de justice
», déposée à la
Chambre des représentants en février 2002.
Enfin, le projet de loi néerlandais sur les promesses faites aux
témoins dans les affaires pénales, actuellement soumis au
Parlement et qui vise à ancrer dans la législation une pratique
déjà admise par le parquet, a été
étudié.
En revanche, en Suisse, dans le cadre des travaux préalables à
l'élaboration d'un code de procédure pénale unique, une
commission d'experts s'est prononcée contre l'introduction d'un tel
dispositif.
Pour chacun des huit pays qui disposent d'un statut du repenti ou qui
envisagent son
introduction,
l'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de
Galles, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne
,
l'Italie, les Pays-Bas et
les États-Unis,
les principales caractéristiques de ce
régime ont été examinées
:
-
les infractions
visées par le dispositif ;
-
la
nature de la collaboration
justifiant sa mise en oeuvre
;
-
les
remises de peine
et la protection
spéciale
accordée aux repentis ;
-
la valeur probatoire de leurs déclarations
.
1) Le dispositif anglo-saxon du témoin de l'accusation a un champ
d'application illimité, à la différence des règles
continentales sur les repentis
a) Peu codifié, le système anglo-saxon est applicable à
tous les accusés
Ce sont les règles relatives à la preuve qui expliquent le
système anglo-saxon. En effet, l'impossibilité d'entendre un
accusé comme témoin à charge dans une affaire
pénale s'il était encore susceptible d'être condamné
pour une infraction citée dans la procédure en cours obligeait la
Couronne, titulaire de l'action publique, à lui accorder son pardon et
à abandonner les poursuites. L'accusé à qui le pardon
avait été accordé se commuait ainsi en
« témoin de la Couronne ».
Si la pratique du pardon a disparu, de nos jours, l'accusation a la
possibilité de négocier différents accords d'abandon ou de
désistement partiel des poursuites en échange d'informations de
la part d'un accusé, y compris lorsque les informations portent sur un
coaccusé ou un complice.
Il en va de même aux États-Unis, où les procureurs
jouissent d'une grande liberté et peuvent ainsi conclure des accords
avec les accusés. Ce type de négociation entre l'accusation et la
défense permet notamment de faire échec au
cinquième
amendement de la Constitution fédérale
, grâce auquel
tout citoyen peut refuser de témoigner contre lui-même dans une
affaire pénale et qui exclut en principe toute collaboration des
repentis avec les autorités judiciaires.
Par ailleurs, sous l'appellation d'
« immunité
légale », le code fédéral américain
prévoit la possibilité pour un tribunal de contraindre un suspect
à collaborer avec la justice sous peine de sanctions
et de lui
promettre en échange que son témoignage ne sera pas
utilisé contre lui.
Que le repenti bénéficie d'un accord de renonciation aux
poursuites ou de l'immunité légale,
le champ d'application du
dispositif anglo-saxon est en principe illimité. Il n'exclut aucune
infraction ni aucun type de collaboration : il suffit que l'accusation
considère le témoignage de l'accusé comme servant
l'intérêt général.
b) Dans les pays d'Europe continentale, les récompenses
accordées aux repentis sont explicitement prévues et ne sont
applicables que dans certains cas
En Allemagne, en Autriche, en Belgique, Espagne, en Italie, les dispositions
sur le traitement pénal favorable accordé aux repentis figurent
soit dans le code pénal, soit dans d'autres lois comportant des
dispositions pénales. Le projet de loi néerlandais vise
également à modifier le code pénal.
Les infractions visées
En règle générale, ces dispositions ne sont applicables
qu'à
certaines infractions, souvent limitativement
énumérées et limitées aux cas de
criminalité
organisée
(association de malfaiteurs,
trafic de stupéfiants ou de fausse monnaie, terrorisme...), ainsi que,
le cas échéant, aux infractions connexes.
Cependant, le législateur italien a progressivement étendu le
champ d'application des mesures sur les repentis à des infractions
très diverses, comme les atteintes au droit d'auteur ou le vol. De
même, le projet de loi néerlandais vise non seulement les
infractions commises par des bandes organisées, mais également
toutes les infractions les plus graves, punissables de peines de prison d'au
moins huit ans.
La nature de la collaboration
À l'exception du projet de loi néerlandais, qui prévoit
que les déclarations de l'intéressé doivent constituer une
«
contribution importante
» au déroulement de
la procédure, tous les textes précisent que
l'attribution de
récompenses aux repentis est limitée à certaines formes de
collaboration.
L'octroi d'un traitement pénal avantageux peut par exemple être
réservé aux accusés qui empêchent la
réalisation d'une infraction déjà planifiée, qui
permettent
l'obtention d'éléments déterminants pour
l'identification d'autres délinquants, qui fournissent des informations
sur les dirigeants de l'organisation à laquelle ils appartenaient ou qui
s'efforcent d'éviter que cette dernière ne poursuive ses
activités.
En outre, en Allemagne, en Belgique et en Italie, la teneur de la collaboration
détermine l'ampleur de la récompense : réduction de peine
(le plus souvent de l'ordre de 30 %), impunité, voire abandon des
poursuites. Cependant, dans ce cas, le contenu et le moment des
déclarations du repenti ne constituent pas les seuls
éléments déterminants, car la nature de l'infraction est
également prise en compte. Il en résulte donc des dispositions
multiples, la récompense pénale variant en fonction de la nature
de l'infraction, du moment où la collaboration a lieu et des
informations fournies.
En revanche, en Autriche et en Espagne, si la nature de la collaboration du
repenti conditionne l'octroi d'une récompense, elle n'en
détermine pas l'importance, qui est laissée à
l'appréciation du juge, car la collaboration est
considérée comme une circonstance atténuante.
2) Les mesures de protection sont réservées aux repentis
particulièrement menacés
En règle générale, les repentis peuvent
bénéficier des dispositions relatives aux
témoins
menacés
, ce qui leur permet d'être entendus dans des
conditions particulières (à huis clos, par
vidéoconférence, de manière anonyme...).
Par ailleurs, la plupart des pays ont mis en place des
programmes
spéciaux de protection
. Toutefois, l'octroi d'un traitement
pénal favorable n'entraîne pas automatiquement le
bénéfice de ces mesures de protection, car celles-ci sont
réservées aux repentis particulièrement menacés.
Le meilleur exemple à cet égard est fourni par l'Italie,
où le législateur a décidé au début de
l'année 2001 de dissocier l'incitation à la collaboration et la
protection. Les mesures de protection sont désormais
réservées aux seuls repentis accusés ou condamnés
pour terrorisme, association mafieuse, trafic de stupéfiants ou
enlèvement crapuleux (alors que le champ d'application des dispositions
sur les repentis est beaucoup plus large), dans la mesure où leurs
déclarations, parfaitement fiables, ont un caractère de
«
nouveauté
»,
d'«
exhaustivité
» ou revêtent une
«
importance exceptionnelle
». En outre, pour
bénéficier des mesures de protection, le repenti doit prendre
plusieurs engagements, et notamment remettre au procureur de la
République un « procès-verbal de
collaboration » contenant toutes les informations qu'il
détient.
Partout, les mesures de protection, qui sont souvent décidées par
une commission
ad hoc
, peuvent être étendues aux
membres
de la famille
en cas de besoin.
Ces mesures diffèrent selon que le repenti est ou non
incarcéré. Dans le premier cas, il purge sa peine dans une
unité spécialisée et peut parfois bénéficier
d'un aménagement de son régime pénitentiaire (permissions,
assignation à résidence...). Dans le second,
plusieurs niveaux
de protection
sont généralement prévus selon le danger
couru : simple protection policière, déménagement,
versement de prestations pour compenser l'impossibilité de travailler,
voire changement définitif d'identité dans les cas les plus
graves.
Qu'elles soient initialement prises pour une durée
déterminée ou non, les mesures de protection sont maintenues
aussi longtemps qu'elles sont justifiées.
3) La valeur probatoire des déclarations faites par les repentis est
généralement laissée à l'appréciation du
juge
En l'absence de dispositions expresses, le juge est le plus souvent conduit
à apprécier ces déclarations au même titre que les
autres éléments de preuve.
Cependant,
le projet de loi néerlandais est
particulièrement
explicite
: il prévoit non
seulement qu'aucune déclaration de culpabilité ne peut reposer
sur les seuls dires d'un repenti, mais également que tout jugement
prenant en compte les témoignages d'un repenti doit être
motivé à cet égard.
De même, le
code de procédure pénale italien
dispose
que les informations fournies par les repentis, qu'il s'agisse de
coaccusés ou de personnes poursuivies séparément dans le
cadre de procédures connexes, «
sont évaluées
concurremment avec les autres éléments de
preuve qui en
confirment la crédibilité
».
