LES CARACTERISTIQUES DU PROCES PENAL
Table des matières
- NOTE DE SYNTHESE
- ALLEMAGNE
- ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES
- ESPAGNE
- ITALIE
- ETATS-UNIS
NOTE DE SYNTHESE
Plusieurs études portant sur des points spécifiques de
la procédure pénale ont été réalisées
par la division des études de législation comparée. Afin
d'avoir une vue d'ensemble, il a cependant paru utile de récapituler les
principales caractéristiques de cette procédure chez certains de
nos proches voisins européens, l'
Allemagne
, l'
Angleterre
et le
Pays de Galles
, l'
Espagne
et l'
Italie
, ainsi qu'aux
Etats-Unis
.
Cet examen fait apparaître que, malgré certaines
différences, particulièrement évidentes au stade de
l'instruction, les principales caractéristiques du procès
pénal tendent à converger.
I - LES PARTICULARITES DE LA PROCEDURE D'INSTRUCTION
La
procédure d'instruction suit dans chaque pays un schéma analogue
dont les étapes sont les suivantes :
- constatation d'une infraction ;
- déclenchement des poursuites ;
- poursuites ou instruction ;
- décision de renvoi en jugement ou de classement sans suite.
Par ailleurs, chaque système prévoit l'intervention de la police,
d'un ministère public, ou tout au moins d'une personne ou d'un organisme
équivalent, et d'un juge.
Les procédures d'instruction ne sont donc pas fondamentalement
différentes, mais présentent certaines particularités qui
concernent essentiellement les compétences respectives de chacun des
acteurs de l'instruction. De plus, la procédure diffère selon que
les pays appliquent le principe de légalité ou
d'opportunité des poursuites.
1) Les compétences des acteurs de la procédure d'instruction
a) Le
rôle de la police est prépondérant en Angleterre et au Pays
de Galles
Malgré la création en 1986 d'une ébauche de
ministère public, le
Crown Prosecution Service
(CPS), service
public autonome et indépendant de la police, c'est la police qui reste
chargée de déclencher les poursuites. Le CPS a pour mission de
confirmer ou de réviser la décision de la police, et de
représenter l'accusation au procès. Nul ne peut donc contraindre
la police à engager les poursuites. Cependant, tout citoyen a
théoriquement la possibilité de saisir directement les tribunaux.
En outre, la police est seule habilitée à mener l'enquête
et donc à rassembler les preuves.
Quant au juge, il n'intervient pendant l'instruction que pour autoriser la
police à effectuer certains actes (mandats d'arrêt, de
perquisition, de saisie...).
b) L'Espagne est le seul pays à avoir conservé un juge
d'instruction
La compétence du ministère public est assez limitée :
il enregistre, comme la police ou le juge, les plaintes et doit
déclencher l'action publique dès qu'il est informé d'une
infraction. Toutefois, il ne détient pas le monopole des poursuites.
La police dépend des juges, des tribunaux et du ministère public
et doit suivre leurs instructions. C'est donc le juge d'instruction qui est
chargé des poursuites et de rassembler les preuves. Il assume un
rôle essentiel, le ministère public se limitant à un
contrôle formel.
c) En Allemagne, en Italie et aux Etats-Unis, la procédure
d'instruction est prise en charge par le ministère public
En
Allemagne
, la compétence du ministère public est
étendue : il enregistre les plaintes, déclenche les
poursuites, dont il a le monopole, et dirige l'enquête de police. La
police est chargée de l'assister. Le juge n'intervient, sur
requête du ministère public, que lorsque ce dernier ne peut
prescrire certains actes parce qu'ils touchent à la liberté
individuelle.
En
Italie
, le ministère public est chargé de
l'enquête préliminaire, pour laquelle il bénéficie
de larges prérogatives, et de l'engagement des poursuites. Bien que ce
soit la police qui enregistre les plaintes, elle est tenue d'informer et
d'assister le ministère public lors de l'enquête qu'elle
mène. Pendant l'instruction, le juge de l'enquête
préliminaire est surtout chargé du contrôle de la
légalité des investigations et des décisions restreignant
les droits fondamentaux.
Aux
Etats-Unis
, sauf dans les cas les plus graves requérant
l'intervention d'un grand jury, c'est le procureur qui est chargé
d'engager les poursuites et d'établir le dossier d'accusation, pour
lequel il détermine seul les chefs d'accusation et les faits qu'il
entend retenir. La police agit en coopération avec le procureur. Quant
au juge, il n'intervient qu'au tout début de la procédure, lors
du premier examen destiné à permettre de déterminer si les
preuves réunies justifient la détention du suspect, et pendant
l'instruction, pour délivrer les mandats d'arrestation, de perquisition,
de saisie et d'écoutes téléphoniques.
2) L'opportunité ou la légalité des poursuites
a)
L'Espagne et l'Italie restent attachées au principe de la
légalité des poursuites
Ces deux pays n'acceptent pas d'exception à ce principe. Toutefois, en
Italie, pour certaines infractions mineures il est possible d'abandonner la
poursuite.
b) En Angleterre et au Pays de Galles ainsi qu'aux Etats-Unis, la
décision d'engager les poursuites est appréciée en toute
opportunité
Si le procureur américain jouit d'une liberté quasi absolue pour
prendre sa décision, en Angleterre et au Pays de Galles, l'obligation de
poursuivre peut s'imposer lorsqu'il s'agit de préserver
l'intérêt public. Un code de conduite et un document
définissant les critères de la poursuite ont d'ailleurs
été établis afin d'aider la police et le CPS dans leurs
décisions.
c) En Allemagne, si la légalité des poursuites demeure un
principe fondamental, des exceptions sont désormais possibles
Le code de procédure pénale prévoit la possibilité
du classement sans suite en pure opportunité pour les affaires les moins
importantes, ainsi que le classement sous conditions pour tous les
délits, lorsque la faute de l'accusé est mineure et que le
classement n'est pas contraire à l'intérêt public.
