SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Novembre 2004)
ESPAGNE
L'article 17 de la Constitution , relatif à la liberté individuelle, énonce aux alinéas 3 et 4 : « Toute personne détenue doit être informée immédiatement, et d'une façon qui lui soit compréhensible, de ses droits et des raisons de sa détention sans pouvoir être obligée à faire une déclaration [...] . » La loi définira une procédure d' habeas corpus pour mettre immédiatement à disposition de la justice toute personne détenue illégalement. De même, la loi déterminera la durée maximale de la détention provisoire. » Le chapitre du code de procédure pénale consacré à la détention provisoire a été récemment modifié par la loi organique n° 13 du 24 octobre 2003 , qui est entrée en vigueur dès sa publication au journal officiel. Cette réforme fait suite, d'une part, à plusieurs décisions du Tribunal constitutionnel, qui avait souligné le caractère exceptionnel et nécessairement proportionné du placement en détention provisoire, et, d'autre part, à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur le droit de chacun à être jugé dans un délai « raisonnable », et donc sur la durée limitée de la détention provisoire. Les prévenus représentent presque le quart de la population carcérale. |
1) Lors du placement en détention provisoire
a) Le caractère contradictoire de la procédure
Le placement en détention provisoire est décidé à l'issue d'une audience au cours de laquelle l'accusation et la personne mise en cause peuvent présenter leurs arguments.
Cette audience a lieu au plus tard soixante-douze heures après que le suspect a été mis à disposition de la justice. Le suspect doit être assisté d'un avocat , choisi par lui ou commis d'office.
b) L'auteur de la décision
Selon l'étape de la procédure à laquelle la détention provisoire est demandée, le placement en détention provisoire est décidé par le juge d'instruction ou le juge (ou le tribunal) appelé à juger l'intéressé . Une telle mesure ne peut être prise que si elle est demandée par l'accusation.
c) La motivation de la décision
La décision de placement en détention provisoire doit être motivée : elle doit exposer les raisons pour lesquelles la détention provisoire apparaît « nécessaire et proportionnée » compte tenu des fins qui la justifient.
d) Le caractère subsidiaire de la détention provisoire
Lorsque les conditions de fond du placement en détention provisoire sont réunies, mais que les fins justifiant une telle décision peuvent être atteintes par des moyens moins sévères, ceux-ci doivent être ordonnés en priorité, car le code de procédure pénale présente la détention provisoire comme une mesure de dernier recours.
En outre, des raisons de santé peuvent justifier que le juge n'ordonne pas le placement en détention provisoire, mais l'assignation à résidence.
e) Les recours
La décision de placement en détention provisoire peut faire l'objet d'un appel , qui doit être traité dans les trente jours.
De plus, la loi organique du 24 mai 1984 qui régit la procédure d' habeas corpus permet à toute personne qui s'estime injustement privée de sa liberté de recourir au juge d'instruction du lieu où elle est détenue. Saisi d'une requête en habeas corpus , le juge d'instruction décide dans le délai de vingt-quatre heures s'il remet ou non l'intéressé en liberté. La décision du juge d'instruction doit être motivée. Cette procédure est peu employée en matière pénale, elle l'est davantage dans d'autres domaines, par exemple pour obtenir la libération des malades mentaux internés.
2) Pendant la détention provisoire
a) La durée de la détention provisoire
La durée maximale de la détention provisoire dépend, d'une part, du motif qui a justifié la décision et, d'autre part, de la peine encourue.
Lorsque la durée maximale de la détention provisoire est écoulée, le prévenu est automatiquement remis en liberté, à moins qu'une décision de prolongation n'ait été prise. En effet, lorsqu'il est prévisible que le jugement ne puisse pas avoir lieu avant la fin de la durée initialement fixée pour la détention provisoire, une telle prolongation est admissible. Cependant, la durée totale de la détention provisoire est toujours limitée , comme l'indique le tableau ci-dessous :
Motif du placement en détention provisoire |
Peine encourue |
Durée maximale de la détention provisoire |
Possibilité de prolongation de la détention provisoire |
Risque de fuite du suspect ou risque de nouvelles infractions |
entre deux et trois ans de prison |
un an |
une seule prolongation, limitée à six mois |
plus de trois ans de prison |
deux ans |
une seule prolongation, limitée à deux ans |
|
Préservation des éléments de preuve |
plus de deux ans de prison |
six mois |
pas de prolongation |
b) Les vérifications du bien-fondé de la détention provisoire
De telles vérifications ne sont pas prévues. Cependant, les décisions prolongeant la durée de la détention provisoire doivent respecter les mêmes règles de forme que les décisions initiales de placement . Elles doivent en particulier être motivées et être prises à l'issue d'une procédure contradictoire. De plus, elles sont susceptibles d'appel.
3) L'indemnisation après une détention provisoire injustifiée
L'article 121 de la Constitution dispose que « les dommages causés par une erreur judiciaire, ainsi que ceux qui résulteront du fonctionnement anormal de l'administration de la justice, donneront droit à une indemnité à la charge de l'État, conformément à la loi . »
La loi organique sur le pouvoir judiciaire réserve un chapitre à cette question , et plusieurs articles de ce chapitre traitent de l'indemnisation consécutive à une détention provisoire abusive.
Les conditions requises pour être indemnisé à la suite d'une détention provisoire injustifiée sont restrictives : il faut, d'une part, avoir subi un préjudice chiffrable et, d'autre part, avoir été acquitté ou avoir bénéficié d'un non-lieu pour « inexistence du fait reproché », c'est-à-dire soit pour absence pure et simple d'infraction soit pour non-participation à celle-ci. Ainsi, selon une jurisprudence constante du Tribunal suprême, un suspect acquitté pour insuffisance de preuves ne peut pas se prévaloir de ces dispositions. Le cas échéant, il peut toutefois prétendre à une indemnisation pour « fonctionnement anormal » de la justice. Il en va de même lorsque la durée de la détention provisoire dépasse celle de la condamnation.
Les demandes d'indemnisation sont adressées directement au ministre de la justice . L'indemnité accordée varie en fonction de la durée de la détention et de toutes les conséquences de celle-ci (perte des liens sociaux, insécurité...). Elle tient également compte de la personnalité de l'intéressé (âge, antécédents judiciaires, possibilité de retour à la situation antérieure...).
Les décisions du ministre peuvent faire l'objet d'un recours contentieux devant les juridictions administratives.