Dans les autres pays, bien qu'aucune disposition n'interdise explicitement
qu'une condamnation soit prononcée sur la seule base des
déclarations d'un repenti, la prudence constitue la règle. Ainsi,
les plus hautes juridictions espagnoles estiment que la
crédibilité des témoignages des repentis doit être
évaluée notamment en fonction de la personnalité des
intéressés et des raisons qui les ont incités à
collaborer avec les autorités. De même, les juges anglais et les
cours fédérales américaines invitent les jurés
à la prudence lorsqu'une condamnation risque d'être
prononcée sur la seule base des déclarations d'un repenti.
* *
*
Le
projet de loi français vise à modifier le code pénal pour
définir les récompenses accordées aux repentis pour
chacune des infractions auxquelles le dispositif est applicable. Il
prévoit également de fournir une identité d'emprunt aux
repentis pour assurer leur sécurité.
Il est donc tout à fait comparable aux dispositions actuellement en
vigueur en Europe continentale, où les mesures en faveur des repentis
résultent de modifications successives apportées au code
pénal, puis, le cas échéant, de textes spécifiques
sur la protection.
Le « statut » du repenti apparaît donc comme
l'addition de moyens épars, sans que les modalités de la
collaboration avec les autorités soient clairement définies. Le
projet de loi néerlandais est le seul texte qui règle ce
point : il prévoit que le repenti et le procureur concluent un
accord écrit, précisant les engagements des deux parties. Le
bien-fondé de cet accord devrait ensuite être
contrôlé par le juge d'instruction, avant que le juge ne puisse,
à la demande du procureur, octroyer une remise de peine dont le quantum
est également fixé dans le projet.
ALLEMAGNE
Confrontée au problème du terrorisme, la
République fédérale d'Allemagne a adopté en 1989
une loi accordant un régime pénal particulier aux repentis,
la
loi du 9 juin 1989
qui modifiait notamment le code pénal et le
code de procédure pénale. Cette loi est souvent qualifiée
de loi sur le « témoin de la Couronne »
(
Kronzeugengesetz
).
|
Le texte ci-dessous analyse la loi du 9 juin 1989, qui n'est plus en vigueur, ainsi que les règles actuellement applicables, c'est-à-dire la « petite réglementation du témoin de la Couronne ».
1) La reconnaissance juridique des repentis
a) Les infractions visées
La loi
du 9 juin 1989
|
Les
règles actuellement en vigueur
|
Initialement, elle s'appliquait uniquement aux
infractions définies
par l'article 129a du code pénal
ainsi qu'aux infractions
connexes, à l'exception des génocides.
|
Elles
s'appliquent aux infractions définies par :
|
b) Les personnes concernées
La loi
du 9 juin 1989
|
Les
règles actuellement en vigueur
|
La loi
s'appliquait aux
auteurs (et à leurs complices) des
infractions
définies par les articles 129 et 129a du code
pénal et à ceux d'autres faits liés
à ces
infractions
, dans la mesure où ils fournissaient aux
autorités judiciaires, directement ou par l'intermédiaire de
tiers, des informations susceptibles :
|
Elles s'appliquent uniquement aux personnes accusées des infractions définies, d'une part, par les articles 129, 129a, 129b et 261 du code pénal et, d'autre part, par les articles 29, 29a, 30, 30a de la loi sur les stupéfiants, dans la mesure où elles collaborent avec la justice, la nature de leur collaboration déterminant l'ampleur de la réduction de peine. |
2) Les avantages accordés aux repentis
a) Le traitement pénal
La loi
du 9 juin 1989
|
Les
règles actuellement en vigueur
|
L'article 129a du code pénal
|
Les
articles 129, 129a et 129b du code pénal
|
b) Les mesures de protection
Les
repentis bénéficient des dispositions sur la
protection des
témoins
.
Dans les cas les plus graves
(criminalité organisée au
niveau international par exemple), cette protection relève de la
compétence de
l'Office
fédéral pour la police
criminelle
, qui a institué en 1987 un
programme
spécifique
. Les bénéficiaires en sont les personnes
dont le témoignage est ou a été «
important
pour la recherche de la vérité
». Le programme,
applicable aussi bien aux témoins incarcérés qu'à
ceux qui ne le sont plus, pourvoit à tous les besoins des
repentis : mise à disposition de gardes du corps, fourniture de
gilets pare-balles, prise en charge des frais de chirurgie esthétique,
hébergement, prestations en espèces pour compenser
l'impossibilité de travailler...
Les autres repentis relèvent de
la loi du 11 décembre
2001 portant
harmonisation de la protection apportée aux
témoins menacés
. D'après cette loi, les mesures de
protection sont prises par l'administration compétente de chaque Land,
en règle générale la police, en fonction de son
appréciation du danger couru par les intéressés. La loi
prévoit explicitement que la protection peut être étendue
aux membres de la famille et qu'un changement d'identité provisoire peut
être accordé. Les mesures de protection sont secrètes.
Elles ne figurent pas dans le dossier d'instruction, mais sont
communiquées au ministère public sur demande.
3) La valeur probatoire des déclarations des repentis
Aucune disposition n'interdit explicitement qu'une condamnation soit prononcée sur la seule base des déclarations d'un repenti, mais l'introduction d'une telle mesure est demandée par une partie de la police et de la magistrature.
* *
*
En
décembre 1999, le Bundestag s'est opposé à la reconduction
de la loi
du 9 juin 1989
, alors que les autorités
policières ainsi que les magistrats du siège et du parquet
s'étaient majoritairement prononcés en faveur d'une telle
reconduction, à la différence des avocats. Au cours des mois
suivants, il a rejeté plusieurs propositions de loi tendant à
étendre à d'autres articles du code pénal les
règles actuellement en vigueur sur les repentis. À la même
époque, le ministère de la Justice avait envisagé
d'insérer dans le code pénal un nouvel article remplaçant
les dispositions éparses régissant les repentis par une clause
générale applicable indépendamment de la nature de
l'infraction.
L'accord conclu entre le SPD et les Verts à l'issue des
élections législatives de 2002 exclut explicitement toute
réintroduction d'une disposition générale en faveur des
repentis. En revanche, il prévoit de modifier le code pénal
pour y insérer une clause générale d'atténuation
de peine
applicable
notamment aux délinquants qui acceptent
de collaborer avec la justice. En effet, dans la rédaction actuelle du
code pénal, la clause d'atténuation de peine n'est applicable que
dans les cas où les règles relatives à l'infraction
considérée le prévoient.
ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES
Le
plaider coupable ainsi que les accords informels passés entre
l'accusation et la défense permettent l'octroi de récompenses aux
accusés qui acceptent de collaborer avec la justice.
|
1) La reconnaissance juridique des repentis
a) Les infractions visées
Les négociations entre l'accusation et la défense sont possibles quelles que soient la gravité et la nature de l'infraction. Elles sont notamment utilisables dans le cadre de la lutte contre les activités criminelles organisées.
b) Les personnes concernées
Les
règles relatives à la preuve empêchent uniquement le
témoignage des coaccusés et des complices encore susceptibles
d'être condamnés pour une infraction citée dans l'affaire
en cours.
Lorsqu'un tel témoignage apparaît capital et qu'il est
impossible
de l'obtenir autrement, l'accusation peut mettre en oeuvre
plusieurs instruments
protégeant les intéressés d'une
condamnation et rendant donc leur témoignage à charge recevable.
Elle peut :
- abandonner définitivement les poursuites, dispositif utilisable
seulement par les deux plus hautes autorités responsables des poursuites
(3(
*
))
et rarement mis en oeuvre ;
- ne pas mentionner le nom du repenti dans l'acte d'accusation qui est
transmis au tribunal ;
- ne pas fournir de preuves contre le repenti, ouvrant ainsi la voie
à un acquittement ;
- prendre en compte le plaider coupable du repenti, de sorte que le
tribunal n'a plus à prononcer de condamnation
(4(
*
))
;
- demander à l'
Attorney-General
d'adresser un
nolle
prosequi
au tribunal après le début du procès. Le
nolle prosequi
est
un simple courrier par lequel
l
'Attorney-General
indique au tribunal qu'il n'a plus l'intention de
poursuivre. Cette décision, qui n'a pas besoin d'être
motivée et qui échappe à tout contrôle du tribunal,
suspend les poursuites, qui peuvent donc reprendre à tout moment. En
outre, elle ne lie que l'
Attorney-General
qui l'a prise. Elle peut donc
être remise en cause par ses successeurs.