II - LA TENDANCE A L'UNIFORMISATION DES CARACTERISTIQUES DU PROCES PENAL
1) La clôture de l'instruction lors d'une audience intermédiaire
Aux
Etats-Unis, l'audience préliminaire est consacrée à la
déclaration publique des chefs d'accusation, l'accusé devant
indiquer le mode de défense qu'il entend employer. S'il plaide coupable,
le juge doit alors déclarer la culpabilité et fixer la peine.
Dans les autres pays, cette audience permet d'établir s'il y a ou non
lieu d'ouvrir le procès.
En Angleterre et au Pays de Galles, cette procédure n'est toutefois
applicable qu'aux infractions graves, les autres étant jugées
selon une procédure sommaire.
En Allemagne et en Espagne, c'est le tribunal du jugement qui est chargé
de cette audience, alors qu'en Italie et en Angleterre, il s'agit du juge qui
intervient pendant l'instruction.
2) Les caractéristiques de la procédure de jugement sont les mêmes
Le
procès pénal est de type accusatoire : l'accusation et le
jugement ne relèvent pas du même organe, les débats sont
publics et la procédure est orale et contradictoire.
En revanche, les pays restent divisés sur le statut
conféré à la victime. Ainsi, en Allemagne, en Angleterre
et au Pays de Galles et aux Etats-Unis, la victime n'est pas
considérée comme une partie au procès, mais comme un
témoin. Toutefois, en Allemagne, elle peut faire valoir son droit
à indemnisation devant le tribunal pénal, même si ce
dernier peut rejeter sa demande sans que la victime ait de recours. En
Angleterre et aux Pays de Galles, le procureur peut demander que des
dommages-intérêts soient versés à la victime, mais
le juge peut refuser. Aux Etats-Unis, la victime peut engager une action en
responsabilité civile personnelle et séparée.
En Italie et en Espagne, la victime peut se constituer partie civile.
3) Tous les pays ont mis en place des procédures simplifiées
En
Angleterre et au Pays de Galles, en Italie et aux Etats-Unis, il s'agit
essentiellement de procédures de jugement sommaire, pour les infractions
les moins graves, ou de transactions pénales, lorsque l'accusé
accepte de plaider coupable. L'Italie envisage d'ailleurs d'instaurer une
nouvelle forme de transaction pénale afin d'élargir cette
pratique à une majorité d'affaires et de désengorger les
tribunaux.
En Allemagne, l'ordonnance pénale permet qu'environ 30 % des
affaires soient jugées au moyen d'une procédure écrite.
Par ailleurs, les solutions négociées informelles sont de plus en
plus utilisées.
Le code de procédure espagnol prévoit la possibilité d'un
accord sur la peine. Toutefois, cette procédure est très rarement
utilisée.
ALLEMAGNE
Le code de procédure pénale date de 1877 . Il a été modifié plusieurs fois depuis cette date. La principale réforme a eu lieu en 1975 : elle a aboli le juge d'instruction et apporté des exceptions au principe de légalité des poursuites en permettant au ministère public de classer sans suite dans certaines circonstances. |
I - LA PROCEDURE D'INSTRUCTION
1) Les acteurs
a) Le
ministère public
La compétence du ministère public est étendue
: il
enregistre les plaintes des victimes, il a
l'obligation de déclencher
les poursuites
(1(
*
))
dès qu'il a
connaissance d'une infraction, et
il dirige l'enquête de police
.
L'obligation qu'a le ministère public de déclencher les
poursuites constitue le corollaire du
monopole
(1)
de l'Etat dans
ce domaine.
Considéré comme un "
organe autonome de l'administration
de la justice
" et non comme une partie, sa principale mission
consiste à rechercher pendant la phase préparatoire les
éléments de preuve à charge et à décharge.
b) La police criminelle
Comme le ministère public ne dispose pas d'agents, un corps de police
spécialisé,
la police criminelle
, l'assiste dans ses
investigations.
En pratique, les plaintes sont directement traitées par la police, qui
adresse au ministère public un rapport résumant les actes
d'enquête et les preuves collectées. Le ministère public
n'est donc pas représenté pendant l'enquête, sauf
circonstances exceptionnelles.
c) Le " juge de l'instruction "
Bien que le ministère public dirige la procédure
d'instruction, toute une série de mesures lui sont interdites car la loi
les réserve au juge
. Pour les faire exécuter, le procureur
s'adresse donc au "
juge de l'instruction
", qui
vérifie la régularité juridique des actes qui lui sont
soumis sans pouvoir en apprécier l'opportunité.
Le " juge de l'instruction " est donc chargé du
contrôle formel de l'instruction
. Il intervient donc sur
requête du ministère public lorsque ce dernier ne peut pas
prescrire certaines mesures. Les actes de son ressort touchent essentiellement
à la liberté individuelle (prononcé de la détention
provisoire, placement dans un établissement psychiatrique, retrait du
permis de conduire, audition des témoins et des experts...).
Exceptionnellement, en cas d'urgence, le " juge de l'instruction "
peut être amené à agir de sa propre initiative.
2) La légalité des poursuites et ses exceptions
Lorsque
l'affaire est suffisamment instruite, le ministère public prend une
décision de poursuite ou une décision de classement. Le
classement peut être décidé pour des raisons
procédurales (irrecevabilité de la poursuite par exemple), pour
manque de preuves, ou pour des raisons tenant à
l'opportunité
des poursuites
.
En effet, si la
légalité des poursuites
,
conséquence du principe de l'égalité des
citoyens devant la loi
, demeure un
principe fondamental
de la
procédure pénale allemande,
la réforme de 1975 lui a
apporté plusieurs exceptions importantes
.
Le code de procédure pénale prévoit plusieurs
hypothèses dans lesquelles le ministère public n'est pas
obligé de poursuivre.
Un
classement sans suite en pure opportunité
est possible pour
les affaires les moins importantes. Le classement sans suite suppose cependant
le consentement du tribunal, sauf pour les infractions les plus
légères. Environ la moitié des affaires sont
classées sans suite.