2) Les avantages accordés aux repentis
a) Le traitement pénal
La
récompense accordée au repenti (abandon des poursuites,
réduction des charges...) dépend de la négociation avec
l'accusation.
Cependant deux remarques s'imposent :
-
l'impunité est généralement limitée
et garantit seulement que les déclarations du repenti ne seront pas
utilisées contre lui, de sorte que les poursuites peuvent reprendre sur
le fondement de nouveaux éléments ;
- en cas de plaider coupable du repenti, le juge a le choix : il peut
prononcer la peine avant ou après la déposition. En pratique, les
juges préfèrent généralement attendre la fin de la
procédure pour prononcer la peine.
b) Les mesures de protection
Des
mesures de protection
(changement d'identité,
déménagement, attribution d'une somme d'argent forfaitaire)
peuvent être prises en faveur des repentis dont la vie est gravement
menacée à la suite de témoignages relatifs à des
activités criminelles organisées.
De telles mesures sont
prises au cas par cas et n'ont aucune base
légale ou réglementaire.
Pour des raisons de
sécurité, aucune information n'est disponible à leur sujet.
Elles sont mises en oeuvre et gérées par les forces de police
spécialisées dans les affaires criminelles les plus graves.
La protection des témoins est au coeur des préoccupations du
ministère de la Justice et du ministère de l'Intérieur
depuis quelques années. Ce dernier a publié le 15 mai 2003
un plan d'action qui aborde notamment le problème des repentis. Ce
document, qui évoque les risques encourus par les repentis
eux-mêmes et par leur nouveau voisinage dans l'hypothèse d'un
déménagement, souligne la nécessité pour tous les
services administratifs concernés (services sociaux et de la
santé, du logement et de l'éducation) de faciliter l'adaptation
des repentis à leur nouvel environnement. Il insiste également
sur la nécessaire sensibilisation des propriétaires de logements
locatifs, et notamment des bailleurs de logements sociaux, qui devraient
faciliter le déménagement des personnes menacées.
3) La valeur probatoire des déclarations des repentis
Selon une pratique judiciaire bien établie, le juge doit prévenir solennellement les jurés du danger d'une condamnation fondée uniquement sur le témoignage d'un repenti . Une fois cet avertissement reçu, les jurés sont libres de prononcer une condamnation sur la base d'un seul témoignage, même non corroboré par d'autres éléments.
AUTRICHE
Dans le
cadre de
la lutte contre la criminalité organisée, le
Parlement a adopté en 1997 une loi
introduisant dans le code de
procédure pénale différentes «
mesures
particulières relatives à l'instruction
» et
modifiant le code pénal pour y insérer un article sur les
repentis
.
|
1) La reconnaissance juridique des repentis
a) Les infractions visées
L'article 41a du code pénal
, intitulé
« Atténuation de peine exceptionnelle en cas de collaboration
avec les autorités chargées des poursuites », vise les
infractions définies par les articles 277, 278, 278a et 278b, ainsi que
celles qui leur sont liées.
Les articles 277, 278 et 278a définissent et punissent
les
différentes formes d'association de malfaiteurs
, tandis que
l'article 278b se rapporte à
la direction d'une organisation
terroriste ou à l'appartenance à une telle organisation
.
Dans la version initiale, l'article 41a du code pénal ne visait que
l'association de malfaiteurs, l'article 278b du code pénal ayant
été ajouté en 2002.
b) Les personnes concernées
L'article 41a s'applique aux
auteurs des infractions
définies par les articles 277, 278, 278a et 278b du code pénal,
ainsi qu'aux auteurs d'infractions connexes
, dans la mesure où ils
révèlent aux autorités chargées des poursuites des
informations dont la connaissance contribue d'une manière
essentielle :
- à éliminer ou à réduire
considérablement le danger que constitue l'association ou
l'organisation ;
- à favoriser l'éclaircissement d'une telle
infraction ;
- à trouver un dirigeant de l'une des organisations ou associations
visées par les articles 277, 278, 278a et 278b du code
pénal.
2) Les avantages accordés aux repentis
a) Le traitement pénal
Selon
les termes de l'article 41a du code pénal, le tribunal peut, tout en
tenant compte de la gravité des infractions commises, accorder aux
repentis les atténuations de peine prévues à
l'article 41 du même code, à condition que l'importance de
leurs déclarations le justifie.
L'article 41 ne vise pas les seuls repentis, mais, de façon
générale, les cas où les circonstances atténuantes
l'emportent sur les circonstances aggravantes
(5(
*
))
.
Durée de la peine d'emprisonnement applicable à
l'infraction
|
Peine
minimale après atténuation
|
Perpétuité |
un an d'emprisonnement |
Perpétuité ou durée limitée, comprise entre dix et vingt ans |
un an d'emprisonnement |
Durée limitée, mais supérieure à dix ans |
six mois d'emprisonnement |
Entre cinq et dix ans |
six mois d'emprisonnement |
Entre un et cinq ans |
trois mois d'emprisonnement |
Moins d'un an |
un jour d'emprisonnement |
Toutefois, lorsque l'infraction commise constitue un homicide, la peine infligée doit, même après réduction, être d'au moins six mois.
b) Les mesures de protection
La loi
sur la police dispose que la protection des personnes susceptibles de fournir
des renseignements sur un attentat ou une organisation criminelle incombe aux
forces de l'ordre. La protection peut être étendue aux proches,
pour autant que ces derniers soient également menacés.
La même loi prévoit que, à la demande du ministère
de l'Intérieur, les administrations compétentes ont l'obligation
de fournir aux repentis des documents leur permettant de ne pas
révéler leur véritable identité. À cette
exception près, elle ne précise pas la nature des mesures de
protection accordées aux repentis, mais une unité du
ministère de l'Intérieur gère un programme de protection
ad hoc
.
Par ailleurs, les repentis peuvent bénéficier des mesures de
protection prévues par le code de procédure pénale pour
les témoins menacés et déposer de façon anonyme, se
présenter dissimulés (dans la mesure, toutefois, où la
défense peut observer leur comportement, de façon à se
forger une opinion sur la crédibilité de leurs propos). Le
recours à la vidéoconférence est également
possible.
3) La valeur probatoire des déclarations des repentis
L'article 258 du code de procédure pénale
précise que le juge doit, d'une façon générale,
vérifier «
soigneusement et scrupuleusement
»
la «
crédibilité et la valeur
probatoire
» des éléments de preuve, en les
considérant aussi bien isolément que les uns par rapport aux
autres.
Dans son dernier alinéa, cet article attire l'attention
particulière du juge sur les témoins qui ont été
autorisés à déposer de façon anonyme. Même si
le code de procédure pénale paraît exclure qu'une
condamnation puisse être prononcée sur la seule base des
déclarations d'un repenti, en octobre 1999, un Congolais a
été condamné pour trafic de drogue sur la seule foi d'un
témoignage anonyme.
BELGIQUE
Il
n'existe pas de règles générales sur la reconnaissance des
repentis par la justice pénale, mais
il existe, notamment dans le
code pénal,
plusieurs dispositions accordant une exemption ou une
réduction de peine à celui qui dénonce une infraction dont
il est le coauteur ou le complice.
Certaines remontent au XIX
e
siècle, d'autres ont été introduites récemment.
|
1) La reconnaissance juridique des repentis
a) Les infractions visées
Elles
sont précisées par le code pénal et par trois lois
comportant des dispositions d'ordre pénal.
• Les articles du
code pénal
qui régissent
les
complots contre la sûreté de l'État
,
l'association de malfaiteurs, ainsi que les infractions relatives à
la fausse monnaie
comportent des mesures en faveur des repentis.
Les dispositions du même code sur la diffusion d'écrits sans
indication d'auteur ou d'imprimeur et sur les loteries non autorisées
prévoient également de telles mesures.
À l'exception de celle qui vise l'association de malfaiteurs, qui a
été introduite en 1999, toutes ces règles remontent au
XIX
e
siècle.
• La loi du 12 mars 1858 relative aux crimes et délits
qui portent atteinte aux relations internationales envisage également le
cas des repentis pour les
complots dirigés contre un gouvernement
étranger.
• Depuis 1975,
la loi sur les stupéfiants
comporte des
dispositions favorables aux repentis. Elles visent toutes les infractions,
qu'elles soient définies par la loi ou par ses arrêtés
d'application. (usage en groupe de telles substances, fourniture à
autrui, prescription abusive par un médecin...).
• Il en va de même depuis 1994 de la
loi de 1985 sur les
hormones animales
pour les infractions consistant à s'opposer aux
contrôles de l'Agence fédérale pour la
sécurité alimentaire (refus d'inspection ou de
prélèvement d'échantillons, fourniture de renseignements
inexacts...).
b) Les personnes concernées
Dans
tous les cas, les règles sur les repentis visent
les auteurs et les
complices des infractions qui viennent d'être définies, sans que
les infractions connexes soient prises en compte.
Les dispositions du code pénal sur la diffusion d'écrits sans
indication d'auteur ou d'imprimeur et sur les loteries non autorisées
prévoient que la collaboration du repenti sert à identifier
l'auteur d'une infraction déjà réalisée. Plus
qu'une incitation à la collaboration, elles constituent plutôt la
traduction de l'obligation de dénoncer, prévue par les textes.
En revanche, les autres mesures sur les repentis précisent que la
collaboration sert des objectifs différents selon le moment où
elle a lieu. Elle peut :
- empêcher la réalisation d'une infraction et fournir aux
autorités l'identité des organisateurs, lorsqu'elle est
antérieure à la réalisation d'une infraction ;
- permettre d'informer les autorités de la réalisation d'une
infraction qu'elles ignorent encore et fournir l'identité des
organisateurs, lorsqu'elle est postérieure à l'infraction mais
antérieure aux poursuites pénales ;
- faciliter l'identification du coupable d'une infraction, lorsqu'elle est
postérieure aux poursuites pénales.
2) Les avantages accordés aux repentis
a) Le traitement pénal
La loi
sur les hormones animales prévoit des réductions ou des
exemptions de peine, selon que la collaboration est postérieure ou
antérieure aux poursuites pénales. Il en va de même de la
loi sur les stupéfiants, à une exception près : les
auteurs de crimes
(6(
*
))
ne peuvent
bénéficier que d'une réduction de peine, jamais de
l'impunité.
Les autres textes, dont la plupart réservent les avantages offerts aux
repentis aux seuls cas où la collaboration a lieu avant les poursuites
pénales, prévoient l'impunité.
• La réduction de peine
Pour les infractions à la
loi sur les hormones animales
, si la
collaboration
est postérieure aux poursuites pénales, les
peines prévues (un emprisonnement de huit jours à trois ans et/ou
une amende 5 000 à 25 000 €) sont réduites
à une peine d'emprisonnement de huit jours à trois mois et/ou
à une amende de 500 à 2 500 €.
Pour les infractions à la
loi sur les stupéfiants
, la
collaboration avec les autorités entraîne une réduction de
peine :
- lorsqu'elle a lieu après le début des poursuites, mais
seulement pour les repentis auteurs de délits (emprisonnement de huit
jours à trois mois et amende de 130 à 500 €, au lieu
d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans et/ou d'une amende de
5 000 à 500 000 €) ;
- lorsqu'elle a lieu avant le début des poursuites pour les
repentis auteurs de crimes. Pour un crime punissable de la réclusion
à perpétuité, la peine applicable est alors
l'emprisonnement d'un à cinq ans et pour un crime punissable de la
réclusion de vingt à trente ans, la peine consiste en une amende
de 500 à 2 500 €. Pour tous les autres crimes, la peine
(emprisonnement de six mois à deux ans et une amende de 250 à
1 000 €) est également beaucoup plus faible que la
sanction normalement applicable.
• L'impunité
Dans tous les autres cas, le repenti bénéficie d'une exemption
de peine
:
- la collaboration, antérieure aux poursuites, a lieu dans le cadre
de la loi sur les hormones animales ;
- la collaboration, antérieure aux poursuites, a lieu dans le cadre
de la loi sur les stupéfiants, le repenti ayant commis un
délit ;
- la collaboration, antérieure aux poursuites, a lieu dans le cadre
des articles du code pénal comportant des dispositions sur les repentis
(essentiellement complots contre la sûreté de l'État,
fausse monnaie et associations de malfaiteurs) ;
- la collaboration a lieu dans le cadre de la loi de 1858, que le coupable
ait fourni des informations sur le complot et ses auteurs avant les poursuites,
ou qu'il ait permis l'arrestation de ceux-ci grâce aux informations
fournies ultérieurement.
b) Les mesures de protection
Il
n'existe
pas de mesures spécifiques visant à protéger
les repentis et leurs
proches.
Le témoignage des repentis peut toutefois être recueilli selon
des modalités particulières
, la Constitution
prévoyant, d'une part, que l'audition de certains témoins peut
avoir lieu à huis clos et le code de procédure pénale
disposant, d'autre part, qu'elle peut se dérouler hors de la
présence de l'accusé. Dans certaines conditions, la jurisprudence
accepte les auditions masquées. Les repentis peuvent également
bénéficier des dispositions contenues dans la loi du 8 avril
2002 relative à l'anonymat des témoins.
En revanche, la loi du 7 juillet 2002 sur la protection des témoins
menacés, qui prévoit différentes mesures de protection
(7(
*
))
, ne s'applique pas aux repentis, car elle
prévoit que «
les mesures de protection octroyées
à un témoin menacé sont retirées lorsqu'il est
formellement inculpé ou
poursuivi par le ministère public
pour les faits sur lesquels il fait témoignage
». Les
mesures de protection peuvent cependant bénéficier aux
témoins auteurs d'infractions liées à celles qui font
l'objet de leur témoignage.
De même, les repentis ne peuvent pas demander l'application de la loi du
2 août 2002 relative au recueil de déclarations au moyen
de médias audiovisuels. En effet, celle-ci ne prévoit la
possibilité de procéder à des auditions à distance
par vidéoconférence, par télévision en circuit
fermé ou par conférence téléphonique qu'en faveur
des témoins menacés bénéficiaires d'une mesure de
protection octroyée selon les termes de la loi du 7 juillet 2002
ainsi que, sur la base d'un principe de réciprocité, en faveur
des témoins ou des personnes soupçonnées résidant
à l'étranger.
3) La valeur probatoire des déclarations des repentis
En
l'absence de dispositions spécifiques, la valeur probatoire des
déclarations des repentis est laissée à la
libre
appréciation des juges
.
La loi du 8 avril 2002 relative à l'anonymat des témoins exige
que les témoignages anonymes soient «
corroborés
dans une mesure déterminante par des éléments recueillis
par d'autres
modes de preuve
».
* *
*
Deux
propositions de loi sur les repentis ont été
déposées au Parlement au cours des derniers mois.
La plus récente
, qui vise à instaurer un régime pour
les collaborateurs de justice, a
été déposée par
deux députés de la majorité le 21 février
2002
. Elle reprend l'avant-projet de loi du ministre de la Justice. Faisant
suite aux travaux de la commission d'enquête sur la criminalité
organisée qui avait été instituée en 1996 et au
rapport de recherche réalisé en 1997 par l'Université de
Gand, cette proposition a un
champ d'application limité aux
infractions commises dans le cadre d'une
organisation criminelle et aux
violations les plus graves du droit international
humanitaire
. Le
repenti (une personne inculpée, déclarée coupable ou
purgeant une peine) pourrait passer un
accord écrit avec le
ministère public
, cet accord pouvant contenir une promesse
d'extinction de l'action publique, d'exemption ou de réduction de peine,
ou un engagement relatif à l'exécution de la peine. La
déposition ne pourrait être prise en compte à titre de
preuve que si elle était corroborée par d'autres
éléments et ne pourrait, en aucun cas, être anonyme.
La précédente, déposée par l'opposition en
août 2001, reprend également l'essentiel des dispositions de
l'avant-projet de loi, mais elle n'aborde pas la question du témoignage
sous couvert d'anonymat.
ESPAGNE
Il
n'existe pas de dispositions générales sur la reconnaissance des
repentis par la justice pénale.
|
1) La reconnaissance juridique des repentis
a) Les infractions visées
Il
s'agit de
toutes les infractions relatives
:
-
aux produits stupéfiants
(culture, fabrication, commerce,
transport...) ;
-
au terrorisme
, défini comme le fait de participer ou de
collaborer à une organisation dont l'objectif consiste à
perturber l'ordre public ou le fonctionnement des institutions.
Le code pénal de 1973 comportait déjà une disposition
favorable aux terroristes repentis. Elle avait été introduite en
1988.
b) Les personnes concernées
Dans les
deux cas (terrorisme et trafic de stupéfiants), pour pouvoir
bénéficier d'un traitement favorable, le condamné doit
remplir trois conditions :
- avoir abandonné de son propre chef ses actions coupables ;
- se présenter aux autorités et avouer les faits auxquels il
a participé ;
- collaborer avec la justice.
La collaboration avec la justice peut prendre l'une des formes suivantes :
- empêcher la réalisation d'une infraction ;
- permettre l'obtention de preuves déterminantes pour
l'identification ou l'arrestation d'autres délinquants ;
- empêcher l'organisation à laquelle il a appartenu de
poursuivre ou de développer ses activités.