Par ailleurs, un
classement sans suite sous condition
est possible pour
tous les délits dans la mesure où la faute de l'accusé
n'est pas trop importante et où une telle décision n'est pas
contraire à l'intérêt public. Dans ce cas, l'accord du
tribunal et du prévenu sont nécessaires, et ce dernier doit se
soumettre à certaines obligations (versement de
dommages-intérêts à la victime, d'une somme d'argent
à un organisme de bienfaisance ou à l'Etat...).
Les motifs de la décision de classement doivent être
communiqués à l'auteur de la plainte. Si celui-ci est victime de
l'infraction, il peut faire contrôler le bien-fondé du classement
en intentant un pourvoi auprès du supérieur hiérarchique
du procureur auteur de la décision de classement. En cas de rejet de ce
pourvoi, la victime peut saisir le tribunal régional supérieur.
La victime peut ainsi obtenir l'ouverture des poursuites malgré une
première décision de classement.
*
* *
Après que le ministère public a transmis l'acte
d'accusation à la juridiction de jugement, celle-ci exerce un
contrôle sur la décision de poursuite
.
C'est l'objet de la "
procédure
intermédiaire
" au cours de laquelle la juridiction de
jugement se prononce sur l'ouverture de la procédure principale. La
juridiction de jugement peut en effet refuser cette dernière, notamment
si elle estime les soupçons qui pèsent sur l'inculpé
insuffisants.
Le ministère public dispose d'une marge d'appréciation pour
saisir telle ou telle juridiction répressive
: il peut choisir l'une
ou l'autre des deux formations du tribunal cantonal en fonction de la peine
requise, ou même saisir le tribunal régional en invoquant une
"
importance particulière
".
II - LES PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DE LA PROCEDURE DE JUGEMENT
Le
procès pénal est de type
accusatoire
: l'accusation
et le jugement ne relèvent pas du même organe.
• Les débats sont
publics
et la
procédure est
orale
. Ceci interdit l'utilisation des procès-verbaux recueillis
pendant les interrogatoires. Le jugement ne peut s'appuyer que sur ce qui a
fait l'objet d'un débat, ou du moins sur des pièces qui ont
été lues à l'audience.
Le caractère
contradictoire
impose la comparution de
l'accusé et sa participation aux débats exactement au même
titre que le ministère public. La présence du prévenu est
donc essentielle, et la procédure pénale n'admet pas le jugement
par défaut.
• Le code de procédure pénale interdit une interruption
supérieure à dix jours et
impose que l'audience de jugement se
déroule de façon continue et dans un délai d'au plus onze
jours
. Cependant, lorsque l'audience a déjà duré au
moins dix jours, une interruption de trente jours est possible. Environ
90 % des affaires sont jugées dans l'année qui suit
l'infraction et les trois quarts le sont dans les six mois.
Dans la mesure où cette possibilité existe
(2(
*
))
, le
ministère public peut faire appel
de
la décision du tribunal.
III - L'ACTION CIVILE
En
règle générale, la victime n'est pas
considérée comme une partie au procès, mais comme un
témoin
.
L'indemnisation des dommages causés par une infraction relève des
juridictions civiles en vertu de la
séparation stricte entre action
publique et action civile
.
Cependant, depuis
la loi du 18 décembre 1986
,
la victime peut
faire valoir son droit à indemnisation devant les juridictions
pénales
si elle dépose une demande avant l'ouverture de
l'audience.
Le tribunal peut rejeter la demande pour irrecevabilité ou pour
non-conformité à la procédure pénale. Il peut y
faire droit en totalité ou en partie, le montant de l'indemnité
étant évalué par un juge civil.
En cas d'échec, le demandeur ne dispose d'aucune voie de recours
si ce n'est un pourvoi en révision, que l'on peut assimiler à la
cassation.
Ces inconvénients pour la victime ainsi que l'hostilité des
magistrats et des avocats (qui n'ont droit qu'à la moitié des
honoraires habituels dans ce cas) justifient la
faible utilisation de cette
procédure
.
IV - LES PROCEDURES SIMPLIFIEES
1) La procédure accélérée
Elle est
applicable sur demande du ministère public lorsque les conditions
suivantes sont réunies :
- l'infraction est passible d'une peine privative de liberté
inférieure à un an et relève de la compétence du
tribunal pénal de base ;
- la démonstration de la culpabilité de l'accusé a pu
être établie facilement.
Le tribunal du jugement peut refuser la requête du ministère
public, mais l'accusé n'a aucun recours contre une telle demande. Si le
tribunal l'accepte, l'audience de jugement a lieu dans les 24 heures, sans
passage par la procédure intermédiaire.
En pratique,
la procédure accélérée est peu
utilisée
car on lui préfère l'ordonnance
pénale.
2) L'ordonnance pénale
Lorsque
l'infraction est passible d'une amende ou d'une peine de prison
prononcée avec sursis d'au plus un an, le ministère public peut,
s'il estime qu'un jugement contradictoire n'est pas nécessaire, proposer
de le remplacer par une
procédure écrite
:
l'
ordonnance pénale
.
La demande du ministère public comporte la sanction requise. Si le juge
estime la requête fondée, il prononce la peine proposée
sans que l'inculpé ait été entendu par le tribunal. Le
condamné peut s'opposer à l'ordonnance pénale, ce qui
entraîne l'ouverture d'un jugement contradictoire.
En pratique, cette procédure est utilisée dans environ 30 %
des cas jugés par les tribunaux répressifs de base.
*
* *
Par ailleurs, bien que le principe de l'instruction impose aux autorités de rechercher la vérité et s'oppose à toute négociation, les solutions négociées sont de plus en plus utilisées. La Cour constitutionnelle fédérale, qui a eu l'occasion de se prononcer sur ce point en 1987, en a admis le principe dans certaines circonstances. Des arrangements informels sont conclus entre les avocats, le ministère public et les juges, en particulier dans les affaires les plus complexes : la reconnaissance par l'accusé de certains faits entraîne la promesse par le juge d'une réduction de peine.
ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES
Il
n'existe pas de code de procédure pénale. Les règles de la
procédure, qui sont établies par de nombreux textes épars
dont le plus récent est le
Criminal Procedure and Investigations Act
de 1996, ont été profondément modifiées depuis
quelques années.
|
I - LA PROCEDURE D'INSTRUCTION
1) Les acteurs
a) La
police
La police n'est pas placée sous l'autorité du ministre de
l'Intérieur. Jusqu'à l'entrée en vigueur du
Police and
Magistrates' Courts Act
de 1994, ce dernier ne pouvait qu'émettre
des circulaires à son intention. Toutefois, la loi de 1994 tend à
limiter l'autonomie des forces de police. En effet, le ministre de
l'Intérieur peut désormais :
- demander à une autorité locale la démission d'un chef
de police ;
- avoir recours aux services d'inspection afin qu'ils contrôlent une
force de police ;
- redessiner les aires de compétence des forces de police ;
- leur fournir des services et les obliger à utiliser certains
équipements...
La police exerce une double mission : la
recherche des preuves
et
le
déclenchement des poursuites.
Elle ne détient pas le
monopole de l'action publique.
Aucune autorité ne peut contraindre la police à intenter des
poursuites qu'elle ne souhaite pas engager. Une fois les poursuites
déclenchées, la police doit transmettre l'affaire au
Crown
Prosecution Service
.
b) Le ministère public
Le
Crown Prosecution Service
(CPS),
mis en place en 1985 par le
Prosecution of Offences Act
pour contrôler les dossiers
d'accusation que la police constitue, agit en toute opportunité pour
demander à la police de continuer ou d'arrêter l'enquête
après qu'elle lui a transmis le dossier.
Le CPS continue ou
arrête les poursuites qui ont été initialement
déclenchées par la police
. Si la police n'entame pas les
poursuites, le CPS ne doit en principe pas intervenir.
Toutefois, aussi bien la victime que n'importe quel particulier ont le droit de
saisir directement les tribunaux. Dans ce cas, le CPS peut décider de
conduire les poursuites, mais il n'y est pas obligé. Il peut
également les arrêter s'il estime qu'elles ne sont pas
fondées.
Le CPS agit sous l'autorité du directeur des poursuites qui a pour
mission, outre la prise en charge de la conduite des poursuites entamées
par la police, l'engagement et la conduite des poursuites des affaires
importantes ou complexes. Toutefois, ce droit est rarement utilisé.
Le directeur des poursuites est nommé par l'
Attorney General
et placé sous son autorité. L'
Attorney General
, bien
qu'ayant rang de ministre, est indépendant du gouvernement (il ne
siège pas au conseil des ministres) et responsable devant le Parlement.
Il engage et dirige les poursuites relatives aux infractions d'une
exceptionnelle gravité ou complexité, et notamment aux
infractions en rapport avec la sécurité de l'Etat. Par ailleurs,
certaines infractions ne peuvent être poursuivies sans son consentement
préalable (ex. terrorisme).
c) Le juge
Le juge qui intervient pendant la phase policière est un
magistrate,
c'est-à-dire un juge non professionnel. Il n'est pas chargé
de surveiller l'enquête, mais intervient ponctuellement afin d'autoriser
la police à effectuer certains actes. Le cas échéant, il
délivre les mandats d'arrêt, de perquisition, de saisie ou
autorise la prolongation des gardes à vue.
2) L'opportunité des poursuites
Le
principe qui prévaut est celui de
l'opportunité des
poursuites
: l'obligation de poursuivre ne s'impose que lorsque
"
il apparaît que l'infraction ou les circonstances de sa
commission ont un caractère tel que la poursuite est requise dans
l'intérêt public
".
Afin d'aider la police et le CPS dans leurs décisions, un code de
conduite et un document définissant les critères de la poursuite
ont été établis. De ces textes, il ressort que doivent
être pris en compte :
- la gravité de l'infraction ;
- l'ancienneté de cette infraction, la poursuite ne devant plus
être engagée passé un délai de trois ans
après l'infraction ou dix ans pour un meurtre ;
- l'âge ou l'état de santé du délinquant ;
- un éventuel retrait de plainte.
Par ailleurs, le classement sans suite sous condition est largement
utilisé.
Toutefois, en cas de classement, tout citoyen, et pas seulement la victime, est
autorisé à engager directement les poursuites. En pratique,
l'action lancée par de simples citoyens, qui devront donc assumer la
totalité des frais de procédure et rassembler eux-mêmes les
preuves, est très rare.
*
* *
Lorsque
l'accusé est inculpé d'une infraction grave et doit, à ce
titre, être jugé devant la
Crown Court
, une enquête
préliminaire (
committal proceedings
) doit être menée
par le
magistrate
. Cette enquête a pour but de déterminer
si les charges qui pèsent contre l'inculpé sont fondées
et, le cas échéant, s'il doit être renvoyé devant la
Crown Court
. Elle doit avoir lieu dans les soixante-dix jours de la
première comparution et le procès en
Crown Court
doit en
principe commencer dans les cent douze jours de la décision de renvoi.
Cette enquête préliminaire se présentait à l'origine
sous la forme d'une procédure orale lors de laquelle les témoins
pouvaient être interrogés contradictoirement par l'avocat de
l'accusé. Cette procédure ayant été jugée
lourde et coûteuse, en 1967 une seconde forme d'enquête
préliminaire autorisant le ministère public à soumettre
les preuves non contestées sous forme de dépositions
écrites fut admise. Bien que cette dernière procédure ait
été, dès lors, utilisée dans la grande
majorité des cas, il semble qu'elle n'ait pas amélioré le
coût et la complexité de l'enquête préliminaire.
Aussi, devant la recrudescence des affaires devant être examinées
en enquête préliminaire, fut-il décidé lors de
l'examen du C
riminal and Public Order Act
de 1994 de remplacer les
committal proceedings
par une procédure écrite, dite de
transfer for trial
.
Cependant, face aux critiques formulées à l'encontre du
transfer for trial
, jugé à son tour complexe,
bureaucratique et rigide, les
committal proceedings
furent
rétablis et modifiés par le
Criminal Procedure and
Investigations Act
de 1996.