Sous l'empire du code pénal de 1973, il suffisait de remplir l'une des
conditions suivantes :
- avoir abandonné de son propre chef ses activités
délictueuses et se présenter aux autorités en avouant les
faits ;
- avoir contribué, par l'abandon de ses activités, à
éviter ou à limiter un danger, en empêchant la
réalisation d'une infraction ou en aidant au recueil de preuves
déterminantes pour l'identification ou l'arrestation d'autres
délinquants.
2) Les avantages accordés aux repentis
a) Le traitement pénal
Le juge
a la possibilité de prononcer une
peine plus clémente que
celle normalement prévue
pour l'infraction considérée,
mais ne peut pas accorder une remise totale de peine. La règle est donc
la même que celle qui est applicable lorsque des circonstances
atténuantes sont reconnues.
Le jugement octroyant la réduction de peine doit être
motivé
.
Sous l'empire du code pénal de 1973
, les terroristes repentis
pouvaient obtenir les mêmes réductions de peine. Ils pouvaient
également obtenir une
remise totale
lorsque leur collaboration
s'était révélée d'une «
portée
particulière
». En outre, lorsqu'ils avaient purgé
le tiers de leur peine, ils pouvaient prétendre à la
libération conditionnelle.
Au début du mois de mars 2003, le gouvernement a déposé au
Parlement un
projet de loi organique portant sur l'exécution des
peines
. Ce projet, qui vise à garantir l'exécution
réelle et complète des peines, modifie notamment les
règles relatives à la libération conditionnelle. Les
règles qu'il contient à cet égard tendent à
encourager la collaboration : la libération conditionnelle serait
susceptible d'être accordée aux détenus qui ont
purgé les trois quarts de leur peine, à condition que leur
conduite le justifie. Ainsi, les personnes condamnées pour une
infraction relevant de la criminalité organisée ou du terrorisme
ne pourront bénéficier d'une telle mesure que si elles
remplissent deux conditions :
- avoir abandonné sans équivoque possible les objectifs et
les moyens du terrorisme ;
- avoir collaboré de façon active avec les autorités,
que ce soit pour empêcher la réalisation d'autres infractions par
le groupe criminel ou terroriste, pour limiter les conséquences de
l'infraction commise ou pour faciliter l'identification, l'arrestation et le
jugement de responsables.
b) Les mesures de protection
Les
repentis peuvent bénéficier des mesures prévues par
la
loi organique du 23 décembre 1994 sur la protection apportée aux
témoins et aux experts dans les affaires criminelles.
Prises par le juge d'instruction, qui agit de son propre chef ou à la
demande de l'intéressé, les mesures de protection peuvent ensuite
être maintenues, modifiées ou suspendues par le tribunal au moment
de l'ouverture du procès.
Ces mesures visent à garantir la personne, la liberté et les
biens des personnes menacées de représailles à cause de
leur collaboration avec la justice. Elles peuvent être étendues
aux ascendants, aux descendants, ainsi qu'aux frères et soeurs. Elles
consistent en principe en l'octroi d'une protection policière. Dans les
cas exceptionnels, les repentis peuvent, à l'issue du procès et
à la demande du ministère public, se voir accorder une nouvelle
identité et une aide pour leur permettre de déménager et
de changer d'emploi.
3) La valeur probatoire des déclarations des repentis
En
l'absence de dispositions explicites sur les modalités de ces
déclarations ou sur leur valeur, le seul précepte applicable est
l'article 741 du code de procédure pénale, selon lequel le
tribunal apprécie librement les preuves qui ont été
présentées au cours du procès, ainsi que les arguments de
la défense et de l'accusation.
Le Tribunal constitutionnel et le Tribunal suprême se sont
prononcés sur la valeur des déclarations des repentis : ils
leur reconnaissent la qualité de témoignages, dont la
crédibilité doit être évaluée notamment en
fonction de la personnalité du repenti et des raisons qui l'ont
incité à collaborer avec les autorités.
ITALIE
Même si le code pénal de 1930 comprend depuis
l'origine
plusieurs articles qui prévoient des réductions de peine
notamment pour les personnes qui «
empêchent de
manière volontaire
» la réalisation d'une
infraction et pour celles qui s'emploient «
spontanément et
efficacement à éliminer ou atténuer les
conséquences dommageables
» de leurs actes, c'est
à partir de la fin des années 70 que, pour faire face au
terrorisme, le législateur a multiplié les mesures favorables aux
repentis. Il les a en même temps transformées, pour les appliquer
à des infractions commises non par des individus isolés, mais par
des groupes organisés.
|
1) La reconnaissance juridique des repentis
a) Les infractions visées
Les
premières mesures en faveur des repentis résultent d'un
décret-loi de mars 1978, qui a modifié le code pénal et
qui a été converti en loi quelques semaines plus tard. Elles
concernaient les auteurs d'
enlèvements
, que ceux-ci fussent
réalisés pour l'obtention d'une rançon ou dans un but
terroriste. Ces dispositions sont toujours en vigueur, celles qui
régissent la première catégorie d'enlèvements ayant
été modifiées en 1980.
Le
décret-loi Cossiga du 15 décembre 1979
,
intitulé
«
Mesures urgentes pour la défense
de l'ordre
démocratique et de la sécurité
publique
»
et
converti en loi du
6 février 1980, offrait d'importantes réductions de peine
aux terroristes qui acceptaient de fournir à la justice ou à la
police des informations sur leur organisation.
La loi du 29 mai 1982 portant mesures pour la défense de l'ordre
constitutionnel, qui lui a succédé
(8(
*
))
, visait également les infractions contre
l'État. Le champ d'application des dispositions sur les
récompenses octroyées aux repentis se limitait aux
infractions
commises à des fins de terrorisme ou de déstabilisation de
l'ordre démocratique.
Il a progressivement été étendu :
- au trafic de stupéfiants, en 1990 ;
- à toutes les infractions relevant de « l'association
mafieuse » en 1991
(9(
*
))
;
- plus récemment à des infractions très diverses,
telles les atteintes au droit d'auteur en 2000, la contrebande de cigarettes en
2001 et le vol, également en 2001.
Ces élargissements successifs visent les différentes formes
de
criminalité organisée, ainsi que certains de ses
domaines de prédilection
(trafic de stupéfiants,
d'enregistrements audio-visuels et de cigarettes). Toutefois, le dernier ajout,
réalisé par la loi du 26 mars 2001 qui comporte
différentes mesures destinées à la
«
protection de la sécurité des
citoyens
» apparaît sans lien avec l'évolution
précédente.
b) Les personnes concernées
Les
différentes règles en vigueur visent les auteurs d'infractions
qui communiquent à la justice ou à la police des informations de
nature à faciliter le déroulement d'une procédure, qu'elle
soit ou non liée à l'affaire dans laquelle ils sont
impliqués, ou à éviter la réalisation de nouvelles
infractions.
Elles visent également ceux qui reconnaissent les infractions qui leur
sont reprochées et qui renoncent à utiliser la violence dans la
lutte politique.
2) Les avantages accordés aux repentis
a) Le traitement pénal
Il
n'existe aucune norme générale sur les repentis, de sorte que les
avantages qui leur sont accordés diffèrent à la fois selon
l'infraction commise et selon la nature de la collaboration.
En règle générale, la collaboration des accusés
avec la justice ou la police entraîne une réduction de peine
comprise entre le tiers et la moitié.
Dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme, elle pouvait permettre à l'accusé de
bénéficier de
l'impunité
.
Par ailleurs, la collaboration peut entraîner une
exemption des
peines
complémentaires
et un
aménagement du
régime pénitentiaire.
• La réduction de peine
Elle est
comprise entre le tiers et la moitié
:
- pour les personnes accusées d'appartenance à une
association mafieuse qui «
s'emploient à éviter que
l'activité coupable n'ait des conséquences ultérieures,
notamment en aidant concrètement la police ou la justice à
recueillir des éléments décisifs pour la reconstitution
des faits et pour l'identification ou l'arrestation des auteurs des
infractions
» ;
- pour les personnes accusées de trafic de cigarettes qui
collaborent de la même façon que les précédentes ou
qui contribuent à «
l'identification des moyens importants
pour la réalisation des délits
» ;
- pour les personnes coupables d'un vol qui permettent,
«
avant le jugement, l'identification des complices et de ceux qui
ont acquis, obtenu ou caché l'objet volé ou se sont entremis pour
permettre son achat, sa transmission ou sa dissimulation
» ;
- pour celui qui, avant d'avoir reçu une notification de
l'autorité judiciaire relative à une violation de la loi sur les
droits d'auteur, la «
dénonce spontanément ou,
fournissant toutes les informations dont il dispose, permet l'identification du
promoteur ou l'organisateur de l'activité illicite
».