Si l'enquête préliminaire, procédure orale, se
déroule toujours en présence de l'accusé, désormais
seules les preuves écrites peuvent être examinées et aucun
témoignage ne peut être entendu à ce stade de la
procédure.
II - LES PRINCIPALES CARACTERISQUES DE LA PROCEDURE DE JUGEMENT
Ces
caractéristiques valent aussi bien pour les procès devant la
Crown Court
(pour les infractions graves) que devant les
magistrates'
courts
(pour les infractions moins graves).
Le procès pénal est de type
accusatoire
: le juge
n'a aucun lien avec l'accusation et ne participe pas à
l'élaboration de la preuve ; il dirige les débats, tranche
les questions de droit et s'assure de la loyauté des
procédés utilisés pour la recherche de la preuve ; il
ne peut interroger les témoins.
Les débats sont publics et la
procédure est orale
et
contradictoire
: il n'existe rien de comparable au dossier
français, les procès-verbaux des témoins ne sont pas
communiqués à la Cour ; le témoignage des personnes
comparaissant à l'audience constitue la seule preuve recevable. A de
rares exceptions près, le procès ne peut avoir lieu qu'en
présence de l'accusé.
Le CPS ne peut pas faire appel de la décision du tribunal.
III - L'ACTION CIVILE
La victime n'a pas le droit d'être informée de la progression des poursuites ou du procès. Si les poursuites ont été engagées par la police et le CPS, elle ne peut intervenir que pour apporter son témoignage. Elle n'a pas le pouvoir de demander elle-même des dommages-intérêts. Le procureur peut le faire, mais le juge peut refuser sur décision motivée.
IV - LES PROCEDURES SIMPLIFIEES
Les
infractions les moins graves donnent systématiquement lieu à une
procédure simplifiée puisque les affaires portées devant
les
magistrates' courts
font par nature l'objet d'une procédure
sommaire devant avoir lieu dans les soixante-dix jours de la première
comparution.
Cependant, qu'il s'agisse des affaires examinées par les
magistrates'
courts
ou par la
Crown Court
, le fait de plaider coupable simplifie
et accélère notablement la procédure. En effet, lorsque
l'accusé plaide coupable, aucune discussion sur la preuve n'a lieu et la
culpabilité est automatiquement reconnue. Dans cette hypothèse,
devant la
Crown Court
, la présence du jury n'étant pas
nécessaire, la cour siège à juge unique.
La décision de l'accusé de plaider coupable résulte le
plus souvent d'une transaction pénale,
plea bargaining
ou
sentence discounting
(3(
*
))
.
ESPAGNE
Le code de procédure pénale , largement inspiré du code français d'instruction criminelle de 1808, date de 1882 . Plusieurs fois modifié depuis, il n'a pas encore fait l'objet de la grande réforme attendue depuis plusieurs années. |
I - LA PROCEDURE D'INSTRUCTION
1) Les acteurs
a) Le
ministère public
L'article 124 de la Constitution décrit ainsi sa mission : "
Le
ministère public, sans préjudice des fonctions confiées
à d'autres organes, a pour mission de promouvoir l'action de la justice
pour défendre la légalité, les droits des citoyens et
l'intérêt public protégé par la loi, d'office ou
à la demande des intéressés, de veiller à
l'indépendance des tribunaux et de rechercher devant ceux-ci la
satisfaction de l'intérêt social
. "
Pendant la phase d'instruction,
la compétence du ministère
public apparaît
assez limitée
: il enregistre, au
même titre que les autorités de police et les juges, les plaintes.
Il est informé des plaintes qui ne lui ont pas été
soumises et a l'obligation de déclencher l'action publique dès
qu'il a connaissance d'une infraction.
Il ne détient pas le monopole du déclenchement des
poursuites
car tout citoyen espagnol, qu'il soit ou non victime, peut
exercer cette action en vertu de l'article 125 de la Constitution "
Les
citoyens pourront exercer l'action populaire (...)
", repris par
l'article 101 du code de procédure
pénale selon
lequel
" L'action pénale est publique. Tous les citoyens
espagnols pourront l'exercer conformément aux dispositions de la
loi.
"
Compte tenu de ses faibles effectifs, de la concentration de ses membres dans
les capitales provinciales et de son manque de coordination avec la police
judiciaire, le rôle du ministère public pendant la phase
d'instruction est essentiellement passif et limité au contrôle de
certains actes de l'instruction. Bien qu'il ait la possibilité,
lorsqu'il a enregistré la plainte lui-même, de procéder aux
actes d'investigation qui ne touchent pas aux droits fondamentaux, en pratique,
il ne le fait pas.
b) La police judiciaire
L'article 126 de la
Constitution
stipule : "
La police
judiciaire dépend des juges, des tribunaux et du ministère public
en ce qui concerne la recherche du délit ainsi que la découverte
et l'arrestation du délinquant, dans les termes établis par la
loi
. "
L'article 282 du code de procédure pénale la charge
d'enquêter sur les délits, de réaliser les enquêtes
nécessaires, de découvrir les délinquants, de
récolter tous les éléments de preuve qui pourraient
disparaître et de mettre ces derniers à la disposition des
autorités judiciaires.
A l'article suivant, le
code de procédure pénale
précise que la police judiciaire constitue un
auxiliaire des juges et
tribunaux compétents en matière pénale ainsi que du
ministère public, et qu'elle doit suivre leurs instructions
.
c) Le juge d'instruction
Depuis 1882, la procédure pénale espagnole a conservé au
juge d'instruction les attributions de son homologue français. La prise
en charge de toute la procédure d'instruction par le ministère
public, évoquée à plusieurs reprises, n'a pas
été introduite.
Jusqu'en 1988, le juge d'instruction pouvait statuer au fond après avoir
instruit, lorsque l'infraction n'était pas passible d'une peine
supérieure à six mois d'emprisonnement. La loi organique n°
7 du 28 décembre 1988 a tiré les conséquences d'une
décision du Tribunal constitutionnel (qui lui-même appliquait la
jurisprudence De Cubber de la Cour européenne des droits de
l'homme) en supprimant cette exception au principe de la séparation de
l'instruction et du jugement.