Elle est comprise
entre la moitié et les deux tiers
en
matière de trafic de stupéfiants pour qui «
s'est
efficacement employé à garantir les preuves du délit ou
à soustraire à l'association des ressources importantes pour la
réalisation des infractions
».
Les participants à des enlèvements de personnes qui s'emploient
à ce que la personne enlevée recouvre la liberté sont
passibles, selon que l'enlèvement est d'ordre terroriste ou purement
crapuleux, d'une peine de prison de six mois à huit ans ou de deux
à huit ans, alors que la peine normalement encourue est de vingt-cinq
à trente ans.
Lorsque la peine applicable est la réclusion à
perpétuité, elle est remplacée par une peine de
durée limitée. Ainsi, dans le cas de la criminalité de
type mafieux, la réclusion à perpétuité est
remplacée par la réclusion de douze à vingt ans.
La réduction de peine peut être encore plus importante, car
la
collaboration permet, dans certains cas, d'empêcher le juge de tenir
compte de la
circonstance aggravante liée au caractère
même de l'infraction commise
. Ainsi, le décret-loi de mai 1991
portant mesures urgentes en faveur de la lutte contre la criminalité
organisée, qui a été converti en loi quelques semaines
plus tard, dispose que les peines applicables aux infractions de type mafieux
sont augmentées d'un tiers. Toutefois, comme les réductions
offertes aux repentis sont calculées à partir de la peine de
base, et non à partir de la peine aggravée, l'incitation à
la collaboration est plus importante.
• L'impunité
Elle était prévue par le décret-loi Cossiga au
bénéfice de ceux qui
empêchaient la survenance d'un
attentat à la sécurité publique
planifié par
une organisation terroriste (incendie, naufrage d'un bateau, catastrophe
aérienne, attentat contre un réseau de communication,
empoisonnement de l'eau potable ou d'aliments...). Elle était
également prévue par la loi de 1982 pour les auteurs de crimes et
délits contre l'État qui dissolvaient l'organisation, agissaient
de façon à permettre sa dissolution, fournissaient des
informations sur sa structure ou son organisation ou empêchaient la
réalisation d'infractions constituant l'un de ses objectifs.
• L'exemption des peines complémentaires
Elle est prévue par la loi d'août 2000 qui a modifié les
dispositions sur le droit d'auteur. Compte tenu de l'importance des peines
complémentaires dans ce domaine (interdictions professionnelles par
exemple), l'incitation à la collaboration est également
renforcée.
• L'aménagement du régime pénitentiaire
Le décret-loi du 15 janvier 1991, récemment
modifié par la loi du 13 février 2001
, qui
définit les mesures spéciales accordées à ceux qui
collaborent avec la justice, prévoit notamment un aménagement du
régime pénitentiaire de certains repentis.
Ces dispositions sont réservées aux personnes condamnées
pour terrorisme, association mafieuse, trafic de stupéfiants ou
enlèvement crapuleux, dans la mesure où elles ont pleinement
collaboré avec la justice, y compris après leur condamnation.
Après avoir purgé au moins le quart de leur peine (ou
dix ans si elles ont été condamnées à
perpétuité), elles peuvent prétendre à des
permissions, voire à un régime d'assignation à
résidence, de liberté conditionnelle ou de semi-liberté.
La collaboration avec la justice peut également mettre fin à la
détention préventive lorsque le juge a l'assurance que
l'intéressé a rompu tout lien avec son organisation et respecte
tous les engagements qui conditionnent sa protection.
b) Les mesures de protection
Même si le droit de la procédure pénale
comporte
des dispositions utilisables dans le cas des repentis (auditions à huis
clos par exemple) ou qui les visent explicitement, comme l'obligation de
recourir à la vidéoconférence dans tous les procès
pour association mafieuse et pour terrorisme,
la protection des repentis est
essentiellement assurée par des mesures extra-judiciaires
.
Les mesures de protection des repentis sont définies par le
décret-loi du 15 janvier 1991.
Le bénéfice de ces mesures est désormais
réservé aux seuls repentis qui remplissent les conditions
suivantes :
- ils ont été accusés ou condamnés pour
terrorisme, association mafieuse, trafic de stupéfiants ou
enlèvement crapuleux ;
- leur collaboration les menace de façon grave et réelle, de
sorte que les règles générales de protection applicables
à tout accusé sont insuffisantes ;
- leurs déclarations, parfaitement fiables, ont un caractère
de «
nouveauté
»,
d'«
exhaustivité
» ou revêtent une
«
importance exceptionnelle
», dans le cadre de la
procédure pénale les concernant ou d'enquêtes sur des
organisations mafieuses ou terroristes.
Ainsi défini, le champ d'application des nouvelles dispositions est
limité : il exclut par exemple les membres d'un réseau
criminel, mais non juridiquement qualifié de mafieux.
L'octroi des mesures de protection est décidé par une
commission
ad hoc
constituée de professionnels
spécialistes de la criminalité organisée (policiers et
magistrats, à l'exclusion des membres du parquet) sur proposition du
procureur de la République ou du responsable local de la police.
Pour bénéficier de ces mesures, le repenti doit prendre des
engagements
, et notamment :
- indiquer la composition du patrimoine qu'il détient ou qu'il
contrôle, directement ou non ;
- remettre au procureur de la République, dans le délai de
six mois après qu'il a fait part de son souhait de collaboration,
un document écrit comportant toutes les informations qu'il
détient et qui peuvent permettre à la justice de progresser, non
seulement sur l'affaire dans laquelle il est impliqué, mais
également sur d'autres dossiers majeurs.
L'obligation de respecter un délai de six mois pour fournir ce
« procès-verbal de collaboration » vise à
empêcher les repentis de différer la fourniture des renseignements
et d'en tirer parti au fur et à mesure. Pour inciter au respect de ce
délai, les nouvelles dispositions précisent d'ailleurs que les
informations fournies ensuite ne peuvent en principe pas être
utilisées comme preuves contre des tiers.
Les
mesures de protection
consistent par exemple en la fourniture de
dispositifs techniques de sécurité, en un transfert dans une
commune autre que la commune de résidence ou en la détention
selon des modalités particulières.
Un
programme spécial de protection
peut être
élaboré dans certains cas particuliers, lorsque
l'appréciation concrète de la situation révèle
l'insuffisance des mesures de protection habituellement accordées aux
repentis. Ce programme peut inclure le transfert des intéressés
dans un endroit particulièrement protégé, des mesures
d'assistance économique (comprenant par exemple la prise en charge du
loyer et le versement d'une allocation plafonnée à cinq fois le
montant du minimum vieillesse), la fourniture de papiers d'identité
« de couverture », voire un changement d'état civil,
mesure exceptionnelle régie par un texte
ad hoc
et
nécessitant un décret du ministre de l'Intérieur.
Après que les mesures de protection ont été
accordées, le repenti doit verser au Trésor public les fonds
provenant d'activités illicites, l'autorité judiciaire
procédant par ailleurs à la mise sous séquestre de tous
ses biens.
Les mesures de protection, qu'il s'agisse des mesures habituelles ou qu'elles
fassent partie d'un programme spécial de protection, peuvent être
accordées aux
membres de la famille
du repenti, à
condition qu'ils soient eux-mêmes exposés à un danger grave
et réel, et qu'ils vivent sous le même toit que le repenti.
Les mesures sont prises pour une
durée
indéterminée
. Elles sont rapportées lorsqu'elles ne
sont plus justifiées. Elles peuvent également être
rapportées en fonction de la conduite de l'intéressé.
Le ministre de l'Intérieur doit fournir tous les six mois au
Parlement un
rapport sur l'application et l'efficacité des
mesures de protection
. Ce rapport précise notamment le coût de
ces mesures. D'après le dernier rapport disponible, relatif au second
semestre de l'année 2001, l'ensemble des dépenses de protection a
représenté 33,5 millions d'euros pour cette période.
Cette somme inclut les dépenses engagées pour la protection des
simples témoins, au nombre d'environ 75.
Depuis 1997, le nombre des repentis bénéficiant de mesures de
protection est stable : il oscille entre 1 000 et 1 100. Le
nombre des membres de la famille placés sous protection est
également stable, variant entre 3 950 et 4 200.
Les mesures de protection prises en faveur des repentis
incarcérés consistent principalement en leur détention
dans des unités spécialisées.
3) La valeur probatoire des déclarations des repentis
Le code
de procédure pénale de 1988 consacre l'orientation qu'avait prise
la jurisprudence au milieu des années 1980 : l'article
consacré à l'évaluation des preuves précise que les
informations fournies par les repentis, qu'il s'agisse de coaccusés ou
de personnes poursuivies séparément dans le cadre de
procédures connexes, «
sont évaluées avec les
autres éléments de
preuve qui en confirment la
crédibilité
».
Les déclarations des repentis doivent donc être
corroborées sans pouvoir fonder à elles seules une
condamnation
. La Cour de cassation a précisé la nature de
l'évaluation à laquelle doit se livrer le juge. Il doit
vérifier la crédibilité personnelle du repenti, notamment
à la lumière de sa personnalité et de son passé,
ainsi que la valeur de ses déclarations, compte tenu de leur
précision, de leur cohérence, de leur constance et de leur
spontanéité. Il doit également s'assurer que d'autres
éléments les corroborent. Parmi les éléments
susceptibles de corroborer les déclarations des repentis, la
jurisprudence n'exclut pas les déclarations d'autres repentis.
Aux mesures visant explicitement à récompenser les repentis, il
faut ajouter la procédure spéciale du « jugement
abrégé »
(10(
*
))
.
Prévue par le code de procédure pénale et applicable
à n'importe quelle infraction, elle permet à l'accusé qui
renonce à l'exercice complet des droits de la défense d'obtenir
une réduction de peine d'un tiers. Cette procédure est en effet
utilisable pour « récompenser » la collaboration
lorsque l'infraction d'origine n'entre pas dans le champ d'application des
mesures sur les repentis. Ce peut être le cas par exemple d'un
délinquant opérant dans le cadre d'un réseau en cours de
constitution.
PAYS-BAS
Alors
que la possibilité d'adopter une loi sur les repentis est
évoquée depuis 1993, le ministère de la Justice a
déposé en
novembre 1998
à la Chambre basse
un
projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure
pénale
pour tenir compte des «
déclarations des
témoins faites en
échange d'une promesse du
ministère public
».
|
1) La reconnaissance juridique des repentis
a) Les infractions visées
Il s'agit, d'une part, des infractions les plus graves , qui peuvent entraîner des peines de prison d'au moins huit ans, et d'autre part, de celles qui sont commises par des bandes organisées et qui risquent de porter atteinte à l'ordre public .
b) Les personnes concernées
Le
projet de loi vise les accusés qui font des
déclarations
contre d'autres accusés
, dans la mesure où ces
déclarations constituent une «
contribution
importante
» au déroulement de la procédure
pénale.
Les personnes qui ont déjà été condamnées
peuvent également bénéficier des dispositions du projet de
loi.
2) Les avantages accordés aux repentis
a) Le traitement pénal
Le
repenti
(accusé ou déjà condamné)
et le
procureur concluent un accord écrit
. Celui-ci précise les
faits reprochés au premier, les infractions sur lesquelles il s'engage
à fournir des informations, les conditions qui lui sont imposées
et qu'il est prêt à remplir, ainsi que la promesse du procureur.
Le juge d'instruction
contrôle le bien-fondé de
l'accord
. Il doit notamment s'assurer de la crédibilité du
repenti, qu'il entend en présence de son avocat, et vérifier que
la négociation satisfait au principe de proportionnalité. S'il
approuve l'accord, il fait prêter serment au repenti puis recueille ses
déclarations. S'il s'y oppose, le parquet peut faire appel, mais pas le
repenti.
À la demande du procureur, le juge peut octroyer une remise de peine
aux repentis qui ont conclu avec le ministère public un accord qui a
été homologué par le juge d'instruction.
La remise de
peine vaut exclusivement pour la
peine principale
, mais est sans
incidence sur les peines complémentaires. De plus, la Chambre basse
s'est opposée à ce qu'un repenti puisse bénéficier
de l'impunité.
Le projet de loi prévoit des
réductions de peine d'au plus un
tiers
(11(
*
))
. Il prévoit aussi la
possibilité de transformer une partie (au plus un tiers) des peines
inconditionnelles en peines conditionnelles, ainsi que le remplacement d'un
tiers de la peine privative de liberté par une amende.
Lorsqu'il accorde la remise de peine, le juge doit tenir compte de la
contribution qu'ont représentée les déclarations du
repenti.
Le projet de loi présenté par le gouvernement prévoyait
que le juge était tenu au respect de l'accord conclu entre le repenti et
le ministère public, mais la Chambre basse a voulu laisser au juge sa
liberté d'appréciation, de sorte que le texte n'offre aucune
garantie au repenti.
b) Les mesures de protection
Le
projet de loi ne prévoit aucune disposition sur la protection des
repentis.
Ceux-ci peuvent bénéficier des mesures de protection
prévues pour les témoins menacés. Il n'existe certes pas
de véritable programme de protection des témoins, mais certaines
mesures peuvent être prises dans le cadre de la procédure
pénale (audition du repenti à huis clos ou en dehors de la
présence du prévenu, voire de façon anonyme).
3) La valeur probatoire des déclarations des repentis
Le
projet de loi comporte des dispositions explicites :
- la culpabilité d'un accusé ne peut reposer sur les seules
déclarations d'un repenti ;
- tout jugement qui prend en compte de telles déclarations doit
être motivé à cet égard.
* *
*
Le
24 septembre 2001, le gouvernement a déposé un
projet de
loi complémentaire
sur les peines dont sont passibles les repentis
qui ne remplissent pas les obligations auxquelles ils se sont engagés
dans l'accord qu'ils ont conclu avec le ministère public.
La Chambre basse a décidé d'attendre que la Chambre haute ait
adopté le projet de loi principal pour examiner le texte
complémentaire.
SUISSE
Dans le
rapport intitulé « De 29 à
l'unité »
(12(
*
))
, qu'elle a
publié en décembre 1997,
la commission de réflexion sur
l'unification de la procédure pénale
, a notamment
examiné l'opportunité d'introduire dans le droit suisse de
nouveaux dispositifs, comme celui du repenti. Elle s'est prononcée
contre une telle réforme.
|
ÉTATS-UNIS
Le
cinquième amendement de la Constitution des États-Unis
permet
à tout citoyen américain de refuser de témoigner contre
lui-même dans une affaire pénale. Il exclut donc en principe toute
collaboration des repentis avec les autorités judiciaires.
|
1) La reconnaissance juridique des repentis
a) Les infractions visées
L'immunité légale ne vise aucune infraction en particulier. De même, les accords de renonciation aux poursuites sont applicables à toutes les infractions fédérales, et notamment celles relatives au crime organisé, au trafic de stupéfiants et au terrorisme.
b) Les personnes concernées
Il
s'agit des personnes suspectées d'avoir commis une ou plusieurs
infractions, qui invoquent le cinquième amendement de la Constitution
des États-Unis et qui n'ont pas encore été
condamnées.
L'immunité légale prévue aux articles 6001 à
6005 du titre 18 du code des États-Unis ne s'applique qu'aux
personnes contraintes de témoigner par une décision de justice.
En pratique, dans le cadre de la lutte contre la criminalité
organisée, l'accusation accorde fréquemment l'immunité
à de petits délinquants, pour les inciter à fournir des
informations sur les organisateurs des réseaux dont ils sont membres.
2) Les avantages accordés aux repentis
a) Le traitement pénal
Les repentis bénéficiant de
l'immunité
légale
S'il estime que le témoignage du suspect est d'intérêt
public,
le procureur
en charge de l'affaire peut, avec l'accord du
procureur général des États-Unis (qui est également
ministre de la justice)
demander à une cour fédérale de
rendre une décision
contraignant celui-ci à
témoigner,
sous peine de subir les sanctions applicables pour refus
de témoignage (emprisonnement pendant la durée du procès
ou de la session du grand jury
(13(
*
))
) ou pour
outrage à la cour (amende ou peine de prison dont le quantum est
laissé à la libre appréciation de la cour).
La cour est tenue de faire droit à une telle demande. En principe,
l'offre d'immunité légale et l'accord qui en résulte
sont écrits.
L'article 6002 du code des États-Unis garantit au repenti que son
témoignage ne pourra ultérieurement être utilisé
contre lui dans aucun procès pénal
, à l'exception d'un
procès pour parjure ou pour fausse déclaration.
Le repenti
ne bénéficie cependant pas d'une
impunité totale
(14(
*
))
: il
peut
être poursuivi pour l'infraction sur laquelle il a fourni des
informations, mais les poursuites doivent reposer sur des
éléments autres que ceux qu'il a fournis.