2) La légalité des poursuites
L'article 100 du code de procédure pénale dispose que
"
de tout délit et de toute contravention naît une action
pénale en vue du châtiment du coupable
(...) ".
L'article 105 renforce cette affirmation en obligeant le ministère
public à exercer l'action publique.
Cette règle est interprétée très rigoureusement, la
jurisprudence étant unanime pour décider que les tribunaux
doivent appliquer la loi, même lorsque la dépénalisation du
fait est imminente.
*
* *
Après que le juge d'instruction a achevé son instruction, il rend un arrêt de conclusion, ce qui a pour effet de clore l'instruction, d'ouvrir la phase intermédiaire, c'est-à-dire la phase du procès qui se situe entre l'instruction et l'audience, et de saisir le tribunal du jugement. C'est en effet ce dernier qui décide s'il y a ou non lieu d'ouvrir le procès.
II - LES PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DE LA PROCEDURE DE JUGEMENT
•
Le procès pénal est de type
accusatoire
: la poursuite et
le jugement ne relèvent pas du même organe.
• Les débats sont
publics
et la
procédure est
orale
. Ces deux principes sont d'ailleurs inscrits dans la Constitution,
à l'article 120 :
"
1. Les actes judiciaires seront publics, à l'exception des cas
prévus par les lois sur la procédure.
"
2. La procédure sera principalement orale, surtout en
matière criminelle (...).
"
• Le caractère
contradictoire
de la procédure impose
la comparution de l'accusé et sa participation au débat. En son
absence, l'audience doit être suspendue. Le jugement par contumace n'est
admis que pour les infractions les moins graves.
• En vertu du principe
d'"
immédiateté
", le jugement du
tribunal ne peut se fonder que sur les allégations faites à
l'audience et sur les pièces produites devant lui. Ainsi, la
déclaration d'un témoin ne peut pas être remplacée
par la lecture d'une de ses dépositions faites pendant l'instruction.
• Le code de procédure pénale prescrit que
l'audience,
une fois ouverte, doit se poursuivre sans interruption jusqu'à sa
conclusion
, ce qui n'empêche ni les pauses entre deux séances,
ni les suspensions justifiées (nécessité de
résoudre des questions incidentes par exemple).
III - L'ACTION CIVILE
Même si les poursuites ont été
déclenchées par le ministère public,
les personnes
lésées par l'infraction sont supposées exercer
également l'action civile
, directement ou par l'intermédiaire
du ministère public. Elles peuvent cependant renoncer
expressément à leur droit à réparation ou
décider de reporter l'exercice de l'action civile jusqu'après la
fin du procès pénal.
En revanche, elles ne peuvent pas utiliser le procès pénal pour
obtenir uniquement une décision sur l'action civile, ni exercer celle-ci
devant les tribunaux civils pendant le déroulement du procès
pénal.
IV - LES PROCEDURES SIMPLIFIEES
L'article 655 du code de procédure pénale
prévoit la possibilité pour l'accusé de donner son accord
à la peine demandée par le ministère public. Le tribunal,
s'il en est d'accord, peut alors prononcer une
sentence de
conformité
et condamner l'accusé à la peine
proposée, sans qu'il y ait de débat.
L'accusé peut donner son accord pendant la phase intermédiaire ou
au début de l'audience de jugement.
La sentence de conformité est exclue lorsque la peine requise est
supérieure à six ans de prison.
En pratique, cette procédure est rarement utilisée. En outre,
comme la sentence de conformité ne peut être prononcée
qu'après la phase d'instruction, son intérêt en termes
" économiques " apparaît limité.
ITALIE
Le
code de procédure pénale
est assez récent,
puisqu'il est entré en vigueur en
1989
. La nouvelle
procédure pénale italienne, mise en place afin, d'une part,
d'instaurer une procédure à tendance accusatoire et, d'autre
part, de remédier aux lenteurs du système pénal, a
été très critiquée. Aussi, le gouvernement a-t-il
entrepris une réforme globale de la justice, qui s'est traduite par le
dépôt de
plusieurs projets de loi depuis juillet 1996
. Ces
projets, qui ne devraient cependant pas aboutir avant janvier 1998, visent
notamment à permettre :
|
I - LA PROCEDURE D'INSTRUCTION
1) Les acteurs
a) La
police judiciaire
Elle est chargée d'assister le ministère public dans ses
investigations. Elle doit donc signaler, sans délai et par écrit,
au ministère public l'existence de toute infraction dont elle a eu
connaissance. Elle peut cependant accomplir des actes spécifiques de sa
propre initiative afin de rechercher l'infraction ou de réunir des
éléments utiles à l'enquête.
La police judiciaire est organisée en sections, attachées
à chaque bureau du ministère public. Elles sont composées
d'officiers et agents des trois principaux corps de police :
- la police d'Etat, placée sous l'autorité du ministre de
l'Intérieur ;
- les
carabinieri
, rattachés au ministère de la
Défense ;
- la garde des finances, qui dépend du ministère des Finances.
Le lien de subordination entre ces corps et l'exécutif est fonctionnel,
et l'autorité judiciaire dispose directement du personnel de police.
b) Le ministère public
Le ministère public est chargé de l
'enquête
préliminaire
et de
l'engagement des poursuites
dont il a le
monopole. Lors de l'enquête préliminaire, le ministère
public bénéficie de prérogatives étendues : il
peut requérir la police judiciaire pour l'accomplissement
d'activités d'enquête et d'actes spécifiques
(perquisitions, saisies...). Bien que les actes d'enquête soient couverts
par le secret, il peut décider de lever ce secret, dans
l'intérêt de l'enquête. Le ministère public doit
mettre fin à l'enquête préliminaire dans un délai de
six mois à compter de l'enregistrement de l'infraction. Toutefois, il
est courant que des prorogations de délai lui soient accordées
(dans la limite de 18 mois ou 2 ans pour les infractions graves) par
le juge de l'enquête préliminaire.
Les magistrats du ministère public ont actuellement le
même
statut que les magistrats du siège et relèvent du Conseil
supérieur de la magistrature, organe indépendant du pouvoir
exécutif
. Il existe des bureaux du ministère public
auprès de chaque tribunal, chacun de ces bureaux possédant sa
propre autonomie.
Le ministère public a
l'obligation d'exercer l'action
pénale
, et quand une plainte, une requête ou une autorisation
ne sont pas nécessaires à l'engagement des poursuites, l'action
pénale est exercée d'office.
A la fin de l'enquête préliminaire, le ministère public
doit présenter une requête de classement sans suite ou de renvoi
en jugement au juge de l'enquête préliminaire.
c) Le juge de l'enquête préliminaire
Il est chargé du
contrôle de la légalité
des
investigations et des décisions restreignant les droits fondamentaux
(garde à vue, écoutes téléphoniques, prolongation
de la durée de l'enquête préliminaire...).
C'est également le juge de l'enquête préliminaire qui
mène l'audience des "
incidents probatoires
",
procédure qui permet au suspect ou au ministère public d'obtenir
des éléments de preuve décisifs qui ne peuvent être
recueillis par la voie normale, mais dont le contenu doit être
fixé avec solennité (par exemple, recueillir le témoignage
direct d'une personne infirme, menacée ou d'un complice repenti).
Il est chargé, lors de
l'audience préliminaire qui clôt
l'enquête préliminaire
, d'apprécier les
décisions de classement sans suite ou de renvoi en jugement prises par
le ministère public.
En outre, lorsque l'affaire suit une procédure spéciale, jugement
abrégé, application de la peine sur requête des parties
(
pattegiamento
) et ordonnance pénale (cf. IV ci-dessous), le
juge de l'enquête préliminaire procède lui-même, sans
qu'il y ait besoin d'audience préliminaire, au jugement. En revanche,
les autres procédures simplifiées examinées plus loin ont
lieu directement devant le juge du jugement sans intervention du juge de
l'enquête préliminaire.
2) La légalité des poursuites
Bien que
le système italien se soit considérablement rapproché du
droit anglo-américain, le
principe de la légalité des
poursuites consacré par l'article 112 de la Constitution
a
été maintenu et ne souffre pas d'exception.
Toutefois, il est possible qu'une fois la poursuite engagée, celle-ci
soit abandonnée. Ainsi, l'oblation volontaire permet à l'auteur
d'une contravention punissable d'une amende et/ou d'une peine privative de
liberté de payer avant le jugement une somme égale au tiers du
maximum de l'amende prévue par la loi. Cette procédure
éteint l'action publique.
En tout état de cause, la victime comme le ministère public
peuvent faire opposition à une décision de classement sans suite
d'une affaire. Cette opposition entraîne la tenue d'une audience
contradictoire sur les résultats de l'enquête.
II - LES PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DE LA PROCEDURE DE JUGEMENT
Le
procès pénal est de type
accusatoire
: l'accusation
et le jugement ne relèvent pas du même organe ; le juge
n'intervient au cours de l'audience de jugement que pour la conduite des
débats.
Les débats sont
publics
, sauf si la publicité risque de
nuire aux bonnes moeurs ou de divulguer des secrets d'Etat.
La procédure est
orale
, même s'il existe des dossiers
d'instruction. Le système mis en place prévoit deux dossiers
d'instruction. Les procès-verbaux des actes accomplis pendant la phase
préliminaire ne doivent pas figurer dans le dossier " pour les
débats " mais dans le dossier du ministère public. Or seules
les données du dossier " pour les débats " peuvent
être utilisées comme moyen de preuve.
La procédure est
contradictoire
et la présence de
l'accusé est exigée. Toutefois, dans le cas où celui-ci ne
comparaît pas, pour une raison non légitime, le juge prononce le
jugement par contumace.
III - L'ACTION CIVILE
La
victime ne peut déclencher les poursuites, mais peut se constituer
partie civile
. Elle peut, dès lors que l'infraction lui a
causé un dommage, intervenir à tous les stades de la
procédure pour demander réparation.
De même, les personnes morales représentant les
intérêts lésés par l'infraction peuvent
présenter des mémoires et fournir des éléments de
preuve.
IV - LES PROCEDURES SIMPLIFIEES
En
dehors de l'oblation, du
pattegiamento
et du jugement
abrégé, procédures de transaction pénale
déjà traitées dans une étude
précédente
(5(
*
))
les autres
procédures simplifiées sont :
- le jugement direct,
- le jugement immédiat,
- l'ordonnance pénale.
Le
jugement direct
consiste en la présentation directe du
délinquant au juge de jugement, sans qu'une audience préliminaire
soit nécessaire. Cette procédure est réservée aux
cas de flagrant délit.
Le
jugement immédiat
permet également d'éliminer
l'audience préliminaire. Il faut qu'au préalable la preuve de la
culpabilité du prévenu ait été établie sans
doute possible.
L'ordonnance pénale
ne s'applique qu'aux infractions pour
lesquelles le ministère public estime que seule une peine
pécuniaire doit s'appliquer. Dans ce cas, la condamnation directe est
prononcée par le juge de l'enquête préliminaire.
ETATS-UNIS
L'administration de la justice criminelle relève principalement des Etats et non du pouvoir fédéral. Il y a donc plusieurs systèmes de procédure pénale. Toutefois, ces différents systèmes sont relativement homogènes et il est possible d'en dégager des principes généraux. |
I - LA PROCEDURE D'INSTRUCTION
1) Les acteurs
a) La
police
S'il existe au moins une police au niveau de chaque Etat, la majeure partie du
personnel de la police est recrutée au niveau du comté ou de la
municipalité et est responsable devant l'exécutif local. Les
polices d'Etat ont essentiellement un rôle de coordination des polices
locales.
Les polices fédérales, au nombre d'une cinquantaine,
dépendent des ministères de la Justice, du Trésor ou des
Transports. Elles sont compétentes pour toutes les infractions
impliquant plus d'un Etat.
La police, en général, est chargée de l'enquête sur
les faits criminels portés à son attention ou qu'elle a
découverts spontanément.
Elle agit en coopération avec le procureur, mais est
généralement indépendante, n'étant pas soumise
à son contrôle.