En effet, le ministère public ne peut entamer ou recommander la
poursuite des infractions révélées ou
évoquées dans ce type de témoignage qu'avec l'autorisation
écrite du procureur général des États-Unis. Dans ce
cas, en application de la jurisprudence Kastigar de 1972, le procureur doit
transmettre au procureur général une demande expliquant comment
il établira que les preuves des infractions qu'il entend poursuivre ont
été obtenues légalement et n'ont aucun lien avec le
témoignage que le suspect a été judiciairement contraint
d'effectuer.
Les repentis bénéficiant d'un accord de renonciation aux
poursuites
Les principes régissant les poursuites fédérales laissent
une
grande liberté
au procureur
. Ils lui permettent en
particulier de conclure un
accord
garantissant à l'accusé
repenti qu'il échappera aux poursuites pour les infractions commises. En
règle générale, le procureur utilise cette
possibilité dans les cas où il n'y a pas d'autre moyen d'obtenir
le témoignage recherché et où celui-ci est
d'intérêt public.
Au préalable, le procureur doit avoir obtenu l'accord de son
supérieur hiérarchique. En outre, lorsque le procès
concerne certains domaines du droit pénal (par exemple, le crime
organisé ou la sécurité intérieure), il faut qu'il
ait l'accord de l'assistant du procureur général des
États-Unis compétent.
L'étendue de l'immunité est négociée par les
parties
. Cependant, le procureur doit éviter d'accorder une
impunité totale au repenti. Il doit essayer de restreindre
l'immunité aux poursuites fondées directement ou indirectement
sur les renseignements fournis. Il doit également la limiter sur le plan
géographique à sa juridiction.
Le procureur doit faire figurer au
dossier
un écrit mentionnant
les termes de l'accord et détaillant les obligations réciproques.
Ce document doit être signé ou paraphé par le repenti ou
par son avocat.
b) Les mesures de protection
Le
sixième amendement de la Constitution des États-Unis garantit
à tout accusé le droit d'être confronté aux
témoins à charge.
Toutefois, le repenti peut bénéficier des dispositions
introduites par
la loi de 1984 portant réforme de la protection des
témoins
et qui figurent aux
articles 3521 à 3528 du titre
18 du code des États-Unis
(15(
*
))
.
L'article 3521 prévoit que le procureur général des
États-Unis peut accorder des mesures de protection à un
témoin (ou à un témoin potentiel) appelé à
témoigner à charge dans un procès relatif à une
activité criminelle organisée ou à une autre infraction
grave, s'il estime que le témoin risque d'être victime de
violences ou de mesures d'intimidation.
Le manuel des procureurs indique qu'une telle protection est
réservée aux témoins déposant dans les
procès pour crime organisé, pour gangstérisme, pour trafic
de drogues et, d'une façon générale, dans les affaires les
plus graves.
Avant d'accorder des mesures de protection à un témoin, le
procureur général des États-Unis doit vérifier si
le programme de protection est adapté, compte tenu notamment des
antécédents criminels de l'intéressé et de sa
personnalité.
Il doit également évaluer, par écrit, la gravité de
l'affaire dans laquelle le témoin est appelé à
déposer, ainsi que les dangers que son éventuel
déménagement représente. À l'issue de cette
évaluation, s'il apparaît que les risques encourus par le nouveau
voisinage sont supérieurs à l'utilité du
témoignage, la protection doit être refusée.
En pratique, le procureur en charge du dossier transmet au service
compétent du ministère de la Justice une demande écrite de
protection qui contient les informations permettant de faire les
évaluations prescrites :
- une description de l'affaire criminelle, précisant notamment s'il
s'agit d'un crime organisé relatif à la drogue ;
- un résumé du témoignage, faisant apparaître
son importance et son caractère décisif pour le succès des
poursuites ;
- les dangers encourus par le témoin ;
- son dossier pénal ;
- le tableau des autres mesures de protection qui ont été
envisagées et qui apparaissent inadéquates.
La gestion proprement dite du programme de protection est assurée par
deux services différents, selon que le repenti est ou non
incarcéré :
- le Bureau fédéral des prisons (BOP) s'occupe des
témoins incarcérés ;
- le
U.S. Marshals Service
(USMS) est en charge de la
sécurité des autres témoins protégés (avant,
pendant et après le procès).
En outre, l'article 3521 prévoit que le procureur
général des États-Unis doit conclure un
accord avec la
personne protégée
, précisant les obligations de
chacune des parties. En pratique, c'est le BOP qui s'en charge pour les
témoins incarcérés et l'USMS pour les autres. La personne
protégée doit notamment s'engager à témoigner,
à ne commettre aucun crime, à remplir ses obligations
légales et à exécuter les jugements civils rendus à
son encontre.
La protection des repentis qui sont incarcérés est assurée
par leur détention dans des unités spéciales, tandis que
celle des autres repentis consiste en diverses mesures, et notamment en un
changement de résidence.
Il peut être décidé que la personne protégée
bénéficiera d'un logement, du déménagement de ses
biens, de documents lui fournissant une nouvelle identité, d'une somme
d'argent lui permettant de faire face à ses besoins pendant une
période en principe limitée à six mois, d'un soutien pour
obtenir un emploi à condition qu'il recherche activement du travail et
de toute aide de nature à lui permettre de devenir indépendant
financièrement. Dans certains cas, la personne protégée
peut également recevoir un accompagnement psychologique.
Les mesures de protection sont maintenues aussi longtemps qu'elles restent
justifiées et que le repenti respecte ses engagements.
La protection peut être étendue à la famille proche ou
à une personne ayant des liens étroits avec le témoin,
à condition que ces personnes soient également menacées.
Depuis 1970, plus de 7 000 témoins et plus de 9 000 proches
ont bénéficié du programme de protection et ont
été déplacés géographiquement.
3) La valeur probatoire des déclarations des repentis
Le
droit fédéral ne contient pas de règle exigeant
expressément que la condamnation ne se fonde pas sur le seul
témoignage du collaborateur de justice.
Cependant, la plupart des
cours fédérales invitent les jurés à la
prudence
dans ces circonstances.
Par ailleurs, le parquet fédéral a l'habitude de
révéler aux tribunaux les accords conclus avec les collaborateurs
de justice.
(1)
Kleine Kronzeugenregelung.
(2) En vertu de l'article 49-2 du code pénal, qui précise que le
juge peut réduire la peine en fonction de son appréciation du
dossier, mais seulement dans les cas où une disposition
législative explicite l'y autorise.
(3) Il s'agit de l
'Attorney-General
, procureur général,
qui a rang de ministre et représente la Couronne et
l'intérêt général devant les tribunaux, ainsi que du
Director of Public Prosecutions
, c'est-à-dire du directeur du
service national des poursuites, qui est placé sous l'autorité de
l
'Attorney-General
.
(4) Voir l'étude de législation comparée LC 122 de mai
2003 sur le plaider coupable.
(5) D'après le code pénal, le juge tient compte des circonstances
atténuantes et des circonstances aggravantes pour fixer la peine, qui
est toujours exprimée sous forme de fourchettes. Le code
énumère également les principales circonstances
atténuantes et aggravantes.
(6) Le code pénal belge prévoit une répartition des
infractions en trois catégories : les crimes, les délits et
les contraventions.
(7) Cette loi prévoit l'octroi de diverses mesures de protection, parmi
lesquelles la fourniture d'une protection rapprochée et la mise à
disposition de moyens de communication spécifiques, voire un changement
d'identité et un déménagement dans les cas les plus graves.
(8) Bien que prise pour une durée limitée, la loi de 1982,
applicable aux infractions commises avant le 31 janvier 1982, a, d'après
une décision prise par la Cour de cassation en 1993, abrogé le
texte précédent. Cependant, pour une partie de la doctrine, ce
dernier reste ne vigueur.
(9) C'est-à-dire appartenance ou soutien à une telle association,
dans la mesure où elle regroupe au moins trois personnes.
(10) Voir l'étude de législation comparée LC 122 de mai
2003 sur le plaider coupable.
(11) Comme le code pénal néerlandais ne comporte pas de peine
minimale, la réduction est calculée par rapport à la peine
envisagée par le juge en l'absence de tout accord.
(12) Il existe actuellement 26 procédures pénales cantonales et
trois procédures fédérales (la procédure
pénale fédérale, qui fixe le cadre général,
la procédure pénale militaire et la procédure
pénale administrative).
(13) Le grand jury est un organe populaire chargé de la mise en
accusation. Ses membres sont désignés pour dix-huit mois.
(14) Contrairement à la situation qui prévalait jusqu'en 1970.
(15) Les premières mesures sur la protection des témoins ont
été instaurées par la loi de 1970 relative au crime
organisé.