Elle peut toutefois être assistée au cours de ses enquêtes
par des personnes engagées par le procureur.
b) Le ministère public
Il s'agit du
procureur
,
attorney
, qui est chargé d'engager
les poursuites et d'établir le dossier d'accusation. Il a une
liberté quasi absolue et quand il décide de poursuivre, il
détermine seul les chefs d'accusation et les faits qu'il entend retenir.
La Cour suprême a d'ailleurs jugé que cette liberté
était "
absolument nécessaire à l'exercice normal
de ses fonctions
".
Toutefois, pour les infractions graves, le procureur doit, si la loi ou la
constitution d'un Etat le prévoit, saisir un grand jury afin qu'il
apprécie les charges. Dans ce cas, c'est le grand jury qui
établit l'acte d'accusation. En tout état de cause l'acte
d'accusation doit être établi au plus tard 30 jours
après l'arrestation du suspect.
Le grand jury apprécie l'opportunité de poursuivre,
établit l'acte d'accusation et peut participer à l'enquête
avant de rendre sa décision. A ce titre, il jouit d'une grande autonomie
et de pouvoirs d'enquête étendus. La procédure devant le
grand jury est secrète et n'est pas contradictoire. Le grand jury
fonctionne donc selon un modèle purement inquisitoire.
Au niveau des Etats, le procureur est élu. Il est donc relativement
indépendant du pouvoir exécutif.
Au niveau fédéral, le procureur général des
Etats-Unis est membre du gouvernement. Les procureurs sont nommés pour
quatre ans par le président des Etats-Unis sur consentement du
Sénat et sont révocables. Les assistants procureurs, responsables
fédéraux des districts sont nommés par le procureur
général et révocables par lui. On ne peut donc pas parler
d'indépendance du ministère public au niveau
fédéral.
c) Le juge
Dès lors qu'un suspect est arrêté, il doit être
présenté à un
magistrate
(juge de rang
inférieur) qui procède alors au premier examen. Il s'agit d'une
audience publique, destinée à permettre de déterminer si
les preuves réunies contre le suspect justifient sa détention.
Cette audience n'est pas une procédure d'instruction et le juge ne peut
interroger le suspect ; il doit apprécier le caractère
probable de la culpabilité. Lorsqu'il maintient l'accusation, il doit
fixer le montant de la caution requise afin de placer le suspect en
liberté provisoire.
C'est le même
magistrate
qui délivre, la plupart du temps
a posteriori
les mandats d'arrestation, de perquisition, de saisie et
d'écoutes téléphoniques.
2) L'opportunité des poursuites et ses exceptions
La
décision d'engager les poursuites est appréciée en toute
opportunité par le procureur. Lorsque les poursuites sont
lancées, le procureur peut en outre les abandonner ou les suspendre.
En cas d'abandon des poursuites, de plus en plus d'Etats exigent que le
procureur motive sa décision. C'est également le cas au niveau
fédéral.
La suspension des poursuites est prise en accord avec le délinquant et
doit être homologuée par le juge. Elle est accordée pour un
an, et à condition que l'intéressé satisfasse à
certaines obligations. A l'issue de ce délai, le procureur peut
décider d'abandonner les poursuites.
II - LES PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DE LA PROCEDURE DE JUGEMENT
Que
l'acte d'accusation ait été établi directement par le
procureur ou par un grand jury, l'accusé doit ensuite être traduit
devant le juge de première instance pour une
audience
préliminaire
. Ce dernier doit procéder à la lecture
officielle des chefs d'accusation en audience publique. L'accusé doit
alors déclarer s'il plaide coupable ou non coupable. S'il plaide
coupable, le juge déclare immédiatement la culpabilité et
fixe la peine.
La peine résulte la plupart du temps d'une transaction mise au point
avant le jugement (cf. IV -
plea bargaining
) entre le
ministère public, l'accusé, son avocat et très souvent le
juge lui-même.
Lorsque l'accusé plaide non coupable, il existe deux procédures
différentes suivant que l'infraction est grave ou moins grave.
Pour ces dernières infractions le juge peut procéder au
jugement sur le champ
ou après un délai assez bref
permettant à l'accusé de se procurer un avocat ou des
témoins à décharge.
S'il s'agit d'une infraction grave, le
procès
devra avoir lieu
(dans les 70 jours suivant l'émission de l'acte d'accusation)
devant un tribunal.
Quelle que soit la nature de l'infraction,
la procédure est
contradictoire, accusatoire et orale et les débats sont publics.
Une quinzaine de jours après le procès, si l'accusé a
été reconnu coupable, doit avoir lieu une
deuxième
audience publique
au cours de laquelle le juge doit fixer la
peine
applicable.
III - L'ACTION CIVILE
La victime d'une infraction ne peut elle-même déclencher les poursuites, ni intervenir lorsque l'action a déjà été engagée par le ministère public. Elle n'est pas partie à la procédure pénale. Elle peut cependant engager une action en responsabilité civile personnelle et séparée.
IV - LES PROCEDURES SIMPLIFIEES
Il
s'agit principalement du
plea bargaining
, procédure de
transaction pénale déjà traitée dans une
étude précédente
(6(
*
))
, et de
la faculté donnée au
magistrate
de statuer directement sur
les affaires relatives aux infractions les moins graves.
Par ailleurs dans certains Etats, lorsque la loi le permet, l'accusé a
le droit de renoncer à l'audience préliminaire.
(1)
L'obligation de mettre en mouvement l'action publique admet quelques
aménagements. De même, le monopole de l'Etat connaît
quelques restrictions et exceptions.
(2)
Les décisions du Schwurgericht, équivalent de notre
cour d'assises, ne sont pas susceptibles d'appel.
(3)
Cf. Etude de législation comparée n° 64 de
septembre 1994.
(4)
A l'exception des criminels condamnés pour homicides,
activités mafieuses, enlèvement, violences sexuelles ou trafic de
drogue.
(5) cf. Etude de législation comparée n° 64 de
septembre 1994.
(6) Cf. Etude de législation comparée n° 64 de
septembre 1994.